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AGEI - Comité spécial

Vieillissement (Spécial)


Délibérations du Comité sénatorial spécial sur le Vieillissement

Fascicule 9 - Témoignages


OTTAWA, le lundi 28 mai 2007

Le Comité sénatorial spécial sur le vieillissement se réunit ce jour à 12 h 32 pour examiner les incidences d'une population vieillissante au Canada en vue d'en faire rapport.

Le sénateur Sharon Carstairs (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Bonjour et bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial spécial sur le vieillissement. Le 18 mai dernier, nous avons visité l'Institut de recherche Élizabeth-Bruyère. J'ai demandé au personnel de nous faire un résumé de cette visite et, si les membres du comité sont d'accord, j'aimerais que celui-ci soit annexé aux retranscriptions des travaux du comité.

Des voix : D'accord.

La présidente : La réunion d'aujourd'hui est consacrée aux aînés vulnérables. Afin de nous aider à appréhender les questions relatives à ce sujet important, nous allons accueillir des représentants de différentes organisations. Notre premier groupe de témoins représente la Société Alzheimer du Canada. Il s'agit de Dale Goldhawk, président du conseil d'administration, et de Scott Dudgeon, président-directeur général. La Société Alzheimer du Canada s'est donné pour mission de fixer, d'élaborer et de faciliter l'adoption de priorités nationales destinées à permettre à ses membres d'atténuer les conséquences, sur les plans personnel et social, de la maladie d'Alzheimer et des troubles qui y sont associés, de promouvoir la recherche et d'animer les efforts déployés pour trouver un remède.

Nous entendrons également Judith Wahl, directrice générale du Advocacy Centre for the Elderly, clinique juridique commerciale pour les personnes âgées à faible revenu. L'ACE est administré par un conseil d'administration de bénévoles dont la moitié des membres au moins sont des personnes âgées. L'organisme est financé par l'Aide juridique Ontario et il est la première clinique d'aide juridique au Canada à être spécialisée dans les questions de droit des personnes âgées.

Enfin, nous accueillerons Faith Malach, directrice générale de la Coalition canadienne pour la santé mentale des personnes âgées. Pour ses initiatives, la Coalition part du principe que la maladie mentale ne fait pas partie intégrante du phénomène du vieillissement et que toutes les personnes âgées ont le droit de recevoir des services et des soins destinés à promouvoir la santé mentale ou à répondre à leurs besoins si elles sont atteintes de ce genre de maladie.

Dale Goldhawk, président du conseil d'administration, Société Alzheimer du Canada : Je suis président bénévole de la Société Alzheimer du Canada et je vous remercie de nous avoir invités aujourd'hui. Permettez-moi, d'abord, de vous dire à quel point nous apprécions le travail important que votre comité a entrepris au nom des Canadiennes et des Canadiens. Nous sommes heureux de participer à vos délibérations. Je me propose de consacrer quelques minutes aux effets de la maladie d'Alzheimer sur le vieillissement de la population canadienne.

Cette maladie détruit lentement la mémoire et la capacité de raisonnement de ceux qui en souffrent, elle érode leur indépendance et nécessite un niveau accru de soins et de soutien familial. Elle prive l'individu de ce qui le définit en tant qu'être autonome, apte à fonctionner, pour avoir finalement une incidence sur tous les aspects de sa vie, notamment sur la façon dont il pense, dont il ressent, dont il agit et dont il réagit à son environnement. Disons-le carrément, cette maladie est mortelle. Personne n'en a guéri et personne n'y a survécu, pas même mon père.

Vulnérabilisée par la maladie d'Alzheimer, la personne court plus de risques que d'autres d'être agressée ou laissée pour compte, ou de se retrouver dans des difficultés financières. La maladie d'Alzheimer frappe sans discernement les riches comme les pauvres et fait des victimes dans toutes les couches de la société. Elle frappe davantage les femmes que les hommes et il se trouve que la plupart des aidants naturels sont des femmes.

Les personnes âgées que votre comité a considérées, en partant, comme étant à risque, comprennent des femmes âgées, des personnes seules — dont les trois quarts sont des femmes — et des aînés immigrants qui sont encore plus vulnérabilisés par la maladie d'Alzheimer. Un grand nombre de malades atteints d'Alzheimer ont d'autres problèmes chroniques en partant, comme le diabète, des problèmes cardiaques ou de l'hypertension, qui compliquent leur traitement et compromettent davantage leur bien-être économique et physique. Presque toutes les personnes atteintes du syndrome de Down et qui survivent après la quarantaine finissent par contracter l'Alzheimer.

À l'heure où votre comité cherche à donner une définition au terme « aîné », la Société Alzheimer du Canada est aux prises avec le même problème. En effet, cette maladie ne frappe pas uniquement les personnes âgées de plus de 65 ans. Comme l'on connaît de mieux en mieux cette maladie et qu'on y est davantage sensibilisé, on s'aperçoit que celle-ci est diagnostiquée chez des personnes qui peuvent n'avoir que 50 ans et qu'elle l'est encore plus chez celles de 60 ans. Ce phénomène a des ramifications formidables sur le plan de l'économie et sur celui de la santé.

Que signifie tout cela pour les Canadiens? Que cela signifie-t-il pour le gouvernement du Canada à l'heure où il s'efforce d'appréhender la nouvelle réalité démocratique de leur pays? M. Dudgeon va d'ailleurs vous fournir davantage de précisions à ce sujet.

Scott Dudgeon, président-directeur général principal, Société Alzheimer du Canada : Quelque 450 000 Canadiens de plus de 65 ans souffrent actuellement de la maladie d'Alzheimer ou d'une maladie neurodégénérative et le nombre de cas devrait doubler avec la prochaine génération. Selon une étude réalisée par le gouvernement du Canada en 1995, le coût total annuel de la maladie d'Alzheimer et des maladies neurodégénératives était évalué à 5,5 milliards de dollars. Bien que l'on ne dispose pas de projections récentes, on peut raisonnablement penser que les coûts en question ont considérablement augmenté en 12 ans. Dans l'avenir, la maladie d'Alzheimer et les maladies neurodégénératives pourraient constituer le plus lourd fardeau économique, social et sanitaire associé à une maladie au Canada. Nous estimons que le gouvernement du Canada doit agir sans tarder et qu'il doit financer la formulation d'une Stratégie canadienne sur la gestion des maladies neurodégénératives, comme l'a proposé la Société Alzheimer du Canada. Il y a péril en la demeure.

Cette stratégie s'appuie sur les efforts qu'ont déployés en commun des décideurs, des gestionnaires de systèmes de soins de santé, des cliniciens, des chercheurs et des fournisseurs de soins. Celle-ci couvrira tous les aspects ayant la plus forte incidence directe sur la vie des personnes souffrant d'Alzheimer ou d'une maladie neurodégénérative.

Permettez-moi de vous en dire plus. L'efficacité de la prévention pourrait permettre, dans l'avenir, de réduire les épidémies de maladies neurodégénératives et, par le fait même, le fardeau que celles-ci imposent sur les réseaux de services sociaux et de soins de santé au Canada. Nous devons définir des interventions bien précises destinées à retarder l'apparition de maladies neurodégénératives ou à retarder les effets de cette maladie chez ceux et celles qui en sont déjà atteints.

Au sein du système de soins de santé et de la société en général, plusieurs obstacles s'opposent à l'établissement de diagnostics précoces. Il arrive très souvent que les familles ou les médecins traitants ne détectent pas ce genre de maladies ou que des erreurs de diagnostic soient commises. Il faut adopter des modes d'intervention qui permettront de sensibiliser la population à cette maladie et d'aider les médecins à diagnostiquer les maladies neurodégénératives.

Pour améliorer les traitements, il faudra favoriser l'accès à des médicaments efficaces. Certaines personnes âgées sont financièrement vulnérables et ne peuvent se permettre d'acheter des médicaments nécessaires à cause de leur coût très élevé. Par ailleurs, les médicaments approuvés par Santé Canada pour traiter la maladie d'Alzheimer ne sont actuellement pas disponibles dans toutes les provinces. Nous devons nous assurer que tous les Canadiens puissent avoir également accès, et quand ils en ont besoin, aux traitements existants et nouveaux.

Pour améliorer les soins, il faut déterminer quelles approches il conviendra d'adopter pour les soins à domicile, les services communautaires et les établissements de soins de longue durée afin de permettre aux personnes atteintes d'une maladie neurodégénérative de conserver leurs fonctions et d'avoir une bonne qualité de vie, et de bénéficier de soins de qualité en fin de vie. Nous devons améliorer la prestation des soins en donnant une formation appropriée et du soutien aux soignants.

Il faut savoir que l'épuisement des aidants est la principale raison d'admissions en établissement de soins de longue durée des personnes atteintes d'une maladie neurodégénérative. Pour bon nombre de ces personnes, le soignant est le conjoint ou la conjointe qui, dans de nombreux cas, a aussi des problèmes de santé. Nous allons devoir définir le genre de mesures à adopter pour permettre à ces aidants naturels de demeurer en santé et à même de conserver au foyer la personne atteinte d'une maladie neurodégénérative.

Enfin, pour ce qui est de la recherche, il faudra débloquer davantage de fonds pour appuyer des chercheurs d'envergure internationale au Canada afin qu'ils trouvent une cure à cette maladie et qu'ils améliorent la qualité de vie de ceux et de celles qui en sont atteints. Nous devons mobiliser davantage de fonds pour la recherche et nous concentrer sur la transformation des lignes directrices relatives à la recherche et aux pratiques exemplaires en mesures destinées à améliorer durablement les pratiques cliniques partout au Canada.

Nous estimons qu'il sera possible d'atteindre ces six objectifs fondamentaux grâce à la Stratégie canadienne sur la gestion des maladies neurodégénératives. Jamais le fossé qui nous sépare de la possibilité de répondre aux besoins des personnes souffrant de la maladie d'Alzheimer n'aura été aussi évident qu'aujourd'hui. Il faut comprendre les répercussions que risquent d'avoir les futures politiques gouvernementales et agir en conséquence. Nous demandons à votre comité de prendre acte de certaines des craintes les plus importantes que ressentent les personnes âgées au Canada en exhortant le gouvernement du Canada à considérer que les maladies neurodégénératives sont une priorité nationale en matière de soins de santé.

Judith A. Wahl, directrice générale, Advocacy Centre for the Elderly : Honorables sénateurs, merci beaucoup de m'avoir donné l'occasion de vous dire quelques mots sur la question des adultes vulnérables. Je suis avocate et j'aborderai donc la question sous l'angle juridique. Pour placer mes propos en contexte, je dois d'abord vous expliquer le travail du Advocacy Centre for the Elderly, mais surtout pour ce qui est de notre travail de représentation et de conseil des aînés.

Advocacy Centre for the Elderly est une clinique juridique communautaire pour les personnes âgées à faible revenu et, bien que nous ayons ouvert en 1984, nous demeurons encore à ce jour la seule clinique du genre au Canada à se spécialiser dans les questions de droit de la population âgée, même si les questions juridiques concernant cette tranche de la population suscitent de plus en plus d'intérêt et de demandes.

L'éventail des services juridiques offerts est vaste. Pour ce qui est des services juridiques directs, nous dispensons des conseils concernant des problèmes particuliers et nous représentons nos clients à tous les paliers de la procédure judiciaire et auprès de tous les tribunaux. Nos interventions couvrent un vaste éventail de questions juridiques et, bien que l'essentiel de la demande prenne la forme de conseils et de contrats de représentation sur les questions de problèmes de capacité mentale du point de vue des personnes âgées, nous sommes saisis de divers dossiers : représentation sur des questions de droit de la santé; accès et admissibilité aux systèmes de soins à domicile et de soins de longue durée, qui constituent d'ailleurs le segment connaissant la plus forte croissance; conflits associés aux congés des hôpitaux; problèmes de santé mentale, surtout dans le cas de l'accès aux soins à domicile; soins de longue durée; et conseils et représentation sur ce que nous pourrions généralement baptiser de problèmes de violence aux aînés, ce qui inclut les abus de procuration, la fraude, les abus de pouvoir, l'exploitation financière, les agressions physiques et la négligence.

Le second volet de notre action concerne l'éducation juridique publique. Nous offrons des services d'éducation aux aînés pour qu'ils puissent se retrouver dans le système. Nous avons constaté que bien des personnes âgées n'ont pas les informations dont elles ont besoin pour accéder à certains services et pour prouver qu'elles y sont admissibles.

Nous organisons des ateliers et collaborons avec d'autres à la prestation de programmes d'éducation destinés à améliorer le respect des droits juridiques des aînés. Par exemple, nous participons à un projet, en collaboration avec les services de police de l'Ontario et le Collège de police de l'Ontario, qui a pour objet d'améliorer le temps de réaction des corps policiers en cas de crime commis contre les aînés, y compris de crimes pouvant survenir dans des établissements de soins de longue durée, et d'élaborer des méthodes d'enquête dans le cas particulier de crimes contre les aînés, comme les abus de délégation de pouvoir.

Nous faisons également partie des initiatives concernant l'Alzheimer en Ontario, surtout en ce qui a trait à l'élaboration de trousses éducatives et de programmes de formation en planification anticipée des soins et en consentement aux soins. À cet égard, nous travaillons en collaboration avec la Société Alzheimer de l'Ontario, avec l'Ontario College of Family Physicians et avec le gouvernement de l'Ontario.

Nous participons également à toute une série d'activités de réforme du droit, puisque nous réagissons aux lois et politiques qui sont présentées, surtout par l'assemblée législative. Récemment, nous sommes intervenus sur les soins de longue durée, sur la planification anticipée des soins et le consentement aux soins, sur les interventions en cas de maltraitance des aînés et sur les règlements régissant les maisons de retraite.

Évidemment, tous les aînés ne sont pas vulnérables. J'espère que ce stéréotype finira par disparaître, mais je sais qu'il continue d'être présent dans une certaine mesure. Ce n'est pas à cause de la vieillesse seulement qu'une personne est vulnérable. Les personnes âgées qui communiquent avec notre bureau se plaignent le plus souvent de ne pas être prises au sérieux, que d'autres assument le contrôle de leur vie et les privent de leur droit à prendre leurs décisions, mettant dès lors à l'épreuve leurs capacités et leurs compétences qui sont pourtant intactes.

Nous cherchons à trouver des modes de solution qui ne soient pas trop dérangeants. Nous ne sommes pas d'accord avec l'idée de modifier le Code criminel afin de créer des infractions spéciales dans le cas de la maltraitance des aînés. Le Code suffit tel qu'il se présente actuellement pour réagir à ce genre de problème. Dans la pratique, cependant, nous constatons qu'il y a lieu de mieux outiller les services de police et les procureurs de la Couronne pour qu'ils aient le temps d'appréhender complètement ce genre de problème. Malheureusement, bien des problèmes touchant à la maltraitance des personnes âgées sont relégués au dernier plan, même par la police. Ce n'est que dans un service de police comme celui d'Ottawa, qui est actif sur ce plan, que le problème de la maltraitance des aînés fait l'objet de l'attention qu'il mérite.

Quels éléments contribuent à la vulnérabilité des personnes âgées? Personnellement, j'estime que les aînés ne sont pas vulnérables en eux-mêmes. Pour nous, la vulnérabilité prend la forme d'un manque d'informations précises sur les droits qui sont les leurs dans les systèmes de santé et de services sociaux. Malgré les cadres juridiques en place, on se rend compte que des services et des systèmes bafouent les droits fondamentaux des aînés à qui ils refusent l'admissibilité et l'accès auxquels ils ont normalement droit. Les personnes âgées peuvent ne pas avoir tous les renseignements dont elles ont besoin pour se défendre elles-mêmes et les familles d'aînés souffrant de déficits mentaux peuvent ne pas disposer des informations dont elles auraient besoin ou peuvent ne pas avoir accès à une aide juridique appropriée.

Prenons, par exemple, le cas des congés d'hôpitaux dont nous traitons quotidiennement. La plupart des hôpitaux du pays appliquent des politiques de congés qui sont, selon moi, illégales. En Ontario, il arrive que l'on demande aux gens de prendre le premier lit disponible dans un établissement de soins de longue durée, même si celui-ci est très éloigné de la famille et des amis. Pourtant, la loi prévoit le droit de choisir. La loi présente un équilibre. Certes, un patient qui n'a plus besoin de soins actifs doit sortir de l'hôpital, mais il convient tout de même de respecter le droit de chacun de choisir l'endroit où il va recevoir des soins appropriés en même temps qu'il bénéficiera du soutien qu'il recherche. À l'expérience, nous avons constaté que les patients qui sont contraints d'aller dans des endroits où ils ne veulent pas aller ou qui ne correspondent pas à leurs besoins, finissent par revenir dans les hôpitaux d'où ils ont reçu un congé. La loi prévoit le droit de choisir, mais ce droit n'est pas respecté.

