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AGEI - Comité spécial

Vieillissement (Spécial)


Délibérations du Comité sénatorial spécial sur le Vieillissement

Fascicule 8 - Témoignages


OTTAWA, le lundi 14 mai 2007

Le Comité sénatorial spécial sur le vieillissement se réunit aujourd'hui à 12 h 30 pour examiner, afin d'en faire rapport, les incidences du vieillissement sur la société canadienne.

Le sénateur Sharon Carstairs (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Bon après-midi et bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial spécial sur le vieillissement. Notre comité est chargé d'examiner les incidences du vieillissement sur la société canadienne. La réunion d'aujourd'hui s'intéressera plus particulièrement aux aînés des Premières nations, ainsi qu'aux aînés inuits et métis, afin de cerner les enjeux auxquels ils sont confrontés, comprendre les défis auxquels ils font face et se renseigner sur les façons novatrices et créatives de relever ces défis.

Nous allons entendre un exposé de l'Assemblée des Premières nations présenté par Elmer Courchene, un aîné qui, d'après son nom, vient probablement du Manitoba; et par Richard Jock, président directeur général. L'Assemblée des Premières nations est une organisme national qui représente 630 collectivités des Premières nations au Canada. L'APN représente tous les citoyens, indépendamment de leur âge, de leur sexe ou de leur lieu de résidence.

Du Ralliement national des Métis, nous entendrons aujourd'hui Don Fiddler, conseiller principal en politiques. Depuis 1983, le Ralliement national des Métis représente la nation métisse, tant à l'échelle nationale qu'à l'échelle internationale. Le RNM se donne pour objectif principal d'assurer à la nation métisse la place qui lui revient au sein de la fédération canadienne afin de garantir sa pérennité.

Nous accueillons également Mme Okalik Eegeesiak, directrice, Développement socio-économique de l'Inuit Tapiriit Kanatami, accompagnée par Jennifer Forsyth, conseillère technique en santé, et par Maria Wilson, coordinatrice de projets. L'Inuit Tapiriit Kanatami est un organisme inuit national représentant quatre régions inuites au Labrador, dans le Nord québécois, au Nunavut et dans les Territoires du Nord-Ouest.

L'organisme Pauktuutit Inuit Women of Canada est représenté par Jennifer Dickson, directrice générale. Depuis 1984, la Pauktuutit Inuit Women of Canada est le porte-parole national des femmes inuites du Canada. Ses activités principales consistent à souligner la nécessité d'offrir un traitement égal aux femmes inuites du Canada.

Je vous souhaite à toutes et à tous la bienvenue au Sénat du Canada.

Elmer Courchene, aîné, Assemblée des Premières nations : Merci, madame la présidente. C'est un plaisir pour nous d'être ici aujourd'hui. Vous avez raison, je suis Manitobain. On s'attend à ce que la population des aînés des Premières nations double, passant de 28 000 personnes en 2001 à 59 500 en 2017. D'ici 2010, l'espérance de vie des Premières nations passera de 59,2 à 72 ans chez les hommes et de 69 à 79 ans chez les femmes. La population des Premières nations croît à un rythme élevé. Actuellement, 58 p. 100 de notre population a moins de 25 ans. On assiste à une demande accrue de ressources vitales dans les collectivités des Premières nations.

Plus de 40 p. 100 des aînés des Premières nations souffrent encore des séquelles des traumatismes subis dans les pensionnats. Les aînés des Premières nations courent près de deux fois plus de risques de souffrir d'une ou plusieurs maladies chroniques; c'est le cas de 85 p. 100 d'entre eux par comparaison à 47 p. 100 dans la population en général.

L'arthrite touche 45,5 p. 100 des aînés des Premières nations. Ils disposent d'un revenu personnel d'environ 12 900 $. Chaque foyer dispose d'environ 24 600 $. Le revenu de près de 80 p. 100 des aînés des Premières nations provient de sources gouvernementales.

Dans leur tradition culturelle, on considère qu'une personne est âgée à partir de 55 ans. C'est un âge où l'on comprend la vie, où l'on peut transmettre ses connaissances et où l'on éprouve un grand respect pour la sagesse des anciens. Les Premières nations réservent un rôle important et vital aux aînés, et reconnaissent leur valeur et leur apport au bien-être de leur collectivité et du monde qui les entoure.

Près de la moitié des aînés des Premières nations ont besoin d'un ou plusieurs services de soins à domicile, mais seulement un tiers d'entre eux, soit 34 p. 100, obtiennent des soins. Cinquante-huit pour cent des aînés des Premières nations vivent dans un logement appartenant à la bande et plus d'un tiers signalent la présence de moisissures dans leur maison. Seulement 0,5 p. 100 des collectivités des Premières nations disposent d'installations de soins à long terme, ce qui contraint les aînés qui ont besoin de soins de santé, à quitter leur foyer et leur collectivité.

Richard Jock, président-directeur général, Assemblée des Premières nations : L'Assemblée des Premières nations est convaincue que la clé de l'avenir réside dans un modèle holistique communautaire et c'est bien entendu dans cette perspective que s'insèrent le vieillissement et la population des aînés.

Ce modèle comporte deux éléments que je vais mentionner et souligner aujourd'hui. Premièrement, le modèle holistique des Premières nations est un peu différent de celui de la population canadienne en général dans le sens qu'il met plus l'accent sur la dimension collective de la communauté. De fait, la dimension collective est un des éléments clés de notre approche de la santé et du bien-être. C'est de là qu'émanent les autres intérêts et en particulier l'intérêt porté aux différents groupes d'âge dont les aînés représentent une part importante et vitale.

Les autres intérêts se rapportent à l'autonomie gouvernementale, à des relations financières solides et à la capacité d'approfondir ces relations avec les gouvernements fédéral et provinciaux. Des relations efficaces avec les gouvernements sont indispensables pour répondre aux besoins des aînés.

Sur le plan de la situation financière, les plafonds de 2 et 3 p. 100 imposés respectivement à AINC et à Santé Canada pendant des dizaines d'années ont augmenté les pressions financières et, dans certains cas, ont eu des répercussions négatives sur les aînés. En outre, un moratoire de 20 ans a été appliqué à la construction et au fonctionnement des foyers de soins personnels. Cela force nos aînés à sortir de leur collectivité pour obtenir des soins en établissement. Quand ils quittent leur collectivité, ils ne s'attendent plus à y revenir, sauf pour leur enterrement. Notre système de soutien est tel que nos familles sont aussi séparées, ce qui a des conséquences dramatiques sur la santé personnelle et collective de notre population.

Dans les collectivités des Premières nations, nous disposons d'un lit pour environ 99 personnes, alors que, dans la population canadienne en général, le rapport est d'un lit pour 22 personnes. Cependant, la répartition des foyers n'est pas uniforme, parce qu'ils se trouvent essentiellement en Ontario et au Manitoba.

Depuis 1996, diverses difficultés ont surgi. L'inflation a augmenté de 20 p. 100. Notre population a connu une croissance de 22,2 p. 100. Le budget ministériel d'AINC a augmenté de 40 p. 100 au cours de cette période, mais le calcul des coûts ajusté par habitant révèle que les ressources financières disponibles pour offrir des services de base aux Premières nations ont diminué de 6 p. 100, ce qui occasionne des problèmes évidents pour les personnes âgées en particulier.

Il est extrêmement important d'éliminer les plafonds de 2 et 3 p. 100 qui s'appliquent respectivement aux programmes sociaux et aux services de santé essentiels et de les remplacer par des mesures financières plus fondamentales et appropriées. Nous devons, à notre tour, mettre en place et appuyer un programme complet et permanent de soins dans la collectivité offrant des soins en établissement aux personnes âgées, afin que l'on puisse répondre à leurs besoins de manière raisonnable dans un établissement le plus proche possible de leur collectivité. Les soignants bénévoles et professionnels doivent recevoir un soutien accru, afin que les aidants naturels qui souhaitent s'occuper de leurs aînés bénéficient d'une formation sur certains aspects fondamentaux. Nous devons également mieux conseiller les aînés au sujet des services disponibles. Nous avons besoin d'un programme amélioré de services de santé non assurés qui puisse s'adapter à l'évolution des besoins plutôt que d'adopter une approche artificielle de limitation des coûts. Au cours des années écoulées, nous avons vu disparaître des programmes de soins de podologie et d'autres services dont l'absence touche directement les personnes âgées et pourrait entraîner une augmentation des invalidités.

Nous pensons qu'il est nécessaire d'ajuster les programmes de sécurité sociale afin de répondre aux besoins des personnes âgées des Premières nations au revenu faible. Certains aspects de notre histoire se rapportant à la participation au RPC et à d'autres programmes ont une incidence négative sur les personnes âgées qui ont moins facilement accès aux prestations que le grand public. Certaines de ces façons différentes et peut-être discriminatoires de considérer le revenu ont une incidence sur l'appauvrissement de nos aînés. Voilà des aspects qu'il faut examiner et rajuster.

Nous devons imaginer des moyens de promouvoir la participation sociale et un mode de vie actif. Il serait avantageux d'étendre la formule Nouveaux Horizons pour les aînés et de l'offrir dans les réserves. Ce serait également un bon investissement dans la santé future de nos aînés.

Don Fiddler, conseiller principal en politiques, Ralliement national des Métis : Bon après-midi. Merci de nous avoir invités. Je vous transmets les salutations de notre président Clément Chartier et de notre ministre de la Santé David Chartrand.

Comme vous le savez, les Métis du Canada ont été désavantagés tout au long de leur histoire. Pendant plus de 100 ans, nous nous sommes battus pour obtenir la reconnaissance des divers gouvernements. Au cours de ces 100 années, nous avons été victimes de toutes sortes de conflits de compétences entre les gouvernements fédéral et provinciaux.

En dépit de tout cela, la population des Métis a continué à prospérer. Statistique Canada dénombre actuellement 305 800 Métis au Canada, soit 28,7 p. 100 de la population autochtone. On prévoit que ce chiffre atteindra 380 500 en 2017. L'espérance de vie de notre population est de 71,9 ans pour les hommes et 77,7 ans pour les femmes. Elle est donc inférieure de six ou sept ans à celle de la population non autochtone en général.

Chez les Métis, les femmes sont légèrement plus nombreuses que les hommes. Cinquante-deux pour cent de nos personnes âgées sont des femmes et 48 p. 100 des hommes. Notre population compte actuellement 4,1 p. 100 de personnes âgées de plus de 65 ans. Le nombre de personnes âgées de 55 ans et plus est beaucoup plus important et on s'attend à ce qu'il atteigne 8,1 p. 100 de la population en 2017.

De manière générale, les Métis vivent en milieu urbain. En 2001, 62 p. 100 de nos personnes âgées vivaient dans des centres urbains, 34 p. 100 dans les régions métropolitaines et 28p. 100 dans des petits centres urbains. Au fil des années, les Métis perdent leurs compétences linguistiques. En 2001, environ 13 p. 100 de notre population affirmait utiliser une langue maternelle autochtone.

Le niveau de revenu varie dans notre population, mais les aînés métis disposaient, en 2001, d'un revenu médian de 14 831 $. Comme les Premières nations, les Métis dépendent beaucoup de l'aide gouvernementale. Environ 73 p. 100 des Métis dépendent essentiellement des prestations gouvernementales, notamment du Régime de pensions du Canada. En 2001, le revenu d'emploi représentait seulement 14 p. 100 du revenu total de notre population.

La plupart des aînés autochtones sont soit mariés, soit veufs. En 2001, 44 p. 100 des aînés métis vivaient avec un conjoint, 4 p. 100 avec un partenaire en union de fait et 31 p. 100 vivaient seuls. Le logement demeure une grande préoccupation pour nos aînés, puisque 33 p. 100 des aînés des régions rurales et urbaines signalent que leur logement a grandement besoin de réparations.

Les membres de notre communauté continuent à faire partie de la main-d'œuvre active. En 2001, 10 p. 100 des aînés métis avaient un emploi. Cela est essentiellement dû au fait que les Métis n'ont pas bénéficié de la protection d'un filet social efficace. Par comparaison, les chiffres sont de 8 p. 100 dans les Premières nations et 15 p. 100 chez les Inuits.

La cohorte des Métis connaissant une croissance de 8 p. 100 d'ici 2017, nous pouvons supposer qu'ils continueront à contribuer à l'économie canadienne. Notre population vivant plus longtemps et travaillant plus longtemps, la participation à la main-d'œuvre et le recyclage professionnel seront deux aspects importants que les gouvernements devront prendre en considération, surtout si les Métis continuent à travailler après l'âge normal de la retraite.

Le taux de chômage chez les aînés métis qui continuent à chercher activement du travail même s'ils ont dépassé l'âge de la retraite, est d'environ 5 p. 100. Chez les Métis, 7 p. 100 des hommes et 3 p. 100 des femmes ne travaillaient pas et ne cherchaient pas d'emploi.

Le revenu médian des femmes métisses âgées s'élevait à 91,4 p. 100 de celui des groupes de femmes non autochtones. Le revenu médian était de 13 615 $ pour les hommes et de 13 615 $ pour les femmes.

Seulement 27 p. 100 des aînés métis ont signalé une santé excellente ou très bonne, alors que 47 p. 100 la qualifiaient de passable ou médiocre. Les principales maladies chroniques étaient l'arthrite, les rhumatismes, les cardiopathies, l'hypertension et le diabète qui est en forte croissance, puisque 23 p. 100 des Métis ont déclaré en être touchés en 2001. J'estime que ce chiffre est faible, car certaines de nos études indiquent que le taux peut atteindre 40 p. 100 dans le groupe des 55 ans et plus.

Notre population compte peu de gens qui boivent, ce qui est important pour tous les peuples autochtones. Le rapport Peuples autochtones du Canada signale des habitudes éthyliques moins prononcées que dans les populations non autochtones. Chez les Métis, la moitié des femmes ne boivent pas et la proportion est de 40 p. 100 chez les hommes. Dans le groupe des personnes âgées de 65 ans et plus, les hommes boivent beaucoup plus que les femmes. C'est un problème sur lequel nous devrons nous pencher.

Notre population, écartelée entre différents gouvernements, a eu tendance à être privée de services gouvernementaux. Les Métis ont en particulier beaucoup de difficultés à obtenir des soins dentaires appropriés. En matière de soins de santé, notre population n'a pas obtenu une couverture autre que celle qui est offerte au grand public. Notre population ne reçoit aucun service adapté à sa culture. Les membres de notre communauté vivant en milieu urbain sont la plupart du temps locataires. Plus de 70 p. 100 des Métis habitent des logements locatifs en milieu urbain. Leur revenu médian étant faible, ils vivent généralement dans des logements qui ont besoin de grosses réparations.

Au cours des années à venir, nous aurons besoin de services de soins à long terme. Parmi les diverses régions du Canada, seul l'Ontario offre des services de soins à long terme à certains aînés métis. Dans toutes les autres régions du Canada, nous n'avons pas accès à ces services. À mesure qu'ils vieillissent, les membres de notre communauté ont besoin de soins en établissement. Notre population d'aînés devant augmenter de 8 p. 100, des pressions plus grandes s'exerceront dans le domaine du logement. Il faut offrir à nos aînés touchés par des maladies chroniques des soins adaptés à leur culture.

Au cours des années à venir, les Métis continueront à contribuer à l'économie canadienne. Ils continueront à réclamer des services plus complets. De leur côté, les gouvernements ne devront pas se contenter de définir les responsabilités, mais devront plutôt assumer une part de responsabilités à l'égard de nos aînés.

