Délibérations du comité sénatorial permanent des
affaires étrangères
Fascicule 17 - Témoignages du 7 juin 2005
OTTAWA, le mardi 7 juin 2005
Le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères se réunit aujourd'hui à 17 h 2 afin d'étudier les défis en matière de développement et de sécurité auxquels fait face l'Afrique; la réponse de la communauté internationale en vue de promouvoir le développement et la stabilité politique de ce continent; la politique étrangère du Canada envers l'Afrique.
Le sénateur Peter A. Stollery (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères tenue dans le cadre de notre étude spéciale sur la situation de l'Afrique.
[Français]
La séance d'aujourd'hui est la deuxième où nous recevons un représentant canadien aux institutions financières internationales. En effet, le 11 mai dernier, nous avons eu le plaisir d'accueillirM. Marcel Massé, de la Banque mondiale.
[Traduction]
Nous avons aujourd'hui le plaisir d'entendre M. Kevin Lynch, administrateur canadien au Fonds monétaire international.
M. Lynch a débuté sa carrière à la Banque du Canada. Depuis 1976, il a occupé de nombreux postes supérieurs, notamment celui de sous-ministre de l'Industrie. M. Lynch a aussi été sous-ministre au ministère des Finances de 2000 à 2004.
Monsieur Lynch, bienvenue au Sénat, nous vous écoutons.
M. Kevin Lynch, administrateur, Fonds monétaire international : Je vous remercie, monsieur le président. C'est avec grand plaisir que je suis ici aujourd'hui. J'ai déposé un mémoire qui porte sur les deux aspects qui vous intéressent.
La première partie décrit l'examen de l'orientation stratégique du Fonds monétaire international, qui est présentement en cours. Le mémoire précise un certain nombre de considérations primordiales à cet égard et que vous avez abordées avecM. Goodale à l'occasion de son témoignage du début d'avril.
La deuxième partie porte sur le rôle du Fonds monétaire international auprès des pays à faible revenu, plus précisément l'Afrique. Le directeur général du Fonds monétaire international a récemment prononcé un discours en Afrique dans le cadre de l'assemblée générale annuelle de la Banque africaine de développement. Je pourrais peut-être vous parler un peu de son message. Je ne vais pas résumer l'ensemble du discours, je vais seulement souligner quelques points importants.
Le Fonds monétaire international et la Banque mondialefêtent cette année leur soixantième anniversaire; les deux organisations ont été créées en 1944, mais elles sont entrées en vigueur en 1945. La différence entre la Banque mondiale et le Fonds monétaire international et le rôle propre à chacune sont souvent mal compris.
En vertu de ses statuts, le FMI a une mission très précise, celle de promouvoir un système financier international stable, de prévenir les crises financières et si des crises se produisent, de les résoudre le plus rapidement possible. Cette mission a été définie en 1944 et 1945 et elle est toujours valide de nos jours.
Ce qui a changé dans les soixante dernières années, c'est le milieu dans lequel évolue le FMI. Parmi les changements vécus, j'aimerais d'abord mentionner l'augmentation massive du marché des capitaux privés. En 1945, les moyens du Fonds monétaire international étaient plus importants que ce qu'ils sont aujourd'hui. Le FMI n'est pas un important fournisseur de capitaux, les principaux fournisseurs de capitaux sont issus des marchés privés. Un des défis auquel nous faisons face aujourd'hui est de trouver des moyens d'avoir une influence sur ce fait, malgré les moyens dont nous disposons.
Le deuxième changement est que de 1945 jusqu'au milieu des années 1970, le système monétaire mondial, à l'exception du dollar canadien, reposait sur des taux de change fixes et l'étalon or. La situation est différente aujourd'hui puisque la majorité des monnaies sont flexibles. La libéralisation des comptes de capital à l'échelle mondiale a présenté de grandes possibilités et, à l'occasion, des risques.
Le dernier changement à souligner est l'imposante croissance qu'a connue l'économie de capital, particulièrement au niveau du commerce, de l'investissement étranger direct et des réseaux technologiques. Nous vivons dans un monde beaucoup plus branché, rapide et réseauté qu'il y a 60 ans. Nous nous demandons comment accomplir notre mission dans ce monde.
Il pourrait être utile de mentionner les quatre principales sphères d'activités du coffre à outils du FMI : la surveillance, les prêts, le renforcement des capacités et la réduction de la pauvreté. Le FMI est formé de 184 États membres et chacun de ces membres font l'objet d'une vérification annuelle. Ce processus permet de constater ce qui se passe au niveau des macropolitiques générales et de la croissance économique. Cette évaluation unique au monde permet au FMI de mieux connaître ses membres et d'offrir des conseils en matière d'orientation stratégique. La surveillance est une activité de base du FMI.
La deuxième sphère d'activité du coffre à outils est le prêt qui permet d'intervenir dans les crises de balance des paiements. Encore une fois, il y a 60 ans, les crises étaient issues de problèmes au niveau des comptes courants, alors qu'aujourd'hui, elles sont souvent causées par les comptes de capital. Les activités de prêt permettent au FMI d'intervenir et d'éviter un effet en cascades généralisé. Ces activités sont importantes parce que cet effet s'est produit dans les années 1930 et de graves problèmes sont survenus.
Les deux autres activités sont intéressantes et un peu plus récentes. La première est l'assistance technique ou le renforcement des capacités. Si vous offrez des conseils d'orientation stratégique, il faut que les pays soient en mesure de les mettre en œuvre et de les maintenir. Plus le monde devient complexe, plus cette activité devient importante, mais plus cela est difficile à réaliser pour de nombreux pays. Le FMI consacre de plus en plus d'efforts non seulement à offrir des conseils en matière de politiques macroéconomiques, mais aussi à travailler avec les pays pour s'assurer qu'ils ont la capacité de mettre en œuvre les mesures proposées, car c'est à ce niveau qu'il faut agir.
Finalement, le FMI met en œuvre des programmes de réduction de la pauvreté en collaboration avec la Banque mondiale, les banques de développement multilatérales et la communauté des donateurs. À cet égard, le FMI se concentre sur l'octroi de prêts qui encouragent les corrections aux politiques macroéconomiques.
L'orientation stratégique de l'évaluation réalisée par le FMI définit l'ampleur des corrections requises en fonction des changements qui se sont produits depuis l'évaluation précédente.
Les activités de surveillance du FMI se concentrent surtout sur la surveillance bilatérale. Par exemple, le FMI évalue annuellement la situation de l'Ouganda, y envoie une mission qui y travaille deux semaines et qui rédige ensuite un rapport pour le conseil d'administration. Des conseils sur l'orientation des politiques seront émis et il y aura des discussions avec les autorités responsables. Finalement, le tout sera publié conformément au principe de la transparence. C'est en résumé la façon dont les activités de surveillance traditionnelles sont effectuées.
De plus en plus, on sent que le FMI ne doit pas se limiter à cette surveillance, mais qu'il doit être plus actif en matière de surveillance régionale et multilatérale. Par exemple, une surveillance régionale est effectuée envers l'Afrique. Il n'y a que trois unions monétaires au monde : une dans les Caraïbes, une en Afrique centrale et, évidemment, une en Europe. Lorsqu'il y a une certaine intégration régionale, faut-il augmenter la surveillance régionale et finalement, la surveillance multilatérale? Devant des problèmes avec la balance des paiements, de quelle façon ce qui se passe en Europe est-il relié avec l'Amérique du Nord et l'Asie? Nous vivons dans un monde complexe et il semble que nous devrions examiner l'intégration de plus près.
De nombreux pays africains qui ne veulent pas de prêts du FMI lui ont demandé d'effectuer une surveillance de leur gestion. Laissez-moi vous citer un exemple précis. Le Nigeria, qui ne fait plus partie des programmes de prêts, veut conserver des liens avec le FMI parce qu'il envoie un signe positif à la communauté des donateurs internationaux et aux marchés financiers à l'effet que les politiques qu'il a mis en oeuvre, et qui lui sont propres, sont sérieuses et soumises à l'évaluation par une tierce partie. Il est intéressant de voir que de nombreux pays qui sont en train de régler leurs problèmes de balance des paiements veulent poursuivre le processus de surveillance. C'est le premier aspect de la surveillance.
