Délibérations du comité sénatorial permanent des
Langues officielles
Fascicule 3 - Témoignages du 15 novembre 2004
OTTAWA, le lundi 15 novembre 2004
Le Comité sénatorial permanent des langues officielles se réunit ce jour à 17 h 3 pour étudier le rapport annuel pour l'année 2003-2004 de la commissaire aux langues officielles, déposé au Sénat le 19 octobre 2004.
Le sénateur Eymard G. Corbin (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Honorables sénateurs, je tiens à vous remercier de votre présence parmi nous ce soir. Malheureusement, en raison d'une tempête de neige précoce et déchaînée, au moins un des membres de notre comité n'arrivera pas à temps, bien qu'il puisse se joindre à nous un peu plus tard. Je parle du sénateur Comeau. Quant au sénateur Buchanan, il mérite des félicitations pour avoir pu se rendre ici, mais c'est vrai qu'il habite Halifax.
Avant d'inviter le ministre à nous parler de ses attributions, je précise qu'il devra nous quitter pour participer aux votes différés qui ont lieu à la Chambre des communes, ce qui fait qu'il ne pourra pas demeurer ici au-delà de 18 h 15, même si la Chambre est à quelques pas de cette salle.
Par ailleurs, je prie les membres du comité de rester là après l'audience avec le ministre afin que nous puissions étudier à huis clos les avant-projets de budgets pour le reste de cette année financière et pour la prochaine, ainsi qu'un avant-projet de budget relatif à des études spéciales, conformément au Règlement du Sénat.
[Français]
Chers collègues, il me fait plaisir de vous présenter l'honorable Mauril Bélanger, membre du Conseil privé, leader adjoint du gouvernement à la Chambre des communes, ministre responsable des langues officielles, ministre responsable de la réforme démocratique et ministre associé de la Défense nationale. Il est accompagné de Mme Marie Fortier, sous-ministre aux affaires intergouvernementales.
Monsieur Bélanger, nous sommes remercions de votre présence. Je vous demanderais de bien vouloir vous présenter.
L'honorable Mauril Bélanger, ministre responsable des langues officielles : Je voudrais confirmer que c'est à titre de ministre responsable des langues officielles que je comparais aujourd'hui, pour vous faire part de ma vision du rôle et des responsabilités qui m'incombent.
Comme vous l'avez souligné, je suis accompagné de Mme Marie Fortier, sous-ministre des affaires intergouvernementales au Bureau du Conseil privé, et responsable du secrétariat pour les langues officielles à l'intérieur du Conseil privé.
Au mois de juillet dernier, j'ai accepté avec plaisir ces responsabilités que le premier ministre m'a offertes. Je suis honoré de la confiance qu'il m'a démontrée. Il peut être assuré que je remplirai mes fonctions de ministre avec la même ardeur que j'ai accompli mon travail de député et de président des comités des langues officielles, que ce soit le comité mixte ou encore le comité permanent de la Chambre des communes. Mes convictions n'ont pas changé. Je suis fier de mes racines et de mon appartenance à la francophonie canadienne.
Je n'oublie pas que nos partenaires des communautés anglophones du Québec vivent une situation qui leur est propre. Ils sont aussi sensibles à certaines difficultés et à certains avantages; on ne peut ignorer leur réalité. Elle n'est pas la même sur tous leurs territoires, comme la réalité des francophones peut être différente à l'extérieur du Québec.
Permettez-moi de vous rappeler l'engagement renouvelé du gouvernement du Canada envers la dualité linguistique. On retrouve cet engagement dans le discours du Trône du 5 octobre 2004, qui réitère que le gouvernement — et je cite :
...s'emploie à appliquer le Plan d'action en matière de langues officielles, et il continuera de promouvoir la vitalité des communautés minoritaires de langues officielles.
Le mandat et les responsabilités du ministre responsable des langues officielles sont décrits dans le cadre d'imputabilité et de coordination du Plan d'action pour les langues officielles, le fameux « plan d'action ». Si des gens veulent en obtenir une copie, il nous fera plaisir de leur fournir une.
Le ministre joue un rôle de coordination qui permet au gouvernement de conserver une approche globale dans le dossier des langues officielles. Il est appuyé par un groupe de ministres — en l'occurrence les ministres du Patrimoine canadien, de la Justice, du président du Conseil du Trésor et du président du Conseil privé — qui ont un mandat en vertu de la Loi sur les langues officielles, ou des ministres qui ont un rôle à jouer dans la mise en œuvre du plan d'action. Dans ce cas, il s'agit, en plus des ministres cités plus haut, des ministères suivants : les ministères de la Citoyenneté et de l'Immigration, de l'Industrie, des Ressources humaines et du Développement des compétences, du Développement social et de la Santé.
Tous ces ministères ont un rôle à jouer et ce rôle est identifié précisément dans le plan d'action. Avec ses collègues, le ministre responsable facilite la communication entre le gouvernement et les communautés, entre le gouvernement et la commissaire aux langues officielles, entre le gouvernement et les comités parlementaire au sujet de leurs priorités. Le ministre s'assure que les questions de langues officielles soient portées à l'attention du gouvernement, entre autres, lorsque de nouvelles initiatives, telle la création d'un système de garderie, sont présentées au cabinet.
Le ministre fait état de la position du gouvernement dans des dossiers d'actualité où les langues officielles sont un enjeu. Il rassemble ses collègues et consulte les représentants des communautés et d'autres intervenants au moins une fois l'an, comme nous l'avons fait dernièrement. Il fera rapport au gouvernement sur la mise en œuvre du plan d'action à l'automne prochain et à la fin de la période de cinq ans, soit en 2008.
Le ministre est aussi responsable d'appuyer ses collègues qui ont des responsabilités dans le domaine des langues officielles, de coordonner les réponses du gouvernement au rapport de la commissaire aux langues officielles et des comités de la Chambre et du Sénat et de coordonner la mise en œuvre du plan d'action en matière de recherche et d'outils d'évaluation.
Ceci m'amène au Plan d'action pour les langues officielles avec lequel vous êtes sans doute familier. Plusieurs d'entre vous aurons d'ailleurs suivi son élaboration depuis son annonce le 12 mars 2003. À cette date, le gouvernement du Canada dévoilait son Plan d'action pour les langues officielles qui vise à donner un nouvel élan à la dualité linguistique canadienne. Ce plan prévoit des investissements de plus de 750 millions de dollars sur cinq ans dans quatre domaines prioritaires, soit l'éducation, le développement des communautés, la fonction publique canadienne et les industries de la langue.
La mise en œuvre du plan est au cœur de mes activités à titre de ministre responsable des langues officielles. Ce plan ne pourra réussir sans la participation d'un grand nombre d'intervenants. Nous comptons sur le gouvernement fédéral, bien sûr, mais également sur les gouvernements provinciaux, territoriaux et, dans certains cas, municipaux. Il faudra que s'impliquent également les institutions œuvrant dans les secteurs de l'éducation, de la santé, de la justice, de l'immigration, du développement social, du développement économique et communautaire et surtout les communautés de langue officielle de l'ensemble du pays, anglophones et francophones. J'entends travailler de très près avec tous ces partenaires pour mettre en œuvre l'ambitieux projet que s'est donné le gouvernement du Canada en matière de langues officielles.
Près d'un an et demi après l'annonce du plan, le 12 mars 2003, des bases solides ont été édifiées à chacun des ministères responsables d'un volet de ce plan. Le travail est bien amorcé et s'intensifiera au cours des prochains mois.
Le tout est assorti d'un cadre d'imputabilité et de coordination. En consultation avec les communautés de langues officielles et en situation minoritaire, un cadre d'imputabilité et de coordination a été développé. Ce cadre prévoit que les communautés de langue officielle en situation minoritaire seront consultées au moins une fois l'an sur la mise en œuvre du Plan d'action pour les langues officielles. Afin de donner suite à cet engagement, la direction des langues officielles du Bureau du Conseil privé a élaboré un cycle de consultation qui prévoit la tenue de deux rencontres annuelles avec les communautés de langue officielle vivant en situation minoritaire.
Je sais combien le terme « situation minoritaire » peut déplaire à certains. Par conséquent, j'utiliserai le terme « communauté de langue officielle ».
L'une de ces deux consultations aura lieu au printemps de chaque année. Elle se fera avec les hauts fonctionnaires des ministères participant à la mise en oeuvre du plan d'action et des représentants des communautés. Une deuxième consultation se tiendra à l'automne avec les ministres de ces mêmes institutions.
Quatre consultations ont déjà eu lieu. Deux se sont tenues avec les hauts fonctionnaires, en mai 2003, peu de temps après l'annonce du plan d'action, et en mars 2004. Deux autres se sont tenues avec les ministres, soit en octobre 2003 et en octobre 2004. Les deuxièmes consultations ministérielles auprès des communautés de langues officielles ont eu lieu à l'édifice du Centre le 27 octobre dernier.