Nous appréhendons aussi cette problématique sous l'angle du consentement aux soins et de la planification des soins par anticipation. Je suis favorable à la notion de planification anticipée des soins, mais certains établissements exigent que les aînés signent des consignes de soins par anticipation, même s'ils ne le veulent pas et leur demandent éventuellement d'indiquer qu'ils ne veulent pas être réanimés, même si ce n'est pas ce qu'ils désirent. Les établissements ne veulent pas que ces aînés expriment leur véritable choix sur le formulaire qu'on leur fait signer. Ce formulaire ne respecte pas les lois des provinces et les personnes âgées qui se retrouvent dans ce genre de situation subissent des pressions de ce genre tandis qu'elles n'ont pas forcément toutes les connaissances voulues pour y résister. Les aînés sont vulnérables parce que les fournisseurs de services de santé et de services sociaux comprennent mal les droits des aînés, ce qui peut donner lieu à un refus de services ou au fait que des personnes âgées soient déclarées inadmissibles. Récemment, nous avons appris que des personnes âgées ayant des antécédents psychiatriques n'avaient même pas eu la possibilité de demander à être admises dans des établissements de soins de longue durée.

Les personnes âgées peuvent être vulnérables parce que les systèmes ne s'adaptent pas au rythme de l'évolution des besoins et des demandes. Ainsi, on constate une augmentation du nombre de personnes atteintes de maladies neurodégénératives dans les établissements de longue durée et nous constatons qu'il faut mieux former le personnel, mais cela ne se fait pas. D'ailleurs, la formation est maintenant prévue dans la loi sur les soins de longue durée en Ontario, mais la vraie question est de savoir si ses dispositions pourront être mises en œuvre. Il y a bien des politiques valables qui sont adoptées, mais on ne constate aucun appui pour leur application.

Et puis, on constate que certaines personnes ayant besoin de services de soins à domicile n'en bénéficient pas, surtout les aînés qui souffrent de problèmes de santé mentale. L'autre jour, le représentant d'un organisme prestataire de soins à domicile m'a carrément dit qu'il ne voulait pas s'occuper de ce genre de patients. Ainsi, ceux et celles pour qui des soins à domicile pourraient suffire doivent envisager d'être admis dans des établissements parce qu'ils ne peuvent être soignés chez eux.

Les aînés peuvent être vulnérables à cause de la façon dont les fournisseurs de services interprètent les limites en matière d'accès aux services. Deux heures d'assistance par semaine ne suffisent pas pour une personne qui a besoin d'un minimum de soins quotidiens pour ne pas devoir être internée dans un établissement de soins de longue durée. Je me suis récemment occupée d'une femme qui a constamment besoin de services de soutien et de soins infirmiers. Bien que ces besoins aient été confirmés par l'organisme prestataire de services de soins à domicile, on lui a dit qu'elle ne recevrait plus l'équipement dont elle a besoin à domicile, soit un lit d'hôpital et une chaise d'aisance. Ironiquement, les responsables d'un service de soutien qui doit s'occuper d'elle lui disent à présent qu'ils ne pourront pas le faire parce que les conditions de prestation des soins sont trop dangereuses pour le personnel soignant. Elle est admissible à ce type de soins, mais elle ne peut obtenir l'équipement nécessaire parce que l'organisme de services a pour règle de ne payer l'équipement nécessaire que pour un mois seulement. Comme elle n'a pas de gros revenus, elle ne peut se permettre de louer le matériel nécessaire et, sans cet équipement, elle doit aller se faire soigner dans un établissement de soins de longue durée.

Comment régler ce genre de problèmes? J'ai malheureusement plus de questions que de réponses. Devrait-il exister un programme national de soins à domicile portant non seulement sur des services médicaux et infirmiers, mais aussi sur des services de soutien individuel permanent? Dans la plupart des cas, il ne faut que très peu pour éviter qu'un patient doive être admis dans un établissement de soins de longue durée, mais le système ne prévoit rien pour cela.

Faut-il apprendre aux professionnels de la santé et aux prestataires de services sociaux le cadre juridique qui les régisse? Comme je suis avocate, j'estime que le cadre juridique permet de réaliser un équilibre entre les droits des uns et des autres au sein du système. Nous estimons qu'il conviendrait, pour réaliser l'équilibre prévu dans la loi, d'enseigner aux professionnels de la santé, même à ceux qui travaillent dans les soins palliatifs, certains éléments du cadre juridique qui les régisse dans leur province.

Comment nous assurer que les aînés aient accès aux informations dont ils ont besoin sur leurs droits et sur l'accès, sur leur admissibilité et sur la façon de naviguer dans le système? J'ai testé les lignes d'information pour savoir quel genre de conseils on peut leur donner. Eh bien, je dois dire que les renseignements fournis ne sont pas aussi détaillés qu'on pourrait le souhaiter et qu'ils ne traitent pas des aspects litigieux, comme la possibilité d'obtenir une révision du dossier si le service est refusé.

Existe-t-il, à l'échelle du Canada, un besoin pour des services de représentation et d'aide juridique à l'intention des aînés? Pour l'instant, en dehors de l'Ontario, l'aide juridique est limitée pour les causes au civil, et ce n'est que parce que l'Ontario dispose d'un réseau de cliniques juridiques communautaires que ce service est offert dans cette province. Et même là, il l'est de façon limitée.

Le gouvernement fédéral a un rôle à jouer sur le plan de l'aide juridique. Faudrait-il débloquer un financement pour d'autres volets que la justice criminelle et la justice pour les jeunes qui reçoivent actuellement tout le financement?

Enfin, pour ce qui est de la maltraitance des aînés, ne devrait-on pas envisager des approches axées sur le soutien des personnes âgées, y compris en ce qui concerne l'accès à des logements sociaux et à des soins à domicile, des approches qui ne reprennent pas les modèles de protection de l'enfance, mais qui respectent les droits de la personne âgée à prendre des décisions et à bénéficier d'une assistance en cas de mauvais traitement?

Doit-on apporter un soutien accru et amélioré aux services de police en matière d'enquêtes dans le cas de crimes commis contre des aînés et doit-on leur donner les outils dont ils ont besoin pour faire le travail? Je m'entretenais récemment avec un policier qui m'a dit que son service l'appuyait dans ses enquêtes, mais qu'il n'avait pas le matériel vidéo nécessaire pour prendre les déclarations des aînés victimes de crimes. De nos jours, avec le nombre de cas à traiter, si vous n'avez pas de déclaration enregistrée sur vidéo, vous risquez de ne pas avoir les preuves nécessaires à déposer lors d'un procès et l'affaire risque de ne pas aller plus loin.

Je m'arrêterai ici pour répondre à vos questions.

Faith Malach, directrice générale, Coalition canadienne pour la santé mentale des personnes âgées : Quand j'ai dit à ma famille que je venais à Ottawa pour voir les sénateurs, ils m'ont dit que cette équipe jouait à Anaheim lundi, qu'ils ne seraient pas à Ottawa, et que je n'allais donc pas où il fallait. Si l'équipe des Sénateurs a contribué à mettre Ottawa sur la carte, je suis certaine que les sénateurs que vous êtes contribueront à mettre la santé mentale des aînés sur la carte.

Honorables sénateurs, permettez-moi de profiter de cette occasion pour vous remercier d'avoir invité la Coalition canadienne pour la santé mentale des personnes âgées à venir vous parler du problème de la santé mentale des aînés au Canada. Durant le temps qui m'est imparti, j'aborderai très rapidement les questions les plus importantes du point de vue de la coalition que je représente. Nous sommes une organisation nationale composée de 850 membres et d'environ 85 organisations réparties partout au Canada. La Coalition a pour mission de promouvoir la santé mentale des aînés en favorisant le rapprochement des personnes, des idées et des ressources.

Nos objectifs sont les suivants : d'abord, nous voulons nous assurer que la santé mentale des aînés est reconnue en tant que problème important de santé et de bien-être chez les Canadiens; deuxièmement, nous voulons faciliter les initiatives destinées à améliorer et à promouvoir les ressources consacrées à la santé mentale des aînés; troisièmement, nous voulons assurer l'essor et la viabilité de la Coalition.

La Coalition est chapeautée par un comité directeur composé de bénévoles qui représentent 13 organisations nationales. Je suis d'ailleurs heureuse de voir que Scott Dudgeon est présent parmi nous, puisqu'il est un des membres de ce comité directeur national.

Mon message le plus important aujourd'hui, c'est que les aînés souffrent de tout un éventail de maladies et de troubles mentaux. En général, quand on pense à la vieillesse, on pense à la maladie physique, au cancer, à l'arthrite, à l'AVC et aux maladies cardiaques. Eh bien, il se trouve qu'en plus de ces maladies physiques courantes, les personnes âgées souffrent de maladies mentales dont les troubles de l'humeur, les troubles anxieux et les troubles psychotiques en plus de complications sur les plans émotionnel, comportemental et cognitif et de différentes maladies du cerveau, comme la maladie d'Alzheimer, l'AVC et la maladie de Parkinson.

Il faut être conscient que, si beaucoup de personnes souffrent de problèmes de santé mentale sur leurs vieux jours, un nombre tout aussi important ont souffert de maladies mentales durant toute leur vie et abordent donc la vieillesse avec ce genre de problèmes. Il convient donc de prendre acte de cette différence.

D'après la Société pour les troubles de l'humeur du Canada, nous avons tous une chance sur cinq d'avoir un jour une maladie mentale. La maladie mentale n'est pas une conséquence du vieillissement, mais les informations et les données concernant les personnes âgées sont plutôt alarmantes. Par exemple, on apprend que la dépression est le problème de santé mentale le plus répandu chez les adultes vieillissants qui en seraient atteints dans une proportion de 21 p. 100. Ce sont les personnes âgées de plus de 65 ans qui forment le groupe où le taux d'hospitalisation pour troubles de l'anxiété est le plus élevé. Dix à 15 p. 100 des personnes âgées subissant une chirurgie générale souffrent de délire postopératoire. Dans le cas des chirurgies cardio-thoraciques, la proportion passe à 25, voire 35 p. 100 et, pour les réparations des fractures du col de la hanche, le taux de délire postopératoire est de 40 à 50 p. 100.

Les taux de suicide sont également très préoccupants, puisque c'est chez les hommes de plus de 80 ans qu'il est le plus élevé. Comme l'illustrent ces chiffres, on ne peut négliger la santé mentale des aînés.

La Coalition se réjouit de l'annonce récente faite par la Commission canadienne de la santé mentale. Lors de l'assemblée générale annuelle des Instituts canadiens de recherche en santé, les ICRS, la semaine dernière, qui a porté sur l'Institut de neurosciences, de la santé mentale et des toxicomanies, l'honorable Michael Kirby a indiqué dans son intervention que les aînés constitueraient un groupe cible pour la Commission, ce qui nous réjouit au plus haut point.

Il semble que ce nouveau groupe national ait pour principal objectif de combattre la stigmatisation et la discrimination, ce qui est particulièrement important aux yeux de la Coalition, parce que les personnes âgées souffrant de problèmes de santé mentale sont aux prises à ce que nous qualifions de double malédiction ou de double stigmate, celui du vieillissement et celui de la santé mentale. Pour pouvoir régler ce problème, il va falloir mettre davantage l'accent sur l'éducation et la sensibilisation du public, notamment grâce à des campagnes de lutte contre la stigmatisation et la discrimination ciblées sur les personnes âgées et la santé mentale. Ces campagnes devront viser le grand public, les médias, les professionnels des soins de santé, les familles, les aidants, les administrateurs et les décideurs.

Le troisième grand problème est celui des écueils au niveau de l'information. Jusqu'en mai 2006, le Canada n'avait pas de lignes directrices multidisciplinaires nationales concernant les troubles de santé mentale chez les personnes âgées. Grâce au financement du gouvernement du Canada, par l'intermédiaire de l'Agence de santé publique du Canada, la Coalition a réuni des spécialistes venant des quatre coins du pays pour élaborer les toutes premières lignes directrices nationales dans le domaine de la dépression, du suicide, du délire et des questions de santé mentale dans les établissements de soins de longue durée. Quelque 11 500 exemplaires de ces lignes directrices ont été distribués dans les hôpitaux, les établissements de soins de longue durée et auprès des équipes de soins de santé mentale partout au Canada, et 10 000 versions de ces lignes directrices ont été téléchargées de notre site web. Un supplément à ces lignes directrices est paru dans le Canadian Journal of Geriatrics qui a été distribué à plus de 10 000 médecins au Canada.

À l'occasion de la formulation de ces lignes directrices, nous avons soulevé certains problèmes et défis de taille. D'abord, la recherche fondée sur des preuves fait cruellement défaut au Canada dans le cas des problèmes de santé mentale concernant les personnes âgées. Deuxièmement, on constate d'importants écarts d'une province à l'autre et au sein des provinces en matière de prestation de soins. Il est plus particulièrement question ici de prévention, de détection, de dépistage, d'évaluation, de gestion et de surveillance de la maladie mentale dans le cas des aînés. Troisièmement, il faut aborder les soins de santé d'un point de vue psychologique et pharmacologique pour inclure les patients et leurs familles. Quatrièmement, l'accès aux services et aux professionnels de santé mentale d'un lieu de traitement à l'autre, d'une collectivité et d'une province à l'autre, et même à l'intérieur de ces entités, varie considérablement. Cinquièmement, il est nécessaire de former et d'éduquer les équipes soignantes à la santé mentale et aux questions concernant les personnes âgées. Enfin, nous manquons d'information sur la façon de transformer ces lignes directrices en pratiques.

Depuis la parution de nos lignes directrices, des dizaines d'organismes et de particuliers ont commencé à les appliquer, mais pour que cette action porte fruit, il faut pouvoir compter sur des leaders, il faut avoir du temps et il faut effectuer des évaluations. En janvier 2007, notre coalition a répondu à une demande de propositions émanant de la Division du vieillissement et des aînés de l'Agence de santé publique du Canada dont l'objet était de favoriser la réalisation de sept projets pilotes de grande envergure portant sur la mise en œuvre de ces lignes directrices. Notre projet n'a pas encore été approuvé.

L'autre enjeu important dont il y a lieu de parler est celui de l'accessibilité aux services de soins de santé mentale. Il faut, pour cela, tenir compte d'un grand nombre de variables à effet cumulatif et les étudier plus à fond pour comprendre ce problème et y réagir, notamment : la pénurie de professionnels en santé mentale; les limites en matière d'accès aux services de santé mentale communautaires; l'accès limité à des services qui permettraient de maintenir les aînés dans des milieux sains, à domicile; le manque de services et de programmes en santé mentale pour les aînés pensionnaires d'établissements de santé de longue durée; l'accès à des médecins de soins primaires ainsi que la priorité accordée aux programmes et aux politiques en santé physique par rapport aux programmes de santé mentale. Un grand nombre de ces problèmes sont systémiques par nature et découlent d'un financement insuffisant des programmes communautaires en santé mentale, du fait que la santé mentale ne fait pas vraiment partie de la formation des équipes soignantes et d'un défaut de financement des services offerts par les professionnels de la santé mentale, par rapport à ceux de la santé physique.

Il faut également parler des aidants naturels. Les crédits d'impôt et le soutien financier consentis aux aidants naturels ne suffisent pas. Le gouvernement doit veiller à ce que ceux et celles qui s'occupent d'aînés souffrant de problèmes de santé mentale bénéficient de tout le soutien émotif, de l'éducation et de la relève nécessaires. Si nous ne nous occupons pas de nos aidants naturels, ils courent eux-mêmes un grand risque de souffrir un jour de troubles mentaux.

Un grand nombre de sujets de discussion n'ont pas été abordés, comme le logement, la maladie chronique, les toxicomanies, la préparation aux situations d'urgence, les questions de médication et ainsi de suite, mais il faut savoir que la santé mentale des aînés est un énorme sujet qui englobe tous les déterminants de la santé, toutes les disciplines de la santé ainsi que de nombreux professionnels qui se situent en dehors du spectre des soins de santé, mais qui travaillent dans le continuum de la santé. Toute personne âgée de 65 à 99 ans, résidant dans un milieu rural ou urbain, à domicile ou dans un établissement de soins de longue durée peut souffrir d'un problème de santé mentale.

En cinq ans seulement, notre coalition a élaboré des lignes directrices nationales. Nous avons mis sur pied un réseau de recherche et d'échange de données sur la santé mentale des aînés. Nous avons organisé deux conférences nationales. Nous avons fait des exposés à des comités sénatoriaux, comme le vôtre. Nous avons participé à des groupes de consultation et de défense. Nous avons créé un mouvement pour porter les questions de santé mentale des aînés à l'avant-scène. Nous sommes riches pour ce qui est de notre état d'esprit, de nos connaissances et de notre engagement envers nos intervenants, mais nous sommes incroyablement pauvres, parce que nous manquons de fonds. Il ne nous reste plus qu'une année de financement, après quoi notre organisme national de facilitation disparaîtra. Ce sera une triste fin pour un groupe qui a su prospérer et faire passer à l'avant-plan les questions de santé mentale chez les aînés. Si la Coalition n'obtient pas un financement de tous les ordres de gouvernement pour son fonctionnement et ses projets, elle disparaîtra. Pourtant, un groupe national dont le budget de fonctionnement est inférieur à 200 000 $ par an, et qui permet d'améliorer la vie des personnes âgées, devrait être financé par les gouvernements.

