Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts
Fascicule 21 - Témoignages du 29 mars 2007
OTTAWA, le jeudi 29 mars 2007
Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui à 8 heures pour examiner, en vue d'en faire rapport, la pauvreté rurale au Canada.
Le sénateur Joyce Fairbairn (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente : Bonjour à tous, sénateurs, témoins et membres de l'auditoire qui sont venus assister aux délibérations du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts.
En mai dernier, le présent comité a été autorisé à examiner, en vue d'en faire rapport, la pauvreté rurale au Canada. L'automne dernier, nous avons entendu un certain nombre de témoins experts qui nous ont brossé un tableau global de la pauvreté rurale et, à partir de ces témoignages, nous avons rédigé un rapport intérimaire qui a été publié avant Noël. De toute évidence, notre rapport a touché une corde sensible, ce qui nous a quelque peu étonnés puisqu'il a été publié tard dans l'année. Nous sommes maintenant au milieu de la deuxième étape de notre étude, celle où nous rencontrons les Canadiennes et les Canadiens qui vivent dans les régions rurales du Canada.
Jusqu'ici, nous sommes allés dans les quatre provinces de l'Est et dans les quatre provinces de l'Ouest. Au cours de ce voyage, nous avons rencontré un groupe varié et absolument merveilleux de Canadiennes et de Canadiens vivant en milieu rural qui nous ont accueillis à bras ouverts dans leur collectivité et parfois même, dans leur foyer.
Le comité a encore beaucoup de travail à faire. Il nous reste encore à visiter les collectivités rurales de l'Ontario et du Québec. À cet égard, nous sommes heureux de dire que nous nous rendrons à Athens, Ontario, demain matin. Nous voulons entendre le plus de gens possible. Bref, nous voulons nous assurer de bien faire les choses et de comprendre la pauvreté rurale dans son essence. À cette fin, le comité continu de tenir des réunions à Ottawa avec des témoins experts, comme ceux que nous accueillons d'aujourd'hui.
Ce matin, nous accueillons M. Harold Flaming, directeur général du Conseil rural de l'Ontario, Mme Anita Hayes, directrice administrative, et Mme Marjory Gaouette, directrice des programmes, de la Foundation for Rural Living.
Nous avons deux heures ce matin pour couvrir une grande variété de questions. J'invite mes collègues, comme d'habitude, à poser des questions brèves et aussi claires que possible, pour permettre aux témoins de donner une réponse complète de manière que tout le monde puisse être en mesure de contribuer aux discussions de ce matin.
Harold Flaming, directeur général Conseil rural de l'Ontario : Merci de l'invitation à comparaître devant vous ce matin sur cette question cruciale de la pauvreté rurale au Canada et en Ontario. C'est pour nous un privilège et un honneur que de comparaître devant vous. Je vais commencer par vous donner quelques renseignements sur le Conseil rural de l'Ontario.
Qui sommes-nous et quelle est notre raison d'être? Nous nous considérons comme une voix rurale clé pour les Ontariennes et les Ontariens qui vivent en milieu rural sur un large éventail de dossiers ruraux. Nous sommes un organisme provincial rural et multisectoriel contrôlé par ses membres et nous sommes organisés de manière à faciliter la participation des intervenants dans un large éventail de dossiers ruraux. Nos membres sont composées d'organismes provinciaux, de personnes du secteur privé et d'organismes du secteur privé dans cinq secteurs, dont les ressources et l'environnement, l'économie et l'infrastructure, les collectivités et les services sociaux, le secteur gouvernemental et, enfin, les personnes et les organismes régionaux. La raison pour laquelle nous avons réparti nos membres de cette façon, c'est pour avoir une meilleure prise sur les dossiers qui sont importants pour les personnes qui vivent dans les collectivités rurales.
La mission de notre organisme est d'agir comme catalyseur pour la collaboration, l'action et la revendication en vue d'éclairer, d'aider à constituer et, en fin de compte, d'influencer les politiques, les programmes et la R-D pour le milieu rural. Nous sommes une voix du monde rural dans un large éventail de dossiers ruraux déterminants.
Au cours des 18 derniers mois, nous avons tenu un certain nombre de forums sur des dossiers ruraux. Nous avons travaillé à cerner des questions cruciales pour l'environnement en Ontario. Nous avons eu la question de l'eau à Wakerton, alors nous avons tenu un forum sur la protection des sources d'approvisionnement en eau. Nous avons récemment eu un forum réussi sur les jeunes en milieu rural qui a eu lieu à Belleville. Nous avons eu des forums sur l'énergie et nous aurons une variété d'autres forums au cours de l'année qui vient concernant des questions émergentes importantes qui ont été déterminées par les membres et les intervenants ruraux. Ces forums seront liés particulièrement aux questions de l'entrepreneuriat rural, des énergies renouvelables, des pouvoirs de la collectivité et de la santé. Notre organisme prend très au sérieux l'invitation à comparaître devant vous aujourd'hui.
Pour obtenir de l'information sur la question de la pauvreté rurale, nous avons réuni un large éventail d'intervenants de toutes les régions de l'Ontario rural et septentrional, à savoir les municipalités, les organismes municipaux au niveau du comté et du canton, Centraide, les services de santé, les conseils de planification sociale et les agences de placement. Ces organismes sont présents dans les collectivités rurales et traitent avec des citoyens ruraux concernant des questions liées à la pauvreté. Ces gens sont la voix des intervenants ruraux sur cette question.
Que nous ont dit ces gens? Les quelque 20-25 personnes qui se sont présentées devant nous et qui ont participé aux discussions ont clairement indiqué que le rapport intérimaire du comité était une excellente première étape. Il faut féliciter le Sénat; le comité doit être félicité pour ce qui s'avère une excellente première étape dans l'étude de cette question très importante.