Je dois reconnaître que le format de ces consultations reste peut-être à être raffiné. Il n'en demeure pas moins que ces consultations témoignent d'un engagement sans précédent de la part des institutions fédérales envers le développement et l'épanouissement des communautés de langue officielle.
Je m'attarderai maintenant brièvement à la question du cadre horizontal de gestion et de responsabilisation axé sur les résultats. Cet outil deviendra d'ailleurs très important.
Le Bureau du Conseil privé travaille présentement à l'élaboration de ce cadre horizontal de gestion et de responsabilisation axé sur les résultats pour le programme des langues officielles. Des représentants des communautés, des provinces et des territoires ainsi que des institutions fédérales ont récemment participé à des ateliers au cours desquels on a discuté des objectifs à atteindre. Le cadre sera un outil essentiel pour faire rapport aux Canadiens. Il établira le rôle de chacun, la façon dont ce rôle doit être rempli et servira de fondement au rapport qui sera publié à l'automne 2005.
L'engagement du gouvernement du Canada à l'égard de la dualité linguistique est sans équivoque. Le discours du Trône du 5 octobre réaffirme que le gouvernement s'emploiera à appliquer le Plan d'action en matière de langues officielles et qu'il continuera de promouvoir la vitalité des communautés minoritaires de langue officielle.
En tant que ministre responsable des langues officielles, j'ai le privilège d'avoir été mandaté pour coordonner l'apport des différents ministères à cet important exercice. À mon avis, il ne fait aucun doute que nous sommes sur la bonne voie. J'espère avoir l'occasion, lorsque je répondrai à vos questions, d'élaborer sur les liens que j'entends tisser avec les différents ministères ayant un mandat spécifique dans le plan d'action, les comités parlementaires et, certainement, les communautés de langue officielle. D'ailleurs, depuis ma nomination, j'ai eu l'occasion de visiter des communautés de langue officielle en Colombie-Britannique, en Alberta, en Saskatchewan et en Ontario. Je rencontrerai celles des autres provinces sous peu.
Je me suis également rendu en Acadie au mois d'août à l'occasion du Congrès mondial Acadien. Lors de ce congrès, j'ai eu l'occasion de m'entretenir avec des représentants de la Fédération des communautés francophones et acadienne. Je me suis engagé envers eux à être présent sur le terrain afin de pouvoir véhiculer leur message de façon précise auprès de mes collègues.
Le président : Je vous remercie, monsieur le ministre. J'ai l'impression que vous auriez pu nous en dire davantage et nous amener dans les dédales et les couloirs de la bureaucratie. En ce qui concerne l'ensemble des services du gouvernement fédéral en matière de langue officielle, tout est devenu si compliqué que le commun des mortels ne s'y reconnaît pas toujours.
J'aimerais ouvrir le débat en vous posant la question suivante, de façon un peu crue, si vous me le permettez. Êtes-vous le super ministre des langues officielles?
M. Bélanger : Non, et ce concept n'existe pas en tant que tel. On parle plutôt d'un ministre ayant un rôle de coordination. Prenons l'exemple du ministère du Patrimoine canadien. À l'intérieur de ce ministère on retrouve une multitude de programmes d'appui aux communautés de langue officielle ou d'appui aux provinces, qu'il s'agisse d'ententes bilatérales ou multilatérales, dans les domaines de l'éducation, des arts et de la culture. Ces programmes viennent appuyer également les organismes des communautés. Nous avons les fameuses ententes Canada-communautés et plusieurs autres initiatives telles le PICLO et l'aide aux municipalités.
On retrouve au ministère de l'Immigration un nouveau rôle qui est en train de se développer avec les communautés par le biais de deux comités consultatifs nationaux qui furent créés : un pour la communauté anglophone et l'autre pour la communauté francophone. Cette initiative est très prometteuse.
Dans le secteur de la santé, deux comités consultatifs furent également créés avec les communautés. Depuis ce temps, des programmes ont été initiés.
[Traduction]
Nous disposons d'une enveloppe de 119 millions de dollars affectés à la santé. Nous nous sommes dotés de programmes cherchant à attirer ou à retenir les professionnels de la santé dans les collectivités qui en ont besoin, compte tenu de la dimension linguistique.
La même chose se passe à Industrie Canada pour ce qui est du développement économique des mêmes collectivités.
[Français]
C'est la même chose au ministère de la Justice, et ainsi de suite.
Mon rôle est, premièrement, de m'assurer que tous ceux qui ont un rôle spécifique dans le plan d'action observent la mise en œuvre de ce plan d'action. Plusieurs ministères ont un rôle spécifique; certains où ça va très bien et d'autres où cela pourrait aller un peu mieux. Il m'appartient à prime abord de les encourager. Si l'encouragement ne suffit pas, je devrai utiliser d'autres méthodes. Nous verrons à ce moment-là.
J'ai ensuite le rôle de voir au respect de la Loi sur les langues officielles. Toutes les agences et tous les ministères, au-delà du plan d'action, sont assujettis à la Loi sur les langues officielles, ainsi que toutes les institutions fédérales. Il existe une multitude de mécanismes à cette fin. Comme vous les connaissez probablement aussi bien que moi, on s'attend à ce qu'une trentaine d'eux aient établi ou élaboré un plan d'action qu'ils doivent présenter et qui doit avoir fait l'objet de consultations étroites avec les communautés.
Le Parlement s'est doté d'un mécanisme via le Commissariat aux langues officielles qui fait des rapports annuels et des rapports périodiques pour porter à l'attention du gouvernement et du Parlement des lacunes. Il m'appartient de m'assurer que là où des lacunes sont identifiées on fasse ce qui s'impose. C'est un travail de coordination plutôt qu'un travail de super ministre. Je ne sais pas s'il existe des super ministres, mais je n'en suis pas un.
Le président : Je me demande pourquoi le gouvernement a décidé d'opter pour cette façon de faire plutôt que d'établir un ministère des langues officielles.
M. Bélanger : Cela fait un bout de temps que cela a été établi. Si je me souviens bien, au moment où la décision a été prise — je n'étais pas impliqué — c'était suite à des consultations avec les communautés. Les communautés étaient partagées, à savoir s'il devait y avoir un ministère seulement ou une obligation établie dans chaque ministère, par rapport à son rôle et ses responsabilités vis-à-vis les communautés. C'est ce vers quoi le gouvernement s'est dirigé. Depuis, force m'est de reconnaître qu'au niveau de la santé, beaucoup de travail a été fait.
Au niveau du développement économique, c'est la même chose, et pour la formation de la main-d'œuvre, c'est aussi la même chose. Au niveau de l'immigration, c'est en train de se faire. Par ailleurs, des comités consultatifs viennent d'être créés dans d'autres domaines.
Sur une période de temps qui ne sera pas trop longue, espérons-le, on peut s'attendre à ce que dans chaque ministère d'importance pour les communautés de langue officielle, une évolution se fasse sentir. C'est le pari que nous avons fait et, jusqu'à maintenant, j'ose croire et affirmer que le pari semble fonctionner.
Le sénateur Chaput : C'est toujours un plaisir, monsieur le ministre, de vous écouter et d'entendre vos sages paroles. Je dois vous avouer que ce que vous avez dit au début de votre présentation m'a rassurée. Vous avez dit : « Pour moi, je n'ai aucun doute que... ». Je me suis alors dit que si le ministre n'a aucun doute, cela devrait fonctionner.
Ceci dit, c'est devenu très compliqué pour les communautés de langue officielle. Elles doivent faire affaires avec plusieurs intervenants et plusieurs ministères. Je me souviens qu'il y a bien des années la décision avait été prise que le ministère du Patrimoine canadien irait chercher auprès des autres ministères la part qui nous revenait. Nous n'avons pas eu le choix en tant que communauté de langue officielle de le faire et les es autres ministères fédéraux avaient des responsabilités.
Cela n'a été pas facile et ce ne l'est toujours pas aujourd'hui. Vous avez le Plan des langues officielles sous votre gouverne et vous êtes responsable de la coordination ainsi que du respect de la Loi sur les langues officielles. Le ministère du Patrimoine canadien a aussi la responsabilité des articles 41 et 42 de la partie VII, c'est-à-dire encourager les ministères fédéraux à remplir leurs obligations.
S'ils ne le font pas et s'ils ne veulent pas le faire, à part les encourager, y a-t-il quelqu'un dans ce groupe qui a un marteau? La commissaire aux langues officielles fait de très bons rapports, mais si les ministères ne l'écoutent pas et ne tiennent pas compte de ses recommandations, avez-vous le marteau, vous, pour leur dire? Ou est-ce que cela nous prend vraiment la Loi sur les langues officielles, une loi exécutoire, telle que le sénateur Gauthier a développée? C'est notre préoccupation.