Notre coalition a déposé un document auprès du comité en réponse à son rapport provisoire, document dans lequel nous donnons certains détails sur les initiatives canadiennes en matière de santé mentale des aînés et formulons des recommandations sur ces questions-là, mais pour ce qui est de notre exposé verbal, nous avons d'autres recommandations à vous faire. D'abord, nous appuyons l'idée d'une stratégie nationale sur le vieillissement qui reconnaîtrait que la santé mentale des aînés est un élément critique de même qu'une priorité en matière de planification de la politique publique et de prestation des services. Deuxièmement, il faut reconnaître que la maladie mentale est tout aussi importante que la maladie physique. Troisièmement, reconnaissons que les aînés doivent pouvoir accéder aux professionnels, aux services et aux ressources garantissant la prévention, le traitement et la gestion de la maladie mentale. Quatrièmement, nous recommandons d'adopter une stratégie nationale de lutte contre la stigmatisation et la discrimination et d'en faire une priorité. Cinquièmement, nous estimons qu'il y a lieu de financer la Coalition canadienne pour la santé mentale des personnes âgées afin de faciliter des initiatives nationales stratégiques destinées à améliorer et à promouvoir les soins de santé mentale des aînés, les ressources à y consacrer et la collaboration qui s'impose.

La présidente : Merci beaucoup. Je dois vous dire que le jour où j'ai été nommée au Sénat, un garçonnet s'est effectivement étonné que je puisse aussi bien jouer au hockey. Il y a donc confusion de genres au sujet des sénateurs.

Mes questions s'adressent à vous tous, mais je commencerai par MM. Goldhawk et Dudgeon. Vous avez dit quelque chose qui m'a frappée pour la toute première fois, à savoir que les personnes souffrant d'Alzheimer peuvent avoir d'autres maladies associées au vieillissement, ce à quoi nous ne pensons pas toujours. On se dit que quelqu'un qui a l'Alzheimer n'est pas nécessairement atteint d'un diabète, n'a pas forcément eu un AVC ou n'a pas de problèmes cardiaques. Avez-vous des statistiques précises sur le type de gestion multidisciplinaire qu'exigent de tels cas?

M. Dudgeon : Je n'en ai pas a priori, mais il existe d'excellents documents sur les comorbidités. L'un des facteurs de risque les plus importants dans le cas de l'Alzheimer est le vieillissement, mais en vieillissant, chacun accumule des problèmes de santé. La gestion des autres problèmes de santé est plus compliquée chez les patients atteints de maladies neurodégénératives. Même s'il est difficile, en partant, de gérer un problème cardiaque ou le diabète, chez les patients souffrant d'une maladie neurodégénérative, il devient beaucoup plus difficile de respecter les traitements prescrits ou d'effectuer les simples tâches de la vie qui permettent de rester en santé. Les comorbidités revêtent une importance bien supérieure après l'apparition d'une maladie neurodégénérative. Je me ferai un plaisir de mettre la main sur des documents susceptibles de renseigner le comité à ce sujet et de vous aider.

La présidente : Ce serait très utile. Finalement, quand on y pense, c'est logique. La personne souffrant d'une maladie neurodégénérative qui souffre d'un diabète de type 1 peut oublier ses piqûres d'insuline et celle qui fait de l'arthrite rhumatoïde peut oublier de prendre ses médicaments au point que son état sera aggravé à cause de l'Alzheimer.

M. Dudgeon : Il y a un autre aspect qui concerne les aidants naturels. Ceux et celles qui s'occupent de personnes atteintes d'Alzheimer ne s'occupent pas d'elles-mêmes, et c'est bien connu. L'incidence des dépressions chez les membres de la famille qui s'occupent d'un parent souffrant d'une maladie neurodégénérative est bien supérieure à celle qu'on trouve chez les aidants naturels qui s'occupent d'un parent atteint d'une maladie chronique. Il existe d'autres états pathologiques. Les aidants naturels ne s'occupent pas suffisamment d'eux-mêmes parce qu'ils sont entièrement dévoués à la personne dont le besoin primaire est urgent.

M. Goldhawk : C'est arrivé dans ma famille où l'état de santé de l'aidant naturel, c'est-à-dire ma mère, s'est considérablement dégradé. Quand elle s'est lancée dans cette bataille — qui a duré sept ans ou jusqu'à ce que la maladie d'Alzheimer emporte mon père — elle était en parfaite santé, mais elle en est sortie très affaiblie et est décédée quelques années plus tard. Je me dis que c'est le tribut que ma famille a dû payer pour lutter contre l'Alzheimer.

L'autre problème lié à la comorbidité, c'est qu'on relègue trop souvent la maladie d'Alzheimer au second plan, parce qu'on considère que les personnes qui en sont atteintes oublient simplement qui elles sont, qui sont les membres de leur entourage et qu'elles n'ont plus de souvenirs de leur vie passée. Pourtant, la réalité est davantage faite d'agonies et de souffrances que de simples oublis. Il y d'abord l'anxiété qui tenaille les victimes qui se demandent pourquoi cette maladie les a frappées. Puis, ce sont les familles qui commencent à s'inquiéter et à se demander ce qui va arriver à l'être cher atteint de cette terrible maladie qui transforme en morte-vivante la personne que vous connaissez et chérissez.

La présidente : Je crois que nous avons tous connu des expériences familiales du genre. En 1980, mon père qui avait eu une attaque compliquée par un diabète a été emporté dix ans après, en mai dernier. Ma mère, elle, est morte en décembre surtout parce qu'elle s'était éreintée à soigner mon père. Nous avons tous connu ces problèmes des aidants naturels.

Madame Wahl, vous nous avez parlé de la Commission de réforme du droit. Celle-ci a-t-elle essayé de trouver des façons d'aborder le droit sous l'angle des personnes vulnérables?

Mme Wahl : En fait, je n'ai pas directement parlé de la Commission de réforme du droit qui a disparu et dont je souhaiterais le retour. La Commission avait publié des rapports sur le vieillissement. Je me souviens des tout premiers rapports sur la question de la capacité légale, il y a longtemps, quand j'ai commencé à exercer. J'estime que l'existence de commissions de ce genre est importante au développement du droit, parce qu'on peut mobiliser des ressources pour étudier de telles questions en profondeur. Il y a lieu de regretter qu'elle n'existe plus.

La présidente : Vous avez dit que vous ne pensiez pas nécessaire d'apporter des changements particuliers sur le plan du droit, que nous devions plutôt davantage mobiliser la police et les autres organismes d'application de la loi. En vous entendant, tout à l'heure, j'ai pensé à toute la question de la violence faite aux femmes, parce qu'au début on se disait que cela concernait la famille et que nous n'avions pas à nous en mêler. Est-ce un peu la façon dont les corps policiers perçoivent la question de la maltraitance des personnes âgées, autrement dit d'un problème familial où il ne faut pas se mettre le nez?

Mme Wahl : Il faut changer d'attitude. C'est la même chose dans le cas de la violence faite aux femmes. La loi existe, mais elle n'est pas appliquée. Je fais un parallèle avec un grand nombre de mauvais traitements dont les aînés sont victimes. C'est là qu'est le péril.

Il faut que plusieurs choses se produisent. D'abord, nous ne prenons pas assez au sérieux le problème de la maltraitance des aînés. Deuxièmement, il faut du temps pour conduire des enquêtes à ce sujet. Les services de police sont déjà surchargés de travail à cause de crimes importants et d'autres affaires courantes, et il peut leur être difficile de faire enquête sur des cas de mauvais traitements de personnes âgées, parce qu'il faut déployer des efforts supplémentaires. C'est très exigeant pour un service de police de communiquer avec une personne qui a un handicap sur ce plan-là ou de se rendre dans une maison de retraite afin d'y rencontrer des aînés et de savoir s'ils sont compétents.

J'ai vu des services de police qui font ça très bien. Ceux d'Ottawa et de Hamilton en sont deux bons exemples. Toutefois, il faut aussi que les corps policiers soient crédibles aux yeux des victimes. De nombreux services de police ont des agents spécialisés dans la maltraitance des aînés, mais cette personne est davantage un agent de relations avec le milieu qui se charge d'informer la communauté et qui ne s'occupe pas d'enquêtes. Rares sont les corps policiers à disposer d'agents spécialement chargés d'offrir des services d'enquête et, quand ils en ont, ils ne leur donnent pas forcément les outils nécessaires pour faire des enquêtes complètes.

De plus, les interventions en cas de mauvais traitements de personnes âgées sont entravées par une certaine attitude selon laquelle les aînés victimes de mauvais traitements sont un peu comme des enfants et qu'il convient donc de leur appliquer le modèle de la protection de l'enfance. Je ne suis pas d'accord avec ce modèle. Je suis, par contre, d'accord pour faire un parallèle avec la violence faite aux femmes. Les aînés sont des adultes et il faut se demander comment on peut les aider de façon appropriée.

La présidente : Madame Malach, parlons de financement. Qui vous finance? Dans l'avenir, ne devriez-vous pas être financés par la Commission canadienne de la santé mentale qui vient d'être mise sur pied?

Mme Malach : Jusqu'ici, nous avons été financés de différentes sources. Pour nos projets, l'argent vient de l'Agence de santé publique du Canada, par le truchement du Fonds de santé de la population. Cet argent nous a servi à financer des projets comme celui sur les lignes directrices. L'Institut sur le vieillissement et l'Institut de neurosciences, de la santé mentale et des toxicomanies des ICRS nous verse un financement minime, de l'ordre de 10 000 $, pour organiser des ateliers. Nous avons aussi un autre financement limité de la part des compagnies pharmaceutiques et de petites fondations privées. Toutefois, au cours des deux dernières années, ce financement est arrivé à terme ou n'a pas concerné notre coalition et nous trouvons particulièrement difficile, soit de nous conformer à un programme de financement, soit d'être appuyés par des fondations privées.

En réponse à votre question au sujet de la Commission, je serais effectivement très heureuse qu'elle nous finance, si nous cadrons avec ses programmes. Nous avons eu de la difficulté à savoir ce que la Commission allait financer et il n'est pas facile de voir où les aînés vont cadrer. Ce serait très bien de pouvoir nous faire financer par la Commission dans nos programmes de lutte contre la stigmatisation et la discrimination et dans nos activités de transfert de connaissances dans le cas des personnes âgées. Grâce à notre réseau d'échange de savoir, nous disposons de l'infrastructure nécessaire et nous pouvons compter sur l'engagement de nos intervenants pour parvenir à des résultats rapides parce que nous avons déjà organisé un système d'échange de données en ligne qui permet aux gens d'échanger les résultats de leurs recherches et ce qu'ils ont appris.

Notre problème actuel concerne le maintien de nos effectifs et de nos ressources. Nous avons l'infrastructure nécessaire pour agir, mais il nous faut des fonds. Nous avons déjà organisé un atelier sur le thème de la recherche à l'occasion duquel nous avons réuni des chercheurs spécialisés dans les questions de santé mentale chez les aînés afin de leur présenter certains des obstacles auxquels nous nous heurtons, de leur dire ce dont les gens ont besoin et de leur parler des possibilités de rassembler tout le monde. La synergie est là et nous bénéficions de l'engagement des gens, mais nous avons besoin d'argent pour nous maintenir à flot. Nous travaillons en partenariat avec les ICRS et avec l'Institut du vieillissement, de même qu'avec la Division des personnes âgées. D'une certaine façon, tout cela nous ramène à une question de budget, qui n'est pas forcément important, et à une question d'engagement.

Nous trouvons très difficile de devoir participer à des réunions avec des fondations, des banques et des compagnies pharmaceutiques pour les sensibiliser à des projets qui se font concurrence. J'ai trouvé intéressante votre question au sujet de la comorbidité. Nous avons récemment lancé un nouveau projet sur la santé mentale, les personnes âgées et le cancer, parce que nous savons que les aînés sont concernés par le cancer. Nous établissons maintenant des liens avec les groupes qui s'occupent de cancéreux pour dégager les besoins des personnes âgées en la matière, au regard de leurs problèmes de santé mentale. Nous avons pu trouver un peu de fonds pour cela. Nous avons constaté qu'il est possible de mobiliser des fonds et d'illustrer l'importance des sujets que nous abordons en travaillant en relation avec d'autres groupes et en parlant de personnes âgées et de santé mentale.

Nous avons appris à faire preuve d'originalité pour trouver l'argent qui nous permet de vivre. C'est en nous tournant vers des groupes qui s'occupent d'autres maladies que nous sommes parvenus à rester à flot.

Le sénateur Murray : Madame Malach, vous nous avez dit que vous représentez plus de 800 particuliers et plus de 80 organisations. Je suppose que vous incluez vos partenaires provinciaux. Ai-je raison de penser que ces partenaires provinciaux sont financés par leur gouvernement provincial respectif?

Mme Malach : Oui. Nombre de ces organisations — des groupes hospitaliers, des groupes communautaires qui offrent des services — sont financées par leur propre province.

Le sénateur Murray : Vous avez dit qu'il y avait un manque de formation et de financement — et je suppose que vous entendez par là le financement public — pour la santé mentale, par rapport à la santé physique. Or, ce sont les politiques provinciales qui ont un effet direct sur la vie des gens. Que faites-vous, vous-mêmes, ou que font vos partenaires provinciaux à cet égard? Que pensez-vous que le Parlement ou le gouvernement fédéral pourrait ou devrait faire à ce sujet?

Mme Malach : En Nouvelle-Écosse, par exemple, nous avons collaboré avec le gouvernement et des groupes communautaires pour créer un réseau de santé mentale des personnes âgées. Nous nous réunissons régulièrement avec des représentants du gouvernement provincial, avec des groupes de soins de longue durée, avec des groupes communautaires en santé mentale et avec un grand nombre de groupes interdisciplinaires et de groupes représentant des aidants naturels pour parler des services provinciaux en matière de santé mentale pour les aînés, des besoins locaux ainsi que des besoins des collectivités et sur le plan des soins de longue durée. Le réseau a déterminé les priorités provinciales dans ce domaine pour ce qui est de la formation et de l'éducation relevant des politiques provinciales. Les membres du nouveau réseau ont parlé de ce qu'il fallait faire à l'échelon de la province et dans le cadre du réseau. À l'échelle nationale, nous avons produit des lignes directrices nationales et avons mis les différents intervenants en rapport avec les responsables des programmes et des services. Pour la première fois, les intervenants ont pu parler de ce qui se passe à l'échelon régional, ils ont pu élaborer des plans de recrutement et de formation et déterminer les besoins à l'échelon local et à l'échelon provincial.

Le sénateur Murray : Je ne veux pas vous mettre les mots dans la bouche, mais dois-je conclure que, selon vous, pour ce qui est du financement, de la formation et du reste, les questions de santé mentale ne reçoivent généralement pas une priorité suffisante chez les décideurs responsables des systèmes de santé provinciaux? Ai-je raison?

Mme Malach : Je vais vous donner un exemple. Dans les établissements de soins de longue durée, le personnel infirmier est formé pour traiter les blessures, le diabète, les urgences et la prévention des chutes, mais pas pour s'occuper de problèmes de santé mentale. Ce genre de maladies n'est tout simplement pas sur la liste. La santé mentale n'est même pas inscrite au tableau dans le cas de la loi sur les soins de longue durée. La bonne question à se poser consiste à se demander pourquoi.

Le sénateur Murray : Je ne sais pas si c'est vous ou Mme Wahl qui en avez parlé, parce que je n'ai pas mentionné le nom du témoin dans mes notes, mais il est même possible que vous avez parlé toutes deux des différences considérables qui existent entre les provinces dans un certain nombre de domaines. Était-ce vous, madame Wahl?

Mme Wahl : Oui, j'en ai parlé.

Le sénateur Murray : Comment s'attaquer à ce problème? Si cela ne vous dérange pas, lisez-nous ce que vous en dites dans votre étude. Je n'ai pas noté exactement votre remarque, mais elle m'a frappé quand je l'ai entendu.

Mme Malach : Quand nous avons élaboré nos lignes directrices, l'un des premiers problèmes dont nous avons pris conscience, c'est qu'il est difficile pour des gens de mettre nos recommandations en œuvre à cause d'énormes disparités entre les provinces en matière de prestation de soins, de prévention, de détection, de dépistage, d'évaluation, de gestion et de surveillance de la maladie mentale chez les personnes âgées, de même que de formation.

Le sénateur Murray : Que reste-t-il?

Mme Malach : Rien, tout y est.

Le sénateur Murray : Il ne faut blâmer personne, mais existe-t-il des pratiques exemplaires? Est-ce qu'une province ou deux sont manifestement devant les autres à cet égard?

Mme Malach : Je dirais que l'Ontario et la Colombie-Britannique ont pris un bon départ. Je ne vous dirai pas que toutes les provinces sont aussi bien, mais dans certaines régions des provinces les choses fonctionnent bien et on le doit au leadership de certains, aux régions et aux programmes en vigueur. En Ontario, le programme P.I.E.C.E.S. donne de bons résultats et il est également enseigné.

Le sénateur Murray : Toutefois, comment parvenir à ce genre de résultats? Il n'est pas question que le gouvernement fédéral sorte l'artillerie lourde parce que, comme vous le savez, cela ne mène pas loin. Que faisons-nous et que faites- vous pour maintenir la pression pour attiser les tisons sous les pieds des responsables provinciaux?

