Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles
Fascicule 19 - Témoignages du 3 novembre 2005
OTTAWA, le jeudi 3 novembre 2005
Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd'hui à 8 h 35 afin d'examiner de nouvelles questions concernant son mandat.
Le sénateur Tommy Banks (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Constatant que nous avons le quorum, je déclare la séance ouverte. Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd'hui pour étudier certains aspects de l'eau. Le comité a décidé de diviser son étude en deux volets, étant donné que les différentes parties du pays font face à des problèmes tout à fait différents en ce qui a trait à l'eau. Nous allons commencer par étudier la question de l'eau dans l'Ouest du pays, puis nous passerons au deuxième volet concernant l'Est.
Nous accueillons ce matin M. John Carey qui est déjà venu témoigner devant nous. Il est directeur général de l'Institut national de la recherche sur les eaux. Il y a également M. Donald Renaud, directeur, Priorités relatives aux eaux, Direction générale de la coordination et des politiques relatives à l'eau. Bonjour messieurs. Merci d'être venus. J'espère que vous allez nous présenter les informations que nous souhaitons entendre au sujet des problèmes de l'eau dans l'Ouest du pays, puis nous vous inviterons à prendre part à une discussion amicale et à répondre à nos questions. Lequel d'entre vous souhaite commencer?
John H. Carey, directeur général, Institut national de la recherche sur les eaux, Environnement Canada : Merci beaucoup, monsieur le président. Je pensais que nous allions aborder des sujets très différents, si bien que M. Renaud et moi avons apporté des informations qui ne seront peut-être pas pertinentes. On nous avait fait parvenir des questions concernant les dépenses globales du gouvernement fédéral dans le domaine des eaux.
Le président : Vous avez raison. Je décrivais l'étude que nous entreprenons actuellement et à laquelle nous appliquerons les informations que vous nous présenterez aujourd'hui. Les questions que nous vous avons soumises sont plus générales, étant donné que nous nous intéressons aux aspects globaux de la recherche.
M. Carey : Je pourrai vous donner des informations générales en réponse à certaines de vos questions et je serai en mesure de répondre avec plus de précisions pour d'autres.
Nous sommes en mesure pour la première fois, grâce à un exercice de collecte d'informations par le Conseil du Trésor, de préciser quelles sont les dépenses que le gouvernement fédéral consacre à l'eau. Cependant, il faut utiliser ces données avec prudence. En effet, les réponses ont été obtenues sur une base volontaire auprès de divers ministères et les personnes qui répondaient aux questions ne les ont peut-être pas toutes interprétées de la même manière. Les ministères devaient indiquer quels étaient les crédits qu'ils consacraient directement et indirectement à des activités liées à l'eau. Évidemment, la définition de « dépenses indirectes » varie selon les interprétations.
Cet exercice réalisé en 2004 a conclu que le gouvernement fédéral dépensait à l'époque en moyenne 750 millions de dollars environ aux activités directement ou indirectement liées à l'eau. Nous disposons d'une autre estimation réalisée par la Commission Pearse en 1985 qui évaluait que le gouvernement fédéral consacrait alors 373 millions de dollars à l'eau. Je ne suis pas un économiste, mais si l'on tient compte de l'inflation au fil des ans, il est probable que les dépenses consacrées à l'eau sont demeurées à peu près stables ou ont légèrement décliné. Voilà les chiffres que nous avons obtenus sur les dépenses fédérales globales dans le domaine de l'eau.
Je peux vous donner des chiffres plus précis concernant les dépenses qu'Environnement Canada consacre à l'eau, puisque nous avons les informations fournies par le ministère dans le cadre de cette collecte de données. Nous avons noté qu'Environnement Canada a consacré 156 millions de dollars à la question de l'eau, notamment dans le domaine de la science, de la surveillance, pour certaines activités de la politique sur l'eau et des activités indirectes de soutien se rapportant à l'eau. Ces activités indirectes concernent par exemple les contaminants de l'eau, et ont été réalisées dans le cadre d'études visant à contrôler la présence de contaminants en vertu de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement; les contaminants étudiés étant présents dans l'eau, ces activités ont été prises en compte dans la catégorie des activités indirectes, puisqu'elles se rapportaient partiellement à l'eau.
Nous avons dépensé 89 millions de dollars chaque année dans des activités liées à l'eau et aux études sur la durée de vie des puits; à des activités scientifiques relatives aux habitats de la faune ailée dans les terres humides, et cetera; à la conservation de l'eau et à l'utilisation de l'eau. L'autre tranche de 66 millions de dollars a été consacrée aux activités indirectes — étude des produits chimiques toxiques et autres. Voilà où se situe mon institut au sein du ministère, mais une réorganisation vient tout juste d'être annoncée.
Pour Environnement Canada les chiffres que nous avons calculés pour 2004 étaient les suivants : 62 p. 100 de nos dépenses étaient consacrées à la santé des écosystèmes aquatiques; 13,5 p. 100 à la santé humaine telle qu'elle se rapporte à l'eau; 11 p. 100 à l'utilisation de l'eau; 10 p. 100 à la lutte contre les risques liés à l'eau — prévisions des inondations et contrôle de la couche de glace, par exemple; et 3 p. 100 à la promotion des buts globaux du Canada dans le domaine de l'eau — des activités telles que les Objectifs du Millénaire pour le développement visant à fournir de l'eau potable aux habitants du monde, objectifs fixés par l'ONU. Dans notre rapport sur les plans et priorités pour 2006 que nous avons présentés au Parlement, nous prévoyons consacrer environ 70 millions de dollars pour garantir la pureté et la salubrité de l'eau.
Passons maintenant aux plans et priorités des autres ministères. Pêches et Océans Canada prévoit dépenser 147 millions de dollars afin de garantir des écosystèmes aquatiques sains et productifs. Ressources naturelles Canada qui collabore avec nous au sujet des eaux souterraines, prévoit dépenser 4,5 millions de dollars. Il faut rappeler également que le programme des infrastructures finance beaucoup d'infrastructures dans le domaine de l'eau — environ 1,2 milliard depuis 2000. Il y a un an ou deux, le gouvernement fédéral a annoncé qu'il allait consacrer 600 millions de dollars afin d'assurer la qualité de l'eau dans les réserves indiennes.
Je vous ai présenté une estimation générale des dépenses actuelles. C'est le mieux que nous puissions faire, compte tenu de l'ensemble des dépenses depuis les années 80 jusqu'à nos jours. Vous nous avez également demandé une rétrospective historique. Vous savez certainement qu'il est difficile d'obtenir des chiffres totaux. En général, on n'en tient pas compte. Je peux vous faire une rétrospective historique des dépenses consacrées à la recherche sur les eaux à Environnement Canada, c'est-à-dire les dépenses de l'Institut national de la recherche sur les eaux, qui sont des chiffres que j'ai à ma disposition.
Avant 1997, le Canada disposait d'un Institut national de recherches hydrologiques à Saskatoon et d'un Institut national de recherche sur les eaux à Burlington. Les deux instituts ont été fusionnés et les chiffres que je vous donne après 1997 représentent les montants totaux. J'ai fait la somme des montants antérieurs et postérieurs à 1997. Il n'existe plus désormais qu'un seul institut, l'Institut national de la recherche sur les eaux dont je suis le directeur général. Nous avons du personnel à Victoria, Fredericton, Saskatoon, Burlington, Gatineau, Calgary, Nanaimo, et cetera. Partout au pays, il y a des gens qui travaillent pour notre institut.
Chaque année, nous recevons des crédits provenant de ce qu'on appelle le budget de services votés. Nos scientifiques ont vraiment l'esprit d'initiative et trouvent d'autres sources de financement pour certaines de leur recherche. Ces sources de financement sont devenues de plus en plus importantes pour nous au fil des années. Ce sont nos sources de financement complémentaire que nous appelons le budget B.
En 1994, les instituts disposaient de près de 32 millions de dollars au total, compte tenu de tous les budgets de services votés qui leur étaient alloués. Sur cette somme, 3 millions servaient à payer les frais fixes tels que le chauffage, l'électricité et l'eau pour l'entretien des bâtiments à Burlington et Saskatoon. Le reste était consacré à la masse salariale et aux recherches. À cela, nous avons ajouté des crédits complémentaires de 6,7 millions de dollars provenant de sources diverses.
Au total, les deux instituts nationaux de la recherche sur les eaux disposaient en 1994 de 38,5 millions de dollars. En 1996, après révision du programme, le budget de services votés a été ramené à environ 26 millions de dollars, tandis que les crédits complémentaires sont demeurés au même niveau de 6,5 millions de dollars. En 1997, notre budget total est passé de 38,5 de dollars à 29,6 millions de dollars. Malgré cette diminution, une somme de 30 millions de dollars représente beaucoup d'argent à consacrer à la recherche sur les eaux.
Les crédits du budget de services votés attribués à Environnement Canada sont demeurés relativement constants. Il y a deux ans, le gouvernement a augmenté notre budget de 2,5 millions de dollars destinés aux activités de contrôle de la qualité de l'eau. Un autre groupe nous a rejoint. Cette année, notre budget de services votés s'élève à 29,9 millions de dollars. En revanche, les crédits complémentaires de notre budget B atteignent désormais 10 millions de dollars.
La plupart des nouveaux crédits reçus au cours des dernières années proviennent de fonds de programme, c'est-à- dire qu'il s'agit de fonds appelés à disparaître. Vous vous souvenez peut-être qu'il y a quelques années, le gouvernement a consacré 40 millions de dollars étalés sur quatre ans environ à l'étude des substances toxiques, dans le cadre de l'Initiative de recherche sur les substances toxiques. L'Institut national de la recherche sur les eaux avait obtenu environ 20 p. 100 de ces 40 millions de dollars. Nous étions très actifs dans notre recherche de fonds.
Notre budget de services votés a légèrement diminué au cours des années, mais nous avons augmenté notre capacité à récolter des crédits supplémentaires et les programmes auxquels nous avons accès ont pris de l'ampleur. Nous avons confié à la Fondation canadienne pour les sciences du climat et de l'atmosphère la réalisation d'études sur les effets des changements climatiques sur les ressources aquatiques, par exemple.
La comptabilité est plus complexe, mais nous avons encore accès à d'importants crédits pour réaliser des recherches. J'ai fourni au greffier des documents faisant état de ces chiffres. Un tableau présente le budget de l'INRE depuis dix ans, indiquant nos crédits provenant du budget de services votés et nos crédits complémentaires et la façon dont nous les avons dépensés. Près de 20 millions de dollars des crédits de 30 millions de dollars que nous fournit le gouvernement sont dépensés en salaires. Notre stratégie a consisté à investir dans le personnel et les installations pour faire avancer les travaux, puis à chercher des partenaires susceptibles de financer nos recherches.