Comme vous le savez, les francophones de l'Ouest du Canada vivent une situation fragile et précaire. Nos acquis sont fragiles. Nous résistons et nous voulons demeurer francophones, tout comme les autres à l'autre bout du pays, mais nous avons besoin de quelque chose de plus fort, comme un marteau. Nous n'avons pas besoin de voir une réduction de notre financement. Les restrictions budgétaires semblent être la réalité dans les ministères j'espère pour l'amour de Dieu qu'on n'ira pas couper les programmes de langue officielle.
Avez-vous non seulement des responsabilités, mais du pouvoir? Avez-vous quelque chose à dire au sujet du financement pour assurer aux communautés l'obtention de ce qu'elles demandent?
M. Bélanger : En ce qui a trait au financement, le vœu de la commissaire aux langues officielles a été noté. La réponse du gouvernement, pour ce qui est de cet exercice de révision des dépenses, est qu'il n'y a rien d'exclu dans la révision elle-même. Les décisions n'ont pas encore été prises et n'ont donc pas été annoncées. Il faut quand même que l'on présuppose qu'un gouvernement qui dit dans son discours du Trône que la question des langues officielles et de l'épanouissement des communautés est une question prioritaire, centrale même, qu'il mettra à leur disposition les ressources nécessaires qui s'imposent.
Il faut aussi reconnaître que cet exercice n'est pas un exercice de restrictions budgétaires comme telles. C'est un exercice de réallocation vers des points qui sont peut-être moins élevés maintenant sur la liste des priorités et pour des points qui seront plus élevés. Cela m'inspire confiance. Je suis parfaitement conscient de la volonté de la commissaire et des communautés.
Pour ce qui est du marteau, le premier ministre ayant décidé de nommer un ministre responsable des langues officielles, le gouvernement ayant décidé d'élaborer un plan d'action qui a été accueilli de façon presque universellement positive, il va de soi qu'il fasse ce qui s'impose pour la mise en œuvre de ce plan.
Ma responsabilité première comme je l'ai dit, et je le répète, est la mise en œuvre du plan d'action. J'ai ce mandat depuis le mois de juillet. D'ici l'an prochain, nous devrons faire un rapport à la moitié du parcours et j'espère qu'il me reste assez de temps pour m'assurer que ce rapport soit positif et très bien reçu.
J'ai appris qu'il est plus facile d'attraper les mouches avec du miel qu'avec du vinaigre, alors dans ce sens je ne sais pas si le marteau est nécessaire. Mais il y a un marteau; il s'agit de la volonté du gouvernement. La loi aussi doit être respectée. La commissaire a quand même un recours, pas sur toutes les sections, je le reconnais, mais elle a quand même un marteau qui s'appelle « judiciarisation » pour le respect de la loi. Et cela a fonctionné dans certains cas.
Les communautés ont un marteau, à savoir le recours aux tribunaux pour une quelconque raison. Je comprends qu'il est désagréable de toujours avoir recours aux tribunaux. Lorsque cela s'impose, les communautés ne sont pas gênées de le faire. Souvent elles ont reçu un coup de main pour le faire.
Le sénateur Chaput : Je comprends que la communauté peut utiliser présentement un seul marteau, le recours aux tribunaux car il n'y en a pas d'autre.
M. Bélanger : Le plan d'action ne provient pas des tribunaux. C'est une volonté politique qui avait peut-être à son origine les besoins identifiés et les pressions de la communauté et certainement ceux de la commissaire.
Le sénateur Chaput : Vous avez absolument raison, monsieur le ministre. C'est la mise en œuvre de ce plan d'action qui n'a pas encore été faite et vous allez y veiller. L'inquiétude des communautés au Canada est que le gouvernement fédéral arrive et joue l'un contre l'autre. À titre d'exemple, dans le plan des langues officielles, on a l'éducation, l'immigration, la santé; d'autres ministères sont ciblés par des actions. Ensuite on a les ententes Canada communauté qui sont négociées avec le ministère du Patrimoine et la communauté et qui s'occupent du développement communautaire là où le vrai monde essaie de faire bouger les choses pour qu'on puisse résister. Dans tout cela on a l'éducation, les services de garde, le ministère de la Santé, les ententes fédérales-provinciales.
Il y a plusieurs inquiétudes, l'une étant que, lorsque le gouvernement fédéral négocie avec les gouvernements provinciaux et qu'il remet les fonds, il n'y a pas dans ces ententes une clause qui nous protège. À titre d'exemple, est-ce qu'une portion des fonds remis va aux services en français, pour la communauté des langues officielles? Pour les services de garde, est-ce qu'il va y avoir une clause? Il y a tout cet aspect qui les inquiète, le plan des langues officielles, les ententes Canada communauté. On parle de réaffecter les fonds, d'en enlever quelque part pour en remettre ailleurs. Les communautés sont inquiètes. Ce n'était pas un reproche, mais vous savez tout cela.
M. Bélanger : Je comprends votre position. Pour la question de la santé, j'ai rencontré le ministre de la Santé, M. Dosanjh. Il a, pour la première fois à ma connaissance, accepté de mettre à l'ordre du jour de la réunion des ministre de la santé, à la réunion fédérale-provinciale-territoriale qui a eu lieu en octobre, la question des communautés de langue officielle. Et ce sera à nouveau le cas en janvier, car il a présenté le sujet et il leur a demandé leur contribution, leur réflexion là-dessus. C'est la même chose pour la question des garderies. Je crois que les deux ministres ont répondu à des questions en chambre selon lesquelles ces sujets devaient être inclus dans les négociations, les tractations avec les provinces.
Je crois — j'espère que ma collègue me pardonnera — qu'aujourd'hui il y a une autre réunion fédérale-provinciale-territoriale en immigration et la même chose s'appliquera. C'est une habitude qui se prend. Au fur et à mesure que la déconcentration des dossiers sort du ministère du Patrimoine et que chaque ministère prend ses responsabilités en santé, en immigration, en développement communautaire, en développement des ressources humaines, on va à la longue y gagner de cette façon.
Mais il n'est pas interdit que le comité sénatorial ou celui des Communes des langues officielles ne rencontrent pas ces ministères un à un et ne les encouragent pas. C'est peut-être une invitation à le faire!
Le sénateur Chaput : J'aimerais vous demander, monsieur le ministre, d'abord de continuer à faire avancer cette idée et je vais vous expliquer pourquoi. Il est important qu'il y ait dans ces ententes faites au fur et à mesure une clause pour assurer la protection de la minorité de langue officielle de cette province. Lorsque j'ai parlé au ministre de la Santé il y a quelques semaines, il m'a effectivement dit que les services en français étaient à l'ordre du jour. Lorsque je lui ai demandé s'il irait aussi loin que demander au gouvernement provincial d'être imputable — en d'autres mots, au Manitoba, si vous donnez des fonds pour les services de santé en français, est-ce que la province va avoir à vous faire un rapport et vous dire ce qu'ils en ont fait — le ministre de la santé m'a dit tout gentiment :
[Traduction]
« Je ne pense pas que nous soyons allés aussi loin. »
[Français]
M. Bélanger : Je suis content que vous souleviez cette question. J'aimerais inviter Mme Fortier, la sous-ministre responsable aux affaires intergouvernementales, à faire quelques commentaires sur l'évolution des négociations avec les provinces sur plusieurs dossiers qui préoccupent les communautés de langue officielle. Car effectivement, cela semble être dans ce sens que l'on se dirige forcément, si chaque ministère a une responsabilité dans un domaine qu'il doit assumer.
Mme Marie-E. Fortier, sous-ministre, Affaires intergouvernementales, Bureau du Conseil privé : Merci monsieur le président. Je pense que cette discussion illustre l'avantage que les responsabilités restent dans les ministères sectoriels. Elle permet de les intégrer dans les divers secteurs, l'immigration, la santé, la justice, autour de plusieurs tables. Autrement, on aurait de la difficulté à avoir une seule table fédérale-provinciale où on discuterait des questions de langues officielles. Nous serions déconnectés.
J'ajouterai que, dans chacun de ces domaines, comme vous le savez, il y a des regroupements de représentants des communautés qui s'intéressent de façon particulière à chacun de ces domaines. Ils rappellent aux ministres des provinces et aux ministres fédéraux les intérêts de leurs membres.