Mme Malach : Dans le cas des lignes directrices, nous avons mis sur pied un groupe de travail en Ontario pour lequel nous avons réuni certains responsables clés, surtout les responsables du programme P.I.E.C.E.S. et d'établissements de soins de longue durée, de même que des praticiens qui ont une influence sur les maisons de retraite et les établissements de soins de santé, de même que des conseillers en ressources psychogériatriques. Tous ces gens-là ont examiné les recommandations contenues dans les lignes directrices de même que certaines recommandations formulées par l'Association des infirmières et infirmiers autorisés de l'Ontario, dans le cadre de lignes directrices particulières au personnel infirmier, pour réaliser un équilibre entre ces lignes directrices et certains programmes de formation en Ontario en vue de transformer tout cela en pratiques. Certaines questions demeurent : qui va les enseigner? Comment seront-elles intégrées dans ces établissements et qui va payer en conséquence? Nous sommes maintenant en rapport avec le Secrétariat aux affaires des personnes âgées de l'Ontario pour savoir s'il y a de l'argent de disponible et déterminer ce à quoi tout cela ressemblerait de façon pratique. Grâce à des conférences ou à des séminaires, nous avons eu la possibilité de rassembler des conseillers en ressources psychogériatriques pour effectuer une évaluation et ces gens-là ont accepté.

Le sénateur Murray : Je ne dirais pas que je suis étonné que l'Ontario et la Colombie-Britannique soient les deux provinces qui s'en sortent le mieux, mais je suis étonné que les autres provinces qui ont un nombre disproportionnellement élevé d'aînés dans leur population ne sont pas en tête. C'est ce que vous nous dites.

Mme Malach : Effectivement, elles ne le sont pas.

Le sénateur Murray : Il y a autre chose qui me frappe. On se rend compte que toutes les provinces n'ont pas les mêmes priorités en matière de santé à cause de conditions différentes et de l'incidence des maladies qui ne sont pas les mêmes d'un coin du pays à l'autre. Toutefois — et corrigez-moi si j'ai tort — on ne retrouve pas entre les différentes provinces le genre de disparités dont vous parlez au sujet de la santé mentale dans le cas des autres maladies ou problèmes importants. Je ne crois pas qu'il existe une telle disparité dans le cas des maladies du cœur ou du cancer, ou encore d'autres maladies.

Vous avez en partie répondu à la question quand vous avez dit que M. Dudgeon siège à votre comité directeur. Votre mémoire, que je n'ai pas eu l'occasion de lire, dresse la liste d'autres organisations siégeant à votre comité directeur. Je suppose que vous vous connaissez tous autour de cette table et que vous travaillez ensemble. Vous ne vous considérez pas comme des concurrents. Êtes-vous au courant de la proposition formulée par la Société Alzheimer du Canada qui a demandé 300 000 $ au gouvernement afin d'élaborer une stratégie nationale?

Mme Malach : Oui.

Le sénateur Murray : Êtes-vous d'accord avec cela?

Mme Malach : Tout à fait.

Le sénateur Murray : Eh bien, il valait la peine d'officialiser votre réponse.

Monsieur Goldhawk ou monsieur Dudgeon, pouvez-vous nous parler un peu de recherche? Je crois savoir que l'incidence de l'Alzheimer va augmenter à cause du vieillissement de notre population en termes absolus. De toutes façons, estimez-vous que la maladie d'Alzheimer est davantage prévalente? Si tel est le cas, dites-nous pourquoi.

M. Dudgeon : Absolument. Dès l'âge de 65 ans, vos chances de contracter l'Alzheimer augmentent statistiquement pour passer de une sur 14, mais 20 ans plus tard, à 85 ans, les chances sont de une sur deux.

Le sénateur Murray : Cela est lié au phénomène démographique, n'est-ce pas?

M. Dudgeon : C'est lié au vieillissement. Comme la proportion de personnes âgées au Canada augmente, l'incidence de l'Alzheimer va également augmenter.

Le sénateur Murray : La proportion de personnes de 65 à 85 ans ou de plus de 85 ans souffrant d'Alzheimer de nos jours est-elle supérieure à ce que l'on connaissait il y a quelques années? Est-ce ce que l'on constate?

M. Dudgeon : Non. Cette proportion est relativement stable. Le risque de contracter l'Alzheimer à un certain âge ne change pas beaucoup si ce n'est que les risques sont accrus chez les diabétiques.

Le sénateur Murray : Sait-on pourquoi?

M. Dudgeon : Je n'entrerai pas dans le détail scientifique de la question, mais je peux vous dire que les chercheurs savent pourquoi. Les risques cardiovasculaires associés au diabète, aux maladies cardiaques ou aux AVC sont communs à toutes les maladies neurodégénératives à cause de l'accumulation de plaques et d'écheveaux dans le cerveau qui entravent la communication neuronique. Tout cela est lié aux mêmes facteurs de risque.

Pour atténuer les risques de maladies neurodégénératives, il faut faire la même chose que pour les risques de maladies cardiaques ou d'AVC en plus de deux ou trois autres mesures comme le fait de demeurer socialement actif, de faire travailler son cerveau et de se protéger la tête.

Le sénateur Murray : Qui fait de la recherche, qui devrait en faire et quels progrès avez-vous constatés sur ce plan?

M. Dudgeon : Le Canada est un chef de file mondial en la matière. Certaines des meilleures recherches sur les maladies neurologiques dégénératives ont été effectuées au Canada, surtout par l'Université de Toronto, l'Université McGill et l'Université de la Colombie-Britannique. Ce sont les trois centres de tête. Ils effectuent une masse de travail considérable, surtout quand on songe à quel point ils sont peu soutenus.

Le sénateur Murray : Je suppose que vous voulez parler du soutien financier.

M. Dudgeon : Oui.

Le sénateur Murray : Qui finance la recherche dans ces universités?

M. Dudgeon : Essentiellement les Instituts canadiens de recherche en santé, et surtout l'Institut sur le vieillissement, mais aussi l'Institut de neurosciences, de la santé mentale et des toxicomanies, ainsi que d'autres institutions.

Le sénateur Murray : Estimez-vous que ces organismes n'investissent pas suffisamment ou que d'autres, qui ne contribuent pas, devraient faire leur part?

M. Dudgeon : C'est un peu des deux. J'ai participé à un événement à Washington à l'occasion de la présentation d'un projet de loi, au Sénat, réclamant au gouvernement d'augmenter son niveau de financement pour la recherche sur l'Alzheimer afin que celui-ci passe de 600 millions à 1 milliard de dollars par an. Le Canada a un dixième de la population des États-Unis et notre investissement devrait donc passer de 60 à 100 millions de dollars. Les ICRS ont dépensé 60 millions de dollars en cinq ans et, si nous ne pouvions compter que sur les Instituts, nous serions largement sous-financés. Notre organisation arrive à la deuxième place en matière de financement de la recherche derrière le secteur privé.

Le sénateur Murray : Vous faites donc appel à des fonds auprès de sources privées.

M. Dudgeon : Oui. Notre contribution est légèrement inférieure à 3 millions de dollars par an. Nous faisons de notre mieux pour hausser la barre et appuyer la recherche autant que faire se peut, mais nous avons beaucoup de pain sur la planche.

Le sénateur Murray : Est-ce qu'on réalise des progrès du côté de la recherche?

M. Dudgeon : Tout à fait, et dans tous les domaines que j'ai mentionnés. Tout ce qu'on sait de la prévention en matière de maladie d'Alzheimer est très récent. Ce n'est qu'au cours des cinq dernières années que nous avons découvert, preuves à l'appui, les risques cardiovasculaires et la nécessité de faire travailler le cerveau. Dans notre Stratégie sur la gestion des maladies neurodégénératives, nous recommandons le groupement d'un ensemble d'activités en vue de prévenir les maladies neurodégénératives chez les personnes âgées. Les scientifiques avec qui je me suis entretenu estiment que, si nous faisions la même chose au niveau de la population en général, nous pourrions sans doute gagner deux ans. C'est beaucoup. Si nous parvenions à retarder de deux ans l'apparition d'une maladie dégénérative chez une population donnée, on permettrait à la société canadienne d'économiser beaucoup d'argent.

En juin, nous devrions avoir de bonnes nouvelles au sujet du traitement. C'est peut-être de Neurochem, compagnie canadienne, que nous recevons les meilleures nouvelles, puisque celle-ci pourrait nous annoncer la sortie du tout premier médicament susceptible de modifier le tableau pathologique. Pour l'instant, les seuls médicaments disponibles ne s'attaquent qu'aux symptômes. D'après les premiers résultats, ce nouveau médicament pourrait, lui, agir sur la maladie elle-même. Ce travail est réalisé à Montréal et c'est sans doute, pour l'instant, l'une des recherches les plus passionnantes sur les maladies neurodégénératives.

Le sénateur Murray : Eh bien, nous attendrons cela avec impatience. Vous êtes une organisation nationale d'organisations provinciales, une sorte de fédération. Quel travail vos partenaires provinciaux réalisent-ils auprès des gouvernements provinciaux et des systèmes de santé et quelle est l'importance de leur apport?

M. Dudgeon : Je voulais intervenir quand vous avez parlé des disparités régionales. Quand on examine la situation au Canada, comme Mme Malach vous l'a dit, l'Ontario et la Colombie-Britannique sont sans doute les deux provinces dont les gouvernements appuient le plus le travail que nous effectuons dans ce domaine. L'Ontario a adopté une stratégie détaillée et complète sur les maladies neurodégénératives, stratégie qui associe la Société Alzheimer de l'Ontario au gouvernement pour assurer des services communautaires. J'estime que les succès en Colombie- Britannique sont attribuables à la puissance des grandes régions dans le domaine de la santé, soit Vancouver, la côte et l'île de Vancouver en particulier.

Le reste du pays tire le diable par la queue. Les Sociétés Alzheimer des provinces de l'Atlantique ont beaucoup de difficulté à offrir des services à leurs clients et à obtenir des fonds pour appuyer la recherche. La situation est variable.

Le sénateur Murray : Ces sociétés font-elles beaucoup de représentation? J'ai grandi dans les provinces de l'Atlantique et je continue de m'intéresser à ce qui se passe là-bas. Ces provinces ont une population âgée proportionnellement plus nombreuse que dans le reste du pays. Quel travail de représentation vos organisations effectuent-elles auprès des gouvernements là-bas?

M. Dudgeon : Je dois dire qu'elles n'en font pas beaucoup. Presque tout l'argent obtenu dans les provinces de l'Atlantique est consacré à la prestation directe de services et au soutien apporté aux patients atteints d'Alzheimer ainsi qu'à leurs familles. Les deux seules sociétés provinciales qui ont un personnel se consacrant entièrement au démarchage des gouvernements provinciaux pour les amener à comprendre les défis auxquels elles se heurtent sont celles de l'Ontario et de la Colombie-Britannique.

Le sénateur Murray : Et ne pensez-vous pas qu'elles devraient faire davantage pour souffler les tisons sous les pieds des responsables des gouvernements provinciaux?

M. Dudgeon : Si elles avaient l'argent pour cela, elles le feraient.

Le sénateur Murray : Mais elles ont les électeurs derrière elles, sans pour autant insister lourdement.

Le sénateur Chaput : Avec les organisations que vous représentez, vous avez une coalition, un centre de représentation et une société. Votre Coalition pour la santé mentale des personnes âgées travaille-t-elle en réseau avec d'autres coalitions? Il est un fait que la santé mentale ne concerne pas uniquement les aînés. Avez-vous établi des liens avec d'autres coalitions?

Mme Malach : Notre coalition a un représentant qui siège au comité directeur. Je suis notamment chargée de rencontrer annuellement le comité directeur national qui fixe nos objectifs stratégiques pour l'année; de plus, nous tenons des réunions trimestrielles. Nous avons aussi une conférence tous les deux ans. Il y en aura une en septembre prochain à laquelle nous avons invité les 52 participants pour les amener à parler de toutes sortes de choses. Toutes les provinces seront représentées par des orateurs qui parleront de questions de soins, de questions de recherche et de pratiques exemplaires. Le thème de cette année portera sur les avancées dans la recherche, les soins et le partage de l'information. Nous tiendrons 16 ateliers d'une demi-journée qui seront exclusivement consacrés aux lignes directrices et à la préparation d'urgence. Nous échangerons des renseignements sur tous les dossiers auxquels la Coalition a pris part, à l'échelon national ou provincial. Nous espérons accueillir 400 participants.

Nous avons un site Internet et un réseau de recherche sur le savoir. Nous envoyons des bulletins et des courriels d'information à tous nos membres. Nous avons une tribune en ligne qui permet aux participants d'échanger des informations et de poser des questions sur la recherche ou d'apporter des renseignements. Nous encourageons la communication bilatérale au cours de laquelle les participants des quatre coins du pays peuvent échanger des informations et afficher des renseignements. Les interlocuteurs peuvent s'adresser à nous et nous communiquer des informations à la faveur des nombreux appels et échanges d'informations qui ont lieu.

Le sénateur Chaput : Est-ce également le cas pour vous?

Mme Wahl : Pour ce qui est des lois, nous travaillons essentiellement dans le cadre d'une tribune provinciale. Un grand nombre d'enjeux ont un retentissement interprovincial et nous voulons que les autres provinces imitent le genre de travail que nous effectuons. Nous avons pris langue avec des organisations nationales. Par exemple, je sais que Lynn McDonald, de l'Initiative nationale pour le soin des personnes âgées, a fait un exposé à votre comité. Je suis vice- présidente du réseau INSPA. Nous avons vu de grands avantages à collaborer avec le réseau INSPA qui est financé par le gouvernement fédéral. Nous étudions la façon d'échanger le savoir et de mettre la recherche en pratique. Mme McDonald a dit que le réseau avait créé des outils pour évaluer la capacité d'un patient à donner son consentement. C'est en fait moi qui l'ai préparé et je fais la même chose pour chaque province en collaboration avec des avocats des provinces.

J'ai établi de nombreux liens avec l'Association canadienne de gérontologie afin de faire passer les questions juridiques à l'avant-plan. L'Association du Barreau canadien a une section qui se consacre au droit des aînés et qui cherche à promouvoir tous ces enjeux à l'échelle du pays. Pour ce qui est des services de police et des mauvais traitements des aînés, nous avons pris langue avec l'Association canadienne des chefs de police. Enfin, les ministres fédéral, provinciaux et territoriaux chargés du dossier des aînés se réunissent dans le cadre d'un comité conjoint qui étudie la violence faite aux aînés. Je donne un coup de main à l'organisation de la conférence prévue pour l'automne prochain en Colombie-Britannique lors de laquelle nous examinerons les questions de maltraitance des aînés d'un point de vue national.

La présidente : Madame Wahl, j'ai été interpelée par ce que vous avez dit au sujet des directives préalables et des ordonnances de non-réanimation, parce que cela fait longtemps que je défends les deux. Vous avez dit qu'on les utilise maintenant d'une façon plutôt détournée. Pourriez-vous nous en dire davantage?

Mme Wahl : Cela traduit les pressions qui s'exercent au sein du système et le fait que les gens ne comprennent pas vraiment la nécessité d'éduquer le personnel soignant en complément du travail qu'il effectue. Les politiques et les intentions sont bonnes, mais en pratique, rien ne se fait.

Par exemple, je représente de nombreuses personnes âgées soignées dans des établissements de soins de longue durée en Ontario. En pratique, on constate que les établissements utilisent leurs propres formulaires plutôt que d'utiliser des documents préparés par les personnes âgées elles-mêmes qui auront réfléchi à ce qu'elles veulent écrire. Les établissements prétendent que l'utilisation de leurs formulaires est une condition d'admission ou encore qu'il faut, pour être admis, signer une ordonnance de non-réanimation. Vous parlez d'un accueil! Vous arrivez dans un nouvel établissement et la première chose qu'on vous demande de faire, c'est de signer un formulaire indiquant ce genre de directives. Voilà une utilisation détournée de ce qui, au départ, était un bon outil.

Le fait de chercher à détourner les vœux d'une personne et à obtenir son engagement constitue une utilisation inappropriée de ce qui est une bonne pratique. On constate que les directives préalables sont utilisées comme des consentements, tandis qu'elles ne sont que l'expression d'un vœu quant au genre de soins que l'on désire dans l'avenir. Ces directives doivent servir à guider les décisions qui devront éventuellement être prises à la place du patient.

J'ai effectué des recherches sur les lois provinciales à cet égard pour l'ensemble du Canada. Dans toutes les provinces, à moins que la directive ne soit un consentement — ce qui est très rare — le prestataire des soins de santé doit tout de même obtenir les consentements appropriés des membres de la famille ou de leurs substituts autorisés. On constate une résistance à mettre cela en pratique. Des programmes de formation sont bien offerts en ce qui concerne l'aspect clinique des soins palliatifs, mais pas l'aspect décisionnel. Pourtant, c'est très important étant donné que les gens peuvent désigner qui ils veulent pour les représenter plus tard. On s'aperçoit que ce sont les mauvaises personnes qui se présentent en tant que substituts. La bonne pratique est détournée.

Nous essayons donc, par le truchement du réseau INSPA, de créer ce que j'appellerai des instruments de poche à référence rapide afin que les gens puissent rapidement en revenir aux principes de base et appliquer comme il se doit la planification anticipée des soins et le plan de soins de santé. Nous essayons d'inscrire cela aux programmes des universités.

