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ENEV - Comité permanent

Énergie, environnement et ressources naturelles

 

Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles

Fascicule 8 - Témoignages - Séance de l'après-midi


CALGARY, le lundi 7 mars 2005

Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd'hui à 14 heures afin d'étudier les nouvelles questions concernant son mandat et d'en faire rapport.

Le sénateur Tommy Banks (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : La séance est ouverte. Nous avons le quorum.

Je vous présente le sénateur Willie Adams, du Nunavut. Le sénateur Lorna Milne, de l'Ontario. Le sénateur Mira Spivak, du Manitoba. Je m'appelle Tommy Banks. Nous sommes membres du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles. Je n'ai pas présenté tous les membres, car tout le monde n'est pas à sa place.

Notre mandat est si vaste qu'il est presque impossible à décrire. Nous effectuons des études sur l'eau. Je crois que vous le savez. Nous nous penchons également sur la question de l'énergie, y compris l'énergie nucléaire et le combustible épuisé.

Je suis Albertain et pour moi, il est normal d'obtenir, de produire, de trouver de l'énergie.

Les sénateurs peuvent vous poser des questions sur n'importe quel des domaines que je viens de mentionner ou sur toute autre domaine connexe. Mais avant de passer à la période de questions, je pense que vous avez quelque chose à nous dire.

Nos deux invités sont M. Brian Maynard et M. Stephen Ewart. Ces deux messieurs font partie de l'Association canadienne des producteurs pétroliers. M. Alvarez, qui devait présenter un témoignage aujourd'hui, n'est pas présent.

Monsieur Maynard, c'est à vous.

M. Brian Maynard, vice-président, Affaires publiques, Association canadienne des producteurs pétroliers : Je vous remercie au nom de Pierre Alvarez, notre président, qui est désolé de ne pas pouvoir être ici aujourd'hui. Il est à Ottawa, car comme les membres du comité, nous avons bien des questions à régler et nous devons faire de nombreux déplacements, ce qui fait que nous sommes un peu à court de temps.

J'aimerais d'abord vous souhaiter la bienvenue à Calgary. La température est toujours comme cela ici.

Le président : Je suis né ici.

Le sénateur Milne : Ce n'est pas comme à Ottawa.

M. Maynard : J'aimerais particulièrement remercier les membres du comité de nous avoir invités à présenter notre point de vue au sujet de certaines des questions qui touchent notre industrie.

Notre mémoire, dont vous avez reçu copie, comprend cinq points principaux. Le Canada possède une vaste réserve de pétrole et de gaz. Le développement des hydrocarbures génère d'immenses avantages pour notre pays. Notre industrie reconnaît qu'il faut exploiter cette ressource de manière responsable. Nous le faisons. Au bout du compte, tant que nous continuons à exploiter cette ressource d'une manière responsable, c'est dans le meilleur intérêt du gouvernement de nous faciliter la tâche, dans l'intérêt des Canadiens.

Le Canada est l'un des plus grands producteurs d'hydrocarbures au monde. Nous sommes le neuvième producteur de pétrole brut et le troisième plus grand producteur de gaz naturel.

Le président : Je m'excuse, monsieur Maynard. Désolé de vous interrompre. Nous sommes soumis à une procédure parlementaire, ce qui fait que nous devons observer quelques règles et l'une d'elles, c'est que tout ce que vous dites doit être interprété. Je vous invite donc à ralentir un peu votre débit.

M. Maynard : Veuillez m'excuser, ce sont mes racines terre-neuviennes. Je peux dire beaucoup de mots en quelques secondes.

Le Canada est l'un des plus grands producteurs d'hydrocarbures au monde : le neuvième plus grand producteur de pétrole brut et le troisième plus grand producteur de gaz naturel. Nous faisons également partie des quelques pays qui produisent plus d'hydrocarbures que ce que nos citoyens consomment.

L'exportation des hydrocarbures compte pour environ 60 p. 100 de l'excédent commercial annuel du Canada et contribue grandement à notre PIB. En raison essentiellement des sables bitumineux de l'ouest du Canada, nous faisons partie des rares pays du monde qui peuvent augmenter de manière importante leur production à long terme afin de répondre à une demande d'énergie croissante dans le monde. Les 180 milliards de barils de pétrole brut disponibles en réserve constituent la deuxième plus grande réserve au monde après l'Arabie saoudite.

L'industrie pétrolière et gazière crée également 350 000 emplois directs et indirects au Canada, et nous prévoyons verser environ 20 milliards de dollars directement au gouvernement en 2005.

Le total des dépenses de nos membres excèdent 75 milliards annuellement, dont plus de 30 milliards de dollars en dépenses d'équipement, ce qui fait de nous le plus grand investisseur privé du secteur industriel au Canada.

Notre industrie connaît depuis longtemps des records en matière de croissance, de productivité, de dépense d'équipement et de technologie innovatrice. Nous disposons également d'une main d'œuvre hautement qualifiée.

Les vastes réserves d'hydrocarbures présentes au Canada signifient que l'exploration et la production de pétrole et de gaz peuvent continuer d'être une part importante de l'économie du Canada pour des dizaines d'années à venir. Cependant, cela n'est possible que si l'industrie, les gouvernements et les autres intervenants travaillent ensemble afin de trouver des manières d'équilibrer nos besoins économiques et nos priorités environnementales. Il est important que notre industrie puisse accéder aux ressources d'une manière opportune et efficiente. Bien que le Canada dispose d'abondantes ressources d'hydrocarbures, son approvisionnement en énergie provient en majeure partie d'autres où le pétrole est beaucoup plus cher à exploiter. Afin de produire et de fournir nos produits aux consommateurs, les industries ont besoin d'un accès sûr et sécuritaire aux ressources. Cependant, l'accumulation de processus réglementaires complexes et chevauchants menace notre capacité à accéder à cette ressource.

L'industrie pétrolière du Canada œuvre dans l'un des pays où l'exploitation coûte le plus cher. Le chevauchement et le dédoublement du système réglementaire ne fait qu'accroître les coûts. Un système de réglementation clair et simple nous aiderait à faire plus d'investissements, à accroître nos approvisionnements de pétrole et de gaz, à créer plus d'emploi et à générer plus de revenu pour le gouvernement.

L'eau est une question très importante au Canada, et particulièrement ici en Alberta, en raison des dernières sécheresses. Beaucoup de personnes croient que notre industrie utilise une quantité importante de l'eau disponible en Alberta pour ses exploitations; cela n'est pas vrai. L'industrie pétrolière et gazière utilise moins de 2 p. 100 de l'ensemble de l'eau de dérivation de l'Alberta. Par comparaison, l'industrie agricole peut utiliser environ 46 p. 100 de cette eau.

Au cours des 30 dernières années, notre industrie a diminué de moitié la quantité d'eau douce utilisée pour l'injection des champs de pétrole. Les progrès technologiques nous ont permis d'utiliser davantage d'eau salée souterraine et, dans certains cas, nous injectons maintenant du dioxyde de carbone dans le sous-sol afin d'accroître la pression des réservoirs et maximiser la récupération du pétrole. De plus, certains projets d'exploitation des sables bitumineux dans le Nord de l'Alberta recyclent près de 90 p. 100 de l'eau utilisée.

L'exploitation du méthane de houille, le MH, a également attiré de manière importante l'attention des médias, surtout en ce qui concerne les questions environnementales comme l'utilisation de l'eau. Les médias ont parlé des problèmes liés à l'exploitation du méthane de houille dans certaines régions des États-Unis, problèmes qui se sont produits il y a plusieurs années.

Faire une comparaison entre l'exploitation du méthane de houille au Canada et les problèmes survenus aux États- Unis, c'est de la fausse information. La majorités des puits de méthane de houille au Canada sont différents par leur structure des puits construits aux États-Unis, et ils ont tendance à utiliser moins d'eau.

Le Canada a mis en place depuis quelques dizaines d'années des règlements sévères en matière de gestion de l'eau, et ces règlements imposent l'élimination sécuritaire des eaux usées, habituellement dans des puits de refoulement profond, où ces eaux ne menacent pas les cours d'eau, les terres ni les puits d'eau.

Notre association participe activement à l'initiative du gouvernement albertain, qui comprend de nouveaux membres et qui porte sur l'exploitation du méthane de houille. Cette initiative examine les questions entourant le méthane de houille afin de s'assurer que le régime réglementaire est approprié.

Il faut se rappeler que l'exploitation du méthane de houille au Canada n'en est qu'à ses débuts; ce type de méthane, lorsqu'il se trouve dans une forme presque aussi pure que le gaz naturel, est une occasion importante de fournir un combustible plus propre et de réduire les émissions de gaz à effet de serre.

L'Association canadienne des producteurs pétroliers et ses membres sont en faveur d'une politique sur les changements climatiques qui favoriserait de vraies mesures pour réduire les émissions de gaz à effet de serre sans compromettre la capacité concurrentielle du Canada sur le plan économique. Nous croyons que toute politique sur les changements climatiques devrait encourager l'investissement dans les nouvelles technologies, comme le captage et le stockage du dioxyde de carbone et l'amélioration de l'efficacité énergétique.

L'Association canadienne des producteurs pétroliers se joint à ceux qui disent que l'objectif du Canada dans le cadre de l'accord de Kyoto ne constitue pas une action responsable et sensible contribuant à l'effort international pour contrer les changements climatiques. Nous croyons qu'il faut adopter une autre approche à l'échelle internationale, laquelle inclurait les États-Unis, la Chine, l'Inde et le Brésil, entre autres. Néanmoins, nous travaillons avec les gouvernements fédéral et provinciaux afin de mettre au point des politiques qui reflètent la réalité canadienne. Les gouvernements doivent reconnaître qu'il est important d'établir des politiques claires et suffisantes et d'utiliser systèmes de présentation des rapports harmonisés et efficaces pour la majorité des exploitations de pétrole et de gaz.

Le travail que nous avons effectué avec la Clean Air Strategic Alliance, la CASA, nous a permis d'aborder la question de la qualité de l'air en Alberta. La CASA est formée d'intervenants de l'industrie et d'organisations gouvernementales et non gouvernementales, comme des groupes de santé et des groupes environnementaux. Son mandat consiste à accorder la priorité aux questions entourant la qualité de l'air et à mettre au point des plans afin de résoudre ces préoccupations. Les travaux de la CASA ont contribué à diminuer de manière importante le brûlage à la torche et les fuites de gaz depuis 10 ans. Voici des exemples des réussites obtenues grâce aux travaux de la CASA en Alberta : les émissions provenant du brûlage à la torche ont été diminuées de 70 p. 100 depuis 1996; les émissions provenant du dégagement de gaz ont été diminuées de 38 p. 100 environ depuis 1996; les émissions de benzène ont été diminuées de 77 p. 100 depuis 1995.

L'industrie pétrolière et gazière a également fait des efforts importants pour réduire la taille de son empreinte au sol. Par exemple, l'utilisation des nouvelles technologies comme les systèmes mondiaux de localisation ont permis aux sociétés pétrolières et gazières de mettre en œuvre des programmes d'exploration et de prospection séismiques avec une précision accrue et beaucoup moins de perturbations sur l'environnement.

Dans la forêt boréale, les profils sismiques qui, dans les années 80, mesuraient bien souvent de 6 à 8 mètres de large mesurent maintenant moins de trois mètres de large. La superficie totale utilisée pour l'emplacement des puits a diminué d'environ 40 p. 100.

Lorsque l'Association canadienne des producteurs pétroliers a lancé son initiative de gérance de l'environnement en 1999, c'était la première initiative mise sur pied pour l'industrie pétrolière et gazière. Les membres de l'Association se sont engagés à pratiquer une gérance de l'environnement en exploitant de manière responsable et équilibrée les ressources et en améliorant de manière continue l'environnement, la santé, la sécurité et les mesures sociales. Nous sommes fiers de nos réalisations en matière de gérance de l'environnement, et nous sommes certains que notre rendement continuera à s'améliorer.

Le Canada a la chance d'avoir d'immenses ressources de pétrole et de gaz, mais cette chance vient avec une responsabilité tout aussi importante, soit d'assurer une bonne intendance et une bonne gestion de cette ressource. Notre industrie croit qu'elle exploite les ressources du Canada d'une manière responsable et nous nous engageons à toujours améliorer notre environnement, notre santé, notre sécurité et nos conditions sociales.

Tant que nous continuerons à assurer une bonne intendance des ressources, nous croyons que le gouvernement a tout intérêt de nous garantir un accès raisonnable et opportun aux ressources, afin que celles-ci soient exploitées pour le bien des Canadiens.

Le président : Merci beaucoup.

Le sénateur Spivak : D'après ce que je comprends, l'industrie s'était engagée à diminuer de 55 mégatonnes les émissions de gaz à effet de serre par année dans le premier plan de réduction des émissions de gaz à effet de serre, ou plan sur les changements climatiques. Les rumeurs ne sont peut-être pas bonnes, mais j'ai lu que l'industrie pense qu'elle ne peut accomplir cet objectif.

On dit que l'atteinte de cet objectif coûterait environ 25 cents du baril. L'institut de technologie pétrochimique a dit que nous pouvons diminuer nos émissions de 29 mégatonnes sans accroître les coûts. Il vous en coûte environ 12 $ pour produire du pétrole à partir des sables bitumineux et le pétrole se vend à 55 $ le baril.

Est-il exact que l'industrie ne pense pas pouvoir diminuer ses émissions de 55 mégatonnes par année, en fonction de cette donnée?

M. Maynard : Merci, sénateur.

L'objectif de réduire nos émissions de 55 mégatonnes qui a été publié ne comprend pas uniquement le secteur des hydrocarbures; il vise le secteur des grands émetteurs finaux, ce qui comprend la production d'électricité, l'industrie pétrolière et gazière et les grandes industries manufacturières.

Je crois que pour notre industrie, des 55 mégatonnes, notre part serait environ de la moitié. C'est important. Il ne s'agit pas uniquement de compenser; cela vise toute l'industrie au complet.

Le sénateur Spivak : C'est exact. Je m'excuse. Oui.

M. Maynard : Le point mort du coût pour les sables bitumineux se situe entre 19 et 20 $ le baril.

Il est vrai que le prix du pétrole aujourd'hui se situe entre 50 et 55 $ le baril. Cependant, nous devons nous rappeler que le prix sur les marchés internationaux est établi pour le pétrole brut de référence américain, le West Texas Intermediate, qui est un pétrole très léger. La différence est importante avec le pétrole lourd tiré des sables bitumineux, l'écart pouvant se situer entre 15 et 25 $ le baril. Nos transactions se font donc à un coût considérablement inférieur à celui du marché mondial. Les sociétés de pétrole qui exploitent les sables bitumineux ne font assurément pas 55 $ le baril.

Cela étant dit, ce que vous vouliez savoir, c'est que si les diminutions d'émission coûtent uniquement 25 cents le baril, de quoi nous plaignons-nous.

Ce n'est pas nécessairement le prix qui fait l'objet de nos plaintes. Nous croyons qu'il n'y a que trois manières de faire face aux changements climatiques : nous devons tous réduire notre consommation; nous devons modifier notre utilisation de l'énergie et passer des sources d'énergie à teneur élevée en carbone aux sources d'énergie à teneur faible en carbone; et nous devons accroître le captage et le stockage du dioxyde de carbone. Ces trois solutions qui nous permettraient d'atteindre notre objectif de Kyoto dépendent d'une technologie qui n'est pas toujours là.

