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POFO - Comité permanent

Pêches et océans

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Pêches et des océans

Fascicule 8 - Témoignages du 2 juin 2005


OTTAWA, le jeudi 2 juin 2005

Le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans se réunit aujourd'hui, à 10 h 50, pour examiner les questions relatives au nouveau cadre stratégique en évolution du gouvernement fédéral pour la gestion des pêches et des océans du Canada, et en faire rapport.

Le sénateur Gerald J. Comeau (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Je déclare la séance ouverte.

En octobre 2004, le Sénat a émis un ordre de renvoi afin que notre comité examine les questions relatives au nouveau cadre stratégique en évolution du gouvernement fédéral pour la gestion des pêches et des océans du Canada. Le 19 mai, le comité a déposé un rapport intérimaire, que tout le monde peut consulter sur Internet.

Le comité s'efforce d'évaluer l'impact de la politique des pêches du gouvernement sur les collectivités côtières. Nous avons émis un rapport, il y a quelques jours, en vue de commencer à diffuser certaines des idées de notre comité concernant un cadre stratégique, en particulier à l'égard des pêches de la côte Ouest, bien que nous ne voulions pas négliger les pêches de la côte Est.

Aujourd'hui, nous accueillons, de Terre-Neuve-et-Labrador, Son Honneur Don Stewart, maire de Harbour Breton; du Harbour Breton Industrial Adjustment Services Committee, M. David Vardy, président, et M. Bill Carter, coordonnateur de la recherche; et de la Fish, Food and Allied Workers de Harbour Breton, M. Eric Day, président.

Bonjour, messieurs, et soyez les bienvenus. Nous sommes heureux de vous accueillir ici aujourd'hui. Je crois que votre témoignage sera extrêmement utile dans le cadre de notre étude de l'impact des politiques gouvernementales sur les collectivités côtières.

M. David Vardy, président, Harbour Breton Industrial Adjustment Services Committee : Bonjour. En novembre 2004, une décision a eu l'effet d'une bombe sur la petite collectivité de Harbour Breton sur la côte sud de Terre-Neuve. Harbour Breton est la plus grande localité de la région. Il s'agit d'une collectivité de 2 000 personnes dans une région relativement éloignée, dont la population totale est d'un plus de 8 000 personnes. Cette décision a, du jour au lendemain, mis en péril la seule industrie de Harbour Breton.

Par conséquent, des gens qui avaient travaillé pendant 50 ans dans une usine qui fonctionnait toute l'année se sont retrouvés sans emploi sur-le-champ. Il n'y a eu aucun avis, et aucun programme d'adaptation n'était en place. Il y avait un moratoire sur les pêches en 1992, mais, même avant cela, sept usines de la Région atlantique du Canada avaient fermé leurs portes. Par comparaison à cela, la situation à Harbour Breton a eu un grave impact sur notre petite ville. Nous voulons vous décrire cela, et vous parler un peu de la collectivité.

L'une de nos préoccupations tient au fait que la plupart des décideurs concernés du gouvernement du Canada évoluent dans un environnement urbain. Ils ne comprennent pas que l'environnement rural au Canada est totalement différent. Comme je l'ai dit, Harbour Breton est la première municipalité en importance de la région; pourtant, elle est située à 337 kilomètres de Grand Falls, une ville du centre de Terre-Neuve comptant 15 000 habitants. Quand une localité perd sa principale industrie, l'effet est dévastateur.

Nous sommes ici aujourd'hui pour vous parler d'adaptation, de poisson, de quotas et de la gestion des pêches. Il y a, en ce qui concerne la gestion de l'industrie des pêches au Canada, des problèmes fondamentaux que nous voulons porter à votre attention. Notre mémoire vous a été distribué. Il ne contient que les principaux points, et bien peu de détails.

J'invite le maire Stewart à dire quelques mots, et ensuite, M. Day, président de la FFAW, prendra la parole. Enfin, je résumerai les points que nous considérons comme cruciaux.

À l'issue de la séance d'aujourd'hui, nous aimerions que votre comité soumette une recommandation aux décideurs du Cabinet, du ministère des Ressources humaines et du ministère des Pêches et des Océans. La situation est pressante, et des décisions doivent être prises. Sinon, des gens quitteront Harbour Breton, ce qui mettra en péril l'avenir de la collectivité et de l'ensemble de la région. Nous sommes ici aujourd'hui, animés d'un sentiment d'urgence. Il y a une épée de Damoclès au-dessus de notre tête, et les attentes sont élevées dans notre région. Nous sommes ici aujourd'hui pour parler au nom d'une population qui vit dans une région très rurale et isolée du Canada.

Son Honneur Don Stewart, maire, Ville de Harbour Breton, Terre-Neuve-et-Labrador : Bonjour. Je laisserai une copie de mon mémoire à tous les honorables sénateurs. Je m'excuse de ne pas pouvoir le fournir dans les deux langues officielles. Je n'ai pas pu le faire traduire à Harbour Breton.

Le président : Nous pourrons consigner la totalité de votre mémoire sur le site Web de notre comité.

M. Stewart : Je vous en serais reconnaissant. Ce mémoire reflète mes quelque 38 années de travail bénévole pour le développement économique d'une région rurale de Terre-Neuve-et-Labrador.

Le jour de l'annonce du moratoire en 1992, plus de 30 000 Terre-Neuviens ont perdu leur gagne-pain. Pouvez-vous imaginer la catastrophe si, demain matin, 600 000 Ontario perdaient leur emploi? On ne saurait sous-estimer l'ampleur de la crise qui frappe le secteur de la pêche. Merci de cette occasion qui nous est offerte de témoigner devant cet important comité au sujet de la gouvernance de l'industrie de la pêche. Nous sommes ici aujourd'hui pour demander instamment à nos dirigeants d'agir avec diligence afin de protéger notre ressource la plus précieuse. Nous vous savons gré des efforts que vous déployez en travaillant avec nous en vue d'assurer un avenir durable à nos collectivités et à l'industrie de la pêche dans son ensemble.

La municipalité de Harbour Breton est située dans la région de côte des baies, sur la côte méridionale de Terre- Neuve, dans la zone de pêche 3PS. Cette collectivité se trouve à 269 kilomètres de la route transcanadienne et à 539 kilomètres de la capitale provinciale, St. John's. La région regroupe 22 collectivités qui se sont installées autour de cinq baies il y a plus de 200 ans — la baie Hermitage, la baie Fortune, la baie Connaigre, la baie d'Espoir et la grande baie d'L'eau. Harbour Breton, dont la population s'élève à 2 080 personnes, est la plus grande de ces collectivités.

Le 19 novembre 2004, la Fishery Products International annoncé qu'elle fermerait définitivement ses installations à Harbour Breton. Parmi les raisons invoquées, mentionnons l'intégrité structurale des locaux, la concurrence de la Chine et le renforcement du dollar canadien. Cette annonce a directement touché la vie de 348 travailleurs d'usine et provoqué de graves inquiétudes dans le milieu des affaires, au sein des organisations et chez les résidents de toute la région de la côte des baies. Compte tenu d'une population de base de seulement 8 540 personnes, la disparition subite de 350 emplois directs est très déstabilisante.

La pêche fait partie de la vie à Harbour Breton et dans la région de la côte des baies depuis l'arrivée des premiers colons au XVIIIe siècle. Les résidents ont pratiqué la pêche côtière de même que la pêche hauturière et travaillé dans les usines, que ce soit les stations de baleiniers à McCallum, les conserveries de homard à Rencontre ou la transformation du poisson de fond dans les collectivités de la péninsule Connaigre. La principale usine de transformation des poissons et fruits de mer à Harbour Breton existe depuis 1960, et a appartenu à plusieurs exploitants dont British Columbia Packers Limited, Fishery Products et Fishery Products International Limited.

Avant l'imposition du moratoire sur la pêche de la morue en 1992, l'usine de transformation du poisson était un important employeur dans toute la région de la côte des baies, donnant de l'emploi à jusqu'à 550 personnes en période de pointe tant à l'usine, sur la côte, qu'en haute mer, sur ses six chalutiers de pêche hauturière. Par le passé, on y transformé un éventail d'espèces, y compris la morue, le poisson plat, le hareng, les œufs de lompe et le sébaste, qui était la principale espèce exploitée ces dernières années.

Harbour Breton possède la plus importante flotte de pêche côtière à l'extérieur de St. John's, réunissant 56 entreprises de pêche dans ce qu'on appelle la région de pêche de l'Est.

La municipalité compte plus de 40 entreprises offrant une vaste gamme de biens et services, y compris des matériaux de construction, de l'ameublement, des établissements de produits alimentaires et de boissons, une résidence pour personnes âgées, un hôtel moderne et des emplacements de véhicules de plaisance, des épiceries et un centre de services maritimes. Nous avons également un nouvel hôpital régional, qui a ouvert ses portes en 1999 et qui sert l'ensemble de la péninsule Connaigre. La municipalité a également réussi à faire accepter son projet de fournir des services Internet à large bande dans le secteur, dans le cadre du programme fédéral de services à large bande.

Harbour Breton est un exemple de réussite en milieu rural à Terre-Neuve-et-Labrador. Cependant, depuis la fermeture de l'usine, le moral est bas, la tension est grande, les petites entreprises font des mises à pied, et les commerces de vente au détail, aussi loin que Grand Falls et Gander, subissent les contrecoups.

Jetons un coup d'œil sur certains des avantages que le Canada retire de Terre-Neuve-et-Labrador. Nous avons confié la gouvernance de notre ressource la plus précieuse à notre pays lorsque nous nous sommes joints à la Confédération canadienne en 1949. Pour le Canada, cette décision a permis au pays de récolter des bénéfices importants en devenant chef de file mondial dans le monde de la pêche, et elle a facilité des ententes politiques qui ont donné lieu à des investissements étrangers substantiels sur l'ensemble du territoire canadien. Cependant, qu'avons-nous obtenu en retour? Nos collectivités sont en train de mourir.

Pendant plus de 200 ans, les résidents de la région de la côte des baies ont gagné leur vie grâce à la mer, qu'il s'agisse de la pêche ou du commerce. Des municipalités comme Harbour Breton, Gaultois, Hermitage et Belleoram ont connu une économie florissante en raison des usines de transformation. Dans les collectivités plus petites, également, la pêche était excellente, il y avait du poisson en abondance et une usine tout près où la récolte était vendue. Jusqu'aux années 80, les résidents pouvaient pêcher à partir de chez eux et capturer du poisson, ce qui est impensable pour nos enfants aujourd'hui.

La pêche a un impact énorme sur l'économie de la province et le bien-être social des collectivités rurales. Bon nombre des grands centres qui en bénéficient ont une économie diversifiée, mais, souvent, les petites régions rurales n'ont pas cet avantage. Lorsque le secteur de la pêche du poisson de fond a été fermé en 1992, plus d'un millier de résidents de la côte des baies ont perdu leur emploi.

Depuis, la population globale est passée de plus de 10 000 en 1991 à environ 8 500 en 2001. Des usines ont fermé, des bateaux ont été vendus, et un nombre beaucoup plus grand de familles sont parties s'établir ailleurs. Cette situation a pour effet d'accroître la pression sur le niveau de services que nous pouvons offrir, de décourager les investissements des entreprises et de placer un fardeau énorme sur nos bénévoles.