J'enseigne un cours sur le droit et le vieillissement à l'Université de Toronto, à la faculté de travail social. Mes étudiants me disent qu'ils n'ont jamais été exposés à certains des sujets que je leur enseigne, ce qui n'empêche que je considère qu'il est fondamental pour les travailleurs sociaux, les médecins et les infirmiers et infirmières de bien comprendre le cadre juridique qui les régit.

C'est la même chose dans le cas des initiatives concernant l'Alzheimer en Ontario; je fais partie du programme d'éducation des médecins qui vise à amener les médecins à comprendre ce qu'est le consentement à un traitement et la planification anticipée des soins. Il arrive régulièrement que les médecins qui participent aux cours que nous donnons nous disent qu'ils n'étaient pas au courant des informations que nous leur communiquons.

Il y a souvent loin de la coupe aux lèvres dans la transformation des politiques en bonnes pratiques.

La présidente : Monsieur Dudgeon, vous avez parlé du lien entre le syndrome de Down et la maladie d'Alzheimer. Pourriez-vous nous en dire plus?

M. Dudgeon : Ce que l'on sait à ce sujet est relativement récent, surtout parce que, dans le passé, les trisomiques décédaient habituellement plus jeunes que ce n'est le cas aujourd'hui. Maintenant qu'ils ont davantage la possibilité de devenir des adultes âgés, il est évident qu'ils risquent de souffrir de maladie neurodégénérative, ce qui complique un tableau médical déjà accablant. C'est un phénomène relativement nouveau, surtout parce que les trisomiques vivent maintenant plus longtemps.

La présidente : Est-ce qu'ils sont proportionnellement plus nombreux à développer une maladie neurodégénérative?

M. Dudgeon : Ils sont beaucoup plus nombreux que la population en général. On dirait qu'ils courent un risque tout particulier d'avoir une maladie neurodégénérative.

La présidente : À un jeune âge?

M. Dudgeon : Plus jeune que la plupart des patients atteints de maladie neurodégénérative, effectivement.

M. Goldhawk : Les médecins, qui savent tout sur les théories et les thérapies concernant le génome, vous diront qu'il existe un lien chromosomique entre la maladie d'Alzheimer et le syndrome de Down, d'où le caractère quasi inévitable du fléau passé un certain âge.

La présidente : Nous avons tous parlé de la question des aidants naturels et nous savons à quel point le fait de devoir s'occuper de patients atteints de maladie mentale et de toute la gamme des maladies neurodégénératives peut leur imposer un stress. Existe-t-il des solutions? Auriez-vous des recommandations à formuler pour améliorer les choses dans le système fiscal, le système de soutien et alléger le fardeau qui pèse sur les aidants naturels au Canada?

M. Dudgeon : J'en ai quelques-unes. La semaine dernière, j'étais à Ottawa, où j'ai assisté à l'inauguration d'un bungalow associé au Centre de santé des anciens combattants Perley et Rideau. Il s'agit de lits réservés aux soins de relève à l'intention de personnes souffrant d'Alzheimer. Ces lits de soins de relève sont sans doute la meilleure approche qui soit pour alléger un peu le fardeau des aidants naturels et les aider à rester dans la boucle. Si nous parvenons à faire en sorte que les aidants naturels poursuivent leur travail auprès des membres de leurs familles, tout le monde en sortira gagnant. Plus nous en ferons pour les aider à rester dans leur milieu et mieux nous nous en porterons, que ce soit grâce à des crédits d'impôt pour alléger le fardeau économique que représentent les soins dispensés à un parent, que ce soit sous la forme de lits réservés aux soins de relève ou de programmes d'éducation.

D'après certaines recherches, le fait d'éduquer les aidants naturels, plus particulièrement les conjoints ou conjointes de patients atteints d'Alzheimer, permet de retarder l'admission des patients en maison de soins infirmiers d'un an et demi. Tout cela représente des économies considérables pour le système et permet de conserver plus longtemps le noyau familial intact. L'éducation des aidants naturels, la prestation d'un soutien par les liens avec les sociétés Alzheimer locales et ce genre de choses sont incroyablement utiles et nous devons encourager tout cela grâce à une action du gouvernement. C'est pour cela que notre stratégie d'appui des aidants naturels qui, nous l'espérons, sera financée par le gouvernement fédéral, est une véritable pierre angulaire. Sans cette pierre, les autres éléments ne tiendront pas.

Mme Malach : Je suis d'accord avec cela. D'abord, il faut éduquer les aidants naturels parce qu'ils vivent le double stigmate du vieillissement et de la santé mentale. Il existe un énorme stigmate qui est associé au fait d'avoir un conjoint ou une conjointe atteint d'une maladie mentale. Quand les aidants naturels sont éduqués, ils savent que la maladie mentale n'est qu'une maladie, qu'elle n'a rien d'anormal, qu'elle peut être traitée, qu'il y a des options de traitement, qu'il y a des médecins et qu'il existe des solutions, outre qu'il est possible de les aider. Cette dimension éducation est importante. Le soutien ne manque pas. Ça, c'est impératif.

Deuxièmement, il faut aider les aidants naturels à conserver les malades chez eux, que ce soit en mettant à leur disposition des lits réservés aux soins de relève ou des services de soutien communautaires, sous la forme d'un soutien pour leur permettre de prendre des loisirs ou en faisant venir quelqu'un à domicile pour les aider dans les tâches courantes n'étant pas directement associées à des soins de santé, comme la lessive, la cuisine et d'autres tâches qui vont au-delà de la médication, des bains et des autres formes de soutien au traitement que les aidants naturels sont censés dispenser. Il arrive trop souvent que nous soyons focalisés sur les dimensions médicale et physique et il faut s'intéresser aux autres déterminants sociaux de la santé, à des choses de base.

On entend souvent dire que les anciens combattants offrent un soutien extraordinaire aux aidants naturels pour leur permettre de maintenir les anciens combattants à domicile. Il n'est pas nécessaire d'envoyer les patients dans des établissements de soins de longue durée. Il est possible de les maintenir chez eux, à condition que l'on offre des soins de base aux aidants naturels. Il ne faut pas supposer que les aidants naturels qui sont eux-mêmes des personnes âgées vont pouvoir assurer tous ces services. Si nous apportons aux aidants naturels le genre de soutien de base dont ils ont besoin pour leur permettre de respirer un peu — c'est-à-dire la lessive, la cuisine, le magasinage, la tonte du gazon, le pelletage de la neige — pour qu'ils aient plus de temps afin de s'occuper de leur conjoint, il sera possible de permettre aux patients de rester plus longtemps à domicile. M. Dudgeon vous a mentionné quelques-unes des solutions de base.

La présidente : Je suis surprise qu'aucun de vous n'ait parlé du luxe que représente, pour un aidant naturel, le temps passé seul, avec soi-même, loin du fardeau que représentent les soins.

Madame Wahl, vouliez-vous ajouter quelque chose?

Mme Wahl : Je voulais reprendre ce qui a été dit. Dans mon exposé, j'ai dit qu'il faut revoir notre façon d'appréhender les services et de déterminer ce qu'il faut offrir. Dans le cas des soins à domicile. Il convient d'offrir également des services accessoires. C'est ce qu'on nous dit sans cesse.

L'autre exemple serait celui des services de transport. La plupart des services de transport semi-collectifs ne sont pas accessibles au patient atteint d'Alzheimer qui est mobile et qui serait accompagné de son aidant naturel. À moins que la personne ne souffre d'un handicap physique, elle ne peut emprunter ce genre de mode de transport et c'est pourtant le type de service dont elle aurait besoin parce qu'elle est dans l'impossibilité de conduire.

L'éducation qu'il faut dispenser ne doit pas uniquement porter sur la prestation des soins. Dans notre pratique, nous croisons régulièrement des gens qui veulent être informés sur la façon dont les systèmes fonctionnent. Nous avons rédigé un manuel sur le droit des soins de longue durée.

Dans ma chambre d'hôtel, hier soir, en vérifiant mes courriels, j'en ai lu un venant d'un de mes clients dont un parent venait juste de décéder. Cette personne nous remerciait pour ce manuel qui explique en détail le fonctionnement des services de soins de longue durée et la façon dont il faut faire valoir ses droits. Les aidants naturels sont aussi des porte-parole. Ce n'est pas qu'une question d'admissibilité, de ce que l'on obtient et de la façon dont on fait une demande et sur quel formulaire, mais plutôt de la manière dont on navigue dans le système et de ce qu'il convient de faire quand les choses vont de travers ou que l'on se heurte à un obstacle. Il faut éduquer les gens, il faut les informer, ce qui permet de les soulager, parce qu'ils savent, ainsi, ce qu'il faut faire, ce à quoi ils doivent s'attendre et quelles limites sont associées aux divers aspects du système.

Il faut sortir des cadres établis dans le cadre de certains services. Les soins à domicile ne concernent pas que l'aspect physique et ils doivent être accompagnés d'un soutien social.

Le sénateur Murray : Personne à cette table ne prétend exercer d'influence particulière sur ces questions au niveau gouvernemental, mais pour mémoire, je me dois de demander au représentant d'Alzheimer de nous dire à quelle date la demande de 300 000 $ destinés à financer l'élaboration d'une stratégie a été déposée, auprès de quel organisme ou ministère elle l'a été, s'il a eu des nouvelles depuis et ce à quoi il s'attend à son sujet.

M. Dudgeon : Le cabinet du ministre nous a invités à nous adresser à l'Agence de santé publique du Canada et nous avons eu de longs entretiens avec des représentants de cet organisme. Nous n'avons pas encore reçu l'argent.

À l'évidence, tous ceux avec qui nous avons parlé reconnaissent l'importance de ce projet et estiment que c'est une façon pratique d'aller de l'avant. Ils n'ont tout simplement pas identifié la source de financement. Nous allons bien sûr devoir intervenir auprès d'un maximum de politiciens, parce que les priorités peuvent changer et qu'en passant par ce canal, nous pourrions peut-être obtenir notre argent.

L'appui que pourrait nous apporter votre comité serait très apprécié.

Le sénateur Murray : Votre demande a-t-elle été rejetée?

M. Dudgeon : Non. Nous avons même été invités à réfléchir sur différentes approches. Pour l'instant, nous avons des scientifiques un peu partout au Canada qui sont prêts à travailler avec nous pour faire avancer cette stratégie.

La présidente : Je vous remercie tous beaucoup pour les renseignements que vous nous avez communiqués et qui sont très intéressants pour le comité.

Nous allons maintenant passer à notre second groupe de témoins sur le sujet des personnes âgées vulnérables. Nous commencerons par Anna Chiappa, directrice générale du Conseil ethnoculturel du Canada. Le CEC est une coalition sans but lucratif, apolitique, d'organisations ethnoculturelles qui représentent un échantillon des groupes ethnoculturels du Canada qui œuvrent à la préservation, à l'amélioration et à la diffusion du patrimoine culturel des Canadiens.

[Français]

Par la suite, nous allons entendre M. Jean-Luc Racine, directeur général de la Fédération des aînées et aînés francophones du Canada. La Fédération, qui représente deux millions d'aînés francophones à travers le Canada, a pour mission de défendre les droits et les intérêts des aînés francophones du Canada et de faire valoir leurs besoins de façon à leur permettre de s'épanouir pleinement dans leur langue et culture.

[Traduction]

En direct de Vancouver, par vidéoconférence, nous entendrons le Réseau canadien pour la prévention des mauvais traitements envers les aîné(e)s, représenté par Alison Leaney, présidente du conseil d'administration, et par Charmaine Spencer, membre du d'administration conseil qui répondra aux questions avec Mme Leaney. Ce réseau se consacre à la prévention des mauvais traitements des personnes âgées au Canada. Il s'agit d'un organisme non gouvernemental sans but lucratif qui cherche à ce que la société canadienne soit mieux en mesure de reconnaître et de prévenir le problème de la maltraitance des aînés afin qu'aucun adulte ne fasse l'objet de mauvais traitements, de négligence ni d'exploitation dans ses vieux jours.

Anna Chiappa, directrice générale, Conseil ethnoculturel du Canada : Merci beaucoup d'avoir invité le Conseil ethnoculturel du Canada. Pour revenir très brièvement sur votre présentation, permettez-moi d'ajouter que le CEC s'est donné pour mission de promouvoir la compréhension de la réalité multiculturelle du Canada, telle qu'elle est définie dans la Charte canadienne des droits et libertés et dans la Loi sur le multiculturalisme canadien.

Au fil des ans, nous avons travaillé avec des organisations locales, nationales et régionales, avec des ministères fédéraux et d'autres secteurs pour réaliser nos programmes grâce à des financements de projets de Patrimoine canadien, de Santé Canada, de l'Agence de santé publique du Canada, d'Élections Canada et d'Industrie Canada. Le CEC a remporté le prix Share décerné par l'Institute on Aging de l'Université de Pennsylvanie pour le travail que nous avons réalisé sur la santé et le bien-être des personnes âgées appartenant à différentes couches sociales. La santé a toujours été au cœur des nombreux projets du CEC, surtout depuis quelques années. Nous avons réalisé des études et mis au point des ressources destinées à aider les populations ethniques, en particulier les personnes âgées, à obtenir des soins de santé et des informations adaptées à leur culture. Le Conseil a acquis son expérience en matière de vieillissement grâce à ses organisations membres et à une partie du travail que nous avons réalisé, surtout sur les thèmes de l'utilisation et de l'abus de médicaments par les aînés de groupes ethnoculturels, sur la question du diabète de type II chez les adultes d'âge mûr de populations hispanique, noire et asiatique, et sur les questions de pratiques exemplaires adaptées à la culture pour un vieillissement sain.

Nous devons mentionner le soutien que nous ont apporté Santé Canada et l'Agence de santé publique du Canada dans la réalisation de ces projets grâce auxquels nous avons pu travailler en réseau avec de nombreuses organisations au Canada. Je tiens à bien préciser que nous ne représentons pas les aînés immigrants ou d'origine ethnique, mais, pour avoir travaillé avec de nombreux groupes d'aînés de diverses cultures et ethnies, nous pensons être en mesure d'apporter notre pierre à l'édifice.

Nous sommes d'avis que les personnes âgées au Canada, de différentes origines linguistiques, raciales, ethniques et religieuses, sont exposées aux injustices commises par des institutions et des organisations et, malheureusement dans certains cas, même par leurs propres familles.

Au dernier paragraphe de l'introduction de son rapport intérimaire, le Comité sénatorial spécial sur le vieillissement affirme ceci :

Pour le Comité, le vieillissement de la population représente une occasion de revoir la façon de concilier le travail, la famille et les loisirs au cours de la vie, de même que les idées sur les aînés et la valeur accordée à leurs expériences. Nous devons relever un important défi qui comporte de multiples possibilités.

Nous sommes tout à fait d'accord avec cette approche à l'égard du vieillissement, étant entendu qu'une meilleure connaissance des communautés ethnoculturelles peut être une précieuse source d'information.

Bien que le rapport intérimaire fasse état de nombreux besoins réels et urgents des aînés immigrants, il dénote toutefois une méconnaissance de l'importance des interactions sociales, du bénévolat spontané, des services d'autoassistance, des associations que l'on retrouve au sens des collectivités ethnoculturelles ainsi que de leur contribution à l'économie du pays et leur précieux apport à la société canadienne.

Le premier rapport intérimaire du Comité sénatorial spécial sur le vieillissement reprend, si je ne m'abuse, les données démographiques du recensement de 1996. À l'occasion de cette séance, je me propose de communiquer au comité des données plus récentes extraites du rapport de Statistique Canada publié en février 2007, lequel est fondé sur les données du recensement de 2001.

Que faut-il entendre par diversité des aînés d'origine ethnoculturelle et des personnes âgées immigrantes? La meilleure façon de répondre à cette question consiste à se référer au récent profil que Statistique Canada a publié et qui s'intitule Un portrait des aînés au Canada. Un chapitre entier de ce document est consacré aux aînés immigrants. On y définit l'immigrant comme une personne qui n'est pas née au Canada ou qui n'avait pas la citoyenneté canadienne à sa naissance. Le rapport fait la distinction entre les personnes âgées nées au Canada, les immigrants de longue date, c'est- à-dire ceux qui sont arrivés après 1961, les immigrants à moyen terme et les immigrants plus récents, soit ceux qui sont arrivés au Canada en 1981 ou après et qui sont âgés de 55 à 64 ans.

Je tiens à préciser que l'étiquette « aîné immigrant » ne reflète pas fidèlement la nature ethnoculturelle ou raciale d'une personne âgée. D'ailleurs, les personnes qui vivent au Canada depuis plusieurs années, voire plusieurs décennies et celles qui sont citoyennes canadiennes pourraient s'offusquer de cette étiquette. Quand cesse-t-on d'être immigrant au Canada? Il convient plutôt d'examiner la diversité des personnes âgées en fonction de la richesse de leurs variables ethnoculturelles, raciales, linguistiques et religieuses. Cela étant posé, je m'en tiendrai à la définition de Statistique Canada pour nous aider à mieux comprendre la diversité des aînés d'origine ethnoculturelle.