Nous pouvons atteindre notre objectif de Kyoto en achetant des crédits à l'étranger. Mais selon nous, c'est une manière incorrecte d'utiliser les ressources du Canada. Nous croyons qu'il serait mieux d'investir l'argent dans la technologie et de chercher à mettre en œuvre les trois principales manières de faire qui permettraient de diminuer les émissions de gaz à effet de serre. C'est ainsi que nous pouvons régler réellement le problème.

C'est la principale raison qui explique pourquoi nous nous opposons à Kyoto. Nous voulons une politique qui mette l'accent sur la technologie et sur le long terme afin de réduire les émissions.

Le sénateur Spivak : Eh bien, je suis tout à fait d'accord avec vous. Il faut non seulement se concentrer sur plusieurs éléments mais aussi avoir une stratégie élargie, et une partie de cette stratégie consiste à se pencher sur les véhicules automobiles.

Je vais être directe. Vous n'avez pas vraiment répondu à la question. Vous suggérez qu'actuellement, votre engagement de réduire la moitié des 55 mégatonnes par année n'est pas réalisable selon l'échéance de Kyoto.

Est-ce votre position?

M. Maynard : L'industrie pétrolière et gazière peut réduire ses émissions de la moitié des 55 mégatonnes, oui. Cela aura certaines conséquences, si nous tenons absolument à atteindre l'objectif : il est possible qu'il y ait moins d'activités dans les sables bitumineux; il est possible que nous diminuons les forages dans les sources d'énergie habituelles.

Le sénateur Spivak : Réellement?

M. Maynard : C'est possible. L'industrie est une industrie globale. Je ne dis pas que les impacts importants se feraient sentir immédiatement. En tant qu'industrie, nous avons passé beaucoup de temps à travailler avec le gouvernement fédéral et nous nous sommes entendus sur une grande partie des éléments devant constituer une politique responsable et sensible pour notre industrie et pour le pays dans son ensemble.

Ce qui nous inquiète et ce qui inquiète les investisseurs, c'est lorsqu'il y a de l'incertitude quand au processus et le fait que nous n'ayons pas participé ou ne participons pas à l'élaboration des propositions.

Le sénateur Spivak : Oui, je suis d'accord avec vous; c'est essentiel.

M. Maynard : Oui.

Le sénateur Spivak : J'aimerais maintenant changer de sujet, mais je veux dire avant que nous n'en sommes qu'à nos débuts. Il nous reste beaucoup de choses à faire. Alors, c'est une première étape, et il est important de savoir s'il est possible de la franchir ou non.

Je vais maintenant parler de la question de l'eau. Est-il exact qu'il n'y a pas eu d'études sur l'état des eaux souterraines en Alberta? Savons-nous si l'industrie du pétrole et d'autres industries utilisent l'eau souterraine de manière à lui permettre de se renouveler? Connaissons-nous l'état des aquifères?

Les prévisions en ce qui concerne les sécheresses et l'eau de ruissellement sont assez sombres, et en fait, certains estiment que la calotte glacière disparaîtra d'ici 15 ans.

Est-il vrai que ni le gouvernement de l'Alberta ni l'industrie n'ont réalisé une estimation vraiment sérieuse de la quantité d'eau souterraine?

M. Maynard : C'est une très bonne question. Je ne connais pas toute l'ampleur des études gouvernementales qui ont été entreprises. S'il y a des études accessibles, je vais le confirmer et en fournir une copie au comité.

Il s'agit d'une question très complexe et l'étude des réservoirs aquifères devra être faite sur une base assez étendue et, évidemment, il y a des points de pression dans certains réservoirs aquifères et il n'y a pas de points de pression dans d'autres.

Il ne fait aucun doute que l'eau est une question importante ici dans le sud de l'Alberta. Le gouvernement a créé un groupe multilatéral pour examiner la question. Une bonne partie du travail auquel vous avez fait allusion a été considérée comme des choses qui doivent être faites pour que nous puissions évaluer la situation de manière appropriée.

Nous faisons ce que nous croyons que nous pouvons faire. J'ai dit que nous utilisons quelque 2 p. 100 de l'attribution d'eau douce en Alberta. L'injection d'eau dans les champs pétroliers et l'utilisation de l'eau pour maintenir la pression ont donné lieu à des redevances de quelque 600 millions de dollars grâce à cette production accrue.

Il s'agit d'une question d'équilibre et de compromis. Nous sommes d'avis que les décisions en matière de politique devraient être fondées sur les connaissances scientifiques et sur les études auxquelles vous avez fait allusion. Pour comprendre comment l'eau est utilisée et à quoi elle sert, nous devons prendre les décisions fondées sur une approche éclairée et non discriminatoire.

Le sénateur Spivak : Je comprends très bien qu'il doit y avoir un équilibre, mais si vous n'avez pas de technologies différentes, votre industrie devra faire face à une crise. Je crois comprendre que pour certaines d'entre elles, il y a un délai de dix ans et au cours de cette période, vous courez le risque de faire face à de graves pénuries d'eau. Il ne s'agit pas uniquement d'une crise environnementale, mais également d'une crise économique. Ce ne sont pas des paroles en l'air. Je pense qu'il s'agit d'un facteur sérieux.

Vous avez des personnes merveilleuses comme M. Schindler et d'autres, qui sont des experts de réputation internationale sur la question de l'eau, et qui discutent depuis longtemps avec le gouvernement pour le prévenir du problème. Le train fonce sur nous.

Le sénateur Spivak : Quel pourcentage d'eau douce est utilisé, comparativement à l'eau salée?

M. Maynard : Ce ne sont pas des chiffres faciles à rassembler. L'eau salée ne fait pas nécessairement intervenir un permis, si nous utilisons de l'eau salée. Ce que nous savons, c'est ce que nous utilisons de l'attribution d'eau douce et des dérivations, en ce sens.

Ce n'est pas quelque chose que nous avons très bien suivi. L'industrie a reconnu, il y a environ un an, que c'était quelque chose que nous devions suivre de manière à pouvoir répondre à ces questions.

Le sénateur Spivak : Vous avez dit que la situation du méthane de houille ici est très différente de celle des États- Unis.

M. Maynard : Oui.

Le sénateur Spivak : Pourtant, un des problèmes, selon les gens du Montana, c'est le nombre de puits pour la cartographie du charbon, par quart d'hectare.

M. Maynard : Par section, oui.

Le sénateur Spivak : Je sais que vous travaillez sur des normes. Alors, il s'agit d'une empreinte assez importante sur la terre.

Dans vos normes, combien y a-t-il de puits par quart d'hectare?

Que voyez-vous comme la norme raisonnable concernant le nombre de puits?

Quelles seront les répercussions de cela sur les eaux souterraines?

M. Maynard : Le méthane de houille, comme l'indique notre mémoire, est une activité relativement nouvelle pour notre industrie ici dans l'Ouest canadien; cependant, c'est quelque chose qui a des ressemblances avec le forage que nous faisons pour extraire le gaz peu profond. Il y a un nombre important de puits d'extraction de gaz peu profond par section, et je suis porté à croire que dans de nombreux cas, l'extraction du méthane de houille n'est pas très différente de cela. Dans certaines sections, cependant, nous envisageons quatre puits.

Le sénateur Spivak : Des règlements ou des normes seront promulgués prochainement.

Est-ce exact?

M. Maynard : Oui, ils sont en voie d'élaboration.

Le sénateur Spivak : Envisagez-vous de fixer un plafond de quatre puits par section?

M. Maynard : C'est jusqu'à quatre puits par section, oui.

Le sénateur Spivak : Oui, au Montana, il y a 200 puits par quart de section, ce qui est désastreux.

M. Maynard : Il s'agit d'un nombre important de puits, mais je ne peux parler de la situation au Montana ou au Wyoming.

La réglementation est en train d'être élaborée par les environnementaux. Nous reconnaissons que nous devons équilibrer ces intérêts. Je pense qu'il est juste de dire que la dernière chose que l'industrie veut ou dont elle a besoin, c'est de répéter une situation.

Le sénateur Spivak : Que dit votre étude au sujet des répercussions sur l'eau souterraine?

M. Maynard : Il y a deux sources principales de charbon où nous cherchons du méthane de houille. Dans une région, il y a très peu de production d'eau souterraine et dans l'autre, c'est beaucoup plus humide.

Il s'agit d'un projet pilote pour trouver des réponses aux questions que vous avez posées : à quelle profondeur devons-nous forer? Pouvons-nous forer de manière économique? Pouvons-nous éliminer les eaux usées d'une manière sûre, à une profondeur suffisante et que l'opération demeure viable au plan économique?

Le sénateur Spivak : Vous avez dit que vous feriez beaucoup mieux s'il n'y avait pas tant de redondance du point de vue de la réglementation et je pense qu'il nous serait très utile si vous pouviez nous dire exactement ce que vous voulez dire par là.

Où se trouve la redondance et où sont les règlements qui vous nuisent?

M. Maynard : Le domaine de redondance de la réglementation, c'est entre les paliers provincial et fédéral. Il y a les processus d'évaluation environnementale provinciaux et il y a les processus d'évaluation environnementale fédéraux.

Le sénateur Spivak : Oui. Merci.

M. Maynard : Il y a également du chevauchement réglementaire considérable entre les ministères eux-mêmes : entre les ministères des Pêches et des Océans, le ministère de l'Environnement et le ministère des Transports. Un bon nombre de ces ministères ont des régimes réglementaires destinés à traiter des mêmes questions.

Nous ne demandons pas d'avoir une réglementation inférieure à la normale. Nous demandons simplement qu'il y ait un système de réglementation coordonné et rationnel.

Alors, la redondance d'un gouvernement à l'autre, d'un ministère à l'autre, d'un ministère à un organisme sont certains des exemples que je vous donnerais.

Le sénateur Spivak : Monsieur le président, il serait utile si nous pouvions obtenir une réponse par écrit à cette question, celle de la redondance ou peu importe comment vous voulez l'appelez.

Le président : Pouvez-vous faire cela, monsieur Maynard?

M. Maynard : Oui, nous pouvons faire cela. Nous avons quelques bons échantillons à la maison, particulièrement dans le nord du Canada, particulièrement dans le cas de l'exploration extracôtière sur la côte est et certainement ici également, dans l'Ouest canadien.

Le président : Lorsque vous trouverez cette information, pouvez-vous la remettre à notre greffier.

M. Maynard : Oui.

Le président : Avant que je poursuive, par votre allusion à ce qui se passe sur la côte est, parlez-vous de la récente controverse sur la question de savoir quelle est l'autorité compétente dans cette situation et qui dirige le navire, ou de quelque chose de plus important que cela du point de vue de la réglementation.

M. Maynard : Non. Je fais allusion au fait que si nous voulons développer quelque chose dans la zone extracôtière de la Nouvelle-Écosse ou de Terre-Neuve-et-Labrador, nous devons faire affaire avec quelque chose comme 16 organismes de réglementation.

Le président : Cela nous serait très utile.

M. Maynard : Nous allons vous fournir cette information.

Le président : Peut-être pourrons-nous aider à faire le ménage.

M. Maynard : Oui.

Le sénateur Adams : Je viens du Nunavut dans les Territoires. Peut-être que ma question est un peu différente de celle du sénateur Spivak, parce que nous avons beaucoup d'eau dans le Nord. Nous ne sommes pas vraiment préoccupés par notre eau, je l'espère.

Dans les années 80, il y a eu pas mal d'exploration pour trouver des gisements de pétrole et de gaz. Vous avez de l'information ici — Affaires étrangères, 19 février — au sujet du nombre de pieds cubes de gaz en Alaska et dans le delta du Mackenzie, autour de 1980. J'étais membre du conseil de Petro-Canada en provenance de PanArtic — peut- être que c'était avant votre temps.

M. Maynard : J'ai bien peur, sénateur, que vous allez connaître les réponses mieux que moi. Je commence à devenir très nerveux.

Le sénateur Adams : PanArtic Oil a découvert un peu de pétrole sur une des îles. Elle a découvert beaucoup de gaz naturel. Je vois que vous n'avez pas d'information concernant les réserves, le nombre de mètres cubes de gaz, dans l'Extrême-Arctique.

M. Maynard : Notre estimation des ressources découvertes se situe entre 9 et 10 billions de pieds cubes

Le sénateur Adams : Très bien. Parlez-vous de l'Extrême-Arctique?

M. Maynard : Non. Non. Je parle du Mackenzie.

Le sénateur Adams : Dans le delta du Mackenzie, vous avez jusqu'à 143 billions de pieds cubes de gaz.

M. Maynard : Le degré d'exploration dans l'Extrême-Arctique fait qu'il serait très risqué de donner une estimation quelconque. Nous croyons qu'il y a un potentiel là-bas, mais sans l'infrastructure permettant l'exploitation de la ressource et son acheminement vers le marché, il n'y a pas beaucoup d'intérêt, ce qui nous amène à la valeur réelle du pipeline. Si nous installons un pipeline dans le sol, il y aura un fort encouragement à l'exploration et à la détermination du potentiel qu'il y a là-bas.

Le sénateur Adams : Dans le cas de la découverte dans le delta du Mackenzie, on parlait d'environ 6 milliards de dollars pour les coûts du pipeline?

M. Maynard : Je crois savoir qu'il s'agissait de 6 à 7 milliards de dollars, monsieur.

Le sénateur Adams : Que signifie 18 $ pour l'Alaska?

M. Maynard : Le coût en capital d'un pipeline venant de l'Alaska se situerait dans la fourchette des 18 à 20 milliards de dollars.

Le sénateur Adams : Ce 18 $ devrait être 18 milliards de dollars.

M. Maynard : Cela devrait être 18 milliards de dollars.

M. Stephen Ewart, gestionnaire, Relations avec les médias et communications, Association canadienne des producteurs pétroliers : Il ne s'agit pas de l'exposé de M. Maynard. Il s'agit d'un exposé antérieur devant un autre comité.

Le sénateur Adams : Je voulais simplement m'en assurer.

Je sais que les gens sur la côte est et à Terre-Neuve ont plusieurs milliards de dollars. Y a-t-il un intérêt autour de la région de Baffin, de la Baie d'Hudson, pour développer les ressources de pétrole et de gaz?

Nous avons 179 billions de barils et les Américains ont 2,3 milliards de barils. S'agit-il de l'Alaska ou s'agit-il de 2,3 milliards de barils pour l'ensemble des États-Unis?

M. Maynard : C'est la totalité.

Le sénateur Adams : L'Alaska et les États-Unis.

M. Maynard : Oui.

Le sénateur Adams : Parlez-vous du Texas, de la Californie et tout?

M. Maynard : Oui.

Le sénateur Adams : Y aura-t-il de l'exploration dans la région de la Baie d'Hudson dans l'avenir?

M. Maynard : Sénateur, nous sommes évidemment intéressés à avoir accès à la ressource partout où elle se trouve au pays, mais il faut comprendre évidemment qu'il y a toujours des endroits spéciaux où les intérêts publics et les attentes publiques veulent que nous n'explorions pas.

Je pense que nous devons reconnaître les conditions qui seront nécessaires. Nous voyons des prix record et soutenus pour le gaz naturel, ce qui nous incite à aller voir dans de nouvelles régions. Il est clair que les marchés au sud de notre pays sont très très intéressés par un approvisionnement additionnel en gaz naturel et en pétrole.