Nous avons préparé notre dialogue avec les participants. Nous leur avons posé trois questions : qu'y a-t-il de bon dans le rapport? Qu'est-ce qui manque ou qui est sous-représenté dans le rapport? Quelles seraient leurs recommandations concernant les mesures d'action? J'aimerais mettre en relief plusieurs éléments clés.
Qu'y a-t-il de bon dans le rapport? Il est certainement reconnu que le rapport était une excellente première étape pour reconnaître que la pauvreté est une question clé dans les régions rurales de l'Ontario. Le transport est un facteur déterminant. La pauvreté rurale ne fait pas suffisamment l'objet de recherches. Elle est cachée. Les gens issus de la culture agricole ne disent pas qu'ils ont un problème sérieux. C'est un problème caché et le rapport a reconnu ce problème.
La pauvreté rurale n'est pas seulement un problème agricole, principalement parce que les régions rurales de l'Ontario représentent beaucoup plus que le seul secteur de l'agriculture. La pauvreté rurale est complexe. Pour comprendre et élaborer des politiques et des programmes visant à résoudre cette question, nous avons besoin d'un travail de recherche efficace pour cerner les différents facteurs de complexité.
Ce sont là les points saillants concernant ce qu'il y a de bon dans le rapport.
Qu'est-ce qui, de l'avis des participants, manque ou est sous-représenté dans le rapport? Les participants estimaient qu'il est nécessaire d'avoir une recherche et une analyse détaillées des problèmes complexes. Il ne semblait pas y avoir une compréhension systématique de la question; elle était fragmentée. Les participants, les gens qui travaillent sur le terrain avec les résidents de l'endroit, ont ressenti cette fragmentation, qui doit être clarifiée de sorte que nous ayons une meilleure compréhension des problèmes, des causes et des solutions précises. Il y avait certainement un sentiment que l'analyse comparative selon les sexes et les données sur les Autochtones n'étaient pas appropriées.
Dans l'esprit des participants, les politiques et les programmes ont tendance à perpétuer la pauvreté. Avons-nous des politiques au niveau fédéral et provincial qui vont à contre-courant? On donne quelques exemples de politiques et de programmes qui ne fonctionnent pas très bien ensemble.
Les participants ont souligné la migration rurale de pauvres en provenance de milieux urbains. Ils ont parlé de la « ghettoïsation du milieu rural ». Dans de nombreux cas, les gens qui travaillent avec les résidents du milieu rural disaient que les pauvres urbains délaissent les villes pour s'installer dans les secteurs ruraux. Résultat de cette migration, les collectivités rurales doivent supporter ces nouveaux arrivants.
Le groupe a signalé l'émergence de nouveaux pauvres et des travailleurs à faible salaire. Les nouveaux pauvres correspondent aux agriculteurs qui, dans de nombreux cas, sont riches en actifs mais pauvres en liquidités. De nombreux agriculteurs sont obligés d'avoir recours aux banques alimentaires.
La migration de gens riches en milieu rural a tendance à masquer l'étendue de la pauvreté dans certaines collectivités. On donne l'exemple de Collingwood qui compte de nombreux ex-résidents de Toronto. Leur richesse fausse les données statistiques.
Les personnes âgées et le sans-abrisme sont des problèmes importants. Au début du mois de mars, nous avons tenu un forum sur les jeunes en milieu rural qui s'est révélé très instructif. Les 125 jeunes qui ont participé à notre forum ont indiqué que le sans-abrisme est un problème pour les jeunes qui vivent en milieu rural. Ils ont utilisé l'expression « naviguer d'un divan à l'autre » pour trouver un endroit où dormir. Les jeunes ont clairement indiqué qu'il s'agissait d'un problème important pour eux.
La géographie a de l'importance en Ontario. La pauvreté rurale n'existe pas partout. Elle n'est pas la même partout en Ontario. La question doit être abordée à partir d'une compréhension véritable du problème.
Nous avons parcouru le rapport et demandé aux participants d'examiner des solutions potentielles sachant clairement qu'il ne serait pas possible d'entrer dans les détails, mais un certain nombre de facteurs clés sont ressortis.
Il y avait un sentiment très net qu'il était nécessaire d'avoir une vision nationale pour le Canada rural et éloigné. Cette vision a besoin de l'apport de la collectivité, parce que les membres de la collectivité connaissent leur communauté et savent quelles approches fonctionnent et lesquelles ne fonctionnent pas. Tant la vision que les solutions ont besoin d'être davantage fondées sur la collectivité.
Le groupe de participants a insisté sur l'importance de la recherche. Nous avons parlé plus tôt de quelque chose qui manquait ou était sous-représenté, la question de comprendre véritablement la complexité de la pauvreté rurale dans ses multiples facettes et la nécessité d'avoir des politiques et des programmes fondés sur des données. En ce qui concerne la recherche, les organismes qui travaillent à soulager la pauvreté estimaient avoir besoin d'une information plus précise pour comprendre la situation locale et, par conséquent, être en mesure d'élaborer des politiques locales efficaces pour lutter contre la pauvreté. Je crois qu'il doit s'agir de la même chose d'un point de vue fédéral ou provincial. Nous avons entendu à maintes reprises qu'un bon travail de recherche donne lieu à de bonnes politiques.
On nous a dit qu'une analyse rigoureuse des politiques et des programmes était nécessaire afin de déterminer où ils sont à contre-courant. Encore une fois, cela reflétait une question qui a semblé être sous-représentée dans le rapport. Lorsqu'on tente de comprendre et d'analyser véritablement les politiques qui sont destinées à répondre à certains besoins, y a-t-il d'autres politiques ou d'autres ministères fédéraux-provinciaux qui semblent aller à contre-courant face à cet objectif?