Au Canada, les personnes âgées immigrantes appartenant aux populations ethnoculturelles représentent un groupe très important parmi les aînés. En 2001, 29 p. 100 des personnes âgées de 65 à 74 ans et 28 p. 100 de celles âgées de 75 à 84 ans étaient immigrantes, c'est-à-dire qu'elles n'étaient pas nées au Canada ou qu'elles n'avaient pas la citoyenneté canadienne à leur naissance. À titre de comparaison, il faut savoir qu'en 2001, les immigrants représentaient environ 17 p. 100 de la population non aînée.

Voici ce qu'on apprend à la lecture du rapport de Statistique Canada. Les immigrants constituent un pourcentage relativement important des aînés, mais la plupart d'entre eux sont des immigrants de longue date. Chaque année, les aînés représentent un faible pourcentage des nouveaux immigrants, c'est-à-dire de ceux qui viennent d'arriver au Canada. On n'en dénombrait que 2,3 p. 100 en 2004. Les pays d'origine des immigrants varient et ces variations commencent tout juste à se refléter dans les caractéristiques des immigrants de 65 ans et plus.

À l'instar des immigrants en général, la vaste majorité des aînés immigrants résident en Ontario, en Colombie- Britannique et au Québec. À remarquer au passage qu'en 2001, on comptait près d'un million de personnes de 65 ans et plus qui étaient immigrantes, soit 29 p. 100 des 64 ans ou plus au Canada. Cela représente donc un fort pourcentage de la population âgée du Canada. Il y a plus d'immigrants que d'immigrantes chez les 65 ans et plus. C'est là une différence marquée par rapport à la population en général au sein de laquelle les femmes âgées sont plus nombreuses que les hommes.

Comme nous l'avons vu dans le cas de la population ethnoculturelle en général, les aînés résident surtout en Ontario, en Colombie-Britannique et au Québec. Qui plus est, ils sont plus susceptibles aujourd'hui qu'il y a 20 ans de vivre dans des grands centres urbains. En 2001, 80 p. 100 des aînés immigrants vivaient dans l'une des 27 régions métropolitaines de recensement, contre 69 p. 100 en 1981. Par contraste, seulement 53 p. 100 des aînés nés au Canada vivaient dans une région métropolitaine de recensement en 2001, ce qui représente une augmentation par rapport aux 48 p. 100 de 1981.

Les récents immigrants ont tendance à s'installer dans de nombreux centres urbains. En 2001, 19 aînés immigrants sur 20 au Canada depuis 10 ans ou moins vivaient dans une région métropolitaine de recensement, comparativement à 74 p. 100 de ceux qui étaient arrivés avant 1961.

D'après le recensement de 2001, 4 p. 100 seulement des aînés immigrants arrivés au Canada avant 1961 avaient indiqué qu'ils ne pouvaient s'exprimer ni en anglais ni en français, mais les chiffres ont changé rapidement par la suite. Parmi les aînés arrivés au Canada entre 1961 et 1970, 12 p. 100 ne parlent ni le français ni l'anglais, tandis que 50 p. 100 de ceux arrivés entre 1991 et 2001 ne parlent aucune des deux langues.

En 2001, près du quart des aînés immigrants appartenaient à un groupe minoritaire. En 1981, ils étaient 6,8 p. 100. Les immigrants de fraîche date sont plus nombreux à appartenir à une minorité visible. Parmi les aînés immigrants arrivés au Canada en 1991, 75 p. 100 appartenaient à une minorité visible.

Selon l'Enquête de 2003 sur la santé dans les collectivités canadiennes, 26 p. 100 des aînés récemment immigrés se classaient dans le quartile inférieur de revenu, comparativement à 15 p. 100 des aînés non immigrants.

Dans le cadre de l'Enquête sociale générale de 2002, de Statistique Canada, on a demandé aux personnes qui approchaient de la retraite : « Avez-vous l'impression de vous préparer suffisamment bien pour la retraite?» Vingt-neuf pour cent des répondants nés au Canada et près de prendre leur retraite ont dit n'être pas suffisamment bien préparés financièrement, contre 45 p. 100 des personnes ayant immigré au Canada depuis 1980.

Les récents immigrants sont moins susceptibles que les autres d'avoir une assurance-médicaments, notamment ceux appartenant aux catégories à faible revenu. En 2003, par exemple, seulement 48 p. 100 des nouveaux immigrants du groupe des 55 à 64 ans avaient une assurance couvrant les médicaments d'ordonnance, comparativement à 82 p. 100 des personnes nées au Canada.

Un autre aspect à considérer est celui du soutien des familles. Près de 63 p. 100 des aînés nouvellement immigrés ont répondu avoir un très fort sentiment d'appartenance à leurs familles. Cependant, ce peut être précisément à cause de ce genre de relation que certaines d'entre elles seront vulnérabilisées, puisqu'elles seront invitées à vivre avec leurs familles à cause d'un problème de manque d'argent.

En guise de conclusion, je dirai que le rapport de Statistique Canada dresse un tableau global de la situation des aînés immigrants d'origine ethnoculturelle. Ce segment de la population est de plus en plus visible et son caractère linguistique est de plus en plus complexe. Ces immigrants parlent moins l'anglais ou le français que ceux qui les ont précédés. Ils sont plus susceptibles de résider dans une région métropolitaine, surtout à Toronto et à Vancouver. Bien qu'ils soient davantage instruits, ils sont moins prêts, financièrement, à prendre leur retraite et ils dépendent davantage de leurs familles.

Il s'agit certes là de grandes généralisations, mais je tiens à bien préciser qu'il va falloir réaliser davantage de recherche, insister plus sur la coordination et sur la participation de la collectivité. Dans son rapport, le professeur Durst exprime sa frustration face à la difficulté d'obtenir des informations sur les aînés immigrants, et nous sommes tout à fait d'accord avec lui. Pour avoir passé dix ans dans ce domaine, je sais que rares sont les organisations qui recueillent des informations sur le sujet et qui sont prêtes à les mettre en commun. Il s'agit là d'une zone grise ignorée des autorités.

Nous nous proposons de vous soumettre quelques recommandations. Les collectivités ethnoculturelles avec lesquelles collabore le CEC nous ont clairement exprimé leur souhait de continuer à améliorer la santé de leurs membres parce qu'ils estiment que c'est une façon de contribuer à l'amélioration de la société canadienne dans son ensemble. Nous nous réjouissons du travail accompli par des organismes comme le Conseil national consultatif sur le troisième âge, mais nous croyons en la nécessité d'adopter une approche coordonnée qui, sous l'égide du gouvernement fédéral, permettrait de regrouper divers organismes et organisations communautaires ainsi que les différents paliers de gouvernement, y compris les administrations municipales. Le programme de multiculturalisme a été utilisé en tant que moteur du rassemblement des divers intervenants dans le règlement des problèmes de vulnérabilité qui accablent les aînés appartenant à des groupes ethnoculturels.

Il faudrait mettre sur pied un organisme ayant le mandat de faire de la recherche sur les aînés des groupes ethnoculturels. Il pourrait s'agir d'un centre d'information, de consultation et d'évaluation et d'un centre de formation et de partenariat avec des organisations ethnoculturelles. Il faut donner aux organismes qui travaillent auprès des aînés de différentes cultures et qui leur offrent des services la possibilité de partager et d'acquérir des connaissances et d'évaluer les programmes. Il faut aussi assurer un financement stable grâce auquel les organisations communautaires œuvrant auprès des aînés d'origine ethnique pourront fonctionner. Il faut soutenir les familles et les collectivités dans leur travail de soutien aux aînés. La politique devra prévoir la mise en place de programmes intergénérationnels. Même si nous préconisons l'adoption d'une approche axée sur les aînés appartenant à des groupes ethnoculturels, il faudra que ces derniers soient représentés au sein de tous les comités et organismes qui offrent des programmes, des services et formulent des politiques concernant les personnes âgées en général.

Il faudra lancer des campagnes de sensibilisation visant à lutter contre l'âgisme, le racisme et la discrimination en coopération avec des organisations communautaires. Comme les aînés forment une population de plus en plus diversifiée sur le plan de l'origine éthnique et de la langue, les organismes qui s'occupent des aînés devront acquérir des compétences en conséquence.

Enfin, je n'insisterai jamais assez sur la nécessité de collaborer avec des organisations ethnoculturelles, avec des organismes d'accueil d'immigrants et des groupes communautaires afin de leur donner l'appui nécessaire pour qu'elles puissent mener à bien leur action sociale et offrir des programmes favorisant l'établissement de réseaux sociaux efficaces.

[Français]

Jean-Luc Racine, directeur général, Fédération des aînées et des aînés francophones du Canada : Au nom du président de la Fédération des aînés francophones du Canada, M. Willie Lirette, j'aimerais profiter de l'occasion pour remercier les membres du comité de nous avoir invités aujourd'hui. On l'apprécie beaucoup. Malheureusement, notre président ne pouvait pas être ici aujourd'hui pour faire la présentation. Il m'a donc délégué.

La Fédération des aînés francophones du Canada est un organisme sans but lucratif qui compte parmi ses membres 12 associations d'aînés francophones au pays. Il existe environ neuf associations d'aînés francophones dans neuf provinces au Canada. Seuls Terre-Neuve-et-Labrador et les Territoires du Nord-Ouest n'ont pas d'association d'aînés francophone. Au total, on représente 303 000 aînés. On a aussi dans nos rangs la FADOQ, qui compte près de 280 000 aînés francophones.

J'aimerais axer la présentation sur trois des quatre questions soulevées, tout en démontrant le côté vulnérable des aînés francophones surtout en situation minoritaire.

Votre première question était de savoir si le gouvernement devrait changer l'âge d'admissibilité au programme. On suppose ici que le changement serait à la hausse. Nous pensons qu'au niveau des aînés francophones du Canada, on devrait être plus prudent sur cette question. Vous vous rappelez que dans le rapport que vous avez publié, il y a quand même 16 p. 100 des personnes âgées vivant seules qui sont sous le seuil de la pauvreté. Donc, il y a encore des personnes très vulnérables.

De plus, on pense que la population, surtout les baby-boomers qui s'en viennent, n'a pas eu la chance de bénéficier de programmes de pension privés et d'épargner de façon significative afin d'avoir une retraite dorée à l'âge de 65 ans.

On pense que ce n'est peut-être pas la meilleure solution que de hausser le seuil d'admissibilité au programme. Je crois que le gouvernement a mis en place, au cours des dernières années, des mesures qui lui permettent de récupérer les prestations de pensions de vieillesse pour les personnes à revenu moyen ou élevé.

Je pense que présentement le seuil est à 62 000 $ et au-delà de ce 62 000 $ de revenus, le gouvernement commence à récupérer les fonds du Régime de pension du Canada.

Si le gouvernement cherche vraiment à économiser dans les programmes gouvernementaux destinés aux aînés, nous croyons que des mesures sont déjà en place pour récupérer certains transferts de fonds, à preuve le seuil de 62 000 $.

Nous croyons que chercher à augmenter l'âge d'admission au programme de retraite aurait pour effet de pénaliser davantage les gens qui sont à faible revenu car cela retarde à plus tard leur admission à ce programme. À notre avis, ce ne serait pas la bonne voie à prendre.

Par rapport à la diversité, les membres de la fédération aimeraient insister sur l'importance de reconnaître le droit de développer des stratégies différentes en fonction des besoins et des particularités des aînés. Pour démontrer l'importance d'adapter de telles stratégies en fonction des besoins, j'aimerais profiter de deux situations et vous donner des exemples bien concrets. Madame le sénateur Chaput sera peut-être plus familière avec la première situation.

J'ai rencontré une aînée du Manitoba qui me disait qu'elle habitait dans un petit village près de Winnipeg. Elle vit dans sa communauté francophone, mais elle sait qu'un jour elle sera en perte d'autonomie et qu'elle devra vendre sa maison. Elle sait qu'elle devra aller dans un foyer de soins situé à plusieurs kilomètres de chez elle, dans une communauté qu'elle ne connaît pas, et surtout, dans un foyer où il n'y aura pas de services en français.

J'ai vu tout le drame que vivait cette dame et aussi toute sa vulnérabilité parce qu'en la transférant dans un autre foyer de soins, elle quitte sa communauté, elle se déracine et finalement, son état de santé devient vulnérable.

Voici une autre situation un peu cocasse. Le père d'une dame de l'est ontarien était allé voir le médecin à Hawkesbury. Le médecin lui a donné des consignes en anglais. Il a répondu «Yes, yes, yes», et sa fille me disait qu'il ne parlait même pas anglais. Il ne comprenait pas l'anglais et il était trop gêné pour le dire au médecin.

On connaît de nombreux cas d'aînés qui ne comprennent pas ce que le médecin leur dit. Ces gens se retrouvent finalement dans une situation de vulnérabilité. Ce qu'il faut savoir, c'est que dans au moins sept provinces au Canada, les aînés francophones, les 50 ans et plus représentent plus de 5 p. 100 de la population. Il y a sept provinces au Canada où les aînés francophones représentent plus de 5 p. 100 de la population. Donc si ces gens ne bénéficient pas de services en français adéquats, ils deviendront beaucoup plus vulnérables sur le plan des services sociaux et de leur propre état de santé en général.

Je sais que le gouvernement a déjà fait des tentatives pour offrir des services sur le plan de la santé et des services sociaux et pour appuyer les communautés francophones en situation minoritaire. Nous pensons que le gouvernement devrait continuer dans cette veine et appuyer les aînés francophones.

La troisième question consiste à savoir quelles sont les approches stratégiques. Après consultation avec les aînés, nous recommandons au gouvernement des stratégies où les aînés ne sont pas des patients du système, où ils ne sont pas passifs à l'intérieur du système. Au contraire, nous recommandons qu'ils soient interpellés, consultés et surtout, qu'ils fassent partie de la solution qui vise à relever les différents défis des années à venir.

On sait que pour les aînés francophones en situation minoritaire, les services en français ne sont pas toujours disponibles et je pense que madame le sénateur Chaput est au courant de la situation. La fédération a mis en place un programme de mentorat où les aînés aident d'autres aînés à mieux se diriger dans le système de santé. J'ai connu des aînés qui ont attendu pendant six mois un appel du spécialiste et qui, une fois devant le spécialiste, se sont fait dire : « Je m'excuse mais vous avez trois mois à vivre ».

Si d'autres aînés avaient pu les conseiller et leur dire de ne pas attendre le spécialiste et d'aller à l'urgence, la situation aurait été différente. Le programme de mentorat avait pour but de résoudre ce genre de problème. Nous avons eu neuf mois de financement et après les neuf mois, le projet n'a pas pu continuer et pourtant, nous avions 80 bénévoles.

Souvent, le gouvernement ne finance les projets que durant de courtes périodes et nous avons de la difficulté maintenir une continuité dans les programmes. Je pense que si nous voulons créer un impact sur le vieillissement de la population, il faudra se donner des stratégies beaucoup plus musclées à long terme.

Finalement, j'aimerais vous parler d'un autre programme sur lequel nous avons travaillé. Les aînés nous disent vouloir continuer à travailler et nous croyons que le gouvernement devrait mettre en place des stratégies qui permettent aux aînés et aux jeunes retraités de continuer à être actifs sur le marché du travail.

Nous voulons être bénévoles et nous voulons aussi nous donner les outils pour pouvoir demeurer sur le marché du travail. Présentement, les employeurs ne sont pas toujours très réceptifs à l'idée de prendre des retraités ou des gens d'un certain âge et de les ramener sur le marché du travail. On pense que c'est important de le faire mais malheureusement, il n'existe pas vraiment de programmes musclés qui rendent la chose possible.

J'aurais pu continuer à parler de plusieurs autres mesures, mais je sais que le temps file. Peut-être que nous aurons la chance d'en parler davantage lors de nos futurs échanges. Je vous remercie de nous avoir invités, nous l'apprécions énormément.

[Traduction]

Alison Leaney, présidente du conseil d'administration, Réseau canadien pour la prévention des mauvais traitements envers les aîné(e)s : Merci de votre invitation. Je compte m'appuyer sur les diapositives que nous vous avons fait parvenir plus tôt aujourd'hui, parce que nous traitons d'un sujet d'envergure et que sept minutes passent très vite. Pour vous situer un peu en contexte, je vais vous parler du Réseau canadien pour la prévention des mauvais traitements envers les aîné(e)s, le RCPMTA, de même que des questions de la maltraitance des aînés au Canada, des défis que cela soulève et des solutions novatrices que l'on a trouvées dans ce domaine avant de terminer sur quelques recommandations que nous adressons à l'échelon fédéral.

Le Réseau canadien pour la prévention des mauvais traitements envers les aîné(e)s est chapeauté par un conseil d'administration bénévole composé de 15 membres. Je suis d'ailleurs accompagnée de Charmaine Spencer, qui siège au conseil. Nous avons des antennes partout au Canada, dans toutes les provinces et territoires, sauf au Nouveau- Brunswick et au Nunavut, bien que nous ayons tout de même une représentation dans ce territoire. Nous nous efforçons d'être représentatifs de la diversité canadienne sur le plan géographique et à d'autres égards.