Alors, le véritable défi pour nous, c'est de faire un plan économique et si nous découvrons quelque chose, de nous demander si nous pouvons amener le produit sur le marché et obtenir un taux de rendement satisfaisant.

Alors, pour faire parler un peu la boule de cristal, je pense que oui, dans l'avenir, nous serons intéressés. Je pense qu'il y a la question du développement de l'infrastructure; nous avons besoin de voir des prix soutenus; et nous avons besoin de voir qu'il est possible d'avoir accès à la ressource et d'avoir accès au marché.

Le sénateur Adams : Nous avons réglé les revendications territoriales. C'est très difficile pour nous qui vivons dans l'Arctique. Les coûts sont élevés, il y a du chômage. À l'heure actuelle, il y a un projet d'établissement d'une pêcherie commerciale dans l'Extrême-Arctique — flétan noir, crevette nordique et des choses du genre.

Nous regardons l'avenir du pétrole et du gaz. Le gouvernement du Nunavut n'a pas encore de politique. Nous n'avons pas de pénurie ou quelque chose du genre.

Il serait agréable d'avoir plus d'exploration dans l'avenir, du point de vue économique. À l'heure actuelle, il y a beaucoup d'exploration pour le diamant; cependant, l'exploration ne profite pas aux gens de la collectivité, parce que ce sont uniquement les prospecteurs, les foreurs et les pilotes d'hélicoptères qui font de l'argent, et non la collectivité.

M. Maynard : En réponse à demande concernant l'offre, il y a un très fort incitatif dans notre industrie pour nous concentrer sur une technologie qui réduit les coûts et qui permet à un environnement à coût élevé comme le Nunavut de devenir un environnement à coût moins élevé.

La réponse à tout cela, c'est la technologie et le fait de répondre aux signaux qui sont envoyés par l'entremise des prix. Si nous voyons, pendant des périodes prolongées, des prix de l'ordre de 6, 7 ou 8 $ pour 1 000 pieds cubes de gaz, il y aurait là un incitatif très fort pour nos gens à tenter de trouver plus de ressources et de trouver des façons économiques de les développer. Alors, je ne me découragerais pas. Je ne pense pas que nous parlions pour cette année ou l'année suivante, mais à plus long terme; oui, nous verrons plus de développement dans l'Extrême-Arctique.

Le sénateur Adams : L'an dernier, il y avait 180 permis d'exploration pour le diamant et l'or; cette année, nous en avons 1 600.

Le président : Merci, sénateur Adams. Je suis heureux d'entendre que vous avez 1 600 personnes là-bas qui recherchent des diamants. C'est bien. Plus il y a de gens qui cherchent, plus ils en trouveront.

Le sénateur Milne : En réponse au sénateur Spivak, vous avez dit qu'une réduction de 55 p. 100 des émissions de CO2 est inatteignable.

M. Maynard : Cinquante-cinq mégatonnes.

Le sénateur Milne : Ensuite vous avez poursuivi avec quelque chose que je n'ai pas très bien compris. Vous vous êtes presque entendu sur quelque chose avec le gouvernement.

M. Maynard : Nous travaillons sur une proposition avec le gouvernement et nous sommes presque rendu là. Nous sommes près de réaliser le pourcentage des 55 mégatonnes qui reviennent à l'industrie du pétrole et du gaz. C'est ce qui retient notre attention et il s'agit d'une combinaison de l'utilisation de la meilleure technologie disponible, pour réaliser des réductions réelles, et l'établissement de cibles pour certains acteurs.

De toute évidence, si vous prenez un nouveau projet touchant les sables bitumineux, ces gens ont la meilleure technologie disponible. Il n'y a rien qu'ils puissent faire et maintenir leur production actuelle. Certaines des activités et des installations existantes fonctionnent avec une technologie très ancienne et elles ont plein d'occasions d'investir dans la nouvelle technologie pour réduire les émissions.

Notre proposition est une combinaison de projets existants et de projets nouveaux, et comprend des acteurs de grande et de petite taille, tout en gardant à l'œil la compétitivité. Elle est conçue pour atteindre notre part de ces 55 mégatonnes.

Le sénateur Milne : Elle est conçue à cette fin et vous n'essayez pas d'obtenir une réduction de votre pourcentage.

M. Maynard : Non. Il se pourrait très bien que nous devions acheter des crédits de compensation nationaux et des crédits de carbone là où il y en a.

Si nous ne pouvons atteindre notre objectif avec des réductions réelles, nous préférerions pouvoir mettre notre argent dans un fonds de développement technologique ou financer le développement technologique qui permet une réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Alors, si nous ne pouvons pas le faire nous-mêmes, nous voulons être en mesure de mettre l'argent dans un fonds, si le gouvernement du Canada voulait gérer un tel fonds, de sorte que cet argent servira à développer la technologie.

Développons la technologie; développons-la ici au Canada, plutôt que d'envoyer de l'argent à l'étranger. Gardons l'argent ici de manière que nous puissions développer la technologie et que nous puissions devenir des chefs de file mondiaux. C'est le point central de notre proposition.

Le sénateur Milne : Eh bien, je suis très heureuse de voir que vous êtes d'accord avec moi là-dessus.

M. Maynard : Nous sommes d'accord.

Le sénateur Milne : J'ai un autre problème, dans une partie de la documentation de base que nous avons, on dit que l'industrie d'amont du pétrole et du gaz en Alberta a obtenu un permis du ministère de l'Environnement de l'Alberta pour utiliser de l'eau de surface et de l'eau souterraine. En particulier, jusqu'à 30 p. 100 de l'eau souterraine autorisée en Alberta sont utilisés par l'industrie du pétrole et du gaz.

Vous avez dit qu'il s'agissait de moins de 2 p. 100.

M. Maynard : De l'eau douce. Nous utilisons moins de 2 p. 100 de l'eau douce.

Le sénateur Milne : Vous ne parlez pas de l'eau de surface ni de l'eau souterraine. Ce chiffre représente l'eau douce.

M. Maynard : Oui.

M. Ewart : Il y a de l'eau salée également.

Le sénateur Milne : J'essaie de déterminer lequel des deux est correct. Est-ce 2 p. 100 ou 30 p. 100?

M. Maynard : Je crois comprendre que nous pouvons utiliser 2 p. 100 de la totalité du volume de l'eau douce allouée à l'Alberta. Nous n'utilisons pas entièrement les 2 p. 100 et j'ignore d'où vient la référence de 30 p. 100.

Le sénateur Milne : Pendant que notre groupe de recherche cherche une réponse, je vous pose une autre question.

Est-ce que les sociétés membres de l'Association canadienne des producteurs pétroliers payent pour l'eau qu'elles utilisent?

M. Maynard : Non, je ne le crois pas, mais je vous le confirmerai.

Le sénateur Milne : D'accord. Donc, vous êtes sûr que l'eau est gratuite.

M. Ewart : Tout le monde à la même allocation.

Le sénateur Milne : Elle est allouée par volume, il n'y a pas de droit.

M. Ewart : Il n'y a pas de droit. Tout ce qui concerne les ressources en eau est inclus dans l'étude examinée par le gouvernement de l'Alberta et qui a été faite par le biais de notre service opérations de l'Ouest canadien. Nous participons à ce processus.

M. Maynard : Nous vous le confirmerons, madame le sénateur.

Le sénateur Milne : D'accord. Merci.

Je pense avoir une réponse. Je citerai une phrase de l'Association canadienne des producteurs pétroliers :

Situer l'utilisation de l'industrie dans le contexte : l'eau souterraine : Le pourcentage élevé (jusqu'à 30 p. 100) de l'eau souterraine autorisée en Alberta utilisée par l'industrie pétrolière et gazière de l'Alberta a soulevé des préoccupations. Cela est vrai.

M. Maynard : Sénateur, pouvez-vous me donner la référence et le document?

Ah! C'est un document sur l'utilisation de l'eau. Stephen me dit que les 2 p. 100 se rapportent à de l'eau douce, les 30 p. 100 se rapportent à la totalité de l'eau allouée dont la grande partie n'est pas potable.

Le sénateur Milne : Donc, le reste est salin.

M. Maynard : Le reste est salin ou de l'eau qui ne peut pas être consommée par des personnes ou des animaux.

Le président : Je veux juste m'assurer que nous utilisons la bonne terminologie. « allouée », je pense que c'est un mot qui devrait qualifier de l'eau souterraine ou provenant d'une rivière.

Est-ce que l'eau saline est aussi allouée?

M. Maynard : Non. « Allouée » se rapporte à l'eau qui nous est autorisée.

Le président : Provenant de cours d'eau, c'est ce que je comprends. Corrigez-moi si je me trompe.

M. Maynard : Je crois comprendre que l'eau allouée provient de cours d'eau ou d'aquifères.

Le président : Peut-on utiliser le mot « allocation » pour de l'eau saline?

M. Ewart : Le mot « allocation » se rapporte à l'eau douce des rivières et des aquifères. M. Maynard et moi-même ne sommes pas des spécialistes de l'Association canadienne des producteurs pétroliers sur ce sujet. L'eau saline est beaucoup plus utilisée, car elle ne touche pas aux droits d'autres personnes sur l'eau.

Le président : Très bien. C'est donc moins réglementé ou pratiquement non réglementé.

Alors, si ces chiffres sont tous corrects, cela signifie que l'industrie utilise 30 p. 100 de l'eau, y compris l'eau saline, mais seulement 2 p. 100 des 100 p. 100 sont de l'eau douce.

M. Maynard : Oui.

Le président : Croyez-vous que nous ayons bien compris?

M. Maynard : M. Ewart va téléphoner tout de suite et nous pourrons vous le confirmer.

Le président : Non. Renseignez-vous puis communiquez avec notre greffier.

M. Maynard : Nous vous donnerons les renseignements.

Le sénateur Spivak : Puis-je poser une question?

L'eau saline ne fait pas partie de votre allocation, car ils peuvent en utiliser autant qu'ils veulent. Donc, de quoi s'agit-il?

Le président : C'est cette définition, cette différence qu'ils vont nous confirmer.

Le sénateur Milne : Oui, j'espère que vous nous donnerez une réponse, car il semble qu'il soit partout question d'eau douce à l'exception de l'eau saline, qu'elle provienne d'une nappe souterraine, d'un aquifère ou du pompage d'une rivière, c'est de l'eau douce; pas de l'eau saline.

M. Maynard : C'est ce que j'ai compris.

Le sénateur Milne : C'est de l'eau potable.

M. Maynard : Oui.

Le sénateur Milne : Pour le moment, vous ne payez pas de droit pour l'eau que vous utilisez.

Est-ce que vos membres accepteraient l'établissement d'un tel droit?

M. Maynard : Si le gouvernement décide d'imposer un droit sur l'eau et qu'il est appliqué de manière égale pour tous, je ne vois pas comment nos membres pourraient s'y opposer.

Le sénateur Milne : Quand vous dites « de manière égale pour tous », vous parlez des utilisations pour l'agriculture et, bien sûr, pour les zones urbaines.

M. Maynard : Oui, si cela est fait sans discrimination, nous voulons être traités comme tout le monde.

Le sénateur Milne : Est-ce que ce taux d'utilisation, jusqu'à 30 p. 100, est durable ou est-ce que les aquifères et les rivières de l'Alberta s'épuisent?

M. Maynard : Je crois comprendre que dans certaines régions, des aquifères s'épuisent. L'eau est un plus grand problème dans le sud de l'Alberta et certains aquifères ne sont pas remplis à cause de la faible pluviosité de ces dernières années. Je pense que ce problème touche non seulement les rivières, mais aussi les aquifères.

Le sénateur Milne : Je suppose que votre industrie étudie d'autres stratégies pour réduire l'utilisation de l'eau, car vous savez ce qui se passe aussi bien que nous.

M. Maynard : Oui.

Le sénateur Milne : Pouvez-vous mentionner quelques-unes des stratégies visant à réduire l'utilisation d'eau.

M. Maynard : Nous prévoyons d'utiliser de l'eau saline ou non potable. Nous envisageons aussi l'injection d'autres matières, le dioxyde de carbone en est une, pour maintenir et augmenter la pression.

Le sénateur Milne : Ce processus implique la séquestration du dioxyde de carbone.

M. Maynard : Une étude est en cours à Weyburn, en Saskatchewan pour déterminer si le carbone peut être séquestré de manière sécuritaire et permanente. Je reconnais qu'il n'a pas cet avantage supplémentaire.

Il y a aussi certaines techniques de forage, horizontales ou autres, qui nous permettront d'atteindre de plus grandes ressources en eau.

En tout cas, s'il est décidé que nous ne pouvons pas utiliser de l'eau douce et que nous ne disposons pas d'autres technologies, cela voudra dire que l'on produira moins de pétrole.

Le sénateur Milne : Il est donc à votre avantage de trouver de nouvelles technologies et de les mettre en pratique afin d'en tirer le maximum.

M. Maynard : Je dirais que c'est à l'avantage de tout le monde : des gouvernements, de l'industrie et aussi des intervenants.

Le sénateur Milne : Oui, nous utilisons tous de l'énergie.

L'étude faite par le Pembina Institute for Appropriate Development a déterminé que les dépenses totales du gouvernement fédéral s'élèvent à plus de un milliard de dollars par an dans le secteur pétrolier et gazier, principalement sous forme de déductions d'impôt.

Pensez-vous que ce chiffre est plus ou moins correct?

Avez-vous déjà calculé le montant de l'aide que vous recevez du gouvernement fédéral?

M. Maynard : Soyons honnêtes. Ce que nous avons vu ne sont pas des dépenses fiscales, on les qualifie de « subventions » pour l'industrie pétrolière et gazière. Nous ne sommes pas d'accord. Certains montants qualifiés de subventions comprenaient les coûts du ministère des Ressources naturelles du Canada, les coûts de l'Office national de l'énergie qui, soit dit en passant, sont récupéré par l'industrie et non par les contribuables. Ce sont donc les coûts faciles à éliminer et à contester.

Les dépenses cumulatives dans l'exploration et dans le développement constituent aussi des coûts réels que nous assumons quand nous développons ou explorons. Il est difficile d'affirmer que ce soient des subventions ou des incitations versées à l'industrie pétrolière et gazière alors que ce n'est qu'une reconnaissance du fait que nous pouvons déduire les dépenses que nous avons faites, et dans certains cas, ces dépenses sont déduites conformément aux plans d'amortissement, au lieu d'être déduites dès qu'elles sont engagées, c'est-à-dire quand nous faisons les dépenses.

On a suggéré que la déduction relative aux ressources, qui est l'équivalent de la redevance à la Couronne que nous payons, en tant que déduction, constituait une subvention. La déduction relative aux ressources a été éliminée et nous sommes aujourd'hui en mesure de déduire les paiements de redevances par phases.

À notre avis, l'industrie pétrolière et gazière ne reçoit pas de subventions. Nous avons examiné le système fiscal et avons comparé notre industrie aux autres industries. Certaines déductions d'impôt n'existent que dans l'industrie pétrolière et gazière, car les autres industries n'ont pas ce genre de dépenses.

Du point de vue de la concurrence, il n'y a que peu de temps que nous avons pu nous prévaloir d'un taux d'imposition inférieur, dont bénéficient toutes les industries, 21 p. 100. Nous nous dirigeons vers les 21 p. 100.