Tous les intervenants veulent travailler plus fort au renforcement des capacités. Il y a beaucoup de travailleurs qualifiés dans ces pays et une partie de notre travail est de former les gens et de travailler avec eux à la mise en œuvre. Ceci est un défi important dans plusieurs endroits du globe. Le FMI s'attache prioritairement aux questions relevant de la réglementation et des politiques macroéconomiques et monétaires, tous des aspects qui englobent des politiques complexes. Nous concentrons nos efforts sur ces questions et la communauté des donateurs doit faire de même.
Je vais aborder cette question dans le cas de l'Afrique. Près de 50 p. 100 des ressources d'assistance technique et de renforcement des capacités du FMI sont consacrées à l'Afrique, et cette proportion sera probablement plus élevée dans l'avenir.
Quelques modifications ont été apportées aux activités de prêts du FMI. Une de ces modifications touche la restructuration des dettes et le Canada est certainement un des pays qui a encouragé l'adoption des clauses d'action collective. En fait, il est possible de restructurer les dettes de manière juste et avec la participation de tous.
Nous déployons tous les efforts nécessaires à expliquer clairement les règles du jeu afin que les pays sachent à quel moment ils peuvent faire appel au FMI et à quelles conditions.
Dans le cas des prêts, et je suppose que vous me poserez des questions à ce sujet, quelles sont conditions qui les accompagnent?
Depuis 2002, le FMI a tenté de faire deux choses à propos de la conditionnalité. L'une est de mettre l'accent sur l'importance de la demande. Comme il est très difficile de fonctionner avec une liste de 100 conditions, nous nous concentrons sur les trois ou les quatre premières et nous décidons si le pays et la communauté des donateurs internationaux sont également intéressés. Nous examinons d'abord les conditions en fonction de ce qui est important, des raisons pour lesquelles c'est important, pour être capable d'expliquer et de discuter des motifs.
Dans le cas des pays à faible revenu, le FMI tente surtout d'offrir des conseils sur les politiques macroéconomiques qui sont essentielles à une croissance soutenue. Si vous examinez les expériences vécues dans les pays à moyen et à faible revenu ainsi que les pays à revenu élevés, aucun n'a réussi à soutenir une croissance si les conditions macroéconomiques étaient mauvaises. Sans une situation fiscale et une inflation stables, un pays ne peut pas soutenir la croissance pendant une longue période. Le rôle principal du FMI est de dispenser des conseils à divers pays sur ce qu'ils doivent faire en vue d'assurer leur macrostabilité.
Dans le cas des pays à faible revenu, nous avons annoncé deux initiatives au cours des deux dernières années qui pourraient intéresser le comité. Nous avons mis sur pied un nouveau fond d'aide destiné aux pays qui émergent d'un conflit armé ou qui ont été frappé d'un désastre naturel. Nous avons trouvé qu'il fallait être en mesure d'avoir des taux conceptuels élevés pour y arriver; et là encore, nos efforts portent sur la reconstruction de la capacité de macrogestion et de la balance des paiements, et de s'en occuper rapidement. La Grenade est un exemple d'un des nombreux pays du groupe dont fait partie le Canada qui a profité de ce programme.
La facilité pour la réduction de la pauvreté et pour la croissance est un aspect important des activités de prêt. Il s'agit d'un fond d'environ 6 milliards DTS, ou 10 milliards de dollars canadiens, auquel les 71 pays à faible revenu membres du FMI et de la Banque sont éligibles, et dont je vous décrirai avec plaisir le fonctionnement.
Finalement, pour faciliter l'intégration du commerce, des prêts sont accordés à des conditions préférentielles aux pays qui ont besoin d'aide pour régler des problèmes qui peuvent survenir au niveau de la balance des paiements pendant qu'ils s'ajustent aux ententes commerciales, autant multilatérales que régionales.
Voici, monsieur le président, nos quatre principales sphères d'activité et les changements auxquels nous faisons face. Ils sont semblables dans le cas de l'Afrique. Je vais déposer ce document auprès du comité, si cela vous intéresse; M. de Rato, le directeur général du FMI, a prononcé une allocution à l'assemblée générale annuelle de la Banque africaine de développement le 17 mai dernier. Il a précisé les trois domaines dans lesquels le FMI peut jouer un rôle. Ce sont ceux dont je vous ai parlé — offrir des conseils sur les politiques macroéconomiques pour assurer la stabilité du système économique, le programme pour la réduction de la pauvreté et les activités de prêts pour y arriver.
Il a souligné que l'année dernière l'Afrique a connu le niveau de croissance le plus élevé des dix dernières années et le taux d'inflation le plus faible des 25 dernières années. Un bon nombre de pays affichant les meilleures performances des dix dernières années — la Tanzanie, le Mozambique et certains autres — sont ceux qui ont maintenu une sévère politique macroéconomique. Nous commençons à voir les résultats qui peuvent être obtenus en appliquant des programmes sévères pendant une période prolongée.
Le directeur général du FMI a élaboré les efforts déployés par le FMI pour accroître le renforcement des capacités en Afrique. Vous savez peut-être que le FMI, conformément à une entente conclue en 2002 avec les dirigeants africains, a établi deux centres d'assistance technique en Afrique, dans lesquels des employés du FMI et d'ailleurs dispensent de l'aide. Ils sont situés au Mali et en Tanzanie. Nous sommes en train de réaliser les évaluations ces pays, mais les premières réactions ont été positives. Nous pouvons compter sur des experts sur place qui peuvent travailler régulièrement plutôt que périodiquement avec ces pays.
Le FMI a mis sur pied le Consortium pour la recherche économique en Afrique qui permet à des chercheurs africains de travailler au FMI. Plus de 100 personnes ont pu travailler quelques mois avec le FMI. Cette initiative nous aidée à mieux comprendre les questions entourant leurs politiques et, espérons-le, les aide à créer leurs propres réseaux. Une bonne partie des activités de renforcement des capacités traditionnelles a été consacrée à ce domaine.
Finalement, il y a le programme de prêts pour l'intégration du commerce qui est entièrement axé sur les défis de l'Afrique.
Monsieur le président, je vais m'arrêter ici. Vous avez le mémoire en main et je vais remettre au greffier le récent discours prononcé par le directeur général du FMI.
Le président : Merci beaucoup.
Je voudrais soulever deux points. Le premier porte sur la croissance. Plusieurs témoins nous ont expliqué que la croissance globale de l'Afrique subsaharienne était d'environ 5 p. 100, ce qui correspond à peu près à la croissance démographique. Par conséquent, la possibilité d'augmenter la qualité de vie est presque nulle parce qu'elle ne peut augmenter si la croissance est identique à la croissance démographique.
Deuxièmement, l'union monétaire de l'Afrique repose principalement sur l'ancien franc français CFA. Dans mon temps, un CFA valait deux francs métropolitains. Ils ont depuis enlevé deux zéros au franc métropolitain et mis en œuvre d'autres mesures. Par conséquent, il y a maintenant une union monétaire.
Combien de pays font partie de cette union?
M. Lynch : Six pays font partie de l'union.
Le président : Nous savons aussi que le Fonds monétaire international n'est pas la Banque mondiale et que le commerce, de toute évidence, relève de l'OMC et des négociations de la table ronde de Doha. Vous pouvez faciliter la réalisation des ententes commerciales, mais vous ne pouvez pas concevoir ces ententes. C'est bien ça?
M. Lynch : Oui, votre affirmation est correcte. En matière de commerce, l'OMC est l'organisation dominante. Dans le cadre des réunions des ministres du FMI organisées en avril, l'OMC et les ministres concernés ont été priés de poursuivre leur travail rapidement parce que les résultats et les premiers succès de la table ronde peuvent être très utiles à de nombreux pays à faible revenu avec les mécanismes de corrections appropriés.