Différents types d'ententes se négocient. Il y a les ententes particulières avec les fonds ciblés identifiés dans le plan d'action. Dans ces cas, c'est assez clair, les objectifs sont assez précis et dans certains domaines ils sont même très bien quantifiés. Nous pourrons, grâce à notre travail sur le cadre d'imputabilité, mesurer les progrès et tenir tout le monde responsable, autant les récipiendaires du financement que ceux qui l'a fourni. Il y a deux faces à cette médaille : comment on s'est assuré que les ententes respectent les intentions du plan et comment elles ont été mises en œuvre par les personnes qui ont reçu le financement.
Dans certains cas, les ententes sont tripartites, les communautés sont partie prenante aux ententes, en particulier en santé, ce qui nous donne des bonnes garanties que tout le monde va veiller à ce que cela se réalise de la façon dont cela a été souhaité.
Dans les ententes plus générales, et c'est probablement ce qui vous préoccupe le plus — par exemple l'entente sur la santé qui a été conclue en septembre entre les premiers ministres, où on a identifié particulièrement l'aspect formation en santé dans l'entente même — est-ce que le cadre d'imputabilité de cette entente va être assez précis pour pouvoir mesurer si cet aspect a été réalisé? Ce n'est pas évident. C'est là que le ministère des Affaires intergouvernementales peut aider ses collègues des autres ministères à penser à la façon de structurer les négociations qui se tiennent avec les provinces. C'est un peu l'avantage, pour les langues officielles, de faire partie de notre ministère.
Toute cette question de conditionnalité et d'imputabilité entre les gouvernements et envers le public est particulièrement d'actualité dans tous les secteurs. Le modèle en évolution établit que tous les gouvernements doivent rendre des comptes au public. Et cela sera attesté si cette gageure va réussir à tenir tout le monde responsable et imputable de ses décisions et de ses gestes.
[Traduction]
Le sénateur Jaffer : Monsieur le ministre, je tiens d'abord à vous féliciter d'avoir été nommé membre du Cabinet et à vous remercier d'être parmi nous aujourd'hui. Au nom des citoyens de la Colombie-Britannique, je vous souhaite la plus cordiale bienvenue. Notre collectivité est très vivante, et nous nous réjouissons d'avance de votre venue en Colombie-Britannique.
Aujourd'hui, nos délibérations ont porté sur les langues officielles et les communautés minoritaires. Venant d'une famille de réfugiés, j'ai été élevé dans une colonie britannique, tandis que mes cousins eux se sont retrouvés dans une colonie belge. Dans la colonie belge, on leur a enseigné le français, l'anglais, l'espagnol et le flamand à partir de leur 2e année. Dans notre cas, on ne nous a enseigné que l'anglais. Nous nous sommes tous retrouvés au Canada. Mes cousins sont du Rwanda et nous sommes de l'Ouganda. Imaginez les avantages que leur donne la connaissance des langues!
Je crois fermement qu'on doit enseigner les deux langues à tous les enfants de notre pays. J'espère qu'un jour, on enseignera et le français et l'anglais dans toutes nos écoles et que ce genre de problème n'existera plus. Ça ne devrait pas être une question qui concerne iniquement les groupes minoritaires; toutes les collectivités devraient étudier les deux langues, et je poserai mes questions dans cette optique.
Les gens comme moi, dont la langue maternelle est autre que l'une des deux langues officielles, tiennent aussi à connaître les deux langues officielles. Dans le plan d'action des langues officielles de 2003, il est écrit que la langue maternelle de 28 p. 100 des étudiants inscrits dans les écoles de langue anglaise de Montréal est ni l'anglais, ni le français. On peut penser sans trop se tromper que ces données reflètent la diversité culturelle du Canada, tant au Québec qu'ailleurs. On voit que les minorités ethnoculturelles jouent un rôle de plus en plus important dans notre société.
Je vous félicite ainsi que le gouvernement d'encourager le bilinguisme, et il me paraît très important de le faire dans l'ensemble de notre population. À part le fait que le gouvernement s'est engagé à créer une fonction publique culturellement diversifiée en vertu de la Loi sur le multiculturalisme canadien, pouvez-vous me dire ce qu'on fait pour favoriser l'apprentissage du français et de l'anglais au sein des groupes où la langue maternelle est ni l'une ni l'autre des deux langues officielles?
Lorsqu'on débattait du projet de loi, bon nombre de gens de l'Ouest et de toutes les régions du Canada m'ont écrit pour me dire qu'on ne devrait pas appuyer le projet de loi parce que les collectivités allophones seraient exclues de la fonction publique du fait qu'elles ne connaissent pas le français. À cela, j'ai répondu qu'il faut apprendre le français. Cela dit, il faut que notre société soit axée sur l'apprentissage pour que les collectivités allophones puissent apprendre le français. J'aimerais donc savoir ce que vous faites pour favoriser l'apprentissage du français et de l'anglais parmi les gens dont la langue n'est ni l'une ni l'autre des deux langues officielles.
M. Bélanger : La question est complexe. Le gouvernement a choisi trois mécanismes pour permettre à chacun d'apprendre une seconde langue officielle, ce qui comprend, par le fait même, les membres des groupes ethnoculturels ou immigrants.
Le premier porte sur l'immigration. J'ai l'impression qu'il y a cinq ans, ce ministère accordait très peu d'attention à cette question. Mais aujourd'hui, c'est tout à fait le contraire. Il y a à peu près un an et demi, on a mis sur pied deux comités consultatifs. On y planifie maintenant des activités plus poussées, sur le terrain, y compris l'insertion dans les collectivités, la formation linguistique et des services d'enseignement des deux langues officielles dans les collectivités d'accueil. Nous savons qu'en général, les immigrants qui arrivent au Canada tiennent à apprendre les deux langues officielles et veulent qu'on leur donne l'occasion de le faire. Les comités consultatifs n'ayant pas encore achevé leur travail, leur rapport n'a pas été déposé, mais dès qu'il le sera, il sera facile à obtenir et on peut prévoir que le gouvernement y donnera suite et accordera donc les ressources pertinentes.
Le plan d'action officiel comporte des mesures de démarrage. Autrefois, le budget du ministère de l'Immigration ne comportait aucun poste pour les langues officielles. Ce n'est plus le cas aujourd'hui. Il y a en effet une enveloppe de 9 millions de dollars affectés à cette fin, ce qui est modeste mais constitue quand même un début. On tient aussi compte de la question de l'intégration dans les transferts accordés aux provinces. Voilà pour l'immigration. On est donc plus sensible à l'importance de la question, et on se soucie davantage de fournir les services qui s'y rapportent.
Le deuxième mécanisme est un rouage essentiel de ce plan. Sur les 750 millions de dollars accordés, quelque 380 millions de dollars sont affectés aux provinces aux fins de l'éducation. La somme comprend deux enveloppes. La première porte sur l'éducation, afin que le pourcentage des gens ayant droit aux services d'éducation — en l'occurrence, les francophones minoritaires, c'est-à-dire hors Québec — passe de 68 p. 100 à près de 80 p. 100. Il faudra que je vérifie ces pourcentages, mais quoi qu'il en soit, l'augmentation est considérable. La seconde vise ceux qui veulent apprendre le français comme langue seconde, y compris les immigrants ne parlant pas cette langue. On sait que dans notre pays, à peu près 90 p. 100 de nos immigrants apprennent l'anglais. D'ici dix ans, nous voulons doubler le nombre de jeunes Canadiens qui s'expriment dans les deux langues officielles, et cette possibilité sera automatiquement offerte aux immigrants.
Entre parenthèse, au sujet des cours d'immersion, j'ai appris qu'au cours de l'année écoulée, ils ont connu une croissance dans toutes les régions du Canada, sauf au Nouveau-Brunswick, et une augmentation importante chez les jeunes. Or, particulièrement dans l'Ouest, ce sont surtout les enfants d'immigrants qui s'y sont inscrits. Cela me donne des raisons d'être optimiste.
Le sénateur Jaffer : Monsieur le ministre, je suis moi-même parent, je sais donc à quel point il est difficile de faire inscrire son enfant dans un cours d'immersion parce qu'il existe très peu de programmes de ce genre. Dans ma région, le ministère de l'Immigration fournit des sommes affectées à l'apprentissage de l'anglais comme langue seconde, et il devrait accorder une partie de ces fonds à l'apprentissage du français.
Maintenant, j'aimerais recommander à mes collègues de ne pas parler des minorités mais plutôt de la langue. Je serais bien reconnaissante aux autres qu'on parle de l'enseignement de la langue parce qu'autrement, par rapport à l'anglais et au français, les groupes allophones sont complètement exclus. Je connais vos antécédents, et j'aimerais donc que vous assumiez un rôle de premier plan ici. C'est pourquoi mes collègues affirment qu'il ne s'agit pas d'une question de groupes minoritaires mais plutôt d'enseignement de la langue. Vous n'aurez peut-être pas réponse à ma question, mais dans l'enveloppe qui est affectée à l'enseignement de l'anglais langue seconde, quelle part est réservée à l'enseignement du français aux enfants de notre pays?