Okalik Eegeesiak, directrice, Développement socioéconomique, Inuit Tapiriit Kanatami :

[Le témoin s'exprime dans sa langue autochtone.]

Merci de nous avoir invitées à venir témoigner devant votre comité.

Je m'appelle Okalik Eegeesiak et je représente l'Inuit Tapiriit Kanatami. Vous avez déjà mentionné Jennifer Forsythe et Maria Wilson, mais j'aimerais mentionner à mon tour Mellissa Irwin, agente d'information d'ITK. La présidente d'ITK, Mary Simon ne peut être ici aujourd'hui en raison d'un engagement pris depuis longtemps, mais elle est consciente de l'importance de vos délibérations.

Notre organisme est le porte-parole des Inuits du Canada et représente environ 55 000 Inuits vivant dans diverses régions du Nunaat inuit, comme nous appelons les différentes régions de l'Arctique canadien. Cinquante-et-une de ces collectivités sont situées sur le littoral de l'Arctique.

Le Nunaat inuit compte quatre régions représentées par les quatre organisations inuites de revendications territoriales : la Inuvialuit Regional Corporation de Nunaqput, dans les Territoires du Nord-Ouest; la Nunavut Tunngavik Incorporated au Nunavut; la Société Makivik au Nunavik, dans le Nord du Québec; ainsi que le gouvernement du Nunatsiavut, à Terre-Neuve-et-Labrador. Je veux que vous sachiez que les Inuits vivent dans les Territoires du Nord-Ouest, au Nunavut, au Québec, ainsi qu'à Terre-Neuve-et-Labrador. Il y en a aussi de plus en plus dans des centres urbains comme Ottawa où vivent actuellement près de 1 000 Inuits.

L'Inuit Tapiriit Kanatami collabore étroitement avec ses organisations membres et d'autres pour protéger les droits et les intérêts des Inuits et veiller à ce qu'on tienne compte de la place importante qu'occupent les Inuits au sein de la collectivité canadienne dans le cadre des processus ayant des répercussions sur les peuples que nous représentons.

La population canadienne vieillit et le nombre de personnes âgées au Canada augmente chaque année. Même si la population inuite ne vieillit pas aussi rapidement, de plus en plus d'Inuits sont aujourd'hui des aînés. Selon M. Fiddler, l'espérance de vie des aînés métis est inférieure de six ans à celle des Canadiens en général. Dans le cas des aînés inuits, l'espérance de vie est de dix ans inférieure à celle de la population canadienne en général; ce n'est pas une statistique dont nous pouvons être fiers.

D'ici 2017, le nombre d'aînés inuits aura presque doublé. En 2001, il y en avait environ 1 500 — et non pas 50 000 comme chez les Premières nations — et, en 2017, il devrait y en avoir environ 2 500. Bien que nous provenions de différentes régions du Canada, les statistiques concernant les aînés inuits sont semblables à celles qu'ont citées M. Fiddler et M. Jock.

L'Inuit Tapiriit Kanatami est très heureux de constater que votre comité veut examiner en quoi les politiques publiques peuvent et devraient aider les aînés à vivre dans la dignité, qu'il reconnaît que le gouvernement fédéral a un rôle à jouer pour aider les Canadiennes et les Canadiens à bien vieillir, et qu'il cherche à savoir quel pourrait être ce rôle. Votre comité reconnaît également que les besoins d'une personne de 65 ans sont fort différents de ceux d'un aîné de 75 ans, qui sont eux-mêmes différents de ceux d'un aîné de 85 ans.

En tant qu'Inuits, nous proposons d'approfondir ces différences. Les aînés inuits, qu'ils aient 65, 75 ou 85 ans, vivent dans des conditions très différentes de celles dont bénéficie une personne de 65 ans à Ottawa.

Le message que nous désirons transmettre aujourd'hui à votre comité est le suivant : Pour que les aînés inuits au Canada puissent bien vieillir et vivre dans la dignité, il faut modifier les politiques, les programmes et les services existants, ou en élaborer de nouveaux qui tiennent compte de notre réalité.

La plupart des aînés inuits ne parlent ni l'anglais ni le français. La plupart ne vivent pas non plus dans des centres urbains, mais dans de petites collectivités comptant parfois aussi peu que 100 habitants, qui ne sont accessibles que par avion.

La plupart des aînés inuits parlent uniquement l'inuktitut. La plupart n'ont jamais quitté leur collectivité et tous ont été témoins des changements radicaux entraînés par le fait que les Inuits ne tirent plus leur subsistance de la nature et qu'ils sont aujourd'hui sédentaires, sans parler des traumatismes subis dans les pensionnats.

Sauf dans le cas de six ou sept centres administratifs, les collectivités inuites n'ont pas de médecins sur place. La population a accès à des soins dans des centres de santé où travaillent surtout des infirmières — quand elle réussit à les garder. Souvent, ces infirmières peuvent être appelées à travailler 24 heures par jour et sept jours par semaine. En conséquence, les aînés inuits sont obligés de quitter leur collectivité natale pour obtenir des soins à long terme quand ils en ont besoin. Lorsque les aînés demeurent dans leur collectivité, leur famille doit s'arranger pour s'occuper d'eux, malgré le peu de ressources dont elle dispose et la plupart du temps en l'absence de toute aide financière.

Très peu de collectivités ont des centres ou des foyers pour personnes âgées, ce qui veut dire que la plupart des aînés inuits au Canada vivent dans des maisons surpeuplées. Souvent, trois ou quatre générations cohabitent dans une même maison et vivent dans la pauvreté, avec des revenus limités. Le RPC est la principale source de revenu, comme dans le cas des membres des Premières nations et des Métis.

Les maisons surpeuplées et mal aérées posent un certain nombre de problèmes pour la santé. Pouvez-vous imaginer que la tuberculose, un problème pour ainsi dire disparu ici, constitue encore une menace pour les aînés inuits au Canada? Et ce n'est qu'un exemple des maladies auxquelles ils sont exposés.

Comme je l'ai dit, il faut prendre l'avion pour se rendre dans les collectivités inuites ou en sortir. Par conséquent, la nourriture, les vêtements et tous les autres biens de première nécessité coûtent trois à quatre fois plus cher qu'à Ottawa. Il est donc d'autant plus difficile pour les personnes âgées inuites qui vivent dans la pauvreté de se nourrir sainement. Dieu merci, les Inuits peuvent compléter leur régime de base grâce aux aliments et aux sources d'approvisionnement traditionnels.

La plupart des collectivités inuites ont des infrastructures vieillissantes et ne disposent d'aucun moyen de transport rapide ou facile. Nos routes ne sont pas asphaltées; nous n'avons pas de trottoirs; nous n'avons pas de transport en commun. Il est extrêmement difficile pour les personnes âgées qui sont diminuées physiquement de sortir de leur maison.

J'espère vous avoir sensibilisé aux problèmes que vivent les aînés inuits. Vous serez sûrement d'accord avec nous lorsque nous disons que les problèmes que nous vivons peuvent être perçus comme des possibilités — pour tous les politiciens et les parlementaires, y compris les sénateurs qui vivent à des milliers de kilomètres de nous — d'améliorer la vie des aînés inuits au Canada. Nous vous laisserons un exemplaire du plan d'action Building Inuit Nunaat : The Inuit Action Plan. Le message fondamental de ce plan est que le gouvernement fédéral doit élaborer des politiques et des programmes pour les Inuits et en collaboration avec eux, afin que l'argent des contribuables soit investi plus judicieusement et de manière plus transparente.

Les Inuits contribuent à l'économie du Canada. Par conséquent, comme tout le monde ici, nous voulons que ces précieuses ressources soient utilisées le mieux possible. Notre présidente, Mary Simon et notre conseil d'administration attendent beaucoup des travaux du Comité sénatorial sur le vieillissement. Nous espérons que notre comparution devant votre comité contribuera à améliorer les programmes et services offerts aux personnes âgées de nos collectivités. Nos aînés ne sont pas très nombreux, mais ils méritent la même qualité de vie que celle dont bénéficient toutes les autres personnes âgées au Canada.

Nous sommes confiants que votre appui et vos recommandations pour l'élaboration de politiques et de programmes gouvernementaux efficaces et transparents, pour les Inuits et en collaboration avec les Inuits, feront beaucoup pour garder nos aînés en santé et actifs.

Merci de nous avoir permis de comparaître devant vous aujourd'hui.

[Le témoin s'exprime dans sa langue autochtone.]

Jennifer Dickson, directrice générale, Pauktuutit Inuit Women of Canada : Je suit la directrice générale de Pauktuutit Inuit Women of Canada, organisme national au service des femmes inuites et de leurs familles. Bien que le bureau de Pauktuutit soit à Ottawa, l'ensemble de notre travail se fait dans les collectivités de l'Arctique dans toute la région du nord vrai canadien.

Je vais vous parler brièvement de Pauktuutit et de ses points forts en tant qu'ONG partenaire pouvant aider à relever les importants défis sociaux et économiques des Inuits. Je vous parlerai ensuite des situations auxquelles font face les aînés dans les collectivités inuites et nous pourrons ensemble nous étonner que de telles situations puissent exister dans un des pays les plus riches et les plus socialement évolués du monde.

Organisme à but non lucratif créé en 1984, Pauktuutit est le porte-parole national de toutes les femmes inuites du Canada. L'organisme est dirigé par un conseil d'administration très motivé, composé de 14 femmes inuites élues par 10 regroupements de collectivités de l'Arctique, auxquelles se joignent deux représentantes de la jeunesse et des femmes vivant en milieu urbain. Notre mandat consiste à nous attaquer à une vaste gamme de problèmes d'ordre économique, social et sanitaire à l'échelle communautaire, régionale, nationale et internationale. Nos dossiers prioritaires sont l'égalité homme-femme, les nombreuses formes d'abus, les questions de santé, la protection des connaissances culturelles et traditionnelles et le développement économique. Nos efforts de promotion et nos programmes portent également sur de nombreux autres dossiers qui ont une incidence directe sur les aînés inuits, par exemple : les traumatismes subis dans les pensionnats; la santé sexuelle, le VIH/sida et l'hépatite C; le diabète; le sevrage du tabac; la prévention du suicide; et les services de relève pour les aidants.

Je vais vous décrire maintenant certaines situations que vivent les personnes âgées dans le Nord. Depuis 50 ans, les Inuits ont connu des bouleversements culturels sans précédent. Il est difficile de surestimer les répercussions de ces changements. Les Inuits sont passés de groupes économiques isolés fondés sur les liens familiaux qui vivaient de la chasse et de la pêche de subsistance et se déplaçaient au gré des saisons, à des populations sédentarisées qui vivent actuellement dans des collectivités permanentes et qui dépendent en grande partie d'une économie basée sur les salaires.

Il faut comprendre que les aînés inuits ne mesurent pas nécessairement la richesse de la même manière que dans le Sud. Traditionnellement, la richesse n'était pas considérée comme une accumulation de biens, mais plutôt comme l'absence d'événements malheureux tels que la maladie, l'adversité et les blessures. La richesse était synonyme de bien- être et de chance. De nos jours, les Inuits entendent constamment de mauvaises nouvelles. Les indicateurs de santé et les indicateurs sociaux sont recueillis avec les autres statistiques et leur sont présentés. Cette avalanche de mauvaises nouvelles n'est peut-être pas la meilleure façon d'encourager le changement. Les Inuits préfèrent mettre l'accent sur les bonnes nouvelles et moins insister sur les mauvaises.

Comme ma collègue, Mme Eegeesiak, l'a mentionné il y a quelques minutes, la majorité des Inuits du Canada vivent dans 53 collectivités isolées de l'Arctique, dans une région qui s'étend de la frontière de l'Alaska aux rives orientales du Labrador. Les collectivités sont accessibles uniquement par voie aérienne, élément important dont il faut tenir compte pour l'accès aux services médicaux et aux biens de consommation.

Entre 1996 et 2001, les Inuits du Canada ont affiché une croissance démographique de 12 p. 100, ce qui est quatre fois le taux de croissance de la population non autochtone du Canada. Cette croissance est due à des taux de fécondité élevés et à une augmentation de l'espérance de vie. Néanmoins, les Inuits peuvent toujours s'attendre à vivre environ dix ans de moins que la population du Sud du Canada. Par comparaison aux autres familles du pays, les familles inuites sont plus jeunes et plus grandes. Les données du recensement indiquent que plus de la moitié de la population inuite a moins de 25 ans. Par comparaison, seulement 32 p. 100 de la population non autochtone du Canada a moins de 25 ans. Chez les Inuits, l'âge moyen est d'à peine 20 ans, alors que dans le reste du Canada, il se situe à 38 ans.

Les femmes inuites commencent à avoir des enfants à un plus jeune âge et ont tendance à avoir de plus grandes familles que les femmes des Premières nations et les femmes non autochtones. Dans la région de Baffin, les mères ont en moyenne un peu moins de 16 ans lors de leur premier accouchement. La grossesse chez les adolescentes est un problème réel et grave. En 2000, dans certaines régions inuites, le taux de grossesse chez les femmes âgées de 15 à 19 ans était quatre fois plus élevé que le taux national.

Bientôt, le patrimoine culturel et géographique des Inuits sera entre les mains de notre précieuse jeunesse. Imaginez un losange inversé avec les aînés au sommet — entre 1 500 et 2 000 — tandis que la base comprend en grande majorité des enfants et des bébés.

Il est clair que les familles inuites font face à des défis extrêmement inquiétants. Tous les Inuits n'ont pas accès à de la nourriture nutritive, à des logements appropriés et sûrs, ni à des établissements de soins de santé bien équipés et dotés de personnel qualifié — services qui sont partout disponibles dans le Sud du Canada. La distance et l'isolement rendent ces biens et services extrêmement coûteux.

Au cours des 50 dernières années, la vie dans le Nord a connu des changements remarquablement rapides. Chaque génération a eu des expériences de vie totalement différentes. Les aînés se souviennent des jours anciens où leurs parents et grands-parents vivaient dans des igloos. La génération qui a connu les pensionnats a vécu ses propres expériences. On leur a enseigné dans les écoles du Sud le mode de vie du Sud. L'abandon des déplacements saisonniers au profit d'une vie sédentaire a apporté des changements radicaux à la culture des Inuits et à leur structure sociale. Dans les premiers peuplements, on encourageait les Inuits à se livrer au piégeage pour le commerce de la fourrure, à continuer à pratiquer la chasse de subsistance et à accepter des emplois saisonniers. Les valeurs et les croyances des Inuits ont disparu, victimes des influences dominantes de l'Église et de l'économie de marché.

Sur le plan politique, la sédentarisation dans des peuplements a modifié le rôle de la famille nucléaire qui était la cellule de base de l'organisation sociale. Tous ces éléments ont eu une incidence sur la situation dans laquelle les aînés se trouvent aujourd'hui. Les peuplements ont artificiellement réuni des familles élargies au sein de la collectivité. En plus, des groupes familiaux non apparentés qui n'avaient pas nécessairement les mêmes cultures, dialectes et religions, étaient amenés pour la première fois à se côtoyer.

L'économie basée sur les salaires a également modifié les relations coutumières. Les Inuits qui pratiquaient le commerce de la fourrure ou qui avaient un emploi rapportaient à la maison de l'argent et des biens de consommation qu'ils acceptaient moins facilement de partager avec d'autres familles.