Dans certains cas, nous faisons preuve de créativité. Dans l'ouest du lac Ontario, des questions sont soulevées chaque année au sujet du goût et de l'odeur de l'eau potable. Les municipalités chargées des opérations de traitement de l'eau potable ont été alertées par les plaintes et se sont inquiétées de leur capacité à prédire le goût et l'odeur de l'eau. Nous leur avons donné les moyens de se réunir dans un consortium qui s'appelle l'Ontario Water Works Research Consortium. Chacune des municipalités verse, selon sa taille, environ 30 000 $ au budget de la recherche. Ce budget totalise environ 300 000 $ et notre institut réalise depuis quatre ans, en collaboration avec un institut de Cornwall des recherches sur le goût et l'odeur de l'eau, afin de déterminer quelles en sont les causes et de vérifier si elles sont prévisibles. Les résultats de la recherche nous laissent penser qu'elles le sont.
Nous nous sommes rendus compte par exemple qu'un élément crucial est l'époque de l'année où la température de la surface de l'eau dans l'ouest du lac Ontario atteint 20 degrés. Si cela se produit au mois de mai, il y a des chances que ce soit une mauvaise année pour le goût et l'odeur de l'eau. Si cette éventualité n'intervient pas avant le mois de juin, les algues qui sont à l'origine des problèmes de goût et d'odeur ne pousseront pas autant.
Nous pouvons ainsi avertir les municipalités lorsqu'une année promet d'être mauvaise pour le goût et l'odeur de l'eau; elles savent qu'elles doivent ensuite surveiller les vents du sud-est qui poussent l'eau du milieu du lac vers les prises d'eau potable. Cela les avertit quelques jours à l'avance d'un problème potentiel à surveiller.
Elles sont très satisfaites de ce processus. Elles nous demandent actuellement d'utiliser ce modèle pour identifier exactement quelle est la bactérie dont la prolifération dans le lac Ontario entraîne la fermeture de certaines plages.
Voilà un exemple de la complexité du financement de notre recherche. Nous avons dû inventer de nouveaux modèles et trouver de nouveaux partenaires. Nous n'avons pas rajusté nos chiffres de financement pour tenir compte de l'inflation. Nous disposions de 30 millions de dollars en 1994 et puisque ce montant n'a pas été rajusté pour tenir compte de l'inflation, on peut dire que nous avons perdu une partie de nos ressources.
Comme je l'ai dit, je ne veux pas me plaindre, puisque la population canadienne continue d'investir 30 millions de dollars dans notre institut. Nous continuons à nous efforcer d'optimiser nos ressources. Voilà un résumé des meilleurs chiffres que nous avons à notre disposition, pour vous donner une idée des dépenses et de leur utilisation.
Quant aux activités des autres ministères dans le secteur de l'eau, Environnement Canada se concentre presque exclusivement sur l'environnement aquatique. Nous surveillons la qualité ainsi que la quantité de l'eau.
Il y a quelques années, notre travail consistait à surveiller la quantité de l'eau dans plus de 4 000 sites. De nos jours, le personnel des relevés hydrologiques surveille la quantité de l'eau dans 2 500 sites du pays.
Nous faisons des recherches dans toutes les régions du pays et dans l'Arctique afin d'étudier l'hydrologie des écosystèmes aquatiques et les répercussions des changements climatiques sur l'eau dans ces systèmes. Par exemple, nous étudions l'hydraulicité des rivières qui coulent à l'est des Rocheuses. Nous pourrions vous donner des renseignements détaillés sur ces études qui révèlent qu'en dépit d'une absence de changement dans le débit total de ces rivières, la plus grande partie de l'eau provient désormais de la fonte printanière des glaciers, tandis que le débit est beaucoup moins abondant en été. Si l'on ne tenait compte que du débit total, on aurait une fausse idée de l'impact sur l'écosystème, puisque les effets du changement climatique sur nos ressources aquatiques sont saisonniers, régionaux et géographiques. Par conséquent, les moyennes nationales ne permettent pas de dresser un portrait exact.
Nous nous intéressons également au bilan hydrique de l'océan Arctique qui exerce une grande influence sur la circulation dans l'Arctique. Des changements saisonniers majeurs relativement à l'apport d'eau douce dans l'océan Arctique pourraient avoir sur l'écosystème des répercussions que nous ne pouvons pas prévoir en matière de circulation dans l'Arctique et qui pourraient en bout de ligne affecter nos ressources dans l'Arctique. Au sein du ministère, une grande partie de nos recherches hydrologiques portent sur les produits chimiques toxiques dans les études liées à la qualité de l'eau et dans une moindre mesure à celles qui sont reliées à la quantité de l'eau.
Nous travaillons en partenariat avec Ressources naturelles Canada et avec la Commission géologique du Canada pour les études d'évaluation des eaux souterraines. Nous nous efforçons actuellement d'attirer l'attention sur ces études et d'établir des liens plus formels. Nous avions un protocole d'entente pour collaborer avec ces organismes, mais nous n'avions jamais eu de plan de travail commun ou intégré. Nous avons désormais des projets conjoints.
La dernière fois que j'ai comparu devant vous, nous avions parlé de l'absence d'informations systématiques concernant les eaux souterraines. Le comité de l'autre Chambre m'a posé la même question. Nous essayons actuellement de mettre en place un programme national plus formel d'évaluation des eaux souterraines en utilisant nos ressources existantes, puisque nous n'avons pas reçu de nouvelles ressources à ce sujet.
Nous aimerions évaluer nos ressources en eaux souterraines en fonction des quatre points suivants : quel est le volume des eaux souterraines dont nous disposons et où se trouve-t-elles; deuxièmement, d'où proviennent les eaux souterraines dans les aquifères libres, comment sont-ils alimentés et où se trouvent les zones d'alimentation; troisièmement, quelle est la sensibilité de ces aquifères à la contamination de surface; et, quatrièmement, quelle est la qualité véritable de l'eau dans les aquifères.
Des questions nouvelles se posent au sujet des eaux souterraines. Nous n'avions jamais mesuré auparavant un contaminant appelé perchlorate. Les Américains ont décelé de fortes concentrations de perchlorate dans certains de leurs aquifères dans le centre du pays, en particulier dans l'aquifère Ogallala, le plus grand aquifère du Midwest. Nous voulions savoir si le perchlorate était présent dans les eaux souterraines canadiennes. D'après la première centaine d'échantillons que nous avons analysés, la réponse semble être plutôt négative. Nous ne savons pas pourquoi ce contaminant est présent aux États-Unis et pas chez nous, mais voilà la situation en ce moment.
Nous voulons consacrer nos efforts de collaboration avec Ressources naturelles Canada sur un programme national d'évaluation des nappes souterraines. Nous voulons revenir aux principes premiers : sans collecte d'information, on ne peut pas comprendre la ressource et sans comprendre la ressource, on ne peut pas la gérer.
Santé Canada établit des objectifs en matière d'eau potable par l'intermédiaire d'un comité fédéral-provincial. Au lendemain de la crise de Walkerton, le Conseil canadien des ministres de l'Environnement et le Comité fédéral- provincial-territorial sur l'eau potable ont adopté une politique sur l'eau potable qui vise un traitement allant au-delà de la protection afin d'appliquer ce qu'on appelle l'approche à barrière multiple. L'objectif vise avant tout à protéger l'eau de source, puis à renforcer le traitement et les normes de traitement, la formation des spécialistes et la surveillance nécessaire afin d'être en mesure de prouver que les contrôles ont été bien effectués et que l'eau ne présente aucun risque. L'application de l'approche à barrière multiple au traitement de l'eau potable est très importante.
Je crois qu'il y a, au sein du gouvernement fédéral, 19 ministères qui ont un intérêt quelconque dans l'eau. Les principaux ministères chargés de fournir de l'information sur la meilleure façon de gérer nos ressources aquatiques sont les cinq ministères des ressources naturelles : Agriculture et Agroalimentaire Canada, Pêches et Océans Canada, Environnement Canada, Ressources naturelles Canada et Santé Canada. Ces cinq ministères réalisent des études et fournissent des informations sur les ressources aquatiques.
D'autres ministères ont un rôle de garde; le ministère des Affaires indiennes et du Nord Canada fait par exemple parler de lui ces jours-ci. Les autres ministères concernés sont le ministère de la Défense nationale, Parcs Canada et les ministères qui ont des responsabilités territoriales et de gestion des ressources aquatiques. En vertu de notre constitution, le gouvernement fédéral ne gère pas les ressources aquatiques; c'est aux provinces que cela incombe. Cependant, nous devons gérer les ressources aquatiques dans les lieux et les terres qui appartiennent au gouvernement fédéral et cette responsabilité est exercée par les ministères dont relèvent ces terres.
Vous m'avez également posé une autre question sur la politique fédérale de l'eau. Le gouvernement a établi notre politique de l'eau à la fin des années 80 et certains pensent qu'elle est dépassée. Cette politique précise que le gouvernement fédéral devra s'intéresser à deux aspects relatifs à l'eau : la qualité de l'eau dans nos écosystèmes aquatiques et l'utilisation durable de l'eau, c'est-à-dire son utilisation efficace. Je suppose que si nous devions aujourd'hui établir une politique de l'eau, nous accorderions plus d'importance aux réserves disponibles que nous ne l'avons fait par le passé. Cependant, je pense que tout le contenu de la politique devrait demeurer une priorité de nos jours. Je ne pense pas que la politique soit dépassée dans ses objectifs, mais il est possible que les enjeux ne soient plus les mêmes et qu'il faille ajouter certains éléments à cette politique.
Mon collègue souhaite peut-être ajouter quelque chose au sujet de la politique fédérale de l'eau. C'est sa spécialité.
Donald Renaud, directeur, Priorités relatives aux eaux, Direction générale de la coordination et des politiques relatives à l'eau, Environnement Canada : La politique a établi cinq stratégies : tarification des services d'eau, leadership scientifique, planification intégrée, législation et sensibilisation du public. Ces stratégies sont toujours pertinentes de nos jours. La politique abordait 25 questions stratégiques dans un même document, ce qui représente une façon originale de présenter une politique. Voilà comment la politique a été établie à cette époque.
M. Carey : Récemment, on s'est efforcé de mieux intégrer ces activités. J'ai mentionné certaines collaborations, mais les ministères se livrent essentiellement à ces activités sans communiquer avec les autres ministères.
Nous avions, il y a quelques années, un comité interministériel de la politique de l'eau au niveau des sous-ministres adjoints. Les membres du comité se donnaient pour but de mieux collaborer et le premier constat qu'ils ont fait, c'est qu'il n'existait aucune structure favorisant la collaboration. Nous avions des mandats en matière de développement, mais nous ne disposions pas des moyens nécessaires pour établir les priorités en matière de collaboration. Ils ont mis au point une infrastructure qui comprend plusieurs grands secteurs qui se prêtent à des possibilités de collaboration.