M. Bélanger : Honorable sénateur, vous avez tout à fait raison. Un comité dont je faisais partie a étudié la question. Nous avons reçu des statistiques d'Immigration et Citoyenneté Canada. À l'exception du Québec, la plupart des provinces ne consacraient pratiquement aucun financement à l'enseignement du français comme langue seconde aux immigrants. Même à Ottawa, je me souviens avoir étudié la situation, qui n'était guère encourageante. Le Comité consultatif de la population anglophone au Québec et des populations francophones dans les autres provinces et territoires étudie les moyens d'augmenter les enveloppes budgétaires réservées à l'enseignement du français comme langue seconde, mais on est parti d'un niveau pratiquement nul qui prévalait il y a quelques années.
Le troisième élément, c'est ce que peut faire le gouvernement du Canada par l'intermédiaire de sa fonction publique. Je sais qu'en évoquant la fonction publique, je risque de m'occasionner bien des maux de tête, mais il reste que des Canadiens unilingues parviennent à occuper des postes désignés bilingues et obtiennent ensuite de la formation. Voilà un chiffre que j'aimerais connaître : quel est le pourcentage des fonds destinés à la formation linguistique que le gouvernement fédéral réserve à l'apprentissage du français par rapport à l'anglais? Je pense que l'essentiel de ces crédits vont à l'enseignement du français. Le gouvernement offre donc aux anglophones, qu'ils soient immigrants ou non, la possibilité d'apprendre le français. Je vais trouver les statistiques pertinentes, car je ne connais pas la proportion, à l'intérieur de ce groupe, des personnes nées à l'extérieur du Canada, c'est-à-dire des immigrants qui ont la possibilité d'apprendre le français par l'intermédiaire de la fonction publique.
Le sénateur Jaffer : Monsieur le ministre, je suis d'accord avec le sénateur Chaput quand elle dit qu'il faut utiliser les grands moyens. Les gens de Colombie-Britannique qui travaillent dans la fonction publique disent que leur programme d'enseignement du français a été la première victime des compressions budgétaires. Je connais de nombreux jeunes fonctionnaires qui disent qu'ils ne réussiront jamais à Ottawa parce que tous leurs programmes de français ont été supprimés. Je peux vous donner des exemples précis, mais je ne souhaite pas qu'ils figurent au compte rendu. Il fut un temps où c'était sans doute possible d'apprendre le français, mais à cause des compressions budgétaires, ces cours sont les premiers à disparaître, en particulier dans ma province.
Le sénateur Buchanan : Malheureusement pour moi, je ne connais pas le français, mais on ne sait jamais. Tout pourrait changer au contact de ce comité.
Je viens d'une région, la Nouvelle-Écosse, où si les chiffres sont exacts, 4 p. 100 de la population est francophone. Sur ces 4 p. 100, 3 p. 100 sont Acadiens.
Le problème, en Nouvelle-Écosse, c'est la distance qui sépare les collectivités acadiennes. Comme le sait le président et comme vous le savez sans doute également, monsieur Bélanger, les collectivités acadiennes de Nouvelle-Écosse situées à l'ouest de la province et au Cap-Breton sont à 400 milles de la côte Est. C'est une distance considérable. Pourtant, ces collectivités forment une communauté, malgré la distance qui les sépare. C'est la communauté francophone acadienne de Nouvelle-Écosse.
J'aimerais revenir sur une question déjà posée par le président et par le sénateur Chaput : pourquoi le gouvernement fédéral a-t-il tant de ministres responsables des langues officielles? Ne pensez-vous pas qu'il serait plus efficace d'avoir un seul responsable de l'ensemble des langues officielles et des institutions qui en assument la responsabilité?
Je sais par expérience, ayant été 13 ans premier ministre de Nouvelle-Écosse, que le problème consistait pour nous à éviter tout chevauchement entre les responsabilités de nos différents ministères. On trouvait un ministère assumant une responsabilité, puis deux autres qui assumaient des responsabilités analogues, d'où un gaspillage considérable de temps et d'argent.
Ne pensez-vous pas qu'il y ait chevauchement des responsabilités en matière de langues officielles entre plusieurs ministères, à savoir le ministère de la Justice, le commissaire aux langues officielles, vous en tant que ministre responsable des langues officielles et le ministère du Patrimoine et de la Culture? Ces chevauchements seraient supprimés s'il n'y avait qu'un seul ministre.
M. Bélanger : Permettez-moi de profiter de l'occasion pour féliciter le gouvernement de la Nouvelle-Écosse en la personne de Chris d'Entremont, ministre responsable des affaires acadiennes, pour avoir adopté une loi concernant les services en français. C'est un geste très apprécié de la part de l'Assemblée de Nouvelle-Écosse, qui a mis en place une structure permettant d'offrir des services en français à sa minorité. J'étais à la réunion fédérale-provinciale des ministres responsables des affaires francophones et lorsque cette mesure a été annoncée, elle a suscité un vif enthousiasme. Félicitations aux personnes de votre connaissance qui font toujours partie du gouvernement.
Le sénateur Buchanan : Si je peux intervenir, j'ai déjà signalé cette mesure législative aux membres du comité. Le ministre d'Entremont débute sa carrière politique comme député provincial dans le district acadien d'Argyle, et le premier ministre Hamm — c'est tout à son honneur — lui a confié des responsabilités qui s'ajoutent à ce qu'il fait en matière de langues officielles, comme vous. Les responsabilités du ministre d'Entremont comprennent désormais les affaires acadiennes, et il a agi très rapidement pour présenter un projet de loi afin de rendre les ministères provinciaux plus accessibles aux collectivités francophones dans l'ensemble de la Nouvelle-Écosse. C'est une mesure tout à fait louable de sa part et de la part de celui qui m'a succédé, le premier ministre John Hamm.
Cependant, j'aimerais vous signaler qu'il y a eu un autre premier ministre de Nouvelle-Écosse pendant 13 ans, et qu'il a créé des conseils scolaires francophones dans les districts acadiens de la Nouvelle-Écosse et établi des écoles entièrement francophones dans l'ouest et l'est de la province, à l'ouest du Cap-Breton, à Cheticamp et à Arichat. C'est également ce premier ministre qui a mis en place une signalisation bilingue dans toutes les collectivités francophones de Nouvelle-Écosse sur cette même période de 13 ans. Je n'ai pas un ego surdimensionné, mais ce premier ministre, c'était moi.
M. Bélanger : Bravo!
Le président : Nous nous demandions tous qui cela pouvait bien être.
M. Bélanger : J'aimerais faire un parallèle avec l'action de M. d'Entremont et de l'Assemblée législative provinciale. Ils ont décidé par la voie législative que les ministères devaient proposer certains services. Il en va de même ici. C'est la Loi sur les langues officielles qui s'applique. C'est là l'élément clé. Tous les ministères et organismes gouvernementaux — il y en a environ 200 — sont assujettis à l'obligation que leur impose la Loi sur les langues officielles.
J'aimerais faire un autre parallèle pour essayer de bien comprendre. Le système est complexe, comme peut l'être la Loi sur la gestion des finances publiques. Cette loi, comme la Loi sur les langues officielles, s'applique uniformément à tous les ministères et organismes. Chaque ministère doit être en mesure de respecter la Loi sur la gestion des finances publiques; il doit planifier en conséquence, et y consacrer les ressources nécessaires.
Il en va de même de la Loi sur les langues officielles. Partout où ils offrent des services, tous les ministères, à savoir la Santé, les affaires des Anciens combattants, la Justice et Pêches et Océans, doivent assumer cette responsabilité. Partout où ils offrent des services, ils ont la même responsabilité envers les collectivités de langue minoritaire. Ils doivent les consulter, et c'est la loi qui les y oblige.
C'est une mesure qui s'applique à tous les ministères et organismes en vertu de la Loi sur les langues officielles. C'est la même chose que pour la Loi sur la gestion des finances publiques. Or, nous avons toujours un Conseil du Trésor, un ministère des Finances et des organismes centraux qui veillent à ce que tous les organismes et ministères s'acquittent de leurs obligations. J'assume ce rôle dans le cadre de la Loi sur les langues officielles, grâce au Secrétariat du Conseil privé, et je veille à ce que la ministre du Patrimoine et ses fonctionnaires s'acquittent des responsabilités et obligations que leur impose la loi. Il en va de même dans les autres ministères et organismes, qu'il s'agisse du CRTC, du Conseil des Arts du Canada, de la diversification de l'économie de l'Ouest ou de l'APECA. Tous ces ministères et organismes ont la même responsabilité, qui découle de la nature même des collectivités desservies. Celles-ci se composent de personnes aux intérêts et aux besoins très divers. Par conséquent, à moins d'avoir un ministère unique qui s'occupe de tout, ce qui est à peu près impossible, il faut imposer les mêmes obligations envers les collectivités de langues officielles dans tous les ministères qui assument leurs responsabilités respectives. Il en va de la nature même du système, à mon sens. On a décidé de ne pas centraliser les langues officielles, mais de veiller à ce que chaque ministère s'acquitte de ses obligations.