En revanche, les Inuits ont continué à partager les produits de la chasse, de la pêche et de la cueillette, renforçant ainsi un réseau de solidarité familiale basé sur les liens de parenté. Cependant, à mesure que l'économie basée sur les salaires se généralisait, les chasseurs qui rapportaient de la nourriture à la maison subissaient de plus en plus grandes pressions les incitant à partager avec l'ensemble du réseau social. Cette obligation n'était pas partagée par les salariés qui adoptaient un système de valeurs plus individualiste et axé sur les critères de marché. Par conséquent, les anciens et les jeunes ont de la difficulté à comprendre leurs rôles. Cette incertitude aux plans de la finalité et de l'identité est particulièrement difficile pour les jeunes à qui on a appris à apprécier la vie difficile de leurs parents et grands-parents qui devaient autrefois se contenter des ressources que leur offrait la nature. Les jeunes se sentent eux-mêmes mal préparés, parce qu'ils ont l'impression de n'appartenir à aucun des deux mondes. Ils s'efforcent de trouver une façon significative de prendre part à la vie de leurs collectivités qui n'offrent que très peu de perspectives d'emploi et n'ont aucun besoin apparent des compétences ou connaissances traditionnelles. Comme l'a dit un ancien, « Beaucoup de jeunes, ne sachant quoi faire, trouvent une certaine satisfaction dans la consommation d'alcool et de drogues ».

L'expérience des pensionnats au Canada a creusé un fossé entre les aînés et les jeunes, interrompant l'échange intergénérationnel des connaissances traditionnelles, des valeurs culturelles, des aptitudes de parents et des compétences linguistiques qui sont indispensables à des relations saines et à la constitution d'une identité. D'autre part, il n'était pas rare que les élèves des pensionnats soient soumis à des mauvais traitements physiques, sexuels et mentaux. La répression culturelle, l'assimilation et les mauvais traitements ont contribué à amener certains Inuits à avoir honte de leur identité, à se sentir aliénés et déconnectés de leur famille.

Bien que les pensionnats aient fermé leurs portes vers le milieu des années 1970, ils continuent d'être souvent cités comme une source de traumatismes collectifs qui continuent d'affecter aujourd'hui encore la santé et le bien-être mental des aînés inuits.

Les Inuits donnent à leur bagage de connaissances le nom de Inuit Qaujimajatuqanginnit, IQ. Ce bagage contient des enseignements pratiques et des réflexions sur la société, la nature humaine et l'expérience. Transmises oralement d'une génération à l'autre, ces connaissances sont acquises au cours de diverses expériences dans la nature, les aînés servant de modèles pour le comportement approprié à adopter. Ce bagage regroupe des connaissances environnementales portant sur le climat, les cycles saisonniers, l'écologie, la faune et l'influence mutuelle des divers éléments. Elles illustrent le bon sens pratique; ce sont des connaissances holistiques qui font le lien entre les personnes, la santé spirituelle, la culture et la langue. L'IQ est un système de répartition du pouvoir qui établit les règles concernant l'utilisation des ressources, le respect et l'obligation de partager.

Aujourd'hui, on reconnaît que les anciens sont les seuls à posséder ces connaissances qui doivent être transmises aux jeunes Inuits afin de revitaliser et préserver la culture inuite. Tous les aînés d'une collectivité ne sont pas nécessairement pas des anciens. Les Inuits ont tendance à penser que les anciens sont des personnes qui ont la sagesse, l'expérience et un bon jugement. L'âge à lui seul ne suffit pas à faire de quelqu'un un ancien. Les anciens jouissent d'une grande autorité et sont toujours extrêmement respectés.

Autrefois, les anciens avaient pour rôle de conseiller les personnes qui, selon eux, n'avaient pas un bon comportement. Les conseils donnés par les anciens avaient énormément de poids et on ne prenait aucune décision sans les consulter. On les considérait souvent comme des chefs communautaires.

En matière de santé, il existe une grande disparité entre les Inuits et les non-Inuits. Les Inuits ont une espérance de vie beaucoup moins grande, des taux de mortalité infantile comparativement plus élevés, le plus haut taux de suicide au Canada et des taux nettement plus élevés de maladies chroniques et de maladies infectieuses, de maladies cardiaques, de diabète et de troubles respiratoires.

Selon des recherches récentes, cette disparité en matière de santé serait en grande partie un symptôme des mauvaises conditions socioéconomiques des collectivités inuites qui sont caractérisées par des taux de pauvreté élevés, une faible scolarisation, des débouchés d'emploi limités et de mauvaises conditions de logement.

La nourriture de qualité peut être très coûteuse dans le Nord. Les aliments de mauvaise qualité sont moins chers, parce qu'ils sont souvent plus légers et que leur transport coûte donc moins cher. D'autre part, les aliments industriels et transformés ont aussi une plus grande durée de conservation. On a calculé qu'à Paulatuk, une petite collectivité de l'Arctique de l'Ouest, le prix des aliments est 470 fois plus élevé qu'à Ottawa. Lorsque vous obtiendrez votre exemplaire du document, vous pourrez y trouver divers exemples.

Dans une enquête réalisée par Statistique Canada en 2005, 56 p. 100 des répondants du Nunavut ont affirmé qu'eux- mêmes ou quelqu'un de leur foyer avaient manqué d'argent au cours de l'année écoulée pour se procurer des aliments de qualité ou la nourriture variée qu'ils souhaitaient; qu'ils s'inquiétaient de ne pas avoir suffisamment à manger ou avaient déjà connu des moments où ils ne pouvaient pas manger à leur faim. Nous savons tous qu'une nourriture insuffisante sur le plan de la qualité ou de la quantité est à l'origine de carences nutritives et de problèmes de santé chroniques graves chez les aînés.

La nourriture traditionnelle du pays est importante dans de nombreux foyers inuits. Non seulement elle leur permet de compenser le coût élevé des nourritures en provenance du Sud, mais les activités d'exploitation et de partage ont d'importantes incidences culturelles. Par conséquent, la nourriture traditionnelle demeure importante, en raison de l'isolement, de l'incapacité des Inuits à s'intégrer pleinement dans l'économie moderne basée sur les salaires, du coût élevé de la nourriture et des services de base et de l'importance que revêtent pour la culture inuite les activités d'exploitation des ressources naturelles. Par exemple, dans la région de Baffin, on estime que la moitié de la nourriture consommée par chaque personne en une année est composée de caribou, de poisson, de muktuk ou de phoque.

De nos jours, les femmes inuites qui ont acquis un statut d'ancien sont invitées à partager avec les jeunes femmes leurs connaissances sur des nourritures telles que la viande séchée et les ragoûts de poisson. Autrefois, la société traditionnelle inuite insistait sur l'importance du partage afin que tous puissent manger à leur faim. Aujourd'hui encore, lorsqu'un chasseur rapporte du gibier à la maison, tous ou presque tous les foyers du village reçoivent une part.

Cependant, cette utilisation de la nourriture traditionnelle soulève certaines inquiétudes en raison des contaminants qu'elle contient. Les changements climatiques ont également une incidence sur la qualité et la quantité des produits de la nature servant à l'alimentation. Au Nunavut, on a découvert dans le lait maternel des contaminants ayant une incidence sur le développement neuronal et moteur des nourrissons. Les contaminants présents dans l'environnement à cause des changements climatiques et d'autres produits toxiques viennent donc ajouter à l'insalubrité des aliments et au régime alimentaire de mauvaise qualité. Il faut trouver un juste milieu entre la promotion des nourritures traditionnelles et l'information des Inuits sur les possibilités qu'elles soient contaminées.

La présidente : À partir de maintenant, je vais devoir vous demander de résumer le reste de votre exposé.

Mme Dickson : Je vais passer en revue et commenter chacun des points. Il y a une crise du logement chez les Inuits. D'autres affirment que la crise est générale et touche les Premières nations, les Inuits et les Métis. Les conditions de logement sont vraiment déplorables; je vous laisse réfléchir là-dessus.

La violence familiale est un autre élément important de la réalité socioéconomique du Nord. Il est tout à fait vrai également que la violence familiale existe chez les anciens.

D'autres ont parlé de la santé mentale et du suicide, deux dimensions qui touchent également les anciens Inuits. L'abus d'intoxicants est en partie la cause et en partie le résultat de la dépossession socioéconomique du Nord.

Le tabagisme est un grand problème; 70 p. 100 des Inuits âgés de 18 à 45 ans fument, ce qui a d'énormes conséquences sur les enfants.

L'état de santé des anciens Inuits est source de nombreux autres problèmes — diabète, maladies cardiaques, troubles respiratoires et blessures accidentelles. On a parlé des coûts de transport pour obtenir des soins médicaux et du nombre limité de professionnels de la santé, deux problèmes énormes dans le Nord.

Permettez-moi de conclure en précisant que notre organisme serait prêt à s'associer au Sénat pour mettre la théorie en pratique. Je suis fière du travail que nous avons accompli pour mettre les politiques et les principes en pratique. C'est une importante interface entre les gouvernements, les organismes et les établissements scolaires.

Je vous remercie de l'intérêt que vous portez à l'Arctique. Je vous présente les salutations de notre présidente, Martha Greig, qui habite à Kuujjuaq, dans le Nord du Québec.

La présidente : Avant de me tourner vers les autres sénateurs, j'aimerais vous poser quelques brèves questions au sujet de vos exposés, afin d'éclaircir certains points.

Tout d'abord, plusieurs d'entre vous ont parlé du RPC, le Régime de pensions du Canada. J'aurais pensé que les habitants du Nord et des collectivités autochtones auraient été plus dépendants de la pension de la Sécurité de la vieillesse et du Supplément de revenu garanti. À ma connaissance, le taux d'emploi parmi beaucoup de nos peuples autochtones n'a pas été suffisant pour permettre aux salariés d'accumuler une grande admissibilité au RPC. Est-ce que quelque chose m'a échappé?

M. Fiddler : Je pense que vous avez bien compris. Historiquement, les Métis ont eu tendance à avoir peu d'années de scolarité dans les groupes plus âgés. Ils ont travaillé et ont continué à travailler pendant la plus grande partie de leur vie. Pour obtenir les soins dont ils ont besoin, il est important qu'ils bénéficient des prestations supplémentaires pour la vieillesse.

M. Jock : Il y a un autre élément qui ajoute à la confusion. Certains membres des Premières nations travaillant dans des réserves ne sont pas admissibles au RPC. Voilà qui ne contribue pas à améliorer la situation des membres des Premières nations.

D'après les taux de participation, il semble qu'un effort conscient soit nécessaire pour accorder des moyens et un soutien aux travailleurs afin de pouvoir expliquer clairement les critères d'admissibilité aux anciens, car nos taux de participation aux programmes de SV et SRG sont très faibles.

Les gens ne se prévalent pas pleinement de ces services. De même, il vaudrait mieux décrire certains services de soutien et offrir la formation nécessaire pour que les membres de nos collectivités puissent tirer pleinement parti des services qui existent déjà.

La présidente : Monsieur Jock, vous avez également parlé de l'élimination des programmes de soins podologiques. Comment le gouvernement peut-il annuler un programme de soins podologiques alors que le diabète se répand à un rythme effarant?

M. Jock : Bonne question. Encore une fois, c'est à cause des principes généraux de limitation des coûts des programmes non assurés. Certaines des mesures prises sont plus influencées par les principes de limitation des coûts que par la volonté d'offrir de bons soins à long terme.

De même, en raison des difficultés rencontrées par les fournisseurs de soins de santé, beaucoup d'entre eux exigent d'être payés en avance par les patients des Premières nations, ce qui constitue un énorme obstacle. Les patients finissent par être remboursés, mais quand on a des revenus limités, une dépense de 350 $ ou 400 $ peut s'avérer impossible.

Les programmes de soins non assurés sont à l'origine de nombreux autres obstacles qui entraînent des problèmes réels et graves pour des particuliers et des collectivités entières.

L'accès aux soins de santé est un autre élément. L'octroi de très petites aides, par exemple dans certains cas six cents du kilomètre, je crois, pour le transport de malades vers des services de santé est un plus grand fardeau que ne le serait un simple remboursement. L'accès aux services de base que nous tenons pour acquis s'en trouve même diminué.

De nombreux autres éléments propres à la limitation des coûts ont des conséquences directes et durables sur la qualité de vie des anciens. Chez ceux qui souffrent du diabète, la dialyse et toutes les autres complications sont aggravées par les problèmes liés aux services de santé non assurés.

La présidente : Madame Eegeesiak, combien de programmes fédéraux sont offerts en inuktitut?

Mme Eegeesiak : Pratiquement aucun et M. Jock a raison de mentionner le soutien du revenu. Nous devons nous occuper des dossiers de nos personnes âgées qui sont admissibles à ces programmes et nous devons nous charger pour elles des formalités à accomplir. Aucun document à remplir n'est en inuktitut. Nous n'avons pas d'agent de programme dans nos collectivités, aussi nous devons donc nous-mêmes nous tenir au courant des avantages pour le compte de nos anciens.

Lorsque les programmes sont offerts, la formation est faite par des instructeurs du Sud et pas par des Inuits, en inuktitut. Il n'y a pratiquement aucune documentation et aucun programme fourni en inuktitut.

La présidente : Vous avez dit que la majorité des anciens ne parlent rien d'autre que l'inuktitut, et pourtant, il n'existe aucune documentation en inuktitut sur les programmes.

Mme Eegeesiak : C'est exact.

Le sénateur Keon : J'avais l'intention de poser une question complémentaire.

Les anciens sont-ils alphabètes en inuktitut? Autrement dit, peuvent-ils lire et écrire l'inuktitut? Est-il exact que la plupart de leurs communications, tout au long de leur vie, se font sur le mode verbal?

Mme Eegeesiak : Oui, la plupart de nos anciens peuvent lire et écrire l'inuktitut, en caractères syllabiques. Très peu de nos anciens savent lire et écrire l'anglais.

Le sénateur Keon : Pensez-vous que des documents traduits seraient utiles?

Mme Eegeesiak : Non, parce qu'il ne s'agit pas d'un programme culturel; le programme n'est pas adapté à notre culture. Lorsque le gouvernement fédéral accepte de traduire des documents, nous sommes censés en assumer les coûts ou trouver les ressources nécessaires pour les payer.

Le sénateur Keon : De toute façon, vous n'avez pas les moyens de faire traduire les documents.

Mme Eegeesiak : Nous n'avons pas les moyens de faire traduire les documents.

Le sénateur Keon : Dans votre témoignage et dans celui d'autres témoins autochtones que j'ai entendus, vous insistez toujours sur l'autonomie au niveau communautaire, qu'il s'agisse de l'autonomie gouvernementale ou d'une forme d'organisation autonome. Cette notion a encore été évoquée aujourd'hui. Je pense que c'est M. Jock qui en a parlé.

Ce ne serait pas trop difficile d'organiser les collectivités afin de généraliser certains de ces documents, comme ceux qui concernent la pension de sécurité de la vieillesse, et cetera. La personne responsable de cette petite collectivité n'aurait qu'à indiquer simplement que M. Untel et Mme Unetelle sont admissibles à telle prestation. Ce serait une façon simple de régler les dossiers tout en évitant le processus hiérarchique compliqué, l'établissement des formulaires et leur expédition à Ottawa. Le nombre de personnes concernées est relativement restreint; cela ne représente pas de grandes dépenses, en comparaison du secteur pétrolier.