Nous nous demandons donc quelles sont les subventions versées à l'industrie.

Je voudrais aussi souligner que le ministère des Finances et EnerCan ont réfuté les observations faites par Pembina et peuvent probablement le faire beaucoup mieux que je ne le fais aujourd'hui.

Le sénateur Milne : Nous leur demanderons.

Le gouvernement fédéral aide depuis longtemps l'industrie pétrolière et gazière, je pense aux sables bitumineux et au forage pétrolier et gazier en mer. Ce sont des industries durables.

Que penseriez-vous si le gouvernement axait son aide sur les énergies renouvelables?

Je remarque que vous n'avez pas parlé d'une partie de votre exposé.

M. Maynard : Non, je n'en ai pas parlé.

Le sénateur Milne : Elle porte sur les énergies renouvelables, nous pouvons peut-être en parler maintenant.

M. Maynard : Je crois comprendre que le gouvernement du Canada apporte son soutien au secteur des énergies renouvelables comme l'énergie éolienne et l'éthanol, car elles sont considérées comme étant des sources d'énergie renouvelable.

Notre position à ce sujet est claire. La demande en énergie augmente considérablement chaque année, je pense que le taux de croissance de cette demande en Amérique du Nord est d'environ 1,5 p. 100. Toutes les sources d'énergie seront nécessaires pour répondre à la demande, que ce soit de l'énergie renouvelable, du pétrole ou du gaz.

Je reviens sur ce que vous avez dit au sujet de l'aide accordée à l'industrie pétrolière et gazière. Je ne prétends pas que le gouvernement du Canada n'a pas aidé notre industrie. Les sables bitumineux en sont un exemple. Le gouvernement du Canada changé les règlements de la déduction pour amortissement dans les sables bitumineux. C'était une question de calendrier. Nous n'aurions pas pu déduire ces dépenses. Le gouvernement du Canada a raccourci le délai durant lequel nous pouvions les déduire. Le gouvernement de l'Alberta a mis en place un régime de redevances qui reconnaît les coûts à long terme et l'investissement à long terme de ces projets.

Le CNRL a récemment annoncé le projet Horizon de 10 milliards de dollars. Il faut du temps pour récupérer un tel investissement. Il y a un risque de dépassement des coûts.

Donc, les régimes de redevance et les régimes fiscaux qui s'appliquent reconnaissent ces risques, ces décisions d'aide aux sables bitumineux de cette façon ont créé un nouveau secteur industriel important et une activité considérable dans le nord de l'Alberta.

Je suis originaire de Terre-Neuve. J'ai été, pendant quelques années, sous-ministre des Mines et de l'Énergie à Terre- Neuve et au Labrador. Le projet Hibernia a reçu l'appui du gouvernement du Canada et des citoyens canadiens avec une subvention de quelques milliards de dollars. Cela a permis de créer une industrie pétrolière et gazière très solide à Terre-Neuve et au Labrador et je sais à quel point l'économie de Terre-Neuve et du Labrador en a profité.

Le sénateur Milne : Et continuera d'en profiter.

M. Maynard : Et continuera d'en profiter. De toute façon, nous n'allons pas nous lancer là-dessus. J'ai mon avis à ce sujet et, soit dit en passant, il est personnel.

Donc, les citoyens du Canada ont bénéficié de cet investissement qui a permis d'autres développements de ressources et de choses de ce genre, et je dis bravo.

Je crois que si vous regardez les chiffres, l'activité économique et les recettes encaissées, je pense que vous constaterez que le gouvernement du Canada a récupéré son investissement et qu'il a relativement bien réussi.

J'étais présent dans les années 1990 alors qu'il fallait prendre une décision très difficile. Je pense que le message essentiel qui ressort de tout cela, c'est que les gouvernements, l'industrie et les intervenants ont pu faire des choses qui ont suscité une activité économique importante, des richesses importantes et qui ont apporté la prospérité à ce pays.

Je reviens aux arguments économiques et aux faits économiques. En 2005, notre industrie prévoit de payer, sous forme de redevances et d'impôts, quelque 20 milliards de dollars à tous les paliers de gouvernements. Un nombre considérable de personnes sont employés de près ou de loin par notre industrie. Si vous affirmez qu'il y a une subvention à caractère fiscal et que vous générez 20 milliards de dollars en revenus directs aux gouvernements, on peut dire que c'était une très bonne affaire.

Je conteste que des milliards de dollars ont été versées à notre industrie en incitations fiscales ou en subventions, mais cela est lié à la nature compétitive et globale de notre industrie, vous avez pu voir les niveaux d'investissement record au Canada. Vous verrez aussi que beaucoup de nos sociétés cherchent maintenant des possibilités à l'extérieur du Canada. L'année dernière, des sociétés canadiennes ont investi près 5 milliards de dollars à l'étranger, nous recherchons aussi des possibilités ailleurs. On peut dire qu'il y a de bonnes et de mauvaises nouvelles. La bonne nouvelle, c'est que les sociétés pétrolières et gazières du Canada sont présentes sur la scène internationale. La mauvaise nouvelle, c'est que 5 milliards de dollars qui auraient pu être investis au Canada l'ont été à l'étranger.

Le sénateur Milne : Vous dites que certaines de vos sociétés ont d'importants investissements dans les énergies renouvelables.

Quel pourcentage de vos sociétés?

M. Maynard : En général, les sociétés membres de notre association qui font des investissements dans les énergies renouvelables sont des multinationales ou des grandes sociétés canadiennes comme Petro-Canada, EnCana, bien sûr, Exxon, Mobil et les sociétés internationales telles que Suncor, Shell, et ainsi de suite.

Je crois, à tort ou à raison, que nous évoluons dans un milieu fondé sur le marché et que nous devrions être sensibles aux signaux de prix. Au niveau mondial, la demande est aujourd'hui plus forte. Les prix du pétrole et du gaz ont atteint des niveaux record.

Nos membres font ce qu'ils font le mieux, ils sont sensibles à ces signaux de prix. Quand les signaux de prix clignotent et que les consommateurs voient clairement la différence et qu'ils demanderont des énergies renouvelables, nos membres seront prêts à satisfaire ces demandes.

Le sénateur Spivak : Je voudrais ajouter quelque chose.

Le représentant du Pembina Institute for Appropriate Development a mentionné que la façon dont le gouvernement et le secteur privé ont investi dans les sables bitumineux pendant 30 ans a abouti à une industrie très rentable pour les compagnies pétrolières et pour le Canada. Il a suggéré que nous devions investir beaucoup d'argent en s'assurant que ce soit durable pour les industries de l'environnement. Il est évident qu'il eût été préférable de faire les deux choses ensemble.

Qu'en pensez-vous? Comment envisagez-vous cet investissement pour l'avenir?

Quel pourcentage les industries dépensent pour la R et D de la technologie?

M. Maynard : Je ne suis pas sûr d'avoir compris la question.

Le sénateur Spivak : Quel pourcentage du budget de la recherche des industries est dépensé pour une technologie qui sera écologique?

De quelle façon le gouvernement devrait subventionner l'industrie pour qu'elle soit écologiquement plus performante?

De quelle façon cet argent devrait être dépensé? Devrait-il servir à la recherche ou à quelque chose d'autre?

M. Maynard : Je ne peux vous donner que des chiffres généraux sur les dépenses en recherche et en développement dans notre industrie. Ils ne sont pas détaillés ou définis comme ayant servi à la recherche, au développement, à l'amélioration de l'environnement ou à autre chose. Ce ne sont que des chiffres pour la R et D en général. En fait, notre association prend notre de ces chiffres. Ils proviennent de Statistique Canada qui nous a dit que notre industrie paie 0,6 p. 100 de ses revenus bruts pour la R et D.

Le sénateur Spivak : Veuillez être plus précis. Est-ce 0,6 p. 100 ou 6 p. 100?

M. Maynard : C'est 0,6 p. 100.

Toujours selon les données de Statistique Canada, nous sommes l'industrie qui dépense le plus dans les technologies écologiques.

Je ne peux pas vous donner les pourcentages exacts, d'autant plus que ceux-ci varient d'une entreprise à l'autre. Certaines de nos grandes sociétés, comme Suncor et Syncrude, investissent énormément dans la R et D.

Vous vous demandez que devraient faire les gouvernements et l'industrie?

Il ne fait aucun doute que nous devrions tous mettre l'accent sur l'amélioration de notre performance en ce qui a trait à l'environnement, à la santé et à la sécurité et au domaine social.

Je crois sincèrement que la méthode de la carotte ou du bâton n'est pas appropriée; il s'agirait plutôt d'une combinaison des deux. Je pense que nous avons besoin d'un « incitatif », et pas nécessairement un qui soit de nature financière. Les entreprises devraient être incitées à améliorer leur performance environnementale.

De toute évidence, il faut aussi des règlements. Parfois, il faut pousser l'industrie, et parfois, celle-ci prend l'initiative. Il s'agit donc d'une combinaison des deux. Il n'y a pas une seule façon d'aborder cette question. Pour l'élaboration de toute norme de performance environnementale, nous aimerions pouvoir faire participer toutes les parties intéressées dans un processus ouvert et transparent, fondé sur des données scientifiques et des objectifs clairs qui tiennent compte de ce que nous essayons d'accomplir.

Nous voulons aussi que la complexité des enjeux soit reconnue. Prenons par exemple la réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Supposons que nous puissions réduire les émissions de gaz à effet de serre, mais que cela entraînerait une augmentation de la production de dioxyde de souffre, d'oxyde de diazote ou d'autres composés chimiques. Que devrions-nous faire alors?

C'est le genre de compromis et d'équilibre qu'il faudrait trouver. Je me répète, mais il faudra connaître notre objectif et une fois que nous en aurons pris connaissance, nous pourrons voir comment il s'inscrit dans l'ensemble de la situation.

Ce ne sont pas des questions faciles. Voilà pourquoi le processus est très important et qu'il doit s'appuyer sur des données scientifiques et sur une compréhension profonde de ce que nous essayons d'accomplir.

Le sénateur Spivak : Oui, je suis d'accord avec vous car je pense que nous devons aussi concentrer nos efforts de conservation et d'efficacité écologique dans d'autres domaines.

Le sénateur Milne : Quelle est la vision d'avenir de l'ACPP?

Jusqu'où va votre projet d'intendance?

Le Canada sera-t-il toujours un grand producteur de pétrole et de gaz naturel dans 50 ans?

M. Maynard : Notre vision d'intendance est axée sur l'amélioration continue et l'adoption de technologies pour améliorer notre performance dans le domaine de l'environnement, de la santé et de la sécurité, et ce en tout temps. Nous ne nous satisfaisons jamais du statu quo. Voilà notre vision globale.

Dans 50 ans, je crois que le monde dépendra encore des ressources pétrolières et gazières comme sources d'énergie. Je ne pense pas toutefois que cette dépendance sera aussi importante qu'elle ne l'est aujourd'hui. C'est mon opinion personnelle.

Si le prix du baril de pétrole se maintient à 55 $ ou le prix du gaz naturel à 6$, 8$ ou 10 $ le mille pieds cubes, tant le marché que le secteur de la technologie seront grandement incités à trouver d'autres façons de produire l'énergie requise.

J'hésite toujours à faire des prévisions 50 ans à l'avance car on ne sait jamais ce que nous réserve l'avenir. Tout pourrait changer demain. Notre objectif et notre vision sont de nous améliorer sans cesse, d'adopter de nouvelles technologies et d'investir dans ce domaine, et d'améliorer notre performance tant globale que dans des domaines qui importent le plus aux parties intéressées.

J'aimerais pouvoir vous dire que nous serons en mesure de régler dès demain tous nos problèmes d'émission de gaz à effet de serre, mais ce serait irréaliste. Tout ce que je peux vous dire, c'est que nous sommes déterminés, à long terme, à trouver des solutions technologiques en ce sens et à demeurer dans le secteur de l'énergie.

Le sénateur Milne : Merci.

Le président : Je vais jouer un peu à l'avocat du diable en vous posant mes questions car c'est ainsi que nous procédons lorsque nous examinons les enjeux. Sans vous donner d'exemples, je vous dirais qu'il y a deux côtés à une médaille et que nous nous efforçons toujours d'aborder les idées mises de l'avant par des gens qui se trouvent des deux côtés afin de pouvoir confronter ces idées et rejeter celles qui ne conviennent pas.

Que pense l'ACPP d'un système de plafonnement et d'échange des droits d'émission de carbone?

M. Maynard : L'ACPP croit que de nombreux mécanismes sont requis, y compris un système de plafonnement et d'échange pour assurer une marge de manoeuvre maximale. Nous pensons que le meilleur investissement à long terme, et celui qui nous assurerait une meilleure réussite, est la recherche de solutions technologiques. Un système de plafonnement et d'échange, un système d'échange de droits d'émission et des mesures de compensation nationales et internationales devraient tous faire partie de la solution.

Le président : Que pensez-vous de l'affirmation selon laquelle on transforme de l'or en plomb quand on utilise du gaz naturel dans les procédés d'extraction du pétrole brut dans les sables bitumineux? Que pensez-vous de l'utilisation d'un combustible peu polluant pour produire un combustible plus polluant?

M. Maynard : Le ratio d'intensité énergétique du pétrole par rapport au gaz naturel est, approximativement, de six à un. Vous tirez donc six fois plus d'énergie d'un baril de pétrole que d'un volume équivalent de gaz naturel. Pour le moment, c'est une équation économique.

On est fortement incité, lorsque le prix de l'énergie comme le gaz naturel est aussi élevé qu'aujourd'hui, à chercher d'autres solutions technologiques pour faire baisser nos coûts. Les coûts énergétiques constituent sans contredit une part importante de nos frais d'exploitation des sables bitumineux, et il y a des choses qui nous incitent à vouloir réduire ces coûts.

Certaines de nos sociétés membres examinent la possibilité de soumettre à la gazéification les produits lourds dans le fond des barils — les bitumes et autres — pour créer une source énergétique. Donc, vous pouvez voir que nous recherchons des solutions technologiques. Nous n'avons pas actuellement la technologie nous permettant de faire concurrence au gaz naturel. Si les prix restent comme ils le sont actuellement, l'industrie sera d'autant plus déterminée à développer ce genre de technologie.

Les solutions technologiques ne se trouvent pas cependant du jour au lendemain; ça prend du temps.

Comme je l'ai dit, on revient à la première équation : on peut tirer six fois plus d'énergie du pétrole que du gaz naturel.

Le président : Ça semble très efficace.

Lorsqu'on fabrique ou produit quelque chose dont la demande excède de loin l'offre, on fait face à deux choix. Le premier choix, le plus évident, c'est d'accroître l'offre pour répondre à la demande. Le deuxième, qui s'avère très efficace pour certaines entreprises, c'est de réduire la demande.

Je vais vous donner un exemple dans le domaine de l'énergie. B.C. Electric envisageait la possibilité de construire trois nouveaux barrages hydroélectriques. Puis, un nouveau président a été nommé et il a posé les questions suivantes : Comment pouvons-nous améliorer nos bénéfices nets? Comment pouvons-nous mettre la main sur l'électricité requise pour satisfaire nos clients sans avoir à construire ces trois barrages?