Ils ont formulé la demande, mais le reste dépend de l'OMC et des négociateurs.
Le président : Je me trompe peut-être, mais nous n'entendons pas beaucoup parler du travail accompli par le FMI en Afrique. Lorsque l'on entend parler du FMI, c'est dans le cadre du crash en Asie ou de la crise financière en Argentine et des événements de ce genre.
Avez-vous de bonnes raisons d'être moins présent en Afrique que dans d'autres parties du monde? Est-ce que j'ai absolument tort?
Est-ce parce qu'il n'y a eu aucun effondrement du système économique, ou peut-être s'est-il produit un effondrement, mais que nous n'en avons pas entendu parler?
M. Lynch : Le fait que vous n'entendiez pas parler de nous est perçu comme un succès, car cela signifie qu'il n'y a pas eu de crise dans la balance des paiements.
Si vous revenez aux quatre sphères d'activités mentionnées; la surveillance, le renforcement des capacités, les prêts et la facilité pour la réduction de la pauvreté et pour la croissance, prèsde 50 p. 100 de nos activités, ce qui représente 30 p. 100 de notre budget annuel, sont réalisées en Afrique. Nos activités incluent l'établissement et la réglementation du système financier, l'établissement et le respect des budgets ainsi que l'exécution de vérifications captables. Tous ces instruments de gouvernance et de transparence sont essentiels à l'établissement d'une macropolitique solide en laquelle le secteur privé aura suffisamment confiance pour réaliser des investissements, autant dans les secteurs domestiques, privés ou étrangers. Une grande partie de ce travail est effectué pour l'Afrique et cela ne fait pas les manchettes. Les résultats sont longs à obtenir et d'autres se présentent car un certain nombre de personnes compétentes que nous avons formé choisissent d'immigrer. C'est un défi permanent
Aux termes de l'article IV, le FMI a pour mandat d'exercer une surveillance sur chacun des 184 États membres. Cette consultation est effectuée annuellement pour tous les États membres de l'Afrique, soit la majorité des pays du continent. Les consultations en Afrique ont tendance à se prolonger, en partie parce que plusieurs pays ne disposent pas des statistiques nécessaires. Les équipes du FMI travaillent avec les responsables à la production des statistiques de base en fonction desquelles elles offrent des conseils dont les responsables se serviront ensuite pour élaborer des plans. Il est extrêmement difficile de chercher comment améliorer les politiques et les programmes s'il n'y a pas de statistiques.
Quant aux activités de réduction de la pauvreté et les prêts, plus de la moitié est consacrée à l'Afrique. Ce sont des prêts structurels pour les pays à faible revenu ayant des taux de faveur élevés à cause de problèmes d'ajustement, et qui sont axés sur la macropolitique.
Le dernier secteur est celui des problèmes habituels liés à la balance des paiements. Il y en a quelques-uns en Afrique, mais ces problèmes se produisent surtout dans les grands pays. À l'heure actuelle, l'Argentine, la Turquie et quelques autres sont touchés. Cela compte pour la vaste majorité des montants prêtés. Par contre, si vous voulez savoir combien de pays, vous verriez beaucoup de petits montants en Afrique.
Le sénateur Downe : Nous avons entendu des critiques envers la Banque mondiale et le FMI venant d'Africains qui se sont présentés devant notre comité.
Devrait-il exister une organisation indépendante pour examiner le fonctionnement du FMI et de la Banque mondiale?
M. Lynch : Je ne suis pas certain de ce qu'une organisation indépendante ferait.
Le sénateur Downe : Vous pouvez peut-être nous expliquer le processus de reddition des comptes. Je sais que vous présentez des rapports au gouvernement canadien parce que vous êtes le représentant canadien et que les autres présentent des rapports à leurs propres gouvernements, mais qu'il n'y a aucune surveillance globale.
M. Lynch : Laissez-moi vous décrire la structure de gouvernance.
L'organisation de la Banque mondiale est semblable sans être identique. Ce que je vais décrire s'applique principalement au FMI, dans lequel un conseil d'administration représente tous les membres. Les vingt-quatre directeurs généraux votent au nom de tous les membres de l'institution. Le directeur général qui dirige l'institution occupe aussi le poste de président du conseil. Le personnel et les gestionnaires de l'institution sont représentés par le directeur général.
Le conseil est responsable de l'élaboration des politiques et de la gestion de l'institution. En 2001-2002, nous avons établi un bureau d'évaluation indépendant, conformément aux changements apportés à la gestion d'entreprise. Ce bureau est complètement indépendant du conseil d'administration et de la structure de gestion et il détermine lui-même les points qu'il étudiera pendant l'année. Les conclusions des études sont simultanément transmises au conseil d'administration et publiées.
Différents comités vérifient ce qui se passe au niveau de la gestion, des vérificateurs externes se penchent sur les états financiers et le bureau d'évaluation indépendant examine les aspects liés aux politique, assure une consultation indépendante et publie les résultats des évaluations qu'il effectue.
Le sénateur Downe : À titre de représentant canadien au FMI, êtes-vous satisfait de ces mesures? Pensez-vous qu'il en faudrait d'avantage?
M. Lynch : La gestion d'entreprise change. Les conseils d'administration doivent continuellement se demander s'ils mettent en œuvre les bonnes pratiques actuelles.
Nous avons abordé le besoin de mettre d'avantage l'accent sur la gestion du risque. Il ne faut pas seulement vérifier ce qui s'est passé, il faut regarder vers l'avenir et tenter de prévoir si les risques possibles sont issus du secteur financier ou du secteur politique et mettre en charge des comités qui relèvent du conseil d'administration. Cette façon de faire ressemble à la gestion d'entreprise du secteur privé. Notre gestion des ressources humaines est-elle ce qui se fait de mieux? Comment pouvons-nous encourager la croissance du bureau d'évaluation indépendant?
Je pense que la structure n'est pas mauvaise. Vous poursuivez la croissance en fonction d'une structure où les bonnes pratiques en matière de gestion d'entreprise sont mises en œuvre.
Le président : Il est précisé ici que vous êtes administrateur. Qu'est ce que cela veut dire? Êtes-vous un administrateur ou plus qu'un administrateur?
M. Lynch : Le conseil d'administration est forméde 24 membres qui sont appelés administrateurs. Je fais partie de ces 24 membres. Contrairement à bon nombre d'organisations, si le conseil n'arrive pas à s'entendre par consensus sur une question, le conseil peut passer au vote. Le vote repose sur votre quote-part. Ainsi, le groupe que nous représentons, qui n'est pas seulement le Canada, mais aussi un certain nombre d'autres pays, votera la part en pourcentage du total qui revient à notre groupe.
Le président : Qu'est ce que la part en pourcentage du total?
M. Lynch : Nous avons 3,75 p. 100 du total des quotes-parts du Fonds monétaire international. Le Canada représente 3 p. 100 de ces 3,75 p. 100. Les autres pays sont l'Irlande, qui représente environ la moitié du 0,75 p. 100; plusieurs pays des Caraïbes font également partie de notre groupe.
Le président : Quelle est la quote-part des États-Unis?
M. Lynch : La quote-part des États-Unis est 17 p. 100.
Le président : A-t-elle diminué par rapport aux autres?
M. Lynch : Un petit peu. Avec l'augmentation de la quote-part allouée à certains pays pendant les dernières années, lesÉtats-Unis ont conservé la leur constante.
Le sénateur Downe : J'ai une question complémentaire. Votre poste est-il permanent ou fait-il l'objet de rotation?
M. Lynch : C'est un poste attribué par élection. Le groupe se prononce aux deux ans. Le Canada détient la majorité des votes, mais pas tous les votes au sein du groupe.
Le sénateur Andreychuk : Je voudrais que l'on parle d'une approche plus pratique pour le FMI.