Vous pourriez peut-être nous aider à définir une telle option dans notre rapport. C'est un problème évoqué régulièrement. Parlons du logement, par exemple, qui constitue un problème énorme. Les conditions de logement des Métis, des Premières nations et des habitants du Nord sont tout à fait différentes. Dans la mesure où les collectivités pourront obtenir une certaine autonomie, je suis certain qu'elles pourront définir quel est le type de logement requis pour les anciens.

On peut parler à l'infini de l'autonomie gouvernementale. On en approche petit à petit, mais l'autonomie gouvernementale ne sera d'aucune utilité à une personne de 75 ans qui vit aujourd'hui dans une de ces collectivités. Par contre, on peut imaginer que l'on pourrait instaurer rapidement des modèles d'autonomie communautaire qui permettraient l'implantation de programmes de logements appropriés pour les habitants de la collectivité.

Cela permettrait aux anciens d'obtenir leur pension. D'après moi, c'est complètement ridicule qu'une personne admissible ne puisse pas toucher sa pension de sécurité de la vieillesse. Pourriez-vous nous guider dans l'étude de certaines de ces questions afin que notre comité puisse jouer un rôle utile lorsque nous présenterons nos recommandations dans le rapport?

Essayez de définir pour nous le type d'organisation communautaire qui permettrait de résoudre la crise du logement et d'obtenir que tous nos citoyens perçoivent la pension de sécurité du revenu. Qui veut bien se lancer?

M. Courchene : Je vais parler du dossier du logement et des conditions auxquelles est soumise notre population. Le logement est déplorable et cause de nombreuses maladies. Nos anciens sont très malades et nous devons faire quelque chose.

Nous devons vraiment nous pencher sur le problème. Nous aimons tous nos anciens. Tous les êtres humains aiment leurs anciens. Il devrait être possible de les garder chez eux. On devrait envisager la possibilité d'ajouter un appartement dans une maison bien construite, pour permettre aux personnes âgées de recevoir les soins de leur famille. Les membres de leur famille pourraient recevoir une formation afin de permettre aux anciens de rester chez eux plutôt que d'être envoyés à l'extérieur de leurs collectivités. Ce serait une option.

Comme vous l'avez entendu aujourd'hui, certains anciens quittent leur collectivité et n'y reviennent jamais plus; c'est triste. Cependant, l'option que j'ai proposée permettrait d'éviter que cela se produise. Par ailleurs, nous serons confrontés à des situations où certains anciens seront très malades.

Voilà les deux sujets que je voulais aborder : le logement et la santé des anciens.

M. Jock : Dans notre exposé, nous avons parlé d'un plan communautaire global qui proposerait une gamme complète de soins aux personnes âgées et aux vieillards, toute une gamme de services allant du logement avec assistance au milieu de soutien, en passant par les soins en établissement. À condition de tenir compte de tous les aspects et de disposer de ressources pour le processus de planification, je pense que l'on pourrait réunir certains éléments pour constituer le type d'approche que vous avez suggéré. Cependant, il faudrait également combler d'autres lacunes. Par exemple, quand on dit que le plafonnement n'entraîne qu'une perte de 6 p. 100, on ne tient pas vraiment compte des conséquences réelles sur les collectivités dans le secteur du logement, des services sociaux, et cetera.

En termes réels, cela signifie que les collectivités reçoivent 45 p. 100 de moins que ce qu'elles auraient reçu si elles avaient bénéficié d'un taux stable de croissance semblable à celui des provinces en vertu du Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux ou d'autres programmes indexés. Les collectivités sont pénalisées par la réduction considérable des fonds qu'elles reçoivent.

J'aimerais parler de la sécurité alimentaire et de la disponibilité de la nourriture. Il serait important d'inclure ces deux éléments dans un plan global, car les prestations d'assistance sociale sont si insuffisantes qu'il est virtuellement impossible d'adopter un régime alimentaire équilibré. Il serait certainement souhaitable d'examiner la notion de sécurité alimentaire de manière organisée.

À mon avis, une telle approche est réalisable et devrait intéresser les collectivités. Nous serions prêts à vous fournir des modèles pour la mise en œuvre d'une telle approche.

Le sénateur Keon : Quelqu'un d'autre souhaiterait-il parler de diverses formules de réorganisation des collectivités en vue de recevoir certains des avantages dont vous ne bénéficiez pas actuellement?

Mme Eegeesiak : Je pense que tous les témoins sont d'avis que le gouvernement doit consulter les personnes touchées par les politiques qu'il crée. Les politiques relatives aux Autochtones s'adressent le plus souvent aux membres des Premières nations qui vivent dans des réserves. Or, les Inuits ne vivent pas dans des réserves. Nous vivons dans des municipalités de diverses régions du Canada.

Cela fait des années que nous demandons au gouvernement fédéral de tenir compte des réalités différentes des Inuits, des Premières nations et des Métis lorsqu'il élabore une politique relative aux Autochtones. Souvent, cela consiste à nous proposer un modèle qui ne nous convient pas. Les collectivités inuites sont laissées pour compte par les politiques et les programmes destinés aux Autochtones.

Dans le secteur du logement, le gouvernement fédéral a décidé, en 1993, sans consultation, de supprimer le financement des logements sociaux. Or, les collectivités inuites utilisent les logements sociaux dans 80 à 90 p. 100 des cas. Aucun nouveau logement n'a été construit dans les collectivités inuites depuis 1993, ce qui a eu pour effet d'aggraver la crise du logement.

Quant aux services de santé non assurés, les coûts ont augmenté de 14 p. 100 par an, alors que les prestations sont plafonnées à 3 p. 100. Je ne sais pas si quelqu'un d'autre en a parlé dans son exposé — je prenais des notes pendant ce temps-là. Comment les collectivités inuites peuvent-elles dans de telles conditions offrir des services de santé et des programmes destinés aux Canadiens?

M. Fiddler : Le problème du logement est certainement un aspect d'un problème plus vaste, à savoir la pauvreté qui touche les peuples autochtones depuis plusieurs années. Si nous voulons améliorer la situation, nous devons retourner à la case départ et travailler ensemble pour trouver des solutions.

Je pense que, dans une grande mesure, la plupart des problèmes auxquels nous avons dû faire face depuis quelque temps découlent des mesures prises par les divers ordres de gouvernements pour introduire de nouvelles politiques et/ ou éliminer d'autres programmes sans consulter les peuples autochtones et collaborer avec eux.

Je pense qu'il serait bon de rappeler ce qu'est le leadership. Selon une définition que j'aime bien citer, l'essence du leadership consiste à donner aux gens l'impression qu'ils ont atteint eux-mêmes le but qu'ils s'étaient fixé.

Je pense que, pendant trop longtemps, le gouvernement a pris la direction des opérations et a agi à notre compte ou sans nous en parler. Par conséquent, je crois que l'on pourra commencer à résoudre ces problèmes lorsqu'on envisagera de créer des conseils de planification autochtone et des gouvernements autochtones, qu'on leur donnera les ressources nécessaires pour élaborer des solutions et que le gouvernement collaborera avec eux pour mener à bien ces programmes et possibilités.

Le sénateur Keon : D'après ce que j'entends, seule une véritable initiative de grande envergure permettra d'apporter une solution au problème du logement. C'est, d'après moi, un des problèmes les plus graves auxquels font face vos collectivités, plus grave que d'autres enjeux tels que la santé ou l'éducation. Essentiellement, il faut commencer par l'alimentation et le logement.

Les programmes existants ne permettront pas de résoudre le problème du logement, n'est-ce pas? Il faudra mettre en place une initiative de grande envergure, de concert avec vos collectivités. Ce sera toute une entreprise, mais je pense que seule une telle initiative pourrait apporter une solution.

Que nous proposez-vous comme « modus operandi »?

M. Fiddler : En milieu urbain, il faudra s'intéresser de près aux logements subventionnés. Comme je l'ai dit, la plupart de nos citoyens vivent en milieu urbain et dans des zones semi-urbaines et ne disposent comme revenu que de la pension de sécurité de la vieillesse et, dans certains cas, du modeste apport du Régime de pensions du Canada. Ils s'efforcent de survivre à l'aide du faible revenu que représentent ces pensions. Ces citoyens disposent d'un revenu moyen de 13 000 $ à 14 000 $. Le coût du logement en milieu urbain est très élevé et il faut compter en moyenne 1 000 $ par mois pour louer un logement plus ou moins acceptable; voilà qui représente une dépense de 12 000 $ par an.

Les personnes âgées vivant en milieu urbain doivent consacrer une partie disproportionnée de leur revenu au logement. Il faut examiner la possibilité de proposer un programme de logements locatifs subventionnés et/ou un programme d'accès subventionné à la propriété. Comme vous le savez, les Métis ne vivent pas dans des réserves dans le Nord du pays et 50 p. 100 des membres des Premières nations vivent également à l'extérieur des réserves. Par conséquent, ils sont eux aussi touchés par le problème du logement. La plupart des problèmes sont liés au coût anormalement élevé du logement par rapport au revenu annuel disponible.

Mme Eegeesiak : Récemment, les gouvernements ont tenté de trouver une solution au problème du logement des Autochtones en annonçant des programmes de logements au coût calculé en fonction du marché. Un tel programme ne fonctionnera pas dans les collectivités inuites. Nous avons des listes d'attente de 10 à 15 ans pour des logements sociaux. Il n'y a pas dans nos collectivités les emplois ou l'économie nécessaires pour permettre à notre population d'accéder à des logements dont le coût est calculé en fonction du marché. Quels que soient les programmes de logement annoncés, il faudra qu'ils nous proposent le type de logement dont nous avons besoin et non pas les logements que le gouvernement aura décidé de construire pour nous. Nous devons avoir notre mot à dire.

M. Jock : Les logements au coût calculé en fonction du marché représentent une petite partie du dossier global du logement. Il est important pour votre comité de présenter une recommandation tenant compte globalement de tout le dossier du logement et notamment, du logement social. Je pense également que pour bien aborder la question du logement social, il faudrait prendre en compte certains besoins collectifs tels que les logements avec assistance pour les personnes âgées, les logements pour les personnes ayant une déficience ou un handicap, mental ou physique, qui sont généralement jugés comme nécessaires dans d'autres collectivités.

Il serait très important pour le comité d'affirmer que le logement est un élément clé pour répondre aux besoins des personnes âgées. Bon nombre des facteurs qui contribuent à la tuberculose sont le résultat du surpeuplement anormal de certains logements. Votre comité jouerait un rôle fondamental et important en appuyant cette approche globale. Comme nous l'avons dit, il faut tenir compte de tous les aspects du dossier, l'infrastructure et les besoins en eau étant des éléments cruciaux. En effet, un logement dont l'eau n'est pas salubre ni suffisante ne répond pas aux besoins.

La présidente : Si vous me le permettez, je vais poser une question se rapportant à certains aspects abordés par le sénateur Keon, avant de donner la parole au sénateur Cordy.

Je sais que certains Autochtones ont refusé des services médicaux de qualité à Winnipeg tout simplement parce qu'ils se sentaient terriblement isolés et qu'ils ont préféré retourner dans leurs collectivités. Je sais que vous pouvez sans doute nous parler de cas semblables. Monsieur Courchene et madame Eegeesiak, ce phénomène est-il courant? Avez-vous constaté que certains Inuits ou membres des Premières nations ne profitent pas toujours des soins de santé de qualité qu'ils pourraient obtenir, parce que ces soins ne sont pas offerts dans leur collectivité?

M. Courchene : Oui, c'est une réalité car, dans notre tradition, la famille passe avant tout. Les liens familiaux sont très forts. La famille aide à la guérison. L'isolement du malade de sa famille équivaut à un abandon, un rejet. La solitude et la négligence dont souffre le malade ont des conséquences très graves sur sa santé. C'est très dur. C'est la raison pour laquelle je propose pour les personnes âgées des logements qui permettent de maintenir l'environnement familial jusqu'à la fin.

Un grand nombre de nos compatriotes sont mort de solitude. Cela ne peut plus durer. Nous sommes les seuls en tant que nation à pouvoir y remédier. Quand je dis nation, il s'agit de toutes les nations, quelle que soit la couleur. Si nous voulons accomplir quelque chose, nous devons tous exercer notre responsabilité à l'égard des autres.

Mme Eegeesiak : Je crois qu'il faut aller un peu plus loin, parce que nous n'avons pas de médecins; nous n'avons pas de centres de diagnostic et nos anciens meurent de maladies qu'on aurait pu prévenir. Lorsqu'ils tombent malades, la maladie est tellement avancée que ni les médecins ni les hôpitaux ne peuvent plus les soigner.

D'autre part, lorsqu'ils viennent ici pour être hospitalisés ou recevoir des soins à long terme, ils sont soignés par des médecins et des infirmières. Malgré leurs compétences, les médecins et les infirmières ne parlent pas l'inuktitut; ils ne peuvent pas comprendre ce que ressentent ces personnes âgées.

J'aimerais souligner un autre point concernant le logement, car c'est un sujet que les Autochtones ont vraiment à cœur. Nous ne réclamons pas des logements gratuits. Nous voulons mettre au point, en collaboration avec le gouvernement, une stratégie visant à résoudre la crise du logement que nous traversons. Nous voulons construire nos maisons afin qu'elles soient durables à long terme, grâce à des programmes de formation et de perfectionnement. Nous voulons que nos collectivités soient capables de les entretenir ou d'en assurer la bonne marche, nous voulons former des électriciens et des plombiers inuits qui travailleront le plus près possible de nos collectivités. Nous ne réclamons pas des logements gratuits, nous voulons collaborer avec le gouvernement afin d'élaborer une stratégie visant à répondre à ces besoins en matière d'infrastructure.

Le sénateur Cordy : Ce serait une façon très sensée d'aborder le problème du logement.

Je suppose que tous les gens qui suivent nos travaux à la télévision ont pu, comme moi, comprendre grâce à vous la diversité de la communauté autochtone. Certains éléments comme les transports, le logement, la langue et d'autres aspects comme le logement et la pauvreté sont, à coup sûr, des déterminants de la santé. Des études ont démontré que l'on ne peut être en bonne santé si l'on ne bénéficie pas de ces éléments. C'est exactement ce qui se passe dans la communauté autochtone.

Monsieur Courchene, vous avez abordé cette même question du logement dans les foyers de soins à long terme et vous avez précisé que seulement 0,5 p. 100 des membres des Premières nations ont accès à ces soins à long terme. Ce n'est vraiment pas beaucoup. On a parlé un peu plus tôt des patients qui décident de ne pas se prévaloir des soins offerts dans les centres urbains, car ils souffrent trop d'isolement et de solitude lorsqu'ils sont si loin de leur famille. Au problème de l'isolement et de la solitude vient s'ajouter l'incapacité des malades à expliquer au personnel soignant ce qu'ils ressentent, parce qu'ils ne parlent pas leur langue.

Pouvez-vous nous présenter des bons modèles de centres de soins à long terme pour Autochtones?

M. Jock : Oui, nous avons quelques bons exemples au Manitoba. À Winnipeg, il y a deux unités de soins de longue durée qui fonctionnent bien. La collectivité d'Akwesasne dispose d'une unité pour maladies chroniques relativement bien organisée, plus une résidence pour personnes âgées, si bien que le continuum des soins est beaucoup plus respecté. C'est un cas tout à fait unique, ce n'est certainement pas une situation courante. Une partie des fonds proviennent d'autres sources. Wikwemikong, sur l'île Manitoulin, dispose d'une résidence pour les anciens. C'est un exemple d'unité pour maladies chroniques qui offre des services à d'autres collectivités de la région.

