Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts
Fascicule 21 - Témoignages du 27 mars 2007
OTTAWA, le mardi 27 mars 2007
Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui à 19 h 23 pour examiner, en vue d'en faire rapport, la pauvreté rurale au Canada.
Le sénateur Joyce Fairbairn (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente : Bonsoir, honorables sénateurs, chers témoins et téléspectateurs qui suivez les délibérations du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts.
En mai dernier, notre comité a été autorisé à examiner, en vue d'en faire rapport, la pauvreté rurale au Canada. L'automne dernier, un certain nombre d'experts qui ont témoigné devant nous nous ont donné un aperçu général de la pauvreté dans les régions rurales. À partir de ces témoignages, nous avons rédigé un rapport intérimaire, que nous avons publié en décembre et qui a, sans aucun doute, touché une corde sensible. Nous en sommes maintenant au milieu de la deuxième phase de notre étude au cours de laquelle nous rencontrons les Canadiens des régions rurales du pays. Jusqu'ici, nous avons voyagé dans les quatre provinces de l'Est et les quatre provinces de l'Ouest. En cours de route, nous avons rencontré un groupe de Canadiens ruraux vraiment merveilleux et diversifié, des gens qui nous ont accueillis à bras ouverts dans leurs collectivités et parfois mêmes dans leurs maisons.
Toutefois, notre travail est loin d'être terminé. Nous n'avons pas encore visité les collectivités rurales de l'Ontario et du Québec. Nous voulons entendre le maximum de gens. En résumé, nous devons faire en sorte de comprendre à fond le problème de la pauvreté rurale.
Pour ce faire, notre comité continue de rencontrer des témoins experts à Ottawa lorsque le Sénat siège. Notre premier témoin de ce soir est M. Larry Bourne, professeur émérite de géographie et de planification à l'Université de Toronto. M. Bourne se joindra à nous par vidéoconférence. Il est le coauteur d'un ouvrage publié en 2003 sous le titre « Small, Rural, and Remote Communities : The Anatomy of Risk ».
Nous disposons seulement d'une heure, ce soir, pour couvrir de nombreux sujets. Monsieur Bourne, la parole est à vous.
Larry S. Bourne, professeur de géographie et de planification, Université de Toronto, à titre personnel : On m'a demandé de comparaître devant le comité suite à un rapport que nous avons préparé, il y a quelques années, pour le gouvernement de l'Ontario dans le cadre de son évaluation des relations entre le gouvernement provincial et les collectivités locales. Ce rapport portait sur les collectivités de petite taille, rurales et éloignées que nous avons considérées comme l'anatomie du risque. Je dois préciser que je ne suis pas un expert de la pauvreté rurale. Par contre, je m'intéresse depuis de nombreuses années aux problèmes et aux difficultés des petites collectivités et des localités périphériques. Dans un pays de la taille du Canada, nous avons certainement une périphérie importante.
Je vais prendre quelques instants pour vous donner une idée de la teneur de notre rapport. C'est l'un des deux rapports que mes collègues et moi avons publiés. L'autre portait sur les grandes villes et le maintien du dynamisme, de la diversité, de la stabilité et de la durabilité dans les grands centres urbains.
Ce rapport portait sur la situation particulière des petites collectivités rurales et éloignées. Il tente d'établir le contexte, d'abord en examinant les principales tendances qui ont touché les collectivités du Canada en général et de l'Ontario en particulier en ce qui concerne les changements survenus sur le plan de la démographie, de l'économie et du commerce, ainsi que les changements dans le mode de vie des ménages et les effets qu'ils ont eus sur ces collectivités. La deuxième partie cherche à établir une simple classification des petites collectivités rurales et isolées et à clarifier les difficultés auxquelles elles sont confrontées. La partie suivante s'attarde plus en détail sur l'organisation institutionnelle, les structures de gouvernance et les autres formes de gouvernement possibles au niveau sous provincial. Le cinquième et dernier chapitre examine les leçons à en tirer et formule quelques suggestions quant à la capacité des collectivités à risque de relever les défis actuels et futurs.
Cela dit, je peux maintenant entrer davantage dans les détails, si vous le désirez, ou répondre à vos questions, selon ce que vous préférez.
La présidente : Si vous pouviez nous fournir brièvement quelques précisions, je pense que cela pourrait faciliter la discussion.
M. Bourne : La partie initiale du rapport fait valoir, ou du moins essaie de démontrer les transformations sociales et économiques qui ont eu lieu au Canada au cours des deux ou trois dernières décennies. Je dirais que sur le plan social, la principale transformation est de nature démographique. Nous sommes passés du haut taux de fécondité de l'après- guerre, le baby-boom, au taux de fécondité le plus bas que le Canada ait connu, et cela depuis les années 1970 et 1980, et cette transition démographique a des conséquences pour l'avenir des collectivités canadiennes.
Les changements dans le mode de vie et les changements économiques ont eu un effet parallèle, mais notre rapport porte principalement sur les changements démographiques. C'est notamment parce que ce sont les changements sur lesquels nous sommes les mieux informés et qui sont les plus faciles à prédire pour l'avenir.
Pour le moment, la croissance du Canada repose principalement sur l'immigration. Nous devons les deux tiers de la croissance à l'immigration. Au cours de la prochaine décennie, ce niveau atteindra près de 100 p. 100.
C'est la capacité des collectivités d'attirer et de garder les migrants qui détermine leur croissance. À en juger par les données récentes du recensement, la capacité d'attirer des migrants, et surtout des immigrants, varie énormément d'un bout à l'autre du pays. En fait, il s'agit peut-être du problème canadien. Toutes les transformations qui se produisent dans les autres pays ont lieu, au Canada, dans un contexte très diversifié. Cela donne des résultats très inégaux d'un endroit à l'autre.
Les petites collectivités rurales et isolées comptent parmi les collectivités les plus vulnérables face à ces tendances, et surtout les tendances démographiques. Pour un certain nombre de raisons — le rapport énumère leurs caractéristiques que je peux vous répéter — un grand nombre de ces collectivités ont de la difficulté à retenir leur propre population, surtout les jeunes, et énormément de difficulté à attirer les nouveaux immigrants. La structure démographique d'un grand nombre de petites collectivités rurales et isolées se concentre vers les cohortes les plus âgées. Il est facile de prédire ce qu'il adviendra de cette population au cours des 10 à 20 prochaines années.
Un des résultats de ces tendances est que le déclin démographique, accompagné d'un déclin sur le plan de l'emploi économique sera de plus en plus répandu et touchera principalement l'est du pays, surtout les régions qui comptent des petites collectivités rurales et isolées.
Une recommandation que nous formulons à la fin souligne la nécessité de tenir compte des réalités démographiques pour élaborer, ou chercher à élaborer des recommandations pour faire face aux répercussions de ces réalités. Je mentionnerais également que nous sommes les auteurs d'un des rapports produits pour le Secrétariat des initiatives de croissance intelligentes, de l'Ontario. Nous nous sommes penchés sur la région du centre-sud, mais je me souviens du rapport pour le nord-est de la province, qui était un excellent document sur ce que les gouvernements du nord de l'Ontario comptaient faire au cours des 10 à 20 prochaines années. À la page 59 de ce rapport, une note indique que la population du nord de la province a diminué de 15 p. 100 au cours de la dernière décennie et qu'elle continuera probablement à décliner dans une proportion au moins égale au cours des 10 prochaines années.
À mes yeux, cette dernière phrase, cette note fait perdre sa pertinence au reste du rapport sans intérêt. Il aurait fallu commencer par les réalités démographiques et économiques, à savoir le fait que la population du nord de l'Ontario sera nettement moins nombreuse qu'elle ne l'est maintenant et se demander : comment pouvons-nous le mieux permettre aux collectivités du nord de l'Ontario de vivre avec une population moins nombreuse? Bien entendu, très peu de gens veulent commencer par cette prémisse, mais telle est la réalité.
Ces collectivités sont confrontées à de nombreuses difficultés particulières. La plupart d'entre elles viennent de leur petite taille. Un grand nombre de petites localités rurales ou éloignées n'ont pas une économie diversifiée, ce qui veut dire qu'elles sont vulnérables aux chocs économiques externes. Un bon nombre d'entre elles ont des possibilités d'emploi limitées ou, si vous préférez, des marchés du travail restreints. Elles sont également confrontées à des coûts de production et de service élevés. Toujours en raison de leur taille et de leur assiette fiscale limitée, la plupart d'entre elles offrent un éventail limité de services publics et sociaux. Elles ont aussi de la difficulté à attirer des investissements de capitaux et, comme je l'ai déjà mentionné, des immigrants.
Un grand nombre de petites collectivités, peu importe où elles se trouvent, connaissent les mêmes difficultés. Notre étude visait surtout à démontrer que lorsque ces petites collectivités sont également isolées, ces difficultés sont multipliées. Au Canada, en raison de la vaste superficie du pays, un grand nombre de ces localités sont isolées. Cela veut dire qu'en général, lorsqu'il manque des emplois ou des services dans une collectivité, il n'est pas possible de les obtenir ailleurs.
Récemment, à l'occasion d'une conférence en Angleterre qui portait sur les collectivités périphériques, j'ai fait valoir qu'à l'exception de la région des Highlands, en Écosse, il n'y a aucun endroit, au Royaume-Uni, qui soit à plus d'une heure d'une grande ville ou d'une région métropolitaine. Au Canada, nous avons plusieurs centaines de localités qui entrent dans cette catégorie. Les conséquences de la petitesse et du manque de diversité ajoutées à l'isolement physique rendent ces collectivités extrêmement vulnérables à tout changement survenant sur le plan démographique, ce que nous constatons, ou survenant dans le domaine de l'emploi et du commerce.
C'est un début. Je me ferais un plaisir de continuer ou de répondre à vos questions.
La présidente : Je pense que nous avons déjà quelques questions à vous poser, monsieur Bourne. Nous pourrions peut-être laisser les sénateurs poser leurs questions. En y répondant, vous pourrez ajouter des idées supplémentaires lorsque vous le jugerez utile.
Le sénateur Oliver : Professeur Bourne, merci beaucoup de comparaître devant le comité ce soir. Je trouve votre thèse extrêmement intéressante.
Je sais que votre rapport a été publié en 2003. Quels changements avez-vous apportés à vos conclusions depuis?
Voici ce que je veux dire : les collectivités rurales sont en déclin, elles se dépeuplent et vous ne pensez pas que quoi que ce soit puisse renverser cette tendance. Depuis 2003, avez-vous trouvé une solution qui puisse arrêter l'exode des populations rurales vers les centres urbains, pas seulement des migrants, mais des gens qui vivent déjà dans les régions rurales et qui se déplacent vers les villes?
M. Bourne : Il est difficile de généraliser pour toutes les localités rurales et petites villes. Celles dont je parle sont celles qui ne sont pas situées à une heure ou une heure et demie d'une région métropolitaine. Je pense que pour ces collectivités, les défis sont entièrement différents. La situation est particulièrement difficile pour les petites collectivités isolées.
À la fin de notre rapport, nous parlons des subventions qu'il faudrait accorder pour les services dans ces collectivités et de certains incitatifs à la création d'emplois et au maintien des services dans le but de retenir les jeunes. Néanmoins, la mesure dans laquelle nous devrions subventionner ces collectivités périphériques est une question dont on discute actuellement.