Le Réseau canadien pour la prévention des mauvais traitements envers les aîné(e)s s'est donné pour mission de mieux faire connaître et comprendre la complexité du problème de la violence à l'endroit des aînés et de promouvoir la mise en place de ressources et de services appropriés pour les personnes â risque ou maltraitées. Au Canada, on estime que 4 à 10 p. 100 des gens seront victimes d'une forme quelconque de violence ou de négligence durant leurs vieux jours, soit entre 165 000 et 413 000 personnes âgées. Nous nous préoccupons évidemment du sort des personnes âgées qui sont victimes de fraudes ou d'escroqueries commises par des étrangers, mais comme nous sommes en général capables de faire face à ce genre de situations, nous limiterons nos commentaires, dans le cadre de cet exposé, aux aînés qui sont victimes de personnes en qui elles ont confiance, comme un membre de la famille.

Tout comme vous vous en doutez, il existe de nombreuses formes de mauvais traitements, allant de l'exploitation financière à la violation des droits en passant par la violence physique, sexuelle et psychologique et par la négligence. Les personnes âgées peuvent être victimes de mauvais traitements n'importe où, que ce soit au sein de leur collectivité ou dans des établissements de traitement et, comme bien d'autres intervenants vous l'ont indiqué aujourd'hui, la violence aux aînés ne connaît aucune frontière socio-économique ou ethnoculturelle.

Il est vrai que deux fois plus de femmes que d'hommes retiennent l'attention des différents organismes publics, mais moins d'un cas de mauvais traitement sur cinq est déclaré et il y en a encore moins qui sont signalés aux organismes publics du système de justice pénale.

Comme vous l'a dit Judith Wahl, la plupart des aînés victimes de mauvais traitements ont la capacité mentale de prendre des décisions, mais ces personnes ont besoin d'un soutien, d'une aide et d'information pour prendre des décisions avisées. Les personnes mentalement incapables sont encore plus vulnérables, comme nous l'ont indiqué nos collègues de l'Association ethnoculturelle, de la Société Alzheimer, de la Fédération des aînés francophones et des associations de santé mentale.

Je me propose de vous signaler certains problèmes dans ce domaine ainsi que des solutions qui se profilent dans nos recommandations. Tout d'abord, force est de reconnaître que le problème du mauvais traitement des personnes âgées au Canada est largement sous-estimé. J'irais même jusqu'à dire que nous sommes en retard de 20 ans dans ce dossier, par rapport à ce que nous essayions de faire quand nous avons commencé à parler de la violence faite aux femmes et, avant cela, que nous avons cherché des solutions pour lutter contre la maltraitance des enfants et avons cherché à intervenir sur ce plan. Comme je le disais, un cas sur cinq seulement de mauvais traitement de personnes âgées est signalé aux organismes publics et cela pour toute une série de raisons complexes.

Le deuxième aspect concerne la complexité du problème. Comme je le disais, il existe de nombreux types de mauvais traitement et la solution qui peut convenir dans un cas d'exploitation financière peut ne pas être adaptée pour une personne victime d'agression sexuelle. La durée du mauvais traitement est une autre dimension. Dans bien des cas, la violence ne date pas d'hier, mais elle peut aussi s'installer à la faveur de nouvelles relations quand les choses dérapent.

D'autres facteurs conditionnent la façon dont il convient de régler les situations de mauvais traitement ou de négligence, notamment l'isolement et le sexe de la victime. Hommes et femmes ne subissent pas le même genre de mauvais traitement. Vous avez aussi entendu parler de l'incidence des différences sur le plan de la langue, de la culture, de l'aptitude physique et du handicap. Les orientations politiques peuvent aussi avoir des répercussions sur les personnes âgées et sur la façon de régler les situations de mauvais traitement qu'elles vivent. Comme nos politiques ne se recoupent pas toujours, nos aînés peuvent être laissés-pour-compte.

Troisièmement, malgré des îlots où certains accomplissent d'importantes choses, très prometteuses, on constate un manque de ressources et de services appropriés partout au Canada. Nous connaissons évidemment les différences qui existent entre le Nord et le Sud, entre les régions urbaines et les régions rurales et pour celui ou celle qui n'a pas l'anglais comme première langue et qui peut parler le français ou une langue autochtone, parce que les choses deviennent alors très compliquées.

Comme certains de mes collègues l'ont dit cet après-midi, il est difficile de retenir des fournisseurs de services spécialisés qui sachent comment intervenir dans des situations de négligence et de mauvais traitement, avec tout le respect nécessaire pour renforcer l'autonomie des aînés. Certaines des situations traitées sont extrêmement dangereuses pour les personnes âgées.

S'agissant de solutions novatrices, il existe un certain nombre de programmes d'innovation qui sont très prometteurs quand au mode d'intervention auprès des aînés. Il y a, par exemple, les interventions qui s'articulent autour du système de justice pénale et Judith Wahl vous a parlé des services de police spécialisés dans ce genre de situations, solutions qui permettent d'acquérir de l'expérience dans ce genre de dossier, sans oublier les procureurs et les tribunaux spécialisés.

Il existe aussi de nombreuses initiatives concernant des foyers-refuges sécuritaires et des maisons d'hébergement et, comme Mme Wahl vous l'a aussi indiqué, l'Advocacy Centre for the Elderly constitue, pour nous tous au Canada, un exemple très important du genre de représentation juridique dont les aînés ont besoin. Puis, certaines provinces, comme la mienne et le Yukon, s'appuient sur des intervenants clés désignés qui ont pour mission de réagir après des déclarations de mauvais traitement ou de négligence. C'est un des défis que nous avons à relever, mais nous estimons qu'il en va de notre responsabilité et que c'est notre travail. Il demeure qu'il existe un certain nombre de programmes prometteurs et je ne vous en ai mentionné que quelques-uns.

L'autre chose qui est très prometteuse à l'échelle du Canada, c'est la création de réseaux et le renforcement des capacités à l'échelon local grâce à la mise sur pied de réseaux d'intervention communautaire. À l'échelon régional, de nombreuses provinces et de nombreux territoires sont en train d'élaborer des réseaux et le Réseau canadien pour la prévention des mauvais traitements envers les aîné(e)s s'est efforcé de continuer à faire le lien entre les différents acteurs partout au pays.

Jusqu'à récemment, notre réseau ne recevait aucun fonds. Nous avons simplement eu un premier contact avec l'Agence de santé publique du Canada afin de recenser certaines approches prometteuses pour nous attaquer au problème du mauvais traitement des aînés au Canada et pour essayer de l'éviter. Nous supervisons ce projet de façon tout à fait bénévole.

Nous avons un certain nombre de recommandations à adresser au gouvernement fédéral. Nous sommes conscients qu'un grand nombre des interventions que nous avons décrites relèvent de la compétence des provinces, mais ça, c'est autre chose. J'ai donc neuf recommandations à faire. D'abord, nous estimons qu'il convient de promouvoir et de faciliter la recherche dans un grand nombre de domaines clés liés au mauvais traitement et à la négligence des aînés. Il faut s'attaquer aux causes profondes du mal. Il faut pouvoir évaluer les programmes que nous jugeons prometteurs. Bien de ces programmes n'ont jamais été évalués et en fait beaucoup ne sont presque pas financés. Il existe de grands pans où il va falloir faire de la recherche.

Deuxièmement, il faut examiner et corriger les politiques. Je vous ai donné des exemples de répercussions néfastes sur les aînés. On pensera, par exemple, à la protection des renseignements personnels dans le secteur bancaire qui peut empêcher la tenue d'enquêtes sur des cas présumés d'exploitation financière. On constate un manque de logements abordables, ce qui ne fait qu'accroître le risque pour les aînés. Certaines personnes âgées immigrantes sont victimes de mauvais traitement aux mains de ceux-là mêmes qui les ont parrainées pour venir au Canada. Et puis, il y a le problème de l'interaction entre la santé mentale et les différentes dépendances au point qu'il est souvent très difficile de savoir comment s'attaquer au problème.

Notre troisième recommandation concerne la nécessité de soutenir les réseaux canadiens et de leur donner des moyens d'améliorer leurs capacités à tous les échelons au Canada, à l'échelon communautaire, à celui des provinces et des territoires et à l'échelon national. Le RCPMTA veut pouvoir faire un maximum pour appuyer le transfert de connaissances relativement aux approches prometteuses en vigueur au pays, mais il faut savoir qu'il ne peut, pour cela, compter que sur des ressources bénévoles.

Quatrièmement, nous souhaiterions que l'on continue de soutenir et de renforcer le travail du Centre national d'information sur la violence dans la famille. Je viens juste de m'apercevoir qu'il existe un modèle, le modèle Woodbridge, qui permet à un centre d'information de faire davantage pour assurer un suivi du genre de recherche nécessaire.

Cinquièmement, nous recommandons d'appuyer les événements de sensibilisation comme la Journée internationale de la violence envers les aînés et je tiens, au passage, à souligner le travail du groupe de travail fédéral-provincial- territorial sur la sécurité des aînés qui a assumé un rôle de premier plan à cet égard et qui s'est penché sur les questions de justice pénale. Un forum sera organisé à Vancouver cet automne.

Sixièmement, il faut accroître la sensibilisation interministérielle et intergouvernementale. Beaucoup essaient de travailler dans ce sens, mais à cause de la complexité des situations dans lesquelles les aînés se retrouvent, il est difficile de rassembler tout le monde au bon moment et dans les divers ordres de gouvernement, de même qu'au sein des gouvernements eux-mêmes.

Septièmement, il va falloir collaborer avec les communautés autochtones afin d'atténuer les répercussions des règlements financiers. Au moment où la période de droit de retrait du processus de règlement des pensionnats indiens touche à sa fin, beaucoup de bénéficiaires vont toucher d'importantes sommes d'argent, et pas uniquement pour avoir étudié dans ce système, mais aussi pour avoir été maltraités.; Les gens craignent beaucoup que les aînés soient revictimisés à cette occasion.

Huitièmement, il faut signer la Convention de La Haye de 2000 sur la protection internationale des adultes. Une personne âgée a été enlevée en Nouvelle-Écosse et elle s'est retrouvée au Royaume-Uni. Si le Canada avait signé cet accord, nous aurions sans doute pu faire davantage dans une telle situation.

Enfin, pour reprendre certaines remarques de mes collègues, je dirais que nous désirons également favoriser la mise en place d'une stratégie nationale visant à prévenir et à stopper la violence et la négligence envers les personnes âgées, parce qu'il nous faut tous, comme les autres témoins vous l'ont dit, nous attaquer à l'âgisme, au racisme, au sexisme et au reste. Nous serions intéressés à nous greffer sur les autres stratégies nationales en cours d'élaboration afin de ne pas avoir à réinventer la roue, parce que nous avons beaucoup de choses en commun avec les autres organisations et que nous pouvons apporter un complément et combler les manques.

La présidente : Merci beaucoup. Je suis un peu troublée par votre huitième recommandation, parce que je n'ai jamais entendu parler de la Convention de La Haye sur la protection des adultes et que je ne pense pas non plus que mes collègues sénateurs en aient entendu parler. Pouvez-vous nous en dire davantage à ce sujet?

Charmaine Spencer, membre du conseil d'administration, Réseau canadien pour la prévention des mauvais traitements envers les aîné(e)s : La Convention de La Haye remonte à 1999 et, comme vous venez vous-même de le signaler, elle est très mal connue. Elle se veut un cadre de collaboration assorti d'accords conclus avec les gouvernements des pays portant sur les cas où des adultes mentalement incapables ont été aidés ou contraints à quitter leur pays de résidence. En général, ce genre de situation se produit quand la personne souffrant d'une maladie neurodégénérative est enlevée par un membre de sa famille qui vit dans un autre pays. Cette convention invite les pays à collaborer pour favoriser le retour des personnes enlevées dans leur pays de résidence.

Dans ce cas de la Nouvelle-Écosse, l'époux d'une femme souffrant d'une maladie neurodégénérative avait une procuration et faisait tout pour elle. Or, des parents au Royaume-Uni avaient estimé qu'elle devait être traitée différemment. Depuis lors, le conjoint a énormément de difficulté à la faire revenir au Canada. Le Royaume-Uni et l'Allemagne sont les deux seuls signataires de cette convention et, si le Canada l'avait signée également, il aurait été possible d'aider cette personne à faire revenir son épouse au pays.

La présidente : J'étais au courant de cette affaire en Nouvelle-Écosse, mais je ne savais pas qu'il existait une convention internationale.

Pour parler à présent des groupes ethnoculturels — et j'aimerais également entendre la position du représentant de la Fédération des aînés francophones — pouvez-vous me dire quels sont les plus importants obstacles auxquels se heurtent les aînés appartenant à ces groupes, surtout ceux qui sont unilingues et qui vivent dans un univers où l'on parle une autre langue, comme un Italien qui ne s'exprime qu'en italien et qui vit à Montréal ou encore un francophone qui ne parle que le français et qui vit à Notre-Dame-de-Lourdes au Manitoba ou ailleurs? Quels sont les plus grands défis auxquels se heurtent les aînés?

Mme Chiappa : Je ne peux vous parler que du travail que nous avons fait auprès de nos groupes ethnoculturels dans le domaine de la santé et de l'information sur la santé. Nous avons constaté que, dans certains cas, les aînés s'en remettent à leur famille. Dans une certaine mesure, ils s'en remettent aussi à leur groupe ethnoculturel en général, mais l'accès à l'information sur la santé est un des aspects qui posent problème.

Un autre aspect inquiétant tient au fait que de plus en plus les gens doivent utiliser la technologie. Qu'il s'agisse d'Internet ou du téléphone, l'accès à l'information devient très difficile et de plus en plus complexe pour beaucoup d'entre nous qui peuvent avoir de la difficulté sur le plan technologique, mais pour les membres de ces groupes ethnoculturels, le problème est encore plus important. La communication avec les membres de la famille et avec les petits-enfants sont un autre aspect qu'il ne faut pas négliger.

Le revenu des nouveaux immigrants de 55 à 65 ans est inférieur à celui de la génération précédente, même s'ils sont plus instruits. Ils ont eu plus de difficulté à trouver un emploi et la stabilité financière et à avoir quelque chose de plus que le Régime de pensions du Canada. Ce phénomène ne sera pas sans conséquences dans l'avenir.

[Français]

M. Racine : La question de l'accès aux services en français n'est pas négligeable et le problème vise particulièrement les aînés francophones du Manitoba, de la Saskatchewan et de l'Alberta. Les professionnels tiennent pour acquis que ces personnes savent s'exprimer en anglais et que, par conséquent, il convient d'offrir les services en anglais. On ne voit pas d'offre active.

Or, les aînés, lorsqu'ils sont malades, nous disent qu'ils veulent être servis en français. Dans une situation de vulnérabilité, ces personnes ne sont pas aptes à revendiquer des services en français. Leur vulnérabilité est alors d'autant plus marquée. L'important n'est pas nécessairement la demande de services mais l'offre active. Voilà sans doute notre plus grand défi en ce qui a trait aux aînés francophones en situation minoritaire.

[Traduction]

La présidente : C'est intéressant, parce qu'un de mes défis d'enseignante au Manitoba a consisté à convaincre les Manitobains anglophones que d'autres Manitobains ne parlent que le français. Ils ne le croyaient pas, parce qu'ils n'avaient jamais rencontré quelqu'un ne parlant pas l'anglais. Je me suis heurtée aussi à des gens qui, à propos du Québec, disaient : « Ils peuvent parler anglais. Pourquoi ne me parlent-ils pas anglais à moi? » et à qui j'ai essayé d'expliquer qu'en réalité, 4 millions de Québécois ne parlent pas l'anglais. Et pourtant, je dois dire que, dans l'Ouest, les gens ne le croient tout simplement pas, même si c'est un fait.

Le sénateur Murray : Madame Leaney, je ne pense pas avoir parfaitement compris ce que vous avez dit dans votre recommandation au sujet de la nécessité de travailler avec les communautés autochtones afin d'atténuer les répercussions des règlements relatifs aux pensionnats indiens. Je suis passé à côté. Pourriez-vous me préciser ce que vous vouliez dire?

Mme Leaney : Nous recommandons de prendre acte du fait que bien des communautés autochtones auront besoin d'un coup de main afin d'améliorer leurs capacités et d'éviter les problèmes de maltraitance et de négligence des aînés. Cela est également vrai pour les communautés autochtones et de Premières nations. Il est possible d'intervenir tout de suite à cet égard, de façon délibérée, à la faveur du règlement du recours collectif entrepris par les anciens pensionnaires des écoles résidentielles indiennes qui pourront préciser s'ils ont effectivement été dans ces écoles et, en outre, s'ils y ont été maltraités.

J'ai appris qu'ici, en Colombie-Britannique, à cause d'un éventuel afflux important d'argent dans les six prochains mois au maximum, des membres de Premières nations craignent que les aînés ne soient dépouillés de cet argent qui leur sera remis. Nous réfléchissons à ce qu'il sera possible pour optimiser les répercussions positives de cet apport d'argent, qui est censé avoir des effets bénéfiques, c'est-à-dire en sensibilisant davantage les communautés concernées et en les dotant de certains moyens pour prévenir l'exploitation financière.