Le premier secteur est celui de l'impact de la qualité de l'eau sur la santé humaine. Le deuxième secteur de collaboration est la salubrité des écosystèmes aquatiques et la biodiversité aquatique. L'évaluation du millénaire a révélé que certaines espèces disparaissent des écosystèmes aquatiques à un rythme plus rapide qu'ils disparaissent des écosystèmes terrestres, mais cette évolution est moins perceptible ou plus difficile à suivre, puisque ces espèces vivent sous l'eau. Le troisième secteur de collaboration est celui de l'utilisation durable des ressources aquatiques, qu'il s'agisse du poisson ou de l'eau elle-même. Le quatrième secteur concerne les risques liés à l'eau. Une cinquième partie de l'infrastructure porte sur les questions internationales. Nous nous efforçons de renforcer la coordination de nos activités internationales.
M. Renaud a un document qui fait état de cette infrastructure. Nous nous efforçons de promouvoir les activités de collaboration entre les ministères. Dans ces secteurs, nous essayons d'identifier les aspects scientifiques que nous pourrions gérer conjointement dans le cadre de programmes intégrés. Nous avons mis la dernière touche cet été au Programme fédéral de recherche sur l'eau. Nous avons retenu cinq secteurs que nous estimons suffisamment importants pour que les ministères conjuguent leurs efforts afin de gérer les ressources, les intervenants, les priorités et les activités collectivement plutôt qu'individuellement.
Les sous-ministres s'interrogent sur la possibilité de faire de l'étude de l'eau une des activités prioritaires pour l'intégration de nos recherches scientifiques. C'est un peu inhabituel pour les sous-ministres qui doivent rendre compte de l'utilisation de leurs ressources au Parlement, de songer à combiner ces ressources avec d'autres ministères afin d'entreprendre des activités conjointes. Cela ne s'est pas souvent fait par le passé, mais les sous-ministres sont prêts à entreprendre plus d'actions de ce type à l'avenir. La nomination de M. Arthur Carty, ancien président du Conseil national de recherches du Canada, au poste de conseiller scientifique national du premier ministre, a été un formidable élément déclencheur. Sa mission consiste à encourager l'intégration scientifique dans les différents ministères. Les choses avancent et c'est un signe positif. Les sénateurs voudront peut-être suivre l'évolution de ce dossier.
Je vous ai présenté un tableau général du financement et de certaines activités actuellement en cours. Je serais heureux de répondre à des questions plus précises sur nos activités scientifiques ou sur d'autres questions analogues concernant l'eau de l'Ouest du Canada ou des autres régions du pays.
Le président : Merci. Je comprends que vous avez brossé un tableau général de la situation. J'ai parlé tout à l'heure de l'étude qu'entreprend actuellement le comité, mais nous nous pencherons sur tous les aspects relatifs à l'eau. C'est un dossier compliqué qui intéresse de plus en plus les Canadiens et je suis certain que vous en avez conscience.
Le sénateur Cochrane : Monsieur Carey, vous nous avez donné énormément d'informations. Il y a plusieurs points qui m'inquiètent. Nous connaissons tous l'importance de l'eau puisque nous avons été confrontés directement à plusieurs problèmes, le plus récent étant la découverte d'eau contaminée dans une collectivité autochtone du Nord de l'Ontario. Le manque d'intégration de toutes les données disponibles est un des problèmes auxquels nous sommes confrontés. Environnement Canada peut effectuer la même étude que cinq autres ministères. Est-ce que les ministères échangent les résultats de leurs recherches? Est-ce qu'il y a un mécanisme de communication en place?
M. Carey : Jusqu'à présent, il n'y avait pas d'échange; c'est pourquoi nous avons créé l'infrastructure. Nous avons décidé de favoriser les échanges, parce que nous reconnaissons que c'est important. Vous avez tout à fait raison, sénateur.
Le sénateur Cochrane : Il y a beaucoup de redondances.
M. Carey : Je ne parlerais pas de redondances; les ministères concentrent leurs efforts sur leurs missions respectives. Les ministères n'avaient pas l'habitude de collaborer afin de s'entraider. Par exemple, j'imagine que le personnel de Santé Canada travaillant sur les sources d'eau potable serait extrêmement intéressé par les résultats de nos études sur la qualité de l'eau des aquifères. Il nous faut être plus systématiques dans la façon dont nous communiquons, afin que les autres ministères soient tenus au courant des résultats de nos recherches plus tôt qu'ils le sont habituellement à la lecture de nos publications.
Le sénateur Cochrane : Depuis quand avez-vous commencé à communiquer?
M. Carey : Le comité est en place depuis deux ou trois ans.
Le sénateur Cochrane : Les résultats des recherches scientifiques devraient être connus partout puisque c'est grâce à eux que nous apprenons à gérer les problèmes.
M. Carey : Je me suis peut-être mal expliqué, madame le sénateur. Les résultats de nos études sont publiés dans des rapports disponibles pour tous et distribués dans le monde entier. Nous ne gardons pas secrets les résultats de nos recherches. Ce que je voulais dire, c'est que lorsque nous travaillons ensemble pour définir les priorités et préciser ce que nous voulons étudier, les résultats qu'obtiennent les uns sont pertinents pour les autres. Autrement dit, si Santé Canada avait fait part de certains de ses sujets de préoccupation à Environnement Canada, nous aurions été en mesure de faire porter nos recherches sur ces questions et de contribuer ainsi à leur étude. Ce n'est pas que les résultats de nos recherches soient secrets ou que les autres ministères n'en aient pas connaissance, mais plutôt que notre ministère peut être amené à travailler dans des secteurs qui sont de moindre importance pour les autres ministères, puisque nous n'avons pas fait part de nos priorités aux autres. Désormais, nous avons rectifié la situation.
Le sénateur Cochrane : Vous avez parlé de cinq grands ministères qui s'intéressent à l'eau.
M. Carey : Oui, cinq ministères s'intéressent aux sciences de l'eau.
Le sénateur Cochrane : Vous avez signalé que 19 ministères ont une direction qui s'occupe de l'eau.
M. Carey : Oui, ou encore ils s'intéressent à l'eau ou utilisent des informations sur l'eau. Nous réalisons des études sur l'eau pour aider les gens à gérer l'eau. Par exemple, le Service correctionnel du Canada s'intéresse à la qualité de l'eau consommée dans les prisons. D'autres ministères s'intéressent également à l'eau.
Le sénateur Cochrane : Notre gestion des ressources aquatiques est-elle appropriée?
M. Carey : Non, nous pourrions mieux gérer cette ressource.
Le sénateur Cochrane : Depuis quand, à titre de directeur général de l'Institut national de la recherche sur les eaux avez-vous noté cette mauvaise gestion?
M. Carey : Tout au long de ma carrière, j'ai cherché à apporter des améliorations. Je suis entré à l'Institut national de la recherche sur les eaux en 1974 et, à cette époque-là, c'est l'état des Grands Lacs qui nous préoccupait. Nous avons effectué beaucoup de recherches sur les Grands Lacs afin d'améliorer leur gestion. Nous avons beaucoup amélioré les choses. Au fil de nos études, nous rencontrons de nouveaux problèmes. Je ne voudrais pas que ma réponse soit interprétée de façon à laisser croire que nous agissons bien ou mal. Je préfère dire que nous n'en faisons tout simplement pas assez ou que nous ne recueillons pas suffisamment de données pour nous permettre de mieux gérer l'eau. Nombreux sont les gens qui font de leur mieux avec les informations dont ils disposent. Cependant, ces informations sont incomplètes. Depuis quelques années, nous avons découvert que les médicaments que nous absorbons, que notre corps élimine et que nous rejetons dans les égouts ne sont pas traités par les stations d'épuration des eaux qui ne sont pas conçues à cet effet. En conséquence, ces médicaments se retrouvent dans les écosystèmes aquatiques. Nous en trouvons des traces dans certaines eaux traitées. Cela ne pose pas problème, puisque les concentrations sont extrêmement faibles. Cependant, certaines personnes pourraient s'inquiéter de savoir que des médicaments antiépileptiques ou antipsychotiques sont présents à l'état de traces mais en quantité détectable dans notre eau potable. Il y a cinq ans, cela nous était totalement inconnu. On aurait pu le savoir si quelqu'un avait cherché à savoir où s'en allaient ces éléments, mais personne n'avait posé la question. Voilà ce que je veux dire : nous pourrions faire un meilleur travail si nous étions mieux informés. Nous exploitons les nappes souterraines, mais les informations que nous disposons à leur sujet sont incomplètes. Je ne considère pas cela comme une bonne pratique de gestion. Voilà des domaines dans lesquels nous pourrions nous améliorer.
Le sénateur Cochrane : Oui, et aussi intégrer votre planification avec les cinq autres ministères.
M. Carey : Cela, nous pouvons le faire et d'ailleurs, nous le faisons. Nous passons maintenant de la planification intégrée à la gestion intégrée du programme entre les sous-ministres. Cela va un peu à l'encontre de la façon dont les ressources sont distribuées. Lorsque le Parlement confère aux députés le pouvoir de dépenser les fonds publics, le pouvoir de dépenser relève du mandat du ministère concerné. Les sous-ministres ne consacrent pas leurs crédits aux priorités des autres ministères. Ils doivent rendre compte au Parlement de la façon dont ils dépensent leurs ressources dans le cadre du mandat de leurs ministères. Nous tentons actuellement de définir les secteurs qui ont des priorités communes, de manière à permettre aux sous-ministres de conjuguer leurs efforts et de combiner leurs ressources dans un même programme intégré. En raison des obligations de rendre compte, il faut que les secteurs et les priorités soient très précis. Il serait facile de travailler ensemble sans les obstacles que pose la Loi sur la gestion des finances publiques et les obligations de rendre compte imposées aux ministères.
Le sénateur Cochrane : Il faut quand même penser au bien public et à la santé des contribuables.
Le président : Vous venez de dire que la collaboration interministérielle se heurte à des obstacles sous la forme d'obligations de rendre compte ou de contraintes qui découlent de la Loi sur la gestion des finances publiques. Est-ce que j'ai bien compris?
M. Carey : Oui, c'est ce que je pense.
Le sénateur Christensen : C'est moins la quantité que la qualité de l'eau qui vous intéresse. Une eau salubre abondante a une incidence sur la qualité de l'eau et une eau salubre est synonyme d'environnement sain. Il faut entretenir les forêts et bien gérer l'eau. L'histoire nous montre que l'eau est toujours à l'origine de la décadence des nations qui n'ont pas duré. L'eau est un enjeu important.