Donc, au lieu de construire ces barrages pour répondre à la demande, ils ont mis en place un programme visant à convaincre leurs clients d'utiliser le moins possible leurs produits. Je sais que c'est contraire à la logique, mais grâce à la réussite de cette campagne, ils ont été en mesure d'accroître considérablement leurs profits, d'éviter de faire un énorme investissement et de permettre à leurs clients de faire des économies.

L'ACPP envisage-t-elle quelque chose de ce genre, c'est-à-dire convaincre les clients d'utiliser de façon plus efficace leurs produits?

M. Maynard : Non, et je dirais que notre situation ne se compare pas à celle que vous avez illustrée.

Le président : Je vais vous offrir une autre analogie. Pardonnez-moi de vous interrompre.

Un de mes cousins travaillait dans l'industrie du gaz au Texas et il a été engagé par une entreprise pour convaincre ses clients de consommer moins de gaz. Cette entreprise avait plusieurs choix : elle pouvait creuser des puits, sans garantie quant aux résultats; elle pouvait compter sur la prolongation de certains pipelines, provenant de quelque part dans l'Ouest, et sur un certain approvisionnement; où elle pouvait convaincre ses clients d'utiliser moins de gaz. C'est une source énergétique, comme l'est l'électricité.

Pourquoi n'est-ce pas analogue?

M. Maynard : Je ne dis pas que l'efficacité énergétique n'est pas essentielle à la réussite à long terme du Canada, de l'Amérique du Nord et du monde entier. Nous devons faire preuve d'une plus grande efficacité énergétique, que ce soit en ce qui a trait aux émissions de gaz à effet de serre, à l'environnement ou à d'autres aspects. Plus souvent qu'autrement, il est préférable de réduire la consommation d'énergie.

Nous sommes dans une situation où les prix et les niveaux d'activité ont atteint des records, sans oublier que le marché continue d'en demander encore et encore. Pour le moment, nos efforts se concentrent sur l'augmentation de l'approvisionnement.

Si nous disons aux clients de réduire leur consommation, ils vont simplement exiger des produits qui coûtent plus cher.

Il y a actuellement aux États-Unis un débat sans précédent sur le gaz naturel liquéfié. Cette ressource, d'un point de vue purement économique, ne peut pas faire concurrence au gaz naturel du Canada. La demande est si forte aux États- Unis que les gens se tournent vers le gaz naturel liquéfié qui est pourtant beaucoup plus cher.

Dans un tel contexte, je ne peux pas aller dire à mes clients de réduire leur consommation. Les clients n'en ont rien à cirer, comme le révèle leur comportement actuel. Nous constatons une augmentation de la consommation de gaz naturel pour la production d'énergie ou pour l'utilisation de produits comme de gros véhicules utilitaires sport. C'est très dur pour nous de présenter des arguments qui convaincront les gens.

De plus, soyons honnête : on pourrait douter de la crédibilité de l'industrie si celle-ci se mettait à prêcher l'efficacité énergétique et à en faire un de ses messages clés.

Comme je l'ai mentionné plus tôt, si nous voulons réduire les émissions de gaz à effet de serre qui entraînent des changements climatiques, ce sera par une consommation d'énergie réduite, l'utilisation de plusieurs sources d'énergie ou un système de captage et de stockage. Voilà les messages que nous véhiculons. Jusqu'à maintenant, nous n'avons eu aucune réaction des clients.

Le président : C'est exactement ce qui s'est passé pour les clients de BCE ou de Texas Gas qui ne voyaient pas l'avantage de réduire leur consommation, jusqu'à ce que leurs fournisseurs leur en fassent la preuve. Ils se sont rendu compte qu'ils pouvaient économiser sur les coûts énergétiques puisqu'ils utilisaient plus efficacement l'énergie.

J'examine donc la différence entre l'incitation à l'efficacité énergétique, qui peut être prouvée, si l'expérience passée est authentique, et l'idée que vous venez d'avancer, c'est-à-dire que peu importe la demande, nous avons la responsabilité d'y satisfaire, et ce à tout prix. Ça, ça me pose un problème.

M. Maynard : Je reviendrais au fait que nous sommes dans un système axé sur les forces du marché, un marché libre. Le gouvernement peut jouer un rôle en exhortant les consommateurs à ...

Le président : Non, je ne parle pas du gouvernement; je parle de l'industrie.

M. Maynard : Nos actionnaires nous ont chargés d'optimiser la valeur à long terme de leurs actions. La demande du marché est clairement en hausse, et nous devons nous efforcer d'y répondre.

Nos clients ne sont pas les gens qui conduisent des véhicules utilitaires sport. Nous vendons nos produits aux raffineries qui font l'essence et aux entreprises de distribution qui fournissent le gaz naturel aux consommateurs. Nous pouvons continuer à plaider en faveur de l'efficacité énergétique; c'est d'ailleurs ce que nous faisons auprès des gouvernements et d'autres instances.

La demande ne fléchit pas. Nous savons tous que le prix de l'essence a augmenté l'année passée. Malgré des prix records, la demande n'a pas baissé, et je ne peux pas expliquer pourquoi.

Le président : Donc, vous ne voyez pas la nécessité de faire des efforts pour conserver les ressources énergétiques actuelles afin d'en avoir plus longtemps?

M. Maynard : Non, ce n'est pas ce que je dis. Je pense que nous devons mettre l'accent sur la conservation et l'efficacité énergétiques, évidemment.

Le président : Êtes-vous en train de dire que ça revient au gouvernement de le faire?

M. Maynard : Non, nous le faisons aussi auprès de nos membres. Vous avez posé une question plus tôt au sujet des sables bitumineux. Nos membres essaient de faire des économies d'énergie car ils sont sensibles aux niveaux des prix.

Le gaz naturel est très cher. Par conséquent, nous essayons de réduire nos coûts énergétiques associés à notre production. Nous n'avons pratiquement aucune influence sur le consommateur ultime.

Cela ne veut pas dire que nous ne devrions pas essayer. Je dis seulement que ça ne constitue pas des efforts considérables de notre part. Au mieux, je dirais que nous n'arriverons qu'à des résultats très limités car les consommateurs ne réagissent pas aux fluctuations des prix.

Le président : Les niveaux de prix que je vous ai mentionnés étaient à la baisse, ce qui a réduit le coût du produit. Ça vaudrait peut-être la peine d'examiner de plus près ces deux exemples car c'était également inhabituel à ce moment-là.

Je ne voudrais toutefois pas vous dire comment gérer une entreprise d'exploitation pétrolière ou gazière.

Nous allons faire une petite pause, puis nous changerons de témoin. Je vous remercie infiniment de votre présence aujourd'hui et de votre témoignage fort instructif. Vous nous avez dit que vous nous fourniriez de l'information; je vous serais reconnaissant de tout transmettre au greffier.

Nous allons vous écrire pour vous soumettre quelques questions que nous n'avons pas eu le temps de vous poser. Nous vous saurions gré de prendre le temps d'y répondre.

J'espère que nous aurons l'occasion de vous inviter de nouveau car cet échange a été beaucoup trop court.

M. Maynard : Chers sénateurs, je vous remercie de l'occasion que vous nous avez offerte. Nous avons vraiment aimé ça. Cette heure et demie s'est envolée rapidement.

Nous allons nous assurer de faire un suivi. S'il manque quoi que ce soit, veuillez nous en aviser. Si vous avez d'autres questions, nous serons heureux d'y répondre ou du moins de tenter d'y répondre au meilleur de nos connaissances. De plus, nous serions très, très, très heureux de comparaître de nouveau devant vous.

Le sénateur Lorna Milne (présidente suppléante) occupe le fauteuil.

La présidente suppléante : Notre prochain invité est M. Nikiforuk.

M. Andrew Nikiforuk, à titre personnel : Mon exposé sera très bref. On m'a demandé de comparaître pour parler de l'eau, et c'est ce que je vais faire.

Je suis le père de trois garçons et je suis ici aujourd'hui principalement parce que je m'inquiète de leur avenir et de l'épuisement important des ressources en eau dans l'Ouest canadien. Je crains que d'ici à ce que mes enfants aient 30 ans, nos glaciers auront disparu; que les eaux souterraines se seront appauvries et que la rivière Bow ne sera plus qu'un corridor d'utilité publique.

Je suis également ici aujourd'hui car je crois que le gouvernement fédéral tout comme les gouvernements provinciaux ne prêtent pas assez attention à cet enjeu critique.

Nos glaciers contiennent 50 fois plus d'eau que les Grands Lacs, pourtant, nous sommes en train de les perdre. À l'heure actuelle, nous n'avons pas de chiffres fiables sur la superficie totale qu'occupent les glaciers au Canada, et c'est une honte nationale. Par ailleurs, la meilleure estimation indique qu'il y aurait 1 300 glaciers dans les versants de l'est. Le peu de données scientifiques dont nous disposons sur six glaciers repères révèlent que la plupart de ces glaciers s'amenuisent rapidement.

Au cours du dernier siècle, les Rocheuses canadiennes ont perdu, dans la partie sud, au moins 25 p. 100 de leur couverture glaciaire, et certains glaciers jusqu'à 70 p. 100 de leur volume. Un des glaciers les plus étudiés du Canada, le glacier Peyto, pourrait disparaître au cours des vingt prochaines années. En d'autres termes, un corps de glace qui a pris des milliers et des milliers d'années à se former pourrait disparaître en moins de 100 ans. En tout et partout, la couverture glaciaire dans l'Ouest canadien approche son plus bas niveau depuis les 10 000 dernières années.

Pourquoi tout cela est-il important?

Les glaciers nous rendent heureux. Ils font des habitants des Prairies une civilisation des oasis, une civilisation qui, autrement dit, est tributaire de la fonte des glaces. Les glaciers servent de banques d'eau, de police d'assurance. Ils constituent une source d'approvisionnement en eau fiable. Sans ces immenses châteaux d'eau, de nombreuses rivières cesseraient de couler à la fin de l'été. Les nappes souterraines ne se rechargeraient plus. Les milieux alpins disparaîtraient. Les cinq millions de touristes qui visitent Banff se demanderaient où sont les glaciers. Edmonton, Calgary et Saskatoon ne pourraient exister. Il n'y aurait pas d'irrigation dans le sud de l'Alberta, pas d'industrie bovine, pas de pêche à la truite blue-ribbon. Nos enfants auraient soif. Or, ces châteaux d'eau pourraient très bien disparaître d'ici 20 à 50 ans.

En même temps que nos glaciers fondent, le nombre de personnes tributaires de leur existence croît rapidement. La région située entre Edmonton et Calgary connaît l'une des plus fortes croissances démographiques au monde. La ville de Calgary s'étale dans les plaines comme un cancer qui détruit tout sur son passage. Nos vulnérabilités augmentent au lieu de diminuer, comme ce fut le cas durant les années 1920 , alors que le gouvernement fédéral s'activait à encourager le peuplement des plaines au lieu de se prémunir contre la sécheresse.

Comme Wallace Stegner l'a déjà indiqué,

L'histoire de l'Ouest a été marquée par l'importation d'activités propices aux milieux humides (et insouciantes) dans une terre aride qui ne saurait les tolérer.

La fonte des glaciers est liée à une autre crise, celle de la combustion et de l'épuisement des combustibles fossiles à l'échelle de la planète. Le Canada est le troisième consommateur en importance d'énergie et d'hydrocarbures, et l'un des principaux producteurs de gaz à effet de serre au monde. Grâce à la prolifération planétaire des gaz à effet de serre, nos hivers sont maintenant plus courts, nos nuits, plus chaudes, nos printemps, plus longs, et nos glaciers, plus petits.

Le climat planétaire nuit aux glaciers. En fait, à part quelques exceptions, les glaciers sont en train de fondre et de disparaître des Rocheuses, des Alpes, des Andes, de l'Himalaya, de l'Arctique. Ils laissent derrière eux pénuries d'eau, sécheresses et pannes d'électricité.

Les cercles des arbres et les fossiles marins nous apprennent maintenant que les Européens se sont installés en Alberta et en Saskatchewan durant le siècle le plus pluvieux des 2 000 dernières années. L'aridité est donc la norme. La région des Prairies est sujette aux sécheresses. Il y en a jusqu'à cinq tous les cent ans. Certaines durent 45 ans. D'après les scientifiques, la probabilité que nous soyons frappés par une grande sécheresse d'ici 2030 est de 40 p. 100. Et pendant ce temps-là, les glaciers continuent de se rétracter.

La neige aussi est en train de disparaître. En raison de stocks neigeux moins abondants dans le sud de l'Alberta, le débit des rivières va diminuer de 20 à 40 p. 100 au cours des dix années à venir. On peut s'attendre à des pénuries sévères qui vont laisser à peine suffisamment d'eau pour les poissons. Le débit de la rivière Saskatchewan, au sud de Prince Albert, est déjà de 20 p. 100 inférieur à ce qu'il était au début du siècle. Presque toutes les rivières des Prairies ont connu une baisse de débit allant de 30 à 80 p. 100 au cours des 100 dernières années.

Quant aux eaux souterraines, ces éternelles laissées-pour-compte, elles sont tout aussi importantes que nos glaciers. Les données scientifiques les plus récentes laissent entendre que les eaux de surface et les eaux souterraines sont étroitement liées. Si l'une est souffre, l'autre souffrira aussi. La répartition excessive de l'eau de surface, comme on a pu l'observer en Alberta et en Saskatchewan, entraîne l'appauvrissement des nappes souterraines.

Les eaux souterraines sont importantes pour plusieurs raisons : Elles alimentent les lacs, les cours d'eau, les rivières et les zones humides;elles rafraîchissent les eaux courantes; elles évacuent les matières polluantes et les nutriments; elles fournissent de l'eau potable à huit millions de Canadiens.

Vingt-cinq pourcent des Albertains boivent de l'eau qui provient de nappes souterraines. Le nombre de réservoirs aquifères qui approvisionnent les Canadiens en eau potable dépasse largement le nombre de rivières et de lacs qui fournissent cette même eau.

Or, nos réserves souterraines se tarissent rapidement. Cinq collectivités du centre de l'Alberta ont épuisé leurs ressources en eau souterraine. Elles sont maintenant alimentées par un pipeline, dont la construction a coûté de nombreux millions de dollars, qui est relié à la rivière Red Deer, déjà soumise à un régime de répartition excessive.

Les travaux de forage sans précédent menés par l'industrie pétrolière et gazière exposent les nappes souterraines de l'Alberta à une multitude de menaces. L'eau douce destinée à la récupération assistée des hydrocarbures atteint déjà environ 37 milliards de litres, un volume jugé suffisant pour étancher la soif de près de la moitié des consommateurs d'eau embouteillée à l'échelle mondiale. Cette pratique est honteuse.

Le méthane de houille, qui requiert une quantité considérable d'eau produite par les veines de charbon, constitue une autre menace grave. L'exploitation du méthane de houille dans les États du Wyoming et du Montana pourrait, au cours des 20 à 40 prochaines années, entraîner la disparition de ressources en eau dont la valeur totalise 2 milliards de dollars.

L'Alberta va-t-elle répéter la même erreur?

Plus de 600 000 puits de pétrole et de gaz abandonnés menacent les eaux souterraines de l'Alberta, de la Saskatchewan et de la Colombie-Britannique. Or, le gouvernement fédéral reconnaît que sa connaissance de l'état des nappes souterraines est épouvantable, limitée et honteusement inadéquate.