Le sénateur Murray : Je ne sais si je peux ou si je dois vous poser cette question. Je crois que vous nous avez expliqué cela autant que faire se peut. Avec le temps, nous verrons bien ce que cela donne. J'espère que vous avez raison et qu'il sera possible d'éviter que ces gens-là, qui ont déjà souffert de mauvais traitement dans leur jeunesse, soient de nouveau victimes de maltraitance à cause d'un règlement financier et du pécule qu'ils recevront. Je suppose qu'il y a des opportunistes dans toutes les sociétés et que nous devons nous en protéger.

À propos de la nécessité de réviser les politiques en matière de parrainage en immigration, vous avez décrit le cas d'une personne qui, ayant été parrainée par un parent au Canada, a été maltraitée par ce même parent. Je suppose que ce genre de parrainage s'est fait en vertu des dispositions sur la réunification des familles et que le parent avait un droit de parrain sur l'immigrant. Que pensez-vous que nous devrions faire afin d'améliorer les politiques dans ce domaine?

Mme Spencer : En vertu de la règle sur le parrainage, le parent est responsable de l'immigrant pendant dix ans. La différence est notoire par rapport à la règle de trois ans applicable aux autres membres de la famille, par exemple à un conjoint. Durant cette période, le parrain est responsable de tous les besoins de l'immigrant.

En règle générale, la relation parrain-immigrant est positive et la politique sur la réunification n'est pas mauvaise. Malheureusement, il arrive que cette relation ne fonctionne pas dans certaines familles. Il peut y avoir des revers de fortune et ceux qui s'occupent de l'immigrant peuvent s'attendre à ce que celui-ci réponde à tous les besoins de la famille. Comme l'aîné ne connaît pas forcément la langue de la culture dominante, il est très vulnérable à l'exploitation.

En cas de rupture de la relation de parrainage, l'immigrant peut ou non avoir droit à l'aide sociale et, s'il est admissible à cette aide provinciale, celle-ci se transforme en dette que le parent doit assumer. Cela ne fait que vulnérabiliser la personne ayant été parrainée. En fait, les règles vulnérabilisent davantage les aînés qui sont parrainés par leur famille, dans les conditions actuelles.

Le sénateur Murray : Je ne comprends pas la politique aussi bien que je le devrais. Est-ce que le droit à la réunification des familles concerne essentiellement les enfants et les parents?

Mme Spencer : Oui.

Le sénateur Murray : Autrement dit, les autres membres de la famille pouvant être parrainés seraient des oncles ou des tantes ou d'autres parents ou même des non-parents. C'est cela?

Mme Spencer : Dès que vous êtes parrainé, c'est la règle des dix ans qui s'applique. Les membres d'une famille peuvent honnêtement penser qu'ils sont en mesure d'assumer ce genre de parrainage pendant aussi longtemps sans se rendre compte de l'ampleur des responsabilités que cela suppose. De plus, comme nous en parlions tout à l'heure, de nombreux immigrants se retrouvent dans une situation économique précaire, ce qui ne fait qu'augmenter le risque de conflits avec la famille.

Le sénateur Murray : Quel genre de changements envisageriez-vous d'apporter à la faveur d'une révision de la politique?

Mme Spencer : Il n'y a que depuis quelques années qu'il existe un accord fédéral-provincial selon lequel l'aide sociale est une dette du parrain. Ça n'a pas toujours été le cas. Ce changement apporté à la politique et les modalités selon lesquelles l'aide sociale est à présent une dette du parent sont parmi les facteurs qui aggravent la vulnérabilité des aînés dans ce genre de situations.

De plus, les personnes parrainées n'ont pas droit à des laissez-passer d'autobus ou à ce genre de choses susceptibles de favoriser leur indépendance et d'être un fardeau moins lourd à porter pour les familles. Il s'agit là de politiques provinciales, mais le cadre général établi par la politique fédérale sur le parrainage des immigrants n'y est pas étranger. Il existe une interaction entre les politiques provinciales et fédérales.

Le sénateur Murray : Madame Chiappa, que pensez-vous de tout cela?

Mme Chiappa : Je ne peux vous en parler de façon précise, mais les organismes d'accueil des immigrants pourraient sans doute vous en dire davantage.

Il existe un grave problème dans le cas des adultes âgés qui sont arrivés au Canada ces dernières années et qui n'ont pas accès à des programmes de soutien, parce que ces gens-là sont vulnérables. Ils sont parrainés, dans certains cas pour donner un coup de main à leur famille et s'occuper des enfants. Comme je le disais tout à l'heure, la famille est très importante, mais les aînés peuvent être vulnérabilisés dans ce genre de situations et ils risquent de ne pas avoir les moyens financiers pour se défendre. Je suis d'accord quant à la nécessité de se pencher sur cette question parce que, le vieillissement de la population aidant, nous aurons à composer de plus en plus avec des personnes dans ce genre de situation. Ce serait merveilleux que l'on puisse réexaminer toute cette question.

[Français]

Le sénateur Murray : Pour les deux cas que vous nous avez décrits, les situations précises, et pour celui de cette femme au Manitoba qui serait peut-être obligée de déménager dans un foyer de soins anglophone, êtes-vous en train de nous dire qu'il n'y a pas de foyer de soins francophone dans la région de Winnipeg ou de Saint Boniface?

M. Racine : Je n'ai pas étudié, malheureusement, la situation comme telle, mais ce qu'elle me disait et ce que les gens qui l'accompagnaient semblaient dire, c'était que, effectivement, il n'y avait pas beaucoup d'alternatives pour eux, pour être vraiment dans une résidence où il y aurait des services en français. Mais je ne pourrais pas le décrire de façon précise. Ces gens, vous le comprenez, vieillissent; ils font des recherches dans la communauté, ils étudient leur options, et ce qu'ils semblaient me dire c'était qu'il n'y avait pas vraiment d'options pour eux et que c'était difficile.

Le sénateur Murray : Pour ce qui est de cet homme de Hawkesbury qui fréquentait un médecin anglophone unilingue . . .

M. Racine : C'était une situation d'urgence.

Le sénateur Murray : Il y a des médecins francophones ou du moins bilingues dans la région.

M. Racine : Vous seriez surpris. Parfois, dans des institutions francophones, il y a tellement de pénurie de personnel. Je suis déjà allé à l'hôpital Montfort et le médecin m'a parlé en anglais.

Le sénateur Murray : Vous êtes le directeur général de la Fédération. Vous nous avez dit que vous avez des partenaires dans neuf des dix provinces. Pourriez-vous nous faire part des efforts que vous déployez au niveau provincial par opposition au temps et aux efforts que vous déployez ici, au niveau fédéral.

M. Racine : Ce sont nos partenaires qui déploient ces efforts.

Le sénateur Murray : Vous êtes une sorte de fédération?

M. Racine : Exactement. Toutefois, il y a du travail qui se fait au niveau des provinces. Ce n'est pas toujours facile. Je sais qu'au Manitoba, il commence à y avoir une belle relation entre la Fédération des aînés francophones du Manitoba et le gouvernement provincial. C'est également le cas en Ontario. Il y a de belles initiatives et de plus en plus, les gouvernements provinciaux commencent à être à l'écoute des besoins des aînés francophones, même des communautés francophones en général, une collaboration que l'on ne voyait pas il y a quelques années.

Le sénateur Murray : Je vous pose cette question parce que je me demande ce que vous attendez de nous, du gouvernement, du Parlement fédéral par rapport aux provinces qui, il faut l'avouer, ont cette responsabilité.

M. Racine : Je pense que le fédéral doit continuer à jouer un rôle de leadership. Je ne crois pas qu'il doive reculer par rapport aux communautés francophones ou aux communautés anglophones en situation minoritaire au Québec. Au contraire, il doit continuer d'être un leader pour amener les provinces à travailler dans ce sens. S'il n'y a pas de leadership de la part du gouvernement fédéral, je crois que les provinces ne seront pas aussi incitées à travailler auprès des communautés francophones. Il faut un leadership fédéral et pour nous, c'est très important.

Le sénateur Murray : Je ne veux pas vous poser ce qu'on appelle, dans les tribunaux, de question suggestive, mais est-ce que votre constat est que nous sommes en train de reculer au niveau fédéral?

M. Racine : On reçoit souvent des signaux contradictoires. Par exemple, d'un côté, on a vu le premier ministre faire un discours extraordinaire, à Embrun. Mais d'un autre côté, il est certain que la suppression du Programme de contestation judiciaire affecte beaucoup les communautés francophones.

Le sénateur Murray : Les aînés en particulier?

M. Racine : Les aînés en particulier. Il y a un leadership, mais il y aurait encore place à l'amélioration. Même le fédéral est impliqué auprès des aînés. La santé est de compétence provinciale, mais je peux vous donner en exemple le programme Nouveaux Horizons qui est fédéral. Nous avons des statistiques qui démontrent que les communautés francophones ne reçoivent pas toujours leur juste part du financement accordé. Il y a encore des améliorations à apporter.

Au ministère des Ressources humaines et du Développement social, on essaie d'établir un lien avec les gens du ministère, mais cela demeure difficile, ce n'est pas toujours évident. Le gouvernement fédéral a encore un peu de travail à faire par rapport aux aînés, mais il y a aussi eu des progrès de faits.

On était très heureux que des représentants des communautés francophones en situation minoritaire ont été nommés au Conseil national des aînés.

Je vous donne quelques exemples pour vous montrer comment se présente la situation.

Le sénateur Chaput : Merci à vous tous. Ma première question s'adresse à M. Racine. Vous êtes une fédération, vous avez un conseil d'administration composé de bénévoles qui viennent de différentes provinces. Le Québec fait aussi partie de votre conseil d'administration. Vous avez des représentants du Québec. C'est totalement différent des autres fédérations francophones du Canada, n'est-ce pas?

M. Racine : Exactement.

Le sénateur Chaput : Comment se fait-il que le Québec fasse partie de votre fédération?

M. Racine : Comme je l'ai mentionné au début, notre fédération représente surtout les besoins, les intérêts des aînés francophones en situation minoritaire. Mais exceptionnellement, la FADOQ, qui compte 285 000 membres, siège à notre table et est membre à part entière.

Une très belle relation s'est développée avec la FADOQ du Québec. On travaille ensemble. La FADOQ a été un acteur important pour nous appuyer dans certaines démarches et dans certaines provinces. C'est une belle collaboration qui dure depuis environ trois ans et dont nous sommes très heureux.

Le sénateur Chaput : En termes de leadership du gouvernement fédéral, ai-je bien compris, lors de votre présentation, que les aînés aimeraient pouvoir continuer à travailler et à être impliqués? Donc le système devrait changer en ce sens, afin de leur permettre de le faire?

M. Racine : Exactement. On a fait une recherche en Ontario. Le rapport en parle aussi. On parle de pénurie de main- d'œuvre d'ici les prochaines années. On n'en parlait pas il y a quelques années.

Nous devons mettre en place des incitatifs pour permettre aux travailleurs en âge de prendre leur retraite de demeurer sur le marché de l'emploi, les inciter à demeurer, ou pour inciter les jeunes retraités à retourner sur le marché de l'emploi.

On a fait une étude, c'est remarquable, parce que dans le fond, les employeurs ne sont pas conscients qu'une pénurie s'en vient. Et pour nous les services en français sont un enjeu majeur. On veut continuer à pouvoir offrir des services en français. On a donc besoin de travailleurs pouvant offrir des services dans les deux langues officielles.

Il est important de travailler sur ce dossier et de mettre en place des mesures qui inciteront ces aînés à demeurer en poste. Présentement, à ma connaissance, il n'y a pas vraiment de programmes. Il y en a un pour encourager les aînés en milieu rural, les 50 ans et plus, mais je pense qu'on devrait étendre ce programme pour permettre à plus de jeunes retraités, de travailleurs âgés de continuer à travailler.

[Traduction]

Le sénateur Chaput : Ai-je bien compris? J'ai noté qu'un important pourcentage des aînés appartenant à des groupes ethnoculturels ne parlent ni anglais ni français. Est-ce plus de 50 p. 100?

Mme Chiappa : C'est exact. C'est ce qu'on peut lire dans le rapport de Statistique Canada intitulé Un portrait des aînés au Canada.

Le sénateur Chaput : Ces aînés qui viennent au Canada et qui ne parlent ni l'anglais ni le français, habitent-ils chez leurs enfants qui, à ce moment-là, parleraient une des deux langues?

Mme Chiappa : C'est exact. Ces personnes qui ont été parrainées par leur famille viennent au Canada pour différentes raisons.

Le sénateur Chaput : Ainsi, leurs enfants parlent le français ou l'anglais, mais pas les aînés parrainés.

M. Racine a parlé d'un programme de mentorat. Si j'ai bien compris, il est question de demander à des aînés d'en aider d'autres sur le plan linguistique. Ainsi, un francophone ne parlant pas l'anglais serait assisté par un autre qui, lui, parlerait l'anglais. C'est cela?

[Français]

M. Racine : Ce que vous soulevez peut s'avérer juste mais pas dans tous les cas. Il s'agissait plutôt de s'entre-aider entre aînés.

[Traduction]

Le sénateur Chaput : Je me demandais si ce genre de programme pourrait aider les personnes âgées?

Mme Chiappa : Les options ne manquent pas. Les collectivités comme les familles ont besoin d'un coup de main. D'après ce que nous avons constaté, le gouvernement fédéral n'a pas vraiment fait preuve de leadership dans le cas des programmes s'adressant aux aînés appartenant aux groupes ethnoculturels et aux collectivités ethnoculturelles. Pour tout vous dire, nous ne voyons pas très bien à quoi nous allons aboutir. Le programme de multiculturalisme a été considérablement réduit et il ne permet pas de combler l'écart. Comme je le disais dans nos recommandations, il y aurait lieu de réfléchir à cela. Il faudrait que le gouvernement fédéral prenne les rênes en main et regroupe les organismes et les groupes ethnoculturels concernés afin qu'ils travaillent sur la question des aînés appartenant à ces groupes pour examiner l'ensemble des problèmes qui se posent, échanger des informations et élaborer des stratégies. À moins que je ne sois passé à côté de quelque chose, je pense qu'il existe une lacune sur ce plan.

Le sénateur Chaput : Madame Leaney, vous représentez le Réseau canadien pour la prévention des mauvais traitements envers les aîné(e)s. Votre conseil est composé de bénévoles. Ces gens-là viennent-ils de différentes provinces? Quel est votre mode d'interaction au sein du conseil?

Mme Leaney : Notre conseil est composé d'une quinzaine de personnes qui viennent des quatre coins du Canada. Comme je le disais, toutes les provinces et tous les territoires sont représentés à l'exception du Nouveau-Brunswick et du Nunavut, bien que, jusqu'à récemment nous ayons eu un membre de territoire.

Les membres du conseil sont des gens doués qui ont une expérience très diversifiée. Beaucoup d'entre eux sont des défenseurs de la cause des personnes âgées et travaillent éventuellement aussi pour leur gouvernement provincial ou territorial sur les questions de maltraitance ou de négligence. De plus, certains assument un rôle de chef de file dans la province ou le territoire pour intervenir dans certaines causes. Ce sont des travailleurs sociaux, des infirmiers ou infirmières ou des médecins ou encore des gens ordinaires qui apportent un petit plus en matière de développement ou de renforcement des capacités des collectivités. Ce sont aussi des gens qui ont une orientation intellectuelle très nette.

Par-delà le conseil, les membres de notre réseau sont des particuliers — au Canada, toute personne qui le désire peut faire partie du Réseau canadien pour la prévention des mauvais traitements envers les aîné(e)s — et nous avons des organisations membres.

Comme nous n'avons pas reçu de subventions, nous avons dû compter sur une aide en nature et la plupart des membres de notre conseil ne se sont jamais rencontrés en personne, ce qui pose problème. Ce n'est qu'au cours des deux dernières années que nous avons eu la possibilité d'organiser des appels conférences qui nous ont permis d'échanger sur les orientations à donner à notre organisation.

Et puis, nous nous sommes heurtés à des problèmes de structure interne. Nos règlements intérieurs ne nous permettaient pas de tenir des réunions par voie électronique. Nous avons toujours voulu élargir notre réseau autant que faire se peut afin d'avoir le plus grand nombre de membres possible, parce que beaucoup veulent intégrer notre réseau, mais nous ne l'avons pas fait au début parce que nous craignions de ne pas pouvoir organiser les assemblées générales annuelles réglementaires.

Nous avons donc dû régler quelques problèmes internes de ce genre. Depuis, c'est chose faite et nous venons d'obtenir notre premier contrat de l'Unité de la prévention de la violence familiale, de l'Agence de santé publique du Canada, envers qui nous sommes très reconnaissants, contrat qui va nous permettre d'étendre notre réseau de façon exponentielle. Nous avons déjà organisé six ou sept appels conférences sur les différents volets de la lutte à la négligence et au mauvais traitement des aînés, ou à la prévention de ce problème, et les gens se précipitent pour participer à ces téléconférences afin d'entendre ce que les autres ont à dire sur le sujet parce que c'est ainsi qu'on découvre ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas.

La présidente : Je remercie tous nos témoins d'aujourd'hui pour leurs exposés. Ceux-ci nous ont permis de mieux connaître les problèmes liés à la maltraitance des aînés, mais aussi à la situation des groupes ethnoculturels et de la population francophone. Tous ces aspects sont très importants et ils vont nous permettre de rédiger un rapport qui traduira effectivement les besoins de tous les aînés au Canada.

La séance est levée.


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