Délibérations du Comité sénatorial spécial sur le Vieillissement
Fascicule 4 - Témoignages
OTTAWA, le lundi 19 février 2007
Le Comité sénatorial spécial sur le vieillissement se réunit aujourd'hui à 12 h 36 pour examiner les incidences du vieillissement de la société canadienne et en faire rapport.
Le sénateur Sharon Carstairs (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente : Bonjour, mesdames et messieurs. Bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial spécial sur le vieillissement. Le comité est en train d'examiner les incidences du vieillissement de la société canadienne. Nous accueillons cet après-midi deux panels qui vont nous entretenir de l'approche fondée sur le parcours de vie, qui reconnaît que le vieillissement est un processus qui dure toute la vie et qui intervient dans les grandes étapes de la vie comme les études, la constitution d'une famille et la retraite.
Sont donc des nôtres aujourd'hui, pour nous aider à mieux comprendre ces questions, plusieurs invités, dont Victor Marshall, professeur de sociologie à l'Institut sur le vieillissement, University of North Carolina. Il travaillait autrefois à l'Université de Toronto, où il a pendant sept ans dirigé l'Institute for Human Development, Life Course and Aging.
Nous allons également entendre Terrence Hunsley, directeur principal de projet, Projet de recherche sur les politiques. Le PRP, tout en menant des projets de recherche indépendants, est rattaché à Ressources humaines et Développement social Canada.
Victor Marshall, professeur de sociologie, Institut sur le vieillissement, University of North Carolina, à titre personnel : Je vous remercie de m'avoir invité à comparaître devant le comité spécial. J'ai lu les procès-verbaux de vos séances antérieures, et le comité ici réuni est bel et bien spécial. Je suis ravi d'être là.
Je vais faire quelques brèves remarques, après quoi je me ferai un plaisir de répondre à vos questions. Je suis professeur, alors appuyez simplement sur un bouton, car je peux parler pendant trop longtemps de n'importe quoi.
J'imagine que vous ne savez peut-être pas très bien pourquoi cette personne de Chapel Hill, en Caroline du Nord, est venue ici s'entretenir avec vous, alors je vais vous mettre un petit peu les choses en contexte. Je suis Canadien, étant né et ayant grandi à Calgary. J'ai fait mon baccalauréat à l'Université de l'Alberta, à Calgary, et ai fait partie de la dernière promotion avant que cette université ne devienne l'Université de Calgary. J'étais inscrit au programme de formation des officiers de réserve de la Réserve de la marine royale du Canada, la Division universitaire d'instruction navale. On m'a donné ma commission dans la réserve navale, mais on m'a placé sur la liste des inactifs lorsque je suis allé aux États-Unis faire mon doctorat.
Je suis retourné au Canada pour une carrière universitaire, et c'est ainsi que je suis resté à l'Université McMaster pendant huit ans, pour ensuite aller à l'Université de Toronto, où j'ai travaillé pendant 20 ans. Pendant cette période, j'ai donné le premier cours en sociologie du vieillissement jamais offert dans une université canadienne et ai formé plusieurs étudiants de niveau doctoral en sociologie et en santé publique, dans le contexte du vieillissement. Mon premier étudiant au doctorat était en fait Anne Martin-Matthews, qui a comparu devant le comité lors d'une séance antérieure.
J'ai été membre fondateur, puis vice-président, de l'Association canadienne de gérontologie, et j'ai siégé au Conseil consultatif du Régime de pensions du Canada jusqu'à son démantèlement. Il y a dix ans, on m'a nommé président du Conseil consultatif de gérontologie d'Anciens Combattants Canada. En 1999, j'ai pris un poste à l'University of North Carolina pour y diriger l'Institut sur le vieillissement, mais surtout pour y suivre mon épouse, qui avait été nommée doyenne de la School of Information and Library Science.
Anciens Combattants Canada, ACC, continue de me demander de présider son Conseil consultatif de gérontologie. Je vais utiliser le temps dont je dispose ici pour vous faire ma déclaration pour vous parler de Parole d'honneur, le rapport que vient tout juste de publier le conseil. Je me ferai ensuite un plaisir d'avoir une discussion avec vous. J'ai publié quelques livres sur la perspective du parcours de vie et je pourrais discuter de cela avec vous.
Le Conseil consultatif de gérontologie va bientôt fêter son 10e anniversaire. Comptent parmi ses membres des représentants des trois associations d'anciens combattants qui défendent les intérêts des anciens combattants dits traditionnels, soit ceux de la Première Guerre mondiale, de la Seconde Guerre mondiale et de la guerre de Corée; des gens du secteur des soins de santé qui offrent des services à ces anciens combattants ou qui ont une expérience autre des soins de longue durée; et les chercheurs canadiens chefs de file en matière de vieillissement et de santé. Anciens Combattants Canada nous demande des conseils et je suis heureux de dire que ceux-ci ont, pour la plupart, été suivis et ont eu des retombées.
Toute recommandation que nous formulons doit satisfaire à trois critères : elle doit correspondre aux besoins des groupes d'anciens combattants qui ont un intérêt direct dans ce que fait Anciens Combattants Canada; elle doit être réaliste dans le contexte de l'expérience clinique et de soins de santé des prestateurs de services pour Anciens Combattants Canada; et elle doit être conforme aux critères scientifiques qui sont si importants pour les chercheurs universitaires au conseil.
Les recommandations contenues dans Parole d'honneur ont franchi ces obstacles et constituent donc des recommandations en vue de réformes axées sur ce que l'on appelle la pratique fondée sur l'expérience clinique.
Nous sommes en train de construire à partir de l'énergie créée par la Charte des anciens combattants, qui vise tout particulièrement les vétérans des Forces canadiennes. Nous avons passé en revue les arrangements existants pour les anciens combattants traditionnels et avons élaboré un cadre esquissant les meilleurs moyens d'appuyer la santé, le bien- être et la qualité de vie des quelque 234 000 anciens combattants que compte le pays.
Nous énonçons dans ce rapport un certain nombre de principes. Le premier est que tous les anciens combattants devraient être admissibles. À l'heure actuelle, 40 p. 100 des anciens soldats ayant participé à des efforts de guerre touchent des indemnités de santé d'Anciens Combattants Canada. Notre position est que tous les anciens combattants pouvant bénéficier des services d'ACC devraient être admissibles. En d'autres termes « un ancien combattant est un ancien combattant est un ancien combattant ».
Nous voulions construire à partir des premiers principes. Anciens Combattants Canada a fait un merveilleux travail progressif en répondant à l'évolution démographique et aux changements dans les besoins des anciens combattants, mais nous voulions bâtir à partir de ce que nous savons être la meilleure façon d'assurer aux gens les services dont ils ont besoin.
Nous nous inscrivons dans une perspective de déterminisme social de la santé. Les principaux déterminants sociaux du bien-être dans les vieux jours d'une personne sont la santé, la richesse et l'intégration sociale. Cela est le prolongement du cadre adopté par Santé Canada et par l'Organisation mondiale de la Santé dans son cadre de vieillissement actif, dont vous avez entendu parler lors de séances antérieures.
Nous avons également une perspective du vieillissement fondée sur le parcours de vie. Pour comprendre les gens âgés, il faut comprendre ce qu'ils ont vécu plus tôt et ce qu'ils espèrent vivre à l'avenir. Certains événements qui sont survenus à un jeune âge peuvent avoir des effets à retardement néfastes pour la santé, comme le confirment les études sur le syndrome du stress post-traumatique et les recherches australiennes sur les vétérans de la guerre de Corée. Cela laisse entendre que la promotion de la santé et la prévention de la maladie devraient être des éléments importants des services d'ACC, ce qui cadrerait également avec les recommandations de l'examen fédéral des programmes de santé.
Cela suppose également une perspective écologique. Nous plaçons l'ancien combattant dans le contexte de sa famille et de sa communauté et essayons de lui proposer des programmes de soins qui soient géographiquement proches de lui.
Le plus important est qu'il s'agit d'un programme fondé sur les besoins plutôt que sur des critères d'admissibilité complexes fondés sur le service. Nous maintenons qu'il n'est ni faisable ni nécessaire de lier un problème de santé survenant à un âge avancé à un événement particulier survenu en service de guerre.
Une fois réunis tous ces éléments, nous avons constaté la nécessité de trouver un nouveau moyen d'organiser des services sociaux et de santé exhaustifs et intégrés et c'est ainsi que nous avons élaboré un plan inspiré de deux systèmes de prestations de services québécois qui avaient reçu des évaluations très positives. Ce plan inclut un point d'entrée unique et le renvoi au palier approprié, parmi trois paliers de soins de santé. Tout ceci a pour corollaire l'idée d'intervenir rapidement auprès des anciens combattants, c'est-à-dire avant qu'ils ne soient trop fragilisés ou frappés d'incapacité. Lorsque nous avons rédigé le rapport il y a de cela presqu'un an, l'âge moyen des anciens combattants de la Seconde Guerre mondiale était déjà de 82 ans et celui des anciens combattants de la guerre de Corée de 72 ans.
Il est presque déjà trop tard pour intervenir de façon précoce auprès de cette population. C'est ainsi que nous ressentons une certaine urgence. Que l'on s'attaque au problème pendant que les anciens combattants traditionnels sont toujours de ce monde et peuvent bénéficier d'aide. Cependant, les experts en promotion de la santé et en prévention de la maladie soulignent qu'il n'est jamais trop tard et qu'il n'est jamais non plus trop tôt pour instaurer des stratégies de promotion de la santé qui produiront des résultats positifs.
J'ai été heureux de constater, à la lecture des procès-verbaux de vos réunions antérieures, que plusieurs autres témoins ont fermement recommandé l'adoption d'une approche axée sur la promotion de la santé et la prévention de la maladie ainsi que des perspectives fondées sur le parcours de vie.
J'ai dans ce domaine des antécédents qui remontent loin en arrière, mon travail sur le vieillissement de la population, le vieillissement de la population active et la nature changeante de la transition vers la retraite ayant débuté en 1968. Je me ferai un plaisir de discuter avec vous de l'une quelconque de ces questions ou de la perspective fondée sur le parcours de vie, mais je tenais à insister sur le rapport Parole d'honneur, étant donné son importance dans le cadre de l'initiative en cours, visant à aller plus loin que la Nouvelle Charte des anciens combattants, qui a été mise en œuvre en avril 2006. Cette Charte ciblait certaines réformes dans les services offerts aux anciens combattants des Forces canadiennes. L'initiative actuelle, l'examen des soins de santé, s'appuiera sur ce rapport, mais doit englober tous les anciens combattants.
Chacune des organisations d'anciens combattants a appuyé Parole d'honneur. Que chaque organisation d'anciens combattants au pays, sans exception, ait été à nos côtés lors de la publication de ce rapport nous a remplis de joie. Nous espérons que les recommandations du rapport inspireront également la sympathie du gouvernement.
Nous livrons nos conseils à Anciens Combattants Canada, mais si les recommandations que nous formulons dans Parole d'honneur devaient s'inscrire dans l'examen en cours des soins de santé, Anciens Combattants Canada aurait besoin de votre appui.
[Français]
Terrence Hunsley, directeur principal du projet, Projet de recherche sur les politiques : Madame la présidente. Je vous remercie de l'invitation à vous rencontrer aujourd'hui. Cela me donne l'occasion de présenter certains travaux que le Projet de recherche sur les politiques, en collaboration avec plusieurs ministères fédéraux, a effectués sur le vieillissement de la population et les problèmes du marché du travail.
Dans mon exposé, je présenterai les points saillants et il me fera plaisir de prendre part à la discussion qui suivra.
[Traduction]
Il y a essentiellement quatre points que je tiens à mentionner. Le premier est que la démographie a son importance mais que celle-ci peut être exagérée si on la considère isolément. Du point de vue de la politique, les grands facteurs dynamiques découlent de combinaisons de tendances démographiques et de comportements sociaux et économiques.
Le deuxième est que le Canada est en relativement bonne posture pour faire face au vieillissement de la population. Néanmoins, l'offre totale de main-d'œuvre par rapport à la taille totale de la population entamera bientôt une période de recul, ce qui exercera des pressions sur l'économie et la gestion fiscale par le gouvernement. Il y aura des défis à relever. Leur importance dépendra de notre réaction d'ensemble sur le plan des politiques, de la réaction sociale et économique de la population et de la productivité et des facteurs cycliques dans l'économie. Il se présentera également des possibilités porteuses, non seulement d'améliorer l'efficacité des politiques sociales et du marché du travail, mais également d'améliorer l'économie à mesure que s'amélioreront les incitatifs, par exemple en incluant ceux et celles qui sont présentement marginalisés au sein de la population.
Le troisième point est que les effets du vieillissement varieront d'une province à l'autre et nul doute à l'intérieur de chaque province.
Le quatrième élément est qu'une vaste gamme d'options politiques peuvent influer sur les issues. Ces options ne sont bien sûr pas toutes fédérales ni même gouvernementales. Il existe de nombreuses institutions du secteur privé dont les activités influeront sur les conséquences du vieillissement de la population.
Le Projet de recherche en politique, ou PRP, œuvre non seulement avec toute une gamme de ministères fédéraux mais également avec Statistique Canada à l'élaboration et à la mise en œuvre d'un programme appelé LifePaths. Nous en avons tiré des données que nous vous exposerons dans la présentation PowerPoint. Geoff Rowe va prendre la parole un peu plus tard et il vous expliquera, j'en suis sûr, les aspects techniques de LifePaths, mais je tenais à vous livrer certains des résultats que nous avons pu compiler.
Le premier élément est que le taux de fécondité a augmenté de façon marquée après la Seconde Guerre mondiale. C'est le Canada qui a connu le plus important baby-boom par tête d'habitant du monde occidental et qui a sans doute enregistré par la suite le taux de fléchissement le plus précipité.
Lorsque vous regardez nos ratios de dépendance des personnes âgées par rapport à d'autres pays, nous nous situons dans la fourchette moyenne des pays occidentaux. Si vous regardez ces graphiques de plus près, vous y verrez que le Canada a aujourd'hui une population légèrement plus jeune que le Royaume-Uni et les États-Unis, mais qu'à compter de 2025, notre ratio de dépendance des personnes âgées sera légèrement supérieur. Nous connaîtrons une période de vieillissement relativement rapide pendant cet intervalle.
L'on parle beaucoup de ratios de dépendance des personnes âgées et de ratios de dépendance totaux. Certains d'entre vous n'apprécient sans doute pas beaucoup que l'on emploie des termes comme dépendance lorsqu'on parle du rôle des aînés dans notre société, et je serais d'accord avec vous là-dessus. Je ne pense pas que ce soit un très bon terme. Il s'agit néanmoins d'un terme standard qui est utilisé par les démographes.
Nous estimons que les ratios de dépendance peuvent être trompeurs si on les examine isolément du reste. Nous avons, avec Statistique Canada et d'autres ministères, mis au point une meilleure mesure de la capacité de l'économie de soutenir la population. Nous avons pris le nombre total d'heures de travail dans l'économie chaque année depuis 1971 et l'avons divisé par le chiffre total de la population. Puis, en utilisant LifePaths, nous avons fait des projections dans le futur.