Le tarissement des réserves d'eau dans les Prairies, causé par le réchauffement des températures, la sécheresse, la croissance démographique rapide et des pratiques industrielles préjudiciables, ne peut que nuire à l'Ouest. Chaque prévision fait raviver les tensions le long de la frontière, en fait, le long de toutes les frontières. Le Montana, qui veut davantage d'eau, craint les habitudes de consommation de l'Alberta. La Saskatchewan craint la soif de l'Alberta. Le Manitoba, un utilisateur d'extrémité — ou un perdant — se méfie de la Saskatchewan et de l'Alberta. Les Territoires du Nord-Ouest, eux, n'en reviennent pas des quantités incroyables d'eau que nécessite l'exploitation des sables bitumineux.

En passant, il faut de deux à trois barils d'eau pour produire un baril de pétrole, un rythme jugé insoutenable si le taux de production actuel est maintenu. L'Athabasca, si elle continue d'être exposée à un tel tarissement, ne ressemblera plus à une rivière dans 20 ans.

L'Ouest est en train de s'assécher. Il y a moins d'eau. Les traités et les régimes hydriques d'antan, qui reposaient sur le principe de l'abondance, ne tiennent plus. Nous sommes sur le point d'apprendre, de façon très douloureuse, comme Wallace Stegner l'a jadis fait remarquer, que

Le paysage, du fait de son aridité, recèle à la fois des splendeurs, mais aussi des limites.

Que peut faire le Sénat? Je ne le sais pas. Comme la plupart des citoyens des Prairies, j'ai perdu tout respect à l'égard du gouvernement fédéral. Il est devenu une voix silencieuse, voire un interlocuteur absent du dossier de l'eau. Il s'est tout simplement désintéressé de la question. Il a réduit le financement de la recherche. Il ne sait pas si le verre est à moitié plein ou à moitié vide. Seuls quatre scientifiques fédéraux suivent l'évolution des glaciers et du milieu alpin. En Europe, tout comme aux États-Unis, pareille situation serait jugée honteuse.

Pour le bien de mes enfants, je ne demande qu'une seule chose : accordez-nous le même financement que les Européens et les Américains consacrent aux recherches sur les glaciers; transformons nos glaciers en banques d'eau importantes; acceptons le fait qu'ils sont en train de devenir des symboles dérangeants du changement climatique. Si vous nous accordez ce financement, les habitants de l'Ouest, à tout le moins, pourront disposer d'un système d'alerte rapide de premier plan. Les données ainsi recueillies pourraient servir de fondement aux politiques relatives aux eaux, aux systèmes de gestion des eaux. Ces renseignements pourraient contribuer à changer la vie de mes enfants.

Si vous nous accordez ce financement, nous serons en mesure de nous rappeler ce que Wallace Stegner comprenait si bien : à savoir que l'eau est la véritable richesse d'une terre aride.

J'ai apporté avec moi un exemplaire d'un article que j'ai rédigé récemment pour le Canadian Business Magazine. Il s'intitule : « Mythoilogy : Eight wrong ways to think about the future of energy ». Je vais vous le laisser pour que vous puissiez le lire. L'article traite du tarissement de nos précieuses ressources pétrolières et gazières.

La présidente suppléante : Merci, monsieur Nikiforuk.

J'ai un exemplaire d'un article qui a paru dans le Calgary Herald et qui s'intitule : « Gone for good : Water is too precious to waste on oil recovery ».

M. Nikiforuk : C'est exact.

La présidente suppléante : Est-ce le même?

M. Nikiforuk : Non, vous n'avez pas d'exemplaire de celui que j'ai mentionné.

La présidente suppléante : Nous avons également un exemplaire de l'article tiré du Calgary Herald qui s'intitule : « Landowners wary of coal bed methane : Alberta is doing a poor job of presenting facts to Albertans ».

Monsieur Fortin, la parole est à vous.

M. Gaby Fortin, directeur général, Ouest et Nord du Canada, Parcs Canada : J'aimerais d'abord vous exposer le mandat de Parcs Canada, qui est tiré de la Loi sur l'Agence Parcs Canada :

Au nom de la population canadienne, nous protégeons et mettons en valeur des exemples représentatifs du patrimoine naturel et culturel du Canada, et en favorisons chez le public la connaissance, l'appréciation et la jouissance, de manière à en assurer l'intégrité écologique et commémorative pour les générations d'aujourd'hui et de demain.

Les parcs et lieux historiques nationaux entraînent des retombées considérables pour les économies locales et régionales. Ils accueillent tous les ans 26 millions de visiteurs, qui contribuent pour 1,2 milliard de dollars au produit intérieur brut.

La présidente suppléante : Vous pouvez vous exprimer en français, si vous voulez, puisque nous avons accès au service d'interprétation.

M. Fortin : Le problème, c'est que je ne connais pas toujours les sigles qu'on utilise dans cette langue.

Ce secteur a créé l'équivalent de 38 000 emplois à temps plein en 2000. Les deux tiers des dépenses de Parcs Canada sont faites dans les collectivités rurales.

Les parcs et lieux historiques nationaux sont des symboles de l'identité canadienne et des éléments centraux du secteur du tourisme, qui génère un chiffre d'affaires de 52 milliards de dollars. Les dépenses effectuées par les visiteurs étrangers atteignent 755 millions de dollars. Enfin, ce secteur contribue à l'expansion et à la diversification des produits touristiques régionaux en offrant de nouvelles destinations, infrastructures et formules de commercialisation, ainsi que de nouveaux services.

L'exposé va porter sur l'ensemble des parcs des montagnes, mais surtout celui de Banff. Je vais vous donner un aperçu de ce que nous appelons les parcs des montagnes. Ils sont plus nombreux qu'on ne le croit dans les Rocheuses. Les parcs mentionnés dans cet exposé sont situés en Alberta et en Colombie-Britannique : il s'agit de Banff, Kootenay, Jasper, Yoho, Lacs-Waterton, Mount-Revelstoke et Glaciers.

Ces parcs sont exploités et dirigés comme une seule grande entité afin d'en assurer une exploitation uniforme, efficiente et efficace. Chaque parc est géré comme un centre de responsabilité. Toutefois, les parcs des montagnes relèvent d'un seul directeur exécutif qui les gère comme une seule unité.

Des droits sont perçus aux principaux points d'entrée. En règle générale, les gens visitent plusieurs parcs. Voici une carte qui indique l'emplacement des différents parcs en Alberta et en Colombie-Britannique.

On trouve en Colombie-Britannique deux sites du patrimoine mondial, un parc provincial, sept parcs nationaux, dix-sept lieux historiques nationaux. Ensemble, ils accueillent 10 millions de visiteurs par année, dont les dépenses totalisent près de un milliard de dollars. Les recettes des parcs s'élèvent à 44,5 millions de dollars. Les biens sont évalués à 2,4 milliards de dollars. Le budget de fonctionnement est de 71,9 millions de dollars, et le budget d'immobilisations, de 8,6 millions de dollars. Les parcs emploient quelque 1 100 personnes, et cela comprend les employés saisonniers.

D'un point de vue purement économique, on compte cinq collectivités; 3 900 baux; trois sources thermales; quatre stations de ski; trois terrains de golf; la route Transcanadienne; la route Yellowhead et les lignes principales du Canadien Pacifique et du Canadien National.

Je ne passerai pas en revue les recettes des parcs.

La présidente suppléante : Nous sommes tous capables de lire. Nous y reviendrons plus tard.

M. Fortin : C'est pour cette raison que nous vous avons fourni ces chiffres.

Le parc national Banff fait partie du site du patrimoine mondial. À l'intérieur du parc, on trouve sept lieux historiques nationaux. Le parc accueille 2,9 millions de visiteurs par année. Ses recettes annuelles totalisent 25 millions de dollars. Les biens du parc s'élèvent à 445 millions de dollars. La Transcanadienne représente un investissement de 229 millions de dollars.

Voici des photos des biens dont il est ici question.

La valeur de remplacement du portefeuille national est évaluée à 7,1 milliards de dollars. Les parcs des montagnes représentent, à eux seuls, 2,4 milliards de ce montant.

La diversité des biens du parc national Banff est inégalée. Nous avons une station d'épuration des eaux usées modernes, à la fine pointe de la technologie, de même que des bâtiments historiques datant de la fin des années 1800. Nous avons des emplacements de camping dans l'arrière-pays, de même que des terrains de caravaning avec services complets. Nous avons des routes interprovinciales de quatre voies, de même que des routes de terrain de camping et autres.

Les biens sont culturels et contemporains. Notre mandat, dans le cas des biens culturels et des artefacts et collections, est de protéger les matériaux historiques irremplaçables. Dans le cas des biens contemporains, notre mandat est d'assurer la prestation sûre et rentable des services aux Canadiens.

En ce qui a trait aux biens administratifs et opérationnels, notre mandat est de mettre à la disposition du personnel des installations et de l'équipement sûrs afin de lui permettre de s'acquitter de la mission de Parcs Canada.

Bon nombre de nos biens, surtout les biens contemporains, ont été fabriqués entre la fin des années 1950 et la fin des années 1970. Ils ont atteint la fin de leur vie utile et ont besoin d'être reconstruits ou remplacés. Comme l'indique la ligne pointillée sur le diagramme, il faudra entreprendre d'énormes travaux de réfection qui, s'ils restent en plan, entraîneront la fermeture d'installations et la réduction de services à grande échelle.

Selon le Secrétariat du Conseil du Trésor, les dépenses annuelles de réfection à débourser totalisent 2 p. 100 des coûts de remplacement des biens. Pour Parcs Canada, cela représente, à l'échelle nationale, 140 millions de dollars par année. Le budget d'immobilisations de Parcs Canada est de 40 millions de dollars.

Je parlerai un peu plus tard des conséquences du budget annoncé récemment.

La présidente suppléante : Il reste encore une vingtaine de pages à parcourir. Au lieu d'en faire la lecture, vous pourriez peut-être nous signaler les points saillants, et nous parler des problèmes qui existent et des mesures que peut prendre le gouvernement fédéral pour les régler.

Notre objectif ici est de recueillir le point de vue d'experts de l'Ouest dans le cadre de notre étude sur le Protocole de Kyoto et les sources d'approvisionnement en eau.

M. Fortin : Je vais passer à la conclusion. J'ai ici quelques photos qui font état de nos besoins financiers.

Je vais uniquement vous montrer celles qui montrent le genre de travaux que doivent subir les autoroutes, les ponts, les installations historiques et les terrains de camping.

La présidente suppléante : Vous faites allusion aux infrastructures.

M. Fortin : Oui.

La présidente suppléante : J'en ai vu certaines.

M. Fortin : Elles se sont détériorées au fil des ans, faute d'investissements.

Comme on peut le voir à la page 22, nous proposons une solution à deux volets. La création et la préservation font partie du mandat de base. C'est ce que nous appelons le « bien public ». Le financement provient des crédits versés au gouvernement du Canada. Une somme additionnelle de 75 millions de dollars a été prévue dans le dernier budget.

Pour ce qui est de l'utilisation et de l'appréciation des parcs à des fins personnelles, le financement provient en partie des droits d'utilisation. On propose une modification des frais d'utilisation de 25 millions de dollars.

La présidente suppléante : J'aimerais en savoir un peu plus à ce sujet.

M. Fortin : Parcs Canada propose une modification des frais d'utilisation. Il faut, pour cela, recourir à la Loi sur les frais d'utilisation.

La présidente suppléante Je vois. Ce montant n'est pas prévu dans le budget.

M. Fortin : Non.

La président suppléante : Cela va entraîner une hausse des droits à payer pour avoir accès aux parcs, ou des droits d'utilisation eux-mêmes.

M. Fortin : Oui. Il y a toute une gamme de droits qui vont augmenter.

Il faut toutefois recourir à la Loi sur les frais d'utilisation. La demande doit être présentée au comité responsable aux fins d'approbation.

Je vais vous parler brièvement de ce que nous avons reçu dans le budget de 2005.

La présidente suppléante : Allez-y.

M. Fortin : Pour 2005 et 2006, nous allons recevoir 11 millions de plus; par la suite, nous allons recevoir 25 millions de plus, 43 millions, 55 millions et enfin, la cinquième année, 75 millions. Il s'agit d'une allocation budgétaire permanente.

Ces fonds vont nous permettre d'effectuer les travaux de réfection nécessaires, mais pas de financer les grands projets comme ceux touchant la Transcanadienne, par exemple.

Je vous ai donné quelques exemples des projets pour l'année qui vient.

J'aimerais maintenant que nous comprenions bien comment les recettes sont utilisées de même que les frais d'utilisation, car c'est important au plan budgétaire. Le paiement relatif aux biens publics se fait à même les crédits; cela fait partie des principes clés. Nous parlons des services d'information de base, de la protection des ressources et autres genres de biens publics.

La présidente suppléante : La sécurité aussi.

M. Fortin : La sécurité, oui, c'est exact.

Le paiement relatif aux avantages personnels se fait, en partie au moins, à même les frais d'utilisation; prenons l'exemple d'un terrain de camping, l'avantage direct en revient à l'utilisateur plutôt qu'aux Canadiens en général.

Les recettes perçues restent dans le budget des parcs et des sites et permettent de payer les installations et les services offerts aux visiteurs. En d'autres termes, les recettes perçues ne retournent pas au Trésor.

Comme je le disais, nous proposons une augmentation des recettes et des frais d'utilisation. Ces changements devront être apportés à la Loi sur les frais d'utilisation que la ministre doit déposer devant le Parlement.

La présidente suppléante : Ce n'est pas du ressort de notre comité.

M. Fortin : C'est exact.

La présidente suppléante : On ne nous laisse pas dépenser de l'argent.

M. Fortin : Non. Je crois que cela doit être examiné par le Sénat également.

La présidente suppléante : Le Sénat doit l'adopter, après examen à la Chambre des communes. Le Sénat n'est pas autorisé à présenter des projets de loi de finances ou quoi que ce soit qui entraînerait l'utilisation de l'argent du contribuable.

M. Fortin : Merci de m'avoir donné l'occasion de présenter mon exposé. Je croyais qu'il fallait que je traite de la question des biens.

La présidente suppléante : Eh bien, je suis très heureuse, monsieur, que vous ayez attiré notre attention sur ce point. Monsieur McGuire, avez-vous autre chose à ajouter?

M. Terry McGuire, directeur, Service de la gestion des biens de l'Ouest du Canada: Je suis ici simplement pour aider au cas où des questions précises sont posées.

La présidente suppléante : Le sénateur Spivak veut poser quelques questions.

Le sénateur Spivak : Merci.

J'ai lu vos articles et je peux dire qu'ils sont vraiment déprimants. Ce n'est pas une remarque défavorable à votre égard, puisque je crois que vous dépeignez bien la réalité.

J'aimerais vous poser une question au sujet de l'expression « répartition excessive ». Le gouvernement albertain vient juste de lancer un projet appelé Water for Life.

Pensez-vous que l'Alberta soit consciente du problème et comment va-t-elle l'aborder?

M. Nikiforuk : L'Alberta a une stratégie appelée Water for Life Strategy, qui est une nouvelle initiative. C'est essentiellement une réalisation personnelle de Lorne Taylor, qui n'est plus au gouvernement. Cette stratégie renferme beaucoup d'éléments fort positifs, notamment l'accent mis sur la protection et la gestion des bassins hydrologiques.