Si vous êtes un économiste de marché et que vous croyez dans l'importance de l'efficience et du paiement par les usagers des services qu'ils utilisent et qui sont beaucoup plus coûteux dans ces collectivités isolées, vous n'êtes pas pour l'octroi de subventions. En ce qui me concerne, je me base sur le principe de l'équité ou de l'équité spatiale, dont je parle dans le rapport. Autrement dit, notre société a l'obligation de veiller à ce que les habitants de ces collectivités aient un accès raisonnable aux services et aux emplois. Il est toutefois difficile d'y parvenir.
Nous le faisons d'une certaine façon grâce à des incitatifs fiscaux, au moins au niveau du gouvernement provincial qui accorde des subventions fiscales aux citoyens de ces collectivités. Nous le faisons en subventionnant les routes, les soins médicaux et les établissements de santé. Dans certains cas, nous le faisons en délocalisant des emplois dans ces collectivités, mais c'est difficile.
Le sénateur Oliver : Permettez-moi de vous poser une autre question. Prenons une collectivité située à une heure et demie d'un grand centre urbain, qui a une économie surtout agricole, mais qui est dotée d'hôpitaux et d'une infrastructure importante. Vous semblez ne pas tenir compte du rôle que la technologie de l'information et les collectivités du savoir peuvent jouer pour faciliter la transition.
Richard Florida parle, dans ses livres, des sociétés intelligentes et du fait que les gens veulent se diriger vers des sociétés et des collectivités intelligentes. Ils peuvent faire beaucoup de choses au sein de collectivités du savoir qui ne sont pas nécessairement des grands centres urbains. Peut-on espérer, selon vous, que ces collectivités du savoir, qui sont situées à une heure et demie d'un grand centre urbain, pourront devenir autosuffisantes?
M. Bourne : Je pense que certaines d'entre elles le peuvent, en effet, mais qu'elles doivent présenter d'autres caractéristiques, comme Florida en conviendrait certainement, pour retenir les gens ou les attirer. Il faut qu'elles offrent certaines commodités ou un intérêt culturel ou historique. C'est effectivement une possibilité pour celles qui présentent ces caractéristiques.
Vous pouvez publier votre bulletin de nouvelles ou faire autre chose à partir de Whistler ou de la côte de Nouvelle- Écosse. Néanmoins, les collectivités qui n'ont pas une valeur d'agrément suffisante ont beaucoup de difficultés à attirer les migrants et à retenir leur population actuelle.
Nous recommandons de développer davantage le commerce électronique et les programmes d'éducation par Internet, ce qui pourrait s'appliquer n'importe où. On a néanmoins constaté dans la plupart des régions du monde qu'en l'absence d'une force d'attraction suffisante pour retenir les gens, cela ne fera que faciliter leur départ.
Le sénateur Mercer : Je n'ai pas lu votre rapport en détail, mais j'ai essayé d'en parcourir les recommandations, que je trouve intéressantes. Vous parlez de la planification du déclin et du caractère inévitable du déclin de ces collectivités. Vous dites qu'il y a des choix difficiles à faire. Vous mentionnez le gouvernement provincial, mais le gouvernement ne peut pas accorder de subventions à tout le monde, partout dans la province; pas plus que toutes les petites localités ne peuvent survivre et offrir un niveau minimum raisonnable de services et d'emplois. Vous ajoutez que la province devrait envisager de limiter l'expansion de l'établissement dans le nord de l'Ontario en fixant les conditions dans lesquelles elle garantira ou non l'accès aux services publics.
Voulez-vous dire que le gouvernement devrait abandonner le Canada rural et permettre une dégradation des services pour pousser les gens vers les centres urbains ou semi urbains?
M. Bourne : Non, ce n'est pas ce que j'ai dit. Le commentaire que vous mentionnez est sans doute celui qui frappe le plus. Il ne s'agit pas d'éliminer les localités ou les petites villes rurales. Nous disons qu'étant donné les réalités démographiques, il sera très difficile de soutenir toutes les collectivités. La plupart d'entre elles n'auront qu'un petit nombre d'habitants et il me semble peu probable que nous puissions leur fournir les services de santé nécessaires.
Le sénateur Mercer : Je viens de Nouvelle-Écosse, comme le sénateur Oliver. Plus loin dans votre rapport, vous parlez de méthodes novatrices pour planifier le déclin des collectivités et de convaincre ces dernières qu'elles connaîtront une décroissance ou que la province devra, dans certains cas extrêmes, accorder des subventions à la relocalisation. Vous dites qu'à long terme ces subventions seront presque certainement moins coûteuses que ce qu'il faudra débourser pour permettre à tout le monde de continuer à vivre dans des collectivités isolées.
Pour les gens de l'est du pays, notamment ceux de Terre-Neuve, des localités rurales du Cap-Breton, de la Nouvelle- Écosse et des autres régions de l'Atlantique, ce sont là des paroles hostiles.
M. Bourne : Oui, en effet.
Le sénateur Mercer : Lorsque vous laissez entendre que le gouvernement devrait relocaliser les citoyens, nous le ressentons comme une attaque. Les collectivités rurales de la côte terre-neuvienne ont déjà été dévastées par la fermeture de la pêche à la morue et nous avons eu des problèmes similaires dans d'autres régions de l'Atlantique.
Je voudrais savoir si j'ai mal compris? Est-ce bien là une de vos suggestions? Est-ce une chose que les gouvernements devraient envisager?
M. Bourne : Les gouvernements devraient l'envisager. Ils doivent réfléchir au genre de système d'établissement ou aux collectivités qu'ils pourront soutenir à long terme. Si le gouvernement estime qu'il peut les soutenir toutes, alors très bien.
Je vais vous citer un exemple qui ne vous sera peut-être pas utile, car c'est un exemple extrême. Il y a plusieurs décennies, j'ai élaboré un plan d'établissement pour les Territoires du Nord-Ouest qui, à l'époque, se développait assez rapidement en créant de nouvelles collectivités. À partir de notre analyse, nous avons fait valoir qu'il n'était pas nécessaire de bâtir de nouvelles collectivités dans le Grand Nord. Je ne sais pas si vous connaissez Uranium City, Sherridon ou les autres collectivités du Nord, dont la situation est un vrai cauchemar. Elles ont été soumises aux caprices du marché et lorsqu'elles ont perdu leur base économique, elles ont fermé leurs portes. Les gens qui y avaient investi ont perdu leur chemise.
Pour les Territoires du Nord-Ouest, nous avons recommandé de ne pas créer de nouvelles collectivités et que le gouvernement essaie plutôt de garantir des services de haute qualité, notamment dans le domaine de l'éducation et de la santé, dans un certain nombre de collectivités qu'il estimait pouvoir soutenir à long terme.
Telle est la situation, 30 ans plus tard. Aucune des mines d'or des Territoires du Nord-Ouest n'entraînera la création d'une ville. Les gens y travaillent pendant un certain temps et en repartent. C'est là un exemple extrême de collectivités isolées.
Le sénateur Mercer : Dans les Territoires du Nord-Ouest, il est question de planifier la croissance et non pas le déclin.
M. Bourne : C'était un plan qui prévoyait un déclin. Quand la mine n'est plus exploitable, vous fermez le camp de travail et la main d'oeuvre retourne vivre à Yellowknife. Dans ces collectivités du Nord, beaucoup de gens ont été incités à investir dans des logements, dans des entreprises, et cetera, mais 10 ans plus tard, la mine ferme et ils perdent tout. Nous finissons par en assumer le coût. Comme vous le savez, Uranium City, Sherridon et Lynn Lake sont des désastres ou des désastres potentiels.
Dans les régions rurales agricoles mieux établies, le défi n'est pas le même que dans le Grand Nord où, lorsque la mine ferme, tout est fini, il n'y a pratiquement rien d'autre à faire. Je trouve injuste d'attirer les gens vers ces collectivités alors qu'on sait que la durée de vie de la mine est relativement limitée.
Le sénateur Mercer : C'est sans doute la même chose dans le nord de la Colombie-Britannique où le dendroctone tue tous les arbres et sur la côte de Terre-Neuve où tout le poisson a déjà disparu.
Dans votre recommandation sur le développement économique, vous dites que les stratégies à cet égard devraient être conçues pour promouvoir la croissance dans les collectivités qui ont le plus grand potentiel. Bien entendu, c'est une recommandation que vous avez adressée au gouvernement de l'Ontario. Cela veut dire que vous avez demandé au gouvernement de désigner les gagnants et les perdants. Les gouvernements n'ont pas la réputation d'être très aptes à le faire. Par contre, sur le plan politique, nous disons que nous voulons desservir tous les Canadiens — dans notre cas, il s'agit des Canadiens, mais dans votre rapport, ce sont les Ontariens — de façon équitable en assurant le même niveau de service à tous.
J'ai des objections à ce que le gouvernement, qu'il soit fédéral ou provincial, désigne les gagnants et les perdants en ce qui concerne les villes de certaines régions du pays étant donné que, comme vous le décrivez, le marché s'en est lui- même chargé très rapidement.
M. Bourne : Oui.
Le sénateur Mercer : Les gouvernements devraient-ils mettre une infrastructure en place? Les gouvernements doivent-ils courir le risque avec les promoteurs privés?
M. Bourne : Oui. Richard Florida dira qu'ils devraient le faire, surtout dans les collectivités qui ont besoin d'un peu d'aide — encore une fois, ces collectivités sont relativement petites ou reposent sur un ensemble de fonctions ou d'industries qui ne s'en sortent pas très bien.
Le sénateur Mercer : Recommandez-vous le contraire?
M. Bourne : Non.
Le sénateur Mercer : Vous avez dit que c'est ce que recommanderait M. Florida, mais ce n'est pas ce que vous recommandez, n'est-ce pas?
M. Bourne : Non. Je dis simplement qu'à notre avis, la meilleure stratégie de développement est d'investir des ressources dans les collectivités qui ont les meilleures chances de succès. M. Florida serait également d'accord avec cet argument.
Cela soulève de sérieuses questions d'éthique, bien entendu. Dans un certain sens, nous préconisons de reconnaître les difficultés. À l'heure actuelle, nous partons généralement du principe que nous pouvons soutenir toutes les collectivités du pays, quelle que soit leur taille. C'est ce que nous aimerions pouvoir faire au nom de ce que j'appelle l'équité spatiale. Il est toutefois peu probable que nous y parvenions. Au fur et à mesure qu'augmentera la demande de services, il sera encore plus difficile de donner accès à des services médicaux et éducatifs appropriés.
Pour vous citer une perspective assez réaliste, à une récente conférence, un urbaniste de Thunder Bay a mentionné que la stratégie de planification de la municipalité consiste à créer la meilleure ville possible pour une population de 85 000 habitants. Thunder Bay compte actuellement 120 000 habitants et sait donc quel sera son avenir démographique. On compte prendre les meilleurs moyens possibles pour créer une ville qui offrira d'excellentes conditions de vie à 80 000 personnes.
La plupart des collectivités adoptent la politique de l'autruche en supposant qu'elles prendront de l'expansion, mais ce ne sera pas le cas pour la plupart d'entre elles. Thunder Bay essaie de relever le défi de la meilleure façon possible. Lorsque vous prévoyez une ville de 80 000 habitants au lieu de 120 000, vous commencez par prendre des décisions différentes. Ces décisions sont plus efficaces et plus équitables sur le plan social.