Les données montrent que, depuis 30 ans environ, les heures de travail per capita vont en augmentant. Elles sont passées d'environ 740 heures par an à près de 1 000 heures par an per capita. Cette tendance se renversera au cours des deux à cinq prochaines années environ, et ce nombre devrait diminuer par la suite.
Cependant, si nous comparons la réduction à l'avenir, la réduction correspondant à nos projections en matière d'heures per capita et de ratios de dépendance, nous voyons une différence marquée. Ce que nous projetons est loin de reculer aussi rapidement que les ratios de dépendance, et la raison en est que nous pouvons tirer davantage de travail des personnes d'âge productif que ce n'était le cas autrefois. Les deux principales raisons à cela sont la participation accrue des femmes au marché du travail et des niveaux d'instruction supérieurs. Les personnes plus instruites travaillent sensiblement plus d'heures pendant leur vie. L'on obtient davantage d'heures de travail de la population active actuelle, et cette tendance se maintiendra.
Les heures de travail annuelles per capita varient sensiblement d'un bout à l'autre du pays. L'incidence du vieillissement variera elle aussi d'une province à l'autre. À l'avenir, les provinces de l'Atlantique et le Québec subiront une plus grande incidence relative du fait du vieillissement de leur population. La réduction des heures de travail — de l'offre de main-d'œuvre, si vous voulez — sera plus marquée dans ces provinces. Nos projections annoncent également une baisse marquée dans les territoires, mais il importe que j'apporte ici quelques précisions : la population des territoires étant très petite, de très petits changements pourraient amener d'importantes différences dans les projections. Notre niveau de confiance à l'égard de ces projections est limité pour ce qui est des régions à faible population.
De façon générale, nous pouvons prédire que la croissance économique sera clairement limitée par un déclin de l'offre relative de travail, ce qui résultera en des augmentations du côté de la sécurité du revenu et des coûts de soins de santé. Ces augmentations seront en partie contrecarrées par une pression réduite du côté des programmes pour enfants et d'autres programmes du gouvernement, mais il y aura néanmoins des augmentations. Nous aurons à l'avenir des personnes âgées plus fortunées qui paieront davantage d'impôts, et cela aura des effets bénéfiques sur le fardeau fiscal. Ces personnes âgées pourraient également, et c'est probablement ce qui va se passer, exiger davantage de services à l'avenir.
Il devrait y avoir à l'avenir de plus grands rendements sur le capital humain. Nous devrions constater une pression à la hausse sur les salaires et une externalisation accrue. L'on pourrait constater une augmentation des inégalités de revenu liées au vieillissement, et ce pour deux raisons. Premièrement, au fur et à mesure de la multiplication des familles à deux revenus, l'on constatera un phénomène que John Myles a appelé l'homogénie éducationnelle conjugale, ce qui signifie que les personnes plus instruites épouseront d'autres personnes plus instruites, ce qui peut influer sur le degré d'inégalité. Deuxièmement, il y a la question des transferts intergénérationnels futurs, surtout lorsque la génération du baby-boom transmettra sa richesse et ses avoirs aux générations subséquentes.
Une chose que nous pouvons et devrions faire tout de suite serait d'encourager les travailleurs plus âgés à rester à l'intérieur du marché du travail afin de maintenir l'offre de travailleurs pendant aussi longtemps que possible. Il y a d'autres choses que nous pourrions également faire. Nous pourrions veiller à ce que plus de gens terminent leurs études secondaires. Cela aurait un effet positif. Nous pourrions réduire le chômage, ce qui aurait une incidence positive, et nous pourrions favoriser un accroissement d'ensemble du taux de participation et de l'intensité du travail ou des heures totales que contribuent les gens à l'économie. Toutes ces mesures auraient une incidence positive sur la capacité de l'économie de soutenir la population.
Des sondages effectués par Statistique Canada ont montré que, de façon générale, les travailleurs âgés préféreraient continuer de travailler. Nombre de retraités auraient continué de travailler s'ils avaient pu bénéficier d'arrangements plus souples, soit pour les horaires de travail soit en travaillant à temps partiel, ou si leur santé avait été meilleure. En effet, beaucoup de travailleurs âgés souhaitent travailler plus longtemps dans l'économie et il y a une vaste gamme de mesures que nous pourrions envisager pour encourager les travailleurs plus âgés à continuer de faire du travail rémunéré.
La dernière transparence présente un diagramme indiquant certains des éléments qui influent sur les décisions en matière de retraite. Vous pouvez y voir qu'interviennent non seulement les programmes gouvernementaux, qu'il s'agisse de programmes de sécurité du revenu pour les personnes âgées, de régimes de pension ou de réglementation de pensions privées ou d'activités d'employeurs, mais également toute une gamme d'autres éléments qui influent sur les décisions des gens en matière de retraite, et il y a donc tout un éventail d'interventions possibles en matière de politique publique.
Je vais m'arrêter là et me ferai un plaisir de participer aux discussions.
La présidente : Merci beaucoup. Monsieur Marshall, lorsque vous avez parlé des prestations pour anciens combattants, vous avez dit que tous les anciens combattants devraient être admissibles, mais que seuls 40 p. 100 d'entre eux le sont. Comment cela se fait-il?
M. Marshall : Ces anciens combattants touchent des prestations.
Le sénateur Murray : Vous avez dit qu'il y a 122 000 anciens combattants qui ne sont pas admissibles à l'actuelle panoplie de programmes de soins de santé d'Anciens Combattants Canada. La question que vient tout juste de poser le sénateur Carstairs m'est venue à l'esprit.
M. Marshall : Lorsque le Conseil consultatif de gérontologie a pour la première fois été établi, tous les universitaires au conseil n'en sont pas revenus lorsqu'on nous a montré la table d'admissibilité. Voilà quel est le problème. Il y a le critère de la pauvreté, le critère du seuil de revenu, mais le principal critère est le fait de pouvoir lier un problème de santé actuel à un incident survenu lors de votre service de guerre. Il s'agit d'un processus complexe. Certains anciens combattants dans certaines catégories peuvent obtenir certains avantages, et d'autres peuvent bénéficier de plus encore.
Il existe un programme intensif de vérification de l'admissibilité qui décourage les gens de faire une demande et en exclut certains. Cependant, certaines personnes ne sont tout simplement pas admissibles parce qu'elles ne peuvent pas lier un problème de santé d'aujourd'hui à quelque chose qui leur serait arrivé en 1944.
La présidente : Vous proposeriez qu'ils soient automatiquement admissibles du fait d'être anciens combattants, que l'admissibilité ne devrait aucunement être déterminée pour des raisons du genre : « J'entends mal parce que j'étais sur la ligne de tir et les bombes ont détruit mon ouïe ».
M. Marshall : C'est exact. Nous ne prétendons pas que quiconque a servi en temps de guerre devrait obtenir quelque chose, car ce devrait être fondé sur le besoin; cependant, si le besoin est là, nous pensons que la personne devrait être admissible.
Dans bien des cas, il n'est selon nous pas très facile de lier un problème d'ouïe au service de guerre. Nous avons, dans notre rapport intitulé Parole d'honneur, des données au sujet de problèmes musculosquelettiques, dont l'incidence est très forte chez les anciens combattants, mais il est très difficile de faire le lien entre une chose qui ne se manifeste comme problème que lorsque vous êtes dans la soixantaine, ou plus, et quelque chose qui vous est arrivé lorsque vous arpentiez l'Italie en 1944. Or, ce lien existe en toute probabilité.
Pour ce qui est des blessures ou des stress opérationnels comme par exemple le syndrome de stress post-traumatique, ou SSPT, de plus en plus d'études internationales confirment l'apparition tardive de ces blessures. L'étude australienne, que nous citons dans le rapport, est le fruit d'un projet de recherche très approfondi sur les vétérans australiens de la guerre de Corée, qui ont littéralement servi aux côtés des soldats canadiens en Corée. La documentation sur le SSPT regorge de renseignements sur l'apparition tardive de ce syndrome. Les gens reviennent et éprouvent de la difficulté à s'adapter. Ils s'adaptent, mais les problèmes resurgissent 30 ou 40 ans plus tard.
La présidente : Avez-vous fait quelque analyse coûts-avantages? Quel serait le coût lié à l'élargissement de la disponibilité des prestations pour englober tous les anciens combattants, en fonction du besoin?
M. Marshall : Nous n'avons pas fait de telle analyse. Au conseil, nous considérons que cela déborde de notre mandat. Nous donnons des conseils. On nous a en fait demandé d'offrir nos conseils sur ce qui fonctionnerait le mieux, sur la meilleure façon d'organiser les services, sans tenir compte des coûts. Les coûts sont le problème du ministère.
Bien que nous n'ayons pas fait d'analyse coûts-avantages, nous sommes très confiants en avançant, sur la base de toute la littérature portant sur la santé et les services de soins de santé, que nombre de nos recommandations permettraient de faire des économies. Une stratégie de promotion de la santé permettrait de faire des économies. Cela économiserait de l'argent car vous augmentez le nombre d'années de vie en bonne santé et retardez l'arrivée des problèmes de santé. Nous savons que la plupart des frais médicaux encourus par les personnes âgées interviennent dans les derniers six mois avant la mort. Ce travail de recherche de pionnier, de renommée mondiale, a été fait par un membre du conseil, Evelyn Shapiro. C'était son travail de recherche, aux côtés de Noralou Roos.
Nous pensons qu'un point d'entrée unique et un système plus coordonné, avec les références croisées que nous recommandons, économiseront beaucoup d'argent. Vous dépensez tellement d'argent rien que pour administrer le système, avec ces incroyables conditions d'admissibilité et tout le manque d'intégration. Nous n'avons pas calculé les coûts, mais nous pensons que lorsque le ministère fera ce travail, il en ressortira qu'il y aura des économies.
La présidente : Monsieur Hunsley, je suis particulièrement intéressée par votre dernière transparence : les influences sur la retraite pour les travailleurs âgés. Vous parlez d'incitatifs à la retraite précoce dans le Régime de pensions du Canada. Pensez-vous que cela devrait être changé? Pensez-vous que nous devrions recommander que les gens ne puissent pas être admissibles à une retraite anticipée dès l'âge de 60 ans ou que devraient alors intervenir de plus grosses pénalités? Que pensent les gens du Projet de recherche en politique à ce sujet?
M. Hunsley : Lorsque nous regardons des programmes comme le Régime de pensions du Canada et la Sécurité de la vieillesse, et cetera, nous devrions faire une distinction entre quand et comment les gens touchent la prestation et s'ils prennent ou non leur retraite. À l'heure actuelle, un grand nombre de ceux qui touchent des prestations du RPC — et il y a eu une augmentation énorme du nombre de personnes qui touchent leur pension au titre du RPC à l'âge de 60 ans — ne prennent pas leur retraite. Ils touchent le RPC à cet âge-là du fait de l'incitatif financier qu'il y a à le faire.
Dans le rapport que nous avons rédigé là-dessus, nous indiquons qu'il y a quelques mesures qui pourraient être envisagées en vue d'assurer un meilleur équilibre, sans forcément changer l'âge. Sur le plan actuariel, il y a un incitatif à toucher plus tôt le RPC. Si nous augmentions l'incitatif à retarder le versement au titre du RPC — par exemple, si au lieu que ce soit 6 p. 100 par an pour en reporter le versement au-delà de l'âge de 65 ans, c'était 8 p. 100 par an —, alors ce serait sans doute un petit peu plus juste et plus équilibré, et cela devrait pouvoir être offert sans amener une augmentation nette du passif du RPC du fait de ceux qui retardent leurs prestations.
Par ailleurs, les gens qui ont 60 ans à l'heure actuelle et qui décident de toucher leur pension au titre du RPC arrêtent en même temps d'y cotiser. Cela paraît évident, mais mériterait peut-être un examen plus attentif. D'un côté, il y a là un incitatif considérable, car si vous avez chaque année, de l'âge 60 ans à l'âge de 65 ans, versé environ 2 000 $ au RPC, vous êtes assez fortement incité à toucher plus tôt votre retraite en vertu du RPC.
D'autre part, lorsqu'une personne prend une retraite précoce au titre du RPC et arrête d'y cotiser, son employeur lui aussi arrête d'y cotiser. Il serait utile d'examiner la possibilité que les gens continuent de toucher leurs prestations de RPC sur la même base flexible, mais en pouvant continuer d'y cotiser — la possibilité de toucher la retraite, mais de continuer d'augmenter ses crédits. Si vous touchez vos prestations de RPC à l'âge de 60 ans, il y a de fortes chances que vous ne maximisiez pas vos prestations. Pourquoi ne pas continuer de cotiser même si vous touchez en même temps, et permettre également à votre employeur de continuer d'y cotiser?
Nous estimons que ces changements valent la peine d'être examinés et qu'il y aurait lieu de voir si ce genre de changement n'amènerait pas une plus forte participation à la main-d'œuvre du simple fait d'offrir aux gens davantage de souplesse dans leurs choix.
La présidente : Qu'en est-il de l'âge de 70 ans? Vous pouvez retarder cela jusqu'à l'âge de 70 ans, mais d'après ce que je crois comprendre, selon les études actuarielles portant sur la tranche d'âge comprise entre 65 et 70 ans, il n'y a aucun avantage pour la personne qui attend l'âge de 70 ans pour toucher.
M. Hunsley : Oui, je suis d'accord avec vous. Il semble qu'il soit préférable de tirer plus tôt sa pension. Pourquoi ne pas augmenter l'incitatif pour ceux qui attendent?
D'autre part, je pense que c'est aujourd'hui à l'âge de 71 ans que les gens commencent à tirer de l'argent de leur REER. Il faudra peut-être une certaine souplesse de ce côté-là également.
La présidente : L'âge à partir duquel vous devez commencer à retirer de l'argent de vos REER a été ramené à 69 ans. Je le sais, car j'ai dans ma famille quelqu'un qui a 73 ans.
Le sénateur Keon : Monsieur Marshall, j'aimerais revenir sur certaines des personnes qui ont eu de la difficulté à obtenir une couverture, comme par exemple les membres de la marine marchande, qui avaient comme héros au Sénat le sénateur Marshall. Il a continué de plaider en leur faveur pendant nombre d'années. Sont-il maintenant pleinement intégrés, ou bien continuent-ils d'avoir des problèmes?
M. Marshall : Ils sont intégrés. Étant donné les complexités de la chose, je ne parviens pas à me tenir à jour pour ce qui est de la table d'admissibilité; mais les membres de la marine marchande sont couverts, au moins en ce qui concerne certaines prestations. Je pense qu'ils ont droit aux mêmes prestations que ceux qui ont servi de l'autre côté de l'Atlantique.
Le sénateur Keon : Je comprends.
M. Marshall : Il y a ici aujourd'hui quelqu'un d'Anciens Combattants Canada qui pourrait sans doute répondre à cette question.
Le sénateur Keon : Vous avez parlé également des déterminants sociaux de la santé. Je trouve intéressant que nous puissions empêcher que des gens n'entament prématurément cette courbe exponentielle.