En l'état actuel des choses, nous ne savons pas combien de fonds le gouvernement provincial est prêt à injecter dans ce plan, ni jusqu'à quel point il veut soutenir cette stratégie. Pour l'instant, nous n'avançons pas vraiment.

Pour ce qui est de la répartition excessive, il faut dire que c'est le lot de presque tous les bassins de l'Alberta : le bassin Red Deer, le bassin de la rivière Bow, le bassin de la rivière Oldman.

Nous sommes arrivés à un point où nous utilisons plus d'eau que nous n'en avons. C'est un sujet de préoccupation non seulement pour nous, en tant qu'Albertains, mais aussi pour les habitants de la Saskatchewan et du Manitoba, qui dépendent des rivières pour l'eau. L'Alberta s'est engagée dans le cadre de plusieurs ententes à ne pas complètement drainer les rivières; nous sommes toutefois pratiquement sur le point de le faire.

Le sénateur Spivak : Eh bien, quelles sont les possibilités, puisqu'il s'agit du problème du gouvernement de l'Alberta?

Je ne suis pas sûre de la responsabilité du gouvernement fédéral en matière de répartition, je sais qu'il est responsable du poisson.

M. Nikiforuk : Pour ce qui est de la répartition, c'est un problème que doivent résoudre les Albertains. Je crois qu'il serait utile que le gouvernement fédéral donne plus de possibilités pour ce qui est de la recherche et des rapports sur l'état de nos glaciers, de l'enneigement dans les montagnes Rocheuses et de nos milieux alpins. Ce sont des milieux critiques et bon nombre d'entre eux se trouvent dans nos parcs nationaux. La plupart des gouvernements du monde, notamment en Europe et aux États-Unis, prêtent beaucoup d'attention à cette science et à ce genre de recherche.

Trois millions de personnes dans les Prairies dépendent de ces glaciers et de leur avenir et je crois que c'est au gouvernement fédéral qu'il revient de consacrer plus de temps et d'énergie à cette question et d'y accorder plus d'importance.

Le sénateur Spivak : Connaissez-vous l'importance du financement en Europe? D'après vous, quel serait un niveau de financement adéquat pour ce genre de travail?

Avons-nous des gens au Canada spécialisés dans ce domaine? Je connais David Schindler et d'autres personnes comme lui.

M. Nikiforuk : Nous avons un excellent glaciologue, M. Mike Demuth, qui travaille pour Ressources naturelles Canada. Je conseillerais absolument à votre comité de l'entendre. Il vous dira que nous avons vraiment très peu de scientifiques qui travaillent dans le domaine des glaciers et que, malgré le nombre important de glaciers au Canada, nous faisons partie des pays qui financent le moins la recherche dans ce domaine.

La Suisse a des programmes actifs qui permettent de surveiller le recul glaciaire dans les régions alpines afin de déterminer l'impact sur les forêts, l'écologie, la flore et l'approvisionnement en eau. Ces programmes étudient également l'impact du recul glaciaire sur l'agriculture et la production hydroélectrique. La question est prise très au sérieux dans ce pays. Les Suisses savent que s'ils ne font pas attention, tout le Centre de l'Europe connaîtra des problèmes d'eau très graves. Les États-Unis ont des programmes très actifs en Alaska et au Montana.

Nous n'avons rien de comparable à ce qu'ont les scientifiques en Europe ou aux États-Unis. Il est inacceptable que les habitants des Prairies ne disposent pas d'une présence fédérale dans ce domaine.

Le sénateur Spivak : Il m'a semblé que l'Association canadienne des producteurs pétroliers était optimiste quant à la pénurie d'eau. Elle semble également optimiste quant à l'impact que cela pourrait avoir sur l'industrie et ne semble pas considérer qu'il s'agit d'un problème.

M. Nikiforuk : L'industrie du pétrole et du gaz en Alberta est éternellement optimiste et pleine d'espoir. Elle croit que la technologie du marché va résoudre tous les problèmes.

Je ne crois pas que la technologie va résoudre le problème des pénuries d'eau qui commencent à apparaître dans la région de Fort McMurray. Il s'agit d'une autre région où le gouvernement fédéral a la responsabilité de faire de la recherche à long terme sur l'impact cumulatif de l'exploitation des sables bitumineux sur l'eau de surface et l'eau souterraine dans le nord-est de l'Alberta. Cette eau, et la perte de cette eau, va toucher à la fois la Saskatchewan et les Territoires du Nord-Ouest.

Nous avons donc une industrie qui se développe de façon phénoménale, sans que quiconque ne fasse les calculs ni ne se demande quel sera l'impact de cette croissance sur la population et la faune qui dépendent de la rivière. Personne ne se pose ces questions.

Le sénateur Spivak : C'est absolument renversant.

M. Nikiforuk : Effectivement.

Le sénateur Spivak : Parlons maintenant de ce méthane de houille. Lorsque j'ai posé des questions à l'ACPP, ses représentants ont dit que cela ne posait pas vraiment un gros problème au Canada.

Pourriez-vous parler du méthane de houille ici et aux États-Unis?

M. Nikiforuk : Eh bien, nous avons 3 000 puits de méthane de houille dans l'ouest du Canada. La plupart se trouvent dans ce qu'on appelle la formation de Horseshoe Canyon. Cette formation présente des caractéristiques vraiment inhabituelles, vu qu'il semble y avoir très peu d'eau.

La formation Manville contient de l'eau salée, tandis que la formation Ardley contient de l'eau douce; les deux vont poser des problèmes quant à la production de l'eau.

Produire de l'eau à partir des veines de charbon consomme beaucoup d'énergie et coûte très cher. Habituellement, il faut produire de l'eau à partir de ces veines de charbon pendant deux ans avant de pouvoir produire du méthane ou du gaz. Où évacuez-vous cette eau? Les problèmes d'évacuation dépendent en général du genre d'eau que l'on retrouve dans le charbon.

Aux États-Unis, cette eau est très saline et corrosive. Elle est déversée dans les herbes indigènes, les rivières et les étangs.

En vertu de la loi actuelle, on ne peut pas déverser de l'eau salée dans nos prairies ou nos rivières. Toutefois, la pression exercée par l'industrie du gaz naturel pourrait fort bien changer cette réglementation.

Les questions relatives à l'eau que suscite l'exploitation du méthane de houille en Alberta pourraient être importantes, dramatiques et avoir un effet sur les aquifères de toute la province. Les rapports publiés par le ministre de l'Environnement en 2002 sur la qualité de l'eau souterraine recommandent qu'il n'y ait absolument pas d'exploitation importante de méthane de houille tant que des études approfondies sur l'eau souterraine ne seront faites pour déterminer l'impact de cette activité sur l'approvisionnement en eau souterraine.

Enfin, le méthane de houille représente un changement incroyable d'échelle en matière de forage. Il faut près de trois puits de méthane de houille pour produire l'équivalent d'un puits conventionnel. Pour remplacer 3 milliards de pieds cubes de gaz ou combler une baisse de 21 p. 100 de la production par année, il faudrait forer 33 000 puits de méthane de houille par an.

L'impact de ce genre de forage sur les terres agricoles et les aquifères d'eau souterraine dans le centre de l'Alberta pourrait être énorme. Nous parlons ici de l'industrialisation du paysage des Prairies, assortie de conséquences inconnues pour l'approvisionnement en eau souterraine.

Le sénateur Spivak : Ils ont proposé de n'avoir que deux puits par section.

M. Nikiforuk : Non. Je crois qu'ils parlent de six à huit puits par section. Cela s'ajoute probablement aux cinq ou six puits de gaz peu profond ou profond. Il s'agit donc dans de nombreux cas de 12 puits par section dans le centre de l'Alberta. Beaucoup de propriétaires terriens craignent qu'on puisse arriver jusqu'à 16 ou 32 puits par section. Nous ne savons pas pour l'instant jusqu'où on pourrait aller.

Le sénateur Spivak : Il existe déjà 3 000 puits sans aucune réglementation. Pense-t-on à une réglementation?

M. Nikiforuk : Les 3 000 puits existants sont considérés comme des puits de gaz naturel et sont assujettis à la même réglementation que le gaz naturel.

Ce qui n'est pas réglementé, c'est leur impact potentiel sur l'eau souterraine. En outre, personne n'examine l'impact cumulatif du forage de milliers et de milliers de puits supplémentaires dans le centre de l'Alberta. La formation de Horseshoe Canyon pourrait exiger jusqu'à 50 000 puits au cours des 20 à 30 prochaines années et il ne s'agit que d'une seule formation de méthane de houille.

La présidente suppléante : Dites-nous quelle pouvait être la superficie de cette région.

M. Nikiforuk : Ce serait une région située entre Edmonton et Calgary, soit la région la plus fortement peuplée des Prairies.

La présidente suppléante : Effectivement, et là où la population augmente si rapidement.

M. Nikiforuk : C'est exact.

La présidente suppléante : Quelle est la réglementation actuellement en ce qui concerne les puits de gaz naturel? S'agit-il de quatre puits par section? Des limites sont prévues.

M. Nikiforuk : La moyenne était d'un puits par section.

Le sénateur Spivak : Dans une étude préalable, nous avons examiné l'impact sur la forêt boréale et ce qui s'y trouve déjà; c'est énorme.

Les habitants de l'Alberta sont-ils prêts à l'accepter?

M. Nikiforuk : Les habitants de l'Alberta ne savent pas quelle sera la place occupée par le méthane de houille. M. Brad Stelfox, écologiste spécialisé dans l'utilisation des sols, a récemment examiné le Horseshoe Canyon pour déterminer les effets éventuels de la place occupée par 50 000 puits supplémentaires de cette formation de méthane de houille. Cette formation s'étend sur plus de 11 000 sections de terrain.

Cela pourrait avoir un effet direct sur 1 à 2 p. 100 du paysage, et un effet indirect sur 12 p. 100 du paysage, simplement en termes de marge de recul des puits et des pipelines. Autrement dit, 12 p. 100 du paysage pourraient être bloqués et dominés exclusivement par des exploitations de gaz; je pourrais ajouter également que cette région correspond aux meilleures terres agricoles de l'Alberta.

On peut souligner d'autres répercussions également. L'impact potentiel sur l'eau souterraine est inconnu, vu que les études sur le sujet sont inadéquates. D'autres conséquences surgiront vu que la prolifération des puits rendra encore plus difficile le travail des agriculteurs. Certains agriculteurs m'ont dit qu'il sera difficile de manœuvrer leur équipement agricole si on retrouve jusqu'à 6 ou 12 puits par section.

On se pose des questions au sujet d'un dédommagement adéquat ainsi que de l'impact de l'industrie sur le tourisme et l'agriculture. On s'inquiète à propos de l'impact sur les routes rurales et les stations de compression, vu qu'il faudra environ 1 500 stations de compression pour cette formation uniquement, et que ces stations utilisent énormément de gaz naturel. On est préoccupé par le nombre croissant de pipelines.

Il s'agit d'un impact sur les terres agricoles du centre de l'Alberta semblable à celui qui s'est fait sentir sur la forêt boréale.

Le sénateur Spivak : Pouvez-vous me rappeler ce que représente une section : Un carré d'un mille de côté?

M. Nikiforuk : C'est exact.

Le sénateur Spivak : Ce n'est pas si grand.

M. Nikiforuk : Cela représente 12 pâtés de maisons.

Le sénateur Spivak : Oh, mon Dieu.

En C.-B., cette proposition a été rejetée, initialement à tout le moins.

En Alberta, n'y a-t-il pas d'opposition organisée?

M. Nikiforuk : L'opposition est extrêmement organisée en Alberta.

Petite observation au sujet de la situation en C.-B. : les charbons de C.-B. sont différents des nôtres. Presque tous les charbons de Colombie-Britannique contiennent de l'eau. Beaucoup se trouvent dans des régions très peu accessibles et leur exploitation n'est pas très économique.

L'opposition au méthane de houille en Alberta se manifeste de façon soutenue.

Le sénateur Spivak : C'est la raison pour laquelle les sociétés ont convenu de ne pas faire de soumissions.

M. Nikiforuk : Certainement, dans la vallée de la rivière Fraser, c'est ce qui explique pourquoi les sociétés se sont montrées peu disposées à faire des soumissions pour des baux fonciers.

En Alberta, les groupes de propriétaire terriens, notamment le Wheatland Surface Right Action Group, ont fait plusieurs exposés devant le comité permanent de la politique du gouvernement de l'Alberta. Le WSRAG a souligné que les propriétaires sont désavantagés, que la protection de l'eau souterraine est inadéquate et que la loi actuelle ne règle pas comme il le faudrait le problème que pose l'échelle de production industrielle que représente le méthane de houille.

Le méthane de houille est le sable bitumineux du gaz naturel. En d'autres termes, si vous prenez l'énergie comme une pyramide, tout en haut se trouvent le pétrole et le gaz bon marché; en bas, c'est le fond du tonneau. Le méthane de houille et le gaz corrosif, deux produits à très forte intensité, qui ont des conséquences et des impacts environnementaux extrêmes, se trouvent au fond du tonneau. Ils témoignent de l'épuisement de la ressource.

Le sénateur Spivak : Avant de passer à la région de Banff, quel rôle le gouvernement fédéral doit-il jouer? Quel est l'intérêt environnemental? Ce n'est pas le poisson.

Il s'agit là d'évaluation environnementale, si on a le courage de s'y mettre. Le gouvernement fédéral fait très peu de grandes évaluations environnementales.

M. Nikiforuk : Eh bien, je crois que plusieurs responsabilités reviennent au fédéral : premièrement, l'eau souterraine; deuxièmement, l'avenir de l'approvisionnement en gaz et en pétrole du pays.

J'aimerais attirer de nouveau votre attention sur un rapport très important de David Hughes, de Ressources naturelles Canada. Il tient un dossier sur la demande énergétique et les tendances et prévisions en matière d'approvisionnement dans le pays. Si vous n'avez pas entendu cette personne, vous devriez l'inviter. Son point de vue sur l'épuisement du pétrole et du gaz dans notre pays est précis et ne prête guère à l'optimisme.

Le sénateur Spivak : Nous avons son rapport.

M. Nikiforuk : Les données qu'il présente soulèvent plusieurs questions au sujet de la durabilité des exportations de gaz naturel ainsi que de celle de l'utilisation du gaz naturel et du pétrole.

Le sénateur Spivak : Est-ce que Parcs Canada surveille la qualité et la quantité de l'eau dans les parcs nationaux? Contrôlez-vous le taux du recul glaciaire dans le parc national de Banff?

M. Fortin : Nous mesurons le taux du recul de certains des glaciers, mais pas de tous, et nous surveillons la qualité de l'eau.

La présidente suppléante : Avez-vous des résultats dont vous pourriez nous faire part, monsieur Fortin?

M. Fortin : Je n'ai pas les résultats exacts quant au recul.

La présidente suppléante : Je ne veux pas nécessairement les avoir tout de suite, mais pourriez-vous nous les transmettre?

M. Fortin : Je pense que oui, certainement.

Le sénateur Spivak : Je crois comprendre que l'un des glaciers se trouvait sur la route.

M. Fortin : Vous faites allusion au champ de glace Columbia.

Le sénateur Spivak : Il se trouve maintenant à un mille et demi. Est-ce exact?