Nous parlons des antibiotiques et autres éléments que l'on retrouve dans nos réseaux d'adduction d'eau. Est-ce que l'on mesure la quantité de sel déversé sur nos routes qui se retrouve ensuite dans les égouts, puis dans nos rivières où nous prélevons l'eau que nous buvons? Est-ce que l'on mesure ce genre de choses?
M. Carey : Absolument.
Le sénateur Christensen : Quels sont les résultats des analyses?
M. Carey : De manière générale, les concentrations de sel sont inférieures aux normes.
Le sénateur Christensen : Compte tenu de l'argent que nous dépensons, est-ce que nous connaissons suffisamment les cycles de l'eau et les nappes souterraines? Sans une bonne base de données constituée à partir de mesures, comment pouvons-nous savoir ce qui se produit dans les cycles de l'eau?
M. Carey : Nous mesurons le cycle des eaux de surface dans environ 2 400 sites répartis dans toutes les régions du Canada. Nous avons extrapolé les informations à partir d'autres données. Nous comprenons assez bien le cycle des eaux de surface. Nous tentons de mieux prévoir les réserves disponibles.
Nous essayons d'établir un lien entre nos modèles hydrologiques concernant la quantité des eaux de surface et les modèles climatiques, afin de pouvoir bâtir des scénarios. Nous cherchons à prévoir au printemps à quoi ressemblera l'été en fait de disponibilité de l'eau dans l'ensemble du pays et nous essayons également d'imaginer des scénarios climatiques pour l'avenir.
Pour ce qui est des eaux de surface, nous comprenons assez bien les choses. En revanche, je crois que nous ne connaissons pas assez bien les eaux souterraines. Je sais que nous exploitons nos eaux souterraines et je sais que dans les provinces et les municipalités, il y a des gens qui savent où se trouvent les eaux souterraines. Cependant, je ne pense pas que la gestion des aquifères en tant que plans d'eau soit suffisamment adéquate.
Le sénateur Christensen : Nous ne disposons pas d'une bonne cartographie des aquifères canadiens.
M. Carey : Vous avez raison. Certaines de ces nappes d'eau sont internationales et chevauchent les frontières. Certaines d'entre elles chevauchent les frontières provinciales et la plupart d'entre elles chevauchent les limites municipales.
Notre régime politique ne permet pas de prendre aisément des décisions en ce qui a trait aux aquifères ou aux bassins hydrologiques. Nous essayons d'encourager les personnes qui œuvrent à l'intérieur d'un bassin hydrologique d'appliquer des méthodes de gestion intégrée des ressources aquatiques, afin de prendre en compte les demandes contradictoires qui se présentent à l'intérieur d'un même bassin hydrologique plutôt que de laisser une municipalité donnée se pencher sur un problème particulier sans tenir compte des autres questions concernant le bassin hydrologique.
Le sénateur Christensen : Avez-vous réalisé des études sur la densité des glaciers, et cetera?
M. Carey : Certainement. Mon institut à Saskatoon a effectué un inventaire des glaciers. Aujourd'hui, nous sommes retournés à nos dossiers et nous procédons actuellement à la numérisation des photos de glaciers que nous avons prises il y a 10 ou 20 ans. Une fois que ce sera terminé, nous afficherons ces photos sur le site Web pour que les gens puissent les consulter. Nos glaciers fondent.
Le sénateur Christensen : Constatez-vous une amélioration ou au contraire une dégradation dans les méthodes que nous utilisons pour gérer et étudier nos eaux?
M. Carey : À mon avis, la gestion de la qualité de l'eau s'améliore. On y a consacré beaucoup d'attention. Par contre, l'utilisation de l'eau est un aspect que nous avons négligé. Nous faisons des choses qui sont difficiles à comprendre et qui parfois même défient toute logique.
Le Royaume-Uni a confié le traitement de l'eau potable à des sociétés privées. Ces sociétés ont vite compris qu'une partie de l'eau n'était pas facturable. Elles traitaient l'eau, mais personne ne payait l'eau qui n'atteignait pas le consommateur. Les compagnies ont passé beaucoup de temps à tenter de comprendre la cause de ces pertes d'eau, parce qu'elles dépensaient de l'argent pour traiter de l'eau qu'elles ne pouvaient vendre.
Nous n'avons pas suivi cet exemple au Canada. Dans certaines villes du Royaume-Uni, moins de 10 p. 100 de l'eau est actuellement non facturable. Dans la plupart de nos villes, plus de 25 p. 100 et parfois même 40 p. 100 de l'eau est non facturable. Une partie de l'eau traitée dans nos stations d'épuration se perd avant d'atteindre les consommateurs. Il y a des fuites et nous ne savons pas où l'eau s'en va. Aucune étude n'a été faite à ce sujet. Cela n'a pas de bon sens. Cela montre à quel point les Canadiens sont persuadés d'avoir beaucoup d'eau. Ils ne prennent pas cette ressource au sérieux, comme c'est le cas dans d'autres pays. Nous sommes parmi les plus grands utilisateurs d'eau par habitant au monde.
Le sénateur Christensen : Lorsque j'étais à Londres, il y a quelques années, j'ai eu l'occasion de parler à un ingénieur chargé du réseau d'adduction d'eau. Il me disait que chaque verre d'eau passait par six personnes avant d'arriver devant le consommateur. Ils sont très efficaces dans leur utilisation de l'eau.
Quelles sont les responsabilités qui ont été dévolues aux provinces au fil des années?
M. Carey : Cela ne s'est pas fait au fil des années. Les provinces sont chargées de la gestion des ressources présentes sur leur territoire et l'eau en est une. Les provinces ont donc la responsabilité première en matière de gestion de l'eau, sauf dans certains cas précis concernant des eaux internationales comme les Grands Lacs ou des eaux interprovinciales pour lesquelles le gouvernement fédéral peut avoir son mot à dire. Dans les provinces des Prairies, nous effectuons des activités de surveillance aux frontières interprovinciales pour appuyer les activités des offices des eaux des provinces des Prairies.
Le sénateur Milne : Les cours d'eau navigables relèvent-ils de la responsabilité fédérale?
M. Carey : Ils relèvent de la responsabilité de Transports Canada et de Pêches et Océans Canada, mais je parlais plus précisément de la gestion de la qualité de l'eau.
Le président : Il y a des lois, des engagements, des ententes et des traités internationaux au sujet des rivières et des lacs qui chevauchent les frontières internationales. Est-ce qu'il existe des lois analogues au sujet des aquifères qui chevauchent les frontières internationales ou est-ce que ce sont les mêmes lois qui s'appliquent? Est-ce que vous êtes au courant?
M. Carey : Je dois vous répondre avec prudence; je n'en connais aucune, mais cela ne veut pas dire qu'il n'y en a pas. Je ne connais aucune loi qui concerne expressément notre pays et les États-Unis.
Je sais que nous avons des différends concernant les eaux frontalières. Par exemple, à Abbotsford, en Colombie- Britannique, la contamination de la nappe aquifère par le Canada s'étend aux États-Unis. Nous avons également eu certaines inquiétudes au sujet d'une nappe profonde dans la région de Sarnia. La contamination à cet endroit est due à l'entreposage de déchets chimiques dans de vieilles mines de sel qui risquent de contaminer la nappe souterraine et causer des problèmes aux États-Unis et vice-versa.
Les aquifères soulèvent un certain nombre de problèmes transfrontaliers, mais nous n'avons pas, par exemple, l'équivalent de l'Accord sur la qualité de l'eau dans les Grands Lacs ou du Traité des eaux limitrophes.
Le sénateur Angus : Monsieur Carey et monsieur Renaud, je vous remercie d'être venus témoigner. Merci en particulier à M. Carey pour son exposé franc et direct. À vous entendre énumérer les faits, je me suis dit que c'est exactement ce que nous voulons entendre et je ne suis pas du tout surpris des événements tragiques qui ont touché récemment les Autochtones de Kashechewan. Vous savez sans doute que notre réunion est télévisée et qu'il y a beaucoup de Canadiens et de Canadiennes qui nous regardent à la télévision et aussi sur Internet. C'est merveilleux de vous entendre parler avec une telle franchise.
J'ai quelques questions à vous poser afin de voir si nous pouvons trouver une issue à cette situation ou si le comité peut, avec votre aide, apporter une contribution positive. J'aimerais ensuite vous poser deux questions précises dont vous pourrez garder les réponses pour la fin.
Avez-vous lu l'article au sujet de l'eau paru dans The Hill Times avant-hier? Le titre sur cinq colonnes était le suivant : « Les libéraux savaient depuis 2001 que l'eau était contaminée dans les réserves ». L'article cite ensuite une entrevue du sénateur Grafstein et évoque son projet de loi S-42 sur l'eau. Connaissez-vous le projet de loi S-42? Connaissez- vous, vos collègues et vous-même, l'objectif de ce projet de loi?
Ma question principale est la suivante : un de nos principaux rôles est d'élaborer des recommandations en vue de l'adoption d'une politique publique intelligible et intelligente. Dans le domaine de l'eau, nous voulons tous garantir la qualité de nos lacs, de nos rivières, de nos océans et de notre eau potable dans toutes les régions du pays. Nous voulons contribuer à assurer la pérennité de nos ressources aquatiques pour les générations futures. Mme Gélinas, la commissaire à l'environnement et au développement durable, qui a présenté son rapport à l'ensemble des parlementaires, nous a dit et répété que les outils et les crédits sont disponibles, mais que la mise en œuvre et l'action font défaut au Canada.
Au sujet de l'eau, je veux vous poser la question suivante : en tant que spécialiste — je suppose que vous vous sentez aussi découragé que nous — qu'est-ce qui est, à votre avis, le plus urgent au Canada? Quelles sont les questions les plus pressantes? Quelles sont les actions les plus importantes que devrait entreprendre actuellement le gouvernement? Comment notre comité de l'environnement peut-il vous aider à atteindre vos objectifs? Nous voulons collaborer avec vous et vous aider à mettre en place un meilleur environnement dans le domaine de l'eau.
M. Carey : Merci de poser la question et de me donner l'occasion d'y répondre. Pour répondre à vos premières questions, je n'ai pas lu l'article et je ne connais pas ce projet de loi.
Le sénateur Angus : C'est un projet de loi d'intérêt privé qui, espérons-le, sera adopté.
M. Carey : Je peux avouer en toute franchise que mon domaine c'est la gestion de la science et que mes collègues s'occupent de la politique et des lois relatives à l'eau. Il m'arrive souvent d'être le dernier dans notre groupe à être au courant de telles choses.