M. Marshall : C'est bien le cas.
Le sénateur Keon : Nous pouvons, comme vous l'avez dit, l'aplanir, jusqu'aux six derniers mois, malheureusement, avant leur décès, au cours desquels interviennent dans le système les plus grosses dépenses. Vous autres, dans ce secteur, connaissez sans doute mieux cela que n'importe qui. Quel genre de taux de réussite affichez-vous? Avez-vous réussi à aplanir la courbe?
M. Marshall : Premièrement, il y a le phénomène de la compression de la mortalité, en ce sens que les gens vivent plus longtemps, puis le fléchissement est plus abrupt. Cela s'appelle la compression de la morbidité. Au fur et à mesure que la mortalité ressemble de plus en plus à un plateau dont chacun tombe à la fin de sa vie, la morbidité est-elle elle aussi en train de suivre cette tendance? La réponse est oui.
Cela a-t-il à voir avec les initiatives en matière de promotion de la santé? Il y a de plus en plus de preuves que c'est bien le cas.
Dans le rapport, nous puisons dans le travail du Healthy Aging Research Network, qui est un réseau américain. L'University of North Carolina est l'une de huit universités américaines qui participent à ce réseau. Nous passons en revue la pratique fondée sur l'expérience clinique, surtout relativement à des questions comme la nutrition et l'activité physique. Je n'entends pas forcément par là de l'exercice, mais plutôt de l'activité physique, comme par exemple des marches d'une demi-heure, trois fois par semaine, tel que recommandé par le U.S. Surgeon General, ce qui réduit sensiblement le risque cardiovasculaire. Il existe d'assez bonnes preuves que ce genre d'activité régulière réduit également de nombreux autres risques.
Il existe des preuves croissantes, bien que ce soit toujours un travail en cours, que des programmes ciblés d'intervention pour la promotion de la santé, comme par exemple des programmes à assez faible intensité livrés par des centres pour personnes âgées, aident les gens à rester plus longtemps en santé. Par exemple, les programmes de marche dans les centres commerciaux coûtent très peu et sont faciles à organiser au niveau communautaire, et l'on constate qu'ils aident les gens à rester plus longtemps en santé.
Quantité de progrès sont en train d'être faits. Bien sûr, la cessation de l'usage du tabac est un autre candidat évident.
Le sénateur Keon : Disposez-vous de données pertinentes à jour que vous pourriez fournir au comité?
M. Marshall : Oui, j'en ai, et je pourrais envoyer au comité un rapport résumant ces renseignements.
Le sénateur Keon : Merci. Monsieur Hunsley, l'un des grands problèmes pour les employeurs est le vieux slogan « Liberté 55 », qui convient à tout le monde. L'employé bien rémunéré a le plaisir d'une retraite précoce et l'employeur peut embaucher deux personnes pour le prix de l'employé qui part à la retraite. Existe-t-il des incitatifs pour échapper à cela, ou bien cela continuera-t-il pendant quelque temps encore?
M. Hunsley : Il y a, dans le système, des incitatifs qui poussent les gens à partir dès qu'ils ont accumulé suffisamment de crédits de pension privée. Il y a par ailleurs à l'intérieur du système des désincitatifs, pour contrer cela. Par exemple, la Loi de l'impôt sur le revenu ne vous permet pas de continuer de cotiser à un régime de pension privé tout en touchant votre pension. Lorsqu'une personne qui travaille devient admissible à des prestations de pension, il lui faut, pour pouvoir les toucher, quitter son emploi.
Tant et aussi longtemps que ces incitatifs demeureront en place, les gens qui ont des crédits de pension continueront d'avoir tendance à quitter leur emploi vers la fin de la cinquantaine. Un grand nombre de ces personnes réintègrent le marché du travail avec un employeur différent. Il est malheureux qu'elles aient eu à quitter leur employeur, mais dans une certaine mesure, il s'installe un genre d'équilibre, car l'employeur perd peut-être un employé à salaire élevé, mais il le remplacera avec quelqu'un qui touchera un salaire bien moindre. Le retraité, lui, pourra peut-être se trouver du travail à temps partiel, par exemple en tant qu'expert-conseil, auprès d'autres employeurs.
Nous recommandons qu'il soit fait en sorte que le processus soit rendu plus souple en supprimant certains des incitatifs existants. Ceux-ci peuvent être le fait de lois touchant les régimes de pension privés ou de la façon dont sont calculées les prestations. Par exemple, dans le cas de nombreux régimes de pension privés, les prestations sont établies à partir des cinq meilleures années de rémunération de l'employé. Les cinq meilleures années sont en règle générale les cinq dernières années, et l'année suivante est toujours légèrement meilleure que la précédente. Vous êtes incité à accumuler un maximum de crédits. Cependant, si une personne commence à travailler à temps partiel, son salaire diminue, ce qui l'incite à quitter son emploi plutôt qu'à continuer de travailler à temps partiel.
Voilà des exemples de petites mesures, en un sens. Tout est dans le détail, mais c'est en regardant ces détails que l'on pourra peut-être trouver des moyens d'augmenter la flexibilité dont pourraient jouir tant les employeurs que les employés dans leurs décisions de travailler, de prendre leur retraite, de combiner travail et retraite et diverses activités, selon l'étape où ils sont dans leur vie.
Le sénateur Keon : Ma question suivante va peut-être paraître injuste, car il me faudrait peut-être la poser à des gens qui s'occupent d'immigration plutôt qu'à vous. Nous avons tous des sueurs froides quant à savoir ce que nous allons faire avec les gens de la génération du baby-boom. Il semblerait que l'une des solutions réside dans le boom de l'immigration. Je ne suis pas en train de dire qu'il nous suffirait de faire venir au pays des gens en grand nombre. Je recommanderais plutôt un boom d'immigration soigneusement planifié pour combler les trous. En effet, cela ressemblerait jusqu'à un certain point à ce que nous avons eu après la Seconde Guerre mondiale, lorsqu'un grand nombre de personnes très intelligentes ont immigré au Canada, ce qui a beaucoup bénéficié à notre économie. Aujourd'hui, l'accent est mis sur l'humanitarisme, ce qui est merveilleux, et nous avons une obligation en la matière. Cependant, d'un point de vue économique et de planification autour du vieillissement des baby-boomers, nous devrions avoir un plan qui lie l'immigration aux carences amenées par le vieillissement et le départ à la retraite des gens du baby-boom.
M. Hunsley : Nous nous sommes penchés sur les tendances en matière d'immigration. Vous avez raison de dire que l'immigration est importante, de façon générale, pour la croissance de l'économie et de la population. Cependant, si nous devions maintenir en place l'actuel profil de l'immigration, cela ne viendrait pas changer grand-chose à la pyramide des âges au Canada, car ce profil n'est pas très différent du profil général des Canadiens. La réalisation de ce que vous proposez exigerait des changements d'envergure à la politique de l'immigration, qui devrait alors notamment viser une population beaucoup plus jeune.
M. Marshall : Je suis d'accord, mais comparativement aux politiques américaines en matière d'immigration, les politiques canadiennes d'immigration ont en vérité favorisé le Canada, notre politique d'immigration insistant beaucoup plus que son pendant américain sur le recrutement ou l'accueil d'immigrants qualifiés. Votre idée est intéressante, sénateur Keon. Il y a de cela plusieurs mois, j'ai assisté, à Mexico, à une conférence d'un conseil consultatif économique nord-américain établi par l'ALENA comme groupe de réflexion intergouvernemental. Cette conférence a porté sur des questions comme celles-là, mais rendues encore plus complexes par les démographies différentes des trois pays. L'exemple qui a été maintes fois cité à la conférence était que les États-Unis comptent beaucoup de personnes âgées et qu'ils ont besoin de travailleurs en soins de santé, alors que le Mexique compte un surplus de jeunes infirmières qui ont besoin d'emploi. Ne pourrions-nous pas négocier des arrangements de type ALENA autour de l'immigration, mais pas forcément des arrangements permanents, de façon à permettre un plus libre mouvement de travailleurs en vue de corriger ces déséquilibres démographiques grâce à un jeu d'offre et de demande dans différentes catégories d'emplois? Certains responsables d'orientation politique sont en train de se pencher sur la question.
[Français]
Le sénateur Chaput : Ma première question s'adresse à M. Marshall. Vous avez au sein du ministère des Anciens combattants des programmes d'assurance. Vous offrez de l'aide aux anciens combattants pour défrayer le coût de prothèses, de médicaments sur ordonnance, de soins dentaires et autres. Ces programmes sont-ils maintenant disponibles pour leur conjointe, car il y a six ou sept ans passés, elles n'y avaient pas droit? Y a-t-il eu des changements à ce sujet, et lesquels recommandez-vous pour ce rôle d'assureur?
[Traduction]
M. Marshall : Nous avons recommandé ces changements. Des changements ont été apportés à la composante Programme pour l'autonomie des anciens combattants, mais non pas au volet traitements.
[Français]
Le sénateur Chaput : Est-ce que la conjointe aurait accès à de l'aide, tout comme l'ancien combattant lui-même, si elle voulait par exemple s'acheter des lunettes?
[Traduction]
M. Marshall : Je ne sais pas trop si cela vaudrait pour les lunettes; entretien de terrain, oui. Je ne suis pas au courant des détails, ceux-ci étant si complexes. Ce qui est certain est qu'autrefois, si l'ancien combattant avait droit, au titre du Programme pour l'autonomie des anciens combattants, à des services d'entretien de propriété et qu'il mourait, alors sa conjointe avait droit à ces services pendant un an, après quoi ceux-ci s'arrêtaient. Cela a changé depuis. La conjointe aurait droit à ces avantages de façon permanente, tant et aussi longtemps qu'elle en a besoin. On a fait du progrès.
[Français]
Le sénateur Chaput : Le rapport que vous nous avez remis n'a donc pas traité le rôle de l'assureur en détails, si je comprends bien?
[Traduction]
M. Marshall : C'est exact. Nous n'avons pas abordé tous ces détails. Nous avons tout simplement souligné la complexité de la chose et le traitement inégal accordé aux différentes catégories d'anciens combattants, sur la base de ce tableau de critères d'admissibilité.
[Français]
Le sénateur Chaput : Je suis certaine que vous serez d'accord avec moi que si la conjointe d'un ancien combattant peu favorisé financièrement avait accès à ces petits remboursements, tout comme lui, cela allégerait leur fardeau.
[Traduction]
M. Marshall : C'est l'avis de tous les membres du conseil. L'ancien combattant type est un homme, bien qu'il y ait un certain nombre de femmes. Il se peut qu'une femme ait consacré, depuis 1945, 60 ans à s'occuper d'un ancien combattant invalide. Elle aura rendu un service merveilleux non seulement à son époux, l'ancien combattant, mais également au peuple canadien. Nous pensons que dans l'intérêt de la justice ces avantages devraient être maintenus. Il nous faut inscrire l'ancien combattant dans son contexte familial. L'unité aux fins d'analyse devrait être la famille plutôt que simplement la personne qui portait l'uniforme.
Les membres du Conseil consultatif des Forces canadiennes sont du même avis.
[Français]
Le sénateur Chaput : Ma prochaine question s'adresse à M. Hunsley. Vous dites que beaucoup de retraités veulent travailler. S'agit-il de retraités moins fortunés ou n'y a-t-il pas de différences entre ceux qui sont plus ou moins fortunés?
[Traduction]
M. Hunsley : Il existe certaines différences. Il y a certains profils généraux qui varieraient selon le niveau de revenu qu'avait la personne auparavant, ainsi que ses prestations de pension et ainsi de suite. Les personnes qui disent qu'elles auraient continué de travailler si elles avaient eu des possibilités de travail à temps partiel ou d'arrangements de travail plus souples sont vraisemblablement des personnes qui ont droit à des prestations de pension conséquentes et qui, si elles continuaient de travailler à temps partiel, seraient pénalisées par leur régime de pension.
Les personnes qui ont travaillé pour un revenu moindre pourraient peut-être, à l'âge de 60 ans, toucher leurs prestations au titre du RPC et se trouver un autre emploi et continuer de travailler, mais si elles travaillent pour un faible revenu, étant donné leur âge, elles ne vont vraisemblablement pas vouloir travailler à temps partiel et voir leur revenu diminuer encore davantage. Les travailleurs à faible revenu, lorsqu'ils atteignent l'âge de 65 ans, arrêtent de travailler, car la combinaison Sécurité de la vieillesse et Supplément de revenu garanti dresse en définitive pour eux un mur. De fait, plus du quart des travailleurs à faible revenu voient leur revenu net augmenter dès l'âge de 65 ans. Leur revenu au titre de leur pension est supérieur à ce qu'a été leur revenu pendant qu'ils travaillaient. C'est ainsi que les profils correspondant aux choix que font les gens varient.
Le sénateur Murray : Monsieur Marshall, auriez-vous une idée de la façon dont nous nous comparons à d'autres pays pour ce qui est des prestations aux anciens combattants, des programmes de soins de santé à leur intention, et ainsi de suite?
M. Marshall : Nous nous comparons plutôt bien aux autres pays. Il se fait beaucoup de travail de liaison. Il se tient une réunion de niveau élevé qui réunit des représentants du Royaume-Uni, d'Australie, des États-Unis et du Canada pour discuter des meilleures solutions en matière de prestations. L'expérience américaine est différente, du fait de la guerre du Vietnam. Les services américains pour anciens combattants sont différents, et les États-Unis continuent d'avoir un système hospitalier de base beaucoup plus élaboré, avec de grands hôpitaux pour anciens combattants et ainsi de suite, et une bien plus forte base de recherche à l'appui de ce qu'ils font.
Il est difficile de faire des comparaisons, les pays étant si différents, mais je pense que nous nous comparons plutôt bien, de façon générale, dans ce contexte.
Le sénateur Murray : Il y a nombre d'anciens combattants des Forces canadiennes dans la Seconde Guerre mondiale dont la seule erreur a été de tomber amoureux d'une jeune femme britannique, de l'avoir épousée et d'être resté là-bas. Ces anciens combattants ont pu fournir la preuve que les prestations qu'ils recevaient en vertu d'un accord de réciprocité qu'a le Canada avec la Grande-Bretagne étaient sensiblement inférieures à celles dont ils auraient bénéficié s'ils étaient tombés amoureux d'une jeune femme canadienne, chez eux. Êtes-vous au courant de cela?
M. Marshall : Oui, de façon générale. Je n'ai assisté qu'à une seule réunion où ces comparaisons ont été faites, mais j'ai eu la très nette impression que l'approche britannique a été de contenir, dans toute la mesure du possible, les avantages offerts, alors que l'approche de l'Australie et du Canada, à tout le moins, a été de commencer à partir de ce qui était nécessaire plutôt que d'une approche de limitation.
Le sénateur Murray : Ces Canadiens qui sont restés au Royaume-Uni prétendaient qu'ils devraient recevoir les prestations canadiennes. D'après ce que je sais, il y avait un arrangement de réciprocité. Les anciens combattants britanniques se trouvant ici touchaient des prestations canadiennes tandis que les anciens combattants canadiens là-bas touchaient les prestations britanniques. Les Canadiens au Royaume-Uni défendaient vivement la position qu'ils devraient selon eux bénéficier des mêmes avantages que les autres canadiens.