Le sénateur Buchanan : Je voudrais seulement faire une commentaire sur ce que le sénateur Chaput a dit et qui a également été mentionné par le sénateur Jaffer, je veux dire utiliser les grands moyens. Je ne suis pas entièrement en désaccord, mais pas tout à fait d'accord non plus. Utiliser les grands moyens donne parfois des résultats, mais des résultats mitigés. Cela offusque et irrite les gens.
Chez-nous, en Nouvelle-Écosse, quand nous avons créé les conseils scolaires francophones et des écoles exclusivement francophones dans les districts acadiens, cela a permis de rapprocher ces districts même s'ils étaient à 400 miles de distance. Certains diront que le gouvernement de l'époque l'a fait pour des raisons politiques. C'est en partie vrai, mais nous l'avons fait parce que c'était la chose à faire et cela a donné de bons résultats, et le premier ministre Hamm a raison de la faire encore aujourd'hui, de même que Chris d'Entremont.
J'ai toujours trouvé que l'on attire davantage les abeilles avec du miel qu'avec du vinaigre, et cela a bien marché pour nous parce que nous avons remporté tous les sièges acadiens.
[Français]
Le sénateur Léger : Je voudrais vous féliciter. Je suis très contente que vous soyez à la tête de ce ministère. Votre dévouement ne fait aucun doute. Par contre, je suis un peu inquiète de tous vos autres titres : ministre associé de la Défense nationale, ministre responsable de la réforme démocratique, leader adjoint du gouvernement à la Chambre des communes. Comment réussirez-vous à faire tout cela? C'était juste une parenthèse, vous n'êtes pas obligé de répondre.
Pour parler, pour communiquer, il faut des mots, en français ou en anglais, mais l'entre-deux lignes, c'est l'esprit. Vous comprenez ce que je dis par ma respiration parce que vous essayez de comprendre. Je trouve que dans chaque ministère, chaque agence, on n'insiste pas assez sur l'esprit d'être un Canadien. L'identité canadienne, si j'ai bien compris, c'est l'anglais et le français, c'est le pays. Cette note devrait être donnée dans tous les ministères. Par exemple, au ministère de la Santé, il y aurait toute une part de l'esprit pour être guéri, pour mourir dans sa langue. Je vais revenir sur ce qu'a dit le sénateur Jaffer, qui était obligée de dire « la première, la deuxième et la troisième langue ». Je crois qu'il n'y a pas de première, deuxième ou troisième langue. Il y a la langue individuelle, mais quand on est Canadien, ce sont les deux. Je pense qu'aucun des ministères, aucune des agences n'a compris ce message.
Dans le domaine de l'immigration, cela devrait être automatique : être Canadien, c'est la définition d'être au Canada. En éducation, on a commencé avec le dictionnaire. On a commencé avec le mot, comme si c'était la communication qui faisait l'identité. Non, ce n'est pas la langue qui fait l'identité; l'esprit, c'est l'âme du pays.
Que l'on ait une communauté irlandaise ou une communauté du Nunavut, c'est merveilleux! Je trouve que le Canada pourrait entrer dans cette phase de la culture et ne pas assumer que la culture est quelque chose de « paracanadien ». La culture, ce n'est pas seulement aller voir un spectacle le dimanche soir. Cela en fait partie oui, et nous en avons besoin. Vous êtes allé au Congrès mondial acadien cet été. Cela va générer de la fierté. Nous oublions les Autochtones, comme s'ils n'existaient pas. Mon Dieu, ils sont là depuis 12 000 ans! Nous autres, on a fêté 400 ans.
J'aimerais examiner les méthodes d'enseignement de la fonction publique. Il paraît qu'ils sont tous déprimés.
Voici ma question : Serait-il possible d'insérer cet esprit, cette identité dans tous les documents de la phase deux? On a appelé cela « l'acte deux », j'aime mieux « phase deux ». Cela n'est pas important. À notre comité, nous avons de l'atmosphère, de l'éclairage,un repas qui nous attend; tout ça, c'est la culture, la vie, et cela devrait faire partie de tous les discours.
M. Bélanger : Je pense que c'est au-delà de mes capacités de répondre à cette question, mais je vais quand même essayer.
Le titre qu'on avait donné au prochain acte, si je comprends bien, c'était voulu comme étant le quatrième acte, le premier ayant été la conclusion de la commission Laurendeau-Dunton, et donc l'établissement de la Loi sur les langues officielles en 1969; le deuxième serait venu en 1982 avec la Charte canadienne des droits et libertés et l'enchâssement, dans cette charte, de certains droits linguistiques; le troisième serait venu en 1988 avec certains amendements importants à la Loi sur les langues officielles. Quant au quatrième, aurons-nous une pièce en cinq actes? Je ne le sais pas, mais on retrouve cette notion d'idéal chez plusieurs individus au pays, dans plusieurs communautés, chez les jeunes principalement. Je la vois s'exprimer sous un autre nom. La volonté de créer une société pluraliste où il existe un pluralisme de langues, de cultures, de cultes, d'ethnies, ainsi de suite. Mais pour se rendre à cet idéal de pluralisme, il faut passer par la dualité linguistique. Si on ne réussit pas à ancrer profondément la dualité linguistique dans notre âme collective, comme elle est censée l'être, comme une pierre angulaire de notre identité, on ne réussira pas à édifier ce que l'on tente de réussir comme une société pluraliste. Vous avez parfaitement raison : il faut y arriver. La question est : comment? quand?
Le sénateur Léger : Tout de suite. Je suis d'accord, les jeunes représentent l'espoir parce que la diversité culturelle est là. Il ne faut pas oublier, vous avez commencé en 1969, il y a plus de 30 ans. À cette époque, nous étions les jeunes. Et il y a des gens de notre âge qui ont encore beaucoup de difficultés. Il ne faudrait pas qu'ils s'arrêtent.
M. Bélanger : Il ne faudrait pas que notre génération s'arrête, les jeunes doivent prendre la place de la génération qui suit et ainsi de suite. Je suis encouragé par le fait que la génération la plus bilingue au pays est celle des jeunes de 15 à 24 ans. C'est la génération visée par le Plan d'action. Il faut doubler le nombre de jeunes bilingues au pays.
Je vais vous donner un autre exemple. Le sénateur Jaffer a mentionné quelque chose tout à l'heure.
Je suis très encouragé que l'Alberta ait décrété qu'à compter de 2006, tous les jeunes allant à l'école devront apprendre une deuxième langue. Ils n'ont pas spécifié le français, mais tous les jeunes devront apprendre une deuxième langue. Il est permis d'espérer que la langue seconde la plus populaire sera le français. Toutefois, il existe d'autres options comme l'espagnol et le japonais. Il est encourageant de constater que le gouvernement de l'Alberta ait accepté d'imposer cette nouvelle règle. Cela témoigne d'une prise de conscience de sa part qu'en cette ère de mondialisation, il est utile de connaître deux ou trois langues.
Le sénateur Léger : À la fonction publique fédérale on fait ce qu'on peut.
Le président : Avant de passer à la deuxième ronde de questions, j'aimerais revenir brièvement à l'élaboration des plans d'action pour une trentaine d'agences et de ministères. La commissaire aux langues officielles, sur ce point, est en désaccord et considère que tout le monde devrait soumettre un plan d'action. Quels sont vos commentaires à cet effet?
M. Bélanger : La question des plans d'action date de 1994. En 1988, le Parlement canadien avait modifié la Loi sur les langues officielles en ajoutant certaines dispositions, entre autres, les articles 41 et 42, pour donner une responsabilité accrue aux ministères et aux agences pour veiller au développement des communautés. Il ne semble pas que les choses aient progressé tellement à cette époque.
En 1994, le Cabinet a déterminé un certain nombre d'agences et de ministères prioritaires pour les communautés. On a exigé que ces quelques 26 ou 27 agences et ministères mettent sur pied un plan d'action de trois ans pour examiner la façon dont ils entendaient donner suite à la loi. Dès lors, on a ajouté deux ou trois dispositions additionnelles.