Le sénateur Callbeck : Merci, professeur Bourne, de partager vos opinions avec nous ce soir. Vous ressentez l'obligation, avez-vous dit, de faire en sorte que les citoyens aient accès à un niveau raisonnable de services et d'emplois dans les régions rurales. Pourtant, je lis dans votre rapport que la province devrait éliminer graduellement les programmes de développement économique régional. Comment justifiez-vous l'élimination de ces programmes qui visent à créer des emplois si nous avons l'obligation de faire en sorte qu'il y ait un niveau d'emplois raisonnable?
M. Bourne : Il y avait une grande divergence d'opinions au sein du comité d'experts. L'économiste qui en faisait partie estimait que les programmes de développement régional sont généralement inutiles et ne constituent pas un moyen efficace de fournir des emplois supplémentaires. À son avis, nous devions laisser le marché déterminer où doivent être les emplois.
Je me place davantage du point de vue de l'équité sociale et j'estime que nous devons nous montrer plus proactifs. Ce ne sont peut-être pas les agences de développement régional existantes qui devraient s'en charger, mais plutôt des initiatives sectorielles conçues en tenant compte des besoins de chaque collectivité et des possibilités qu'elle offre.
Le sénateur Callbeck : Et l'emploi? Vous suggérez, je crois, de ne pas recourir aux agences de développement régional existantes. Ai-je bien entendu?
M. Bourne : L'économiste qui faisait partie du comité a suggéré de ne pas y recourir. J'ai répondu à cela que si nous ne les utilisons pas, nous devrions adopter des stratégies sectorielles.
Le sénateur Callbeck : Pourriez-vous nous dire comment cela fonctionnerait?
M. Bourne : Ces stratégies seraient centrées sur l'éducation, la santé et, dans certains cas, la culture et le tourisme. Au lieu de se contenter d'accorder des subventions, ces agences prendraient des initiatives stratégiques adaptées à la collectivité en question. Dans certains cas, une approche culturelle serait préférable alors que dans d'autres, ce serait une approche industrielle et d'autres encore, une approche en matière de transport. Ces initiatives sectorielles pourraient venir des agences compétentes dans ces domaines. Elles seraient adaptées aux besoins futurs et aux collectivités à risque.
Le sénateur Callbeck : Des chercheurs de l'Université de la Saskatchewan qui ont comparu devant le comité ont fait valoir que les communautés rurales doivent unir leurs forces pour résoudre leurs problèmes. Je sais qu'un grand nombre d'entre elles ne peuvent pas le faire, car elles sont trop éloignées les unes des autres. Ces chercheurs ont laissé entendre que les collectivités devraient regrouper leurs ressources et générer des économies d'échelle. Avez-vous des exemples de cas où cela a été fait?
M. Bourne : Le rapport s'attarde longuement sur le nord de l'Ontario où la plupart des services sont fournis, au niveau régional, par les commissions régionales. Un grand nombre de collectivités de très petite taille sont dans la quasi impossibilité de fournir des services à cause de l'absence d'économies d'échelle. On pourrait généraliser en disant que dans le nord de l'Ontario, presque tous les services sont fournis à l'échelle régionale dans le cadre d'un regroupement de collectivités et que c'est la seule solution possible.
Si vous voulez conserver une certaine autonomie locale à l'égard des services au lieu de laisser la province les fournir en totalité, les collectivités locales doivent se regrouper au sein de districts de services régionaux. Je crois qu'en Saskatchewan, les soins de santé sont dispensés non pas par les collectivités, mais par les commissions régionales de santé. C'est certainement l'une des meilleures solutions.
La géographie du nord de l'Ontario rend les fonctions régionales encore plus complexes, simplement à cause de la distance. Il s'agit néanmoins d'une meilleure solution qui semble généralement satisfaisante.
Le sénateur Gustafson : Professeur Bourne, je vous remercie d'ouvrir la discussion sur un sujet très intéressant. Les centres urbains et les collectivités rurales semblent être en concurrence pour le financement disponible et, dans une certaine mesure, c'est le Canada rural qui a le dessous. Néanmoins, dans certaines grandes villes, nous constatons qu'il est pratiquement impossible aux salariés de devenir propriétaires de leur logement. Je crois que nos centres urbains vont connaître beaucoup de difficultés au cours des années à venir et qu'ils n'arriveront plus à financer ce qu'ils pouvaient financer il y a 30 ans.
Quand j'étais jeune, il n'était pas impossible d'acheter une maison ou un logement qui ne coûtait pas trop cher. Aujourd'hui, cette même maison vaut 500 000 $. Que va-t-il se passer dans ces grandes villes? Comparez la situation avec ce qui se passe dans les régions rurales. Par exemple, un témoin, de l'usine de pâtes de Prince Albert, nous a dit que lorsque l'usine a fermé ses portes, on ne pouvait même plus tirer 20 000 $ d'une bonne maison de trois chambres à coucher. Bien entendu, personne n'avait d'emploi et il n'y avait plus de raison de vivre dans cette ville. Ce sont-là de sérieux problèmes.
J'ajouterai une chose. Lorsque j'ai quitté Regina à 4 h 30, ce matin, l'avion était surtout rempli de jeunes qui se rendaient à Calgary, en Alberta. De toute évidence, ils se rendaient là-bas pour être au travail à 7 heures ou 8 heures. C'était un vol de deux heures ou plus. Telle est maintenant la tendance. Qu'en pensez-vous?
M. Bourne : Un des résultats de mon travail et de ce rapport — c'est bien le langage d'un universitaire — est que la croissance et le changement sont inégaux au Canada. Nous avons à peu près six grandes régions qui connaissent une croissance assez rapide tandis que, selon le recensement de 2006, dans le reste du pays, la population a diminué de 1 p. 100. Nous nous retrouvons devant la possibilité d'avoir deux Canada.
Ce n'est pas un partage rural-urbain. Vous avez quelques grandes régions, y compris les régions rurales qui les entourent, par opposition aux régions qui ne se développent pas pour une raison ou pour une autre. L'une des raisons est leur incapacité d'attirer des immigrants.
Comme vous le savez sans doute, il y a certains exemples de succès, notamment quelques petites collectivités du Manitoba qui, grâce à l'Accord Canada-Manitoba sur l'immigration, ont réussi à attirer les immigrants, des immigrants qui pourront s'intégrer. Elles font beaucoup d'efforts pour les aider à s'établir. Certaines de ces collectivités réussissent très bien dans la région agricole du sud du Manitoba.
À propos de ce que vous avez dit au sujet du logement, la séparation entre les deux Canada ne se fait plus entre l'Est et l'Ouest, les francophones et les anglophones ou entre les ruraux et les citadins. Elle a lieu entre les régions en expansion et le reste du pays. Pour ce qui est des caractéristiques qui les différencient, la principale différence se situe au niveau du prix du logement.
Dans certaines régions du pays, la valeur des logements se situe près de la valeur de leur démolition tandis que dans d'autres régions, elle est extrêmement élevée. Cette situation a des répercussions sur la mobilité de la main-d'œuvre, car il est difficile de déménager de Brandon à Victoria ou de New Liskeard à Toronto. Cela se répercute également sur le transfert de richesses d'une génération à l'autre. On pourrait faire valoir que les citoyens des petites collectivités en déclin ont, d'une certaine façon, perdu leur principal actif, ou du moins l'appréciation potentielle de cet actif, par comparaison avec quelqu'un qui vit à Vancouver ou à Calgary. Cela fait partie du transfert de richesses entre générations.
Les réalités démographiques dont j'ai parlé au début renforcent le fait que certaines régions connaissent une croissance contrairement à d'autres. À moins de trouver un moyen de disperser les nouveaux immigrants, l'écart entre le Canada qui se développe et le reste du pays va se creuser davantage. Dans certaines de ces petites collectivités, les gens vont rester coincés surtout à cause du coût du logement.
Le sénateur Gustafson : Les villes de la Saskatchewan que je connais — et j'ai siégé pendant 14 ans à la Chambre des communes et maintenant 14 ans au Sénat — comptent probablement aux alentours de 15 000 habitants; elles ont les hôpitaux et les installations dont elles ont besoin et ce sont les meilleurs endroits où vivre. J'estime que ce sont des endroits plus agréables que Toronto, car vous n'avez pas constamment à vous battre et il y a là une bonne vie communautaire. Lethbridge, par exemple, est une belle petite ville.
La présidente : Merci beaucoup. C'est la ville d'où je viens.
Le sénateur Gustafson : Ce sont des situations idéales. L'économie de ces villes repose probablement sur un champ de pétrole ou de gaz, une activité qui rapporte de l'argent et crée des emplois.
Ensuite, il y a les régions purement agricoles. Elles s'en sortent assez bien, mieux que celles dans lesquelles les usines de pâte ferment leurs portes. Je dirais seulement une chose : je crois que notre gouvernement a laissé tomber l'agriculture au Canada. Si nous comparons notre situation avec celle des États-Unis ou de l'Union européenne, je pense que nous sommes très loin de compte. Avez-vous quelque chose à dire à ce sujet?
M. Bourne : Un grand nombre de petites collectivités qui ont pris de l'expansion en tant que centres de services pour la population rurale constatent maintenant que la population qu'elles desservent est réduite à la moitié ou au tiers de ce qu'elle était avant. Elles se retrouvent au bas de l'échelle. Dans ces régions, y compris en Saskatchewan — et peut-être particulièrement en Saskatchewan — la population quitte les tout petits villages pour aller en ville, surtout les deux plus grandes, mais également dans certaines des petites villes que vous avez mentionnées qui ont une population de 15 000 habitants ou plus. Selon le dernier recensement, cette tendance ne s'appliquait pas à Moose Jaw ou North Battleford, dont la population diminue.
Si nous prenons la Saskatchewan et ses établissements et si nous disons qu'il est probable qu'à moins d'attirer davantage d'immigrants, la Saskatchewan va connaître un déclin démographique, il s'agit de voir quelle est la meilleure façon de répondre aux besoins de la population pour que la Saskatchewan reste viable et que ses collectivités restent saines et prospères.
De façon générale, je trouve inacceptable que tout le monde s'attende à une croissance. Lorsqu'elle ne risque pas de se produire, cette supposition fait courir des risques à beaucoup de gens, et surtout à la prochaine génération.
Je signale en passant que Lethbridge est en plein essor.
La présidente : En effet, mais elle est aussi entourée par des régions agricoles qui ont connu d'énormes difficultés à cause de l'ESB et de la sécheresse. Lorsque cela arrive, les villages et les villes sont soumis à des pressions évidentes. Les effets sont visibles.
Le sénateur Chaput : Pensez-vous que les gouvernements municipaux pourraient travailler ensemble? Je ne parle d'une régionalisation. Deux ou trois gouvernements municipaux pourraient voir ensemble ce qu'il est possible de faire pour garder les petites collectivités en vie. Pensez-vous qu'ils ont un rôle à jouer? Je n'ai pas lu le rapport, mais que pensez-vous des gouvernements municipaux?
M. Bourne : Voulez-vous parler d'un partage entre les gouvernements municipaux?
Le sénateur Chaput : Oui. Ils pourraient se réunir pour décider ensemble de ce qu'il est possible de faire pour permettre à ces collectivités de continuer à mener une vie décente au lieu de connaître un déclin.
M. Bourne : Je suis d'accord. Un grand nombre de petites collectivités ne pourront prospérer qu'à la condition de se joindre à celles avec qui elles partagent un espace commun ou dont elles ne sont pas trop éloignées. L'idée serait qu'elles travaillent ensemble pour qu'au moins l'une d'elles offre, par exemple, certains services spécialisés qu'elles ne pourraient sans doute pas posséder individuellement, mais qu'elles pourraient se partager.