Je dirais qu'il existe environ 16 unités de ce type dans tout le pays. Les gens ont mis sur pied quelques modèles acceptables, soit en profitant de failles, soit en innovant, ou encore grâce à une combinaison des deux.

Le sénateur Cordy : L'analyse de l'ensemble des besoins des personnes âgées nous amène à constater qu'ils relèvent de plusieurs ministères. Dans quelle mesure les ministères collaborent-ils pour offrir des prestations aux collectivités autochtones?

Une étude antérieure sur les soins de santé a révélé que de nombreux ministères fonctionnaient en silos et qu'ils ne savaient pas toujours ce qui se passait dans les autres ministères. Les ministères, en particulier ceux du gouvernement fédéral, collaborent-ils de manière satisfaisante? Est-ce qu'ils collaborent et est-ce qu'ils sont au courant de ce que font les autres ministères?

M. Courchene : D'après mon expérience, les ministères ont de la difficulté à communiquer entre eux, ce qui complique beaucoup les choses pour ceux d'entre nous qui tentons d'obtenir des services de santé adéquats pour les personnes âgées. Le malade doit passer de service en service. C'est très décourageant et il finit par se demander si tous ces efforts en valent la peine. Cela ressemble à un jeu, si je peux me permettre la comparaison, mais pour nous, c'est grave. Le malade a besoin d'aide à ce moment-là. Quelqu'un doit établir les procédures à suivre dans de telles situations.

Parlons des soins de longue durée dans la collectivité. Je suis de Saugeen, au Manitoba, où nous avons une résidence pour les anciens. Mais il y a des gens qui viennent des différentes régions pour recevoir des soins chez nous. Nous observons ces gens-là. On parlait de solitude; ces gens-là se sentent seuls. Il faudrait que chaque collectivité ou un ensemble de collectivités environnantes disposent d'une unité comme celle-là, afin que les patients soient traités à proximité de leur famille.

Il y a tant d'éléments à prendre en compte ou à examiner si l'on veut dresser un tableau conforme à la réalité. Le logement est le premier élément. On ne peut pas y échapper. Si nous disposions de bons logements dans nos collectivités et si l'on trouvait un moyen d'instaurer des programmes de formation et de créer des emplois, comme cela a été mentionné, on pourrait améliorer la situation et apporter la prospérité à nos familles. Chacun pourrait avoir de meilleures conditions de vie et mener une vie paisible et en bonne santé. Pour le moment, nous sommes tous les uns sur les autres. On m'a raconté que, dans certaines familles, on ne peut dormir qu'à tour de rôle. Ce n'est pas bien. Ce sont des conditions inhumaines.

On dit que le Canada est un pays riche, mais on devrait avoir honte d'affirmer une telle chose. Nous devons changer la situation. Il faut que tout le monde soit gagnant.

Au moment de la signature des traités, nos ancêtres pensaient à long terme. Ils ont accepté l'esprit et l'intention des traités. D'après moi, cela signifie que nous devons nous entendre et partager les ressources et les richesses du pays afin que tous puissent en bénéficier et vivre dans la prospérité et dans un milieu sain. Beaucoup d'anciens que je connais partageraient cet avis. Comme on dit, il faut peut-être retourner un peu en arrière pour trouver la réponse à la situation que nous vivons aujourd'hui. Peut-être que nous n'avons pas cherché assez loin pour trouver la réponse. Il nous faut peut-être retourner un peu plus loin en arrière.

Mme Dickson : Je suis tout à fait d'accord avec notre collègue. L'organisme Pauktuutit Inuit Women of Canada a répertorié environ 32 programmes offerts dans les collectivités du Nord et j'ai mentionné certains d'entre eux dans mon exposé.

Nous connaissons de nombreux ministères, mais je n'en vois aucun qui soit consacré aux aînés et aux problèmes qu'ils vivent, que ce soit la violence, la crise du logement, des maladies comme le diabète ou d'autres problèmes dont nous avons parlé aujourd'hui. On pourrait peut-être profiter du fait que la génération d'après-guerre a ou est sur le point d'avoir 60 ans pour attirer l'attention sur cette situation. La situation démographique du Canada va peut-être donner au gouvernement l'occasion d'affirmer qu'il se préoccupe de la situation des personnes âgées et qu'il faut peut- être s'y attaquer dans une perspective canadienne élargie qui inclut la situation particulière des Autochtones.

Quant à la coopération, je ne pense pas qu'il y ait de dissension entre les ministères; nous constatons simplement que les personnes âgées ne semblent pas être visibles.

Le sénateur Chaput : Ce que j'ai entendu aujourd'hui m'a beaucoup touchée car c'est la pure vérité. Le gouvernement doit consulter les personnes concernées, car sinon les programmes ne répondent pas aux besoins précis des bénéficiaires. Ces programmes ne fonctionnent pas, parce qu'ils ne sont pas adaptés aux personnes à qui ils sont destinés. Vous avez tout à fait raison.

On a dit aujourd'hui que lorsque le gouvernement consulte et élabore des programmes, il devrait tenir compte de trois réalités. Ces trois réalités sont les Premières nations, les Inuits et les Métis. Certains d'entre vous ont parlé de l'environnement familial et ont dit combien il était important pour les personnes âgées de vieillir dans leur environnement familial et d'obtenir des services dans cet environnement.

Vous avez également parlé d'approche globale et de services de santé adéquats. Comment définissez-vous ces services et quelles sont les priorités? Comment les mettre en place pour répondre aux besoins des membres des Premières nations, des Inuits et des Métis?

Mme Eegeesiak : Il est important de présenter aux Inuits des stratégies de prévention. Le programme de lutte contre le tabagisme donnait de bons résultats dans les collectivités inuites mais, malheureusement, il a été récemment supprimé. Ces types de stratégies de prévention donnent de bons résultats lorsqu'on dispose des ressources nécessaires pour éduquer les Inuits sur les possibilités de prévenir certaines maladies, grâce à de la documentation adaptée à leur culture.

Souvent, les données de base sur les Inuits dans notre situation font défaut et nous savons tous combien ces données sont importantes lorsque le gouvernement veut mettre en place des programmes ou des services. Nous avons besoin de disposer de ce type d'information pour convaincre le gouvernement de fournir les programmes et services dont nous avons besoin.

M. Fiddler : La question est importante, car nous devons nous demander quelles mesures nous devons prendre pour résoudre les problèmes auxquels nous sommes confrontés. Vous avez parlé des trois réalités, mais il faut y ajouter la réalité urbaine et la réalité rurale. Ces deux réalités sont très différentes. Soixante-dix pour cent des Autochtones vivent en milieu urbain ou semi-urbain et sont confrontés à des problèmes différents.

Nous devons adopter une approche holistique en matière de santé. L'Agence de santé publique du Canada a fait preuve de leadership dans le domaine de la santé et de la population. Les peuples autochtones ont fait remarquer à de nombreux ministères qu'en matière de santé, il faut prendre en compte tous les aspects d'une personne. Nous devons mettre au point un plan d'action qui tienne compte de tous ces aspects.

Je crois que le gouvernement fonctionne beaucoup en silo. Le problème est qu'il met l'accent sur un aspect particulier et qu'il oublie les autres. Rappelons-nous que le gouvernement avait promis il y a quelques années d'éradiquer totalement la pauvreté de l'enfance d'ici l'an 2000. La réalité, c'est que la pauvreté des enfants a continué à augmenter plutôt que de diminuer. On ne peut pas se concentrer uniquement sur la pauvreté; il faut prendre en compte tous les services disponibles.

Il faut s'intéresser sérieusement au transfert des services dans les milieux urbains. Les Autochtones doivent offrir les services eux-mêmes. Il y a eu des mouvements en ce sens dans certaines régions du pays. En Ontario, par exemple, il existe dix centres d'accès aux soins de santé autochtones et deux centres de santé communautaires placés sous contrôle autochtone. C'est un début en matière de transfert de services de soins primaires. Cependant, il n'y a rien de semblable à l'ouest de l'Ontario. Nous devons étudier la mise en place de ces modèles viables partout au pays.

Revenons maintenant au point principal. Lorsque vous concluez un partenariat avec des Autochtones, respectez nos compétences et reconnaissez que nous avons évalué les besoins ainsi que les ressources nécessaires pour y répondre. À partir de là, nous pourrons commencer à améliorer des situations qui durent depuis 100 ans.

M. Jock : J'aimerais souligner qu'il serait utile de s'intéresser au modèle des soins primaires dans le cadre d'une approche globale, car, dans l'idéal, un modèle de soins primaires devrait offrir toute une gamme de services, des logements avec assistance jusqu'à la rééducation et d'autres services.

Les anciens des Premières nations bénéficient d'un programme de soins de santé communautaire qui offre des soins à domicile et des soins palliatifs; ce sont là quelques-uns des services offerts à une extrémité du champ d'activité. AINC propose également des services de logement avec assistance. Il y a certaines lacunes dans le secteur des résidences pour personnes âgées et des soins pour maladies chroniques. Il est important de réunir tous ces services dans une approche globale et de combler certaines lacunes.

Je partage le point de vue de M. Fiddler qui nous invite à examiner de quelle manière il est possible d'intégrer les ressources fédérales et provinciales. Le modèle que nous proposons est intégré dans le sens qu'il place la collectivité au centre. La collectivité devrait dispenser le programme, effectuer la planification et, à son tour, recevoir les ressources qui lui permettraient de mettre en place ce modèle. Nos aînés auraient accès aux services en temps opportun si l'on trouvait le moyen de faire converger ces idées dans une perspective de soins primaires et d'offrir les services au niveau de la collectivité. Les services seraient beaucoup mieux ciblés et seraient offerts à l'endroit et au moment où ils sont utiles.

Selon ma définition, l'accessibilité est indispensable à des soins de qualité. Si les soins offerts sont trop distants, je ne bénéficie pas de soins de qualité. Nous devons mettre l'accent sur la collectivité et en adoptant une approche globale, nous disposerons de modèles viables et prometteurs. Le modèle s'appliquerait aussi bien en milieu urbain que dans les réserves et dans les régions rurales.

La présidente : Merci à tous. Ce fut un grand privilège d'entendre vos exposés. Certaines idées que vous avez présentées étaient familières aux sénateurs, mais il est toujours important de les rappeler. J'espère que notre rapport final rendra compte fidèlement de vos suggestions. Merci beaucoup pour vos exposés.

Nous allons maintenant entendre le deuxième groupe d'experts sur les aînés autochtones. Nous allons commencer par Peter Dinsdale, directeur général de l'Association nationale des centres d'amitié autochtones. Il est accompagné de M. Alfred Gay, analyste en politique. Nous entendrons également Thelma Meade, directrice générale de l'Aboriginal Seniors Resource Centre de Winnipeg. Elle témoignera par vidéoconférence. Nous devions aussi entendre le témoignage de Debbie Dedam-Montour, directrice générale de la National Indian and Inuit Community Health Representative Organization, mais, malheureusement, elle ne pourra pas être des nôtres cet après-midi. Elle produira un mémoire à une date ultérieure.

Peter Dinsdale, directeur général, Association nationale des centres d'amitié autochtones : Bon après-midi, honorables sénateurs, invités et collègues témoins.

J'ai l'intention de vous présenter aujourd'hui quelques brèves remarques sur les thèmes suivants qui servent de fil conducteur au travail que nous effectuons dans les plus grandes villes aussi bien que dans les plus petites collectivités du Canada. Comment interpréter les chiffres et les observations de votre travail jusqu'à présent? J'ai le plaisir de participer cet après-midi à cet important débat avec mes amis et collègues et avec les membres du comité. On m'a conseillé d'être bref par respect pour toutes les personnes présentes ici aujourd'hui. Comme j'éprouve un immense respect pour les personnes à qui je m'adresse en ce moment, cela ne devrait pas poser de problème.

L'Association nationale des centres d'amitié autochtones est, au Canada, la seule infrastructure de prestations de services qui se donne pour mission d'améliorer la qualité de la vie des Autochtones en milieu urbain, en appuyant les initiatives personnelles et en encourageant un accès égal à la société canadienne.

C'est dans les années 1950 que les premiers centres d'amitié ont commencé à offrir leurs services aux Autochtones qui se déplaçaient et résidaient dans les centres urbains. Les premiers centres d'amitié ont vu le jour grâce à la générosité de groupes religieux et d'associations philanthropiques qui organisaient des activités de financement, ainsi que grâce à de petites subventions offertes par divers ordres de gouvernement. Au cours des années 1960, les centres d'amitié se sont multipliés dans toutes les régions du Canada. Les demandes de service par des Autochtones en déplacement ou vivant en milieu urbain ont également contribué à multiplier le nombre et le type de services offerts par ces centres.

Les centres d'amitié sont les premiers endroits où se rendent de nombreux Autochtones afin de se faire aiguiller vers des programmes ou des services permettant de faciliter leur transition vers la vie urbaine.

Les centres d'amitié occupent une situation privilégiée puisqu'ils dispensent les services offerts par les divers ordres de gouvernement. Ils peuvent ainsi orienter les Autochtones vers les programmes et services qui leur permettent de s'adapter au mieux à leur nouvelle vie en milieu urbain. Les centres d'amitié aident les nouveaux arrivants à s'adapter à leur nouvelle situation et offrent aux Autochtones habitant en milieu urbain un endroit sûr pour rencontrer leurs semblables. Chaque centre propose une combinaison unique de programmes correspondant aux besoins particuliers de la collectivité dans laquelle il est implanté.

La prestation des programmes et services par le réseau d'organismes implantés dans la collectivité et dirigés par elle, comme dans le cas des centres d'amitié, permet au gouvernement fédéral et à d'autres partenaires d'obtenir des résultats importants en échange de leurs investissements. Les vérifications et les évaluations ont révélé que les programmes atteignaient leurs objectifs; nous avons mis en place de bons principes de régie et des cadres solides. Nous avons également redoublé d'efforts afin de bâtir des partenariats pour éviter les chevauchements et, le cas échéant, y remédier.

Que révèlent les chiffres? Il est clair que le recensement entrepris par Statistique Canada en 2001 révèle l'urbanisation continue des collectivités autochtones. On dénombre au Canada 976 000 Autochtones qui s'identifient eux-mêmes comme tels. Parmi eux, 71 p. 100 vivent à l'extérieur des réserves; 51 p. 100 vivent dans des centres urbains, dont 29 p. 100 vivent dans les régions métropolitaines de recensement, RMR, et 22 p. 100 dans des régions autres que les RMR. Vingt-cinq pour cent de la population autochtone vit dans dix des 27 régions métropolitaines de recensement du Canada. Nous vivons dans des villes et des grandes villes.

On prévoit que d'ici 2016, la population autochtone urbaine regroupera 457 000 habitants. Les résultats du recensement de 2006 indiqueront d'autres augmentations. Les Autochtones du Canada représentent un pourcentage de la population totale plus élevé qu'en Australie ou aux États-Unis. Au cours de la prochaine décennie, on s'attend à ce que le nombre de personnes âgées autochtones double et triple d'ici 2026.

On compte actuellement environ 40 000 aînés autochtones; ce chiffre pourrait atteindre 80 000 personnes au cours de la prochaine décennie et 120 000 d'ici 2026. Voilà qui devrait servir d'avertissement et nous inciter à nous préparer aux défis qui nous attendent en matière de soins à offrir aux aînés autochtones.