Ceux qui dépendent le plus de la pêche pour leur survie économique sont en train d'être éliminés. Après cinquante ans de mauvaise gestion, nos collectivités rurales continuent de souffrir du déclin de l'économie.

Le gouvernement du Canada doit être responsable des effets dévastateurs de sa gouvernance. « Des ressources ont été données » en vue d'en retirer des gains politiques et, dès les années 70, le gouvernement du Canada avait accordé des permis à 600 chalutiers étrangers, employant quelque 40 000 personnes ne résidant pas au Canada. Les exemples de mauvaise gestion sont nombreux : technologies nuisibles, délivrance de permis en abondance, subsides, construction de trop nombreuses usines de transformation et refus de reconnaître deux avertissements clairs, soit, premièrement, la taille réduite des prises débarquées, et, deuxièmement, une baisse globale des débarquements de la pêche côtière. Cette mauvaise gestion, si elle ne cesse pas, sonnera le glas du milieu rural à Terre-Neuve-et-Labrador. Les collectivités de la côte des baies comme McCallum, Gaultois, Hermitage, Sandyville, Seal Cove, Harbour Breton, Wreck Cove, Coombs Cove, Boxey, Mose Ambrose, English Harbour West, St. Jacques, Belleoram, Pool's Cove et Rencontre East deviendront certainement des villes fantômes.

Peut-être que l'un des points faibles les plus graves est l'incapacité de passer de l'étape des consultations à celle de l'action. Les particuliers et les organisations sont invités à prendre part aux consultations depuis des dizaines d'années et ont offert une myriade de propositions. Au lieu de s'occuper de bon nombre des problèmes, les autorités gouvernementales répondent toujours qu'une autre étude ou que d'autres consultations sont nécessaires.

Les demandes en faveur d'une meilleure gouvernance et de la conservation demeurent continuellement sans réponse. Depuis des dizaines d'années, les Terre-Neuviens inquiets exposent les problèmes et proposent des solutions — encore et encore.

Je vais citer seulement un exemple qui remonte à 1964. Dans une allocution prononcée devant la Chambre des communes, le député Walter Carter a déclaré ceci :

[...] les grands avantages que nous offrent un littoral aussi exceptionnel et des ressources halieutiques aussi riches ici même, juste devant notre porte, des ressources dont les flottes de pêche étrangères peuvent retirer davantage de bénéfices que nous ne le faisons nous-mêmes. Voilà un problème qu'il est urgent de régler, et nous devons y trouver une solution satisfaisante.

Dans la même allocution, il a fait état de la nécessité d'effectuer des travaux scientifiques additionnels dans le nez et la queue des Grands Bancs, et de ralentir l'intensification des activités de pêche dans ce secteur, notamment celles utilisant des engins de pêche destructeurs. Cela fait plus de 40 ans, et nous demandons encore que l'on s'occupe de ce problème.

Les seules personnes qui sont directement touchées par le bien-être des collectivités de pêche, ce sont les résidents de ces collectivités et ceux qui les gouvernent. Notre bien-être dépend maintenant en grande partie des caprices de l'économie et de la compétence des entreprises de pêche commerciale qui n'ont pas leur siège dans la collectivité et qui se préoccupent peu de notre bien-être, mais vous avez le pouvoir de changer cela. Autrement, très bientôt, la pêche sera bel et bien contrôlée par les grandes sociétés et les intérêts étrangers.

De plus, la politique actuelle en matière d'allocation des quotas pose de graves problèmes. L'un d'eux est le manque de responsabilisation. Les particuliers, les sociétés et les pays reçoivent des quotas à une fin précise, mais aucune mesure de contrôle n'est prise pour assurer le respect des conditions. Par exemple, les quotas ont été alloués à la FPI à la condition que l'entreprise exploite trois usines de transformation des prises hauturières — Marystown, Fortune et Harbour Breton. Maintenant que l'usine de Harbour Breton est fermée, qu'arrivera-t-il de ce quota? Qu'arrivera-t-il de tous les quotas actuellement assujettis au moratoire?

Nous ne voulons pas dépendre des projets ni des transferts gouvernementaux qui, comme nous devrions tous le savoir à l'heure actuelle, ne peuvent vraisemblablement pas soutenir nos collectivités à long terme. La conservation des ressources halieutiques renouvelables et l'accès à celles-ci, tout près de nos collectivités, peuvent permettre d'y parvenir. La solution, telle que nous la voyons, réside dans l'innovation — dans la réflexion! La solution à long terme se trouve non pas dans les projets, mais plutôt dans la réforme de la politique.

La pêche commerciale des stocks de morue du Nord, que le gouvernement fédéral gère depuis 1949, a cessé avec l'imposition du moratoire en 1992; le bien-être social et économique de nos collectivités rurales décline depuis lors. Nous devons renverser la tendance, et grâce à votre action décisive — nous le pouvons. Il n'est pas nécessaire que la revitalisation de nos collectivités rurales coûte des millions de dollars — il faut plutôt apporter des changements à la politique et allouer plus efficacement les ressources existantes.

Il est nécessaire de bien comprendre qu'il s'agit de protéger le fondement même de notre vie à Terre-Neuve-et- Labrador. Les décisions qui seront prises à la Chambre des communes au cours des prochaines semaines doivent tenir compte non seulement de la situation actuelle, mais aussi du bien-être de la population et de notre province. Les événements récents sont la conséquence des faiblesses de la gouvernance de la pêche, des faiblesses que nous avons maintenant la possibilité de corriger avant que d'autres dommages ne se produisent.

Les gouvernements doivent appliquer les principes de l'attachement historique, des droits de proximité et de l'équilibre régional à l'allocation des quotas. Le gouvernement devrait accroître la responsabilisation relativement au privilège de l'accès aux quotas.

Suivant la politique actuelle du ministère des Pêches et des Océans, les quotas sont transférables d'un détenteur à l'autre. Pour que le développement durable soit réellement valable, certains quotas devront être stratégiquement rattachés aux collectivités côtières, et non pas contrôlés par un particulier, une famille ou une grande entreprise. Les sociétés détentrices de quotas qu'elles n'utilisent pas devraient les rendre au gouvernement fédéral.

Nous recommandons également la tenue d'un examen annuel ou bisannuel des sociétés et des particuliers qui détiennent des privilèges liés aux quotas afin de vérifier si ceux-ci respectent encore les conditions dont les quotas avaient été assortis.

Le MPO devrait allouer un pourcentage du quota auparavant consenti à la FPI pour ses trois usines alimentées par la pêche hauturière, actuellement assujetties au moratoire, à Harbour Breton lorsque le moratoire sera levé.

La FPI a l'intention d'utiliser des chalutiers congélateurs pour récolter le poisson et faire transformer celui-ci en Chine; cela signifie donc que les profits tirés de la ressource reviendront aux actionnaires et que les emplois dans le secteur de la transformation occupés par des résidents de Harbour Breton's se retrouveront en Chine — et c'est ainsi que l'on donne encore nos ressources. Nous devons obtenir une partie de ce quota afin de pouvoir offrir des emplois intéressants ici, chez nous.

La pêche dans les pays étrangers continue d'être florissante grâce aux ressources exploitées sur les bancs de la masse continentale du Canada; pourtant, ici même chez nous, le secteur de la pêche fournit très peu d'emplois. Le gouvernement du Canada doit utiliser sa politique de conservation et le droit international de la mer pour mettre un frein à la surpêche étrangère.

Songez au fait que le quota de merluche blanche alloué au Canada à l'intérieur et à l'extérieur de la limite des 200 milles est de 2 500 tonnes, tandis que le quota alloué à l'Espagne est de 5 000 tonnes. Le sébaste : le quota du Canada est de 6 000 tonnes tandis que l'Espagne a 7 000 tonnes, et la Russie 6 500 tonnes. Dans le cas du turbot, l'Espagne a un quota de 8 254 tonnes au large de la côte orientale de Terre-Neuve, tandis que nos pêcheurs ne sont autorisés à capturer que 2 112 tonnes. Pour ce qui est des crevettes, les Îles Féroé ont un quota trois fois supérieur à notre quota de crevettes dans la zone 3M au large du plateau continental de Terre-Neuve; l'Espagne a huit fois ce quota, la Norvège a quatre fois ce quota, et la Russie a cinq fois ce quota, tous dans la même zone.

Le récent énoncé de politique du MPO intitulé « Cadre stratégique de gestion des pêches sur la côte Atlantique Canada » insiste de façon très marquée sur le rôle que doit jouer le MPO en vue de soutenir la viabilité des collectivités côtières. L'utilisation durable et l'autosuffisance y sont décrites comme des objectifs essentiels à atteindre. L'appui à la durabilité est également démontré dans le document du gouvernement fédéral intitulé « Cadre d'action fédéral à l'intention du Canada rural » où il est précisé ceci : « le gouvernement du Canada s'est engagé à favoriser l'émergence de collectivités dynamiques, tributaires de l'exploitation durable des ressources, où les citoyens prennent des décisions informées concernant leur propre avenir ».

L'allocation des quotas doit tenir compte de l'équilibre régional. Les collectivités côtières de Terre-Neuve ne doivent pas disparaître ni sombrer dans la pauvreté. Une ressource renouvelable se trouve à notre porte. Grâce à un accès durable approprié, cette ressource peut fournir de bons emplois et un revenu aux générations à venir.

D'autres points importants à prendre en considération sont les principes de la proximité et de l'attachement historique. On trouve en abondance dans les zones de pêche entourant Terre-Neuve-et-Labrador des poissons de fond, des crevettes et d'autres espèces. La province de Terre-Neuve-et-Labrador a été bâtie par des personnes résilientes qui ont travaillé fort et qui, au fil des siècles, ont enduré de grandes difficultés liées à l'ascension et au déclin de la pêche. Des pêchers ont risqué leur vie, des enfants sont devenus orphelins, et des familles ont été élevées dans des collectivités où, souvent, les équipements sociaux de base faisaient défaut. Nous avons lutté pour survivre et nous ne sommes pas prêts à tout abandonner. Nous voulons travailler ensemble en vue d'offrir un avenir intéressant à nos petits-enfants.

La collectivité de Harbour Breton est liée à la pêche depuis le début de la colonisation, il y a plus de 200 ans. Jusqu'en 1992, il n'y avait pas de pêche saisonnière sur la côte méridionale de Terre-Neuve parce que les ports sont libres de glace et que la ressource adjacente est abondante. Même durant le moratoire, de nombreux résidents locaux ont continué de travailler, et un pourcentage important des résidents de Harbour Breton n'ont jamais eu recours à la LSPA. Actuellement, on compte quelque 450 permis de pêche du poisson de fond dans la région de la côte des baies; ainsi, environ 20 p. 100 de la main-d'œuvre de la région pratiquent la récolte du poisson. Nous avons trois installations de transformation de base et deux autres qui fournissent de l'emploi à quelque 850 personnes, soit environ 30 p. 100 de notre main-d'œuvre. Ajoutez à cela les industries de services connexes et un secteur de vente au détail qui dépendent de cette industrie, et vous constaterez que le secteur de la pêche assure au moins 75 p. 100 des emplois dans la région.