La priorité qui me paraît essentielle, c'est une meilleure information afin de mieux gérer la ressource. Nous avons déjà abordé ce sujet ce matin. La meilleure volonté du monde ne suffit pas si l'on ne connaît pas vraiment la ressource que l'on doit gérer et son étendue et si l'on ne peut pas identifier les secteurs qui ont besoin d'une attention immédiate. On ne peut pas imaginer gérer nos comptes en banque sans savoir ce qu'ils contiennent afin d'être en mesure de faire une planification financière. Or, c'est ce que nous essayons de faire avec les ressources naturelles. Nous essayons de les gérer sans vraiment connaître leur étendue, sans savoir quelle est la proportion renouvelable et si nous entamons le capital ou si nous vivons uniquement des intérêts. La toute première chose à faire est de recueillir de meilleures informations et de surveiller les tendances de l'état de la ressource afin de disposer de meilleurs indicateurs qui nous permettraient de définir l'évolution de cette ressource.
Deuxièmement, nous devons pouvoir nous appuyer sur la prochaine génération des technologies de traitement, et cetera. Il y a eu une époque où nous nous contentions d'évacuer nos déchets en pensant qu'ils allaient disparaître d'eux- mêmes. Nous nous sommes rendu compte que ce n'était pas correct. Nous avons pris conscience des problèmes que cela créait dans les Grands Lacs. C'était eux qui présentaient les problèmes les plus visibles, problèmes liés aux nutriants. Par conséquent, nous avons mis au point des programmes de traitement de ces effluents. Nous espérons que ces stations d'épuration ne se contenteront pas d'éliminer les nutriants; nous ne les avons pas conçues à cet effet. Ces stations n'ont pas été conçues pour répondre aux attentes que nous avons actuellement. Il nous faut repenser nos méthodes de traitement des eaux usées.
J'ai déjà mentionné que des milliards de dollars sont consacrés à l'infrastructure de l'eau. Il nous faudra également gérer ces coûts supplémentaires et cela représente beaucoup d'argent. Avant de réinvestir dans notre réseau de traitement des eaux, je crois qu'il faudrait prendre conscience qu'une bonne partie des eaux qui sont acheminées vers ce réseau devraient être réutilisées d'une autre manière, par exemple pour éteindre les incendies ou pour arroser des terrains de golf. Au moment de réinvestir dans de nouveaux réseaux de traitement, je crois que le montant de la facture devrait nous inciter à trouver d'autres moyens de gérer ces coûts. Cet exercice nous permettrait de mettre au point un plus grand nombre de stratégies d'utilisation durable de l'eau dans nos villes, par exemple, et des façons plus créatives de réutiliser ou de recycler l'eau afin de ne pas l'acheminer dans le réseau de traitement des eaux et d'assumer les coûts élevés de son traitement. Pour cela, il faut que nous changions nos attitudes vis-à-vis de l'eau. Des pays comme l'Australie et Israël connaissent des graves problèmes d'eau. En Israël, il y a 12 niveaux différents de traitement de l'eau. Ils traitent l'eau de façon différente selon l'usage auquel elle est destinée. Le traitement le plus complet est celui que reçoit l'eau potable. En revanche, ils n'utilisent pas de l'eau potable pour éteindre les incendies; ils ont d'autres approches. Un jour ou l'autre, nous devrons y venir nous aussi. L'application de stratégies d'utilisation durable de l'eau de façon plus créative que les attitudes cavalières auxquelles nous sommes habitués est un autre point sur lequel j'aimerais insister. Il nous faudrait de meilleures informations, de meilleures technologies et de meilleures stratégies pour gérer la ressource.
Le sénateur Angus : À vous entendre et à la lumière des données que nous avons déjà obtenues d'autres experts et de la commissaire, je ne peux résister à l'idée de suggérer que nous avons vraiment besoin d'un ministère de l'eau. Si j'étais premier ministre, je pense que ce serait la première chose que je ferais. Peut-être que le parti qui a le plus de chances de faire élire le prochain premier ministre devrait adopter cette suggestion.
Mme Gélinas note dans son rapport qu'entre 1995 et 2003, près de 2 milliards de dollars ont été consacrés à la construction et à l'exploitation de réseaux d'eau potable et d'égouts dans les collectivités des Premières nations. Entre 2003 et 2008, une autre tranche de 1,8 milliard de dollars sera consacrée à de tels projets. Le rapport conclut que faute de mesures radicales, il est peu probable que toutes ces dépenses, y compris les 600 millions de dollars investis dans la Stratégie de gestion de l'eau des Premières nations auront pour résultat une amélioration de l'eau potable à l'avenir.
Il semble donc que l'argent ne suffit pas et vous l'avez d'ailleurs confirmé. Vous nous avez dit que des millions de dollars ont été consacrés à l'infrastructure, mais que si les compétences nécessaires manquent pour assurer le bon fonctionnement de ces stations de traitement de l'eau, la contamination de l'eau va sans doute se poursuivre. J'aimerais avoir votre point de vue à ce sujet.
M. Carey : Comme je l'ai déjà mentionné, l'approche multi-barrière porte en partie sur le rendement de ces réseaux et comprend la formation des conducteurs d'installations et la surveillance des réseaux. C'est la surveillance qui pêche. En effet, on a beau implanter un réseau, si l'on ne surveille pas son rendement, on ne peut pas se rendre compte que l'on fait du mauvais travail. On se contente du système existant et on suppose qu'il fonctionne bien. On a appris récemment que le conducteur d'une installation dans une réserve du Nord de l'Ontario aurait dit que l'équipement était trop complexe à exploiter et qu'il n'avait pas reçu la formation nécessaire pour le faire.
Si nous voulons appliquer une approche multi-barrière, nous devons faire en sorte que les opérateurs aient les compétences nécessaires pour utiliser la technologie que nous installons et nous devons nous assurer qu'ils l'utilisent correctement. C'est ce qui est arrivé à Walkerton. Les installations techniques existaient, mais elles n'étaient pas utilisées correctement. La surveillance n'était pas suffisante pour identifier le problème. On peut dire à juste titre que les résultats seraient bien meilleurs si les conducteurs d'installation recevaient une formation adéquate.
Le sénateur Angus : Monsieur le président, il faudrait lancer une campagne dont le slogan serait « Carey commissaire de l'eau ».
Le président : J'ai de merveilleux souvenir des émissions de radio d'autrefois, lorsque le commissaire de l'eau s'appelait Willard W. Waterman. Il jouait le Great Gildersleeve à la radio.
Avant de passer au sénateur Lavigne qui posera la prochaine série de questions, je dois expliquer à l'attention de M. Carey et des personnes qui suivent les débats chez eux, que le projet de loi auquel a fait allusion le sénateur Angus et dont l'auteur est le sénateur Grafstein, vise à inclure l'eau dans la Loi sur les aliments et drogues. On disposera alors non pas de lignes directrices, mais de normes précises concernant la sécurité de l'eau provenant de n'importe quel robinet. Il souligne je crois que l'eau en bouteille est soumise à un tel contrôle fédéral qui est plus connu que dans d'autres domaines. C'est la même chose pour les cubes de glace et pour la gomme à mâcher. Pourtant, l'eau est la seule chose qui soit indispensable à la vie.
Le sénateur Angus : Il affirme essentiellement que l'eau est un droit humain. C'est très sympathique.
Le président : Exactement. Notre comité a déjà adopté ce texte législatif. Il est mort au Feuilleton. Je crois qu'il sera présenté à nouveau.
M. Carey : C'était, je crois, le projet de loi S-18. Je crois en avoir entendu parler.
[Français]
Le sénateur Lavigne : Monsieur Renaud, la dernière fois que vous avez comparu au comité, j'ai demandé à une dame qui vous accompagnait si des informations sur les rivières et les lacs du Québec étaient disponibles. Je lui ai écrit pour lui demander des informations, elle m'a réécrit pour dire exactement ce que vous avez dit tantôt.
[Traduction]
Je ne parle pas des politiques. Il n'y a pas de liens entre les services, dans votre ministère, et il est impossible d'obtenir des réponses. Nous posons des questions, nous envoyons des lettres, et on nous répond : « Ce n'est pas de mon ressort. » Vous dites que vous allez ajouter un bureau ici, à Gatineau, c'est bien cela?
M. Carey : Oui.
Le sénateur Lavigne : En avez-vous un autre au Québec, ou seulement un?
M. Carey : Pour le moment, seulement un.
Le sénateur Lavigne : On me pose souvent des questions, par exemple, sur le bois utilisé pour les quais, qui contient un produit de préservation. Ce bois-là est dans l'eau depuis 20 ans, même si ce produit n'est plus utilisé depuis une quinzaine d'années. On me demande s'il y a maintenant du mercure dans l'eau, et je ne peux pas répondre parce que je ne le sais pas. J'ai besoin de quelqu'un qui puisse répondre à la question pour moi, quand je me la fais poser par des gens de ma circonscription ou d'ailleurs au Québec. Qui est-ce que je peux appeler? Avez-vous le nom de la personne qui pourrait me fournir une réponse?
M. Carey : Vous avez raison de dire que les différents services qui s'occupent de l'eau sont éparpillés, dans notre ministère, et qu'ils fonctionnent de façon indépendante. J'ai mentionné tout à l'heure que nous étions en train de nous réorganiser. Notre sous-ministre vient de l'annoncer hier. La plupart des fonctions du ministère qui se rattachent à l'eau seront regroupées sous la responsabilité d'un seul directeur général, c'est-à-dire moi. La personne avec qui vous devrez communiquer à l'avenir, j'imagine, c'est moi.
Le sénateur Lavigne : Le projet de loi du sénateur Spivak a été déposé. Vous êtes sûrement au courant. J'ai posé des questions au sujet des embarcations nautiques et de ce qui peut se passer si l'essence des motomarines s'échappe dans l'eau, parce que le sénateur m'a demandé de parler de son projet de loi. Je ne voulais pas le faire parce que je ne connaissais pas les réponses. Les gens, au Québec, posent des questions sur l'eau. C'est normal. Après Walkerton, ils ont demandé : « Est-ce que notre eau est bonne à boire ou si nous devons en acheter? Que pouvons-nous faire? Pouvez- vous nous dire quoi faire? »
Vous venez de parler d'un livre. Pouvons-nous en avoir un exemplaire?
M. Carey : Il s'agit de la politique. Elle date de 1987.
Le sénateur Lavigne : 1997?
M. Carey : 1987. Elle est aussi affichée sur notre site Web.
Le sénateur Lavigne : 1987.
M. Carey : Il s'agit de la politique fédérale relative aux eaux.
Le sénateur Lavigne : Il n'y a rien de récent. Nous sommes en 2005, pas en 1987.
M. Carey : Les objectifs de cette politique, qui met l'accent sur la qualité de l'eau et sur son utilisation, sont encore très valables aujourd'hui.