Nos participants ont parlé d'un revenu garanti progressif pour les Canadiens qui vivent dans un contexte rural et ils ont certainement accordé leur appui à ce concept particulier.
Lorsqu'on regarde les recommandations, on peut probablement les séparer en deux domaines. Le premier, quels sont les systèmes d'aide gouvernementaux en termes de soutien aux moins fortunés? C'est le côté gouvernementale de l'aide, mais je crois qu'il y a également un élément très déterminant en termes de création d'emplois, l'entrepreneuriat.
Tout au long de ma carrière, j'ai eu d'excellentes occasions de travailler avec des collègues fédéraux et provinciaux. À mon avis et d'après les discussions que j'ai eues avec des collègues, l'investissement réalisé par le gouvernement fédéral dans les Sociétés d'aide au développement des collectivités partout au Canada, et certainement en Ontario, a constitué une bonne base d'infrastructures pour aider à accroître la création d'emplois, le développement des emplois. J'ai eu le privilège de travailler avec presque toutes les SADC, ou un grand nombre d'entre elles en Ontario, et elles font un travail colossal. Ce genre d'aide, une aide continue, commence à fournir des occasions d'emplois mieux rémunérés, d'emplois de manière générale, alors l'aide au système des SADC dans tout programme de soutien des affaires et du développement économique est d'une importance capitale.
De nouveaux modèles sont en train d'apparaître en Ontario. J'ai eu des discussions avec des collègues au Kentucky; David Freshwater a comparu devant le comité. Il vient en Ontario pour faire connaître son institut particulier sur le coaching d'entrepreneuriat rural. Ces gens veulent savoir ce que nous faisons en termes de soutien de l'entrepreneuriat. Nous avons besoin de l'aide du gouvernement, mais nous devons également nous demander quel type d'aide à l'entrepreneuriat nous pouvons fournir pour améliorer les petites entreprises locales, pour encourager les gens à créer leur propre entreprise.
Dans les collectivités rurales, le développement de petites entreprises constituera véritablement l'élément central. Nous sommes heureux que Toyota et les usines de pièces automobiles viennent s'installer à Woodstock, mais lorsqu'une telle chose arrive, c'est comme si nous venions de gagner à la loterie. Cela n'arrive pas très souvent. L'aide à l'entrepreneuriat et les incitatifs commerciaux pour les zones défavorisées constituent une recommandation potentielle déterminante.
Il est certain qu'une meilleure communication pour les services et une augmentation du nombre de points d'accès est un message qui a été clairement énoncé dans le cas de certaines de nos activités centralisées. Avec la fermeture des bureaux régionaux pour les regrouper dans les plus grands centres, les gens qui vivent dans les régions rurales semblent abandonnés.
En dernier lieu, je parlerais d'une stratégie nationale antipauvreté qui comprend des stratégies précises liées à la question de la pauvreté. L'accès à des services à large bande est crucial pour permettre aux résidents des collectivités rurales d'aller sur Internet et d'utiliser cet outil d'habilitation clé pour le développement économique et le développement de la collectivité.
Enfin, les participants ont parlé de l'aide au transport du point de vue des systèmes qui sont nécessaires pour aider les gens qui vivent dans les collectivités rurales à se rendre à leur travail et à des entrevues pour obtenir un travail, et qui doivent avoir accès aux services.
En ce qui concerne les prochaines étapes, nous avons l'intention de tenir un forum sur la pauvreté rurale en Ontario pour mieux comprendre les problèmes et les mesures d'action à prendre. Nous serions heureux d'aider le comité en le mettant en contacts avec des organismes qui pourraient donner de l'information pratique liée à certaines de leurs expériences.
Anita Hayes, directrice administrative, Foundation for Rural Living : Bonjour à tous. Merci beaucoup de cette occasion de vous présenter un exposé aujourd'hui.
Comprendre la question de la pauvreté rurale et prendre des mesures pour améliorer la qualité de vie des pauvres vivant en milieu rural sont des éléments déterminants. Merci de votre leadership, mais à lui seul, le gouvernement ne parviendra pas à forger un meilleur avenir pour les collectivités rurales canadiennes. Le secteur gouvernemental, le secteur des affaires et le secteur des organismes bénévoles et sans but lucratif doivent travailler en partenariat.
Notre mission est de faire avancer le secteur bénévole et sans but lucratif en milieu rural et de bâtir une capacité rurale durable pour accroître la qualité de vie des citoyens ruraux. Notre rôle dans cette entreprise est unique. Peut-être que vous vous demandez quel est le rôle du secteur bénévole et sans but lucratif dans la question de la pauvreté rurale.
Premièrement, il fournit des programmes et des services qui appuient directement les pauvres vivant en milieu rural. Deuxièmement, ce secteur joue un rôle important pour bâtir un capital social et humain dans les collectivités rurales, capital qui mobilise les collectivités pour répondre à ses priorités, y compris la pauvreté. Il bâtit un capital qui attire les investissements économiques, qui fait la promotion des occasions et qui génère de la prospérité.
Comment remplissons-nous notre mission? Nous offrons six programmes intégrés. Notre programme de recherche en milieu rural a donné lieu à la toute première étude à grande échelle du secteur bénévole et sans but lucratif rural. Notre centre d'apprentissage et de ressources virtuel fournit un appui, de la recherche et des ressources pratiques, des programmes d'apprentissage en ligne et des occasions de réseautage adapté pour le personnel et les bénévoles dévoués qui assurent le fonctionnement du secteur bénévole et sans but lucratif rural.