Vous avez parlé de surveillance, d'assistance technique, et cetera. Si je me fie à mon expérience de travail dans certains pays africains, le FMI arrivait avec tous les experts et le gouvernement s'empressait de produire les réponses ou les positions qu'il voulait présenter.
L'équipe travaillait avec les représentants du gouvernement pendant une courte période, un plan était élaboré pour ce pays, et le FMI et le gouvernement s'entendaient pour l'accepter.
Le problème est que sur le terrain, cette façon de faire était perçue comme étant très paternaliste dans le sens négatif du terme. La réponse du gouvernement était adaptée aux attentes du FMI, pas à ce que le gouvernement croyait être en mesure d'accomplir. Ensuite, le pays tentait de faire ce qu'il pouvait pour le réaliser.
Aux prises avec les réalités de gestion pratiques de certains pays et les réalités politiques dans d'autres pays, les responsables blâmaient le FMI ou la Banque mondiale parce qu'ils n'arrivaient pas à réaliser ce que les gens sur le terrain voulaient. Nous avons parlé de ces échecs.
Que faites-vous pour adapter vos structures de gestion à ces pays afin d'arriver à offrir un partenariat plutôt qu'un programme tout préparé?
M. Lynch : Vous avez absolument raison. Avec le recul, les critiques étaient plutôt justifiées. Des progrès ont été faits, mais je pense qu'il y a encore beaucoup à faire.
Une des critiques portait l'attitude voulant que ce qui est bon pour un est bon pour tous. Le conseil et l'institution ont déployé d'importants efforts pour essayer de formuler des conseils mieux adaptés. Il y a des analyses plus détaillées des facteurs importants dans le cas les pays à faible revenu comparés aux pays à revenu moyen et dans le cas des pays avec un marché naissant comparés aux autres. Ils ne sont pas complètement différents, mais ils ne sont pas exactement les mêmes non plus.
Comment encore mieux s'adapter? De nombreuses recherches et de politiques tentent de comprendre les nuances et les différences.
En ce qui concerne le fond pour la réduction de la pauvreté et pour la croissance, par exemple, les activités ne sont pas limitées à une collaboration avec le gouvernement, car le FMI et la Banque insistent pour faire appel à un processus privé qui permet d'engager des ONG et autres organisations pour s'assurer un dialogue à trois. Ils tiennent souvent compte des indicateurs plus larges, comme la santé et l'éducation, et des questions inhérentes à la gestion d'entreprise.
Considérant les efforts déployés à cet égard, est-il possible d'aller plus loin? Je pense certainement que oui. Une partie du défi est que pour obtenir des changements de politique soutenus dans le monde actuel, il ne faut pas agir uniquement au niveau gouvernemental. Il doit y avoir un dialogue constant au niveau public sur les faits et des discussions. Tous les membres de la communauté institutionnelle internationale doivent travailler de plus en plus en ce sens. Tout comme les gouvernements d'ailleurs.
Les gouvernements aiment souvent se limiter à un débat bilatéral, tout comme les institutions. Nous devons tous élargir cette discussion aux pays. Nous n'obtiendrons l'approbation soutenue du public que lorsque nous aurons des politiques soutenues.
Le sénateur Andreychuk : Un des récents reproches portait sur le fait que lorsque les critiques ont commencé, le FMI et la Banque mondiale se sont tournés vers la société civile, pas vraiment vers les parlements.
Dans plusieurs pays l'opinion est que tant que les gestionnaires ne devront pas rendre des comptes au Parlement, il ne se passera pas grand-chose.
J'ai été heureux de participer à un séminaire du FMI qui a permis au Comité des finances d'aller en Tanzanie pour la première fois avant que l'entente avec le FMI ne soit complétée. Les membres du Parlement se demandaient: « Que savent-t-ils au sujet de l'entente? » Ils ont trouvé l'entente sur leur bureau et ils ont dû voter à son sujet dans l'après- midi, sans beaucoup d'analyse et de participation.
Ce fut la première fois, certainement en Afrique de l'Est que le FMI s'est adressé au Parlement. Ce qui m'étonne, c'est le peu de travail qui a été fait pour consolider le rôle du Parlement dans ce domaine. Était-ce une expérience ou le FMI suivra-t-il cette orientation dans le futur?
M. Lynch : Je ne suis pas au courant des détails. J'espère que cela n'était pas une expérience, parce que vous pouvez le constater d'après mes remarques, je crois que la gouvernance est essentielle au succès. Pour avoir une meilleure gouvernance, il faut avoir une participation généralisée.
Je vais vous présenter l'exemple d'un pays qui fait partie de notre groupe dans les Caraïbes. Ce pays a récemment connu un changement de gouvernement et une équipe du FMI a participé à un débat public télédiffusée auquel participait le ministre des Finances, les critiques de l'opposition et des journalistes.
Cette façon de faire était très différente pour nous. Il a fallu obtenir l'approbation de tous, mais ce fut une expérience intéressante qui est allée plus loin que celle que vous avez mentionné. Ces expériences sont des pas dans la bonne direction, mais elles ne fonctionneront pas toutes. C'est excellent de faire en sorte que les gens comprennent mieux les faits, les défis et les opportunités, mais ils éprouveront toujours des difficultés à accepter le changement.
Le sénateur Andreychuk : J'ai entendu des reproches à l'effet que le FMI est un milieu très masculin, comme c'est souvent le cas dans la finance. Il n'y a eu aucune tentative pour recruter des personnes des pays en développement et des femmes, autant dans les structures du FMI que des femmes qui travaillent sur le terrain. Comme nous le savons, la pauvreté frappe beaucoup plus les femmes que les hommes dans ces pays. Existe-t-il une tendance visant à équilibrer les sexes dans le FMI et ses structures?
M. Lynch : Plusieurs pays réclament vigoureusement une plus grande diversification du personnel du Fonds monétaire international. D'une manière générale, les institutions internationales ne font pas que prodiguer des conseils, elles représentent le monde. Cela exige une compréhension des différentes cultures et des différents points de vue.
L'institution est soumise à de grandes pressions et elle fait preuve d'une grande volonté en vue d'adapter ses politiques de recrutement. Cela exige de grands changements et un effort soutenu pendant une longue période. Nous sommes convaincus du bien-fondé de poursuivre dans cette direction.
Le sénateur Mahovlich : J'ai pris connaissance de rapports très positifs à propos de l'Argentine. Est-ce que le FMI a évalué leur système? Est-ce que leur politique pourrait fonctionner en Afrique?
M. Lynch : L'Argentine vient de vivre une période très difficile. Elle doit encore affronter plusieurs défis. Elle vient de procéder à une restructuration de la dette dans le cadre de son programme d'austérité. La croissance reprend, mais il y a les problèmes liés à l'inflation et aux comptes courants.
Un des problèmes importants à régler est qu'environ34 p. 100 des détenteurs de la dette restructurée n'ont pas accepté la proposition de restructuration. Il y a encore de nombreux défis en matière de programmes et de mouvement des politiques en Argentine. Le FMI travaille beaucoup pour l'Argentine.
Le sénateur Mahovlich : Vous êtes là depuis 1944, mais nous entendons encore bon nombre de nouvelles négatives de l'Afrique et de cette partie du monde.
Le président : Pour être juste, sénateur Mahovlich, juste pour compléter votre question, ces critiques s'appliquent plus à la Banque mondiale qu'au FMI, mais certainement aux deux, pour être plus précis.
Le sénateur Mahovlich : Est-ce que cela dépend de votre politique ou est-ce que vous blâmez les Africains et leur gestion?