Les langues autochtones doivent demeurer une priorité importante pour les populations autochtones vivant hors réserve. La plupart des Autochtones reconnaissent l'importance de leurs langues respectives, mais aucun cours de langue particulier n'est offert par l'entremise de programmes linguistiques officiels et non officiels. On craint beaucoup que l'enseignement des langues ne soit plus considéré comme un investissement important, ce qui serait une perte considérable pour notre communauté autochtone ainsi que pour le patrimoine canadien.

Il est évident que les enfants autochtones gagnent à passer du temps avec des aînés autochtones. Des recherches ont montré clairement que les jeunes qui passent du temps avec des aînés autochtones obtiennent de meilleurs résultats que les autres. Il suffit de faire un retour en arrière sur notre propre vie pour nous rendre compte combien nous avons eu de la chance de fréquenter des aînés autochtones lorsque nous étions plus jeunes. C'était peut-être nos Mishomis ou nos Nokomis ou tout simplement un homme plus âgé qui était gentil avec tout le monde, mais nous en garderons le souvenir à jamais au fond du cœur.

Je mentionne ceci pour illustrer une situation troublante pour l'avenir de nos jeunes Autochtones. En partenariat avec le Conseil canadien sur l'apprentissage, nous avons récemment terminé une série de consultations auprès de groupes de concertation sur la persévérance scolaire. Au cours de ces séances réalisées à Vancouver, Winnipeg et Thunder Bay, les jeunes Autochtones ont reconnu à l'unanimité que les aînés autochtones étaient une partie importante mais manquante de leur vie.

La majorité des aînés vivant hors réserve ont signalé recevoir de nombreux appuis sociaux. Les aînés autochtones vivant hors réserve sont en meilleure santé lorsqu'ils bénéficient de soutien social. Quelles conclusions faut-il en tirer? Je vais vous présenter quelques idées.

Certains de ces jeunes ont besoin de trouver quelqu'un pour les écouter lorsqu'ils éprouvent le besoin de parler. Ils leur faut quelqu'un sur qui ils peuvent compter quand ils ont besoin de conseils. C'est quelqu'un qui peut les mener chez le médecin s'il le faut, leur témoigner de l'amour et de l'affection, passer du bon temps avec eux, leur permettre de parler d'eux ou de leurs problèmes ou tout simplement une personne qui peut passer quelques moments de détente avec eux.

Quel que soit notre âge, nous aimons tous la compagnie et la camaraderie. Un environnement social sain est bon pour chacun d'entre nous. La grande crainte de la plupart des gens, c'est de vieillir seul et isolé. Je me souviens de plusieurs cas où le décès d'une personne âgée autochtone était suivi peu de temps après par celui de son conjoint ou de sa conjointe.

Par comparaison aux jeunes, les aînés autochtones vivant hors réserve ont moins tendance à fumer. Par ailleurs, les Autochtones vivant hors réserve boivent moins que la population générale. Je crois qu'en vieillissant, on apprend à adopter un mode de vie plus sain.

J'aimerais faire quelques observations sur votre travail. Je tiens à vous remercier, honorables sénateurs, d'avoir inclus avec bienveillance certaines opinions autochtones dans vos délibérations antérieures. J'aimerais tourner mon attention vers un certain nombre de points soulevés un peu plus tôt.

Le vieillissement de la population est une réelle préoccupation. J'aimerais parler des pressions financières auxquelles le Canada fera face en raison du vieillissement de la population, à cause de l'augmentation des besoins en matière de services de santé et de services sociaux pour les personnes âgées, parallèlement à la diminution de la main-d'œuvre à la suite du départ en retraite de la génération de l'après-guerre.

L'opinion suivante semble être partagée par plusieurs experts :

Les programmes gouvernementaux demeureront gérables, du moins en réaction au vieillissement de la population. [...] La plupart des gens pensent que l'augmentation des coûts des soins de santé, qu'ils attribuent de toute évidence au vieillissement de la population, feront sauter la banque — en particulier, les budgets des gouvernements — ce qui rendra les choses ingérables. À mon avis, c'est tout simplement faux. C'est faux en ce qui concerne le régime de pension de l'État, les programmes de la sécurité du revenu et des soins de santé.

Je suis convaincu que nous avons de bonnes raisons de demeurer optimistes quant à la viabilité de nos programmes de pension et de soins de santé; cependant, je me sens interpellé par les informations suivantes véhiculées par le Comptroller General des États-Unis :

En bref, le départ en retraite de la génération de l'après-guerre, dont je fais partie, va imposer des demandes sans précédent à nos régimes de pension publics et privés et à nos programmes de santé.

Le problème est qu'au cours des prochaines décennies, il n'y aura pas suffisamment de travailleurs à temps plein pour assurer une solide croissance économique ni financer les programmes de prestations existants. Permettez-moi de souligner que si le régime de sécurité sociale connaîtra certaines difficultés, nos régimes d'assurance-maladie et de soins de santé se heurteront à des problèmes beaucoup plus graves.

Lorsque le monstre va commencer à paniquer, quelles seront les répercussions macro-économiques? Je me demande quelles seront les répercussions sur nos professionnels des soins de santé dont le recrutement se fera de plus en plus féroce dans nos universités, nos collèges et nos collectivités. Par ailleurs, peut-on considérer que le recrutement de professionnels de la santé dans le tiers-monde est une démarche responsable? Je me demande ce qu'il reste de notre crédibilité lorsque nous recommandons de faire ce que nous disons mais pas ce que nous faisons. Je pense que les habitants des régions rurales et des collectivités autochtones isolées auront moins accès aux professionnels de la santé.

Dans son premier rapport provisoire, votre comité a fait une importante observation que j'aimerais commenter :

Les aînés autochtones en milieu urbain qui ont accès à des services de santé sont généralement en meilleure santé, mais ils ont tendance à ne pas recourir aux programmes et aux services qui sont offerts et à demeurer ainsi isolés. Le Comité a appris que certains Autochtones en milieu urbain « ne se sentent pas à l'aise de fréquenter des organismes dirigés par des Blancs ». Beaucoup se sentent pris dans le système et les gouvernements fédéral, provincial et de bande « se renvoient la balle », ce qui complique l'accès aux programmes et aux services.

Il n'est pas étonnant que les aînés autochtones préfèrent consulter des professionnels de la santé qui partagent leur identité culturelle. J'ai pu constater moi-même que nos aînés hésitent à communiquer leurs besoins à des professionnels de la santé non autochtones, aussi bienveillants soient-ils. Il est important que les aînés autochtones bénéficient du soutien de leur famille lorsqu'ils doivent faire appel aux services d'un professionnel de la santé; le soutien familial est extrêmement précieux, mais il est trop souvent mis de côté dans les moments difficiles.

Beaucoup de centres d'amitié offrent un soutien aux aînés autochtones lorsqu'ils ont besoin de services médicaux. Ce soutien se présente sous la forme d'un visage familier, de services de transport et de soutien familial si nécessaire. Les bénévoles sur qui reposent beaucoup de programmes ciblant les aînés autochtones sont indispensables à nos collectivités.

J'ai noté que la Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits de Santé Canada et Affaires indiennes et du Nord Canada ont témoigné lors d'audiences antérieures de votre comité. Je vous invite à rappeler ces témoins afin de leur demander de parler des activités qu'ils consacrent aux Autochtones vivant en milieu urbain.

On pourrait penser qu'aucun aîné autochtone ne vit à l'extérieur des réserves. Je ne vais pas me lancer dans les arguments constitutionnels confus qui ont donné lieu aux « conflits de compétences » qui ont cours depuis des décennies et qui ont eu des conséquences désastreuses pour les aînés autochtones.

Je note que de nombreux témoins ont présenté des arguments convaincants et passionnés en faveur de politiques, programmes et investissements adaptés à l'identité culturelle. Certains ont affirmé qu'il faudrait offrir des programmes distincts aux Premières nations, aux Métis et aux Inuits. Si nous ne formions qu'une seule communauté, cette proposition paraîtrait raisonnable, mais, compte tenu de l'hétérogénéité de la population en milieu urbain, elle n'est absolument pas viable sur le plan pratique. Ce point de vue pourra paraître une hérésie pour de nombreux chefs politiques autochtones. Ce n'est pas notre intention.

Depuis plus de 40 ans, nous avons constaté que la communauté autochtone urbaine composée des membres des Premières nations, des Métis et des Inuits, partagent une même conviction à l'égard du bien-être de leurs collectivités. Nous avons uni nos efforts afin de mettre en commun le meilleur de nos croyances, de notre vision et de notre compassion afin d'élaborer des politiques de santé et de bien-être qui correspondent aux besoins de notre communauté diversifiée et complexe. Nous sommes tous fiers de cet engagement à l'égard d'une vision partagée d'une communauté en santé pour tous.

Notre vision n'est pas différente de celle de centaines de milliers d'autres Autochtones, membres des Premières nations, Métis et Inuits qui franchissent notre porte chaque année à la recherche de chaleur, de sympathie et d'un esprit de communauté.

Enfin, on a fait remarquer que de nombreux membres du personnel des 116 centres d'amitié qui ont, toute leur vie durant, œuvré avec passion pour le bien-être de nos collectivités, ne bénéficient d'aucune pension ni autre prestation lorsqu'ils partent en retraite. Je demande instamment au comité d'examiner quelles sont les mesures qu'il pourrait prendre pour faire en sorte que ces personnes qui ont consacré leur vie à la collectivité soient justement rétribuées au moment où elles atteignent l'âge de la retraite.

Les centres d'amitié ont toujours fait preuve de pertinence et ont su trouver les capacités et les compétences nécessaires pour relever les défis qui se posent aux Autochtones en milieu urbain. Les investissements dans l'emploi, la formation, le perfectionnement des compétences, l'aide précoce à l'apprentissage, la justice et le logement pour les peuples autochtones vivant en milieu urbain ne seront possibles que si les Autochtones urbains parviennent à briser le cycle de l'iniquité et de la pauvreté sociale et économique. Afin de préparer l'avenir, il est indispensable pour nous d'offrir un lieu de respect et de dignité aux aînés autochtones de nos collectivités.

Nous avons toujours été entièrement dévoués à notre tâche et il y a peu de chance que notre engagement faiblisse. Nous nous tenons à la disposition de votre comité et serions ravis de lui être encore utiles dans la poursuite de ses travaux.

Thelma Meade, directrice générale, Aboriginal Seniors Resource Centre de Winnipeg : Je suis directrice de l'Aboriginal Seniors Resource Centre de Winnipeg. Notre centre a vu le jour en 2004, sous l'impulsion d'un groupe d'organismes qui souhaitaient prendre des initiatives en faveur des aînés. Winnipeg compte de nombreux organismes pour personnes âgées; nous avions le Canadian Polish Manor et beaucoup d'autres centres culturels, mais il n'existait aucun centre de ressources pour aînés autochtones.

Notre centre est un organisme à but non lucratif qui applique une approche holistique pour assurer le respect et le bien-être des aînés autochtones dans la ville de Winnipeg. C'est le seul organisme pour aînés autochtones au Manitoba. Chaque année, il y a un rassemblement de toutes les personnes âgées du Manitoba et, en 2005, un an après la fondation de notre centre, les aînés autochtones ont participé au rassemblement.

Il y a plus de 4 000 aînés autochtones à Winnipeg dont beaucoup vivent dans la pauvreté, dans des logements insalubres. La plupart d'entre eux habitent le centre-ville. La majorité des appartements et logements sont en mauvais état. Vingt-sept pour cent des Autochtones de Winnipeg vivent dans des logements médiocres.

Les pensions n'augmentent pas en fonction du coût de la vie. La majorité des Autochtones ne perçoivent pas le RPC, surtout les femmes.

Quant aux soins de santé, les aînés autochtones n'ont pas les moyens de payer un logement avec assistance. Ce programme est extrêmement important pour les personnes âgées qui vieillissent et dont l'état de santé se dégrade.

Les aînés autochtones ne disposent pas de ressources financières suffisantes pour prendre part à des activités encourageant des habitudes de vie saines. D'autre part, ils ne disposent pas de moyens de transport pour se rendre de leur foyer ou leur appartement à d'autres centres pour personnes âgées.

Les aînés autochtones ont des ressources, mais beaucoup sont arrêtés par la barrière linguistique, parce qu'ils ne parlent pas anglais. Il faut les renseigner sur les réseaux qui peuvent leur venir en aide.

Les propriétaires ne connaissent absolument pas les valeurs, les systèmes, les cultures et les traditions autochtones. Beaucoup d'aînés autochtones souhaitent continuer à pratiquer leurs traditions culturelles, mais ne peuvent le faire faute de financement.

L'Aboriginal Seniors Resource Centre de Winnipeg aimerait disposer d'un lieu où les aînés autochtones pourraient se rencontrer et créer leurs propres amicales. Nous souhaiterions proposer des ateliers de culture et de langue autochtones. Les aînés autochtones pourraient être informés de l'existence de ressources telles que la Société Alzheimer. Il existe d'autres ateliers. Nos membres ne sachant pas exactement à quels programmes ils sont admissibles, nous avons demandé à des représentants du Régime de pensions du Canada de venir les informer sur ce programme. Notre centre tient à informer les aînés autochtones des programmes disponibles, y compris les programmes offerts par l'Institut national canadien pour les aveugles et autres services de santé.

Nous offrons diverses possibilités à Winnipeg, mais il est très difficile pour certains de nos membres de nous rejoindre en voiture ou en taxi, à cause de la barrière linguistique. Certains hésitent souvent à poser des questions. Nous tentons d'encourager les aînés autochtones à s'inscrire à des clubs d'activité physique et à s'informer sur la nutrition. Nous essayons de créer des clubs de pow-wow et des clubs de conteurs traditionnels. Nous avons beaucoup à apprendre des anciens.

Des changements rapides se produisent dans la vie de nos aînés autochtones. Beaucoup d'entre eux parviennent actuellement à l'âge où ils veulent savoir quelles sont les prestations auxquelles ils ont droit, les pensions, par exemple. Ils veulent s'informer sur les programmes qui existent.

Voilà un des objectifs que se donne l'Aboriginal Seniors Resource Centre de Winnipeg. Il veut informer les aînés autochtones au sujet de leurs droits et des prestations auxquelles ils sont admissibles. Il faut également leur offrir des services de promotion et de défense de leurs droits. On parle beaucoup de la santé et des maladies.

Nous faisons déjà de l'action sociale, mais à petite échelle, car notre personnel est limité. Les aînés autochtones n'avaient nulle part où aller lorsqu'ils étaient atteints d'une invalidité; maintenant, beaucoup d'entre eux vivent de manière indépendante.

Un ancien a fait remarquer qu'autrefois, les familles autochtones s'occupaient elles-mêmes de leurs aînés, mais que maintenant c'est devenu difficile, pour des raisons économiques et compte tenu du coût de la vie. Beaucoup de gens âgés de 30 à 65 ans travaillent encore et ne peuvent pas se permettre de rester à la maison pour s'occuper de leurs parents.

Je recommande fortement d'offrir un milieu de soutien aux aînés, afin qu'ils puissent passer d'un mode de vie indépendant à un milieu assisté où quelqu'un se charge de leur donner leurs médicaments et de veiller à leur bien-être. La prochaine étape serait bien entendu le foyer de soins personnels. Nous n'avons pas d'autres choix, parce qu'il est très difficile aujourd'hui de s'occuper d'une personne âgée qui a vraiment besoin de beaucoup d'aide. Actuellement, nous essayons d'offrir une transition entre la vie indépendante et le milieu de soutien et nous avons demandé au gouvernement de nous aider à effectuer cette transition.