Monsieur Hunsley, le Projet de recherche en politique est-il toujours rattaché au Conseil privé?
M. Hunsley : Le Projet de recherche en politique a été déplacé administrativement par le nouveau greffier du Conseil privé et est aujourd'hui logé à Ressources humaines et Développement social Canada.
Le sénateur Murray : Et pourquoi en est-il ainsi?
M. Hunsley : En même temps, cependant, on nous a donné une nouvelle relation hiérarchique, et nous rendons maintenant compte à un comité de sous-ministres représentant tout un éventail de préoccupations.
Le sénateur Murray : Lorsque vous dites que d'importants gains seraient réalisés si les travailleurs plus âgés restaient plus longtemps dans la population active, je dirais, entre parenthèses, que nous ne pourrons pas dire, dans quelques années, que nous n'avions pas vu cela venir. En conséquence nous, vous et vos amis dans la fonction publique sommes en ce moment même en temps de planifier cela.
Je présume que vous-même et d'autres êtes en train d'élaborer des options à soumettre aux décideurs quant à la façon d'employer plus longtemps les travailleurs âgés, tant dans la fonction publique que dans le secteur privé. Est-ce bien le cas?
M. Hunsley : Il serait juste de dire que oui, de façon générale. La fonction du Projet de recherche en politique est d'intervenir dans les dossiers au point de départ, à l'étape de la recherche initiale sur les questions, les ramifications et les possibilités sur le plan politique. Une fois ce travail terminé, nous le confions en un sens aux ministères d'exécution, qui sont responsables d'examiner les questions de politique en profondeur et d'élaborer des recommandations de politique. Je pense que ce genre de travail est en train de se faire au sein des ministères concernés. En fait, le travail que nous avons effectué a fait intervenir plusieurs ministères, pas seulement celui des Ressources humaines, mais également Finances Canada, l'Agence du revenu du Canada, Santé Canada et Citoyenneté et Immigration Canada.
Le sénateur Murray : Que suggéreriez-vous que le comité fasse pour cerner tout l'éventail de possibilités de politiques qui s'offrent au gouvernement? Nous ne cherchons pas à connaître les conseils confidentiels qui sont fournis par différents fonctionnaires ou ministères aux ministres — nous n'avons pas besoin de cela —, mais si nous pouvions nous pencher sur l'éventail des possibilités auxquelles songent ces différents ministères, alors nous pourrions peut-être nous prononcer nous-mêmes sur elles.
M. Hunsley : Le rapport que nous avons produit sur cette question est disponible et il couvre en effet une gamme de politiques stratégiques. Ce serait un point de départ. Nous y énumérons des mesures qui pourraient être envisagées, notamment l'exemple que la présidente a soulevé tout à l'heure relativement aux règlements ayant une incidence sur le Régime de pensions du Canada. Nous y évoquons des questions liées au programme de Sécurité de la vieillesse et à la Loi de l'impôt sur le revenu.
Le sénateur Murray : S'agit-il là d'options?
M. Hunsley : Oui, ce sont des options. Il serait ensuite opportun de faire appel aux différents ministères qui sont responsables de ces politiques, pour déterminer ce qu'ils font et le travail qui est en cours.
Le sénateur Murray : Je pense avoir posé une question du même genre lors d'une séance antérieure. L'un des documents que nous avons devant nous indique que l'âge moyen de l'ancien combattant de la Seconde Guerre mondiale est de 82 ans et que l'âge moyen de l'ancien combattant de la guerre de Corée est de 72 ans.
M. Marshall : Nous avons rédigé cela il y a environ un an.
Le sénateur Murray : Bien. Les membres des Forces canadiennes ayant participé à des opérations de maintien de la paix sont-ils considérés comme d'anciens combattants?
M. Marshall : Oui, ils sont considérés comme étant des anciens combattants. Il y a une distinction, qu'il m'était difficile de comprendre, comme c'est le cas de beaucoup de gens qui ne sont pas directement intéressés. Il a été adopté une notion voulant qu'un ancien combattant soit un ancien combattant. Une distinction est cependant faite entre les anciens combattants des Forces canadiennes et les anciens combattants traditionnels. La Nouvelle Charte des anciens combattants, qui est sortie en 2006, renfermait des réformes visant à offrir de meilleurs services aux anciens combattants des Forces canadiennes. Ceux-ci ne sont pas des anciens combattants au sens traditionnel du terme. Les anciens combattants dits traditionnels sont les trois vétérans de la Première Guerre mondiale — j'ignore si trois d'entre eux sont toujours en vie ou s'il n'y en a aujourd'hui plus que deux —, les vétérans de la Seconde Guerre mondiale et les vétérans de la guerre de Corée.
Le sénateur Murray : Je ne vois aucunement mention dans ces documents d'une distinction entre vétérans traditionnels et vétérans non traditionnels.
M. Marshall : Le Conseil consultatif de gérontologie a pour mandat de conseiller Anciens Combattants Canada quant aux services qu'il offre à ces trois groupes de vétérans dits traditionnels.
Le sénateur Murray : Nous aurons, un jour, perdu cette clientèle.
M. Marshall : Oui, un jour. Les plus jeunes parmi eux sont bien sûr ceux qui ont fait la guerre de Corée.
Le sénateur Murray : Les premiers participants aux opérations de maintien de la paix étaient membres des Forces armées canadiennes, même s'ils étaient sous le commandement des Nations Unies. La première mission a eu lieu en 1956, au Sinaï, et, depuis, il y a eu les missions au plateau du Golan, au Congo et ailleurs en Afrique et dans les Balkans. Les soldats qui y ont participé sont-ils des anciens combattants?
M. Marshall : Oui, ils le sont.
Le sénateur Murray : Ces gars qui sont allés au Sinaï en 1956 ne sont pas beaucoup plus jeunes que ceux qui ont combattu en Corée.
M. Marshall : Je suis ravi que vous posiez cette question. Le Conseil consultatif de gérontologie est limité. Notre mandat ne nous autorise pas à offrir des conseils plus larges. Bien franchement, l'âge moyen des vétérans clients des Forces canadiennes — c'est-à-dire les gardiens de la paix, les membres des forces de maintien de la paix envoyés en Bosnie et en Somalie — est aujourd'hui de 47 ans. Ce ne sont pas des gamins. Comme vous dites, ils vieillissent.
Le sénateur Murray : C'est une population en croissance.
M. Marshall : C'est une population croissante.
Le sénateur Murray : L'on doit supposer que les soldats qui sont aujourd'hui en Afghanistan seront des anciens combattants lorsqu'ils reviendront.
M. Marshall : C'est exact. Dans le cadre de l'élaboration de nos recommandations, nous sommes limités à dire ce qui serait selon nous bon pour les anciens combattants au sujet desquels nous sommes censés donner des conseils, soit les anciens combattants de la Première Guerre mondiale, de la Seconde Guerre mondiale et de la guerre de Corée. Or, nous savons très bien que si l'on mettait en place aujourd'hui un bon système qui s'occuperait des vétérans vieillissants, alors il serait également en place pour les vétérans des Forces canadiennes. Ils ne sont pas si jeunes que cela. Nous formulons une suggestion solide là-dessus à la fin du rapport.
Le sénateur Murray : Dites-moi, qu'il n'y a, en principe, aucune différence dans les avantages qui sont à la disposition des différents groupes de vétérans.
M. Marshall : En principe, il ne devrait pas y en avoir; mais il y en a, dans la pratique. Un ancien combattant des Forces canadiennes n'a par exemple pas droit au Programme pour l'autonomie des anciens combattants.
Le sénateur Murray : Quels anciens combattants n'ont pas droit au PAAC?
M. Marshall : Les Casques bleus et les soldats d'imposition de la paix ne sont pas admissibles au Programme pour l'autonomie des anciens combattants. C'est étrange. Je pense que les responsables à Anciens Combattants Canada reconnaissent qu'il nous faut un programme qui les couvre.
Le sénateur Murray : Des pressions viendront s'exercer sur le gouvernement au fur et à mesure que ces gars — ce sont surtout des hommes — atteignent l'âge auquel ils auraient normalement droit à ces programmes.
M. Marshall : Absolument. Je sais que les membres du conseil, moi-même compris, serions très heureux s'il y avait en place des programmes pour eux, car ils ne sont pas jeunes.
Le sénateur Murray : Il y aurait beaucoup à dire en faveur d'un programme plus cohérent.
M. Marshall : Absolument.
La présidente : Monsieur Hunsley, j'aimerais vous ramener à la question des arrangements de travail souples. Personnellement, je trouve que c'est là le plus puissant incitatif dans le cas des personnes âgées de plus de 60 ou 65 ans. Pour ce qui est des régimes de pension, nous pourrions recommander que ceux-ci soient établis sur la base des cinq ou sept meilleures années, selon la statistique qui est utilisée, de travail à temps plein, et, ainsi, tout travail à temps partiel ne serait pas comptabilisé aux fins de l'établissement de l'admissibilité.
Il me semble cependant qu'il intervient également un autre élément : les employeurs tant publics que privés n'aiment pas forcément les employés à temps partiel. C'est un désincitatif; il leur faut disposer de plus de place et il y a alors un plus grand nombre de personnes à encadrer.
Que nous faut-il faire pour changer les attitudes en matière de souplesse quant au nombre d'heures de travail que font les gens?
M. Hunsley : Permettez que je réagisse à deux points que vous avez soulevés. Le premier concernait le calcul des prestations de pension. Les responsables du Régime de rentes du Québec envisageaient, et cela a peut-être même été adopté — mais il y a en tout cas au moins une proposition en ce sens —, un changement dans le calcul des prestations. Au lieu de prendre les cinq meilleures années ou autres d'emploi à temps plein, ils prendront les gains sur toute la vie, les cotisations sur toute la vie et utiliseront cela comme base pour calculer les prestations de pension. Cela paraît beaucoup plus logique que d'utiliser des définitions arbitraires de durées temporelles.
L'autre point est que de nombreux employeurs n'ont pas été particulièrement ouverts au travail à temps partiel. Cela est vrai. Mais il n'en demeure pas moins qu'un grand nombre d'employeurs sont très ouverts au travail à temps partiel, et qu'une part importante de la population active est occupée dans le cadre d'emplois à temps partiel ou non traditionnels.
Les employeurs deviendront vraisemblablement de plus en plus sensibles à cette question au fur et à mesure qu'ils se trouveront confrontés à des pénuries de main-d'œuvre. Ces questions sont en train d'être examinées par des associations industrielles, par certains des conseils sectoriels que parraine le gouvernement fédéral dans différentes industries. L'on en discute au niveau des associations, mais ces questions ne sont pas encore sur l'écran radar des différentes sociétés ou entreprises, car celles-ci ont tendance à planifier davantage dans le court terme. Tant et aussi longtemps qu'elles parviennent à fonctionner avec le groupe qu'elles ont ou la méthode qu'elles emploient, alors dans bien des cas c'est ce qu'elles continueront tout simplement de faire.
Il y aura, je pense, des changements. Le marché encouragera certainement les employeurs à changer à cet égard.
Une multiplication des programmes d'éducation qui font la promotion de l'idée de la planification en prévision d'une main-d'œuvre vieillissante aiderait, je pense, énormément les employeurs. Il me faudrait préciser que planifier en prévision d'une main-d'œuvre vieillissante ne se limite pas à planifier pour ces travailleurs dans les dernières années précédant leur départ à la retraite, mais doit intégrer la réalisation que la population totale d'employés sera plus âgée à tous les stades. Nous avons retardé notre période de jeunesse. Nous avons prolongé notre période de jeunesse. Les gens ne se lancent de nos jours pas véritablement dans leur carrière avant la fin de la vingtaine ou de la trentaine. Les gens se lancent plus tard dans leur carrière professionnelle, et ils la termineront plus tard également. Cela signifie que toute la structure de la population active est en train de changer, et pas juste pour les plus âgés parmi elle. Il importe que les employeurs s'y sensibilisent davantage.
La présidente : Y a-t-il pour les employeurs des désincitatifs, sur le plan charges sociales, à embaucher deux employés à temps partiel? Par exemple, je songe aux cotisations que devrait faire un employeur à l'AE et au RPC du fait d'embaucher deux personnes pour faire ce que faisait auparavant une seule personne. Serait-il possible de faire quelque chose pour changer cela?
M. Hunsley : Ces dernières années, certains des seuils ont été modifiés, tout particulièrement pour le programme d'AE, dans le cadre duquel il vous faut toujours travailler un certain nombre d'heures pour pouvoir accumuler des droits à l'AE. Je ne pense pas que le fait d'avoir un employé à temps plein par opposition à deux employés à temps partiel occasionne pour les employeurs de grosses économies au titre de programmes tels l'AE ou le RPC, ni des coûts supplémentaires. J'aurais tendance à dire qu'en cas d'écart, il faudrait faire en sorte de l'éliminer. Il ne devrait pas y avoir de désincitatif en fonction du total hebdomadaire d'heures de travail que fait une personne.
Il y a des limites. Le programme d'AE comporte certaines limites et certains mécanismes pour contrer les abus et contenir les dépenses au titre du programme. Je pense que les employeurs pourraient faire appel à davantage d'employés à temps partiel sans pour autant être exposés à un manque d'efficience ou à des coûts accrus.
M. Marshall : Il s'agit là de mon principal domaine de recherche — je ne parviens pas à résister à la tentation de vous le dire. Il y a un ou deux autres éléments à l'appui de cela. Il s'agit très largement d'une question de rétention. L'idée est d'obtenir que les gens continuent pendant plus longtemps de faire du travail rémunéré. L'action doit surtout viser les personnes âgées de 60 à 65 ans, et obtenir que ces personnes travaillent plus longtemps au lieu de partir plus tôt à la retraite.
Si vous voulez déterminer le coût de cela, alors un aspect est le recrutement. Si vous perdez des employés, le recrutement est aujourd'hui une entreprise coûteuse, dans le cas tout particulier des employés de rang supérieur.
Un autre aspect est celui de ce que l'on appelle le savoir perdu. Il y a en ce moment au hit parade des écoles d'affaires un merveilleux livre de David DeLong intitulé Lost Knowledge. Ce livre traite du fait qu'avec le vieillissement et le départ à la retraite des baby-boomers, nous perdons beaucoup de savoir. Beaucoup de choses n'ont pas été couchées sur papier et n'existent que dans la tête des gens. C'est ainsi que l'on parle de savoir tacite. Le livre regorge d'histoires d'horreur d'entreprises qui ont réduit leur personnel, qui se sont débarrassées de tous les travailleurs âgés et qui ont de ce fait perdu leur mémoire institutionnelle. Le livre tourne autour du thème du maintien d'au moins un certain nombre d'employés, comme stratégie.