Le sénateur Chaput : L'initiative vient-elle naturellement des gouvernements municipaux ou faut-il leur faciliter les choses pour qu'ils unissent leurs efforts?
M. Bourne : Je suis certain que cela ne se fait pas naturellement. Je ne parlerai pas de la capacité d'innover des gouvernements locaux, mais ces derniers ont généralement besoin de la carotte ou du bâton, la carotte étant un incitatif. Si vous vous regroupez, vous pouvez avoir un hôpital régional, mais seulement si vous êtes d'accord pour vous partager les services et sur le montant de votre contribution.
Comme je l'ai mentionné, dans le nord de l'Ontario, pratiquement tous les services, quels que soient leur importance et leur coût, sont maintenant offerts sur une base régionale. Il y avait trop de petites localités qui ne pouvaient pas assurer elles-mêmes ces services, que ce soit dans le domaine de l'éducation, de la santé ou d'autres services publics spécialisés. Il y a maintenant des districts régionaux. Je crois qu'il est assez courant, dans la plupart des pays occidentaux, de créer, dans les régions rurales et isolées, des synergies entre les collectivités qui ne sont pas trop éloignées pour le partage des ressources et des possibilités. Néanmoins, quelques incitatifs sont généralement nécessaires.
La présidente : Merci beaucoup, monsieur Bourne. Vous nous avez apporté une perspective intéressante des diverses régions du pays, y compris le Nord, auquel je m'intéresse particulièrement. Vous êtes à Toronto. La technologie est merveilleuse et fonctionne bien. Nous vous sommes très reconnaissants d'avoir pris le temps de discuter avec nous ce soir.
Nos prochains témoins sont Mme Vanini, directrice générale de l'Association des municipalités de l'Ontario, et M. Chris White, président de la Rural Ontario Municipal Association. L'Association des municipalités de l'Ontario est une organisation sans but lucratif qui représente les gouvernements municipaux et la Rural Ontario Municipal Association fait partie intégrante de l'Association des municipalités de l'Ontario. Nous disposons d'une heure pour couvrir un vaste éventail de sujets que nous avons déjà commencé à étudier. Nous avons hâte de vous entendre. Comme vous avez pu vous en rendre compte, ce ne sont pas les questions qui manquent.
Chris White, président, Rural Ontario Municipal Association : Bonsoir. Merci pour cette présentation. En plus d'être le président de la Rural Ontario Municipal Association ou ROMA, je suis également le maire de Guelph-Eramosa.
ROMA est un membre important de la famille AMO, l'Association des municipalités de l'Ontario. Nous représentons une bonne partie de l'Ontario rural.
ROMA et AMO croient que les collectivités rurales occupent une place essentielle dans notre tissu social. Les villes sont peut-être des moteurs de croissance, mais les collectivités rurales apportent une bonne partie de ce qui alimente la croissance et le développement. Il est essentiel pour assurer la durabilité à long terme de notre pays, de faire en sorte que ces collectivités soient saines et viables.
À bien des égards, la pauvreté est un problème municipal. Les personnes qui sont sans emploi, qui n'ont qu'un accès limité aux débouchés, aux services de garderie ou de transport; les personnes qui sont mal logées; les aînés qui se retrouvent seuls lorsque leur famille déménage, sont autant de gens qui vivent dans nos collectivités. La qualité de vie est assurée avant tout par les municipalités. Elles sont les premières à constater les conséquences de la pauvreté.
Dans les régions rurales en particulier, les conséquences de la pauvreté se manifestent de façon moins évidente. Les coûts que cela représente pour les municipalités ne sont pas seulement d'ordre financier. Lorsque les citoyens vivent dans la pauvreté, cela se répercute sur la viabilité de l'ensemble de la collectivité et risque de compromettre le potentiel futur de cette dernière. Les gouvernements municipaux ont un rôle important à jouer dans le développement économique. En Ontario, ils sont également les principaux fournisseurs d'importants services de santé et services sociaux. L'efficacité avec laquelle ils jouent ce rôle est toutefois, en grande partie, une question de ressources.
Les gouvernements locaux ont besoin de ressources financières et d'une marge de manoeuvre suffisantes pour répondre aux besoins locaux. Non seulement la politique fédérale et provinciale doit tenir compte des difficultés particulières des collectivités rurales, mais elle doit accorder à ces dernières un financement adéquat.
Les collectivités rurales sont confrontées à des défis qui sont à la fois de nature rurale et communs à l'ensemble du secteur municipal. Tout effort visant à remédier à la pauvreté rurale doit en tenir compte pour pouvoir aboutir. L'un des principaux obstacles qui se dressent devant les municipalités de tout l'Ontario est la subvention nette de trois milliards de dollars que les municipalités fournissent chaque année pour financer les services de santé, les services sociaux et les programmes de redistribution du revenu de la province.
En Ontario, cette politique dépouille les collectivités de leur capacité de relever les défis d'une économie mondiale en pleine évolution. En détournant des ressources des véritables services municipaux tels que le transport et les loisirs, on diminue la qualité de vie dans les collectivités rurales. Cela a pour résultat que les collectivités et les familles de l'Ontario sont celles qui paient les impôts fonciers les plus élevés au Canada.
Pour les familles qui ont du mal à joindre les deux bouts, ces impôts fonciers représentent un lourd fardeau qui les empêche de mener une existence confortable.
Il est important de ne pas oublier que les politiques donnent des résultats différents d'un endroit à l'autre. Ce qui peut bien fonctionner dans les centres urbains ou le sud de la province ne fonctionnera pas nécessairement dans les collectivités rurales du nord. Pour cette raison, il faut élaborer les politiques en tenant compte des besoins particuliers des régions rurales. Il faut respecter et prendre en compte les difficultés particulières auxquelles ces régions sont confrontées. Notamment, les décideurs politiques ne doivent pas oublier que, dans les collectivités rurales et du nord, les programmes coûtent souvent plus cher à mettre en oeuvre que dans les centres urbains. Il faut veiller à ce que la politique soit inclusive et reliée à un financement adéquat pour aider les collectivités rurales à réduire la pauvreté et à s'assurer d'une prospérité durable.
À part l'élaboration des politiques, les décideurs doivent envisager de nouvelles façons de permettre aux habitants des collectivités rurales d'accéder aux services. Une meilleure intégration, y compris un guichet unique, contribuerait largement à améliorer les conditions de vie des Canadiens, quel que soit l'endroit où ils vivent, grâce à un accès équitable aux services.
Les origines de la pauvreté rurale ne sont pas toujours bien claires. Cette pauvreté ne peut pas être attribuée à une cause particulière, mais plutôt à un certain nombre de facteurs. Néanmoins, l'un des principaux déterminants d'un bon niveau de vie est l'éducation et la formation. Dans les régions rurales et éloignées, l'accès à une bonne éducation peut poser un défi particulier.
La majorité des établissements d'enseignement postsecondaire sont concentrés dans les régions urbaines et du sud de l'Ontario. Pour les étudiants qui vivent en dehors de ces régions, l'accès à l'enseignement postsecondaire n'est pas seulement fonction des notes obtenues au secondaire. Pour fréquenter l'école, ils doivent s'éloigner de leur domicile, ce qui se traduit pas des frais de transport et de subsistance plus élevés. Le faible revenu de la famille et l'augmentation des frais de scolarité exacerbent ces difficultés. Il n'est pas étonnant que le taux de participation des étudiants des régions rurales à l'enseignement postsecondaire ne soit pas aussi élevé que celui des étudiants des villes.
Ces lacunes exigent une attention immédiate. Il faut explorer des moyens de mise en oeuvre plus novateurs et même des partenariats pour améliorer l'accès à l'enseignement postsecondaire. C'est surtout de l'éducation que dépend l'accès aux débouchés. Le prochain défi à relever consiste à veiller à ce que ces possibilités existent dans les collectivités rurales.
La migration vers l'extérieur et la difficulté d'attirer de nouveaux arrivants sont symptomatiques du fait que les collectivités rurales ont tendance à offrir moins de possibilités d'emploi que les collectivités urbaines. Avec davantage de chômage et une plus forte proportion d'enfants et de retraités que les centres urbains, les régions rurales ont moins de travailleurs pour soutenir la viabilité des collectivités locales. Pour assurer une répartition plus équitable, il faut pouvoir attirer et retenir des travailleurs qualifiés et inciter les jeunes et les personnes instruites à rester.
Pour faciliter les choses, il faut que la recherche et développement exploite les perspectives à long terme. « Rural » n'est pas synonyme de « agriculture » ou « industrie forestière » ou « industrie minière ». Des possibilités existent dans des domaines comme la médecine, le tourisme, la biotechnologie, l'aérospatiale et la génération d'énergie renouvelable. Ce sont des possibilités qu'il faut cultiver. Il faut créer des débouchés reliés à la nouvelle économie du savoir, de même que des emplois dans des domaines plus traditionnels. Cela favorisera le genre de développement général qui conduit à la prospérité locale à long terme.
Néanmoins, il n'est pas possible de créer de nouveaux débouchés sans le soutien de l'infrastructure locale, y compris la technologie de l'information et des communications, le transport ainsi que les réseaux d'eau et d'égout. Ce sont des éléments essentiels pour attirer de nouvelles entreprises et créer de nouvelles possibilités. Les municipalités ontariennes ont dû faire face à un important déficit sur le plan de l'infrastructure qui freine le développement économique rural. Dans ma municipalité de 12 000 habitants, notre déficit immédiat à cet égard se chiffre à 11 millions de dollars. Pour attirer des nouvelles idées et des nouvelles personnes, les collectivités doivent posséder toutes les caractéristiques de la nouvelle économie.
C'est également important pour les personnes qui vivent dans la pauvreté et que le manque d'infrastructure empêche largement de participer à l'économie. Dans les régions rurales, même si les services sociaux nécessaires sont en place, ils sont pratiquement inaccessibles si vous manquez de moyen de transport. Dans de nombreuses régions, le transport en commun abordable n'est qu'un rêve. Si un ménage peut se permettre d'acheter un véhicule, celui-ci sert souvent à transporter le gagne-pain de la famille jusqu'à son lieu de travail. Si on élimine le déficit que connaissent les municipalités de l'Ontario sur le plan de l'infrastructure et du transport en commun on leur permettra d'offrir les services requis pour remédier à la pauvreté et stimuler la création de nouveaux débouchés.
Il est également possible de créer des débouchés grâce à des initiatives de développement du marché du travail. C'est un domaine dans lequel les municipalités jouent le rôle de chef de file. Elles ont les mieux placées pour connaître la collectivité locale. Personne n'est mieux en mesure de déterminer quelles sont les difficultés et les possibilités locales et d'élaborer des stratégies pour en tenir compte. En reconnaissant leur compétence en la matière, le gouvernement fédéral et les provinces pourraient canaliser l'énergie et les ressources dans la bonne direction et faire en sorte que les stratégies d'emploi pour les collectivités rurales et du nord soient les plus efficaces possible.
La signature récente d'accords sur le marché du travail et l'immigration entre le Canada et l'Ontario représente d'importantes possibilités pour les collectivités rurales et du nord. Les municipalités travaillent déjà avec le Canada et l'Ontario à l'élaboration de stratégies de développement du marché du travail. Ce genre de partenariat accroît la probabilité que l'ensemble des besoins des municipalités seront satisfaits.