Pour qu'une collectivité de pêche, quelle qu'elle soit, puisse être durable, il lui faut, à tout le moins, du poisson — à capturer, à transformer et à vendre. Par le truchement de la conservation et de la gouvernance, il faut que les stocks de poisson soient disponibles, et qu'ils ne soient pas décimés à cause de dégâts causés à l'environnement et de la surpêche, et accessibles — il ne faut pas que toutes les prises soient transformées ailleurs. Il s'agit d'une proposition tellement simple et évidente qu'il est difficile de comprendre pour quelle raison elle ne saute pas aux yeux de ceux qui établissent la politique de la pêche au Canada.

Nous voulons être autosuffisants et non pas dépendre d'interventions à la pièce du gouvernement. Si nous avons accès à un quota, nous pouvons l'être. Les quotas communautaires ne sont pas choses nouvelles — par exemple, au Québec, sur la Côte Nord, il y a huit collectivités isolées auxquelles des quotas ont été accordés et qu'elles se partagent également entre elles. À Terre-Neuve, il y a Gaultois, la coopérative de l'Île Fogo, SABRI, et il y a des quotas communautaires à l'Île-du-Prince-Édouard.

Harbour Breton se trouve dans une zone côtière qui possède les caractéristiques clés suivantes : regroupement côtier, éloignement, importance historique, attachement au milieu hauturier, proximité, équilibre régional, et une économie qui dépend uniquement des ressources marines. Notre région a clairement besoin de quotas communautaires pour accéder à la durabilité, et nous demandons respectueusement un quota communautaire pour Harbour Breton.

Trois possibilités s'offrent à Harbour Breton pour l'avenir : le déclin, la stabilité ou la croissance. Sans accès à un quota, le déclin est inévitable. Il en résultera le pire scénario, c'est-à-dire un exode massif, l'érosion des services sociaux comme les soins de santé et l'éducation, et la dépendance vis-à-vis de l'aide sociale pour ceux qui resteront. D'après les données fournies par le ministère provincial des Ressources humaines et du Travail, il en coûtera plus de trois millions de dollars chaque année aux contribuables pour cette seule collectivité!

Avec un quota, nous pourrons maintenir le statut quo. Avec un quota et un fonds de diversification, nous nous efforcerons de croître. Par le truchement du Comité des services d'aide à l'ajustement de l'industrie de Harbour Breton, nous élaborons actuellement un plan de diversification en vue de renforcer la capacité de la municipalité de faire face aux problèmes et de chercher des solutions. Nous proposons maintenant de bâtir un avenir qui se fonde sur la combinaison de la diversification économique et de la production de produits de la pêche à valeur ajoutée. L'élaboration et la mise en œuvre de la stratégie prendront un certain temps, et un programme à court terme d'aide financière à l'intention des travailleurs d'usines touchées par la fermeture sera nécessaire. À long terme, la collectivité aura besoin d'un fonds de diversification de la collectivité, de même que de l'accès à un quota.

Du point de vue global, la modification de la politique d'allocation des quotas peut se traduire par une légère perte financière pour une petite poignée de gens d'affaires, mais, pour la province, cela signifie le maintien d'une qualité de vie décente pour des milliers de personnes, par le truchement de la protection de la ressource. D'abord et avant tout, nous devons examiner les répercussions à long terme des décisions prises aujourd'hui, au profit des résidents actuels et futurs de Terre-Neuve-et-Labrador — vos compatriotes canadiens. Nous demandons avec insistance aux autorités gouvernementales d'agir rapidement.

M. Eric Day, président, Fish, Food and Allied Workers Union, Harbour Breton : Je ne vais pas présenter d'exposé, car je n'ai pas été avisé, et l'exposé a été changé. Toutefois, je vais prendre la parole, du point de vue d'un ex-employé d'usine de transformation du poisson.

J'ai commencé à travailler en 1970, comme étudiant, pendant l'été. De là, j'ai décidé de ne pas retourner à l'école. J'ai décroché pendant mes études secondaires, tout comme de nombreux autres qui travaillaient à l'usine de transformation du poisson avec moi.

Essentiellement, une bonne part de la main-d'œuvre a une septième ou une huitième année. Lorsqu'ils allaient travailler pendant la saison estivale, ils avaient quelques dollars dans leurs poches, et se sentaient bien, et ont donc décidé de ne pas poursuivre leurs études.

J'ai 50 ans, et je n'ai jamais rien fait d'autre. Au cours des 34 dernières années, j'ai travaillé à l'usine de transformation. La majorité des gens qui ont travaillé avec moi ont fait la même chose. Nous avons connu des hauts et des bas au fil des ans, mais nous ne nous sommes pas laissés abattre, et nous avons survécu.

Alors, comment s'en sortir cette fois-ci? J'aimerais parler de B.C. Packers, les tout premiers propriétaires de notre usine. Ils ont démarré l'usine pendant les années 60, en vue de produire du poisson salé, et ils se sont tournés vers le poisson frais vers la fin des années 60 et le début des années 70.

Nous n'avions aucune raison de quitter notre collectivité. Nous sommes fiers de notre collectivité, et nous étions fiers de notre main-d'œuvre.

B.C. Packers s'est en allé ailleurs, et a laissé le quota derrière elle. Fishery Products s'est en allé, et a laissé le quota derrière elle. Fishery Products International a décidé qu'à son départ, tout partirait, y compris le quota. Voilà pourquoi nous sommes ici aujourd'hui. Nous cherchons des appuis, car nous croyons qu'une telle chose ne devrait pas se produire.

Les gouvernements fédéral et provincial devraient empêcher cela. Ils laissent mourir la collectivité de Harbour Breton. On ne devrait pas laisser cela se produire, et les gouvernements devraient être tenus responsables. J'espère que votre comité fera son devoir et tiendra ces gens responsables.

On laisse les étrangers piller nos stocks. On les laisse entrer en eaux canadiennes, et avoir un quota. Pourtant, des usines comme celles de Harbour Breton ferment leurs portes. C'est ridicule, et cela ne devrait pas arriver.

Je serai heureux de répondre à vos questions.

M. Vardy : L'enjeu sur lequel le gouvernement fédéral devra se pencher est-il lié à la gestion? Nous croyons que oui. Comme vous le savez, le gouvernement fédéral gère les pêches, en vertu de la Constitution du Canada. Pendant les années 90, on a réduit les quotas et imposé des moratoires. On a avancé l'argument selon lequel il n'y a eu, au cours des dernières années, aucune réduction des quotas qui aurait pu déclencher cet événement, et certains se cachent derrière cet argument pour se soustraire à leur responsabilité. Ma réponse à cela, c'est que le gouvernement fédéral continue d'être responsable de la gestion de la ressource. Au milieu des années 80, âge d'or de cette usine, on recevait et transformait 30 millions de livres de poissons. Au cours des dix dernières années, on a reçu et transformé la moitié de cela, en raison de réductions des quotas. La réduction des quotas a miné la rentabilité de cet établissement, malgré une consolidation des usines à la suite de fermetures. La fragilité économique de Harbour Breton découle de réductions des quotas.

Comme l'ont dit MM. Stewart et Day, la question de la surpêche étrangère n'a pas été abordée. Les stocks de ressources renouvelables sur la côte méridionale de Terre-Neuve-et-Labrador ne se rétablissent pas, car nous avons permis aux pêcheurs étrangers de poursuivre leurs activités. Le Canada n'a pas pris les mesures de gestion nécessaires pour établir la situation. Nous croyons que c'est la responsabilité du gouvernement fédéral. C'est lié à la gestion des pêches, tel que prévu dans la Constitution. Même si la situation ne découle pas directement d'une réduction de quota effectuée en 2004, il y a quand même un argument convaincant pour ce qui est d'attribuer la responsabilité au gouvernement fédéral.

Parce qu'elle a continué de fonctionner pendant les moratoires des années 90, Harbour Breton n'a pas bénéficié d'injection de fonds pour diversifier son économie, comme d'autres régions. De fait, l'ensemble des pêches de Terre- Neuve-et-Labrador est passé du poisson de fond aux crustacés — les crevettes et le crabe. C'est ça qui doit arriver sur la côte méridionale de Terre-Neuve, et à Harbour Breton en particulier. Il faut aider la collectivité à diversifier ses activités.

À la lumière de l'expérience d'autres municipalités confrontées à des fermetures, nous constatons que la meilleure solution consiste à diversifier les pêches. Le plan d'entreprise que nous proposons d'élaborer à Harbour Breton mettra l'accent sur la diversification des pêches, sans pour autant faire fi des possibilités de diversification dans d'autres domaines. Nous croyons qu'il est important de diversifier les activités tant du domaine des pêches que d'autres domaines. Toutefois, nous n'avons pas encore eu l'occasion de faire cela.

Nous souhaitons vous laisser avec deux grands points. Le premier, c'est que la viabilité future de notre collectivité tient à l'obtention d'un quota de poissons. Il ne doit pas nécessairement s'agir de poisson de fond. Il pourrait s'agir de crevettes ou d'autres espèces, même si les crustacés semblent plus viables à l'heure actuelle.

C'est un élément crucial à long terme, mais, à court terme, nous avons besoin de revenu pour nous permettre de gagner notre pain. À l'heure actuelle, les gens quittent la municipalité parce qu'ils n'ont aucun moyen de gagner leur pain. Tous les programmes d'adaptation payés par le gouvernement du Canada pendant les années 90 ne sont plus offerts. Nous avons désespérément besoin d'une solution adaptée, car les solutions qui existent actuellement ne répondent pas aux besoins de Harbour Breton. Si Harbour Breton s'était éteinte pendant les années 90, il y aurait eu une foule de services d'aide à la diversification et de soutien du revenu, mais nous n'avons obtenu rien de cela.

Le gouvernement du Canada peut attribuer des quotas. On s'attend à ce qu'une allocation accrue pour la pêche à la crevette au large de la côte est de Terre-Neuve soit approuvée en septembre, et nous aimerions que 6 000 tonnes de ce quota nous soient attribuées. En ce qui concerne le soutien du revenu, nous avons proposé au ministère des Ressources humaines et à d'autres ministères fédéraux un projet de partage des coûts à l'égard d'un programme de développement et de diversification économiques qui coûterait quatre millions de dollars aux contribuables canadiens, sur deux ans. C'est un élément crucial. La province de Terre-Neuve-et-Labrador s'est montrée disposée à participer. Nous bénéficions également du soutien de Fishery Products International, sous forme de fonds supplémentaires.

Je vous fais grâce des détails, mais l'essentiel, c'est que le gouvernement doit fournir ces quatre millions de dollars pour que notre collectivité survive.

Je vous laisse avec ces grands points. Nous serons heureux de répondre à vos questions.

Le président : Merci beaucoup. Nous vous félicitons de nous avoir livré un témoignage aussi percutant, messieurs.

Monsieur le maire Stewart, vous avez déclaré que le quota de Fisheries Products International était assorti d'une condition selon laquelle l'entreprise devait exploiter trois usines à Terre-Neuve, et je crois que celle de Harbour Breton était du nombre. Est-ce que cela faisait partie du rapport de 1982 du groupe de travail Kirby, ou est-ce lié à une autre condition d'exploitation imposée à FPI?