Bâtir des collectivités rurales dynamiques est un programme qui investit dans le développement des capacités organisationnelles des organismes sans but lucratif ruraux avec pour objectif d'accroître les investissements philanthropiques et d'accroître la durabilité des programmes et services des organismes de bienfaisance ruraux.
Notre programme d'agents de développement stagiaires ruraux place des stagiaires dans les organismes bénévoles et sans but lucratif au niveau de la collectivité et au niveau régional. Ces derniers jouent des rôles divers, y compris au niveau de la recherche, de l'investissement dans la collectivité et du développement organisationnel et financier. Initialement, ce programme a été élaboré par l'intermédiaire du programme de Partenariats pour la création d'emplois qui créait des occasions pour les gens sous-employés ou sans emploi vivant dans les régions rurales, mais ce programme est en train d'évoluer pour inclure de nouvelles stratégies qui comprendront des stagiaires venant des collèges et universités; une stratégie de jeunes stagiaires ruraux; une stratégie de femmes stagiaires rurales pour les femmes qui offrent leur temps bénévolement à la communauté mais qui travaillent sur leur propre ferme familiale et qui, de ce fait, ne sont pas admissibles au programme de Partenariats pour la création d'emplois; et, enfin, une stratégie de stagiaires dirigés par les bénévoles.
Notre programme de prix d'excellence rurale reconnaît et fait l'éloge des initiatives communautaires rurales et des gens qui en sont responsables grâce à leur vision. Leurs succès constituent des modèles d'excellence pour développer des capacités, pour relever des défis et pour promouvoir des occasions dans les collectivités rurales, modèles que l'on veut partager avec d'autres.
Enfin, notre programme de fonds de dotation et communautaire a servi, et continuera de servir, de véhicule pour les contributions des donateurs visant à appuyer les programmes de bienfaisance ruraux.
La Foundation for Rural Living travaille avec les collectivités rurales et leurs réseaux au niveau de la base. Nous croyons que les secteurs public, privé et sans but lucratif partagent la responsabilité de bâtir une société canadienne dynamique parce qu'ensemble, nous bâtissons sur nos forces respectives.
Nous travaillons avec les collectivités rurales et leurs réseaux, avec les partenaires, avec les donateurs et avec les bailleurs de fonds qui partagent nos valeurs et nos convictions face à l'édification de collectivités rurales dynamiques. Au niveau des collectivités, nos programmes ont appuyé des fondations d'apprentissage, des centres communautaires, des organismes d'éducation et de conservation en matière d'environnement, des centres de santé communautaire, des municipalités, Centraide, des fondations communautaires, des organismes de services familiaux, des programmes relatifs à la violence faite aux enfants et des programmes d'aide en milieu rural.
Au cours des 20 dernières années, le secteur bénévole et sans but lucratif a connu une croissance sans précédent. Au niveau national, 180 000 organismes sans but lucratif ont fourni un travail rémunéré à 2 millions d'employés. Elles ont reçu 8 milliards de dollars en dons annuels et représentent 7,1 p. 100 du PIB. La taille du secteur dans son ensemble, qui comprend les hôpitaux, les universités et les collèges, est plus grande que celle de l'industrie minière, pétrolière et gazière et plus grande que celle de l'industrie de la vente au détail.
Le secteur de base plus petit — qui exclut les hôpitaux, les collèges et les universités — a tout de même une taille deux fois supérieure à celle de l'industrie agricole canadienne. J'ai été étonnée par ces données statistiques. Sa taille est également plus grande que celle de l'industrie de l'hébergement et de la restauration.
Lorsque nous comparons le milieu rural et le milieu urbain, nous n'avons de l'information que pour l'Ontario, mais dans cette province, 80 p. 100 du secteur bénévole et sans but lucratif se retrouvent en milieu urbain; seuls 20 p. 100 se retrouvent en milieu rural. De cette proportion d'organismes de bienfaisance, les programmes de bienfaisance et sans but lucratif ruraux ne reçoivent que 4 p. 100 des revenus des oeuvres de bienfaisance; 97 p. 100 des oeuvres de bienfaisance rurales déclarent des revenus inférieurs à un million de dollars, mais 24 p. 100 des oeuvres de bienfaisance urbaines déclarent un tel revenu.
Marjory Gaouette, directrice des programmes, Foundation for Rural Living : Le secteur bénévole et sans but lucratif est certainement le moteur derrière l'avancement de la société civile dans les régions rurales du Canada. Ce secteur touche à tous les aspects de la vie communautaire. Ces organismes ont des responsabilités dans le domaine de l'éducation, de la santé, des arts et de la culture, dans presque tous les domaines du secteur récréatif. Ils participent à la politique publique, à la défense des droits et à l'action environnementale. Ils offrent des services de garde des enfants, gèrent des refuges, nourrissent ceux qui ont faim, construisent des logements abordables et offrent des services aux sans-abri. Ils offrent de l'aide aux personnes âgées et des centres de soins palliatifs à ceux qui vont mourir. Ils nous aident certainement à faire face aux défis de la vie et sont pour nous une source d'inspiration et d'enseignement.
Au niveau pratique, ils nous réunissent pour cerner les problèmes, élaborer des solutions novatrices, mobiliser les ressources et fournir des programmes et des services que toutes nos collectivités ont besoin et nous le savons. Ils préconisent le changement social, remplissant volontiers leur rôle d'organisme sans but lucratif ou d'oeuvre de bienfaisance, au service du bien public.