M. Lynch : Cette question est extrêmement importante. Pourquoi est-ce que la croissance et le niveau de vie sont-ils demeurés si faibles en Afrique pendant les 30 dernières années? Dans plusieurs pays, comme M. Massé l'a fait remarquer, le niveau de vie était supérieur des années 1960 à ce qu'il est aujourd'hui. Cela est vrai dans de nombreuses régions et de nombreux cas. Pourquoi? Je ne crois pas que personne ne connaît la réponse aussi bien qu'il le faudrait. Les gens peuvent identifier des aspects du problème : des périodes prolongées de macropolitiques extrêmement néfastes, un taux d'inflation énorme, des politiques fiscales déficientes et une gestion sévère, mais il y a également les grands défis posés par le déclin de longue durée du prix des ressources naturelles, les ressources naturelles étaient le fondement de plusieurs de ces pays. Certains pays ont éprouvé des problèmes avec les subventions à l'agriculture.
Le travail accompli par le comité et l'essentiel de ce que le comité responsable de l'Afrique nous apprend est que le problème est si profond et si complexe qu'il ne peut être attaqué d'une manière fragmentée. Nous devons établir une approche globale et soutenue et avoir une bonne compréhension du problème. Il faut reconnaître que nous n'obtiendrons pas de réponse simple à la question que vous avez posée, mais que nous devons poursuivre nos efforts avec la meilleure politique dont nous disposons en travaillant de façon soutenue avec la population.
Nous identifions les bonnes pratiques et nous les améliorons de façon sérieuse. Quelques bons exemples sont en train d'émerger, et il y a beaucoup à apprendre de leurs succès.
Le président : J'ai oublié l'ordre de vos quatre sphères d'activités et par conséquent, je n'arrive pas à me rappeler à laquelle je vais faire référence si je demande s'il y a des liens avec NEPAD, c'est-à-dire avec le système d'examen des pairs.
Le système d'examen des pairs dont nous avons entendu parler dans le cadre du NEPAD touche-t-il le FMI?
Clairement, l'examen effectué par les pairs doit se faire avec la participation du secteur financier de base du pays. Il faut tenir compte d'un certain montant de recettes fiscales à recevoir, des dépenses du gouvernement, et cetera. Est-ce que le FMI participe au système d'examen des pairs du NEPAD?
M. Lynch : Le FMI est là pour le soutenir. Parce qu'il s'agit d'un examen par les pairs, il est en fait organisé et exécuté par les pays concernés. L'essentiel, c'est que les pays voisins s'examinent réciproquement et qu'ils présentent leurs points de vue. S'ils ont besoin de soutien, la consultation que nous effectuons en vertu de l'article IV est à leur disposition.
Vous avez raison lorsque vous dites qu'un aspect important de l'article IV, notre consultation auprès des pays, porte de plus en plus sur le secteur financier, parce que plusieurs de nos analyses indiquent que si les finances ne sont pas saines et soutenues, il n'y a pas de croissance intérieure et de petites entreprises.
La réponse est oui si les responsables du NEPAD en font la demande, car ce sont eux qui sont en charge.
Le président : Nous avons entendu parler du NEPAD et je comprends l'aspect relatif à l'article IV. Supposément, si le système d'examen des pairs du NEPAD est sérieux, vous auriez déjà reçu des demandes de leur part. Je n'ai pas compris clairement comment cela fonctionnerait vraiment. Si quatre pays font l'examen d'un pays X, on suppose que l'examen par les pairs se fait avec la participation des pays voisins ou que quelqu'un se charge d'examiner leur système de gouvernement. Est-ce que l'aide du FMI a été demandé dans le cadre d'un examen du secteur financier?
M. Lynch : Je ne sais pas. Il me fera plaisir de d'informer et de vous transmettre la réponse. Les documents sont à leur disposition. Jusqu'à quel point les utilisent-ils, je ne pourrais pas dire.
Le président : Je suis certain que les documents sont disponibles, la question est de savoir s'ils les ont utilisés.
[Français]
Le sénateur Robichaud : Dans les 184 rapports sur les consultations, quelles sont les considérations lorsqu'on parle de l'article 4? Est-ce qu'on tient compte du fait que dans certains pays, les populations ont moins de moyens pour se nourrir qu'ils en avaient auparavant? Ce facteur est-il considéré lorsqu'on parle de réduire la pauvreté? On nous a dit qu'en voulant faire évoluer ces pays vers le commerce international, certains d'entres eux ont perdu la capacité de se nourrir. Est-ce un facteur qui est pris en considération lorsqu'on parle de l'article 4?
M. Lynch : Vous soulevez un point intéressant au sujet de la capacité. Lorsqu'on fait l'évaluation annuelle de chaque pays, nous posons la question au gouvernement s'il a la capacité, au sein de la fonction publique, par exemple, de s'ajuster au commerce extérieur, de réguler le système financier ou d'adhérer à une banque centrale. Il est très facile de dire que nous sommes d'accord avec le fait d'avoir un taux d'inflation stable. Toutefois, si la capacité n'existe pas, s'il n'y a pas une banque centrale avec des fonctionnaires qui ont de l'expérience en la matière, il est très difficile d'atteindre les objectifs.
Une partie de notre suivi annuel consiste à tenter d'établir un bilan des capacités et d'avoir une discussion avec le gouvernement pour examiner les façons dont il serait possible d'augmenter la capacité et déterminer les priorités. Cette tâche nécessite beaucoup de temps.
Comme je l'ai dit plus tôt, en matière de commerce extérieur, il ne suffit pas de signer un accord international; des ajustements s'imposent. Voilà une des raisons pour lesquelles nous avons augmenté l'importance de ce facteur. La capacité constitue un des éléments que nous devons désormais considérer.
Le sénateur Robichaud : Je ne sais pas si j'ai compris. Vous parlez de la capacité de se nourrir?
M. Lynch : Il existe plusieurs éléments de capacité dans un pays. Notre travail se fait dans la politique macroéconomique, la politique en matière de commerce extérieur et la politique du secteur financier. La question de capacité oblige que nous saisissions bien où sont les faiblesses et où est le potentiel. Nous pouvons par la suite mettre l'accent de ce côté.
Le sénateur Robichaud : Vos rapports ne s'arrêtent donc pas sur le fait que les gens ont perdu la capacité de se nourrir et de poursuivre une agriculture traditionnelle qui n'est toutefois pas à la hauteur de celle que l'on retrouve dans les pays développés. Vous ne tenez pas compte de cet élément?
M. Lynch : C'est un peu comme s'il y avait une répartition des tâches entre ce que fait le FMI et la Banque mondiale et les banques régionales. Quand on procède à la révision d'un pays, on s'intéresse plus aux aspects des politiques monétaires et financières. On n'évalue pas la situation secteur par secteur. C'est une question qui relève plus de la Banque mondiale.
Le sénateur Corbin : J'ai beaucoup de peine à assimiler tout ce que vous nous avez dit cet après-midi. Je ne suis pas un économiste et je ne m'y connais pas beaucoup en finance, mais tout en vous écoutant et en écoutant mes collègues, j'ai essayé de lire rapidement le texte que vous nous avez remis. J'ai l'impression qu'il y a, si je m'en tiens à certaines conclusions que vous faites ressortir dans ce texte, une admission implicite selon laquelle vos politiques sont loin d'avoir atteint les buts fixés. Par exemple, c'est vous-même qui le dites, votre capacité analytique laisse à désirer.
Un récent rapport du Bureau indépendant d'évaluation conclut que le FMI doit mieux cibler les méthodes de fourniture de son assistance et se concentrer davantage sur les domaines prioritaires. Je lis à la page 4 que dans le contexte de ces études, le FMI doit chercher à mieux comprendre les causes et la dynamique des crises des comptes de capital et comment les pays affectés peuvent trouver accès au marché de capitaux internationaux.
Je pourrais continuer en ce sens. J'ai l'impression que pour une institution qui existe depuis plus de 60 ans, elle est loin d'être dotée de pouvoir analyser sur-le-champ et rapidement des situations de crise et dans ces post-crises, vous arrivez avec des nouvelles façons de faire. Je croyais qu'une institution aussi prestigieuse que la vôtre serait en mesure de saisir immédiatement la cause des problèmes et d'agir spontanément en vue de les résoudre. Si je me fie à ce que vous dites dans le texte, j'ai l'impression parfois que vous ressemblez à des universitaires qui font des analyses de cas plutôt que de résoudre les problèmes.