Ce genre de stratégies doit être soutenu par des programmes et des services qui appuient les citoyens de longue date ou les nouveaux arrivants. Les régions rurales manquent sérieusement de logements commodes et abordables. Certaines personnes déménagent en ville pour en trouver. Les ressources sur le plan de la santé publique sont également limitées dans certaines collectivités. Grâce aux ressources appropriées, les municipalités pourront fournir des services locaux qui contribueront à soutenir les stratégies de développement du marché du travail et d'immigration.
La pauvreté rurale représente aussi une menace importante pour la santé et la durabilité des collectivités. Les collectivités viables ont les ressources dont elles ont besoin pour assurer leur croissance et leur développement à long terme. Ce concept n'est pas simple et exige un engagement sur de nombreux fronts. J'ai mentionné la nécessité de tenir compte des répercussions des politiques sur les collectivités rurales et du nord. Cette approche peut être également utile pour la coordination des différents courants politiques. L'investissement dans des services de garderie, par exemple, ne relève pas seulement de la politique concernant la garde d'enfants. Il touche d'autres aspects de la collectivité tels que le marché du travail. Lorsque les ressources sont limitées, ce sont des liens particulièrement importants. Lorsque les politiques et les investissements sont stratégiques et bien pensés, ils peuvent aider à faire de la santé et de la durabilité des collectivités une réalité, et pas seulement un espoir pour l'avenir.
Il est nécessaire d'établir des liens plus directs entre les régions rurales et urbaines. Nous vivons dans un monde fondé sur des interconnections et des interdépendances. Il faut s'attaquer à la pauvreté rurale non seulement en tant que phénomène rural, mais également en tenant compte de ses répercussions sur l'ensemble du pays.
L'éducation et la sensibilisation sont nécessaires pour commercialiser les produits locaux et améliorer la viabilité du secteur primaire. Cela aidera à préserver la durabilité de notre approvisionnement en nourriture, de notre environnement et de notre économie au niveau local. Ce genre de liens exige un partenariat et une coopération entre tous les niveaux de gouvernement. Nous devons veiller à ce que nos objectifs soient alignés et à ce que nos stratégies s'intègrent. Le tout n'est fort que si chacune de ses parties l'est. Nous devons faire en sorte que la politique renforce toutes les municipalités et particulièrement les collectivités rurales. Nous avons besoin du soutien de nos partenaires fédéraux et provinciaux pour que nos collectivités rurales et du nord prospèrent au lieu de se contenter d'exister.
La pauvreté rurale est un problème complexe qui a diverses causes et divers effets. Nous croyons qu'en conjuguant nos efforts, nous pouvons faire de la prospérité une chose que tous les membres de notre société pourront partager.
Le sénateur Mercer : Monsieur White, vous avez parlé d'un accès limité à des débouchés, à des services de garderie et de transport et vous avez mentionné les problèmes de logement. Parlons des services de garde d'enfants. Le gouvernement actuel accorde aux familles 100 $ par mois pour chaque enfant en dessous d'un certain âge. Depuis que le programme a été lancé, avez-vous constaté des effets dans vos collectivités? Cela a-t-il changé quoi que ce soit?
M. White : Aucune répercussion financière directe. Il va peut-être falloir un peu plus de temps pour savoir vraiment si ce programme fonctionne.
Le sénateur Mercer : A-t-il créé des places de garderie supplémentaires?
M. White : Me demandez-vous si ces 100 $ ont élargi le marché des services de garde d'enfants?
La présidente : Je ne sais pas ce qu'il en est du marché, mais cela a-t-il augmenté l'offre?
M. White : Cela dépend sans doute du fournisseur de services. Si c'est un fournisseur de service de garde d'enfants sans but lucratif, les 100 $ apportent une aide supplémentaire aux parents, mais je n'ai pas de chiffres précis.
Le sénateur Mercer : Nous savons qu'un des principaux problèmes qui se posent dans les collectivités rurales c'est le manque de transport, surtout pour les pauvres. Si vous êtes pauvre et que vous vivez dans une région rurale, il est probable que votre emploi ne sera pas situé à proximité et que vous devrez parcourir une certaine distance pour vous y rendre. Les subventions actuelles au transport en commun n'ont pratiquement aucun effet sur la plupart des collectivités du nord de l'Ontario, n'est-ce pas?
Pat Vanini, directrice générale, Association des municipalités de l'Ontario : En Ontario, le financement du transport en commun est assuré par les gouvernements provincial et fédéral. Ce financement a rejoint certaines petites villes dans le cadre de ce que j'appellerais les besoins en transport spécialisé, mais pas les réseaux de transport en commun qui viennent à l'esprit de la plupart des gens lorsque nous parlons du transport en commun.
Dans l'Ontario rural, ce sont les routes qui constituent le réseau de transport et elles ont également besoin d'un investissement. Comme l'a dit M. White, les difficultés sont reliées en partie à l'investissement dans l'infrastructure. En Ontario, nous avons enregistré un énorme déficit sur ce plan pour diverses raisons. Lorsque je parle à mes collègues des quatre coins du pays, je constate que la situation est la même dans la plupart des provinces et des territoires.
La réponse à cette question est importante. Une analyse qui a été réalisée au début de 2000 ou 2001 révélait qu'en Ontario nous avions besoin d'environ 5 milliards de dollars par année, sur cinq ans, pour combler le déficit sur le plan de l'infrastructure de transport, des transports en commun, du logement social, et cetera. C'est une grosse somme d'argent. Nous n'obtiendrons pas autant, mais telle est l'ampleur du problème.
Les gouvernements aiment se délester de leurs responsabilités et les municipalités sont au dernier barreau de l'échelle financière. Comme l'a dit M. White, suite à ce délestage, les gouvernements municipaux de l'Ontario ont dû assumer un fardeau beaucoup plus lourd au fil des ans que ce n'était le cas par le passé. En Ontario, si nous n'avions pas à payer pour les programmes sociaux, qui devraient être financés par l'impôt sur le revenu, l'impôt sur les sociétés, et cetera, les trois milliards de dollars que cela nous coûte serviraient simplement à financer le déficit d'infrastructure de cinq milliards de dollars. Nous devons tout simplement trouver cinq milliards de dollars, mais ce n'est pas chose facile. Le calcul est parfois facile à faire, mais il est important de trouver une solution.
Si vous le permettez, je voudrais revenir sur ce que mon collègue a dit tout à l'heure au sujet des services comme les garderies, l'aide sociale et le logement social, lorsqu'il a parlé de la prestation des services au niveau régional dans le nord de l'Ontario. En fait, ce modèle a été appliqué à l'ensemble de la province, qui compte une cinquantaine d'agents de mise en oeuvre des services. C'était un moyen d'améliorer la prestation des services dont la responsabilité a été transférée aux municipalités. Cette situation ne se limite pas au nord de l'Ontario. Elle existe dans tout le sud de la province. Dans certains centres, cela relève directement du gouvernement municipal, comme c'est le cas à Toronto. Compte tenu de son importance, Toronto a son propre organisme de prestation des services. Il y a d'autres régions de la province dans lesquelles un certain nombre de municipalités se partagent des services.
Le sénateur Mercer : J'ai une question à poser au sujet des 3 milliards de dollars manquants, pas nécessairement pour ma propre gouverne, mais pour celle des téléspectateurs. Les 3 milliards de dollars dont vous parlez représentent la somme que les municipalités ontariennes doivent débourser pour offrir les services qui étaient fournis auparavant par la province. Est-ce une bonne interprétation?
Mme Vanini : C'est une bonne interprétation. Cela comprend sans doute aussi certains domaines que le gouvernement fédéral a cessé de financer. Si vous prenez le logement social et abordable, cette responsabilité a été entièrement confiée aux gouvernements municipaux de l'Ontario, tandis que la situation est différente dans les autres provinces et territoires. L'Ontario est dans une situation particulière à cet égard.
Le sénateur Mercer : L'Association des municipalités de l'Ontario et la Rural Ontario Municipal Association souhaitent-elles que le gouvernement fédéral assume de nouveau la responsabilité du logement social?
Mme Vanini : Le gouvernement fédéral a accordé certains montants d'argent pour le logement abordable. Nos difficultés viennent en partie du fait que le gouvernement fédéral s'est délesté du programme de logement social. Une partie de ces logements ont grandement besoin de rénovations importantes. Nous essayons d'attirer l'attention sur la façon dont il faut financer les nouvelles immobilisations, obligations, et cetera. Il faut s'en occuper. Je ne me souviens pas du chiffre exact, mais l'investissement à faire dans l'amélioration des immobilisations sur un certain nombre d'années se chiffre aux alentours de 13 milliards de dollars, pour l'ensemble de l'Ontario.
Le sénateur Mercer : C'est toujours le même problème. Si nous optons pour le logement social plutôt que le logement abordable, cela représente des frais d'entretien et d'administration.
M. White : Cela ne se limite pas au logement social. Les municipalités apprécieraient que les autres gouvernements assument de nouveau les responsabilités dont ils se sont délesté, que ce soit l'aide sociale, la Police provinciale de l'Ontario, le logement social et tout le reste, car tout cela est financé par les impôts fonciers et c'est un fardeau qui limite notre capacité de fournir les services dans nos collectivités locales. Les personnes qui ont un revenu fixe ont de la difficulté à conserver leur maison à cause de l'impôt foncier. C'est un principe qui s'applique de façon générale, selon moi.
Le sénateur Mercer : Monsieur White, vous avez dit que l'éducation ouvrait la porte aux possibilités, et je suis d'accord. J'ai aussitôt noté la question suivante : que peut faire le gouvernement? Vous avez ajouté qu'il y avait des possibilités dans le domaine de la médecine, du tourisme, de la biotechnologie, de l'aérospatiale et de la génération d'énergie renouvelable, mais comment reliez-vous les deux? Comment le gouvernement peut-il tenir compte du fait que l'éducation ouvre la porte à des possibilités pour le Canada rural pour mettre en place un programme qui va fonctionner et apporter de l'aide?
M. White : Il est possible d'établir des écoles dans certaines régions rurales où l'on pourrait développer des sources d'énergie de remplacement et se livrer à diverses activités de ce genre. Il s'agirait aussi d'installer l'Internet à haute vitesse et le service à large bande dans certaines collectivités qui n'y ont pas accès afin de pouvoir offrir des cours en ligne. Il n'est même pas nécessaire de bâtir des écoles. L'idée voulant que les gens aillent en ville pour s'instruire est périmée avec la technologie d'aujourd'hui. L'investissement dans le service à large bande pourrait être une solution.
Mme Vanini : Thunder Bay, par exemple, a maintenant un hôpital universitaire qui est le premier implanté dans le nord de l'Ontario. Cette initiative a été prise pour un certain nombre de raisons, dont le fait que si nous enseignons la médecine aux gens du Nord, ils seront plus enclins à rester dans la région. Il sera intéressant de voir dans quelle mesure cette théorie va se vérifier, mais c'est un bon exemple du genre d'investissement que l'on peut faire et qui permet d'atteindre un certain nombre d'autres objectifs en même temps.
Le sénateur St. Germain : Toujours au sujet de l'éducation, quelle est, selon vous, la meilleure façon de résoudre le problème? Monsieur White, vous avez indiqué dans votre exposé, je crois, qu'un grand nombre de jeunes des régions rurales n'ont pas accès à une éducation d'aussi bonne qualité que les enfants des villes. Je me suis beaucoup intéressé, avec d'autres membres de ce comité, aux questions autochtones, et le problème est le même pour la population autochtone, ce qui a également, j'en suis sûr, des répercussions dans certaines de vos collectivités rurales.