Il y a de cela des années, nous avons fait de la recherche avec la Nova Corporation, lorsque je travaillais encore à l'Université de Toronto. Nova a complètement changé depuis, mais à l'époque, c'était une entreprise intégrée de gazoduc et de fabrication de produits pétrochimiques. Elle avait à l'époque entrepris une vaste opération de dégraissement des effectifs, et c'est là-bas que nous avons fait notre étude. L'entreprise a été très astucieuse et très prévoyante dans ses approches en matière de ressources humaines. Elle avait beaucoup d'employés contractuels; elle avait sous-traité certains services. Elle faisait ce que font aujourd'hui de nombreuses entreprises. Cependant, elle a également identifié le quart de son effectif comme étant des travailleurs essentiels. Ce que faisaient ces employés était essentiel dans le cadre de la mission première de la Nova Corporation. Il s'agissait d'employés modèle ancien — d'employés à vie. L'entreprise leur a offert un petit peu plus d'éducation permanente que cela n'aurait normalement été le cas, mais elle a pu conserver ce noyau d'employés.
Il existe ce danger de perdre cette connaissance institutionnalisée et de vivre alors une crise profonde. Il s'agit là encore d'un argument en faveur de politiques de travail flexible, comme par exemple la retraite échelonnée. Si vous parvenez à obtenir qu'une personne reste ne serait-ce que pendant deux ou trois années de plus en travaillant à temps partiel, alors vous bénéficiez de 100 p. 100 de ses connaissances. Toutes ces connaissances institutionnalisées sont là à 100 p. 100, mais vous ne payez que pour la moitié. Il est difficile de chiffrer les économies, mais je suis convaincu qu'il y a des économies très concrètes.
La présidente : Ma dernière question concerne un sujet qui a été soulevé la dernière fois que nous avons entendu des témoins, toute la question des personnes âgées ne voulant pas partir à la retraite, refusant la retraite obligatoire, et la question de la sécurité et de la compétence. L'un ou l'autre d'entre vous aimerait-il se prononcer là-dessus?
M. Marshall : Lorsque les Américains ont éliminé la retraite obligatoire il y a de cela plusieurs années, a vu le jour un nouveau domaine, celui de l'examen des compétences, dans le cas, notamment, des pilotes d'avion, des pompiers et d'un certain nombre d'autres professions spécialisées.
La présidente : En cardiologie, notamment.
M. Marshall : Il s'est fait beaucoup de recherches. Ce que l'on a constaté est qu'il y a, dans le cas de la plupart des gens, un déclin progressif, avec l'âge, de nombreuses fonctions, mais que ces différentes fonctions ne déclinent pas au même rythme.
J'ai un problème d'ouïe, qui est en fait lié à mes années de service. Il a été causé par mes entraînements de tir lorsque j'étais élève-officier dans la marine, et il s'agit presque d'une invalidité liée au service. Cela est arrivé chez moi à un jeune âge, mais beaucoup de gens subiront en vieillissant des pertes auditives, même si tout le reste fonctionnera très bien. Il faut donc axer votre analyse sur les compétences, et non pas simplement sur l'âge.
La fonction cognitive est importante en cette ère numérique qui est la nôtre. Ce serait de la folie que de nier que l'âge amène un déclin de la fonction cognitive, mais la plupart des gens sont en fait si loin au-dessus de la barre de ce qui est requis pour assurer un rendement satisfaisant que cela ne compte pas. Ils mourront d'une crise cardiaque ou d'autre chose avant que leur lenteur cognitive et de traitement d'information ne passe sous la barre de ce qui est nécessaire pour assurer un rendement suffisant.
M. Hunsley : Plusieurs décisions récentes des tribunaux en faveur de la suppression de la retraite obligatoire ont placé le fardeau de la preuve de l'autre côté. Les juges ont dit qu'au lieu qu'il y ait un principe général voulant que vous ne soyez plus compétent pour faire un certain nombre de choses à partir d'un âge donné, le fardeau de la preuve devrait être placé de l'autre côté. Il y a peut-être bien quantité de métiers pour lesquels il est approprié d'imposer une retraite obligatoire à un moment donné, mais ce moment peut être déterminé non pas par un nombre d'années arbitraires mais par une mesure d'ensemble de la capacité d'exécuter les fonctions requises.
Cela n'est pas contraire à ce qui se passe de façon générale, surtout du côté des professions. Le nombre de professions qui existent dans le monde ne cesse d'augmenter. Nous créons de nouvelles spécialisations, de nouveaux secteurs de compétence. Nous avons à l'heure actuelle non seulement des programmeurs d'ordinateur, mais toute une série de sous-professions dans ce domaine et dans d'autres également. De façon générale, ces professions sont définies par les compétences requises, et exigent de plus en plus des choses comme des mises à jour annuelles, l'éducation permanente et ainsi de suite, dans le domaine, afin de prouver les niveaux de compétence.
Je m'attends à ce que cette tendance se maintienne à l'avenir et qu'il soit de plus en plus fréquent qu'il faille prouver votre compétence dans votre domaine général. Je n'y vois pas quelque chose de particulièrement mauvais.
M. Marshall : Il y a deux jours, j'ai reçu un appel d'un avocat de Toronto qui voulait discuter d'une affaire qui aboutira peut-être devant les tribunaux. Un homme venait tout juste d'être recruté par une entreprise à Toronto, qui avait suivi un processus de recrutement très approfondi. Il avait dû subir quantité de tests. L'entreprise ne voulait pas embaucher quelqu'un sans vérifier que la personne possédait toutes les compétences voulues. Ce n'est qu'après l'avoir embauché et alors qu'il remplissait toute la paperasse qu'il leur a dit qu'il avait 65 ans, et c'est alors qu'on l'a renvoyé. J'espère que cette affaire sera portée devant les tribunaux. Il s'agit clairement là d'une question de compétence versus âge.
La présidente : Là-dessus, monsieur Marshall et monsieur Hunsley, nous vous remercions beaucoup.
Honorables sénateurs, nous allons maintenant entendre notre deuxième groupe de témoins sur l'approche fondée sur le parcours de vie. Susan Kirkland est professeure à l'Université Dalhousie et participe à l'Étude longitudinale canadienne sur le vieillissement. Elle se consacre à des travaux de recherche sur des sujets variés, dont la santé des femmes, le vieillissement, l'utilisation des services de santé et les études longitudinales. Nous accueillons également Geoff Rowe, qui est conseiller principal, microsimulation, chez Statistique Canada. M. Rowe a publié des études sur des données sur le cycle de vie et les travailleurs âgés.
Susan Kirkland, professeure, Étude longitudinale canadienne sur le vieillissement, Université Dalhousie, à titre personnel : Je tiens à remercier le Comité sénatorial spécial sur le vieillissement de m'avoir invitée à comparaître devant lui aujourd'hui. La question du vieillissement de la société canadienne comporte de sérieuses ramifications pour le gouvernement et je vous félicite du travail que vous avez entrepris, et qui tombe à point nommé.
Étant donné la liste d'invités que vous avez déjà entendus et votre travail antérieur sur le vieillissement, je sais que vous êtes très au courant de la démographie changeante du pays et de la transformation profonde qu'a connue dans le temps la pyramide des âges ici au Canada. Plus particulièrement, au fur et à mesure que les baby-boomers avanceront en âge, et les premiers parmi eux atteindront l'âge de 55 ans en 2011, il y aura des pressions croissantes exercées dans les sphères sociales, économiques et de la santé. Si nous voulons être en mesure de prendre des décisions éclairées au sujet de programmes et de politiques qui refléteront la nature changeante de la société, il nous faudra nous fonder sur des preuves qui guident nos processus décisionnels et qui nous permettent d'évaluer si les programmes et les politiques que nous mettons en œuvre donnent les résultats escomptés.
L'exposé que je vais vous faire aujourd'hui tournera autour du principe central voulant qu'il nous faut lancer des recherches longitudinales permanentes qui puissent servir à la prise de décisions éclairées, à l'évaluation des issues et à la création de nouvelles connaissances qui viendront augmenter notre compréhension du processus complexe du vieillissement. Plus particulièrement, j'aimerais vous entretenir d'une initiative à laquelle j'œuvre depuis 2001, une étude appelée Étude longitudinale canadienne sur le vieillissement, ou ELCV.
Je suis l'un des trois principaux chercheurs œuvrant à cette étude, et, aux côtés de mes collègues, le Dr Parminder Raina, de l'Université McMaster, et la Dre Christina Wolfson, de l'Université McGill, et à y diriger une équipe d'environ 200 collaborateurs de 26 universités qui unissent leurs efforts depuis cinq ans pour jeter les bases de cette étude novatrice.
La Dre Anne Martin-Matthews, qui est la directrice scientifique de l'Institut du vieillissement, vous a déjà parlé de l'ELCV, mais j'aimerais profiter de l'occasion qui m'est ici donnée pour en traiter davantage dans le détail avec vous et, plus particulièrement, pour vous entretenir des avantages pour les Canadiens de la réalisation de ce travail de recherche longitudinal sur le vieillissement.
Je vais commencer par mettre en contexte la recherche sur le vieillissement. Nous savons que le processus du vieillissement entraîne des changements à facettes multiples qui s'opèrent simultanément durant la vie d'un individu au niveau de la cellule, au niveau de la personne et au niveau social et sociétal plus large. Ces dernières années, notre capacité de comprendre la complexité du vieillissement a été améliorée grâce à des percées biologiques et technologiques, comme par exemple le séquençage du génome humain. Cependant, un tableau clair des effets combinés des changements biologiques, physiques, psychologiques et sociaux qui sont à l'œuvre dans le vieillissement ne s'est pas encore dégagé.
Il existe une masse croissante de recherches sur les personnes âgées; or, il importe d'effectuer des études sur le vieillissement comme processus intégrant développement adulte et perspectives de parcours de vie. Dans la documentation qui existe, le concept de parcours de vie joue un rôle central. Au fur et à mesure qu'une personne avance dans son parcours de vie, elle peut être amenée à modifier ses rôles, comportements ou rapports sociaux pour répondre aux exigences d'environnements changeants et à recourir à des stratégies ou à des technologies nouvelles pour s'adapter à ces changements.
Nous savons que les caractéristiques socio-démographiques des gens de la génération du baby-boom sont très différentes de celles de leurs prédécesseurs, et c'est le cas tout particulièrement des femmes. En conséquence, les choix — mais il ne s'agit parfois pas de choix — qui sont faits relativement au travail rémunéré et non rémunéré, à la préparation à la retraite et à la retraite elle-même auront d'énormes conséquences non seulement pour ces personnes prises individuellement, mais également pour la société canadienne dans son ensemble. Des cheminements nouveaux et différents, du travail à la retraite, ont été créés pour de nombreuses familles. Dans certains cas, la retraite sera amenée par un mauvais état de santé. Dans d'autres cas, la retraite elle-même est peut-être liée à un état de santé et à un bien- être en déclin par suite de privations économiques ou sociales. Dans d'autres cas encore, la retraite peut être suivie d'un bon état de santé pendant une assez longue période, sans détérioration pendant de nombreuses années.
La transition à la retraite peut également être indirecte, du fait de la prestation de soins à autrui, ou involontaire, du fait de difficultés à réintégrer le marché du travail après une absence. Ainsi, pour comprendre la retraite, il importe de l'inscrire dans son contexte social plus large, et l'analyse des comportements liés à la retraite doit devenir plus sophistiquée pour tenir compte de cette multitude de facteurs.
Nous savons également que les maladies chroniques ont une incidence sur le vieillissement. Même si l'ELCV intègre les maladies chroniques comme étant un élément important du vieillissement, la réalisation d'enquêtes sur plusieurs maladies particulières sera elle aussi possible. Le plus grand potentiel quant à l'avancement de la connaissance du développement et de la gestion des maladies est offert par l'étude de conditions chroniques relativement communes telles l'arthrite, l'ostéoporose, les maladies cardiovasculaires, les maladies cardiorespiratoires, les maladies cérébrovasculaires, le diabète et l'hypertension. Ces maladies ont été bien étudiées sur le plan prévalence, mais l'on ne dispose que de données très limitées quant à leur incidence parmi la population et leur progression dans le temps. Chose étonnante, nous ne savons que très peu de choses sur la façon dont la maladie influe sur le fonctionnement physique, social et psychologique des gens et sur la façon dont le malade s'adapte à la vie avec une maladie chronique.
Au fur et à mesure qu'une personne avance en âge, la probabilité qu'elle soit atteinte de plus d'une maladie chronique augmente elle aussi. Le développement et la gestion de comorbidités n'ont pas été bien étudiés, ce en partie parce que le modèle prédominant de l'étude des maladies chroniques se concentre sur la mesure en profondeur d'une résultante de maladie à la fois.
Un élément clé de l'Étude longitudinale canadienne sur le vieillissement, et qui fait qu'elle est unique comparativement aux études qui l'ont précédée, est un changement de paradigme : en effet, l'on ne considère plus le vieillissement comme étant simplement l'accumulation de maladies, de déficits et d'incapacités, mais l'on y intègre la notion d'un vieillissement réussi et en santé. Pour dire les choses simplement, bien que les maladies chroniques jouent un rôle dans le vieillissement, la seule étude des différentes maladies ne nous aide pas à mieux comprendre le vieillissement.
Une définition opérationnelle du vieillissement en santé doit englober non seulement le fonctionnement physique, psychologique et social, mais également l'adaptation, le contexte et la perception de la personne elle-même. Il importe de nous intéresser à tout le spectre des trajectoires du vieillissement, reconnaissant que ce ne sont pas toutes les issues qui sont négatives et que les gens sont nombreux à penser bien vieillir et à bien vieillir en effet, même lorsque confrontés à leur déclin et à des circonstances difficiles. En bout de ligne, nous espérons cerner les facteurs qui ont la plus forte incidence sur la réussite du vieillissement et mieux comprendre la façon dont ils exercent leurs effets.
Permettez-moi maintenant de vous en dire un peu plus au sujet de l'Étude longitudinale canadienne sur le vieillissement. Il s'agit d'une étude qui permettra de suivre 50 000 personnes sur une période de 20 ans. Il s'agira d'hommes et de femmes canadiens âgés de plus de 40 ans. Les 50 000 participants fourniront, par l'intermédiaire de questionnaires, des renseignements au sujet d'aspects physiques, sociaux et psychologiques de leur santé, mais un sous- groupe de 30 000 d'entre eux devront fournir des renseignements beaucoup plus précis, dont une évaluation physique et un échantillon sanguin. Ces 30 000 hommes et femmes seront centrés autour de dix villes ou villages d'un peu partout au pays. Les participants âgés de moins de 80 ans seront suivis tous les trois ans et ceux âgés de plus de 80 ans feront l'objet d'un suivi annuel.
Dans le cas de la totalité des 50 000 participants, les données fournies seront, avec leur consentement éclairé, ajoutées aux données déjà existantes renfermées, par exemple, dans des bases de données administratives pour les soins de santé, des dossiers sur la mortalité, des registres de maladie et des bases de données environnementales.