Votre énoncé me laisse perplexe. J'aimerais savoir combien de temps vous passez à faire des analyses de situation par rapport à des actions ciblées sur le terrain pour résoudre les crises, les situations de gouvernance et autres. Vous devez avoir une boutique impressionnante d'analystes, n'est-ce pas? J'apprécierais beaucoup d'ouverture et de franchise dans votre réponse. Il n'y a rien de mal à reconnaître que l'on n'est pas en pleine possession de la sagesse.
M. Lynch : Si vous pensez qu'il y a un élément d'analyse sous-jacent à la base de notre travail, vous avez raison, c'est exactement le cas. Nous avons 184 membres. S'il y a une crise dans un pays donné, nous devons en comprendre les raisons. Est-ce pour les mêmes raisons que la dernière fois? Est-ce que c'est une crise de compte courant ou de compte capital? Est-ce que c'est quelque chose qui arrive souvent à cause de la situation dans ce pays ou est-ce que cette crise est une réaction liée aux circonstances dans les autres pays de la région? C'est beaucoup plus évident après les faits que lors du moment des événements.
Typiquement, un pays nous demande des conseils. S'il était possible d'avoir une compréhension parfaite, ce serait bien, mais un monde comme cela n'existe pas. Il faut avoir une très bonne connaissance des possibilités. C'est un peu comme un patient qui se présente à l'hôpital. Le diagnostic de la maladie n'est pas toujours clair. Il faut prendre le temps d'en comprendre les causes. Lorsqu'il y a une crise de la balance des paiements, il faut faire un travail d'analyse afin de mieux comprendre les raisons qui ont conduit à cet état de choses pour établir le plan d'action approprié qui devrait remédier à la situation. Est-ce que le FMI peut essayer de comprendre la situation? Bien sûr, et nous mettons beaucoup d'énergie pour mieux comprendre les raisons pour lesquelles il y a un problème.
[Traduction]
Le sénateur Corbin : J'ai une question complémentaire.
M. Lynch : Il y a une critique fréquente du FMI à l'effet que si vous avez des problèmes avec votre balance des paiements, le FMI vous prescrira un remède financier qui ne sera pas facile à avaler. Ça fera mal pendant un moment et on promet que le futur sera meilleur. Cependant, le futur est toujours trop loin. Je suis certain que vous avez déjà entendu cela et que vous l'entendrez certainement en tant que nouveau membre du FMI.
D'un aspect très proche de votre question, le conseil a demandé au FMI d'examiner 260 exemples d'important redressement fiscal. Dans ces situations non viables, la communauté internationale a recommandé que d'importants redressements soient mis en oeuvre. Les redressements s'appliquaient à des pays très pauvres, à moyen revenu, avec des marchés industriels émergents. Le FMI a fait appel à l'exemple du Canada à cause de l'important redressement fiscal qu'il a effectué au milieu des années 1990.
Le résultat surprenant est que dans la majorité des cas, le degré de répercussions économiques négatives à court terme fut extrêmement moins prononcé que celui qui avait été prévu et que les gains ont été à la fois plus importants et se sont produits plus tôt que prévu. En d'autres termes, ce que nous oublions généralement, c'est que lorsque vous êtes dans une période fiscale ou monétaire très difficile, vous causez déjà des torts à votre économie. Si vous éliminez le problème fiscal ou monétaire, vous obtenez une réponse vraiment positive. Il est intéressant de constater que les résultats des programmes de macrocorrection bien élaborés, mis en œuvre rapidement et bien compris dans toute une variété de situations se sont révélés plus positifs que les programmes qui agissent plus lentement, qui ont été moins bien préparés, ou lorsque la situation est laissée à elle-même.
Le sénateur Corbin : Êtes-vous prêt à admettre vos échecs?
M. Lynch : Personnellement? Certainement.
Le sénateur Corbin : Il y a eu des échecs dans vos politiques. Certains programmes n'ont pas bien fonctionné dans certains pays. Êtes-vous prêt à admettre que cela est vrai et pouvez-vous nous donner des exemples?
M. Lynch : Comme je l'ai dit plus tôt, c'est une expérience d'apprentissage. Pour répondre à la question du sénateur Downe, le bureau d'évaluation indépendant a examiné les différents fonds. Il a présenté un excellent rapport sur l'expérience de l'Argentine. Ce rapport contenait de nombreuses critiques envers le FMI et les organisations qui sont intervenues, des suggestions pour le futur et les moyens qui permettraient d'éviter que ce problème survienne à nouveau.
Il faut réaliser cette analyse pour en tirer des leçons pour l'avenir. Est-ce que nous réussissons mieux la conditionnalité qu'auparavant? Pouvons-nous travailler non seulement avec le gouvernement, mais aussi avec le parti? Sans aucun doute. Nous avons réalisé des progrès et il y en a encore beaucoup à faire. Je suis d'accord avec votre affirmation; il faut que ce soit une organisation intelligente qui repose sur du travail d'analyse.
Le sénateur Corbin : Comment décririez-vous votre expérience avec le FMI?
M. Lynch : C'est un travail d'analyse comparative. C'est réaliser des prévisions sur l'économie mondiale. Un important prévisionniste international de ce genre peut obtenir une bonne économie de base mais cela est plus difficile dans le cas des prévisions qui englobent tous les pays qui doivent prendre des tournants décisifs. Par définition, ils seront touchés par des tendances et des déséquilibres, mais pas des chocs. Les vrais combats ont lieu lorsqu'il y a des chocs et nous devons être prêts à y réagir. Tout le monde est différent par définition.
Le sénateur Corbin : Je vois que vous représentez aussi Antigua, la Barbade, les Bahamas, le Belize, le Canada, la Dominique, la Grenade, l'Irlande, la Jamaïque, Saint-Kitts-et-Nevis, Sainte-Lucie et Saint-Vincent-et-les-Grenadines. Pourquoi ces pays sont-ils regroupés avec le Canada?
M. Lynch : Je ne suis pas totalement certain, pour être franc avec vous. Il y a 184 États membres dans le FMI et 24 membres font partie du conseil d'administration. La plupart des pays font partie d'un groupe. Il n'y a seulement que cinq ou six pays qui ne représente qu'eux-mêmes.
Le sénateur Corbin : Quels sont ces pays?
M. Lynch : Il y a les États-Unis, l'Allemagne, le Japon, la France, le Royaume-Uni et l'Arabie saoudite.
Le sénateur Corbin : C'est étrange.
M. Lynch : Tous les autres font partie d'un groupe de pays. Généralement, il y dans chaque groupe un membre dominant en terme de quote-part, mais il y en a d'autres. Franchement, ce système est vraiment utile parce que cela diversifie les expériences. Le travail effectué avec les représentants des Caraïbes est très différent de celui accompli avec les Irlandais ou les Canadiens et cela apporte au groupe une compréhension des défis des différents pays.
Le sénateur Corbin : Pourquoi ne pas inclure un ou deux pays africains dans votre groupe?
M. Lynch : Je ne connais pas très bien la répartition des pays. Il y a plusieurs représentants africains dans le conseil et chacun représente un groupe de pays. Généralement, il y a un facteur de proximité géographique, bien que l'Irlande soit plus loin que d'autres. Je ne sais pas la réponse à cette question.
Le président : Les anciennes colonies françaises d'Afrique, par exemple, sont maintenant des pays indépendants. Ils ne sont pas représentés par la France. Qui les représentent?
M. Lynch : Il y a deux groupes de pays africains dans le conseil d'administration et se sont eux qui représentent la grande majorité des pays de l'Afrique subsaharienne.
Le président : Parmi les 24 membres du conseil d'administration?
M. Lynch : Oui. Une des améliorations apportées pendant les dix dernières années a été d'augmenter la représentation de l'Afrique au conseil.