Peu importe à quel point nous trouvons leur contribution précieuse, le secteur est en difficulté. Parce que ces organismes ne créent pas et ne distribuent pas de profits, ils sont à la fois sous-évalués et, par la suite, sous-financés. En même temps, nous comptons sur eux pour répondre à une demande croissante de services — le genre de service qui ne génère pas de revenus et ne crée pas de richesse. Dans une économie de marché, le secteur sans but lucratif fait un investissement social considérable dans nos collectivités rurales.
Améliorer le bien-être des Canadiens qui vivent en milieu rural dépend des investissements que nous faisons dans la santé et la capacité des organismes sans but lucratif ruraux. Faisons cet investissement. En le faisant, nous investissons dans le capital social et humain nécessaire pour stimuler le capital économique, environnemental et politique que nous devons mobiliser pour soulager la pauvreté.
À la FRL, notre approche au développement de collectivités rurales dynamiques, le genre de collectivités capables de bâtir des partenariats et d'élaborer des réponses dans l'ensemble des secteurs, commence par le développement des capacités. Que veut dire exactement le développement des capacités dans ce contexte? La définition de l'expression « développement des capacités » évolue tout simplement au fur et à mesure que nous mettons ensemble ce que la recherche nous révèle, comment les politiques dictent nos actions et à quoi cela rassemble en pratique pour nos organismes sans but lucratif et pour nos collectivités.
La Foundation for Rural Living voit le développement des capacités comme une approche complète où se recoupent les personnes, les collectivités et les organismes, pour bâtir des organismes forts et en santé. Ces organismes bâtissent leur capacité en devenant plus pertinents et réceptifs par rapport aux besoins de la collectivité et lorsqu'ils le font, ils deviennent plus efficaces et plus souples, et nos collectivités deviennent plus dynamiques.
Toute l'idée du processus de développement des capacités est de créer des collectivités sûres et productives où les gens peuvent travailler, vivre, jouer et développer leur potentiel — en essence, une collectivité rurale dynamique.
Je voulais parler du concept de durabilité dans les collectivités, qui est un terme qui peut avoir des sens différents et qui peut être difficile à définir. Il y a deux courants de pensée dans la documentation sur la définition de la durabilité des collectivités rurales. La durabilité est un résultat qui est fondé sur un modèle financier de la durabilité et sur l'efficacité de la planification organisationnelle. La durabilité est un processus qui est fondé sur un modèle écologique de durabilité qui reconnaît la nature évolutive des organismes et comment ils interagissent à la fois dans la communauté et dans les secteurs social, humain, économique et environnemental.
Suite à son travail avec les organismes ruraux, la FRL a pris conscience du fait qu'il y a un processus dans le développement des capacités et dans le développement de la durabilité qui fait intervenir les personnes, les organismes, les collectivités et même la société dans son ensemble. Toutefois, il faut beaucoup de temps et, habituellement, beaucoup plus de temps qu'on l'aurait espéré.
Il est impératif d'investir dans les initiatives de développement des capacités. En bout de ligne, nous voulons des personnes qui ont des compétences pour diriger. Nous voulons des organismes qui peuvent continuer de faire ce qu'ils font et qui sont réceptifs. Nous voulons des collectivités qui peuvent élaborer des réseaux et des collaborations pour créer le genre de collectivité où nous aimerions vivre. Bien que nous parlions du développement des capacités comme d'un processus continu, il y a également des interventions précises et appropriées qui ressortent de nos projets, de notre recherche et de notre évaluation participative. L'appui au secteur sans but lucratif est une stratégie majeure de la Foundation for Rural Living. En fait, c'est notre mission. Nous le faisons parce que cela a créé des solutions.
La FRL utilise un modèle organisationnel intermédiaire pour fournir un appui au développement des capacités. En nous fondant sur notre recherche et sur notre pratique, nous utilisons un cadre structurel qui concentre nos programmes dans les trois domaines principaux qui sont les suivants : créer des ressources financières, créer de services de soutien à la connaissance et l'infrastructure et fournir des ressources humaines.
Je suis ici en train de penser que ce que vous vous demandez vraiment, c'est à quoi cela pourrait ressembler. Nous avons pris conscience que le développement des capacités était mû par quelques principes clés. Un de ces principes, c'est qu'il est complet, de sorte qu'il y ait plus d'un service ou d'une occasion de développement des capacités qui viendront appuyer et donner aux organismes bénévoles et sans but lucratif ce dont ils ont besoin pour avoir du succès. Il est adapté. Il n'y a pas de solution unitaille pour tous les organismes. Il est fondé sur les compétences, de sorte que lorsque nous offrons des services et des activités de développement des compétences, des professionnels expérimentés et compétents offrent ces services.
Les activités de développement des capacités ont une pertinence dans le temps; vous voulez qu'elles surviennent lorsque l'organisme et la collectivité en ont besoin. Elles sont liées aux pairs par le biais d'occasions améliorées de réseautage, de formation et d'apprentissage pour accroître la capacité individuelle et la capacité organisationnelle également. Elles sont fondées sur une évaluation, basée sur les besoins, les actifs et les forces des personnes, des organismes et des collectivités. Elles assurent des occasions pour entreprendre des activités qui ajouteront de la valeur et renforceront l'organisme.
Elles sont fondées sur l'état de préparation. Un développement des capacités efficace survient lorsque le secteur bénévole et sans but lucratif est prêt à recevoir les services et lorsque la collectivité et les personnes sont prêtes à recevoir les services. C'est là qu'elles sont le plus efficace.
Elles sont également mises en contexte. M. Flaming a dit que toutes les collectivités et tous les organismes sont différents, et que chaque personne a des besoins différents. En mettant nos activités et nos services en contexte, nous avons plus de succès pour coordonner et fournir les services.