Le concept de l'ELCV est unique en ce qu'elle servira tant à informer la politique qu'à faire avancer notre compréhension des interrelations complexes qui font partie du vieillissement. L'inclusion dans l'étude de participants aussi jeunes que 40 ans est motivée par le désir de cerner de façon prospective les crises qui surviennent dans la force de l'âge, étant donné que surviendront pendant cette période des changements importants dont on sait qu'ils influeront plus tard sur la vie de l'intéressé. En effet, il y a tout lieu de croire qu'une personne ne devient pas instantanément vieille du jour au lendemain, dès qu'elle atteint l'âge de 65 ans. Cette limite d'âge inférieure permettra l'inclusion et le suivi à long terme de personnes qui font partie de la cohorte des baby-boomers, tandis que les groupes d'âge plus avancés nous permettront de suivre ceux qui sont en train de faire la transition vers la retraite ou qui sont déjà retraités. L'une des raisons pour lesquelles nous tenons à étudier prospectivement ce dernier groupe est que cela nous offrira la possibilité de suivre les plus âgés parmi les aînés dans les dernières années de leur vie.
De quelle façon l'ELCV peut-elle avoir une incidence directe sur la politique? L'une des principales façons sera de suivre le parcours de vie et les événements menant à la transition du travail à la retraite et aux transitions post-retraite. À titre d'exemple, nombre des politiques relatives au travail et à la retraite sont fondées sur le modèle d'un individu, typiquement du sexe masculin, qui reste à l'emploi d'une seule et même organisation pendant une longue période de temps. Or, la réalité d'aujourd'hui est telle que beaucoup de gens passent d'un emploi à un autre ou vivent des périodes sans emploi au fur et à mesure qu'ils approchent de la retraite. La hausse de la prévalence des femmes parmi la population active et l'augmentation du nombre des familles à deux revenus ont également créé des situations nouvelles en matière d'équilibre entre vie personnelle et vie professionnelle, tout comme cela a été le cas de l'augmentation du travail rémunéré non standard — par exemple travail autonome, travail contractuel ou travail d'expert-conseil — ainsi que du statut d'employé occasionnel, phénomène récent qui aura d'importantes conséquences en matière de prévisions relativement à la retraite et qui n'a pas été étudié en profondeur.
Le retrait imminent de l'importante cohorte de baby-boomers du marché du travail aura également des conséquences sur le plan des politiques relatives à l'âge de la retraite, aux pénuries de main-d'œuvre et à la perte de travailleurs chevronnés. Une meilleure compréhension de l'incidence de ces changements permettra aux décideurs d'élaborer et de mettre en œuvre des politiques mieux en mesure d'améliorer la santé et la productivité de la population active.
En tant que pays, le Canada a des caractéristiques qui font qu'il est un excellent cadre pour une étude sur le vieillissement. En plus d'avoir une importante cohorte de baby-boomers, dont les plus vieux sont sur le point d'aborder le troisième âge, il existe au pays des aspects structurels uniques qui ajouteront de la valeur à une telle étude. Comptent parmi ceux-ci, premièrement, un système de soins de santé financé par les deniers publics et des bases de données administratives connexes qui nous renseignent sur l'utilisation par l'ensemble de la population des différents services de soins de santé, et, deuxièmement, la capacité d'établir le lien, au niveau de l'individu, avec ces sources d'information existantes.
Chose tout aussi importante, nous avons une masse critique de chercheurs canadiens prêts à collaborer et à contribuer leur expertise à une ressource collective, et ceci a été clairement démontré au cours des cinq dernières années. L'ELCV offre le potentiel d'améliorer la capacité de recherche, de bâtir un legs pour les générations futures de chercheurs et de placer le Canada à la fine pointe de la recherche sur le vieillissement à l'échelle internationale.
Enfin, mais ce n'est pas le moins important, la santé et le vieillissement sont des questions qui revêtent beaucoup d'intérêt et d'importance pour le public canadien. De fait, lors des groupes de réflexion que nous avons organisés d'un bout à l'autre du pays au cours de la dernière année, le vieillissement en santé est régulièrement ressorti comme étant un thème de recherche important et opportun dans ce pays.
En conclusion, j'espère vous avoir bien communiqué les avantages des recherches longitudinales dans l'étude du vieillissement. Bien que des efforts et des travaux initiaux relativement à l'ELCV aient déjà été entrepris, le financement de cette initiative à long terme n'est pas encore en place. À ce jour, l'ELCV a été appuyée en tant qu'initiative stratégique des Instituts de recherche en santé du Canada, ou IRSC, et environ 4,5 millions de dollars ont été investis dans son élaboration. Cependant, une étude de cette ampleur coûte très cher, et il n'y a en place aucun financement à l'appui de sa mise en œuvre à grande échelle. Nous travaillons présentement aux côtés des IRSC, de Statistique Canada, de l'Agence de santé publique du Canada, de Santé Canada et de Ressources humaines et Développement social Canada dans le but de faire de cette importante étude une réalité. Il est urgent que l'on investisse dans du travail de recherche longitudinal afin d'être en mesure de répondre aux besoins des aînés d'aujourd'hui et de demain. Je vous remercie du temps que vous m'avez accordé.
Geoff Rowe, conseiller principal — microsimulation, Statistique Canada : Merci de l'occasion qui m'est ici donnée de comparaître devant vous aujourd'hui.
Lors de la séance précédente, Terrence Hunsley vous a donné des exemples de travaux de recherche qui ont été appuyés grâce à l'utilisation du modèle de simulation LifePaths. J'entends vous expliquer davantage ce modèle.
La diversité au sein de la population est un fait qui est trop souvent passé sous silence dans les analyses politiques qui se préoccupent en règle générale de moyennes ou de l'individu type. À titre d'exemple, on peut regrouper les femmes âgées de 45 ans lors du Recensement de 1991 en 8 021 catégories, en fonction de certains facteurs ayant une importance à long terme dans leur vie — le nombre d'enfants qu'elles ont eus, leurs années d'études, leur état civil, leur migration et leurs incapacités. Vingt-neuf pour cent de ces femmes appartenaient aux 7 000 catégories les moins courantes. Treize pour cent d'entre elles étaient dans une catégorie qui leur était toute propre. Si une telle diversité est évidente pour une seule année d'âge, alors elle doit être encore plus prononcée dès que l'on tient compte des circonstances des gens pendant tout leur parcours de vie.
Comme Terrence Hunsley l'a tout juste illustré, il y a un certain nombre d'importants domaines en matière de politique publique — dont ceux sur lesquels se penche le comité, notamment le vieillissement de la population — pour lesquels une perspective fondée sur le parcours de vie reflétant la diversité des situations des gens est clairement importante.
Malheureusement, des données sur le cycle de vie pour un échantillon représentatif de la population canadienne sont généralement inaccessibles ou incomplètes. Si nous voulons bien comprendre les parcours de vie des Canadiens au cours des dernières décennies, ainsi que la façon dont ceux-ci vont vraisemblablement se dérouler à l'avenir, la seule possibilité est de reconstruire des données de parcours de vie en intégrant des sources de données et en puisant dans des schémas de comportement récemment constatés pour faire des projections. Il nous faut, pour cela, un modèle, et plus particulièrement un modèle de simulation informatisé.
C'est justement ce qu'est LifePaths. Il facilite l'analyse du parcours de vie en générant de façon synthétique mais réaliste un échantillon d'histoires de vie de personnes et de familles, depuis la naissance jusqu'à la mort. LifePaths représente, par exemple, la diversité en reproduisant des distributions détaillées de revenus annuels en fonction du niveau d'études, de l'âge et du sexe. Les histoires de vie simulées concordent non seulement avec les données d'ensemble évidentes, comme par exemple population totale et revenu moyen, mais également avec des points de repère plus détaillés, comme par exemple le nombre de femmes actives par groupe d'âge et par année civile.
J'aimerais vous donner trois autres exemples d'études récentes que nous avons effectuées, en plus de celles que vous a décrites tout à l'heure M. Hunsley. Toutes les études illustrent de nouveaux territoires dans lesquels nous prolongeons le modèle.
Pour commencer, voici les trois principales observations tirées d'un nouvel examen, à paraître bientôt, de l'équité intergénérationnelle, du point de vue des impôts sur le revenu et des transferts pendant toute une vie, telle que vécue par des générations successives de Canadiens.
Premièrement, sur la base de fourchettes observées au cours de la dernière décennie, le rythme de la croissance économique va vraisemblablement avoir une plus grande influence sur les transferts moins les impôts au cours d'une vie que l'amélioration de l'espérance de vie. Deuxièmement, la façon dont les principaux transferts d'argent aux aînés — RPC, RRQ, SV et SRG— seront indexés dans les décennies à venir aura vraisemblablement plus d'importance que le maintien de l'âge de l'admissibilité à 65 ans ou son établissement à l'âge de 70 ans. Troisièmement, les membres de la génération du baby-boom pourraient finir par moins bénéficier d'impôts et de transferts que leurs parents.
Le modèle a également été utilisé dans le cadre de plusieurs études sur l'incapacité, le vieillissement et les soins à domicile qui ont été publiées. L'une des préoccupations ici est la mesure dans laquelle les aînés de demain pourront compter sur le soutien informel de leurs proches parents.
Nous avons constaté, premièrement, que les tendances en matière de mariage et de divorce peuvent peut-être laisser supposer qu'à l'avenir moins d'aînés handicapés pourront compter sur un conjoint pouvant s'occuper d'eux. Deuxièmement, les faibles taux de fécondité actuels peuvent laisser supposer que moins d'aînés handicapés pourront compter sur un enfant adulte pouvant s'occuper d'eux dans l'avenir.
Le modèle LifePaths offre au Canada un moyen tout à fait unique de cerner les facteurs qui influeront sur la capacité des aînés de bénéficier de soins et de soutien informels.
LifePaths facilite également l'exploration de différents facteurs pouvant être importants dans le contexte de la population vieillissante, par exemple l'avenir de la formation et de la dissolution de familles et les tendances futures sur le plan de la fécondité.
Ces dernières décennies ont été marquées par des augmentations énormes de l'activité des femmes au sein du marché du travail. Toutes autres choses étant égales, ces augmentations devraient se traduire par des augmentations de leurs droits futurs au titre de pensions publiques et privées, mais si les niveaux actuels de rupture de mariage se maintiennent, une proportion supérieure d'aînés vivront peut-être seuls, même si les unions de fait devaient devenir plus courantes chez les aînés. Il n'en demeure pas moins que les couples à deux pensions seront mieux isolés contre les risques relatifs aux futures pensions que ne l'ont été par le passé les couples à pension unique.
Le dernier exemple illustre le fait que LifePaths permet d'aborder des questions qui dépassent les barrières économiques et sociales, comme par exemple le marché du travail et la famille.
LifePaths est un outil qui a été conçu pour améliorer l'utilité des données dont nous disposons en assurant leur intégration et en nous permettant de poser des questions du type « que se passera-t-il si? » et d'y répondre. LifePaths nous permet aussi d'élargir la portée de nos analyses de politique et, bien que le modèle comporte une courbe d'apprentissage plutôt raide, il a pour objet d'être disponible sur une grande échelle.
La présidente : Merci beaucoup. De quelle façon LifePaths et l'Étude longitudinale canadienne sur le vieillissement fonctionnent-ils de pair, ou bien n'est-ce pas le cas? S'agit-il de deux véhicules différents?
M. Rowe : Je ne crois pas du tout qu'il s'agisse de solutions de rechange. Mon domaine est celui de la modélisation, mais la modélisation n'est que la solution de second choix. Idéalement, ce que l'on veut, ce sont des données primaires, mais il y a toujours des limites sur ce plan. Le nombre de questions que l'on peut poser dans le cadre d'un sondage est limité; le nombre de mesures qui peuvent être prises est limité, et vous pouvez suivre des personnes dans le cadre d'une étude longitudinale pendant une certaine période seulement. À partir d'un certain moment, vous commencez à manquer de données, et c'est là que devraient intervenir les modèles.
Si LifePaths avait à sa disposition les données provenant d'une étude longitudinale comme celle-ci, l'outil serait amélioré, mais il vous faudrait néanmoins ce modèle pour combler les trous pour ce qui est du passé, pour lequel nous n'avons aucune étude longitudinale, et pour améliorer les projections dans le futur.
Mme Kirkland : Je suis d'accord, j'estime qu'il s'agit d'approches tout à fait complémentaires. Il vous faut des données prospectives, dans le temps, de façon à être en mesure de réagir aux problèmes qui surgissent et aux éléments sur lesquels les données existantes ne nous renseignent pas. C'est le nœud de l'affaire pour ce qui est d'utiliser la modélisation avec des données qui existent. Ce qu'il nous faut réellement ce sont des renseignements en provenance de toute une gamme de sources et, surtout, de toute une gamme d'approches différentes, ce afin de comprendre tous les aspects du vieillissement.
Par exemple, dans une base de données quelque part, nous disposons de quantité d'informations sur les circonstances économiques, et nous avons beaucoup de données sur les maladies ou les visites à l'hôpital dans une autre base de données. Cependant, il y a d'autres renseignements importants concernant la façon dont les gens s'adaptent ou les aspects psychologiques et d'intégration sociale de la santé, et que vous ne pouvez en réalité obtenir qu'auprès de la personne elle-même. Le fait de disposer de ces renseignements nous aidera vraiment à mettre ensemble les morceaux du puzzle, car nous ne disposons à l'heure actuelle que de morceaux d'information très limités et nous n'avons jamais pu bien les imbriquer ensemble.
La présidente : Madame Kirkland, vous avez mentionné que cette étude en est toujours au stade de simple proposition et que vous espérez la lancer en 2008. De combien d'argent vous faudrait-il disposer pour mener cette étude?
Mme Kirkland : Vous posez là une très bonne question. Je ne saurais vous dire quelle version du budget est la bonne, mais je pense que le chiffre le plus juste serait de 55 millions de dollars par cycle quinquennal, soit deux cycles complets de collecte de données.
Nous pourrions, bien sûr, réduire le budget en en retranchant certains éléments, en faisant des suivis moins réguliers ou en incluant moins de participants. Toutes ces mesures auraient cependant des conséquences très réelles. Un avantage de l'ELCV à ce jour est que nous avons pu élaborer un modèle qui englobe un assez grand nombre de personnes et qui recouvre un assez grand nombre d'éléments sur lesquels nous n'avons jusqu'ici pas pu recueillir des données chez les mêmes personnes et dans le cadre d'une seule et même étude. C'est l'intégration de ces données, ajoutée à la taille de l'échantillon, qui nous permettra de répondre à certaines de ces questions que nous nous posons au sujet du processus du vieillissement. C'est pourquoi cette étude aurait l'avantage d'être unique.