J'aimerais parler d'un sujet qui a déjà été abordé — les aînés autochtones ne sont pas admissibles aux pensions dont bénéficient les autres personnes âgées qui ont exercé des professions d'enseignants, de médecins et d'avocats. Les aînés autochtones n'ont pas d'autres pensions que la Sécurité de la vieillesse. Il serait peut-être possible de les faire bénéficier du Régime de pensions du Canada.

Comme je l'ai indiqué, beaucoup de femmes âgées étaient des femmes au foyer. C'était leur rôle traditionnel. Aujourd'hui, ces femmes ne disposent d'aucun autre revenu. Elles vivent dans une situation précaire, parce que tout ce dont elles disposent, c'est le montant maximum de la pension de la sécurité de la vieillesse et, parfois, elles peuvent bénéficier du Supplément de revenu garanti.

Nous avons organisé des tribunes dans la communauté et nous avons recueilli des données. Il nous paraît évident que les pensions pour les personnes âgées devraient tenir compte du coût de la vie.

La présidente : Madame Meade, dites-nous qui finance l'Aboriginal Seniors Resource Centre de Winnipeg. Où êtes- vous situés à Winnipeg?

Mme Meade : Nous louons des bureaux au Kekinan Centre Inc., 100, rue Robinson, à Winnipeg. L'Office régional de la santé de Winnipeg avait lancé en 2003 une proposition en vue de la création d'un centre de ressources pour les aînés autochtones. Avec un groupe d'aînés de Winnipeg, le Kekinan Centre où nous sommes actuellement situés, et d'autres organismes, nous avions présenté une proposition. Actuellement, notre financement de base provient de l'Office régional de la santé de Winnipeg. Le financement est limité et nous essayons d'obtenir d'autres crédits par l'intermédiaire des projets Nouveaux Horizons pour les aînés. On nous a fait don de machines à coudre et de beaucoup d'autres choses pour nous aider à présenter d'autres programmes. Pour le moment, l'ASRCW est un jeune et petit organisme et le seul dans son genre au Manitoba.

La présidente : Quels sont vos liens, s'il en est, avec le Centre d'amitié autochtone de Winnipeg?

Mme Meade : Le CAA avait présenté une proposition en même temps que nous et se trouvait donc être en concurrence avec nous, mais aujourd'hui, nous prenons part avec nos aînés aux manifestations organisées par le centre d'amitié, par exemple les festivals de folklore. Nous communiquons également avec les membres de la Fédération des Métis du Manitoba et de la l'Assembly of Manitoba Chiefs afin de solliciter des dons lorsque nous voulons organiser des petits voyages ou par exemple une excursion en bateau sur la rivière. Ces organismes nous donnent des fonds parce que les personnes âgées peuvent difficilement assumer les coûts de telles activités.

Le sénateur Cordy : J'aimerais savoir ce que fait un centre d'amitié autochtone. Il y en a un à Halifax, mais je n'y suis jamais allée. Est-ce qu'il y en a dans toutes les régions du pays? Quel est l'effectif dont dispose chaque centre?

M. Dinsdale : Actuellement, il y a 116 centres d'amitié au Canada, un dans chaque province et territoire; le centre d'Halifax est excellent. La prochaine fois que vous vous rendrez à Halifax, vous devriez essayer de le visiter. Les centres d'amitié sont des organismes de services communautaires créés à l'origine pour faciliter la transition des membres des Premières nations venant s'installer en milieu urbain. De nos jours, nous avons un rôle plus complexe, puisque nous dispensons des programmes pour le compte de trois ordres de gouvernement. Environ un tiers de notre financement provient de sources fédérales. Nous recevons notre financement de base du ministère du Patrimoine canadien et de Santé Canada pour des programmes tels que Bon départ, les cliniques pour diabétiques, les cliniques pour personnes atteintes du VIH/sida, les programmes d'aide précoce à l'apprentissage et les programmes destinés à l'enfance tels que le Programme canadien de nutrition prénatale et le Programme d'action national pour les enfants. Nous recevons des crédits de Justice Canada pour la prestation de certains programmes et le ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences Canada nous accorde des fonds pour l'emploi et la formation. Un autre tiers de notre financement provient de sources provinciales. Le problème, c'est que ce financement varie d'une région à l'autre. L'Ontario propose un programme de soins continus qui permet aux personnes âgées de continuer à vivre chez elles. La province leur fournir tout le soutien nécessaire, ce qui permet aux personnes âgées de n'avoir pas à sortir de chez elles pour obtenir les soins de santé ou autres dont elles ont besoin. Par ailleurs, l'accès aux programmes éducatifs est excellent. Bien entendu, le dernier tiers du financement provient de subventions municipales. Il se peut que la ville de Halifax finance votre centre et qu'il ait ses propres sources de revenu provenant d'activités autonomes et de partenariats avec le secteur privé.

C'est assez compliqué d'exposer ce que fait chaque centre d'amitié local. La situation varie d'une région à l'autre en fonction de l'endroit où se situe le centre, de son niveau d'activité et de l'accès à d'autres ressources. Un de nos plus grands centres se trouve à Prince George, en Colombie-Britannique. Il compte 120 employés. Les plus petits centres d'amitié proposent parfois une simple halte-accueil faisant appel à seulement deux ou trois personnes. La majorité de nos centres se situent entre ces deux extrêmes.

La plupart du temps, nous offrons des services aux plus démunis de la société par l'intermédiaire des banques d'alimentation, des programmes de guérison, des services de conseil pour les toxicomanes et les alcooliques et des services de counselling d'emploi afin d'aider les gens à améliorer leurs conditions de vie. Nous nous donnons pour mission d'améliorer la qualité de la vie des Autochtones en milieu urbain, avec tout ce que cela implique. Voilà ce que font les centres d'amitié.

Le sénateur Cordy : Les gens seraient surpris d'apprendre combien d'Autochtones vivent en milieu urbain. J'ai moi- même été étonnée lorsque j'ai entendu les chiffres cet après-midi.

Comment entend-on parler d'un centre d'amitié? Par exemple, comment les Autochtones qui quittent une réserve pour s'installer à Winnipeg, à Halifax ou ailleurs, sont-ils informés des ressources qui leur sont offertes dans un centre d'amitié?

M. Dinsdale : Je pense qu'il y a un côté positif et un côté négatif. Le problème, c'est que nous sommes un des secrets les mieux gardés du Canada, mais les Autochtones connaissent les centres d'amitié. D'après les sondages effectués par les différents ordres de gouvernement au sujet de l'accès aux services en milieu urbain, les Autochtones connaissent les programmes et services que nous offrons. En revanche, les fonctionnaires et les décideurs des autres ministères, à l'échelon provincial ou fédéral, connaissent moins bien les programmes qui font l'objet de partenariats efficaces.

À l'échelon local, les liens entre les Premières nations et les centres d'amitié sont beaucoup plus étroits. Nous avons signé une entente nationale avec l'Assemblée des Premières nations. Nous travaillons actuellement à l'élaboration de protocoles de communication afin de disposer de structures et de programmes de transition plus officiels entre les Premières nations dans les centres urbains.

Beaucoup de gens privilégient ces initiatives, parce qu'elles paraissent naturelles, mais notre plus grand défi consiste à reconnaître que les Autochtones en milieu urbain représentent une population multigénérationnelle. Les statistiques révèlent que les Autochtones des Premières nations ne migrent pas en masse vers les centres urbains. En fait, les populations des Premières nations ont affiché une croissance nette au cours des dernières années. Cette croissance démographique n'est pas nécessairement due au retour dans les réserves des Autochtones vivant en milieu urbain. Cela est un mythe. Nous avons une population urbaine autochtone multigénérationnelle — ces Autochtones ont vécu toute leur vie en ville. Cependant, je crois que la communication est importante et que nous devons mieux informer la population au sujet des programmes que nous offrons.

Le sénateur Cordy : Madame Meade, vous avez dit qu'il fallait informer les Autochtones au sujet des programmes gouvernementaux auxquels ils sont admissibles et vous avez mentionné en particulier la Sécurité de la vieillesse et le Supplément de revenu garanti. Je lisais récemment des statistiques concernant les Canadiens qui ne réclament pas le Supplément de revenu garanti parce qu'ils en ignorent l'existence. Je suppose que les statistiques sont les mêmes pour la collectivité autochtone.

Avez-vous trouvé un moyen d'informer les Autochtones au sujet des programmes gouvernementaux qu'ils devraient connaître et les ministères informent-ils suffisamment les aînés autochtones au sujet des programmes dont ils pourraient bénéficier?

Mme Meade : Nous avons une personne qui est spécialisée dans le service d'approche. Je crois que les ateliers sont utiles pour aider les aînés à prendre conscience des ressources que le gouvernement met à leur disposition. Nous en avons offert un l'autre jour. Des représentants de Ressources humaines Canada sont venus parler des droits aux prestations. Nous avions des interprètes sur place. D'autres aînés nous parlent aussi de ce besoin d'information. Ils nous demandent parfois comment obtenir une prestation qu'une autre personne perçoit et dont ils ne bénéficient pas eux-mêmes.

Nous avons organisé un atelier car c'est, à notre avis, le seul moyen de leur faire comprendre. Nous devons offrir une interprétation dans notre langue. Certains détails sont très difficiles à comprendre et comment peut-on poser des questions quand on ne comprend pas?

C'est pourquoi nous voulons présenter des ateliers dans notre propre langue chaque fois que c'est possible. Nous aidons les personnes âgées à comprendre qu'elles sont admissibles à certains programmes; elles ont peut-être quitté leur emploi lorsqu'elles étaient plus jeunes pour s'occuper de leurs enfants, mais, entre ces périodes au foyer, elles ont conservé leurs droits d'admissibilité. Moi-même, je n'étais pas au courant de ce détail jusqu'à la semaine dernière. Je l'ai appris au cours de l'atelier.

Il est indispensable de présenter de nombreux ateliers de ce type, non seulement à Winnipeg, mais également dans les collectivités des Premières nations et des Métis.

Le sénateur Cordy : Les programmes gouvernementaux sont parfois difficiles à comprendre, même si l'on parle couramment l'anglais et le français. Si aucune de ces langues n'est votre langue maternelle, la difficulté est encore plus grande.

Vous êtes en mesure de présenter ces initiatives à Winnipeg, puisque votre centre de ressources pour les personnes âgées est installé là-bas; mais est-ce que des ateliers sont également offerts aux peuples autochtones dans les autres régions du pays? Vous avez dit que les ateliers offrent un bon moyen de diffusion. Est-ce que les organismes fédéraux en proposent dans tout le pays? Comment communiquent-ils avec la communauté autochtone à l'extérieur de Winnipeg?

Mme Meade : Je ne sais pas quelles sont leurs interventions à l'extérieur de Winnipeg. Cependant, nous avions invité un représentant de la Fédération des Métis, en espérant que notre initiative puisse être reprise par cet organisme. L'important, c'est d'offrir un service d'interprétation pour que les personnes âgées comprennent le message. J'ai posé moi-même beaucoup de questions, mais la conversation peut être très difficile à suivre pour les personnes âgées qui ne savent ni lire ni écrire et qui commencent tout juste à apprendre l'anglais. C'est un problème.

M. Dinsdale : Il y a un an, nous avons reçu une offre de collaboration avec les centres d'amitié afin de présenter des ateliers sur le SRG et le RPC. Nous invitons les représentants de certains groupes et programmes pour personnes âgées à venir présenter des exposés et transmettre leurs messages. Ils peuvent former nos travailleurs et leur donner des informations pour s'assurer qu'ils soient au courant des diverses possibilités. Je ne sais pas exactement ce qu'il est advenu du processus de communication des informations. Nous avons été confrontés à bon nombre des problèmes que l'on vient de soulever.

La plupart des documents de communication que nous utilisons proviennent du gouvernement du Canada. Je veux parler des affiches comportant le logo habituel — le drapeau canadien en haut, avec un texte en français et en anglais. Les membres de notre communauté ne lisent pas ces affiches. Vous aurez beau en diffuser des millions, et même en tapisser leurs chambres, ils ne les liront pas.

Nous avons suggéré aux fonctionnaires de collaborer avec nous et d'animer des groupes de consultation au sujet des communications, de parler aux personnes âgées afin de préciser quelles sont les formules de communication qui donnent de bons résultats, car on ne sait pas vraiment ce que les personnes âgées comprennent. Je ne sais pas quelle serait l'utilité d'un tel processus dans notre cas, mais quand on veut vraiment communiquer quelque chose, il faut trouver les moyens qui permettent d'obtenir de bons résultats plutôt que de suivre son intuition. Le mécanisme gouvernemental fonctionne peut-être de cette manière, mais nous avons transmis cette information. Le gouvernement a l'intention d'appliquer certains concepts, mais je ne sais pas dans quelle mesure cela a déjà été fait.

Alfred Gay, analyste en politique, Association nationale des centres d'amitié autochtones : Quand on veut intervenir auprès des populations autochtones, en particulier celle que nous connaissons, en milieu urbain, dans un but de consultation et de communication, notre plus grand atout c'est la participation. C'est de cette manière que nous pouvons atteindre les membres de notre collectivité. Comme l'a dit M. Dinsdale, les affiches ne servent rien, les gens veulent participer au processus. Ils veulent que l'on s'adresse à eux de manière respectueuse.

C'est le cas pour n'importe quelle collectivité, et pas seulement pour les aînés autochtones. Les résultats seraient sans doute meilleurs si l'on mettait moins l'accent sur l'efficacité et la rentabilité et plus sur la communication d'un message précis et significatif.

Le sénateur Keon : J'ai un peu de difficulté à définir les similitudes et les différences entre l'Association nationale des centres d'amitié autochtones et l'Aboriginal Seniors Resource Centre. Pour les besoins de la discussion, permettez-moi de reprendre un thème que nous avons abordé avec le groupe d'experts précédent, en l'occurrence le problème du logement pour les aînés autochtones.

Monsieur Dinsdale, je suppose qu'un aîné autochtone de Halifax qui s'adresse au centre d'amitié pour obtenir de l'aide est dirigé vers les programmes de logements subventionnés, de la même façon que n'importe quel autre citoyen canadien. Est-ce exact ou ai-je mal compris?

M. Dinsdale : C'est exact.

Le sénateur Keon : C'est une façon tout à fait différente de traiter le problème du logement par rapport à ce qui se passe dans les réserves. La façon de traiter le problème du logement des Autochtones est différent selon qu'ils se trouvent dans les villes ou dans les réserves. Est-ce exact?

M. Dinsdale : La distinction que je ferais, c'est qu'ils ne s'en préoccupent probablement pas dans les réserves. Je ne veux pas paraître désinvolte, mais je ne voudrais pas non plus donner l'impression que l'on a instauré dans les réserves un magnifique programme de logement qui fonctionne bien et qui dispose des ressources nécessaires.

Les machinations autour de Kelowna sont révélatrices de la crise du logement. On a consacré beaucoup de réflexion au problème — inventaire du parc de logements existant, examen approfondi de l'état des logements et de leur transformation. Je comprends votre question, mais je ne voudrais pas donner l'impression que tous ont accès aux logements.