Les collectivités et les organismes ruraux se tournent vers la Foundation for Rural Living parce que le développement des capacités du secteur sans but lucratif est crucial pour leurs efforts visant à bâtir des collectivités prospères pour tous.
Mme Hayes : En terminant notre exposé, nous voulions vous rappeler ces quatre messages importants. Premièrement, une bonne recherche éclaire une bonne politique, mais l'investissement crée le changement. Deuxièmement, le secteur bénévole et sans but lucratif joue un rôle primordial dans l'édification de collectivités rurales dynamiques et dans la création d'occasions pour les citoyens ruraux. Troisièmement, nous devons investir dans la capacité du secteur bénévole et sans but lucratif rural comme étant un élément important de la stratégie de lutte contre la pauvreté rurale. Quatrièmement, je vais vous laisser sur cette dernière pensée. En 2001, la fondation a investi 10 millions de dollars dans une stratégie complète de 10 ans pour lutter contre la pauvreté en milieu urbain. Le milieu rural ne mérite pas moins.
Le sénateur Segal : Je tiens à remercier nos témoins de ce matin pour leurs exposés et pour l'effort qu'ils ont mis à les préparer.
Je veux commencer par M. Flaming de la Foundation for Rural Living. Je note en passant que M. Flaming est un membre de longue date de la fonction publique de l'Ontario, qui est l'une des meilleures fonctions publiques au monde. J'ai une certaine expérience avec la province de l'Ontario et je sais à quel point le ministère de l'Agriculture et de l'Alimentation de l'Ontario a une longue tradition, par le biais de ses représentants en agriculture et autres, d'être présent sur le terrain. J'ai une inquiétude générale, à savoir qu'avec la centralisation et la mécanisation du gouvernement et avec l'obsession avec la technologie au gouvernement, que certains de ces liens qui avaient l'habitude d'être de merveilleux indicateurs, disparaîtront.
Je me souviens que William Stewart, ancien ministre de l'Agriculture et de l'Alimentation, du comté de Middlesex, avait l'habitude de se lever à la Chambre tous les jours pour parler de ce qui arrivait sur les fermes parce que ses représentants en agriculture lui faisaient des rapports quotidiennement. Cela ne se fait plus.
Il m'intéresse de connaître votre point de vue sur la question de savoir si les gouvernements ont même une toute petite idée de ce qui se passe dans la vie rurale. J'aimerais savoir si nous avons encore le mécanisme nécessaire pour comprendre ces choses. Sommes-nous devenus si urbanisés et les régions rurales sont-elles devenues si dépeuplées que nous sommes devenus comme l'aveugle qui marche autour de l'éléphant? Nous continuons de dire que nous avons besoin de plus de recherche, comme vous l'avez laissé entendre, mais, pendant que nous faisons cela, l'éléphant ne se porte pas très bien. Quelle est votre évaluation de la situation?
M. Flaming : J'étais au ministère de l'Agriculture et des Affaires rurales pendant cette période de 30 ans, lorsque les échanges et les changements ont été faits. De nombreuses collectivités rurales étaient très préoccupées par la perte de la représentation en agriculture au niveau du comté, précisément pour les raisons que vous avez données. Depuis ce temps, et dans ma position actuelle, ce genre de commentaire revient souvent. Encore une fois, ce lien semble avoir été perdu.
Le ministère a mis sur pied un système de coordonnateurs régionaux de l'information qui constituent les yeux et les oreilles à la fois de la communauté rurale et de la communauté agricole. Le lien très fort avec l'agriculture par l'intermédiaire des représentants en agriculture a été perdu. Dans de nombreuses collectivités, on pense que le ministère a changé et que sa structure et sa fonction ont changé. Le rôle que le ministère a joué dans le développement organisationnel et dans le développement du leadership au niveau de la collectivité a changé.
Les organismes ruraux ont eu le sentiment d'avoir perdu quelque chose et c'est encore vrai aujourd'hui. En conséquence, de plus en plus d'organismes, comme la Foundation for Rural Living et d'autres ONG, tentent de combler le vide. Le lien initial a changé et ils essaient de le maintenir. Il y a du vrai dans ce que vous dites.
Le sénateur Segal : Lorsque Félix Rohatyn a été chargé d'assainir les finances de la ville de New York, qui étaient dans un état lamentable, il a fait un travail merveilleux pour trouver des liquidités pour le faire. Une des questions que lui et ceux qui ont eu à rebâtir la ville se sont posées, c'est par où commencer. Devraient-ils commencer par les ponts et le système de métro en état de décrépitude parce qu'ils n'avaient pas été entretenus de manière appropriée ou par le service de police?
Par où commenceriez-vous, étant donné que vous avez une liste de problèmes? Le présent comité se fie à des organismes et à des personnes comme vous pour jeter de la lumière sur la question de sorte que nous puissions présenter les bonnes recommandations.
Est-ce que vous commenceriez par un soutien du revenu ou par la décentralisation des opérations gouvernementales vers les petits centres pour générer une meilleure base d'emplois? Est-ce que vous commenceriez par certaines des questions liées à l'isolement ou est-ce que vous essaieriez de bâtir une capacité, comme celle dont vos collègues ont parlé en ce qui concerne les gens sur le terrain et qui peuvent aider à faire fonctionner des organismes sans but lucratif mais importants?
Même le meilleur des gouvernements, animé des meilleures intentions et doté d'un budget illimité ne pourrait y arriver entièrement. Je veux savoir quel est le meilleur conseil que vous puissiez nous donner, en supposant que nous pourrons toujours profiter de plus de recherche, du travail en collaboration et d'une connaissance continue des problèmes et des questions. Pour ce qui est de faire une différence, par où commenceriez-vous?