M. Stewart : Au moment de sa restructuration, Fishery Products International a accepté d'exploiter trois usines sur la côte méridionale de Terre-Neuve, soit à Marystown, à Fortune et à Harbour Breton, et, à la lumière de cet engagement envers ces trois collectivités, on leur a attribué un quota.

Le président : Est-ce que cela découle du rapport Kirby?

M. Day : Ça remonte plus loin encore. Fisheries Products International comptait 14 ou 15 usines de transformation vers la fin des années 70 et pendant les années 80. Pendant les années 90, l'entreprise a commencé à se débarrasser de certaines de ces usines. Elle a réparti son quota parmi diverses usines de transformation de poisson de fond, de crabe et de crevette.

Nous avions établi une stratégie, au cours des dernières années, selon laquelle il restait trois usines de transformation de poisson de fond : Harbour Breton, Fortune et Marystown. Nous partagions le poisson afin que chaque usine ait sa part. Dans toute sa sagesse, FPI a décidé que cela n'était plus viable, et qu'il fallait faire les choses différemment. Elle a fermé Harbour Breton, et Fortune ne tient plus qu'à un fil, sa fermeture ne devrait pas tarder. Essentiellement, l'entreprise a regroupé l'ensemble de ses prises à un endroit.

Le président : Avez-vous un document qui fait état d'une telle chose? Nous serions très intéressés à mettre la main là- dessus.

M. Stewart : Vous voulez dire un document qui dit qu'il y en a un certain nombre?

Le président : Oui. Le poisson appartient aux Canadiens, et le MPO en est le fiduciaire, pour l'ensemble des Canadiens. Si le MPO conclut des ententes avec des entreprises ou des particuliers, et qu'on assortit un quota de conditions, il serait très utile pour notre comité de pouvoir examiner le document original et se faire une idée. Si un tel document existe, je vous laisse la tâche de nous le procurer.

M. Stewart : J'ignore si cette information existe par écrit. À l'époque, Harbour Breton transformait de la morue, du poisson plat et du sébaste, et Marystown et Fortune faisaient de même. Avec le temps, ils ont déplacé tous les poissons plats à Marystown, car cela était plus viable économiquement. Depuis deux ans, Harbour Breton est reconnu comme l'établissement qui transforme le sébaste. Autrefois, Harbour Breton avait été la première usine à transformer toutes les espèces de poisson. S'il y a quelque chose de prévu dans les ententes et les quotas, je l'ignore. C'est quelque chose qu'on tient pour acquis.

M. Day : Je ne crois pas qu'il y ait quoi que ce soit sur papier, à part le fait que Harbour Breton a sa propre part du quota. Les gens de Harbour Breton ont toujours constitué l'équipage de bateaux de Harbour Breton, et ont toujours pêché dans les eaux adjacentes. C'est ce qu'on a fait pendant des centaines d'années. Quand Fishery Products International Ltd., FPI, est arrivé dans le décor, ils ont dérogé à cela. Ils ont décidé de le faire de cette façon, de cette façon et de cette façon jusqu'à ce qu'il ne reste plus rien.

M. Vardy : Pour clarifier cette question, vers la fin des années 90 et le début des années 2000, FPI a changé de propriétaire et de structure organisationnelle. L'entreprise avait intérêt à changer sa façon de faire et à concentrer ses activités, essentiellement, dans une usine, celle de Marystown. Il y a eu des conversations intenses entre le syndicat, le gouvernement de Terre-Neuve et FPI. Finalement, on a décidé que FPI continuerait de fonctionner avec trois usines, soit celles de Fortune, de Harbour Breton et de Marystown. Cela s'est poursuivi jusqu'à l'an dernier. Cette condition n'a pas été imposée par le gouvernement du Canada. Le gestionnaire de la ressource n'a pas participé à cette décision. Notre problème fondamental tient au fait que ces ressources sont confiées à des entreprises citoyennes sans aucune forme d'obligations, de sorte que, finalement, en 2004, FPI peut partir et amener son quota dans une autre collectivité. Aucun processus ne permet de l'en empêcher. Ils n'ont pas besoin de demander la permission au MPO. Avec une autre ressource, comme le pétrole ou le gaz, si on veut changer sa façon de fonctionner et faire passer la production quotidienne de 200 000 à 250 000 barils, il faut s'adresser à l'organisme de réglementation, l'Office Canada-Terre- Neuve des hydrocarbures extracôtiers. Il faut obtenir la permission avant d'apporter de tels changements. Cependant, une telle chose ne s'applique pas à l'industrie des pêches d'aujourd'hui. On a pris, dans la salle de réunion d'une société, une décision concernant une ressource publique que la population canadienne n'avait jamais aliénée. C'est fondamentalement répréhensible.

Voilà pourquoi un quota communautaire est une option si sensée, car la collectivité peut décider qui offre le meilleur marché ou la meilleure entente, et les meilleures retombées économiques et sociales. La collectivité est donc bien placée pour négocier avec des entreprises comme FPI. Dans le cas qui nous occupe, la collectivité n'a eu absolument rien à dire, car elle n'était même pas là. Il y avait un processus décisionnel, et les gens les plus directement concernés n'étaient même pas là, parce qu'on ne leur en avait même pas parlé; et ils n'ont pas touché d'indemnité de départ. Les lois de Terre-Neuve exigent qu'un employé touche une indemnité de départ qui correspond à 12 semaines. Ces indemnités n'ont pas été versées. Il s'agissait d'une décision tout à fait arbitraire, et on l'a prise d'une façon extrêmement préjudiciable pour la collectivité, et la collectivité n'a pas un mot à dire.

Cette entente, conclue il y a quelques années, d'exploiter trois usines n'est pas visée par un document juridique que pourrait exécuter le gouvernement du Canada. FPI avait tout le loisir de faire ce qu'elle voulait.

Il y a une loi provinciale, dont je ne parlerai pas en détail, qui concerne FPI. Elle impose certaines restrictions sur les activités de FPI. À l'heure actuelle, il y a une transaction financière que FPI veut effectuer, mais la loi sur FPI l'en empêche. Nul besoin de vous le dire, la loi sur FPI n'a pas empêché FPI de fermer l'usine de Harbour Breton. Par conséquent, la population de Harbour Breton a raison de dire que la loi ne leur est d'aucune utilité.

Le sénateur Hubley : Vous nous avez fourni beaucoup d'information. Il est utile, pour les membres du comité, de connaître les divers intervenants dans votre collectivité, et de prendre connaissance de l'impact de la perte du quota. Vous avez très bien illustré cela, et ce sera utile aux travaux du comité.

Je me demande quel modèle serait viable, advenant l'attribution d'un quota communautaire à Harbour Breton. Serait-il lié à l'usine de transformation, ou s'agirait-il plutôt d'une coopérative constituée de gens — des pêcheurs, des employés d'usine, et cetera? Avez-vous une idée de la façon dont un système de quota communautaire fonctionnerait? M. Stewart, en sa qualité de maire de Harbour Breton, connaît bien l'infrastructure de votre localité. Comment aimeriez vous voir cela se réaliser?

M. Stewart : Nous avons parlé d'un grand nombre d'enjeux. Nous comprenons qu'à l'avenir, tout quota pourrait essentiellement appartenir à la collectivité, et ne serait pas nécessairement attribué à la municipalité. Il serait attribué à un groupe constitué de travailleurs d'usines et de gens de la municipalité et du milieu des affaires. Nous avons envisagé un modèle de coopérative, mais nous ne sommes pas certains de la meilleure façon de mettre une telle chose sur pied. Nous effectuons actuellement une analyse de rentabilisation à cet égard. M. Vardy pourrait peut-être vous fournir plus de détails sur cette question.

M. Vardy : Il y a un certain nombre de modèles qui permettraient de gérer ces quotas. Il y a le quota communautaire, et le quota régional est une autre approche possible. Dans le nord de Terre-Neuve, dans une région qu'on appelle St. Anthony Basin, il y a une société qui s'appelle St. Anthony Basin Resources Inc., ou SABRI. Elle est titulaire d'un quota de pêche à la crevette, et ce quota a des retombées dans l'ensemble de la région. Un autre modèle est appliqué dans un village voisin de Harbour Breton, Gaultois, où l'association de développement communautaire locale est titulaire d'un quota. La clé, c'est que la population locale puisse participer au processus décisionnel afin que personne ne puisse tout simplement partir avec le quota sans d'abord consulter la collectivité. Cela ne signifie pas que la population peut forcer une entreprise privée à exercer ses activités là, car les entreprises privées ne feront cela que si c'est rentable.

Par exemple, si FPI décidait qu'elle était incapable de réaliser un bénéfice à Harbour Breton, on peut comprendre. Il est tout à fait raisonnable qu'elle puisse partir et laisser le quota derrière elle, qu'elle décide d'aller ailleurs, et d'investir son argent dans une autre entreprise à Terre-Neuve ou à l'étranger. Tout le monde est d'accord avec cela, c'est l'essence même de la libre entreprise. Cependant, lorsqu'on a affaire à une ressource publique, il y a sûrement une obligation de garder cette ressource dans la collectivité.

Quel est le fondement juridique de tout cela? Nous devons être conscients du fait que cela soulève un enjeu au chapitre du droit international. Le Canada a joué un rôle de premier plan au chapitre des négociations relatives au droit de la mer. M. Stewart a mentionné Walter Carter, ex-député qui a été ministre des Pêches à une certaine époque, et ce dernier a pris part à un grand nombre de ces discussions. Quand le Canada s'est présenté à la table de négociation internationale pour réclamer la propriété des ressources d'une zone de 200 milles pour les utilisateurs du Canada, sa demande était fondée sur la situation des collectivités côtières. Vous constaterez que la convention relative au droit de la mer mentionne les droits historiques et la contiguïté des collectivités côtières.

Nous avançons que le droit de la mer devrait être appliqué tant à l'interne qu'à l'externe. Autrement dit, il devrait fournir un cadre permettant à ces collectivités côtières d'avoir accès à la ressource que nous avons réclamée dans le cadre de négociations internationales relatives au droit de la mer. Selon nous, le quota communautaire reflète la position internationale du Canada.

À l'heure actuelle, la position du Canada à cet égard relève de la schizophrénie. Nous appliquons un ensemble de règles au pays, et un autre ensemble de règles à l'étranger. Le temps est venu pour nous de mettre un terme à cette schizophrénie.

Le sénateur Hubley : Je me demande si je pourrais demander à M. Carter — qui est coordonnateur de la recherche — quelles sont ses fonctions, exactement.

M. Bill Carter, coordonnateur de la recherche, Harbour Breton Industrial Adjustment Services Committee : Je suis à la disposition du président, je suppose. Mon rôle consiste à coordonner le processus de rajustement du revenu, et toute autre question que le comité voudrait aborder.

Le sénateur Hubley : Vos fonctions concernent davantage l'administration que la recherche.

M. Carter : C'est un rôle de coordination.

Le président : J'étais en train de lire une disposition de la convention des Nations Unies sur le droit de la mer qui — et je cite — « reconnaît l'importance du rapport des collectivités côtières avec la mer et fait appel aux États afin de prendre en compte les besoins économiques des communautés côtières de pêcheurs ».