Je dirais que le problème est le même que dans les zones urbaines. Oui, on peut avoir accès aux dispositifs généraux existants, mais il n'y a pas de programme de logement pour les Autochtones en milieu urbain. Il avait été question de transferts aux régions. Il existe semble-t-il un sous-monde et certaines régions mettent en place des programmes ici et là tandis que d'autres élaborent des projets en ce sens.

Un aîné peut se présenter à un centre d'amitié en disant : « Je vis dans cette collectivité et j'aimerais bénéficier de certains programmes. J'ai surtout besoin de me loger. » Notre capacité à orienter cette personne âgée vers un programme de logement se limite aux programmes disponibles dans la collectivité. L'avantage que présente un centre d'amitié, c'est que nous pouvons offrir d'autres conseils. Nous pouvons par exemple informer au sujet de la sécurité du revenu, des questions de santé, faire des liens avec la collectivité élargie et orienter vers les programmes de logement qui existent dans la collectivité. Beaucoup de centres d'amitié ont leurs propres programmes de logements de transition et de logements avec assistance et sont donc en mesure d'offrir ces services directement. Mais ce n'est pas le cas partout et les autres centres doivent trouver les ressources dans la collectivité. Voilà le genre de rôle que joue un centre d'amitié. Son rôle variant selon chaque collectivité, il est difficile de pontifier et de préciser comment chaque centre devrait fonctionner dans l'idéal. À Halifax, le centre devrait trouver d'autres fournisseurs de services dans la collectivité et s'associer avec eux en fonction des besoins.

Le sénateur Keon : Madame Meade, une personne âgée de Winnipeg à la recherche d'un logement aurait le choix de s'adresser à vous ou au centre d'amitié. Vos services sont-ils complémentaires? Je suppose que si vous trouvez un logement à Winnipeg, ce serait dans les mêmes conditions que M. Dinsdale vient de décrire. La personne âgée serait prise en charge par les programmes de logements subventionnés de Winnipeg plutôt que par des programmes autochtones. Est-ce que cette analyse est juste?

Mme Meade : Dans le cas du logement pour les aînés, nous prenons contact avec eux dans le cadre de nos activités d'action sociale. Récemment, nous nous sommes associés à la Manitoba Urban Native Housing Association. Nous savons que le centre d'amitié propose sans doute de nombreux programmes, mais nous nous efforçons normalement d'entrer en contact avec les organismes auxquels nous pouvons nous associer comme c'est le cas avec la Manitoba Native Housing Association qui se charge du logement en milieu urbain. Voilà à qui nous nous adresserions pour obtenir un logement pour des aînés autochtones. Nous vérifions également les logements réservés aux personnes de 55 ans et plus.

Bon nombre des aînés dont nous nous occupons actuellement habitent déjà dans un logement de la province, mais nous ignorons de combien de logements nous aurons besoin plus tard. Comme je l'ai dit, bon nombre des aînés vivent encore dans leur famille. Nous consultons la Manitoba Urban Native Housing Association pour voir ce que nous pouvons trouver. Actuellement, nous nous occupons uniquement des cas d'urgence, étant donné que nous manquons de personnel. Logement Manitoba dispose de 30 unités pour personnes autonomes, et nous nous contentons de vérifier si les logements sont adaptés, comment cela se passe, s'ils sont bien entretenus. Nous faisons simplement un peu d'action sociale dans ce domaine.

La liste d'attente est longue pour les aînés. Je crois vous avoir déjà dit que les jeunes ménages ne gardent plus les aînés chez eux, car il n'y a personne pour s'en occuper quand les deux parents sont au travail.

Le sénateur Keon : On nous a dit qu'il n'était pas facile de se loger dans les réserves. Par conséquent, une personne qui ne parviendrait pas à trouver un logement à Winnipeg n'aurait pas vraiment le choix de retourner dans sa réserve. Mais en principe, est-il vrai qu'un Autochtone a le choix de chercher un logement à Winnipeg ou de retourner dans sa réserve?

Mme Meade : Si vous avez lu les journaux la semaine dernière, vous savez qu'il y a vraiment une pénurie de logements dans la collectivité. Les aînés n'ont pas d'autre choix que de prendre ce qu'ils trouvent, même si le logement est en mauvais état. S'ils retournent dans leur réserve, ils se trouvent au bas de la liste, parce que la réserve loge ses résidents en priorité. Ils se trouvent donc au bas de la liste et doivent attendre s'ils veulent retourner dans leur réserve.

M. Gay : Je ne voudrais pas que vous ayez l'impression que l'Association nationale des centres d'amitié autochtones est livrée à elle-même pour régler le problème du logement. Nous avons tissé des liens solides, notamment avec l'Assemblée des Premières nations que nous rencontrons pratiquement une fois tous les trois mois, afin de discuter expressément du logement hors réserve. Par conséquent, nous avons des alliés très puissants.

Un autre de nos alliés influents dans le domaine du logement est la National Aboriginal Housing Association qui représente toute une gamme de fournisseurs de logements autochtones. L'exemple le plus frappant nous est donné par un de nos anciens qui siège au conseil d'administration. Marge White est présidente de la Lu'ma Housing Society qui est le plus grand fournisseur de logements urbains dans la région métropolitaine de Vancouver; en signe de respect, nous lui donnons le titre de sénateur. Les organismes autochtones ont de nombreux liens entre eux. Nous voulons vraiment remplacer le fonctionnement en silo par des partenariats.

Quant aux logements dans les réserves, c'est un problème qui ne date pas d'hier. Vous ne le savez peut-être pas, mais il y a 15 ans, j'ai fait une grève de la faim pour dénoncer la pénurie de logements et pour protester, à l'époque, contre les installations de plomberie déficientes. Quinze plus tard, à l'aube du XXIe siècle, rien n'a changé. On a peut-être installé quelques nouvelles portes et refait les joints dans certaines salles de bain. Tant que les membres de votre comité et d'autres personnes comme vous n'iront pas sur place pour constater la situation, vous ne pourrez pas imaginer l'ampleur de la crise qui sévit dans nos collectivités. La plupart des gens qui habitent dans ces maisons ont 65 ans ou plus. Ce sont des personnes âgées, atteintes d'une déficience, et chaque fois que j'y retourne, je me désole de ne pouvoir pas faire grand-chose pour améliorer la situation.

La présidente : Certains d'entre nous ont visité ces collectivités et ont pu constater d'eux-mêmes que les logements ne se sont pas beaucoup améliorés depuis 25 ans.

Le sénateur Chaput : Vous représentez l'association nationale de ces centres d'amitié autochtones.

Les 116 centres sont-ils indépendants? Appartiennent-ils à l'association nationale? Comment se fait le financement? Est-ce l'association qui obtient le financement et le distribue aux centres ou est-ce que ceux-ci font eux-mêmes leurs demandes de financement?

M. Dinsdale : C'est oui sur toute la ligne. Il y a en fait 118 centres d'amitié, puisque deux nouveaux centres ont ouvert leurs portes l'an dernier. À l'heure actuelle, 116 centres répartis dans toutes les régions du pays, reçoivent un financement. L'an dernier, ils ont eu plus de 1,1 million de contacts avec leurs clients. Une personne qui vient dix fois compte pour dix contacts. Compte tenu de cela, les centres ont eu 1,1 million de contacts l'an dernier.

Sept associations provinciales-territoriales appuient ces centres. Ce sont la B.C. Association of Aboriginal Friendship Centres et l'Alberta Native Friendship Centre Associations. La Saskatchewan, le Manitoba, l'Ontario et le Québec ont tous leurs associations et le Nord est considéré globalement comme une association provinciale-territoriale. Nous administrons nous-mêmes tous les centres d'amitié de l'Est.

Nous avons un conseil d'administration de 16 membres composé des représentants de ces organismes. Nous avons un Sénat national qui a servi aux trois échelons de notre mouvement de centres d'amitié : local, régional et national. Nous voulions leur donner le nom de conseil des anciens, mais ils ont préféré se faire appeler sénateurs, parce qu'ils font du bon travail. C'est pourquoi, nous leur avons donné le titre de Sénat national. Nous avons aussi un conseil de la jeunesse autochtone qui regroupe également des représentants de toutes ces régions. Voilà notre réseau.

Chaque année, nous recevons 16,1 millions de dollars pour l'ensemble du réseau. Nous transférons directement 14,9 millions de dollars aux centres locaux et 500 000 $ aux organismes provinciaux qui fournissent des programmes de formation à ces centres locaux. Nous gardons le reste pour nos activités nationales, une autre tranche d'environ 500 000 $.

D'autre part, nous offrons deux autres programmes nationaux. Nous avons le Programme national pour la jeunesse, l'Initiative des centres urbains polyvalents pour les jeunes Autochtones à qui nous versons environ 10,5 millions de dollars par an. Ces fonds sont remis par l'intermédiaire des régions à ces centres locaux. Nous investissons environ 1,5 million de dollars chaque année dans des programmes d'été pour les étudiants offerts directement aux centres d'amitié locaux.

Tous les organismes provinciaux que j'ai décrits s'adressent eux aussi aux gouvernements provinciaux afin de vanter les mérites des centres de la région qu'ils présentent comme ce qui se fait de mieux depuis l'invention du pain bannock tranché, afin de les inciter à collaborer avec eux pour résoudre les nombreux problèmes auxquels font face les aînés et pour mettre en place des programmes pour les personnes âgées sur le modèle de ce qui existe en Ontario. Par exemple, l'Ontario propose aux personnes handicapés et aux aînés un programme de soins continus. Le type de services offerts varie, étant donné que toutes les régions ne collaborent pas de la même manière avec les centres d'amitié.

De leur côté, les centres locaux font leurs propres demandes de financement. Je suis certain que vous connaissez le programme Nouveaux Horizons pour les aînés. Les centres locaux font leurs propres demandes à ce programme national et obtiennent ce qu'ils peuvent.

Voilà qui permet de mieux comprendre cette situation complexe. Tous les centres locaux sont membres de l'Association nationale des centres d'amitié autochtones. Pour être membre, il faut respecter un code d'éthique qui prescrit essentiellement un certain comportement; chaque membre doit respecter les coutumes et traditions autochtones et trouver des partenaires dans sa collectivité.

On doit dire à notre avantage, que nous ne nous faisons pas concurrence au sein des collectivités. Vous avez entendu parler des deux partenaires — en fait, ils n'étaient pas partenaires, mais ils avaient présenté une demande pour obtenir le même financement à Winnipeg afin de proposer des programmes pour les Autochtones. Au bout du compte, ils se trouvent maintenant à collaborer. Chacun fait bénéficier les personnes âgées des programmes de l'autre organisme. C'est une question de gestion des cas. Il s'agit d'aider les personnes âgées à passer en douceur d'un service à l'autre, quel que soit l'endroit de la collectivité où il est offert.

Le sénateur Chaput : Est-ce qu'ils ont chacun un plan d'action correspondant aux besoins des Autochtones qui fréquentent ces centres? Comment cela fonctionne-t-il?

M. Dinsdale : Oui, chaque centre d'amitié local est autonome. Chaque centre est constitué en société à but non lucratif en vertu des lois de la région où il exerce. Il a un conseil d'administration. En Alberta, chaque centre d'amitié doit disposer d'un plan quinquennal pour établir des relations avec le gouvernement provincial. Nous avons un plan stratégique quinquennal. L'Ontario Federation of Indian Friendship Centres a un plan stratégique de 20 ans qu'elle vient tout juste de renouveler. Chacun des centres locaux est responsable de ses actions vis-à-vis de la collectivité et doit rendre des comptes à son propre conseil d'administration. Chaque centre établit sa propre planification.

Le sénateur Chaput : Est-ce qu'il s'agit d'un centre multiservices? Par exemple, est-ce qu'un jeune Autochtone arrivant à Winnipeg pourrait s'adresser au centre afin de savoir où se rendre pour trouver un emploi et, s'il a un enfant, où trouver une garderie et peut-être même où obtenir une formation et retourner à l'école? Est-ce que les centres offrent ce type de service?

M. Dinsdale : C'est dans cet esprit que nous travaillons. Il serait plus facile pour moi de vous répondre par l'affirmative si vous aviez parlé du centre de Thompson, au Manitoba, étant donné que c'est une plus petite localité. Tout dépend de la taille de la localité.

Winnipeg est probablement un cas unique en son genre au Canada, puisque la population autochtone est immense et compte de 40 000 à 60 000 personnes. Selon le recensement, il y a 40 000 personnes, mais la communauté autochtone en dénombre généralement 60 000 ou plus. Le centre fournit des programmes depuis si longtemps qu'il a réuni un nombre incroyable de prestataires de services dans cette collectivité. Pour cette raison, il n'est pas nécessaire que le centre d'amitié soit un centre multiservices. Il peut aiguiller vers d'autres programmes existants. Il n'est pas nécessairement le seul fournisseur.

Thompson est une localité un peu plus petite. Nous sommes probablement le centre d'accueil par excellence à Thompson et on peut obtenir tous ces services au centre.

La présidente : Madame Meade, connaissez-vous d'autres centres de ressources autochtones ailleurs au Canada? Vous avez dit que vous étiez le seul au Manitoba, mais il y en a peut-être d'autres ailleurs au pays?

Mme Meade : Pas à ma connaissance. Nous avons vérifié ailleurs — nous avons communiqué avec l'Alberta. Là- bas, il y avait un centre qui offrait quelques programmes pour les aînés, mais pas uniquement pour eux; le centre offrait plutôt des ressources d'emploi et divers programmes destinés à la nouvelle génération de personnes âgées.

Je n'ai jamais rien vu d'autre — il a été question d'en créer un à Brandon, mais pour le moment, nous sommes les seuls ici au Manitoba.

La présidente : Merci de votre réponse.

Ma dernière question s'adresse à vous, monsieur Dinsdale. Les centres d'amitié que j'ai visités, à Brandon, Thompson et Winnipeg, sont très engagés en matière d'alphabétisation. Est-ce que ce type de programme est la pierre d'angle des centres d'amitié?

M. Dinsdale : Non. Il est intéressant que vous ayez remarqué les programmes d'alphabétisation, car les centres de Thompson et Brandon offrent probablement quelques-uns des meilleurs programmes d'alphabétisation au pays. Nous sommes actuellement en pleine discussion avec le Secrétariat national à l'alphabétisation afin de mettre en place un programme global d'alphabétisation des familles. Les centres de Colombie-Britannique sont en pourparlers avec le gouvernement provincial; l'Ontario propose des services d'alphabétisation par le truchement de ses nombreux programmes destinés aux enfants; et nous sommes sur le point de lancer une série de projets de recherche dans chacune des huit régions dont je vous ai parlé afin d'examiner quels sont les programmes d'alphabétisation requis, y compris l'alphabétisation des aînés. Permettez-moi de préciser que lorsque nous parlons de « famille », il ne s'agit pas uniquement des jeunes, mais de tous les membres de la famille.

L'alphabétisation n'est pas la pierre d'angle des centres, mais ceux que vous avez visités se trouvent être les chefs de file dans ce domaine. Nous espérons étendre ces programmes dans tout le pays, mais c'est un travail en cours.

La présidente : Merci beaucoup. Merci, madame Meade d'avoir témoigné par vidéoconférence cet après-midi. Merci, monsieur Dinsdale et monsieur Gay d'être venus en personne ici au Sénat du Canada.

Honorables sénateurs, nous allons maintenant suspendre nos travaux.

La séance est levée.


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