Chacun devrait avoir, en vertu de la Constitution, accès à une éducation de qualité. Si l'éducation était uniformisée à l'échelle de l'Ontario, par exemple, quelles répercussions cela aurait-il, à votre avis, sur la pauvreté rurale?
M. White : Je pense à ce qui s'est passé dans les années 1960 lorsque les universités se sont répandues tout à coup dans l'ensemble de la province et aux répercussions que cela a eu sur les collectivités et l'éducation des gens en dehors des régions comme Toronto et Kingston. L'accès a augmenté de façon spectaculaire.
Si vous répartissez équitablement dans l'ensemble de la province des annexes des établissements universitaires ou d'enseignement, vous rendrez l'éducation plus accessible. C'est avant tout une question de coûts, que ce soit les frais de transport, de scolarité ou les livres. Si je peux suivre des cours à côté de chez moi, je serais plus porté à y aller alors que si je dois me rendre à Toronto, ce n'est pas une chose que ma famille pourra nécessairement se permettre.
En répartissant un peu mieux les services, vous abaissez les coûts de participation. C'est une simple question de logistique.
Le sénateur St. Germain : Est-il difficile de recruter les enseignants capables d'enseigner au même niveau que dans les meilleures écoles urbaines? Au cours des études que nous avons effectuées depuis 15 ans que je siège ici, nous avons constaté que, dans la plupart des cas, la qualité de l'éducation qu'une personne a reçue est directement reliée à sa capacité d'améliorer son sort sur le plan économique.
M. White : Parlez-vous de la qualité de l'enseignement disponible?
Le sénateur St. Germain : Oui, de la qualité des enseignants. C'est un des principaux problèmes dans les communautés autochtones isolées et je me demande si c'est la même chose dans vos collectivités isolées.
M. White : Je ne connais pas toutes les écoles normales, mais j'ai tendance à croire que la plupart des enseignants qui sortent d'une école normale accréditée de l'Ontario ont généralement le même niveau de formation. Vont-ils rester dans les collectivités autochtones du Nord? Là encore, c'est un problème de nature plus générale. La situation est la même pour les médecins. Tout est interrelié. Plus une collectivité offre une bonne qualité de vie et un bon niveau de vie, mieux elle est en mesure d'attirer un bon enseignant ou un bon médecin.
Le sénateur St. Germain : A-t-on jamais songé à payer davantage certaines de ces personnes pour qu'elles aillent travailler dans les régions éloignées?
M. White : Il faudrait en parler avec les conseils scolaires. Cela dépend de ce qui se passe au niveau d'une première nation.
Mme Vanini : Comme l'a dit M. White, quelle que soit la profession, la difficulté est d'abord d'attirer les gens et ensuite de les retenir. Quant à ce que les gouvernements municipaux peuvent faire, en Ontario, des dispositions législatives très limitatives permettent aux municipalités d'accorder des primes pour certaines activités. Une exception permet à la municipalité d'investir dans un centre médical, des logements spéciaux et d'autres incitatifs pour attirer des médecins.
Nous avons une très longue liste de collectivités mal desservies, et pas seulement dans les régions rurales. Cela comprend certaines municipalités de taille moyenne ou même de grande taille. Même à Toronto, les services sont insuffisants. Voilà pour ce qui est d'attirer les gens, mais il faut aussi les retenir. Si l'écart est énorme, il y a de la concurrence et les gens vont ailleurs.
Souvent, les personnes qui viennent exercer leur profession dans une collectivité arrivent avec leur famille et il faut donc trouver un moyen de répondre aux besoins de toute la famille. Il y a certainement des possibilités du côté de l'immigration. Il y a plusieurs mois, j'ai reçu une demande d'un député qui connaissait un ingénieur qualifié incapable de trouver un emploi à Toronto et dont la femme avait une formation médicale. Ces personnes ne connaissaient pas suffisamment l'Ontario pour savoir où aller.
Dans le cadre de l'Accord Canada-Ontario sur l'immigration et d'autres dispositions, nous devons faire comprendre aux gens que l'Ontario est une grande province et leur faire savoir où se trouvent les débouchés. De nombreuses municipalités ontariennes comptent sur l'immigration pour combler leurs besoins en main-d'oeuvre qualifiée et pour améliorer les autres caractéristiques de leurs collectivités.
Le sénateur Callbeck : Je voudrais vous poser une question sur la santé des Canadiens des régions rurales, car selon une étude de l'Institut canadien d'information sur la santé, les ruraux ne sont pas en aussi bonne santé que les citadins. Il est dit dans cette étude que les Canadiens des régions rurales ont tendance à fumer plus, à boire plus, à manger moins de légumes et à faire moins d'exercice. Le résultat est qu'ils ont tendance à mourir à un plus jeune âge et à souffrir de plus de maladies. Quelle en est la raison, à votre avis? Que pouvons-nous faire pour y remédier?
M. White : C'est une étude intéressante. Je ne sais pas d'où viennent ces données.
Je dirais que la différence dans la longévité est reliée en partie à l'accès aux services. Il est certain que vous avez plus de chance de survivre à une crise cardiaque s'il y a une ambulance au coin de la rue que si vous êtes dans une ferme. Certaines différences dans le mode de vie sont peut-être simplement attribuables à l'absence de services. Autrement dit, dans une grande ville, il y a bien d'autres choses à faire que de rester chez soi à boire de la bière et à fumer des cigarettes. Je suppose que c'est une des raisons. Cela peut être dû en partie aux distractions offertes, à la qualité de vie en ville, à ce qui s'y passe et à ce qui vous incite à y rester.
Il y a aussi, j'en suis sûr, l'accès aux médecins. Ma municipalité, qui se trouve à côté de Guelph, dans l'agglomération urbaine de Toronto et qui compte 12 000 habitants, a un médecin pour 2 000 patients. Nous essayons désespérément de constituer une équipe de santé familiale et d'attirer des médecins. L'un d'eux souhaitait venir chez nous, mais il fallait que sa femme trouve un emploi au conseil scolaire. Comme on l'a dit, il y a une dimension familiale.
Ce sont là des généralisations, mais il semble probable qu'un citadin qui a facilement accès à un médecin ou à un dentiste le consulte régulièrement et prend soin de sa santé. Dans une région rurale, les gens n'y ont pas facilement accès et il faut beaucoup plus de temps pour obtenir les services de santé de base. Si vous annulez un rendez-vous, le délai d'attente est deux fois plus long.
Cela dépend en partie du mode de vie, de l'accès à des distractions, de la capacité d'obtenir des services et de la disponibilité des services d'ambulance et de secouristes.
Mme Vanini : J'ai été élevée dans un village d'environ 1 500 habitants. Quand j'étais jeune, il y avait un monsieur qui se rendait en ville à pied après avoir mangé au petit déjeuner trois oeufs et une demi-livre de bacon et qui venait chaque jour dans le magasin de vêtements pour hommes de mon père pour acheter sa ration quotidienne de tabac à chiquer. Il a vécu jusqu'à 96 ans. Mon grand-père était fait du même bois.
À certains égards, je ne suis pas certaine que mon mode de vie soit le meilleur. C'est sans doute en partie à cause de la nature de la collectivité, et parfois aussi pour une question de génétique. J'espère avoir ces gènes.
C'est aussi, je pense, une question de sensibilisation. Nous sommes mieux informés. La recherche nous a appris davantage de choses sur notre corps, la façon dont il réagit et la médecine a progressé. Nous sommes plus éclairés. Le fait que les gens obtiennent ces renseignements — si toutefois ils les obtiennent — joue peut-être aussi un rôle. Je pense que l'on est davantage sensibilisé à ces questions grâce aux efforts des services de santé publique.
Pour ce qui est de la régionalisation, des réseaux locaux de santé intégrés sont actuellement créés en Ontario. Il sera intéressant d'en voir les résultats. Pour ceux qui avaient l'habitude d'obtenir des services assez près de chez eux, c'est une forme de régionalisation qu'ils ressentiront différemment. Quant à savoir si le niveau de service s'améliorera ou empirera, cela reste à voir, car cette initiative ne fait que commencer.
Vous pouvez tout organiser et réorganiser à de nombreuses reprises. En fin de compte, il faut pouvoir mesurer les résultats. J'ai peur de lire un jour un rapport disant que le programme n'a pas tout à fait atteint son but. Nous aurions peut-être dû examiner cela plus tôt.
Comme je travaille au gouvernement depuis plus de 25 ans — je viens de révéler un grand secret — j'ajouterais que nous avons besoin de diverses solutions. L'Ontario est une province diversifiée. Je n'ai aucun doute à ce sujet, car je travaille à l'AMO depuis plus de 10 ans. Notre pays est également diversifié et nous avons donc besoin de programmes très souples.
J'ai travaillé aussi bien au niveau provincial que municipal, ainsi qu'à l'AMO et je peux dire que les collectivités comprennent très bien quels sont leurs besoins. Donnez-leur les outils voulus et elles pourront se charger du travail. Elles peuvent faire preuve d'innovation. Le problème est qu'elles n'ont pas l'argent nécessaire. Malheureusement, dans bien des cas, le plus difficile est d'obtenir le financement voulu.
Le sénateur Callbeck : Je suis d'accord avec vous.
Le sénateur Oliver : Je remarque une différence frappante entre votre témoignage et celui de M. Larry S. Bourne, un professeur de géographie et de planification à l'Université de Toronto qui a témoigné juste avant vous. Je sais que vous n'étiez pas là pour entendre la totalité de son témoignage, mais il a dit qu'il avait réalisé une importante étude en Ontario et que cette étude, qui a été publiée en 2003, montrait que les gens déménageaient vers les centres urbains. Ils quittent les régions rurales dont la population s'amenuise pour diverses raisons, notamment le faible taux de fécondité et le fait que les gens ne veulent pas rester parce qu'ils peuvent gagner plus d'argent en ville. Il a dit que les régions rurales n'ont plus vraiment leur place, qu'elles connaissent un déclin rapide et que nous devrions nous préparer au dépeuplement du Canada rural.
Gardez-vous des espoirs pour le Canada rural et, si c'est le cas, sur quoi se fondent ces espoirs?
M. White : C'est une observation intéressante. Il serait difficile de nier que de vastes régions de la province, en particulier, se dépeuplent. Néanmoins, comme je l'ai dit, la province est diversifiée. Dans ma région, qui est une région rurale, notre principal problème est celui de la croissance. Elle est considérable.
Il y a de nombreuses régions, juste à l'extérieur de la ceinture verte, dans le fer à cheval autour de l'agglomération urbaine de Toronto, qui ont surtout un problème de croissance et d'infrastructure à tel point qu'on voudrait peut-être y mettre un frein. C'est assez ironique car le nord se dépeuple parce qu'il n'y a pas d'emplois, les jeunes partent et les collectivités disparaissent.
Comment résoudre ce problème? Cette situation est-elle inévitable? Est-ce le résultat de la mondialisation ou parce qu'il s'agit de villes monoindustrielles? C'est complexe.
Je dirais que le concept des régions dont il a parlé est logique en ce sens où le problème ne met pas seulement en opposition les villes et les campagnes. Il y a de nombreuses régions rurales qui sont viables, le long du lac Huron, jusqu'à Tobermory, par exemple. Un grand nombre de régions rurales de l'Ontario sont très dynamiques et peuvent très bien survivre.