Le Canada a récemment souscrit à cela, au cours des deux dernières années.

J'aimerais également citer le Code de conduite pour une pêche responsable de l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture, qui reconnaît « l'importance de l'apport de la pêche artisanale et de la pêche aux petits métiers en matière d'emploi, de revenu et de sécurité alimentaires », et qui précise que les collectivités qui dépendent de la pêche devraient jouir d'un accès préférentiel aux pêches.

Enfin, la Stratégie sur les océans du Canada prévoit que des collectivités côtières doivent participer activement à la mise en valeur, à la promotion et à la mise en œuvre d'activités maritimes durables. Il s'agit de trois documents importants : l'un deux est un document canadien, le Canada a participé à la rédaction de la Convention sur le droit de la mer, et le Canada a signé les trois instruments. Ainsi, vos arguments reposent sur des assises solides.

M. Vardy : Merci.

Le sénateur Merchant : Merci beaucoup de votre exposé de ce matin. Il y a là matière à réflexion.

Aux actualités, il y a quelques jours, nous avons vu qu'un chalutier portugais a été saisi par les autorités canadiennes. Qu'en pensez-vous? C'est la première fois, apparemment, en dix ans, qu'elles saisissent un navire étranger. En quoi cela vous aide-t-il? Quel signal envoyez-vous? Est-ce que c'est un événement important, ou s'agit-il simplement d'un entrefilet?

M. Day : Je crois que ça a déjà été fait par Brian Tobin — le chalutier espagnol —, et que ce n'était qu'une petite tape sur les doigts — du genre ne le refaites pas. C'est ce que je crois.

Le sénateur Merchant : Ça s'est passé il y a au moins dix ans, et donc, ça se produit une fois aux 10 ou 15 ans. Qu'est- ce que ça vous apporte?

M. Day : Selon eux, ce n'est pas si méchant que ça. C'est un problème qui ne survient qu'une fois aux dix ans, donc, c'est juste une petite tape sur les doigts.

M. Vardy : Je pense que c'est le genre d'intervention que nous voulons à Terre-Neuve. Nous cherchons des mesures de contrôle de la surpêche étrangère plus efficaces. L'OPANO, bien sûr, n'a pas été très efficace. Le navire dont on parle est entré dans la zone de 200 milles des eaux territoriales, et nous avons pu aller là-bas, contrairement à l'agitation qu'a suscité Brian Tobin lorsque, il y a dix ans, il est parti capturer un navire en haute mer. Ça a été un peu plus facile de le faire dans la zone des 200 milles.

On a découvert que ce navire utilisait des doubles poches. Autrement dit, les mailles de filet étaient beaucoup plus petites que ne le permet la loi internationale. Évidemment, ces navires ne sont jamais autorisés à entrer dans la zone des 200 milles de toute façon.

C'est une question d'importance vitale. La flotte de Harbour Breton a toujours pêché dans la zone sud des Grands Bancs. Les stocks qui s'y trouvent devraient se régénérer. Plusieurs stocks de poissons plats se régénèrent; l'un, en particulier, la limande à queue jaune — et la plie canadienne reviennent. Cependant, ce n'est pas le cas de la morue et d'autres stocks, le sébaste et d'autres espèces, dans la zone sud des Grands Bancs. Mais ils devraient se régénérer parce que nous n'en pêchons plus. Le problème, c'est que des étrangers les pêchent.

Tant que nous n'aurons pas régularisé la situation, la côte méridionale de Terre-Neuve sera dévastée, et cela concerne d'autres usines que celle de Harbour Breton. Il s'agit d'un certain nombre d'usines, dont certaines ont déjà fermé leurs portes. Il s'agit d'activités industrielles qui durent toute l'année.

L'une des choses que vous devez comprendre au sujet de Harbour Breton, et des collectivités comparables, c'est qu'elles apportent une contribution nette à la société. Il ne s'agit pas de collectivités où les gens travaillent trois ou quatre mois par année. Ce sont des collectivités où les gens travaillent 12 mois par année, tout comme les fabricants d'automobiles en Ontario, à Windsor. C'est le même genre d'activité industrielle. Ces gens contribuent à l'assurance- emploi.

Si on tente de déterminer combien de poisson a été produit par Harbour Breton au cours des 50 dernières années, il est question d'environ un demi-milliard de dollars de produits qui a fourni à la société. Quand on songe à cela, à l'importance de cette activité, il va de soi que le gouvernement du Canada doit prendre des mesures pour contrer la surpêche étrangère. C'est un enjeu crucial, car c'est pour cette raison que le stock de poissons ne s'est pas renouvelé. D'autres pays pêchent à cet endroit, et ils utilisent des doubles poches dans leurs filets. Ils pêchent des espèces à l'égard desquelles ils n'ont pas de quotas, et ils fixent leurs quotas de façon unilatérale, car, en vertu de l'OPANO, ils ont le droit de le faire.

Les gens de collectivités comme Harbour Breton sont impuissants face à cette surpêche étrangère. Ils sont impuissants face à des entreprises comme Fishery Produits International. Elles doivent être habilitées. Comment les habiliter? En les laissant exercer un certain contrôle sur leur propre vie. Autrement dit, en leur donnant un quota. Autrement dit, en leur laissant gérer conjointement ce quota afin qu'elles puissent contribuer à l'avenir des pêches.

M. Stewart : Quand cela s'est produit, il y a quelques jours, la plupart des gens se sont dit, essentiellement, que cela ressemble à ce qui est arrivé il y a dix ans? La plupart des gens, je crois, sont disposés à regarder une telle chose se produire pendant un certain temps, et à se demander jusqu'où le Canada est prêt à aller dans une telle situation. Comme l'a déclaré M. Day, s'il ne s'agit que d'une tape sur les doigts, nous ne voulons pas nous aventurer de nouveau dans cette voie. Nous espérons que le Canada est sincère cette fois-ci, et qu'il ira jusqu'au bout.

Le sénateur Merchant : Vos préoccupations m'interpellent, car je viens de la Saskatchewan, et notre secteur agricole est aux prises avec une crise comparable. Comme vous l'avez dit, ces crises — tout comme celles qui frappent les pêches — mettent en péril la vie des collectivités, et leur avenir. Pourriez-vous nous donner une idée de ce qui attend votre collectivité, en ce qui concerne vos services d'éducation, vos services de santé, si la tendance se maintient? De quelle façon votre vie communautaire évolue-t-elle?

M. Day : Si on ne prend pas de mesures rapidement, ce sera une population d'assistés sociaux. Comme je l'ai dit plus tôt, certains de nos résidents ne sont pas instruits. Certains sont aux prises avec des problèmes de santé, et ne peuvent déménager en Ontario ou en Alberta. Certaines ont une hypothèque et ne peuvent tout simplement pas quitter leur maison et repartir à zéro à l'âge de 50 ans. Ils ont trop à perdre, ils perdront quand même. Les gens déclareront faillite. Ils perdront tout ce qu'ils ont investi au cours des 30 dernières années. Certains des plus jeunes partiront. Pour ceux qui ont travaillé dans cette usine jusqu'à l'âge de 49 ans, il ne sera pas facile de trouver du travail ailleurs. Certains réussiront, mais la majorité échouera. Cela ne se produira tout simplement pas.

M. Stewart : Il y a 10 ou 15 ans, la main-d'œuvre locale de Harbour Breton travaillait 12 mois par année. En général, le mari faisait partie de l'équipe de jour à l'usine, et la femme, de l'équipe de nuit, ou vice versa. Avec le revenu combiné du mari et de son épouse, ces familles touchaient de 40 000 $ à 60 000 $ par année. À l'époque, dans les régions rurales de Terre-Neuve, c'était une jolie somme.

Bien sûr, ils dépensaient ce qu'ils gagnaient. Dans la collectivité de Harbour Breton d'aujourd'hui, vous ne trouverez pas une seule maison délabrée. Les gens ont de belles autos, et les autres choses dont ils ont besoin. Ensuite, le 10 novembre 2004, l'entreprise qui y exerçait ses activités depuis des années a annoncé, sans préavis : « À compter de demain matin, vous êtes tous sans emploi. » Ces personnes travaillent maintenant à 6,24 $ l'heure. Elles présentent des demandes de prestations d'AE pour 93 $.

Les gens adaptent leur train de vie à leur revenu, et ils ne peuvent composer avec le stress d'une chute de revenu. La plupart de ces gens n'ont jamais, dans toute leur vie, été en retard dans leurs paiements, et le fait de l'être maintenant est plus stressant que toute autre chose. Nous en voyons même l'effet dans nos écoles. Des enfants qui jouissaient d'un certain niveau de vie sont maintenant ostracisés. Ce n'est pas une ambiance saine. Le niveau de stress est très élevé, et la tension crée des divisions au sein de la collectivité. Nous traversons une période très difficile. Si on ne réagit pas bientôt, je crains fort que les résultats ne soient dévastateurs.

M. Day : En novembre 2004, on nous a annoncé officiellement que l'usine fermerait ses portes. En octobre de la même année, j'ai acheté une auto. Je dois verser des paiements à l'égard de cette auto pendant deux ans et demi. Je ne l'aurais pas achetée si j'avais su ce qui allait se produire. De nombreuses personnes ont acheté de nouveaux véhicules, d'une valeur pouvant aller jusqu'à 30 000 $. Certains ont même construit de nouvelles maisons. Si nous avions su que cela arriverait en novembre, et qu'on toucherait 6 $ l'heure à compter de Noël, on n'aurait jamais acheté un nouveau véhicule ni bâti de nouvelle maison.

Tout cela s'est produit sans avertissement. Maintenant, les gens se font couper l'électricité et le téléphone, ainsi que leur branchement à Internet, dont leurs enfants ont vraiment besoin. Les contrecoups sont importants. Le plus triste dans tout ça, c'est qu'il n'y a aucun avertissement.

Le sénateur Merchant : Je suis très peinée par votre situation. Dans nos régions rurales de l'Ouest, il y a même des gens qui s'enlèvent la vie. L'ESB et divers autres problèmes créent une situation très difficile. J'espère que votre situation s'améliorera bientôt.

Le sénateur Watt : J'ai parcouru rapidement votre rapport, et je le trouve très informatif. D'ailleurs, votre exposé était également excellent.

Je viens d'une petite collectivité comme la vôtre. Il est toujours difficile d'être écouté par les politiciens, quand on est peu nombreux. C'est une grande préoccupation de notre comité, et nous comptons formuler des recommandations concrètes au gouvernement.

Dans le passé, nous avons été plutôt efficaces, pour ce qui est de veiller à ce que nos recommandations soient reconnues par le ministère des Pêches et des Océans. Je ne dis pas que nous faisons des miracles, mais, au moins, on nous écoute et, périodiquement, on nous répond. Par contre, je crois que, dans le cas qui nous occupe, nous devrions viser un peu plus haut que cela. Quand la politique est fixée par le gouvernement, elle n'est pas nécessairement fixée par le ministère. Elle est fixée par le Cabinet.