Le sénateur Lavigne : J'ai aussi entendu parler d'un autre livre au sujet de « la loi sur le littoral », mais je ne sais pas si cela vient du fédéral ou du provincial. C'est un gros livre épais. Je l'ai vu, mais je n'en ai pas d'exemplaire. J'aimerais en avoir un pour pouvoir répondre aux questions des gens sur les politiques. Nous devons connaître les réponses. Notre comité est responsable de l'environnement. Nous avons besoin de ces réponses. À partir de maintenant, je vais vous écrire. Si je n'ai pas de réponse, vous reviendrez devant le comité et c'est à lui que vous répondrez.
M. Carey : Il arrive que la réponse soit : « Je ne sais pas. » Mais c'est quand même une réponse.
Le sénateur Lavigne : J'ai assisté à une réunion au sujet d'un projet d'hydroélectricité. Le ministère de l'Environnement avait dit oui, mais le ministère des Pêches a dit : « Non, il y a des poissons à cet endroit, alors vous ne pouvez pas toucher à l'eau. » D'un côté, on parle de produire de l'électricité propre, et de l'autre, on dit : « Oh, ne touchez pas à cette rivière; il y a du poisson. » Il est difficile de connaître les bonnes réponses quand il est question de l'eau.
Il est difficile aussi de savoir si l'eau que nous buvons est bonne ou pas. Certains disent que oui, que nous pouvons boire l'eau à la pompe. D'autres disent qu'il est préférable d'en acheter. La majorité des entreprises qui embouteillent l'eau sont américaines. Notre argent s'en va donc aux États-Unis, mais l'eau vient d'ici. Je pense que le sénateur Spivak a raison de vouloir faire adopter une loi pour dire que nous ne voulons pas plus de motomarines sur l'eau. Savons-nous ce que ces engins font à notre eau? Pouvons-nous gérer notre eau nous-mêmes et faire des profits ici, au Canada? La plupart des entreprises américaines achètent leur eau ici et rapportent les profits chez elles.
Nous devons examiner cette ressource. Nous devons la garder pour nous. Nous avons deux choses au Canada : de l'électricité propre et de l'eau. Elle est censée être propre. Allons-nous nous en occuper? C'est très important. C'est la seule question que j'ai à poser.
Le président : Maintenant, nous savons à qui écrire.
Le sénateur Lavigne : Maintenant, oui.
Le sénateur Angus : Et vous connaissez la réponse. C'est : « Je ne sais pas.»
M. Carey : Le gouvernement doit publier pour la première fois un rapport sur les indicateurs du développement durable. Il y aura trois de ces rapports. Le premier ministre a annoncé qu'il voulait ces trois-là pour commencer, un sur les émissions de gaz à effet de serre, un sur la qualité de l'air et un sur la qualité de l'eau. Nous avons travaillé à l'établissement de l'indicateur de la qualité de l'eau en collaboration avec toutes les provinces. C'est un premier effort. Nous allons l'améliorer.
Nous avons l'intention de présenter un rapport annuel sur un indicateur de la qualité de l'eau pour l'ensemble du pays, pour savoir dans quelle mesure l'eau, dans un endroit donné, répond aux objectifs de qualité liés à l'utilisation de l'eau à cet endroit. Le Conseil canadien des ministres de l'Environnement a un indice de la qualité des eaux qui se rattache aux objectifs pour chaque endroit.
Nous avons tracé un premier portrait à l'échelle nationale. Les données ne sont pas complètes pour l'ensemble du pays. Nous savons qu'elles ne sont pas suffisantes dans certaines provinces. Nous allons améliorer cela. Nous avons obtenu de nouvelles ressources pour ce faire : nous dépenserons 5 millions de dollars cette année pour tenter de compléter ce portrait.
Ce rapport contiendra certains des renseignements que vous cherchez. La province de Québec a fourni de l'information sur de nombreux endroits pour l'établissement de cet indice, et cette information est incluse dans l'indicateur. Le rapport n'a pas encore été rendu public, mais le texte préliminaire est en révision et nous nous attendons à ce qu'il soit publié cet automne, avant Noël.
Le sénateur Adams : Je voudrais commencer par le traitement de l'eau. Nous sommes censés avoir de la bonne eau dans l'Arctique, dans la communauté où je vis. Nous avons un ministère, mais je ne sais pas comment les choses se passent entre le ministère des Affaires indiennes et du Nord et les réserves, en ce qui concerne la gestion de la qualité de l'eau. Ce qui s'est passé dans cette communauté du Nord de l'Ontario, où les gens ont eu des problèmes à cause de l'eau, c'est que personne ne savait comment faire fonctionner l'équipement. Je pense qu'il devrait y avoir une réglementation quelconque, en vertu de laquelle des échantillons seraient prélevés régulièrement et envoyés à un laboratoire pour être analysés. Je ne sais pas comment fonctionne le système; mais, après Walkerton, la qualité de l'eau de toutes les communautés du Nunavut et des autres territoires a été analysée en laboratoire.
J'ai déjà été électricien. Quand je travaillais à Churchill, je m'occupais des produits chimiques pour traiter l'eau — pour que ce soit fait au bon moment, et ainsi de suite. À une certaine époque, le chlore se présentait sous forme de poudre qui était mélangée à l'eau. Je ne sais pas comment cela fonctionne de nos jours. Il y a peut-être un autre système maintenant dans les usines de traitement de l'eau.
Dans notre communauté, le ministère des Travaux publics était responsable de tous les aspects du fonctionnement des réseaux d'aqueduc et d'égout. Aujourd'hui, c'est la municipalité qui s'en charge. Je m'occupe de tous les compteurs d'eau; nous payons tant par litre chaque mois. Dans les municipalités, les fonds viennent des contribuables de la communauté. Si l'équipement est trop vieux ou qu'il fonctionne mal, il n'y a pas toujours de fonds pour le remplacer. Comment pouvons-nous gérer cela? C'était différent quand le ministère des Travaux publics s'en occupait; il y avait des techniciens qualifiés pour le faire.
Les municipalités ne consacrent qu'une partie de leur budget annuel au fonctionnement des réseaux d'aqueduc et d'égout. Je ne sais pas quelle est la meilleure solution pour l'eau.
M. Carey : Vous soulevez là une question importante au sujet de la gestion et du financement des systèmes de traitement. Je suis toujours renversé de voir que les municipalités comptent leurs sous quand il est question de l'eau, qui est pourtant essentielle à la vie. Nous sommes prêts à payer pour de l'eau en bouteille, mais les municipalités hésitent à demander plus d'argent aux contribuables pour améliorer la qualité de l'eau du robinet.
Je ne comprends pas. Dans ma propre famille, nous achetons de l'eau en bouteille, et j'en bois de temps à autre moi aussi. Cela coûte nettement plus cher que l'eau du robinet, qui est tout aussi bonne, bien franchement. Pourtant — je ne sais pas trop pourquoi —, quand nous payons quelque chose avec nos taxes, nous y regardons de plus près et nous sommes moins disposés à payer.
Il faudrait que des spécialistes des sciences sociales examinent l'aspect psychologique de la chose, et l'importance que nous attachons à notre eau, pour nous aider à comprendre pourquoi nous ne voulons pas payer pour l'eau avec nos taxes alors que nous sommes prêts à payer plus cher pour de l'eau embouteillée. Je ne connais pas la réponse. C'est un sujet de préoccupation, et c'est un problème. Quand on cherche à tout prix à réduire les coûts, comment est-ce qu'on entretient les systèmes de traitement dont notre vie dépend?
Le sénateur Adams : Il devrait y avoir une réglementation; Santé Canada ou un autre ministère comme celui-là pourrait être responsable de la qualité de l'eau. Les municipalités devraient comprendre le problème. Là où j'habite, à Rankin Inlet, nous pêchons et nous prenons notre eau potable dans les mêmes eaux. Si les poissons ne meurent pas et que quelque chose ne va pas... Au moins, les poissons ne meurent pas.
Le ministre des Affaires indiennes et du Nord nous a dit hier, pendant notre caucus, que cette communauté du Nord de l'Ontario serait reconstruite. Cela va coûter des millions, et pourtant il n'y a rien là-bas, sur le plan économique. Pourquoi devrions-nous reconstruire cette communauté?
On nous a dit que la communauté avait été implantée en 1957. À cette époque-là, ce n'était pas si mal. Il y avait des gens qui pratiquaient la chasse et le piégeage. Mais aujourd'hui, le commerce des fourrures est terminé et il n'y a plus de poisson. Pourquoi faudrait-il dépenser encore quelques centaines de millions de dollars pour rebâtir une communauté qui pourrait connaître une crise similaire dans 50 ans? Je pense que nous devrions regarder vers l'avenir, surtout pour les réserves.
Tout le monde parle du montant que nous allons devoir dépenser encore une fois pour les Premières nations. Les Inuits font partie des Premières nations, même si nous sommes un peu différents. Il y avait 1 800 personnes là-bas, et 250 d'entre elles ont été amenées ici à Ottawa quand la communauté a été évacuée. Combien cela a-t-il coûté aux contribuables?
Le président : Excusez-moi, sénateur Adams, c'est une question intéressante, mais nous ne pouvons pas raisonnablement la poser aux témoins qui sont ici aujourd'hui.
Le sénateur Adams : Qu'est-ce qui est arrivé à l'eau?
Le président : C'est la question qu'il faut se poser. Il est certain que la prévention serait une meilleure stratégie.
Le sénateur Adams : L'Ontario a aussi un ministère des Affaires indiennes. Il est difficile de savoir comment les responsabilités sont réparties entre les niveaux fédéral et provincial.
Le président : La réponse réside en partie dans la nouvelle collaboration dont a parlé M. Carey. Nous devons espérer que les choses vont s'orienter dans cette direction, et cela va certainement répondre en grande partie à votre question.
Le sénateur Milne : Merci d'être venus, messieurs.
Vous dites que vous êtes en train d'essayer d'élaborer un système national d'évaluation des eaux souterraines. Sur les cinq ministères, combien y en a-t-il qui participent à cet exercice?
M. Carey : Pour le moment, il y en a deux : Ressources naturelles Canada et Environnement Canada. Et je m'attends à ce que Santé Canada se joigne à eux.
Le sénateur Milne : Où en êtes-vous, et de quel genre de ressources avez-vous besoin pour accélérer les choses?
M. Carey : Pour le moment, nous nous servons des ressources existantes. Nous avons déjà collaboré à l'évaluation de plusieurs aquifères. Il faut deux ou trois ans pour chacun. Nous y consacrons des ressources de plusieurs millions de dollars.
Nous avons procédé au cas par cas, un peu plus que nous l'aurions voulu. Nous sommes en train d'établir un plan d'action pour déterminer l'ordre de priorité des aquifères et savoir combien nous pourrions en évaluer au cours des dix prochaines années. Nous n'avons pas encore terminé ce plan d'action. Nous nous sommes rencontrés pour en discuter et nous avons convenu de l'élaborer, et c'est ce que nous sommes en train de faire.