Il s'est fait un certain nombre d'études sur le vieillissement dans d'autres pays. Nous avons eu l'Étude sur la santé et le vieillissement au Canada, étude qui portait sur la maladie d'Alzheimer et d'autres formes de démence. Typiquement, les études passées ont porté sur entre 10 000 et 20 000 personnes. Elles ont suivi des personnes âgées de 65 ans et plus. Les responsables de ces études ont été confrontés à des problèmes, car lorsque vous étudiez un petit nombre de personnes et que vous commencez avec une fourchette d'âge à l'intérieur de laquelle les gens commencent à mourir, alors votre bassin diminue. Vous commencez en posant les bonnes questions, mais vous finissez par être limité dans les réponses que vous pouvez offrir du simple fait que vous ne disposiez pas des ressources requises, côté nombre et complexité, pour répondre aux questions. C'est pourquoi nous pensons qu'une étude de l'envergure de l'Étude longitudinale canadienne sur le vieillissement, portant sur 50 000 personnes, dont 30 000 seront suivies de très près et fourniront des renseignements très détaillés, nous permettra d'approfondir ces questions.
La présidente : Ce qui me préoccupe quant aux études à long terme est que les politiciens sont toujours à la recherche de solutions miracles. Lorsque sortira le premier rapport, les politiciens diront que nous avons maintenant les réponses à toutes les questions posées. Dans l'intervalle, bien sûr, l'étude se poursuit. Comment empêcher que cela n'arrive, que l'on opte pour la solution simple avant même que l'on ait la moindre idée des véritables solutions?
Mme Kirkland : C'est là une question intéressante. Nous envisageons habituellement la chose depuis l'autre perspective. Comment fournir aux politiciens la solution miracle afin qu'ils aient le sentiment d'en avoir pour leur argent?
L'Étude longitudinale canadienne sur le vieillissement a été conçue de façon à y inclure des personnes âgées de 40 à 80 ans et de les suivre pendant 20 ans. Cela nous permet dès le départ d'avoir un vaste échantillon de la population canadienne et de suivre ces groupes d'âge de façon à être en mesure de prendre quelques décisions rapides et éclairées au sujet de différents aspects de la santé.
D'autre part, l'ELCV a été conçue de façon à ce que la totalité des 50 000 participants puissent fournir des renseignements au niveau provincial afin que l'on puisse s'attaquer à des questions liées aux politiques provinciales. Quant au groupe de 30 000, celui-ci fournira des renseignements plus détaillés, mais au niveau national seulement.
Le défi sera d'être en mesure de livrer de façon permanente des données qui sont nouvelles et qui font ressortir la valeur de ce genre de travail, et il sera également pour nous d'en expliquer la valeur à long terme.
M. Rowe : Une façon dont vous pouvez régler le problème de la solution miracle est de faire ressortir, au départ, la diversité des issues constatées dans les politiques sociales et économiques en général. Une raison pour laquelle j'ai, dans ma déclaration, souligné la diversité, est que je pense que l'on met trop l'accent sur les moyennes, ce qui donne l'impression que les solutions rapides sont des solutions réelles.
Je ne suis pas en train de m'imaginer que ce n'est pas un défi très réel. Si nous pouvions faire mieux ressortir la diversité des issues que par le passé, je pense que cela améliorerait les choses, bien que ce soit difficile.
La présidente : Je songe à ce qui s'est passé il y a 15 ans lorsqu'on a en fait réduit le nombre de places dans les écoles de médecine car on craignait d'avoir un trop grand nombre de médecins, tout cela pour constater au cours des cinq dernières années que nous sommes loin d'avoir le nombre de médecins requis, et il nous a fallu renverser la tendance. Nous avons supprimé des places et voici qu'aujourd'hui nous sommes en train de les rétablir. Mon souci d'ensemble à l'égard d'études de ce genre est que nous prenons ces décisions sur la base de données partielles, soit ce que nous aurons au bout de cinq ans, pour recommencer cinq ans plus tard, sur la base, une nouvelle fois, de données partielles.
Permettez-moi de céder maintenant la place à mes collègues. Le sénateur Murray a paru plutôt surpris.
Le sénateur Murray : J'ai toujours eu de la difficulté à croire ce que nous avons fait en tant que société, il y a à peine quelques années, relativement aux professionnels des soins de santé, aux médecins et infirmières. Vous ne parviendrez pas à me convaincre que nous ne savions pas que ce n'était pas la chose à faire. Cela a été amené par des considérations financières. Je suis heureux que cela ait été confirmé par un médecin praticien distingué, notre collègue, le sénateur Keon.
Je peux voir comment ces deux études se complèteront l'une l'autre, car celle de Mme Kirkland semble se concentrer sur la santé. Votre introduction est davantage une introduction macro sur les changements à facettes multiples qui interviennent au cours d'une vie. Il me semble que vous parlez essentiellement ici de santé.
Mme Kirkland : Oui, je parle de santé, mais dans son sens le plus large. Je considère la santé sous l'angle de la santé sociale, émotive et physique, et pas simplement en fonction de la question de savoir si on est frappé par une maladie ou si on ne parvient plus à soulever un carton.
Le sénateur Murray : Il me faudra laisser quelqu'un d'autre poursuivre la discussion là-dessus. Tout comme le sénateur Carstairs, ma compréhension de ce genre de projet s'inscrit largement dans le domaine de la politique. Vous choisissez un bon échantillon de la population, puis vous posez des questions et recueillez et des réponses.
Dites-moi que 50 000 hommes et femmes canadiens âgés de plus 40 ans seront un échantillon valable.
Mme Kirkland : Je peux vous dire que cela nous permettra d'examiner diverses estimations de différentes choses.
Le sénateur Murray : Quelqu'un a-t-il une idée approximative du nombre de Canadiens qui sont aujourd'hui âgés de plus de 40 ans? Monsieur Rowe, le savez-vous?
M. Rowe : Je ne pourrais qu'essayer de deviner.
Le sénateur Murray : Vous n'avez pas en main ce genre de renseignement?
M. Rowe : Non.
Le sénateur Murray : Moi non plus.
Mme Kirkland : Ils sont nombreux.
Le sénateur Murray : C'est pourquoi je me demande si 50 000 est un échantillon valable.
Je vais m'en remettre à vous en ce qui concerne les données de type questionnaire sur les différents aspects physiques, sociaux et psychologiques de la santé.
Je présume qu'il y aura une ventilation valable des 50 000 participants à l'étude, pour distinguer entre hommes et femmes, entre groupes d'âge, par exemple 40 à 50 ans et 50 à 60 ans, ainsi qu'en fonction du statut socio-économique, du niveau de revenu, de l'origine ethnique, et ainsi de suite. Ai-je raison de dire cela ou bien cela compte-t-il aux fins de cette étude?
Mme Kirkland : Oui, cela compte. Cependant, si vous commencez à trop subdiviser la population, alors vous vous retrouvez avec des nombres insuffisants. Il se pose ici un très réel défi quant à savoir comment s'y prendre pour étudier comme il se doit la population canadienne. Par exemple, à l'étape de la conception de cette étude, nous étions très préoccupés par la nécessité d'étudier les populations tant urbaines que rurales.
Le sénateur Murray : Je vois cela.
Mme Kirkland : Nous tenions à étudier différents groupes ethniques. Cependant, si vous concevez une étude sur une base statistique en vue d'assurer une représentation adéquate de différents groupes ethniques dans le but de répondre à toutes les questions auxquelles vous voudrez trouver des réponses, alors vous vous trouvez vite confrontés à de gros problèmes.
Nous avons dans une certaine mesure résolu cela dans le cadre de l'Étude longitudinale canadienne sur le vieillissement en choisissant un échantillon au hasard de la population canadienne. La sélection s'est faite au hasard au niveau des provinces. Il y aura le même nombre de personnes dans chaque province, afin de pouvoir faire des estimations au niveau provincial. Et ces personnes seront choisies un petit peu partout dans la province, de façon à bien refléter les différents groupes ethniques et niveaux socio-économiques.
Le sénateur Murray : Le nombre de Néo-Écossais dans cet échantillon de 50 000 personnes correspondra à la proportion de la population canadienne représentée par la Nouvelle-Écosse, j'imagine.
Mme Kirkland : Pas forcément. Si nous faisions cela, nous ne serions pas en mesure de faire des estimations pour la Nouvelle-Écosse.
Le sénateur Murray : En d'autres termes, vous devrez faire un suréchantillonnage en Nouvelle-Écosse.
Mme Kirkland : Oui.
Le sénateur Murray : Le sénateur Carstairs et d'autres me corrigeront si je me trompe. Je m'inscris, dans ma réflexion, dans le contexte du sondage d'opinion publique qui est, j'en conviens, quelque chose de tout à fait différent. Un échantillon national type pour un sondage d'opinion publique serait de beaucoup inférieur à 50 000 personnes; il ne serait que de 2 000 ou moins.
La présidente : Typiquement, il serait de 1 200 personnes.
Le sénateur Murray : Il serait typiquement de 1 200. Pourquoi ce sous-groupe de 30 000 personnes, pour lequel vous voulez un examen physique et une prise de sang, est-il centré autour de dix villes et villages canadiens? Est-ce juste pour que ce soit plus pratique pour les chercheurs?
Mme Kirkland : Ce n'est pas simplement pour que ce soit plus pratique pour les chercheurs, mais il s'agit d'une question logistique et financière. Cette étude sera au départ extrêmement coûteuse. Idéalement, ce serait bien de pouvoir choisir un échantillon de Canadiens au hasard, de nous rendre chez eux, d'y faire faire une prise de sang et d'avoir un système portable qui permette de prélever différentes mesures physiques. Cependant, il n'est tout simplement pas faisable, sur le plan financier, d'effectuer une étude du genre avec 50 000 participants.
Ces personnes seront choisies à l'intérieur d'un rayon de 100 kilomètres autour de chacun de ces dix centres, répartis dans le pays. Elles se rendront dans ces centres pour les examens physiques et les prises de sang. L'idée est qu'au fil du temps nous puissions envisager de faire de même avec les 20 000 participants restants, qui ne se rendent pas dans un de ces centres. Au fur et à mesure de l'évolution de la technologie, il est possible de faire des choses, comme par exemple se piquer le doigt et prélever du sang sur un papier filtre, et ainsi de suite. Nous serons ainsi peut-être en mesure d'obtenir davantage de données détaillées sur l'état physique de ces personnes.
Le sénateur Murray : Combien de temps durera cette étude?
Mme Kirkland : Il a été proposé qu'elle s'étale sur 20 ans.
Le sénateur Murray : Vous avez dit que pour la totalité des 50 000 participants à l'ELCV ces renseignements seront également versés, « avec le consentement éclairé des intéressés, à des bases de données existantes, par exemple bases de données administratives de services de soins de santé, dossiers de mortalité, registres de maladie et bases de données environnementales ».
Lorsque vous recrutez une personne pour qu'elle fasse partie de l'échantillon, lui demandez-vous : « Que diriez-vous de donner votre consentement pour que nous examinions vos dossiers médicaux? » Est-ce ainsi que cela se passe?
Mme Kirkland : Oui.
Le sénateur Murray : Pourquoi faites-vous cela? Avez-vous peur que ces personnes ne vous disent pas la vérité?
Mme Kirkland : Non, mais cela est une façon pratique d'accéder à des informations dont les gens ne se souviennent peut-être pas ou ignorent peut-être eux-mêmes.
Le sénateur Murray : Qu'est-ce qui est le plus important? Le questionnaire viendra-t-il compléter ce que vous découvrirez en lisant les dossiers médicaux de ces personnes, ou bien les informations contenues dans les dossiers médicaux viendront-ils compléter ce que vous obtiendrez grâce au questionnaire?
Mme Kirkland : Ce sont les participants qui seront notre principale source d'information.
Le sénateur Murray : Le questionnaire.
Mme Kirkland : Oui. Tout ce que nous obtiendrons auprès d'autres sources de données sera un complément, mais cela nous fournira un tableau général et utile — un tableau plus vaste.
Le sénateur Murray : Le questionnaire a-t-il déjà été préparé?
Mme Kirkland : Oui, diverses versions du questionnaire ont été préparées.
Le sénateur Murray : Pourrions-nous peut-être en voir une ébauche?
Mme Kirkland : Certainement.
Le sénateur Murray : Merci, cela m'intéresse. Je trouve tout ceci tout à fait fascinant.
Je ne sais trop quelles questions poser à M. Rowe. Je l'ai suivi, tout comme le sénateur Carstairs. La question des taux de mariage et de divorce et la perspective d'être handicapé sans avoir quelqu'un pour s'occuper de vous exercent une terrible fascination.
La principale question n'en est pas une à laquelle vous pouvez répondre — ou qu'il serait juste de vous poser : quelles sont les ramifications de cela pour les décideurs publics? Vous livrez ces renseignements au Cabinet, au Parlement et à d'autres. C'est ce que nous en faisons, je suppose, qui compte.
M. Rowe : La réponse standard, bien sûr, est que nous travaillons pour Statistique Canada : nous ne franchissons pas la frontière qui nous sépare de la politique, et nous ne faisons pas de prévisions. Nous faisons des projections sur la base d'une série d'hypothèses. Ce sont là des réponses toutes faites.
Une partie de la raison pour laquelle nous avons pensé qu'il importait d'élaborer un modèle comme celui-ci est qu'il existe un certain nombre de vérités fort simples. En tant qu'analyste de politiques ou de gens qui nous occupons de façon générale de politique, nos ne pouvons pas répondre à des questions simples du genre : « Quels sont les schémas normaux que suivent les carrières professionnelles? » Personne n'a jamais été suivi pendant une période suffisamment longue, et les données dont nous disposons sont fragmentaires. Le mieux que nous puissions faire c'est essayer de rassembler ces différents renseignements et utiliser au mieux les données dont nous disposons pour établir une fourchette.
Le sénateur Murray : Pourquoi les membres de la génération du baby-boom bénéficieraient-ils moins des impôts et des transferts que leurs parents? Ils auront plus de poids politique.
M. Rowe : Cela est juste, mais il y a des effets de maturation.
Le sénateur Murray : Et quels sont-ils?
M. Rowe : Au départ, tout programme, comme par exemple le RPC, aura presque inévitablement tendance à être plus généreux à l'égard des personnes recrutées au début que lorsqu'il sera arrivé à maturation. Les membres de la génération du baby-boom sont dans l'ensemble les bénéficiaires de programmes arrivés à maturation. Ce n'est pas du tout qu'ils vont avoir une couverture de second choix, mais c'est que, de façon générale, leurs parents auront bénéficié d'un traitement très généreux dans le cadre des programmes de bien-être social.
Le sénateur Murray : Cela fait longtemps déjà qu'il y a moins de jeunes gens qui s'occupent de leurs parents et de leurs parents qu'il y a de cela quelques générations. Cela a, je pense, beaucoup à voir avec des questions d'attitude et de changements sociaux survenus dans le pays.
Pourquoi dites-vous que la croissance économique a une plus forte incidence sur les « transferts moins les impôts » au cours d'une vie que l'amélioration de l'espérance de vie?
M. Rowe : Il s'agit simplement là d'une observation qui a été faite après avoir fait un examen mécanique des différences entre...
Le sénateur Murray : Le fardeau pour le Trésor fédéral, par exemple, est plus grand par suite de la croissance économique — en d'autres termes, nous avons plus d'argent à dépenser— que par suite du fait que les gens vivent plus longtemps.
M. Rowe : Oui.
Le sénateur Murray : C'est la croissance économique.