Le président : Tenez-vous des réunions avec tous les184 membres? Cela semble impossible à gérer.
M. Lynch : La plupart des 184 se présentent au conseil en vertu de l'article IV.
Le président : Ils ne se présentent pas directement, mais plutôt par l'entremise des 24 directeurs, c'est bien cela?
M. Lynch : C'est juste. Le rapport sur leur pays rédigé conformément à l'article IV est présenté au conseil. À chaque année, le conseil examine tous les rapports rédigés conformément à l'article IV pour tous les pays.
Le sénateur Downe : J'ai une question complémentaire. Parmi les 24 directeurs du conseil d'administration, combien viennent de l'Afrique?
M. Lynch : Il y a deux groupes entiers de pays africains et quelques États du Nord de l'Afrique sont dans d'autres groupes. Il y a deux groupes pour la région subsaharienne. La région au nord du Sahara fait partie de groupes plus grands.
Le sénateur Downe : Cela fait deux sur 24 et vous avez dit que la proportion avait été augmentée, cela veut dire qu'avant c'était un sur 24.
M. Lynch : Il s'agissait d'un groupe mixte qui est devenu100 p. 100.
Le président : Avant de donner la parole au sénateur Mahovlich et au sénateur Robichaud, je veux dire que je pense que le sénateur Corbin a soulevé une bonne question.
Nous sommes en train d'étudier l'Afrique, pas le monde et le FMI est une organisation mondiale. Lorsque nous demandons si l'organisation apprend de son expérience, nous ne pouvons nous empêcher de conclure que non, le FMI n'a pas appris beaucoup.
Je repense à l'Argentine et à l'effondrement qu'a connu ce pays. Je ne me rappelle pas le dernier effondrement. Je me souviens également du précédent effondrement au Mexique.
J'ai travaillé comme analyste à la fondation Carter au Mexique, en 1991. Je me rappelle avoir dit qu'un effondrement était imminent. Le FMI n'a pas annoncé qu'il y aurait un effondrement, mais si vous regardiez la situation, que vous parliez aux gens et que vous aviez des connaissances sur les traditions du pays, vous saviez que la situation était non viable. Cela vient de l'expérience. Vous faites ce travail pendant des années et vous comprenez ce qui se passe.
Je pense que le FMI est important. Je ne veux pas saisir cette occasion pour attaquer le FMI. Par contre, il y a eu l'effondrement en Extrême-Orient. Je me souviens que la Banque mondiale — et pas le FMI — avait été obligée de retirer son propre rapport et ses prédictions. Je suis certain que vous vous en souvenez.
Il semble que nous soyons en présence d'un système où il faut être présent et prévenir les échecs, ce que le FMI ne semble pas avoir très bien réussi.
M. Lynch : À chaque fois qu'il se produit une crise de la balance des paiements, c'est une crise de trop. Je suis d'accord avec vous sur ce point.
Notre objectif est d'essayer d'identifier les problèmes avant qu'ils ne se produisent et d'essayer de convaincre les autorités responsables qu'il est préférable d'agir le plus rapidement possible plutôt que d'attendre que la crise se produise et d'y réagir ensuite. Parfois, le FMI dispense ces conseils, mais les pays ne veulent pas toujours les accepter. Nous ne pouvons rien faire de plus que donner des conseils, nous ne pouvons pas les obliger à les suivre.
Monsieur le président, vous avez soulevé la question de l'Argentine, et il n'y a aucun doute que plusieurs signes de danger nous ont échappé. Parfois, personne ne les voit. Parfois, des conseils sont prodigués mais ils sont ignorés. En d'autres occasions, le système fonctionne bien; les conseils sont dispensés, ils sont acceptés et les problèmes sont évités.
Le président : Le rêve que le peso argentin soit équivalent à un dollar américain demeurait présent à l'esprit de ceux avec qui j'ai discuté du fait que la situation était non viable et qu'un effondrement était inévitable, mais la communauté financière internationale semblait tellement l'apprécier qu'elle a attendu que l'effondrement se produise.
Le sénateur Mahovlich : J'ai une question de plus à propos de l'Argentine. J'ai l'impression que la solution doit venir de la base et non du sommet.
Pensez-vous que le système fonctionnera en Argentine et que le pays arrivera à faire tourner le vent?
M. Lynch : C'est une très bonne question. Les consultations au titre de l'article IV commenceront au FMI dans les deux prochains mois et le conseil examinera si les politiques actuelles permettront au pays d'avoir une croissance soutenue.
Le ratio de la dette au PIB est élevé, les comptes courants sont déficitaires, le système de transferts financiers éprouve des problèmes et il y a toujours la question des créanciers qui ont été exclu de la restructuration. Le gouvernement de l'Argentine et la communauté internationale ont encore d'importants problèmes à régler. Ils font certainement tous l'objet de discussions.
Le sénateur Mahovlich : Ont-ils une dette plus élevée que ce qu'ils peuvent assumer?
M. Lynch : Une grande partie de la dette a été annulée. Près de 66 p. 100 des créanciers ont participé à la restructuration et34 p. 100 n'y ont pas participé. Le FMI a indiqué que pour régulariser les relations, il faut qu'un nombre raisonnable des créanciers exclus acceptent la restructuration, ce qui est toujours un défi dans toutes les initiatives de restructuration de dette à l'échelle internationale. C'est une question importante et vitale.
Le sénateur Mahovlich : Qu'est-ce qui est raisonnable?
M. Lynch : Cette considération fait toujours partie de la restructuration.
Le président : En fait, ils empruntent de l'argent qu'ils ne sont pas capables de rembourser, alors ils ne la remboursent pas.
[Français]
Le sénateur Robichaud : Lorsqu'il a été recommandé aux pays africains d'éliminer les subventions à l'agriculture — il s'agissait d'une dépense considérable pour chacun de ces régimes puisqu'on avait éliminé certaines façons d'agir qui offraient aux producteurs un certain marché pour leurs produits — le Fonds monétaire international a-t-il été impliqué pour recommander que ces pays abandonnent complètement ces subventions, pour pouvoir ajuster leur capacité de pouvoir administrer leurs besoins à l'intérieur et à l'extérieur du pays?
M. Lynch : Je ne suis pas sûr exactement des recommandations du FMI. Du point de vue de l'approche fiscale, le FMI essaye de réduire les subventions, s'il y a une distorsion dans l'économie. Du point de vue de l'Office de commercialisation, je pense que plusieurs pays ont eu des problèmes avec celui-ci à cause de son inefficacité.
Je pense qu'il n'y a pas eu de conseil par rapport à quelque chose de très spécifique. C'est pourquoi il faut avoir un système plus ouvert axé sur le marché, afin de réduire les subventions et avoir un processus d'ajustement raisonnable.
C'est à nous de faire des recommandations très précises pour un secteur spécifique. Réduire les subventions et essayer d'introduire un système plus sensible aux signaux du marché, c'est beaucoup plus général.
Le sénateur Robichaud : Réalisez-vous qu'il faut absolument que ces pays reçoivent de l'aide pour pouvoir se nourrir parce qu'ils ne produisent plus?
[Traduction]
M. Lynch : Je peux peut-être répondre à partir de deux points de vue.
Il existe deux types de subventions : les subventions aux consommateurs et les subventions aux producteurs. Il y a des subventions explicites aux producteurs qui proviennent des transferts gouvernementaux et il y a des subventions implicites qui viennent des offices de commercialisation. Aussi, il y a un problème de subvention au niveau des compétiteurs. Dans certains secteurs, il y a d'importantes subventions hors de l'Afrique qui ont des répercussions sur les prix relatifs. Les méthodes sont différentes selon les pays, il n'y a pas d'approche commune.
Un pays peut recevoir des conseils spécifiques et des conseils généraux. Je pense qu'en général les conseils du FMI sont axés vers la libéralisation des échanges pour réduire les subventions qui faussent les échanges, plus spécialement celles qui influencent le développement des plus faibles revenus, et s'assurer que des programmes de correction sont en place. L'objectif est d'augmenter la productivité de l'agriculture; ce n'est pas de réduire l'activité agricole, mais de faire en sorte que l'agriculture soit plus productive dans ces pays et pour ce faire, il faut investir dans les processus et les méthodes.