M. Flaming : J'ai un collègue australien, M. Peter Kenyon, qui travaille dans des petites collectivités australiennes. Son champ d'expertise, c'est l'appui au développement rural et au développement des petites villes. À bien des égards, le contexte australien est semblable au nôtre. J'ai eu la chance de passer trois semaines avec M. Kenyon en Australie. Nos expériences en Ontario ont démontré que la capacité de fournir du leadership est cruciale dans les organismes des petites communautés rurales et dans le secteur municipal.
Il serait des plus intéressants de faire une recherche approfondie sur les collectivités rurales qui ont connu du succès en Ontario, pour établir la liste des facteurs de succès. Nous avons fait un certain travail sur ce sujet, mais les facteurs de succès dans les collectivités sont souvent centrés sur les capacités de leadership, sur la structure organisationnelle et sur la capacité. C'est un élément important. Une approche fondée sur la collectivité est une approche du bas vers le haut. Je comprends que tout le monde sait qu'une approche du haut vers le bas ne fonctionne pas et qu'une approche fondée sur la communauté, c'est-à-dire du bas vers le haut, fonctionne. C'est un endroit crucial par où commencer.
Les gouvernements provinciaux et fédéral peuvent et devraient assurer le bon type de soutien pour les divers organismes. La valeur des services décentralisés et des points d'accès et de s'assurer que ceux qui ont des besoins aient facilement accès à ces points a été démontrée clairement par nos collègues du Nord de l'Ontario et, certainement, par ceux du Sud de l'Ontario. Si nous décentralisons, alors nous assurons de nouvelles occasions d'emplois dans les collectivités rurales et dans les petites villes. Ce rôle pourrait être joué par les gouvernements. Je ne veux pas sous- estimer le rôle de l'entrepreneuriat, du développement des petites entreprises.
Les gouvernements ne créent pas d'emplois, mais créent un environnement; les entreprises créent des emplois. Les entreprises donnent des salaires liés à l'emploi, ce qui veut dire un chèque à la fin de la journée et à la fin de l'année. Tout appui que nous pouvons fournir aux collectivités rurales, comme des incitatifs pour les petits entrepreneurs et pour l'installation d'entreprises dans les zones rurales dont l'économie tourne clairement au ralenti, constituerait un pas important pour régler ce problème.
Le sénateur Segal : Si une certaine somme d'argent était rendue disponible pour les régions rurales du Canada, est-ce que cet argent devrait être protégé de manière qu'il ne soit pas dépensé dans les domaines régionaux plus vastes? Comment pourriez-vous assurer une distribution appropriée aux gens qui vivent dans l'isolement?
M. Flaming : Il faut adopter une approche de politique adaptée aux lieux pour appuyer les programmes et cette approche doit préciser clairement les régions et pourquoi il en est ainsi. Les politiques doivent être conçues précisément pour appuyer ces petites collectivités. Une politique d'ensemble pour toute la province ne convient pas. Il est clair que certaines collectivités sont constamment dans une situation de dépression économique pour un certain nombre de raisons et qu'elles sont constamment confrontées à des défis. Cependant, des programmes d'incitatifs peuvent être mis en place pour au moins consolider les actifs qu'elles ont déjà. Il est nécessaire de travailler en fonction des actifs et d'appuyer ces collectivités en capitalisant sur leurs actifs existants.
L'aspiration des entreprises et des collectivités rurales par les centres urbains est un problème et nous devons faire très attention à cette question. Dans une perspective de développement régional rural, il y a quelque chose de très bien dans le fait que ces collectivités travaillent davantage dans un mode de partenariat que ne le font les centres urbains. Le développement régional est clairement un pas dans la bonne direction.
J'ai examiné le travail fait par un certain nombre de collectivités de l'Est ontarien avec la Commission de développement économique de l'Est de l'Ontario, CDEEO. On trouve également la Southwestern Ontario Marketing Alliance, qui est un groupe de quatre ou cinq comtés qui travaillent ensemble pour attirer les investisseurs du Canada et des États-Unis. Ces stratégies donnent des résultats. Une approche régionale et tout ce que nous pouvons faire pour améliorer et appuyer les collectivités qui travaillent ensemble et qui font des partenariats aideraient. Si nous voulons fonctionner efficacement dans un environnement planétaire pour encourager la création d'emplois et une économie rurale plus dynamique et plus saine, nous devons prendre conscience que nous faisons concurrence à l'Inde, à la Chine et à d'autres pays. Plus grand sera notre effort au niveau local et plus grande sera la possibilité d'un effet positif.
Le sénateur Segal : Les témoins de la Foundation for Rural Living ont mentionné le fait qu'une fondation de Toronto, Maytree, a réalisé un investissement de 10 millions de dollars. Il ne s'agissait pas de l'argent du gouvernement; c'était de l'argent privé.
Pensez-vous que les règles actuelles de nos dispositions sur la certification des organismes de bienfaisance dans la Loi de l'impôt sur le revenu sont suffisamment souples pour permettre ce que je considère comme étant une fonction de défense d'une cause au nom du Canada rural et des fondations rurales?
Comme vous le savez, nos règles actuelles en matière d'impôt sur le revenu précisent que vous ne pouvez dépenser que 10 p. 100 des dons de charité que vous avez reçus à des activités de défense d'une cause. Je pense que l'ARC a essayé d'être assez juste en permettant une interprétation assez large du mot « éducation ». Vous pouvez aller très loin dans le domaine de l'éducation sur les questions rurales et autres avant que cela dépasse la limite prévue dans la Loi de l'impôt sur le revenu pour la défense d'une cause.