Nous avons des ressources de plusieurs millions de dollars par année. Si nous en avions plus, nous pourrions accélérer les évaluations.
Le sénateur Milne : Comment pouvez-vous évaluer des aquifères si vous ne savez pas où ils sont, à bien des endroits? De quel genre de financement et de recherche préliminaire auriez-vous besoin pour cela?
M. Carey : Il y a en fait beaucoup d'information. Il s'agit que nous puissions y avoir accès. Les gens qui creusent des puits doivent tenir des registres sur ce qu'ils rencontrent au cours de leurs forages, et ils doivent analyser l'eau qu'ils trouvent. Dans beaucoup de provinces, ces registres sont accessibles. Le problème, c'est qu'ils ne sont pas uniformisés. Il est donc assez compliqué de consulter ces registres et de les comparer.
Il y a beaucoup d'information qui nous permet de savoir qu'il y a de l'eau quelque part. Ce que nous ne savons pas, cependant, c'est depuis combien de temps cette eau est là, par exemple. Nous pouvons nous servir d'isotopes pour déterminer à quel moment l'eau a été en contact avec l'atmosphère pour la dernière fois, ce qui peut nous indiquer que l'eau s'est déposée là à l'époque de la dernière glaciation, par exemple. Si c'est le cas, il est fort probable qu'elle soit relativement propre et qu'elle ne soit pas susceptible d'être contaminée par les activités de surface. Mais si l'eau a été en contact avec l'atmosphère pour la dernière fois il y a 40 ans, nous nous inquiéterons davantage des possibilités qu'elle ait été contaminée par l'agriculture ou par d'autres sources.
Nous disposons de certaines techniques et nous avons de l'information sur les endroits où il y a de l'eau. Nous ne savons pas exactement combien il y en a, à quel point elle est vulnérable et quelle est sa qualité.
Les aquifères confinés, c'est-à-dire ceux qui ne laissent pas filtrer d'eau ni dans un sens, ni dans l'autre, représentent un capital naturel. C'est comme une mine. Nous pouvons en tirer de l'eau, mais, une fois que nous avons utilisé cette eau, elle n'est plus là. Dans les aquifères non confinés, l'eau circule. Nous pouvons en prendre, et elle va se renouveler. Nous devons déterminer à quel type d'aquifères nous avons affaire et combien d'eau ils contiennent. Dans le cas des aquifères non confinés, qui se régénèrent, nous devons déterminer le rythme de cette régénération parce que cela peut nous indiquer combien d'eau nous pourrions utiliser de façon durable.
Le sénateur Milne : Pour en revenir à ma question, de quel ordre sont les ressources supplémentaires dont vous auriez besoin pour cela?
M. Carey : J'hésite à dire que plus il y en aura, mieux ce sera, mais nous aimerions avoir un budget d'environ 10 millions de dollars par année. Avec des fonds de ce genre, nous pourrions faire trois ou quatre fois plus de travail qu'actuellement. Comme nous n'avons pas cet argent-là en ce moment, nous dépensons quelques millions de dollars par année et nous échelonnons le travail sur une plus longue période. Cela va se faire; la question est de savoir combien de temps il faudra.
Le sénateur Milne : Vous avez mentionné l'aquifère international près de Sarnia, et les inquiétudes au sujet de la possibilité qu'il soit pollué à cause de l'entreposage de produits chimiques industriels dans d'anciennes mines de sel. On entrepose maintenant du gaz naturel dans ces mines. Est-ce que cette pratique a un effet sur l'aquifère?
M. Carey : Je ne pense pas. Nous en sommes arrivés à la conclusion que ces milieux étaient assez confinés et qu'il n'y avait pas de fuites.
Le sénateur Milne : C'est pour cela qu'on y entrepose du gaz.
Vous dites qu'on a trouvé du perchlorate dans des aquifères, aux États-Unis, mais qu'on n'en trouve pas ici. D'où vient ce perchlorate?
M. Carey : C'est une question intéressante. Je connais certaines des sources de ce perchlorate. Le perchlorate est utilisé dans le carburant pour fusées et pour différentes applications militaires. C'est un gaz explosif et propulsif. C'est également ce qui déclenche les coussins gonflables dans les automobiles.
On a trouvé du perchlorate dans les eaux souterraines dans plus de 35 États américains. C'était une surprise parce que c'était dans des régions où il n'est pas censé y avoir de carburant pour fusées. Il n'est pas étonnant d'en trouver dans les endroits où ce carburant est produit ou dans les environs des bases militaires. Nous en trouvons parfois nous aussi dans les eaux souterraines à proximité de nos bases militaires. Cependant, les niveaux élevés qui ont été observés n'étaient pas attribuables à une source connue. Le perchlorate est hautement oxydé et n'est pas facile à fabriquer. Nous nous sommes posé des questions sur la possibilité qu'il provienne d'une source naturelle.
Certaines personnes disent qu'il se forme dans la foudre; il pourrait donc y en avoir dans la pluie. Je ne sais pas. C'est un gaz très stable. Il y a eu différents régimes climatiques dans le passé, et il y a eu de l'évaporation. Le perchlorate est très stable, comme le chlorure. Il est possible également qu'une partie des eaux souterraines, dans certains aquifères, ait subi une évaporation dans le passé et que le perchlorate soit devenu plus concentré.
La réponse, c'est que nous ne le savons pas. On a dit aussi aux États-Unis que des engrais provenant d'Amérique du Sud pourraient être contaminés au perchlorate. Nous avons décidé de nous pencher sur la question parce que nous avons des gisements de potasse dans l'Ouest du Canada et que nous avions des inquiétudes à ce sujet-là, mais cela n'a pas été le cas ici. Nos niveaux de perchlorate sont tout à fait conformes aux lignes directrices relatives aux effets sur la santé humaine.
Le sénateur Milne : Il est encourageant de savoir que nous ne risquons pas de sauter.
Monsieur le président, nous avons eu beaucoup d'information sur tout ce que nous ne mesurons plus dans notre eau, ou ce que nous devrions mesurer d'après certaines personnes. Nous devrions peut-être colliger toute cette information pour voir ce qui se fait actuellement. Ce qu'on ne sait pas peut nous faire mal.
Le président : En fait, c'est justement le sujet d'un rapport qui s'en vient très bientôt. M. Carey et d'autres nous ont signalé très clairement le manque d'information; or, il est essentiel d'avoir de l'information avant de pouvoir faire quoi que ce soit.
Le sénateur Buchanan : Nous comprenons tous que les quatre principales sources d'eau potable sont les puits artésiens profonds, les puits de surface, les réseaux d'aqueduc municipaux et l'eau embouteillée, même s'il peut y en avoir d'autres. Je trouve intéressant que les puits artésiens, les puits de surface et les réseaux municipaux soient tous assujettis à la réglementation provinciale. À ma connaissance, l'eau embouteillée n'est réglementée par aucun palier de gouvernement, n'est-ce pas?
M. Carey : Je ne connais pas la réponse à cette question.
M. Renaud : Les bouteilles sont réglementées, mais pas l'eau.
Le sénateur Buchanan : Je ne me rappelle pas le nom du scientifique de Colombie-Britannique qui était à la télévision la semaine dernière à Halifax, mais il a affirmé très clairement qu'il ne buvait pas d'eau embouteillée. Il boit plutôt l'eau du robinet parce qu'il ne voit aucune différence entre l'eau du robinet et l'eau en bouteille. En fait, il soutient que l'eau du robinet est meilleure que l'eau en bouteille. Qu'en pensez-vous?
M. Carey : J'aurais tendance à dire la même chose parce que l'eau du robinet est mieux réglementée; nous devrions donc être plus rassurés sur sa qualité.
Le sénateur Milne : Une bonne partie de l'eau embouteillée vient directement d'un robinet.
Le sénateur Buchanan : En effet. Vous seriez surpris d'apprendre dans quelle mesure l'eau embouteillée provient de réseaux d'aqueduc municipaux.
Avez-vous constaté une bonne collaboration entre les gouvernements fédéral et provinciaux en ce qui concerne la R- D dans le domaine des sciences de l'eau en général, et de l'eau potable en particulier?
M. Carey : Je suis spécialiste des écosystèmes aquatiques, et non de l'eau potable. Dans le domaine des écosystèmes aquatiques, la collaboration est bonne. Pour ce qui est de l'eau potable, il y a un groupe collégial fédéral-provincial qui a établi des objectifs à cet égard. La collaboration est excellente dans certains secteurs précis. Il y a aussi un accord- cadre entre le gouvernement fédéral et les provinces au sujet de l'information sur les activités hydrométriques, de même que des ententes individuelles entre le fédéral et certaines provinces. Tout cela est géré comme un programme unique, par les provinces dans certains cas et par le gouvernement fédéral dans d'autres. Nous avons d'excellents exemples de collaboration.
Il y a environ cinq ans, David Anderson, qui était alors ministre de l'Environnement, a assisté à une réunion du Conseil canadien des ministres de l'Environnement et a demandé aux représentants des provinces d'aider le gouvernement fédéral à établir ses priorités. Ce gouvernement finance une bonne partie de la recherche scientifique qui se fait dans nos universités et dans les ministères fédéraux. Dans la vague de compressions budgétaires des dix dernières années, beaucoup d'organismes provinciaux ont réduit leurs capacités dans le domaine des sciences de l'eau et s'en remettent maintenant au gouvernement fédéral.
C'est pourquoi notre ministère a invité les provinces à nous aider à établir nos priorités. Elles ont réclamé plus d'information pour pouvoir prendre leurs décisions. Si la recherche scientifique est laissée entre les mains d'un seul palier de gouvernement, il faut qu'il y ait des discussions avec les autres gouvernements au sujet des priorités de cette recherche et que les résultats leur soient communiqués. Nous avons pris des mesures pour améliorer la situation à cet égard, et il y a un très bon niveau de collaboration.
Le président : Honorables sénateurs, j'aimerais prendre un petit instant pour vous parler des travaux du comité. Dans deux semaines, puisque ce sera une semaine réservée aux comités, nous avons prévu de nous réunir le jeudi 17 novembre à 8 h 30, pour la majeure partie de la journée, plutôt que de répartir nos séances tout au long de la semaine. Nous allons recevoir trois groupes de témoins et parcourir un rapport sur la question du sénateur Milne au sujet du prochain rapport du comité. Les sénateurs peuvent partir du principe que, sauf avis contraire, c'est ce que nous allons faire. Nous serons fixés d'ici la fin de la journée ou au début de la semaine prochaine.