Il s'agit de préserver le mode de vie rural dans un contexte urbain. Dans certains cas, la province ne permet plus de diviser les terres agricoles dans les régions rurales afin d'empêcher l'éparpillement des hameaux et de préserver une agriculture plus rurale. Il faut que le secteur agricole trouve des moyens de profiter de l'agrotourisme ou d'offrir des activités à valeur ajoutée sur ses terres, auquel cas nous avons besoin d'une révision de la fiscalité au niveau provincial.
Il est peut-être vrai que l'Ontario rural est en déclin dans certaines régions. Il y a un déclin général; c'est indéniable. Ce déclin est-il total? Absolument pas. La ruralité est-elle dépassée? C'est une affirmation plutôt exagérée.
Une chose que nous disons et que nous entendons — même si cela semble être un cliché — c'est que les campagnes insufflent aux villes une bonne partie de leur énergie. Si vous preniez Toronto et que vous la transplantiez toute seule sur la lune, elle aurait beaucoup de difficulté à survivre sans le monde rural qui l'entoure. Je crois donc que c'est une affirmation trop générale.
Mme Vanini : Je suis planificatrice de formation. C'est une chose que nous avons en commun, M. Bourne et moi. Il a absolument raison de dire que la planification de la croissance est relativement plus facile que la planification du déclin. Cela ne vous amène pas à vous demander à partir de quel moment certaines de ces collectivités doivent renoncer. Je ne sais pas si c'est là où vous vouliez en venir, mais c'est très difficile.
Un peu partout au Canada, de nombreux gouvernements municipaux se sont fusionnés, soit par choix, soit parce que quelqu'un d'autre l'a décidé pour eux. J'ai vu des collectivités en difficulté lorsqu'on leur a imposé ce genre de chose. Il y a des façons de s'en sortir. Néanmoins, je ne peux pas imaginer qu'un gouvernement dirait : « Vous devez partir. Vous ne pouvez plus rester vivre dans cette collectivité ». C'est une théorie intéressante, mais en réalité, je ne pense pas qu'on puisse le faire. Nous avons des villes fantômes, mais elles sont mortes pour toutes sortes de raisons bizarres.
Lorsque je regarde autour de moi, je vois beaucoup d'énergie dans nos collectivités. Nous devons libérer cette énergie et trouver le leadership nécessaire. M. Bourne a aussi parlé de la mine d'or d'Elliott Lake. Lorsque cette mine d'or a été fermée, cela s'est répercuté sur la cote de crédit de tout le monde, y compris la province de l'Ontario. Elliot Lake s'est maintenant taillé une place comme ville de retraités dans le nord de la province, mais elle a dû établir une stratégie pour atteindre cet objectif. Elle comportait de nombreux éléments. Si nous voulons devenir l'endroit de choix pour les retraités du nord, de quoi aurons-nous besoin? Nous aurons besoin de services de santé. À quoi ressembleront- t-ils? Comment les obtenir? Comment les financer? Que ferons ces personnes lorsqu'elles seront ici? Elles auront besoin d'installations récréatives. À quoi ressembleront ces installations? Comment les financer?
Cela exige une analyse assez approfondie et une planification du déclin. Elliott Lake connaît une croissance, mais toujours relative. Il faut y mettre beaucoup de soin. Vous ne pouvez pas avoir des programmes qui ne dureront qu'un an ou deux. Sur le plan de l'éducation et des garderies, vous avez besoin de programmes pendant plusieurs générations. C'est important. Si nous voulons que nos jeunes soient bien instruits, nous devons planifier également pour la génération suivante. Ce sont des investissements qui vont au-delà d'un ou deux mandats. Ce sont des investissements sur toute une vie, dont les résultats doivent pouvoir être mesurés et améliorés et qui permettent aux familles d'évoluer.
Je voudrais vous faire part de l'énoncé de mission que notre association a établi il y a quatre ou cinq ans. Il touche à l'essence même de ce que je considère à la fois comme un problème urbain et un problème rural. Il dit que dans les municipalités de l'Ontario, les gens et les familles peuvent vivre, s'épanouir et prospérer dans leur milieu et que les enfants auront le choix et la possibilité de vivre et de travailler dans la collectivité où ils ont été élevés.
C'est vrai que vous viviez dans l'Ontario rural ou l'Ontario urbain. Je réside à Toronto. Je ne pense pas que mes enfants auront jamais les moyens de vivre à Toronto. Ils devront quitter la collectivité dans laquelle ils ont grandi. C'est la même chose dans l'Ontario rural.
Le sénateur Oliver : Dans votre document, vous dites qu'il est difficile de retenir les jeunes dans les régions rurales parce qu'ils vont vers les villes où ils peuvent gagner plus d'argent.
Mme Vanini : Lorsqu'ils seront prêts à acheter une maison, mes enfants devront aller dans l'arrière-pays de Toronto. Voilà le problème. Je pense que les gens vont quitter les collectivités où ils sont nés et où ils ont grandi et dans lesquelles ils souhaiteraient sans doute pouvoir rester, et que cette tendance va augmenter de façon incroyable. C'est une question de choix.
Le sénateur Oliver : Vous représentez la Rural Ontario Municipal Association et pour moi, le mot « municipal » signifie que vous devez subsister avec l'argent des impôts que vous pouvez lever. Les gens du Canada rural sont pauvres et si la pauvreté devient un problème important dans le Canada rural et que les gens n'ont pas les moyens de payer leurs impôts, que feront les municipalités pour entretenir l'infrastructure dans les régions rurales?
M. White : Ce n'est pas possible. S'il n'y a pas d'argent pour construire une route, vous ne pouvez pas la construire. Ce plan quinquennal deviendra un plan sur 15 ans.
Le sénateur Oliver : Cela nous ramène alors directement à la thèse de M. Bourne.
M. White : Je suis d'accord. J'essaie de faire comprendre qu'à mon avis une grande partie de l'Ontario rural est viable et survivra. Il y a des régions qui requièrent une attention supplémentaire, cela ne fait aucun doute, mais il est faux de dire que l'Ontario rural dans son ensemble n'est pas viable et disparaîtra.
Mme Vanini : Pour que ce soit plus clair, permettez-moi de parler du point de vue de l'Ontario. Les gouvernements municipaux tirent la majeure partie de leurs recettes des impôts fonciers ou des frais d'utilisation et, dans certains cas, des subventions. Je peux vous citer des chiffres approximatifs pour l'Ontario. Les gouvernements municipaux lèvent environ 18 milliards de dollars d'impôts fonciers. C'est la forme de fiscalité la plus régressive qui soit. Je tenais à le mentionner, mais vous le savez déjà. En Ontario, sur les 18 milliards de dollars d'impôts fonciers que nous percevons, six milliards vont automatiquement au gouvernement provincial pour financer l'éducation, car c'est lui qui assure et finance l'éducation, mais c'est en partie avec l'argent des impôts fonciers. Les trois milliards de dollars dont nous avons parlé représentent l'argent que nous devons fournir à la province pour l'aide sociale, les garderies, la santé publique, le logement, et cetera.
Si vous additionnez six milliards de dollars pour l'éducation et trois milliards de dollars pour le délestage des responsabilités, cela donne neuf milliards de dollars. Autrement dit, sur chaque dollar d'impôts fonciers, le gouvernement municipal perd 50 cents; sur chaque dollar, il y a 50 cents qui vont vers un autre palier de gouvernement. Si nous pouvions conserver ces 50 cents, nous pourrions faire plus sur le plan de l'infrastructure et pour créer des activités favorisant un mode de vie sain. Telle est la nature du problème en Ontario qui se distingue en cela des autres provinces et territoires.
M. White : Nous n'avons aucun droit de regard sur l'argent qui est enlevé aux municipalités. Le gouvernement provincial peut adopter une politique ou une mesure législative pour augmenter ce que la municipalité paie chaque année, et cette dernière doit simplement payer la facture sans avoir son mot à dire.
Le sénateur Chaput : Monsieur White, vous avez parlé de l'accès à l'Internet à haute vitesse. Il ne fait aucun doute que toutes les collectivités devraient y avoir accès. Les collectivités rurales ont des enfants, des entreprises et des hôpitaux, mais pas d'Internet à haute vitesse. Même s'il y a l'Internet, s'il n'est pas à haute vitesse, il est trop lent.
Je ne vous ai entendu, ni l'un ni l'autre, parler des gens de métiers et des répercussions positives de ces métiers sur les collectivités rurales. Par exemple, un électricien ou un plombier pourrait gagner décemment sa vie dans une petite localité rurale en travaillant dans une ou deux municipalités avoisinantes. Je ne pense pas que vous ayez abordé cette question dans votre exposé, n'est-ce pas?
M. White : Non, mais je ne suis pas certain de comprendre votre question.
Le sénateur Chaput : Par exemple, vous croyez dans l'éducation, mais si une municipalité faisait davantage la promotion des métiers et envoyait dans les collèges professionnels certains des jeunes qui ne veulent pas aller à l'université, ces derniers pourraient revenir travailler dans la collectivité. Avez-vous examiné cette possibilité?
M. White : Maintenant je comprends. Je suis entièrement d'accord. Nous n'avons pas privilégié une forme d'éducation plus qu'une autre. Nous parlons de l'accès à l'éducation en général. Je ne parlais pas uniquement des universités. Comme chacun sait, les métiers offrent des carrières viables à long terme et qui sont, dans certains cas, assez lucratives. En raison du caractère que le système d'éducation a pris au cours des 20 dernières années, tout le monde veut aller à l'université. Nous pourrions former des plombiers et des maçons sur place. Il est peut-être possible d'établir une école de métiers dans une collectivité rurale parce qu'on a besoin d'électriciens et d'autres gens de métiers. C'est une des pièces du casse-tête de l'éducation. Nous avons tellement de retard sur ce plan-là en ce moment que c'est peut-être l'occasion d'améliorer les choses dans la provinces.
Comme vous le savez sans doute, un grand nombre de gens de métiers approchent de l'âge de la retraite. Il va y avoir une énorme pénurie et c'est peut-être là une bonne occasion qui s'offre là. Si la province ou le gouvernement fédéral voulait établir quelques écoles de métiers dans les régions rurales, nous serions certainement d'accord.
Mme Vanini : Je dirais simplement que mon fils veut devenir électricien et qu'il suit un programme d'apprentissage, mais vous devez d'abord trouver quelqu'un prêt à vous prendre. C'est extrêmement difficile. Cette recherche peut vous prendre toute la journée.
Je voudrais aussi revenir sur la question non seulement de l'Internet à haute vitesse, mais de la technologie des téléconférences. Dans le cadre du programme d'apprentissage, il faut suivre des cours de formation. Si vous résidez dans une région rurale de l'Ontario, l'accès à cette technologie faciliterait également les choses sur ce plan-là.
Comment y arriver, voilà la question. Il va falloir investir dans ces installations. D'après ce que me disent les personnes qui suivent une formation par Internet, ce n'est pas aussi dynamique qu'un face à face avec un expert, même par l'entremise d'une téléconférence en salle de classe.
Comme l'a dit M. White, certaines choses peuvent se relier facilement les unes aux autres. C'est un bon exemple qui montre qu'on peut aller loin en reliant différents objectifs et intérêts.