Ma réponse à cette question est la suivante. Toutes les agences et tous les ministères sont assujettis à la loi et ont la même obligation. Devrions-nous élargir le nombre de groupes? Je ne suis pas en désaccord avec cette possibilité. La question qui s'impose est à savoir à quel rythme il faut le faire. Allons-nous nous doter d'une agence quelconque, qu'il s'agisse du ministère du Patrimoine canadien ou du Conseil du Trésor, qui fera l'évaluation de ces plans d'action et le suivi qui s'impose? Un plan d'action ne donne rien en soi sans un suivi pour voir à sa mise en œuvre. Cette démarche supplémentaire est donc nécessaire. Je vous ai fait part de mon opinion et je l'ai mentionnée publiquement. Nous devrons désormais faire le nécessaire pour assurer la mise en œuvre.
[Traduction]
Le sénateur Jaffer : J'ai d'abord une question administrative, monsieur le ministre. Est-ce que tous les fonds des divers ministères vous ont simplement été remis, s'ajoutant aux fonds dont disposait déjà votre ministère pour la mise en œuvre du plan d'action? Chaque ministère aura besoin d'argent. Est-ce qu'ils viennent vous demander une partie des 750 millions de dollars?
M. Bélanger : Non.
Le sénateur Jaffer : Doivent-ils trouver les fonds dans leur propre ministère?
M. Bélanger : Je n'ai pas de fonds. Les 751 millions de dollars se trouvent dans les enveloppes des ministères qui assument les responsabilités. C'est à eux de les administrer, de s'en servir et de faire rapport à ce sujet. Mon rôle est de coordonner cet effort. Par exemple, l'année prochaine, nous allons déposer un rapport d'évaluation de mi-parcours exposant à quoi l'argent a été consacré jusqu'à maintenant.
Le Conseil privé n'administre pas les programmes et ne détient pas cet argent, qui se trouve plutôt dans l'enveloppe de chaque ministère.
Le sénateur Jaffer : L'argent est-il réservé à cette fin?
M. Bélanger : Absolument. Tous les chiffres se trouvent à l'annexe B. En cinq ans, par l'entremise de Patrimoine canadien, 381,5 millions de dollars ont été consacrés à quatre objectifs différents, quoique pas nécessairement répartis également sur cinq ans. Tous les fonds ont été injectés graduellement et à cadence accélérée. Cependant, l'argent se trouve dans l'enveloppe annuelle de chaque ministère.
Le sénateur Jaffer : J'aillais vous demander comment vous travaillez avec le ministre de l'Immigration, mais vous avec déjà répondu à cette question.
M. Bélanger : Très bien.
Le sénateur Jaffer : J'en suis certaine. Je vais continuer à faire mes devoirs et ensuite j'aurai peut-être d'autres questions.
Aux termes de la Loi sur le multiculturalisme, nous devons supprimer tous les obstacles pour les gens qui viennent ici ou qui vivent ici depuis de nombreuses années. Vous avez parlé de la Colombie-Britannique, de l'Alberta et de l'Ontario, et je vous invite à demander aux gens dans les collectivités comment, à leur avis, ils peuvent devenir bilingues.
En Colombie-Britannique, il y a une grande soif d'apprentissage du français, mais il n'y a pas beaucoup d'endroits où l'on peut apprendre cette langue. Vous vous réjouissez que l'Alberta insiste sur une langue seconde, mais je dois dire que j'ai des réserves. Je pense que chaque province devrait dire que le français et l'anglais sont obligatoires. Après ces langues, dans ma province, viendraient le chinois et le punjabi.
Si nous voulons une identité canadienne, nous ne pouvons pas dire qu'en Colombie-Britannique, c'est suffisant d'apprendre le chinois et l'anglais. Je crois que le français et l'anglais sont essentiels et je vous dis que c'est seulement quand cette exigence sera respectée que vous pourrez vous réjouir; après cela, on pourrait enseigner d'autres langues, comme c'est le cas en Europe.
Les gens pensent que c'est beaucoup demander aux gens que d'apprendre deux langues. Mes cousins en Europe ont dû apprendre quatre ou cinq langues pour survivre et c'est ce que nous devrons faire dans le monde actuel. Mes enfants parlent six langues parce qu'ils doivent parler toutes ces langues pour survivre dans notre collectivité.
M. Bélanger : Me permettriez-vous alors de m'en réjouir un peu?
Le sénateur Jaffer : Comme ministre, il vous incombe de faire du français et de l'anglais une obligation.
M. Bélanger : Je dois être prudent. Je dois bien distinguer entre mes voeux personnels et ceux du gouvernement du Canada. Indubitablement, les gouvernements du Canada depuis les années 60 ont mis au coeur de leurs politiques publiques la dualité linguistique : le français et l'anglais. La Constitution du Canada est assez claire. L'anglais et le français sont les deux langues officielles du Canada et sont égales. On ne saurait le nier.
Je trouve encourageant qu'un gouvernement provincial s'attende à ce que tous les enfants apprennent une deuxième langue. Cela montre qu'on est plus sensibilisés à la valeur de l'apprentissage d'une deuxième langue, voire d'une troisième langue, et cela fait partie de la société que nous voulons bâtir.
Si j'étais un parent albertain, j'insisterais pour que mes enfants apprennent l'anglais, puis le français, puis peut-être une troisième ou une quatrième langue. Ils sont maintenant à tout le moins encouragés à élargir leurs horizons en apprenant une deuxième langue, ce qui est mieux que rien. En ce sens, je suis bien content. Je le serais encore plus si ces langues étaient l'anglais et le français, mais on y arrivera peut-être un jour. Maintenant qu'une province fait cela, d'autres pourraient vouloir l'imiter.
En passant, en Colombie-Britannique, c'est chez les immigrants que l'immersion connaît la croissance la plus forte. Les immigrants représentent maintenant un très haut pourcentage de tous les élèves en immersion.
En fait, il y a quelques semaines, les journaux de la Colombie-Britannique rapportaient les réserves de certains au sujet des effets que cela pourrait avoir sur ce qu'on appelle les programmes réguliers. Certains des programmes réguliers perdent en effet trop de leur clientèle au profit de l'immersion.
Cela nous montre une réalité. Je suis particulièrement content que cela se passe en Colombie-Britannique, qui accueillera les Jeux olympiques de 2010 et qui sera ainsi une vitrine pour le Canada.
[Français]
Le sénateur Chaput : Je veux revenir au marteau et au miel.
M. Bélanger : D'habitude, c'est le miel et le vinaigre.
Le sénateur Chaput : Mon approche personnelle a toujours été d'apprivoiser les gens et les ministères. Quand il y a moins de confrontation, nous avons une atmosphère plus saine et on arrive à quelque chose.
Toutefois, mon expérience personnelle de francophone au Manitoba démontre que si nous n'étions pas allés à la Cour suprême sur les acquis de notre division scolaire, par exemple, nous ne les aurions peut-être pas. Nous avons deux marteaux : la Cour suprême et la possibilité de déposer des plaintes auprès de la commissaire aux langues officielles.
Mais que ce soit la Cour suprême ou les plaintes, vous savez comme c'est ardu, cela prend des fonds et de l'énergie. Nous ne sommes pas intéressés à aller dans cette direction. Nous n'avons plus le temps et l'énergie. Nous résistons et nous voulons continuer à avancer. Je peux encore accepter qu'on puisse réussir avec du miel, mais je fais toutefois une mise en garde; il ne faut pas être naïf et penser qu'on va attraper toutes les abeilles avec du miel parce qu'il y a de drôles d'abeilles qui nous arrivent maintenant. Je vais vous donner un exemple survenu au Manitoba et qui démontre que nous devons toujours rester sur nos gardes.
M. Bélanger : Je vais vous dire où je suis d'accord avec vous et où cela prend un coup de marteau. J'ai un dossier spécifique dans lequel je pense qu'il est temps qu'on donne un coup de marteau. Il s'agit des services bilingues au Manitoba. Cela n'a plus de bons sens que ce soit le gouvernement du Canada qui soit celui qui reporte son financement d'année en année et qu'on ne réussisse pas à se brancher pour une période d'années. Je brise probablement toutes les règles mais je suis de ceux qui pensent que nous sommes en mesure de régler cela et pas seulement une année à la fois.
Le sénateur Chaput : J'ai travaillé sur ce projet avant d'arriver au Sénat et j'allais rencontrer les fonctionnaires des ministères fédéraux. Les responsables me fermaient la porte au nez et ne voulaient pas participer avec le ministère du Patrimoine canadien. Ils me disaient que ce n'était pas leur responsabilité. C'est encore le cas au Manitoba avec certains ministères fédéraux. La province est engagée, les municipalités sont engagées et nous nous reculons.