Il faut penser à ce qui se passe à l'extérieur du pays, pas seulement à ce qui se passe dans le pays. Si vous changez unilatéralement quelque chose dans un pays sans avoir la possibilité d'apporter une modification au contexte global, vous pouvez obtenir des résultats qui ne sont pas nécessairement ceux qui auraient été obtenus s'il y avait eu un consensus général envers l'approche.
Le sénateur Robichaud : C'est ce qui s'est passé, n'est ce pas? Ces pays ont diminué leurs subventions à la production. D'autres pays européens et même les États-Unis ont continué d'accorder des subventions à la production, ce qui a produit une situation dans laquelle ils ne pouvaient plus concurrencer les produits subventionnés provenant des ces pays développés.
M. Lynch : Je ne suis pas un expert en agriculture.
Le sénateur Robichaud : Cela concerne l'agriculture et de tout le reste.
M. Lynch : Le FMI pense qu'en général, il devrait y avoir le moins de subventions possibles. Premièrement, les pays pauvres ne peuvent se permettre d'accorder des subventions, et deuxièmement, les pays riches ne devraient pas avoir de subventions. Des deux points de vue, plus vous encouragez une concurrence équilibrée en effectuant les corrections appropriées, meilleurs sont les résultats.
Simultanément, il a fallu composer avec le déclin du prix réel des matières premières agricoles des dernières 30 à 40 ans. Nous l'avons constaté dans notre groupe des Caraïbes dont certaines îles ont été soumises à de grandes tensions. À cause du nouveau prix de ces matières découlant des nouvelles sources d'approvisionnement et des nouveaux concurrents, ils ont plus de difficultés à conserver ce qu'ils ont, comme c'est le cas en Amérique latine et en Amérique du Sud.
Cela ne relève pas seulement des subventions, mais on remarque une augmentation généralisée de la production agricole et il faut réinvestir dans la technologie et les procédés. C'est aussi un défi en matière d'investissement. Il faut écarter les distorsions et promouvoir une agriculture à haute valeur ajoutée, dans la mesure du possible.
Le sénateur Robichaud : Lorsque vous parliez de la question des subventions, vous avez dit que nous devrions tenter d'avoir une concurrence plus équilibrée. Pensez-vous que nous avons travaillé un peu en ce sens, par rapport aux pays africains?
M. Lynch : Je pense le commerce est certainement meilleur aujourd'hui qu'il ne l'était il y a 20 ou 30 ans. Est-ce qu'il est aussi bon qu'il pourrait l'être? Non, il n'est pas aussi bon qu'il pourrait l'être. L'agriculture occupe une place importante au cycle de Doha justement en raison de ce que vous avez mentionné. La libéralisation du commerce est positive et elle a eu des effets positifs sur des pays comme le nôtre. Dans l'ensemble, elle a été positive, mais le secteur de l'agriculture à été l'un des secteurs où il a été difficile de réaliser des progrès. Ce sujet est très important à Doha parce qu'il aura des effets positifs si nous arrivons à faire des progrès dans un certain nombre de pays africains, ainsi que dans d'autres pays qui dépendent encore fortement sur l'agriculture.
Le sénateur Robichaud : Est-ce que nous faisons des progrès vers une concurrence plus équilibrée?
M. Lynch : Cela dépendra des résultats du cycle de Doha. C'est pourquoi il est très important que les conclusions soient positives.
Le président : Je pense que vous avez bien fait valoir cette idée. Cela revient à une question que le comité a déjà entendue : nous demandons à d'autres pays de mettre en œuvre des mesures que nous n'appliquons pas nous-même.
Le sénateur Corbin : Ma question ne sera pas difficile. Je trouve que M. Lynch est très diplomate. Il n'identifie que très peu de pays lorsqu'il donne des détails sur les politiques du FMI.
En référence avec le dernier paragraphe de la page 2 devotre texte, j'aimerais que vous me donniez un exemple d'un« mécanisme de surveillance plus poussée dirigé par les pays » qui ferait l'objet d'une surveillance plus fréquente de la part des employés du FMI.
Pouvez-vous me citer un exemple où des résultats plutôt positifs ont été obtenus de ce qui semble être une nouvelle approche du FMI?
M. Lynch : Il y a eu une expérience réussie dans notre groupe. C'est le cas de la Jamaïque. La Jamaïque n'a pas de programme de prêt avec le FMI depuis un bon moment. Elle veut avoir accès aux marchés financiers internationaux et veut avoir de meilleures relations avec la communauté des donateurs.
Les responsables de ce pays ont travaillé avec le Canada au FMI en vue de présenter quatre objectifs explicites en matière de politiques dirigés par les pays pour les deux prochaines années. La Jamaïque a demandé au FMI d'évaluer ces objectifs et d'informer les autres pays si elle les atteint ou non. La Jamaïque veut savoir si elle vise trop haut, pas assez haut et si le FMI pense qu'elle devrait aller plus loin. Le FMI a accepté de participer à titre expérimental.
Le Nigeria a aussi présenté une demande semblable au FMI. Il a de bonnes recettes pétrolières, comme vous le savez, mais il a éprouvé des difficultés avec ces revenus dans le passé. Par conséquent, il s'est fixé un certain nombre d'objectifs et il en demande l'approbation par une tierce partie pour assurer à ses propres citoyens, aux marchés et aux donateurs qu'il respecte ses propres programmes. Il demande que cela soit fait deux fois pas année, pas une seule fois comme le veut la procédure du FMI.
Le sénateur Corbin : Pouvez-vous nous donner un exemple d'un cas où ce mécanisme a permis d'identifier des problèmes importants?
M. Lynch : Cela ne fait que deux ans que cela existe, et il s'agit de nos deux projets-pilotes. Ce sont les deux seuls pays qui ont présenté des demandes. Nous sommes en train de décider si cela devrait devenir un programme régulier.
Dans ses commentaires et dans la déclaration qu'il a faite dans le cadre des réunions du printemps, M. Goodale a demandé au FMI d'inclure ce mécanisme dans le coffre à outils du FMI parce qu'il nous permet de participer en tant que tierce partie qui peut envoyer des signaux aux donateurs et aux marchés. Un petit pays qui a éprouvé des problèmes dans le passé ne veut pas que son passé soit constamment rappelé. Il veut être jugé sur ce qu'il fait aujourd'hui et sur ce qu'il pourrait faire demain, pas sur ce qui s'est produit auparavant. Ça semble être un mécanisme utile.
Le sénateur Corbin : Il aide aussi à rassurer les citoyens de ces pays envers leurs politiques.
M. Lynch : En fait, ces deux gouvernements lui attribuent une assez grande distribution.
Le sénateur Corbin : En d'autres mots, c'est un avantage politique pour le gouvernement en place.
M. Lynch : Certainement, c'est aussi un facteur incitatif pour l'atteinte des objectifs, ce qui n'est pas mauvais pour personne.
Le sénateur Corbin : C'est une excellente initiative.
Le président : Sur ce, je vais lever la séance. Nous sommes très heureux de vous ayez pu venir nous rencontrer. Nous avions quelques connaissances sur le FMI, mais vos explications ont été très utiles aux membres du comité.
Lorsque nous avons parlé ensemble à votre arrivée, je crois que vous avez proposé que nous rencontrions, si nous le pouvons, un représentant de la Banque africaine de développement. Je pense que c'est une très bonne suggestion.
Je rappelle aux sénateurs que demain, nous entendrons le témoignage de notre négociateur en matière de commerce agricole. Sénateur Robichaud, j'espère que nous pourrons obtenir des réponses aux questions que vous avez posées, bien que les négociateurs aient leur réputation. Ils ne discutent pas des négociations en cours.
La séance est levée.