Le sénateur Gustafson : Pour ce qui est des répercussions de la mondialisation sur notre société, j'ai l'impression que nous n'avons pas fait suffisamment de recherche. La moitié de notre société s'oppose au libre-échange ou à tout mouvement vers la mondialisation. Il y a bien des régions du monde qui ont des effets sur nous et j'en mentionnerai quelques-unes. La Chine et l'Inde, par exemple, font de la transformation et de la fabrication. Si cela n'avait pas de conséquences sur l'industrie manufacturière de l'Ontario, j'en serais bien étonné.
Je ne pense pas que nous soyons suffisamment informés sur ce plan. Par exemple, nous nous dirigeons vers l'éthanol. Savons-nous à quel point les Américains sont en avance sur nous pour ce qui est des usines d'éthanol? Ils nous disent qu'ils ont consommé tout leur maïs à tel point qu'ils n'en ont plus pour nourrir leur bétail. Voilà à quel point cette industrie a pris de l'essor.
Au Canada, nous n'avons pas fait suffisamment de recherche dans ces domaines et, dans le secteur de l'agriculture, cela a d'énormes conséquences pour nous. Dans le secteur de la fabrication, il suffit de regarder du côté de Chrysler, GM et des fabricants de pièces. Ils ont d'énormes difficultés. Notre pays devraient faire plus de recherche pour savoir quels sont les domaines dans lesquels nous réussissons et ceux dans lesquels nous sommes en sérieuses difficultés.
M. White : Vous avez absolument raison. Le problème ne se pose pas seulement au niveau des campagnes, mais aussi au niveau des villes. Les conséquences sont peut-être plus dévastatrices dans une collectivité rurale que dans une ville monoindustrielle lorsque l'activité minière se déplace vers l'Amérique du Sud ou lorsque l'industrie forestière connaît des difficultés et que la concurrence internationale pose des problèmes. L'éthanol est une bénédiction pour nos agriculteurs. Je crois qu'au Mexique, les gens qui font les tortillas manifestent dans la rue parce que le prix du maïs a atteint des niveaux records. Nous sommes mal informés sur toute cette dynamique.
Je le répète, je suis d'accord avec vous. Nous avons certainement besoin de faire de la recherche pour élaborer un plan à long terme. Des possibilités s'offrent à nous. Tout n'est pas nécessairement négatif. Du point de vue de l'agriculture, l'éthanol est peut-être l'une des choses qui nous aideront à survivre.
C'est une réalité à laquelle nous devons faire face. C'est comme ce que le professeur a dit à propos de Thunder Bay qui établit sa planification en fonction de 85 000 habitants plutôt que 125 000. On sait quelle est la réalité. Si vous faites des recherches dans l'Ontario rural et le Canada rural vous devez voir quelles sont les villes monoindustrielles ou les industries qui risquent de faire les frais de la concurrence internationale venant de la Chine, de l'Inde et de tous les autres pays émergents. Nous avons besoin d'un plan pour affronter l'avenir.
Le sénateur Gustafson : À titre d'exemple, lorsque nous étions dans les Maritimes, les pêcheurs nous ont dit qu'ils expédiaient leur poisson vers la Chine et que la Chine le transformait et le réexpédiait vers l'Amérique du Nord. Je me pose des questions devant ce genre de choses. Bien entendu, il y a une pénurie d'emplois dans les régions où on avait l'habitude de transformer le poisson sur place.
Il y a également la situation opposée. C'est très intéressant. Dans une émission américaine, j'ai entendu quelqu'un dire que tout le maïs qu'il serait possible de cultiver au cours des 10 prochaines années pourra être utilisé. La demande de maïs est à ce point importante.
Le sénateur Oliver : Est-il surtout utilisé pour l'éthanol?
Le sénateur Gustafson : Oui, pour fabriquer du carburant. D'autres font valoir qu'il est immoral d'utiliser toute cette nourriture pour produire de l'énergie.
Nous devrions faire des recherches à ce sujet. Je me souviens de l'époque où Don Mazankowski était le ministre de l'Agriculture. Il avait dit que nous n'étions pas suffisamment informés sur la situation de l'agriculture au niveau international et qu'il fallait étudier ces questions. Nous nous contentons de ce que nous lisons dans les journaux et de ce que nous voyons à la télévision. Je crois qu'il serait très utile pour notre pays de mener une enquête approfondie sur la mondialisation et les sujets de ce genre.
M. White : Vous avez raison. Un bon exemple est celui des énergies de remplacement, de l'utilisation de biodigesteurs et de parcs d'éoliennes, et cetera, en Europe, pendant que nous accusons un énorme retard sur ce plan. Des Européens viennent chez nous, mais quand ils veulent installer des biodigesteurs qui absorberont tout le fumier et toute la graisse des restaurants, ils se heurtent à des règlements de zonage et d'urbanisme. Nous devons étudier ces questions, car cela nous offre des possibilités de garder nos collectivités rurales en vie. Nous ne sommes pas suffisamment progressistes. Nous devons jeter un coup d'oeil sur ce que font l'Europe et les autres pays.
Le sénateur Mercer : Je suis fasciné par votre chiffre de 18 milliards de dollars d'impôts fonciers sur lesquels 6 milliards servent à financer l'éducation. Lorsque je me suis installé à Toronto, pour une brève période, en 1987, j'ai inscrit mon fils à l'école catholique locale qui m'a aussitôt demandé de signer un papier pour que mes impôts fonciers aillent au conseil scolaire catholique plutôt qu'au conseil des écoles publiques. Les enfants ne pouvaient pas entrer à l'école à moins que les parents ne signent. Si vous passiez au conseil des écoles publiques, il s'empressait de vous faire signer à son tour.
La coexistence de deux conseils scolaires nuit-elle à l'efficacité du système d'éducation en Ontario? Je vais me faire excommunier. Je ne propose pas de supprimer les écoles séparées comme on l'a fait en Nouvelle-Écosse, mais la coexistence de deux conseils scolaires qui administrent ces 6 milliards de dollars d'impôts fonciers qui servent à financer l'éducation ne nuit-elle pas à l'efficacité?
M. White : C'est une question à laquelle il est difficile de répondre. Si vous devez indiquer que vous soutenez le conseil des écoles publiques ou le conseil des écoles catholiques, c'est parce que le financement de chaque école et de chaque conseil scolaire est fonction du nombre d'élèves. Peu importe que l'école soit catholique ou publique, c'est simplement un moyen d'envoyer le financement là où sont les élèves pour que l'argent soit distribué en conséquence.
Pour ce qui est de l'efficacité de l'administration interne des écoles, ce serait difficile à établir. Il faudrait consulter un expert des conseils scolaires. C'est un argument qui peut s'appliquer aux différents conseils et aux différentes autorités. Il y a sans doute un manque d'efficacité à de nombreux niveaux des conseils scolaires, peu importe qu'ils soient catholiques ou publics.
Le sénateur Mercer : J'en suis conscient, mais j'ai l'impression que ces six milliards représentent une grosse partie de vos 18 milliards. Si vous pouvez faire en sorte que ces six milliards de dollars soient dépensés de façon plus efficace, vous pourriez vous maintenir à ce niveau au lieu de le laisser grimper jusqu'à sept milliards de dollars.
M. White : Nous n'avons aucun droit de regard sur les taux provinciaux. Autrement dit, même si le système scolaire devient plus efficient, nos impôts fonciers ne diminueront pas nécessairement pour autant.
Le sénateur Mercer : Mais la province pourrait ne pas augmenter la part qu'elle prélève sur vos impôts fonciers, n'est-ce pas?
Mme Vanini : Le délestage a commencé lorsque la province a assumé 100 p. 100 du coût de l'éducation. En échange, elle a alourdi nos responsabilités à l'égard des programmes sociaux.
Lorsque nous avons commencé à examiner la situation, lorsque le délestage a eu lieu au milieu des années 1990, l'augmentation du nombre d'élèves était prévisible et elle n'était pas si importante par rapport à la clientèle des foyers pour personnes âgées, au nombre de personnes ayant besoin de logement social et au nombre relativement élevé des prestataires de l'aide sociale en Ontario. Lorsqu'on parle de la mondialisation et du rôle de l'économie, si nous connaissions une récession, les gouvernements municipaux de l'Ontario seraient très exposés parce que nous assumons 50 p. 100 des frais d'administration et 20 p. 100 des prestations d'aide sociale. Nous n'avons aucune influence sur l'économie de la province et encore moins sur l'économie mondiale.
Quand nous avons commencé à examiner la situation, les risques étaient beaucoup plus grands. Nous avons exercé des pressions qui ont conduit la province à revenir sur ses décisions. Elle a réduit le financement de l'éducation à 50 p. 100. Elle modifie constamment les taux. Le récent budget provincial prévoit de réduire la taxe à l'éducation imposée aux entreprises, ce qui aidera ces dernières et réduira le niveau de la taxe à l'éducation qu'elles doivent payer.
Des changements sont apportés à la formule, mais comme l'a dit M. White, nous levons des fonds pour aider à financer un service qui est sans aucun doute important pour les collectivités. Néanmoins, il faut absolument se demander s'il est souhaitable de le faire par l'entremise de l'impôt foncier. C'est un régime fiscal différent. Il ne tient pas compte de la capacité de payer. Il tient compte de la valeur de votre maison.
M. White : Les conseils scolaires n'ont jamais assez d'argent. Même s'il y a des manques sur le plan de l'efficience, ils trouveront toujours une utilisation pour cet argent. Le système scolaire est certainement déjà sous-financé.
Le sénateur Gustafson : Il est vrai que les gouvernements municipaux — les trois niveaux de gouvernement nous imposent lourdement. Pour une modeste maison moyenne, à combien s'élèvent les taxes dans le sud de l'Ontario?
Mme Vanini : De quel marché parlez-vous?
M. White : Vous avez mis le doigt sur un point très sensible. Je peux vous citer l'exemple de mon comté de Wellington. L'évaluation à la valeur marchande a d'importantes répercussions sur le montant des impôts fonciers. Dans le nord de notre secteur, les impôts fonciers équivalent à peu près à la moitié de ce qu'ils sont dans le sud, pour une maison semblable. Le coût moyen dépend entièrement de l'endroit où la maison est située. Dans mon canton, ce sera peut-être 3 500 $ pour la même maison. À Minto, dans le nord, ce sera peut-être 2 200 $. C'est toujours difficile à faire comprendre aux contribuables. C'est exactement la même maison, mais la valeur marchande est différente. Vous payez pour les mêmes services, c'est la même déneigeuse qui vous dessert, mais vous payez moins.
La présidente : Monsieur White et madame Vanini, merci infiniment. C'était une excellente discussion. Nous l'apprécions beaucoup.
Honorables sénateurs, nous allons maintenant prendre quelques minutes pour examiner une motion.
Jessica Richardson, greffière du comité : Veuillez m'en excuser, sénateurs, mais au cours de la réunion de jeudi dernier, j'ai oublié de mentionner à la présidente que nous avions besoin de l'autorisation du comité pour demander une exemption à l'obligation de procéder par appels d'offres pour les vols nolisés dans le contexte du budget établi pour la pauvreté rurale. Les raisons sont les mêmes que la dernière fois. Nous ne savons pas combien de personnes vont voyager, exactement quand nous partirons et nous n'avons pas suffisamment de temps. Nous pourrions aussi être forcés d'utiliser un avion plus grand qu'il n'est nécessaire, auquel cas nous ferions une dépense inutile.
La présidente : Est-ce d'accord, honorables sénateurs?
Des voix : D'accord.
La séance est levée.