Selon mon expérience, quand le gouvernement se montre peu enclin à se pencher sur une question, c'est bien souvent qu'on ne comprend pas les enjeux, qu'il n'y a pas de communication avec les gens qui doivent s'occuper d'un sujet donné.

Je peux comprendre les problèmes que vous éprouvez après vous être fait prendre votre économie, car la même chose est arrivée aux peuples autochtones de notre pays. Pendant de nombreuses années, nous avons tenté de nous faire entendre des autorités gouvernementales, et, pendant de nombreuses années, on ne nous a pas écoutés. Ce n'est que récemment que nous avons commencé à réaliser des progrès à l'égard des grands enjeux pressants. Si on ne prend pas les mesures qui s'imposent, le pays en assumera le coût, économiquement, socialement et culturellement.

La situation des collectivités côtières ne cesse de s'aggraver.

Puisque le ministère des Pêches et des Océans a déjà décidé que c'est cette orientation qu'on va suivre, l'industrie des pêches devra être économiquement viable. En d'autres mots, il y a un déplacement vers la structure d'entreprise, vers les gens qui ont de l'argent. Ceux qui ont vraiment besoin de la ressource pour survivre, les collectivités, deviennent des victimes. Comment pouvons-nous composer avec une telle situation? C'est un enjeu essentiel à notre survie.

Nous avons entendu le témoignage d'autres pays qui ont connu une expérience similaire, et qui ont appliqué le concept de privatisation. Leur histoire n'est pas toujours rose, car les gens qui ont vraiment besoin de l'industrie deviennent les victimes. Les autres, qui ont déjà eu du succès dans l'économie, en tirent des avantages toujours croissants. C'est un problème.

Alors, comment composer avec cela? Votre rapport devrait être annexé au rapport que nous avons déjà produit. J'espère que le Cabinet en prendra connaissance.

Laissez-moi vous donner un exemple de ce qui est arrivé cette semaine. Les peuples autochtones, qui, au fil des ans, ont éprouvé de la difficulté à se faire entendre, ont enfin conclu avec le gouvernement du Canada une entente selon laquelle ils ne respecteront les politiques que lorsque leurs dirigeants pourront élaborer une stratégie avec le gouvernement. Ce genre d'entente pourrait peut-être permettre aux collectivités côtières de survivre.

C'est quelque chose que les membres du comité devront déterminer et verser dans leur rapport, et qu'ils devront tenter de soumettre aux échelons supérieurs, pas seulement à Pêches et Océans, mais aussi aux échelons supérieurs. Pourriez-vous commenter cette question? Est-ce que cette suggestion est valable?

M. Vardy : Je pourrais passer à cette question. Dans le document que vous nous avez fait parvenir, dans les questions que vous nous avez demandé d'aborder, l'une des questions concernait le rôle des gouvernements provincial et fédéral, et celui de l'administration municipale. Dans notre cas, la crise découle de la décision d'une entreprise. La première réaction immédiate était à l'échelon local. Cela a eu des répercussions sur la population locale. Les gens de la localité, avec la FFAW, le groupe de M. Day, et le conseil municipal, se sont réunis. Ils estimaient qu'il fallait prendre des mesures, et ils ont convenu d'établir un comité des SAA. Ils ont également convenu, parallèlement, de lancer des projets de développement communautaire afin de stimuler les gens à trouver des solutions. Ce n'est pas le rôle de l'administration municipale. Son rôle concerne l'approvisionnement en eau, les services d'égout, et l'enlèvement des ordures. Les dirigeants locaux ont pris l'initiative et se sont attaqués aux problèmes pressants.

Le problème, c'est qu'à ce niveau-là, ils ne participent pas aux décisions relatives à la gestion des ressources. C'est à cet égard qu'il y a un lien à créer.

Pour ce qui est des questions de durabilité et de viabilité, vous devez créer des occasions économiques durables dans une région. Malheureusement, nous avons affaire ici à une ressource renouvelable. Il ne s'agit pas d'une mine; il s'agit d'une ressource renouvelable qui a le potentiel de se régénérer et de procurer un revenu dans l'avenir. Ce qui fait défaut à la population locale, c'est l'occasion de gérer cette ressource de façon avantageuse. Cela suppose une certaine délégation de pouvoir des gouvernements fédéral et provincial à l'échelon local. Cela signifie également qu'ils doivent prendre des mesures décisives à l'égard d'enjeux qui échappent à la compétence des autorités locales, comme la surpêche étrangère, en particulier.

Tant que le problème du quota n'aura pas été réglé, tant qu'il n'y aura pas allocation d'une part à une collectivité, nous continuerons d'être pris dans une situation très difficile. À l'heure actuelle, nous nous retrouvons dans une situation où des gens à Ottawa prennent des décisions à l'égard de l'avenir de notre collectivité, sans pour autant comprendre la situation dans laquelle nous nous trouvons.

Je suis déjà allé au Speakers' Corner à Hyde Park. Une personne prononçait un discours, et un chahuteur a lancé : « Vous savez pourquoi vous êtes ici? Vous êtes ici parce que vous n'êtes pas tous là. »

Nous sommes ici parce que nous sommes confrontés à une situation désespérée, celle de ne pas être compris. Nous tentons de faire le pont entre deux solitudes, les petites collectivités rurales de Terre-Neuve et la culture urbaine responsable du pays aujourd'hui. Il y a un fossé énorme. Voilà pourquoi il était nécessaire pour nous d'être ici aujourd'hui, pour vous parler. Votre rôle est crucial, car vous offrez la tribune pour le débat sur des questions d'une importance vitale. Comment pouvons-nous attirer l'attention du cabinet fédéral sur ces questions et veiller à ce que le désastre dont parle Eric Day ne se produise pas? Au bout du compte, cela revient au rôle de la collectivité et à l'habilitation de la population, et cela exige une planification stratégique, et nous avons commencé à faire cela.

Le sénateur Watt : Je crois que le sénateur Hubley vous demandait ce que vous envisagez pour l'avenir, en ce qui a trait aux structures. Vous avez répondu qu'il y a une base communautaire, mais qu'il y a également une base régionale. Préférez-vous une base communautaire, ou une combinaison de bases communautaire et régionale?

M. Stewart : Nous avons beaucoup hésité à cet égard, dans une certaine mesure; il faut connaître la géographie de ce que nous appelons la région de la côte des baies. Nous sommes sur une péninsule, avec une grappe de collectivités. On pourrait presque avancer qu'il s'agit d'une seule collectivité, mais, cela dit, Harbour Breton est une collectivité en soi. Nous utilisons parfois le terme « régional », car l'ensemble des 13 collectivités qui bénéficient des services de Harbour Breton sont quelque peu dépendantes de Harbour Breton. Selon la personne à laquelle nous nous adressons, nous parlons d'un quota régional, mais, en réalité, il s'agit d'une seule et même chose.

Ce que nous ne voulons pas voir, c'est ce qu'a fait FPI. Elle s'est emparée de ce que j'appellerais un quota régional, qui, essentiellement, assurait la subsistance de 13 collectivités, et l'a déplacé de façon unilatérale vers une autre région de la province, laissant derrière elle des collectivités dévastées.

Oui, nous aurions besoin d'un quota communautaire, dont la base serait à Harbour Breton. Toutefois, il s'agit toujours, d'une certaine façon, d'un quota régional, car il permettra également d'assurer la subsistance de 13 autres collectivités de la péninsule Connaigre. S'agirait-il d'un quota régional? Je répugne à utiliser le mot « régional », car, dans le contexte fédéral, cela désigne peut-être l'ensemble de Terre-Neuve, ou l'ensemble de la côte méridionale de Terre-Neuve.

C'est pourquoi nous mettons également de l'avant le mot « communautaire ». Je ne voudrais pas que quelqu'un décide de nous attribuer à un quota régional si, par région, on entend l'ensemble de la côte méridionale de Terre- Neuve. Cela ne serait pas avantageux pour nous. C'est pourquoi je dis « communautaire », puisqu'il est question en particulier de la collectivité de Harbour Breton.

M. Day : La région a effectivement deux autres usines sur la côte méridionale de la péninsule Connaigre. Il s'agit de Gaultois et Hermitage. La péninsule Burin compte une demi-douzaine d'usines. C'est une région.

Fisheries Products International l'a déplacé d'une région, Harbour Breton, à la région de la péninsule Burin, avec cinq ou six usines de plus dans cette région. Je ne comprends pas cela.

Il serait préférable de dire que le quota devrait rester dans la collectivité. Si on dit « régional » au lieu de « communautaire », alors il pourrait s'appliquer 50 milles plus loin, ce qui n'aiderait pas Harbour Breton. Le fait de le déplacer de l'autre côté de la baie n'aide aucunement Harbour Breton, car ce serait trop loin. Le prochain centre de services, pour nous, est à 223 kilomètres, à Grand Falls, dont la population est de 14 000 à 15 000 habitants. Dans l'industrie forestière ontarienne, les scieries sont bâties à proximité de la source de bois. Pour nous, l'eau de mer contenant le poisson est à Harbour Breton.

Le sénateur Watt : Vous avez également déclaré qu'il était urgent pour le gouvernement de changer son orientation. Pourriez-vous nous fournir des détails sur le temps dont on dispose avant que la collectivité ne commence à se détériorer? Autrement, cela va coûter encore plus au gouvernement.

M. Vardy : J'aimerais répondre à cela. Pour ce qui est du temps, on a annoncé, il y a une semaine, qu'une décision serait prise au plus tard à la fin mai. Nous sommes maintenant le 2 juin, et le message qu'on a transmis aux gens, c'est qu'ils doivent s'accrocher. Chaque jour qui passe nous dit que nous sommes non pas des pêcheurs, mais bien des mineurs; que la mine est épuisée, et que le temps est venu pour les gens de s'en aller. Le moment est critique. Lorsque ces gens plieront bagages, ils seront partis. Ils chercheront à se bâtir une nouvelle vie ailleurs, et l'ensemble de la région sera perdu. Du point de vue national, est-il avantageux que cette municipalité et cette région disparaissent? À de nombreux égards, cette région est exemplaire et sert de modèle. Il faut l'envisager en fonction non pas des 12 derniers mois, mais bien des 12 dernières années. Ces gens travaillent dur, et sont des modèles de comportement pour le reste du Canada. Il ne s'agit pas d'une collectivité ou d'une région d'assistés sociaux. Il faut se demander si elle mérite d'être préservée, et quelqu'un doit prendre cette décision, et rapidement, car le temps presse. C'est une question de jours maintenant. Le contexte est très différent de ce qu'il était pendant les années 90. À cette époque, les municipalités qui fermaient leurs portes en raison de réduction des quotas de pêche pouvaient se rabattre sur de nombreux programmes. Les gens ont utilisé des termes comme LSPA, PARPMN et d'autres acronymes qui ne veulent rien dire pour les personnes ici présentes. Le PARPMN, s'était le Programme d'adaptation et de redressement de la pêche de la morue du Nord. Ces programmes offraient de l'argent aux municipalités, donnaient l'occasion aux collectivités de s'adapter. Maintenant, rien de tout cela ne s'applique à la situation de Harbour Breton. La retraite anticipée n'est pas une possibilité, pour l'instant.