J'aimerais poser aux témoins une ou deux questions, dont une qui a presque un caractère politique. Vous avez indiqué que, d'après la Constitution, la gestion des ressources en eau relevait à peu près entièrement de la compétence des provinces. Vous avez dit aussi que les provinces demandaient au gouvernement fédéral de payer pour la recherche et de leur communiquer ensuite les résultats de cette recherche. Nous avons l'habitude de ce genre de demandes, mais est-ce bien logique? Pourquoi les provinces veulent-elles en faire moins en ce qui concerne la collecte de l'information nécessaire pour gérer notre eau?
M. Carey : Je dirais que c'est un élément clé de la politique fédérale relative aux eaux. Nous avons souligné que la politique datait de 1987, même si elle est toujours pertinente. Dans cette politique, le gouvernement fédéral s'est engagé à mettre l'accent sur la recherche scientifique et la technologie concernant l'eau. La réponse à votre question, c'est que le gouvernement fédéral a indiqué en 1987 que ces activités de recherche et de technologie faisaient partie de ses priorités; les provinces n'ont donc pas voulu faire double emploi, d'autant plus qu'elles pouvaient très bien dépenser leur argent ailleurs. Voilà la réponse courte à votre question. À ce moment-là, le gouvernement fédéral a pris le premier rôle et a dit qu'il pouvait s'occuper de tout.
Le président : Si le gouvernement fédéral exerce son leadership dans ce domaine, il y a moins de risques que les provinces s'opposent.
M. Carey : Exactement. Quand le ministre Anderson a donné aux provinces l'occasion d'aider le gouvernement à établir ses priorités dans le domaine scientifique, elles ont accepté à l'unanimité. La discussion n'a pas été longue.
Le président : En réponse à la question que vous ont posée aujourd'hui plusieurs sénateurs, dont le sénateur Milne qui a été la dernière à vous en parler, vous avez dit que votre institut faisait de son mieux avec les ressources disponibles, mais qu'il pourrait en faire plus si on lui en fournissait les moyens. Au-delà des 30 millions de dollars que vous avez dans votre budget de services votés, combien d'argent pourriez-vous utilisez raisonnablement, si nous voulons être prudents?
M. Carey : Compte tenu de la taille actuelle de l'Institut national de recherche sur les eaux, nous aimerions avoir 10 millions ou 20 millions de dollars de plus pour pouvoir être beaucoup plus efficaces. Je n'ai rien contre les partenariats, mais il faut beaucoup de temps et d'efforts pour les gérer. La gestion des ressources que représentent, à l'INRE, 30 ou 40 personnes différentes venues de tout le pays est une préoccupation importante pour nous, sur le plan juridique. Si nous avions dès aujourd'hui ces fonds supplémentaires dans notre budget, nous pourrions consacrer plus de temps à la recherche et aux études scientifiques. Les membres de notre personnel produisent chaque année de 150 à 250 publications scientifiques sur l'eau. Ce serait plus facile si nous avions cet argent-là dans notre budget; nous pourrions ainsi mieux gérer notre travail. En plus des 10 millions que nous amassons à l'extérieur de l'INRE, je dirais, pour être prudent, qu'un budget de 10 à 20 millions de dollars de plus nous aiderait beaucoup.
Le sénateur Kenny : Je veux bien, mais il faut voir ce qui se passerait ensuite. Qu'est-ce que le contribuable obtiendrait pour ces 10 millions? Vous n'avez probablement pas de réponse à cela, mais le comité trouverait très intéressant de savoir ce que le contribuable recevrait en retour de ces 10 millions de dollars supplémentaires qui seraient versés à l'INRE.
M. Carey : Je vous ai déjà donné une partie de la réponse : nous accélérerions notre programme d'évaluation des aquifères avec nos partenaires.
Le sénateur Kenny : Et qu'est-ce que cela apporterait aux contribuables?
M. Carey : Une meilleure information pour gérer la ressource.
Le sénateur Kenny : Ce serait utile si vous étiez plus précis. C'est bien beau de produire des études et de faire de la recherche, mais sur quoi et pourquoi? Et comment appliquer les résultats obtenus? Autrement dit, quels changements constaterions-nous dans la société si cela se faisait? Par exemple, si j'étais chez Tim Hortons et que j'essayais d'expliquer à quelqu'un pourquoi votre organisation va recevoir 10 millions de dollars de plus, qu'est-ce que je pourrais lui dire?
M. Carey : Pendant des années, j'ai pris l'autobus à Hamilton pour me rendre à Burlington. Je faisais un trajet d'une heure et demie avec des travailleurs de l'acier. À un moment donné, ces gens-là ont découvert que je travaillais pour le gouvernement fédéral. Je me faisais donc poser des questions tous les jours sur des choses dont il était question dans les journaux. Je n'ai pas besoin de vous imaginer au Tim Hortons; je n'ai qu'à penser à ce que je dirais à ces travailleurs de l'acier.
Vous avez raison de soulever cette question. À l'Institut national de recherche sur les eaux, nous avons organisé notre programme autour de 12 priorités qui correspondent à l'information dont les Canadiens ont besoin à notre avis pour mieux gérer les ressources en eau. Il s'agit par exemple de mieux comprendre les répercussions des changements climatiques sur nos ressources en eau, ou encore la toxicologie des produits chimiques et leurs effets sur les écosystèmes aquatiques. Nous avons découvert depuis cinq ans de nouveaux contaminants dans l'eau de pluie même si les niveaux de BPC sont à la baisse. Nous ne nous contentons pas de faire de la recherche scientifique générale. Nous avons organisé nos activités autour de ces priorités et nous avons demandé aux provinces de les valider. Nous diffusons de nouvelles connaissances dans des secteurs spécifiques où nous pensons qu'il y a des besoins prioritaires pour les Canadiens.
Le sénateur Kenny : Pouvons-nous demander au témoin de fournir au comité un document écrit à ce sujet-là?
M. Carey : Avec plaisir.
Le président : Si vous aviez cette information, ce serait utile pour pouvoir dire exactement en quoi consiste le problème. Ce n'est pas le cas actuellement. Les gens pensent que nous n'avons pas assez d'information à examiner. Je ne sais pas s'il est possible d'être vraiment précis.
M. Carey : J'ai une liste qui inclut la préparation d'un inventaire national des milieux humides pour que nous puissions comprendre où se trouvent les zones humides, comment nous les protégeons et si elles sont ou non en train de disparaître, ce qui nous permettra d'établir une tendance. Il s'agit d'un programme de surveillance des milieux humides.
Nous pourrions lancer des projets de gestion intégrée des ressources en eau dans le bassin de l'Okanagan et dans celui de la rivière Saskatchewan Sud, par exemple, où il y a d'importants conflits touchant les eaux. J'ai une liste d'éléments scientifiques, mais cela ne permet pas de régler les problèmes de gestion des eaux.
Le président : Il y a d'autres personnes qui s'occupent de gestion des eaux et qui ne savent pas quoi faire. Votre contribution nous serait utile.
Vous avez dit que la présence de certains éléments-traces dans l'eau était en deçà des lignes directrices établies. Mais qui établit ces lignes directrices? Dans quelle mesure pouvons-nous nous y fier?
Le corollaire de cette question, c'est de savoir de quelles sources — les eaux de ruissellement, par exemple — viennent les éléments qui se retrouvent dans les eaux souterraines. Est-ce qu'il est suffisant d'avoir des lignes directrices à ce sujet-là, ou si nous avons plutôt besoin d'une réglementation précise? Moïse n'est pas descendu de la montagne avec dix suggestions, ou dix lignes directrices.
M. Carey : Les lignes directrices sont établies par des organismes fédéraux et provinciaux. Dans le cas des eaux de surface, les lignes directrices canadiennes sur la qualité des écosystèmes sont élaborées sous la gouverne d'Environnement Canada et d'un groupe qui vient de notre institut. Ces gens-là travaillent par l'entremise du Conseil canadien des ministres de l'Environnement pour établir ces lignes directrices, que les provinces sont ensuite responsables de convertir en normes applicables dans la pratique. C'est la même chose pour l'eau potable.
Ce sont des lignes directrices fondées sur des données scientifiques. Dans les cas où nous avons de l'information pertinente, vous pouvez être assurés qu'elles reposent sur des bases scientifiques et que les hypothèses de départ sont très modérées.
Il ne s'agit pas de reculer quand on a atteint un certain niveau de toxicité. Nous examinons les données toxicologiques connues sur certaines de ces substances et nous établissons ensuite des chiffres raisonnables. Dans certains cas, il s'agit d'ordres de grandeur, et les concentrations sont faibles.
Je crois que nous pouvons nous fier aux lignes directrices. Malheureusement, il arrive que les données scientifiques changent et que la recherche nous apprenne des choses nouvelles. Tout ce que nous pouvons faire, c'est établir nos lignes directrices en fonction de ce que nous savons. Nous essayons de nous fonder sur des faits scientifiques connus; c'est ce que nous faisons, et je pense que le processus est fiable.
Le sénateur Cochrane : Vous avez parlé d'une meilleure utilisation de l'eau. Vous avez aussi mentionné des pays qui tirent profit de l'eau et qui ne l'utilisent pas seulement pour le bien-être général.
Quels sont nos rapports avec les pays qui ont démontré qu'ils faisaient tous les efforts possibles, par leur recherche, pour mieux utiliser l'eau? Avons-nous des rapports avec ces pays?
M. Carey : Sur le plan scientifique, nous collaborons avec eux et nous échangeons de l'information à l'occasion de conférences. Je ne sais pas si nous avons des liens particuliers avec eux en ce qui concerne la gestion de l'eau.
Le sénateur Cochrane : Avez-vous dit qu'Israël faisait partie de ces pays-là?
M. Carey : J'ai mentionné les Israéliens parce qu'ils ont une philosophie de réutilisation et de recyclage de l'eau; ils ont un cadre qui leur permet de prendre des décisions sur la qualité de l'eau, et des normes de qualité pour chaque réutilisation. Nous n'avons rien de ce genre.
Les Albertains sont est en train d'élaborer des normes sur la réutilisation de l'eau. C'est ce qui se rapproche le plus d'une stratégie de réutilisation de l'eau.
Le sénateur Cochrane : On apprend toujours quelque chose des gens qui ont trouvé de bonnes solutions.
M. Carey : Il y a des associations internationales, par exemple l'Association internationale de l'eau, qui publient des revues mensuelles sur les activités de ce genre. C'est là que je trouve cette information. Nous ne leur rendons pas visite très souvent, mais nous apprenons des choses et nous échangeons de l'information par l'intermédiaire des associations internationales.
Le sénateur Cochrane : Je pense que les échanges sont très importants, surtout avec des gens comme ceux-là.
Le président : Je remercie M. Carey et M. Renaud d'être venus nous rencontrer. Je tiens à faire écho aux remerciements que le sénateur Angus vous a faits plus tôt au sujet de votre franchise et de vos réponses directes. J'aimerais bien que tous les témoins soient aussi coopératifs. C'est très utile pour notre travail.
La séance est levée.