M. Fortin : Ce n'est peut-être pas un mille et demi, mais certainement un kilomètre.

Le sénateur Spivak : Surveillez-vous la qualité de l'eau dans les parcs?

M. Fortin : Nous venons de terminer une étude, mais je n'en ai pas les résultats pour l'instant. Nous avons analysé la qualité de l'eau, particulièrement dans toutes les installations.

Le sénateur Spivak : Nous devons donc obtenir également cette information.

M. Fortin : Nous veillerons à ce que vous la receviez.

M. McGuire : Nous analysons la qualité de l'eau destinée aux visiteurs, mais pas l'eau souterraine.

La présidente suppléante : Vous analysé donc l'eau du robinet.

M. McGuire : Oui, nous analysons cette eau par opposition à celle dans son milieu naturel.

Le sénateur Spivak : La politique du gouvernement fédéral en matière de mise en valeur des ressources naturelles dans les parcs fédéraux est rigoureuse, n'est-ce pas?

Je suis au courant que le Manitoba autorise une telle mise en valeur dans les parcs provinciaux.

M. Fortin : Vous faites allusion à l'exploitation des ressources naturelles.

La présidente suppléante : L'Ontario l'autorise également.

M. Fortin : Effectivement. Officiellement, il n'y a aucune exploitation minière, aucune exploitation forestière ni aucune autre activité analogue dans les parcs nationaux.

Le sénateur Spivak : La loi interdit-elle l'exploitation des ressources naturelles expressément?

M. Fortin : Elle le fait.

Le sénateur Spivak : Elle le fait.

M. Fortin : Oui.

Le sénateur Spivak : Eh bien, c'est rassurant.

M. Fortin : Il y a d'autres précisions. Les collectivités sont délimitées par voie législative aux fins du développement commercial.

La présidente suppléante : Ces délimitations sont-elles définitives?

M. Fortin : Oui, le tout est précisé par voie législative, et est assorti d'une superficie maximale et de limites en matière de développement commercial.

Le sénateur Adams : La fonte des glaciers en raison des changements climatiques me préoccupe. Soit qu'il ne fasse pas assez froid, soit qu'il ne neige pas suffisamment.

Pouvez-vous nous parler de rapports sur cette question?

M. Nikiforuk : Oui. Tous les aspects que j'ai abordés sur les glaciers ont été bien traités par le gouvernement fédéral, particulièrement par Mike Demuth, de Ressources naturelles Canada. Je crois avoir remis au comité un exemplaire de cet article qui examine toutes ces questions.

Selon les conclusions de Mike Demuth particulièrement, nos glaciers fondent parce que la neige ne s'accumule pas suffisamment et que la température se réchauffe, surtout le soir et l'hiver.

Le sénateur Adams : Ce glacier se trouve-t-il également en Colombie-Britannique ou davantage uniquement en Alberta?

M. Nikiforuk : Les glaciers des versants de l'est sont probablement ceux qui fondent le plus. Bon nombre des glaciers intérieurs, particulièrement ceux du parc national des Glaciers, ont perdu jusqu'à 50 p. 100 de leur volume. Au Canada, le volume des glaciers n'a augmenté que sur la Sunshine Coast, où l'on observe un autre effet du réchauffement de la planète, c'est-à-dire des précipitations plus abondantes en certains endroits. Il ne s'agit que d'un nombre très restreint de glaciers. La majorité d'entre eux fondent rapidement.

Le sénateur Adams : Quel pourcentage d'entre eux s'approche des cours d'eau? Ce qui m'inquiète, c'est l'exploration et le forage pétroliers ainsi que l'agriculture, parce que ces activités nécessitent toutes beaucoup d'eau. N'y a-t-il pas là également un problème?

M. Nikiforuk : Effectivement, il s'agit d'un grave problème.

Selon les calculs de Mike Demuth, la période de pointe au cours de laquelle les glaciers fondent et accroissent le volume d'eau de nos cours d'eau a eu lieu il y a environ 80 à 100 ans. Maintenant, nos glaciers sont si petits que le volume de glace fondue a entraîné une diminution du débit de nos cours d'eau, à l'exception d'un ou deux cas sur les versants de l'est.

Il est révolu le temps où l'on pouvait s'attendre à ce que les glaciers fassent augmenter le volume de nos cours d'eau. Cet apport a diminué, du nord du Yukon jusqu'au sud de l'Alberta.

Le sénateur Adams : Possédez-vous des renseignements indiquant que le stock de poissons diminue dans les cours d'eau, les frayères et même les lacs?

M. Nikiforuk : Je pense que David Schindler et les autres spécialistes pourraient montrer que les pêches en eau douce sont aux prises avec des problèmes, parce que soit qu'il y aura bientôt une diminution des insectes en raison du réchauffement de la température des cours d'eau, soit que le volume d'eau ne sera pas suffisant pour assurer la survie des populations de poisson ou du stock reproducteur.

Le sénateur Adams : Vous avez signalé que vous devez apporter des améliorations dans certains parcs. Si je me souviens bien, vous avez construit des ponceaux et avez commencé à aménager des passages supérieurs au-dessus de la route pour les wapitis, les chevreuils et d'autres animaux.

Est-ce plus efficace?

M. Fortin : Oui.

M. McGuire est l'expert en génie routier. C'est son sujet de prédilection.

M. McGuire : Ce à quoi nous avons certainement assisté, c'est qu'à mesure que la faune s'est familiarisée avec ces passages, elle les a empruntés davantage. Les jeunes ont appris à s'y habituer. Ce n'est donc plus insolite. Ces passages font partie de leur paysage.

Au cours des six dernières années, plus de 50 000 animaux d'espèces différentes, du chevreuil au grizzli, ont emprunté ces passages.

Initialement, on a affirmé que ces structures seraient un échec monumental. Cependant, au fil du temps, la surveillance permanente nous montre que les animaux s'en servent. En fait, sur la prochaine portion de 35 kilomètres de la transcanadienne à quatre voies à la frontière entre la Colombie-Britannique et l'Alberta, le nombre de passages sera tel qu'on en trouvera un par kilomètre. Sept autres structures seront aménagées comme celles dont nous disposons déjà, et l'on construira trois ponts secondaires de 25 mètres. Nous aurons également 13 nouvelles structures tertiaires, qui sont des ponceaux de quatre mètres sur sept.

Le sénateur Adams : Il y a quelques années, j'ai parcouru 400 milles au nord de Rankin Inlet. Les grizzlis sont maintenant rendus dans l'Arctique.

Avez-vous des études sur les mammifères? Nous voyons, dans cette région, des mammifères qui en étaient absents auparavant. Ils s'aventurent même sur les glaces marines pour suivre les ours polaires qui chassent les phoques. Nous en ignorons la cause. C'est peut-être imputable au changement climatique ou aux incendies de forêt. Avez-vous une idée de la cause? Quant à moi, je l'ignore. Ils viennent peut-être du Yukon. Je n'en sais rien, mais ils viennent de quelque part.

La neige s'amoncelle tellement, et il arrive que des morceaux de glace descendent les cours d'eau en autonome et en hiver. Il est peut-être plus facile de vivre là-haut. J'ignore pourquoi et comment les mammifères se déplacent.

Pouvez-vous nous éclairer à cet égard?

M. Fortin : Je ne peux pas vous donner de renseignements précis pour répondre à votre question. Dans le Nord, nous avons mis en œuvre un programme sur le changement climatique dans les Territoires du Nord-Ouest et au Nunavut. Environnement Canada collabore avec nous à ce chapitre. Nous examinons non seulement l'écoulement glaciaire ou l'épaisseur de la glace, mais également toute la faune qui s'y trouve, ainsi que la migration des caribous.

Nous exécutons un projet spécial dans les parcs nationaux du Nunavut pour mettre à contribution les connaissances traditionnelles afin de nous aider à comprendre l'aire de répartition de ces animaux.

Ces programmes sont mis en œuvre, mais je n'ai pas les résultats de ceux-ci et je ne peux donc pas vous les fournir.

Le sénateur Adams : Nous venons d'adopter le projet de loi C-7, qui relève du même ministre. Est-il plus satisfait du système maintenant? Qu'en pensez-vous?

M. Fortin : Dois-je répondre à cette question?

La présidente suppléante : Vous n'êtes jamais obligé de vous incriminer.

Le sénateur Adams : M. Nikiforuk est peut-être plus heureux, parce que le ministre est maintenant responsable des parcs et de l'environnement.

M. Nikiforuk : À long terme, je pense que c'est probablement un bon changement.

La présidente suppléante : Monsieur Fortin, les affectations budgétaires et les solutions que vous proposez montrent que vos besoins financiers quinquennaux s'établissent à 500 millions de dollars alors que votre budget s'élève à 209 millions de dollars pour la même période. L'augmentation des frais d'utilisation ne permettra pas de combler l'écart.

Compte tenu de cet écart, comment satisferez-vous à ces besoins, ne serait-ce qu'à ceux en matière de santé et de sécurité dans le parc?

M. Fortin : En fonction des crédits dont nous disposons actuellement, nous pensons pouvoir satisfaire à la plupart de nos besoins à ce chapitre.

Ces besoins ne tiennent pas compte de toutes les activités, notamment le grand projet de la transcanadienne au col Rogers ou à Banff.

La présidente suppléante : Oh, je vois. Cela fait partie du montant de 500 millions de dollars.

M. Fortin : Effectivement. Les grands travaux ne sont pas tous compris dans ce montant de 500 millions de dollars.

La présidente suppléante : Quoi qu'il en soit, c'est un peu plus encourageant.

L'honorable Herb Gray a comparu devant notre comité, il y a deux semaines. Il dirige maintenant la CMI, la Commission mixte internationale. Il nous a informés que le différend n'a pas encore été réglé entre le Montana et l'Alberta en ce qui concerne les rivières Milk et St. Mary, dans le Sud de l'Alberta, parce que le Montana demande et exige poliment plus d'eau. Ce différend porte sur le partage des eaux entre les deux pays.

J'ai été étonnée d'entendre M. Gray dire que la CMI ne joue aucun rôle de chien de garde. Elle se penche uniquement sur les questions que les deux pays conviennent d'aborder, parce qu'ils financent conjointement les études et autres activités.

Le rôle de la CMI prend fin lorsque son étude est terminée et que son rapport est déposé. Son mandat se borne strictement à ces aspects.

J'ai toujours pensé qu'elle était toujours compétente en matière de surveillance de la qualité de l'eau, de débit et de tout ce qui touche les eaux internationales.

La lecture de cette étude nous en apprend beaucoup.

Monsieur Nikiforuk, vous avez publié un article dans le Calgary Herald — et il ne s'agit pas de celui que vous nous avez distribué aujourd'hui mais plutôt de celui qui figure dans notre documentation — au sujet du fait que le gouvernement albertain envisage de vendre au secteur privé des terres provinciales. Envisage-t-il toujours de mettre ce plan à exécution?

M. Nikiforuk : À ma connaissance, ce programme a été interrompu temporairement.

La présidente suppléante : C'est parfait, parce que je craignais le genre de répercussion qu'un tel programme aurait sur les aquifères.

Je dois convenir avec vous que les crédits fédéraux font cruellement défaut en recherche fondamentale. On n'a même pas cartographié les aquifères.

M. Nikiforuk : C'est exact.

Il fut une époque où la recherche effectuée au Canada était la meilleure au monde. Nous étions les chefs de file en recherche hydrologique.

La présidente suppléante : Les chercheurs sont partis ailleurs. Nous exportons nos compétences spécialisées.

M. Nikiforuk : Nous abusons de nos ressources parce que nous ne possédons pas les données nous permettant de prendre les décisions pertinentes.

La présidente suppléante : Je dois effectivement abonder dans votre sens. Je ne peux pas dire que j'ai une question à cet égard. Je dois simplement abonder dans votre sens.

Je crois comprendre que nous entendrons le témoignage d'une spécialiste des glaciers, Hester Jiskoot, de l'Université de Lethbridge. Nous pourrons lui poser des questions demain sur votre exposé.

Je suis très inquiète et je voudrais savoir ce peut nous dire M. Fortin sur la fonte des glaciers dans les parcs nationaux. Depuis environ cinq ou six ans, je ne cesse de répéter aux gens de se hâter s'ils veulent voir un glacier, parce qu'ils disparaîtront sous peu. Je pense que c'est absolument honteux.

Quelles mesures pouvons-nous prendre? Des solutions s'offrent-elles à nous? On nous a mis au courant de tous ces problèmes, et nous avons vu les images. On ne nous propose aucune solution. Je ne crois pas qu'il y ait une solution miracle. Il n'y en a certainement pas pour les glaciers. Ils sont disparus.

M. Nikiforuk : Ils sont plutôt en voie de disparition.

La présidente suppléante : Vous avez raison.

M. Nikiforuk : Nous devons nous préparer à leur disparition à un moment donné et à des pénuries d'eau dans les Prairies. Ce seront là les conséquences.

Il suffit simplement d'examiner ce qui se produit en Europe et en Amérique du Sud pour comprendre les répercussions sociales de la disparition des glaciers : moins d'eau pour l'irrigation et l'hydroélectricité.

La Colombie-Britannique pourrait être aux prises avec un problème épineux, tout comme le serait l'Alberta à cause du manque d'eau destinée à l'irrigation.

Le manque d'eau pourrait être généralisé, ce qui posera un problème crucial si nous devons affronter une sécheresse de 25 à 45 ans. Nous ne sommes pas prêts à faire face à une telle éventualité.

La présidente suppléante : Nous ne le sommes effectivement pas. Je suis d'accord avec vous.

Le sénateur Spivak : Certains de nos meilleurs scientifiques ont participé au projet sur la région des lacs expérimentaux. C'est vraiment par ignorance qu'on a mis un terme à ce projet, selon moi. Ce n'est pas le ministre mais bien les bureaucrates qui y ont mis fin, il y a quelques années. Par conséquent, les meilleurs scientifiques, qui étaient vraiment des experts sur l'eau, ont quitté le pays. Je pense que c'est l'un de nos problèmes.

La présidente suppléante : Nos témoins souhaitent-ils apporter un dernier commentaire?

Monsieur Nikiforuk, le Sénat a une certaine utilité.

M. Nikiforuk : Je l'espère.

Encore une fois, j'aimerais simplement attirer votre attention sur le rapport que j'ai rédigé pour le compte du Munk Centre for International Studies et qui s'intitule Political Diversions : Annex 2001 and the Future of the Great Lakes.

J'ignore si cela fait partie de votre mandat.

La présidente suppléante : Tout à fait. Les Grands Lacs font tout à fait partie de notre mandat.

M. Nikiforuk : Je peux vous en laisser un exemplaire.

La présidente suppléante : Magnifique!

Le sénateur Spivak : Cela ne fait pas partie de notre mandat, n'est-ce pas?

La présidente suppléante : Oui, il y a un lien avec les eaux internationales.

Nous avons l'intention de nous pencher sur les eaux de l'Est du Canada. Au fur et à mesure, nous glanons tous les renseignements possibles pour ne pas être tenus de le faire ultérieurement.

M. Nikiforuk : La situation difficile à laquelle nous assistons dans l'Ouest se répète également dans la région des Grands Lacs, et elle est tout aussi grave.

La présidente suppléante : Oui.

Messieurs, je vous remercie infiniment d'avoir comparu aujourd'hui et d'avoir échangé avec nous. Vous nous avez passablement aidés.

La séance est levée.


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