Ces employés d'usine n'avaient qu'un minuscule régime de pension, et je vous explique le contexte. Si une usine de fabrication d'automobiles fermait ses portes à Schefferville, ou à Windsor, en Ontario, les travailleurs auraient probablement un régime de pension et l'occasion de faire autre chose. Ce n'est pas le cas à Harbour Breton, ils n'ont pas accès à ces genres de débouchés. La différence entre une fermeture à Harbour Breton et une fermeture dans une grande collectivité rurale ontarienne, c'est la différence entre le jour et la nuit. J'inviterais M. Day à vous parler de cela.

M. Day : Nous avions un prétendu régime de pension que nous avons dû liquider en 2004. Nous avions versé des cotisations au cours des 15 dernières années, et, en raison d'une industrie de la pêche chancelante, les employés n'arrivaient pas à cotiser régulièrement, et seul l'employeur contribuait à l'occasion, alors sa valeur était inférieure. Certains ont versé des cotisations pendant 15 ans, et, quand ils ont pris leur retraite à 64 ans, ils touchaient environ 60 $ par mois de cette pension. Autrement dit, une personne aurait dû cotiser pendant 30 ans pour toucher 130 $ par mois. Il était essentiellement sans valeur, alors nous avons dû le liquider. C'est une question de survie. Nous devions faire cela pour mettre la main sur un peu d'argent et tenter de survivre.

Le sénateur Watt : Si je comprends bien, vous parlez non seulement d'adaptation administrative, mais également d'habilitation des collectivités et des populations côtières, afin qu'elles puissent avoir un mot à dire en ce qui concerne la pêche, car c'est leur base économique. C'est bien ça?

M. Stewart : Oui.

Le sénateur Cowan : Vous avez présenté un exposé marquant aujourd'hui, et, au nom de tous les sénateurs, je vous en félicite. Je ne suis jamais allé dans votre localité, mais j'en ai vu un grand nombre, le long de cette côte, et je connais les effets de la fermeture d'usines. À l'époque où ces usines ont fermé leurs portes, il y avait des programmes qui, comme vous l'avez mentionné, même s'ils ne réagissaient pas adéquatement à la situation, avaient au moins le mérite de fournir du soutien. Ces programmes ne sont plus disponibles, alors nous sommes confrontés aujourd'hui à une situation unique et, par conséquent, plus critique pour les collectivités.

Les sénateurs Comeau et Hubley ont abordé certains de mes points concernant le fonctionnement d'un modèle de gestion communautaire et les deux côtés de la médaille — la consultation et la reddition de comptes. Je reviendrai à cela dans un instant. Premièrement, j'ai une question précise au sujet de la fermeture. Je crois que l'un d'entre vous a déclaré que la loi de Terre-Neuve et Labrador exige qu'on verse une indemnité de départ. En Nouvelle-Écosse, nous appelons cela un « avis de fermeture d'usine », ce qui correspond à 12 ou 16 semaines. Une telle chose n'a pas été offerte, dans votre cas, n'est-ce pas?

M. Day : C'est ça. Cela n'a pas été offert. Ils ont fermé l'usine le 3 avril 2004. C'était la période de fermeture habituelle. Nous devions ensuite rouvrir en septembre, jusqu'en décembre, et fermer pour Noël, et ainsi de suite.

Le sénateur Cowan : Avez-vous dit que c'était en avril 2004?

M. Day : Oui.

Le sénateur Cowan : J'ai une note datée de novembre 2004.

M. Day : Il y a eu la fermeture annuelle le 3 avril 2004, avec l'intention de reprendre les activités en septembre 2004. Septembre est arrivé, et nous avons tenté de tenir des rencontres, mais on ne nous a pas écoutés. Ils retardaient, disaient qu'ils avaient besoin de plus de temps pour faire de la planification. Cette fermeture a duré jusqu'en octobre, et la même chose s'est produite. C'est en novembre que nous avons dit que nous en avions assez, et que nous avons demandé ce qui se passait. C'est à ce moment-là qu'ils nous ont dit qu'ils ne relanceraient pas les activités, car l'usine était fermée pour de bon. Nous n'avons jamais reçu d'avis de fermeture. Ils tentent maintenant de dire que la période qui s'étendait du 3 avril à novembre 2004 était la période d'avis.

Le sénateur Cowan : Y a-t-il du nouveau à cet égard?

M. Day : La question a été soumise à une commission d'appel, mais j'ignore si cette démarche réussira.

M. Vardy : Un certain nombre de grandes usines ont fermé leurs portes au début des années 90, comme celles de Harbour Breton, et le gouvernement de l'époque avait décidé que, non seulement on appliquerait les dispositions de la Labour Standards Act, qui exigeait un certain nombre de semaines d'avis, mais on veillerait à doubler le nombre de semaines travaillées et exigées dans la loi. Ainsi, les travailleurs des usines de St. John's, de Trepassey, de Gaultois et de Grand Bank ont fini avec deux saisons de préavis de 20 semaines. Autrement dit, on les a avertis de la fermeture de l'usine deux ans auparavant. L'usine a continué de fonctionner pendant deux ans. Cela a occasionné une perte, car le poisson devait être réparti parmi les autres usines, de sorte que les autres usines avaient moins de poissons à transformer. Par conséquent, on a lancé un programme à frais partagés, dont la totalité du financement provenant du gouvernement de Terre-Neuve. C'était un programme d'adaptation. Nous avons demandé que la même chose soit faite cette fois-ci, et on nous a dit non, car cela créerait un précédent.

De toute façon, la situation à laquelle nous sommes confrontés à l'heure actuelle n'a rien à voir avec ce qui s'est produit pendant les années 90. Nous évoluons dans un environnement beaucoup plus hostile, draconien et insensible.

Le sénateur Cowan : On a beaucoup parlé de reddition de comptes, et on s'est demandé si, de fait, ces licences étaient assorties de conditions écrites, ou si on avait tout simplement convenu qu'on exploiterait trois usines en échange du quota. Ma question ne porte pas sur cette licence en particulier. J'aimerais plutôt savoir s'il y a un précédent pour ce qui est de l'octroi de licences et de l'attribution de quotas assortis de certaines conditions? Est-ce que cela se fait ailleurs?

M. Vardy : Dans d'autres secteurs, certainement dans l'industrie pétrolière et gazière, c'est assez commun. Les pêches constituent une exception énorme qui doit être corrigée. C'est un échec de la politique publique au Canada. Il faut vraiment corriger cette erreur, car cela concerne une ressource publique. Maintenant, il y a d'autres endroits comme la Nouvelle-Zélande, par exemple, où on a des QIT, et l'industrie des pêches est privatisée. Dans ce contexte, ils seraient propriétaires des quotas. Ils pourraient en disposer comme ils l'entendent, comme dans le cas de leur chalutier. Ils sont totalement libres de faire ce qu'ils veulent. Ce n'est pas le cas au Canada. Je crois que la situation au Canada exige qu'on établisse certaines obligations, car il s'agit d'une ressource publique, et, à l'heure actuelle, il y a une absence totale de reddition de comptes.

Le président : Nous croyons savoir que dans les îles Chatham, en Nouvelle-Zélande, le gouvernement a reconnu que certaines collectivités avaient une longue tradition de pêche et en dépendaient énormément, de sorte que des dispositions spéciales ont été adoptées à l'égard de certaines zones. De même, les États-Unis et le Royaume-Uni se penchent au moment même sur cette question, car ils craignent que certaines collectivités ne soient prises au dépourvu, et ils adaptent leurs programmes en conséquence. Ils veillent à ce que certains quotas soient liés aux collectivités, car ils reconnaissent la valeur de cela. Nous examinerons de plus près certains de ces exemples, de loin, bien sûr.

Le sénateur Adams : Au Nunavut, d'où je viens, la situation est comparable à la vôtre. Je représente 26 collectivités du Nunavut, et de ce nombre, il n'y a qu'une seule collectivité intérieure. Les 25 autres sont des collectivités côtières. Au cours des deux ou trois dernières années, nous avons tenté de déterminer comment nous pourrions stimuler l'économie de nos collectivités, y compris l'économie des pêches, pour assurer l'avenir du Nunavut. Avant le règlement des revendications territoriales au Nunavut, certains endroits avaient été établis sous l'égide du MPO, il y a environ 15 ans, et, finalement, une entente a été conclue en 1993. En 2000, sous le régime d'une entente entre la collectivité et certains des organismes du Conseil de gestion des ressources fauniques du Nunavut, des quotas ont été établis dans certaines des collectivités.

Même si la situation est comparable, ma question concerne le fait que, à l'heure actuelle, le Nunavut est doté d'un système antérieur au règlement des revendications territoriales, quand nous avions un organisme pour les chasseurs et les trappeurs des collectivités. Les gens font encore un peu de piégeage là-bas — des ours polaires, par exemple — et, entre la pêche et la chasse, il y a un quota, et les gens des collectivités contrôlent les quotas. La même chose s'applique aux diverses catégories de baleines. Nous devons avoir des quotas parce que certains mammifères, selon le gouvernement, sont sur le point de disparaître. Pendant ce temps, nous chassons pour nourrir les collectivités. Les gens qui n'ont pas d'emploi sont autorisés à recevoir un quota pour assurer leur subsistance.

Au début, certains ministres avaient autorisé l'attribution de quotas à des étrangers, tout comme on l'a fait à Terre- Neuve, afin de veiller à ce qu'il y ait des retombées économiques locales, grâce à l'établissement d'usines de transformation du poisson offrant de l'emploi aux gens de nos collectivités. Maintenant, ce qui nous préoccupe, c'est la façon dont les titulaires de quotas vont les gérer en vue de l'avenir. Comment allons-nous faire cela? Nous ne voulons pas que les quotas procurent des avantages à des personnes qui ne vivent pas dans les collectivités. Comment pouvons- nous changer cela? Comment pouvons-nous permettre aux gens de la collectivité de contrôler les quotas, d'aller voir les pêcheurs locaux, et de leur permettre de réaliser un bénéfice grâce à ce système? Comment pouvons-nous faire cela? Le gouvernement formule la politique, et, de certaines façons, elle ne fonctionne pas. La personne qui est titulaire du quota et qui ne vit pas au sein de l'une des collectivités transmet le quota à un membre de sa famille, notamment à titre d'héritage. Comment pouvons-nous changer cela? Comment pouvons-nous les rendre aux gens de la collectivité qui sont des pêcheurs?

M. Stewart : Je commenterai brièvement. Je sais que les quotas du gouvernement sont attribués en fonction de certains critères et soumis au MPO, assortis de certaines conditions. Je crois qu'il est très important que le MPO soit doté d'un comité d'examen interne dont les membres se réuniront au moins une fois par année pour examiner certaines de ces licences, car nous savons tous qu'il y a des retraités en Floride dont le testament prévoit la transmission du quota à des parents. Si un tel système était en place, et si on constatait qu'on n'obtenait pas les résultats escomptés, ou qu'il y a des écarts importants, alors ces quotas devraient être retirés. Ce sont des ressources publiques, et elles devraient être confiées à quelqu'un qui utilise le quota de la façon prévue. C'est mon opinion.