M. Rowe : C'est la croissance économique; ce n'est pas la démographie. Cela semble être le message qui est ressorti de cette étude en particulier.
Le sénateur Murray : Les dispositions d'indexation futures ont plus d'importance que l'âge de l'admissibilité au RPC et à la SV. Qu'entendez-vous par « plus d'importance »?
M. Rowe : Plus d'importance, en ce sens que cela aurait une plus grande incidence sur les gens si l'on instaurait des dispositions d'indexation qui maintiendraient le niveau de vie relatif, par rapport au salaire moyen, au lieu de maintenir leur pouvoir d'achat par des ajustements au coût de la vie.
Le sénateur Murray : Cela ne rejoint-il pas quelque chose dont nous discutions plus tôt, soit la possibilité d'encourager les gens à rester plus longtemps au travail?
M. Rowe : Jusqu'à un certain point.
Le sénateur Murray : Les dispositions d'indexation futures seront plus généreuses, ce qui est un incitatif à commencer plus tard à toucher sa pension.
M. Rowe : Les dispositions en matière d'indexation maintiennent tout simplement un certain niveau de pouvoir d'achat. Inévitablement, s'il y a croissance économique, le niveau de vie augmentera, et le niveau de vie comparatif de la population active s'écarterait de celui des retraités. Si nous ajustions les choses de façon à ce que la population active et les retraités restent synchronisés, alors ce serait merveilleux; mais ce sont là des décisions politiques.
Le sénateur Murray : Prions Dieu pour que ce ne soit pas un choix politique.
M. Rowe : Peut-être pas.
Le sénateur Keon : Tout ceci est fascinant. Madame Kirkland, il me semble que vous allez examiner des cohortes ou des tranches de cinq ans sur 20 ans. Que se passera-t-il alors? Ne serait-il pas très important de les suivre pendant les 20 années suivantes?
Mme Kirkland : Vous voulez dire après les 20 premières années?
Le sénateur Keon : Oui.
Mme Kirkland : Absolument. Je m'inquiéterai de la deuxième tranche de 20 ans lorsque j'y serai. Pour l'instant, je me préoccupe des cinq premières années. Il est extrêmement important que cette étude démarre. Une fois qu'elle aura démarré, la valeur des renseignements qui en ressortiront justifiera sa longévité.
Dès qu'une étude, quelle qu'elle soit, est en cours depuis un certain temps, sa poursuite offre une valeur ajoutée, et la valeur ajoutée est plus évidente. Pour le moment, ce sont les 20 premières années qui me préoccupent. D'ici là, j'approcherai moi-même de la retraite et je pourrai donc remettre la chose à quelqu'un d'autre qui pourra s'inquiéter du financement pour les 20 années suivantes.
Le sénateur Keon : Ce n'est pas ce qui va se passer, car, avec les nouvelles règles, vous allez travailler jusqu'à l'âge de 90 ans.
Mme Kirkland : Peut-être bien.
Le sénateur Keon : Monsieur Rowe, je suis fasciné par ce que vous êtes en train de faire. Pendant ma recherche, j'ai eu le grand privilège de travailler avec une société aéronautique qui nous a aidés avec des simulations par ordinateur; cela a été formidable. Il est intéressant que la première fois que le pilote d'un 747 décolle aux commandes d'un de ces appareils celui-ci est rempli de passagers, car il aura fait toute sa formation avec un simulateur. Il me faut avouer que j'ai fait s'écraser un 747 avec le simulateur à Montréal.
Le sénateur Murray : Quel âge aviez-vous alors?
Le sénateur Keon : Cela remonte à il y a quelques années. Inutile de dire que je suis retourné à la cardiochirurgie. Il y a un énorme potentiel d'enrichissement mutuel et de collaboration entre vous deux. Je vous recommanderai peut-être de voir ce que vous pourriez faire dans le cadre de vos applications pour vous retrouver, car la simulation peut donner lieu à quantité d'hypothèses pouvant servir à résoudre de nombreux problèmes.
Je me pose des questions, que la présidente a soulevées, au sujet des commentaires des derniers témoins, qui nous dit qu'il semble que nous soyons en train de jeter une masse incroyable de connaissances historiques et anecdotiques. Par exemple, l'âge traditionnel de la retraite dans le milieu universitaire, qui est de 65 ans, n'est pas venu par accident; ces décisions ont été prises pour de bonnes raisons. Les universités ont constaté que leurs professeurs devenaient improductifs à l'âge de 65 ans et que certains d'entre eux n'étaient plus du tout compétents pour enseigner. C'était une solution face à cette situation.
Lorsque les gens parlent de faire en sorte qu'il ne soit plus obligatoire de prendre sa retraite à 65 ans, cela m'inquiète si l'on ne met rien en place comme solution de rechange à cette tradition. Les mesures sont très aléatoires. Ayant interviewé des personnes âgées de 65 ans et plus dans le but de leur permettre de conserver au moins une certaine activité dans leur profession après cet âge-là, je sais qu'il s'agit d'une science très conjecturale.
Monsieur Rowe, vous pourrez peut-être faire une contribution formidable dans ce domaine. Cela m'intéresserait d'entendre vos idées et celles de Mme Kirkland quant à la façon d'intégrer certains de ces éléments.
Les simulateurs permettent d'accélérer énormément les possibilités. Par exemple, lorsque je me suis intéressé à la simulation, nous avons construit un patient simulé. Celui-ci nous a permis d'apprendre aux étudiants quoi faire en cas d'arrêt cardiaque en une seule après-midi, au lieu que cela nous prenne un an. Auparavant, cela se faisait au petit bonheur la chance.
Pourriez-vous chacun nous dire comme vous pensez pouvoir intégrer un tel outil? Nous en avons beaucoup à apprendre au sujet du vieillissement et de cette période critique dans le vieillissement où la compétence sera extrêmement importante dans certains domaines, et tout cela est en train d'être traité avec des méthodologies très conjecturales.
M. Rowe : Je reviendrai à mon thème de diversité des issues. Vous soulevez la question du travail au-delà de l'âge de 65 ans; or, il semble que seuls 10 p. 100 environ de la population continuent de travailler au-delà de l'âge de 65 ans. D'une façon ou d'une autre, la vie active s'arrête pour beaucoup de gens avant l'âge de 65 ans, peut-être à compter de l'âge de 50 ou de 55 ans, après quoi il y a une diminution progressive. Peu importe l'âge, cela s'appelle la « retraite ». Or, les données correspondant aux retraites autodéclarées par des personnes du sexe masculin dans les récentes cohortes indiquent que seuls environ 50 p. 100 d'entre eux déclareront jamais vivre un événement de retraite, et que 10 p. 100 semblent tout simplement continuer, sous une forme ou une autre.
Bon nombre d'entre eux meurent peut-être au travail. Nous ne le savons pas. Beaucoup d'entre eux ont tout simplement des carrières qui s'étiolent. Nous savons que les mises à pied permanentes ne sont pas un phénomène rare chez les travailleurs âgés. Elles sont aussi courantes chez les personnes âgées que chez les jeunes. Il semble qu'il y ait différentes façons dont une carrière peut prendre fin. Il est difficile de les classer, et il est extrêmement difficile de définir les principales influences déterminantes dans l'issue d'un cas donné.
De façon générale, nous ne disposons pas de données sur ces choses. Nous ne disposons d'aucune source générale de données qui nous permette d'observer aisément les étapes qui précèdent la retraite. Le meilleur exemple que je vois est une enquête-ménage de Statistique Canada, l'Enquête sur la dynamique du travail et du revenu, ou EDTR, qui suit les gens sur une période maximale de six ans. L'échantillon est représentatif de la population tout entière mais il est trop petit pour que les exemples d'événements comme la retraite, et les problèmes qui ont été décrits tout à l'heure y ressortent en très grand nombre.
Il nous faut plaider l'ignorance, car nous ne savons tout simplement rien des questions que vous soulevez.
Mme Kirkland : Je suis d'accord avec M. Rowe, qui a maintes fois parlé de la notion de diversité, qui s'applique dans ce cas-ci également. Nous savons que 65 ans, ce n'est qu'un nombre; ce n'est pas un nombre magique. Cela ne veut pas dire qu'un jour vous êtes bien pour travailler et que le lendemain vous ne l'êtes plus. C'est pourquoi il est si important que nous comprenions la santé et le vieillissement sur tout le parcours de vie et que nous puissions mettre ensemble ces morceaux correspondant aux différents aspects de la vie d'une personne et en comprendre l'incidence.
Par exemple, dans le cadre de l'Étude longitudinale canadienne sur le vieillissement, nous obtiendrons des renseignements, dans le temps, au sujet de diverses vitesses psychomotrices, de diverses maladies, de différentes attitudes à l'égard du travail et de la retraite, et cetera, et nous pourrons les mettre bout à bout. Cela est compliqué et complexe. Même les ensembles de données, comme ceux produits par l'EDTR, renferment énormément de données sur certains des aspects sociaux et professionnels, mais ne livrent rien au sujet de la santé. C'est ainsi que vous ne pouvez pas insérer cela dans le tableau, bien que cela en représente un gros morceau lorsque vous voulez comprendre la retraite ou la capacité de continuer de travailler, et cetera. Nous ne disposons tout simplement pas des renseignements dont nous avons besoin.
Le sénateur Keon : Je suis tout à fait d'accord avec vous. Pensez-vous que M. Rowe pourra vous aider avec certains des modèles de simulation?
Mme Kirkland : Si vous voulez parler de l'ELCV, alors je dirais que oui, définitivement. Il serait utile d'utiliser l'Étude longitudinale canadienne sur le vieillissement comme outil de simulation. En l'absence de ces données, on ne pourrait pas l'utiliser. Quantité de données qui existent déjà pourraient être utilisées pour faire des projections quant à ce qui pourrait arriver à l'échantillon de population visé par l'ELCV. Nous pourrions ensuite vérifier certaines de ces choses ou veiller à ce que nous disposions des données requises pour les observer parmi la population au fil du temps. Il s'agit définitivement de processus intégrés et possiblement parallèles, mais ils sont en même très complémentaires.
M. Rowe : Je dirais que les choses sont un petit peu moins équilibrées que cela. Moi je pourrai davantage bénéficier du travail de Mme Kirkland qu'elle ne pourra bénéficier du mien.
La présidente : Monsieur Rowe, j'ai été particulièrement intéressée par vos commentaires au sujet de l'invalidité et du vieillissement et des couples à deux revenus qui deviennent des couples à deux pensions. Je suppose que vous avez inscrit dans cette simulation qui a donné lieu à ces projections le fait que nous avons au Canada un taux de divorce de 40 p. 100. Après le divorce, d'après les statistiques données dans l'article de la revue Maclean's dont j'ai fait état, de nombreuses femmes choisissent de n'entrer dans aucune forme d'union. « Je suis maintenant seule et cela me plaît » semble être leur attitude, ce qui signifie qu'elles n'auront personne pour s'occuper d'elles. D'autre part, le conjoint qu'elles ont quitté n'aura personne.
Est-ce là le genre de données que vous recueillez et utilisez dans votre travail de modélisation?
M. Rowe : C'est là le genre de données que nous recueillons. Nous avons utilisé plusieurs enquêtes rétrospectives dans le cadre desquelles on a interrogé les gens pour savoir combien de mariages ou d'unions de fait ils ont eus par le passé et quand. Des sondages du genre sont menés depuis environ 1984. Nous avons réuni tous les renseignements obtenus dans le cadre de ces sondages afin d'avoir un tableau plus exhaustif.
Nous avons regardé non seulement la rupture du mariage mais également le fait qu'il soit survenu des changements, comme vous venez de le dire, dans la proportion des personnes qui choisissent de demeurer seules et dans la proportion de celles qui choisissent des unions de fait et qui demeurent dans des unions de fait. Il y a d'autre part eu des changements dans la prévalence des unions de fait après la rupture d'un mariage légal.
Il s'est dessiné au cours des 20 dernières années une tendance remarquable sur le plan de l'état matrimonial. Dans certains cas, il ne s'agit que d'un changement de terminologie; les unions de fait représentent peut-être l'équivalent du mariage à l'avenir et elles ne diffèrent du mariage traditionnel que dans leur appellation. Cependant, les unions de fait qui se sont instaurées après une rupture de mariage et qui persistent jusqu'à un âge avancé amèneront peut-être des changements de comportement que nous n'avons jusqu'ici pas constatés parmi la population. Il semble qu'il y ait beaucoup d'incertitude quant à ce que l'avenir pourrait nous réserver. Nous avons relevé des différences très marquées entre régions du pays, principalement entre le Québec et le reste de la population née au Canada, et la population née à l'étranger semble elle aussi représenter un groupe qui tient davantage à ce qui a jusqu'ici été notre vision traditionnelle du mariage.
La façon dont le mariage évoluera à l'avenir est selon moi une énorme inconnue. La façon dont cela évoluera à l'avenir aura d'importantes conséquences pour les aînés.
La présidente : Il ressort clairement de discussions avec certains aînés qu'ils n'entrent même pas dans des unions de fait car ils pensent qu'il est plus avantageux pour eux, sur le plan financier, de rester seuls. Cela ne veut pas dire que les deux personnes ne se retrouvent pas régulièrement; tout simplement, elles ne vivent pas ensemble car l'un ou l'autre ou les deux perdraient alors leur supplément de revenu garanti, et ces personnes restent simplement chacune de leur côté à des fins de niveau de revenu.
Cela ressort-il dans votre travail de modélisation?
M. Rowe : Nous ne pouvons pas traiter de cela. D'autres zones grises dans les statistiques nationales sont les choses qui franchissent les barrières entre ménages. Nous ne savons pas quels genres de liens existent peut-être entre différents ménages et nous n'en connaissons pas les raisons, ni même la fréquence du genre de situation que vous venez de décrire.
Nous savons cependant qu'il y a des incitatifs qui plaident en faveur de ce genre de choix, mais nous n'en connaissons pas la prévalence.
Mme Kirkland : Ce sont précisément sur ces genres de choses que des études comme l'Étude longitudinale canadienne sur le vieillissement pourront nous renseigner, car dans le cadre de ce genre d'études nous pouvons interroger les gens sur ces choses. Nous avons ainsi la possibilité, lorsque surgissent certaines situations, de demander pourquoi. C'est là la question importante, car il nous arrive de constater que ces cas de figure se présentent, mais nous en ignorons la cause. Nous pouvons vous dire qu'une certaine proportion des gens vivent dans leur propre maison ou cohabitent avec d'autres, mais nous ne savons pas pourquoi. Le fait de pouvoir s'adresser directement aux gens et les interroger sur leurs croyances, attitudes et motifs peut être très utile dans ce genre de situation.
La présidente : Merci beaucoup à tous les deux. Cette séance a été très instructive. Si je peux me permettre d'ajouter mon propre grain de sel, j'espère que vous obtiendrez le financement pour votre étude longitudinale, et j'espère, monsieur Rowe, que vous continuerez de faire du travail de modélisation afin que nous puissions bénéficier de données intéressantes comme celles que vous nous avez livrées cet après-midi.
La séance est levée.