Je vais vous donner un autre exemple. Le Fonds canadien de production télévisuelle a une règle stipulant — à titre d'exemple, puisque je n'ai pas devant moi les pourcentages exacts — qu'il doit mettre 10 p. 100 des fonds de production de côté pour les producteurs francophones hors Québec. Lorsque cela a été fait, tout le monde a relaxé car des fonds seront disponibles pour les francophones hors Québec. Un de mes anciens collègues sur le conseil a posé la question à savoir combien ira aux producteurs francophones hors Québec? Il n'y avait pas un sou; tout allait au Québec parce que c'était les productions francophones. Ce n'était pas de la mauvaise volonté, mais il faut toujours être aux aguets, toujours vérifier et être partout en même temps. C'est pour cela que je dis que de temps en temps, cela prend un marteau et j'aimerais beaucoup que vous puissiez l'obtenir.
M. Bélanger : Il ne faudrait pas que ce marteau soit obligé de cogner sur le même clou tout le temps. Concernant le deuxième dossier que vous avez soulevé, j'étais au comité des langues officielles de la Chambre lorsqu'on en a avait traité et, effectivement, on avait obtenu du gouvernement qu'il accepte la notion qu'à l'intérieur de l'enveloppe francophone globale, 10 p. 100 soit de mis de côté pour les producteurs francophones hors Québec. Je vous avoue que, depuis, je n'ai pas vérifié si effectivement on a respecté cette règle.
Le sénateur Chaput : Oui, elle a été respectée. Mais je parle avant que ce soit fait.
M. Bélanger : Vous savez, le propre d'une communauté minoritaire — et ce n'est pas moi qui l'ai dit, c'est John Ralston Saul — exige l'effort quotidien. Il a malheureusement raison.
[Traduction]
Le sénateur Buchanan : La commissaire aux langues officielles relève-t-elle de vous ou du Parlement?
M. Bélanger : La commissaire aux langues officielles relève du Parlement. Je suis l'interface entre le gouvernement et la commissaire. Je reçois les rapports. Je m'assure que nous préparons les réponses, que nous faisons le suivi, et cetera. Elle est une fonctionnaire du Parlement, comme la vérificatrice générale, pour reprendre le parallèle de tantôt.
Le sénateur Buchanan : J'aurais dû me renseigner moi-même. Je sais qu'il est difficile de donner le chiffre exact, mais grosso modo, combien y a-t-il de francophones au Canada à l'extérieur du Québec?
M. Bélanger : Il y en a environ un million. Environ 24,7 p. 100 de la population canadienne est francophone.
Le sénateur Buchanan : Je pensais qu'environ 25 p. 100 de la population du Québec était francophone.
M. Bélanger : Si on arrondit, c'est 25 p. 100 du Canada. Il y a entre 800 000 et 900 000 anglophones qui vivent au Québec, et environ un million de francophones dans les provinces et territoires autres que le Québec.
Quand j'entends l'expression « le Québec et le Canada anglais », cela m'embête beaucoup. Malheureusement, c'est une expression que trop d'entre nous emploient. C'est comme si on niait l'existence de tous les francophones hors Québec, de tous les anglophones qui vivent au Québec, de tous les francophones et anglophones du Nouveau-Brunswick, une province officiellement bilingue, et de tous les habitants des deux territoires, les Territoires du Nord-Ouest et le Nunavut, qui ont aussi adopté l'anglais et le français comme langues officielles.
De grâce, pensons à ce que nous disons lorsque nous employons à l'expression « le Québec et le Canada anglais ». Cela ne décrit pas bien la réalité canadienne.
Le sénateur Buchanan : Je crois que j'avais raison, au sujet de la Nouvelle-Écosse. J'ai dit que c'était 4,8 p. 100, mais c'est en fait 3,8 p. 100.
Le président : Merci beaucoup, sénateur.
[Français]
Le président : On lit dans les journaux de temps en temps des histoires d'horreur; de personnes unilingues qui ne peuvent plus se qualifier à du travail au gouvernement fédéral.
D'autre part, nous avons l'école de formation de langue où il y a des programmes spéciaux. Ce pays manque à ses obligations quand il paie une fortune pour former des professionnels dans tous les domaines mais quand il oublie la valeur fondamentale canadienne, c'est-à-dire la capacité de pouvoir s'exprimer, communiquer et travailler dans les deux langues. Il se produit donc, que de temps à autre, les journalistes qui aiment bien trouver la petite bête dans le fond du baril nous sortent ce genre d'histoire; on crie à la persécution et tout ce que vous voulez.
Le gouvernement fédéral peut-il, en coordonnant ses efforts avec les gouvernements provinciaux, convaincre les universités que la formation linguistique fait partie du bagage d'un jeune dans ce pays?
De sorte que, dès qu'il décroche son diplôme, il est capable d'entrer au gouvernement fédéral sans être obligé de suivre un cours de formation en langue pour se qualifier selon les normes minimales requises par telle et telle position. Il me semble qu'il y a une faille majeure dans tout le système. Pouvez-vous faire quelque chose?
M. Bélanger : Si votre question est à savoir si le gouvernement du Canada a l'autorité d'imposer ce système.
Le président : Non, non. De pair avec les provinces. Est-ce que vous en parlez aux provinces?
Mme Fortier : C'est une question complexe. Je pense que la base, vous en avez tous parlé, est la formation linguistique au primaire et au secondaire. Plus il y aura de jeunes qui sortiront du secondaire en étant bilingues, moins le problème sera sérieux une fois arrivé à la fin du post-secondaire.
Le président : Ils ont ce bagage minimal au sortir du secondaire. Ensuite à l'université, ils sont plongés dans un milieu généralement anglophone au Canada, sauf dans les institutions francophones bilingues et ils perdent leurs acquis.
Mme Fortier : Il y a deux façons d'aborder ce problème. Pour les besoins de service à la population, le gouvernement a choisi d'investir dans la formation professionnelle francophone ou anglophone selon les besoins. Cela a été le cas en santé dans le plan d'action. Est-ce que le gouvernement devrait envisager de faire la même chose dans le domaine de la justice, par exemple, ou dans d'autres domaines, c'est une bonne question. On devrait s'y pencher au moment du renouvellement du plan d'action.
Un réseau de 13 ou 14 universités francophones, dont l'Université d'Ottawa est un joueur important à cause de sa taille, a des programmes de formation en français. Il travaille à augmenter le nombre d'étudiants dans leurs programmes. Il est très actif en ce moment pour essayer de créer des programmes de bourse et différentes autres initiatives pour augmenter le nombre de professionnels dans toute une série de domaines. Alors vous avez parfaitement raison, je crois que, bien que l'investissement au primaire et au secondaire continue d'être important, probablement au cours des prochaines années, on devra s'attarder davantage aux besoins de professionnels, pas seulement pour la fonction publique fédérale, mais pour les services au public : les juges, les avocats en pratique privée, tout le système, dans tous les domaines. Et en ce moment, le gouvernement fédéral n'a pas d'initiative dans ce domaine.
Le président : Merci.
M. Bélanger : Il n'y a aucun doute sur le fait qu'il serait plus avantageux que les gens qui travailleraient à la fonction publique canadienne apprennent les deux langues officielles à l'université ou au collège plutôt qu'ici ou même près de la retraite. Y aurait-il lieu d'impliquer le réseau des universités et des collèges dans une telle discussion? Je crois que ce serait peut-être utile de le faire, monsieur le président. Si votre comité veut le faire, bravo. Le plan d'action aura été mis en œuvre dans trois ans et il faudra penser bien avant cela à son renouvellement, à sa continuation; et ce genre de discussion pourrait certainement faire partie de cette réflexion.
Le président : Monsieur le ministre, les cloches vous convoquent.
M. Bélanger : Je commence à saliver!
Le président : Je tiens à vous remercier au nom de tous les membres de ce comité.
[Traduction]
Vos réponses sont directes, franches et très informatives. Nous vous souhaitons bonne chance dans vos nouvelles fonctions.
[Français]
Vous aurez notre appui pour tout ce que vous allez déployer pour rendre ce pays acceptable.
[Traduction]
M. Bélanger : Permettez-moi de vous remercier. Je n'oublierai jamais la journée d'aujourd'hui, puisque c'est la première fois que je comparais devant un comité de la Chambre ou du Sénat à titre de ministre. Merci de m'en avoir donné l'occasion.
Le président : Honorables sénateurs, j'aimerais proposer quelque chose avant que vous ne partiez. Puisque nous avons le quorum — et j'aimerais le garder — nous pourrions commencer tout de suite l'examen des propositions budgétaires qui nous sont imposées par l'administration de la Chambre des communes. Je dois faire rapport du budget de notre comité au Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration, lundi prochain. Nous pouvons faire cela maintenant. Cela ne devrait pas prendre trop de temps.
Nous allons poursuivre à huis clos. J'invite les personnes qui attendent à l'extérieur à ne pas trop s'éloigner si elles veulent partager notre repas avec nous.
Le comité poursuit la séance à huis clos.