M. Vardy : J'ajouterai un commentaire qui découle d'un point de vue différent, et il concerne le fait que nous avons parlé, ce matin, de quotas hauturiers attribués à des sociétés. Une grande part de nos pêches est dévolue aux pêcheurs côtiers, et ces gens peuvent transmettre leurs quotas d'une génération à l'autre. Un pêcheur a également la possibilité de vendre son quota à un autre pêcheur, de sorte que le quota pourrait quitter la région — et c'est à ça que je veux en venir. Ainsi, la question qui s'impose, c'est : comment faire cela?

Comment peut-on composer avec cela? Nous n'avons pas vraiment parlé de cela, car nous nous sommes attachés davantage à la pêche hauturière qu'à la pêche côtière, mais il y a des façons de mettre en place un cadre stratégique public. Par exemple, si un pêcheur d'une région comme la péninsule Connaigre voulait transférer son quota dans une autre région de la province ou dans une autre province, il devrait y avoir un mécanisme d'examen prévoyant la tenue de consultations publiques dans la région, pour déterminer si une telle chose serait avantageuse. Votre comité devrait envisager la possibilité de recommander la création d'un mécanisme d'examen pour le transfert de quotas, car une telle chose peut avoir de graves répercussions.

Par contre, il est possible que des quotas soient transférés dans cette région, mais ils proviendraient d'ailleurs, et il devrait y avoir une forme d'examen. Ma suggestion s'inscrit dans le contexte d'une pêche côtière, axée sur les droits. De nombreuses questions pourraient être abordées à cet égard, et je ne crois pas que nous soyons équipés pour les aborder ce matin.

M. Stewart : Mes commentaires étaient fondés davantage sur la pêche hauturière que sur la pêche côtière.

Le sénateur Adams : Au Nunavut, nous n'avons pas de quotas pour la pêche côtière. Il n'y a pas eu de recherche sur la pêche côtière au Nunavut depuis un grand nombre d'années. Le MPO n'a jamais mené d'études sur l'ampleur de la pêche dans la limite de 12 milles. Maintenant, nous avons une limite de 200 milles, et nous avons les zones OA et OB. Pour le turbot, nous avions près de 8 000 tonnes métriques dans les deux zones au Nunavut, et environ 3 000 tonnes métriques pour la crevette nordique.

Au cours des 10 dernières années, les étrangers sont arrivés, se sont emparés des quotas, et les ont vendus. Entre d'autres sociétés et les quotas du Nunavut, de 60 à 80 millions de dollars par année ne reviennent pas dans la collectivité. Avec le système et la politique du MPO, il est très difficile pour nous de même régler une revendication territoriale. Nous n'avons aucun quota, mais dans la limite de 12 milles, nous pouvons faire ce que nous voulons. Nous avons dû établir les quotas. Nous pêchons jusqu'à la limite de 12 milles entre le Groenland et le détroit de Baffin, car cela appartient au Canada. Le ministère a établi des quotas pour le Nunavut chaque année. Je croyais qu'il serait avantageux pour la collectivité, pour le Nunavut, d'établir des quotas pour le Nunavut, mais quelqu'un d'autre s'en est emparé. C'est vraiment difficile pour nous. Nous devons, d'une façon ou d'une autre, changer la politique de Pêches et Océans Canada.

Le président : L'impression que m'ont donnée les journaux, c'est que la fermeture de l'usine de Harbour Breton était imputable à la concurrence massive de la Chine et à des problèmes liés au change sur les devises.

Où en sommes-nous, donc? Je crois savoir que le conseil d'administration de FPI s'est réuni à Toronto, allez savoir pourquoi. Je suppose qu'ils ne pouvaient pas se rencontrer à Terre-Neuve. Les perspectives ne pourraient être pires. S'ils disent qu'ils ont dû fermer l'usine en raison de la concurrence chinoise, est-ce que cela signifie qu'ils vont maintenant déplacer la prise vers un pays où les bas salaires et les normes du travail peu exigeantes leur permettront d'être plus concurrentiels?

M. Day : C'est ce qu'ils font, au moment même. Il y a déjà beaucoup de poissons non transformés expédiés en Chine.

Le président : Pêchés en eaux canadiennes?

M. Day : Oui, de Terre-Neuve. Cela se produit constamment. On compte cela comme une prise de juvéniles. On nous avait dit, au début, qu'il s'agissait de 300 000, et ensuite le chiffre est passé à 350 000. Maintenant, il s'élève à 400 000.

Le président : Des poissons canadiens?

M. Day : Oui, des produits de la pêche. Je devrais plutôt dire, des poissons de Harbour Breton.

Le président : Disons qu'il appartient aux Canadiens. Le poisson de Harbour Breton est expédié vers des pays offrant une main-d'œuvre à bon marché parce que FPI doit être concurrentielle sur le marché mondial.

Je me fais l'avocat du diable, pour un instant : pouvons-nous transformer le poisson à Harbour Breton et dans d'autres usines, et veiller à ce que l'activité soit viable, sans avoir à transporter le poisson vers des pays offrant une main-d'œuvre à bon marché?

M. Day : Il y a des usines qui appartiennent à d'autres entreprises que Fishery Products International qui poursuivent leurs activités, qui continuent d'expédier leur poisson. C'est une question de profit. Les actionnaires sont âpres au gain. Il n'y a pas suffisamment de profits pour les actionnaires. Nous avons davantage de pêcheries en activité que Fishery Products International.

Le président : Nous tentons de saisir l'ensemble de la question, car, à titre de parlementaires, nous tentons de surveiller le fonctionnement du gouvernement, et de déterminer s'il y a des solutions de rechange. Sommes-nous maintenant dans une position où nous devons expédier ou transporter nos ressources non transformées à l'extérieur du pays? On a souvent présenté la Nouvelle-Zélande comme le modèle à suivre pour ce qui est de la gestion des pêches. Tout récemment, j'ai lu des articles de journaux de la Nouvelle-Zélande selon lesquels les équipages des navires de pêche touchent un salaire médiocre, et que les normes du travail sont très minces. Les gens en sont presque à exploiter des personnes de pays pauvres pour pêcher au large de la Nouvelle-Zélande.

Est-ce la voie dans laquelle le Canada va s'engager? Nous semblons toujours monter sur nos grands chevaux et critiquer tout ce que font les Américains, mais, en réalité, les Américains prennent soin des collectivités qui dépendent de leurs ressources locales. N'y a-t-il pas matière à réflexion, quand, à titre de Canadiens, nous laissons une telle chose se produire?

M. Vardy : L'Accord sur le libre-échange nord-américain est assorti d'une disposition d'antériorité. À Terre-Neuve, nous avons des exigences en matière de transformation. Le gouvernement de Terre-Neuve peut imposer des exigences. Il peut dire : « Vous ne pouvez exporter cette matière première sans la transformer. » La situation que M. Day a mentionnée, où le gouvernement fédéral a permis l'exportation de prises de juvéniles. Il y a une politique gouvernementale qui nous permet de prévenir une telle chose.

Le fond du problème, c'est que nous sommes comme toute autre industrie. Au Canada, comme dans l'ensemble du monde industrialisé, nous devons faire concurrence à des pays à faibles salaires, comme la Chine. La seule façon de faire cela, c'est en étant plus intelligent, grâce à l'innovation, aux idées et à la créativité. Nous produirons une meilleure trappe à souris, et nous serons capables de la vendre, dans la mesure où elle est différente. C'est ça, la situation, essentiellement.

S'il est question d'un produit de base, d'un produit simple, comme un bâtonnet de poisson, nous ne pouvons espérer faire concurrence. Notre capacité de faire concurrence à l'avenir doit être liée à notre capacité de concevoir des produits novateurs, d'assurer une transformation plus poussée, et ce genre de choses.

Nous parlons de matières premières. Nous ne pouvons tout simplement pas; c'est très difficile.

Nous devons chercher à remanier l'ensemble de notre industrie canadienne des pêches, afin qu'elle soit beaucoup plus prestigieuse. Cela suppose qu'on investisse de l'argent dans les usines et dans les gens. Nous faisons exactement le contraire à l'heure actuelle, car nous n'investissons pas dans la formation de personnes dans l'industrie des pêches. Nous devons transformer l'industrie des pêches de fond en comble.

Si nous voulons mousser la compétitivité internationale de notre industrie des pêches, ou du textile, ou d'une autre industrie, il faut que notre pays investisse. C'est ce que font les autres pays du monde. Toutefois, si nous cherchons à faire concurrence aux pays à bas salaire en jouant leur jeu et en important des travailleurs à faibles salaires pour nos usines, je crois que nous sommes dans la mauvaise voie.

M. Stewart : Nous savons que le Canada ne peut faire concurrence à un salaire horaire de 45 cents, ce qui est, dit-on, le salaire courant en Chine. Une partie du problème tient probablement au fait que nous avons trop donné de notre poisson canadien à d'autres pays qui sont venus ici, qui ont profité de la situation, et qui maintenant s'établissent là- bas. Il est si facile pour des entreprises comme FPI de confier la transformation de leur poisson à d'autres pays, car il y a si peu de restrictions.

À l'instant même, il y a encore un nombre important de gens à Harbour Breton qui utilisent des bateaux appartenant à FPI. Il y a environ deux mois, on a avisé toutes ces personnes du fait qu'elles doivent maintenant détenir un passeport pour travailler sur ces bateaux. Pas besoin d'être Einstein pour comprendre pourquoi. Cela me dit qu'ils ont l'intention de commencer à faire débarquer ces bateaux à l'étranger.

Dans peu de temps, nous verrons ces chalutiers pêcher au large de nos côtes sans débarquer au Canada. Ils se rendront directement au pays concerné.

Le président : Je suis content que vous ayez soulevé cette question. C'est intéressant.

M. Stewart : De fait, mon voisin est venu me voir avant que je vienne ici, car je devais signer sa demande de passeport. Il travaille sur un chalutier.

Le président : L'audience d'aujourd'hui s'est révélée très intéressante et très utile, vous nous avez ouvert les yeux. J'aimerais seulement soulever quelques points avant de lever la séance. Quand vous parliez avec le sénateur Watt de la culture urbaine, je n'ai pas pu m'empêcher de penser au fait qu'on a beaucoup entendu parler du dossier des villes au cours des deux dernières années; le temps est peut-être venu de se pencher sur le dossier des régions rurales — une taxe sur l'essence pour les villes, et du poisson pour les régions rurales. Qu'en pensez-vous?

M. Stewart : Bravo!

Le président : Nous verrons ce qui arrivera.

Je tiens à signaler, en passant, que le comité a recommandé, il y a deux semaines, que le MPO tienne compte de l'impact économique et social de ses grandes décisions sur les collectivités côtières. Je souligne cela également. C'est indiqué sur notre site Web, avec d'autres bonnes choses — il y a, selon nous, d'excellentes suggestions là-dedans.

Pour les membres du comité, je termine en vous avisant que mardi prochain, le 9 juin à 10 h 45, nous allons rencontrer, dans la même salle, les représentants de la British Columbia Seafood Alliance. Cette rencontre devrait se révéler très intéressante.

Merci, messieurs, et merci aux membres du comité d'avoir été si patients ce matin. C'était une longue rencontre.

La séance est levée.


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