Comme vous le savez par vos collègues dans le secteur urbain, il s'est fait beaucoup de travail pour élargir les règles de l'impôt sur le revenu pour les organismes sans but lucratif et la désignation d'organisme de bienfaisance dans les villes. Pensez-vous que pour les organismes de bienfaisance et sans but lucratif dans les régions rurales du Canada, cela constitue un obstacle pour recueillir les fonds dont ils ont besoin?
Le sénateur Gustafson mentionne souvent que dans certaines parties du monde et dans le Canada rural, ce qui inclut les régions rurales de l'Ontario, les exploitants de minerais et de ressources accaparent les récoltes, le pétrole, le gaz et les minerais, au détriment des résidents locaux auxquels ils laissent très peu. Du moins, pas autant qu'ils ne le devraient. Certains pays exigent que les exploitants fassent des dons de bienfaisance qui équivalent à un pourcentage de ce qu'ils puisent. Ainsi, les exploitants reçoivent un allégement fiscal, alors que la communauté rurale reçoit un don.
Cette option serait-elle plus utile ou plus constructive pour relever les défis auxquels vous et vos collègues faites face au Canada rural?
Mme Hayes : Nous devons amener les entreprises du secteur privé à comprendre qu'elles ont la responsabilité d'appuyer les communautés d'où ils puisent leurs ressources et d'où ils tirent leurs richesses.
À cet égard, l'organisation Imagine Canada et le Programme des entreprises généreuses d'Imagine Canada ont marqué une première étape importante dans la définition de cette responsabilité. Mais je crois qu'il reste beaucoup à faire. Dans notre travail au sein du secteur sans but lucratif, il est très difficile d'attirer les grandes organisations nationales et de les faire participer aux priorités locales axées sur les communautés. Il faut fournir plus d'occasions aux entreprises afin d'encourager ce genre de contribution dans les communautés.
Le sénateur Mercer : Je remercie les témoins de leur présence ici ce matin. Il s'agit de mon domaine d'expertise et d'intérêt, particulièrement en ce qui concerne les questions liées aux organisations sans but lucratif.
Monsieur Flaming, nous avons parlé du revenu garanti. Nous avons entendu parler du revenu annuel garanti en Saskatchewan et en Nouvelle-Écosse. J'ai été surpris de constater que certaines personnes nous ont recommandé d'examiner l'éventualité d'un revenu annuel garanti. Vous avez utilisé le terme « progressif » dans votre exposé. Quel est votre concept du revenu progressif.
M. Flaming : Plusieurs participants nous ont fait part de ce commentaire. Selon eux, un revenu garanti serait approprié, mais y a-t-il une capacité d'obtenir un emploi? Dans ce cas, le montant accordé serait lié à cette possibilité d'obtenir un emploi. Ils avaient besoin d'un plus haut niveau progressif de revenu garanti, manifestement pour les gens qui n'ont aucune possibilité d'obtenir un emploi. De l'avis des participants, vous ne donnerez pas nécessairement un revenu de sécurité à n'importe qui, sans aucun critère. Ils étaient certainement en faveur de l'établissement de critères aux termes desquels ce revenu serait accordé.
Le sénateur Mercer : Un examen des ressources, si on veut.
M. Flaming : Oui.
Le sénateur Mercer : Il y a un ministère gouvernemental que vous n'avez pas mentionné : FedNor, soit l'Initiative fédérale de développement économique pour le Nord de l'Ontario. FedNor collabore-t-il?
M. Flaming : Tout à fait. La coopération industrielle communautaire à laquelle j'ai fait allusion travaille par l'entremise de FedNor. Aussi bien dans mes fonctions antérieures que mes fonctions actuelles avec le Conseil rural de l'Ontario, Industrie Canada s'est avéré un fervent défenseur du développement communautaire économique au niveau rural grâce aux efforts déployés par ses Sociétés d'aide au développement des collectivités, ainsi qu'à son soutien par le biais de FedNor. Il s'agit d'un organisme fédéral très positif.
Le sénateur Mercer : Il serait utile d'avoir des exemples de modèles de réussite. Nous aimerions que vous nous en fassiez part, et peut-être pourrions-nous aller les voir à mesure que cette étude progresse. Nous n'avons aucune difficulté à trouver des problèmes, mais nous avons des difficultés à trouver des solutions.
M. Flaming : Du point de vue organisationnel, j'aimerais vous mentionner Opportunities 2000, qui a donné d'excellents résultats dans la lutte contre la pauvreté dans la région de Waterloo et dont le but est d'aider le secteur sans but lucratif et le secteur privé à lutter contre la pauvreté. La région de Waterloo compte trois grands centres urbains, mais on y trouve aussi des régions rurales.
Par ailleurs, le Communities Opportunities Development Agency à Cambridge est une organisation communautaire qui se penche sur les besoins des personnes qui sont laissées pour compte. Leur soutien en matière de programmes est exceptionnel dans bien des cas.
Le sénateur Mercer : Madame Hayes, dans mes discours de collecte de fonds sur les organisations sans but lucratif, j'utilise des données similaires à celles que vous avez indiquées à la page 5 de votre exposé. Les gens sont étonnés d'apprendre que le secteur sans but lucratif est plus grand que les secteurs de l'automobile, du pétrole et du gaz et, assurément, le secteur de l'agriculture. C'est un acteur très important.
L'une des difficultés, c'est qu'environ 60 p. 100 des œuvres de bienfaisance ontariennes en milieu rural se classent dans la catégorie des organismes de bienfaisance religieux. Durant la tournée du comité partout au pays, nous avons constaté la diminution de cette capacité. Nous sommes conscients du fait que les églises centralisent leurs activités en raison des coûts. La capacité d'offrir des services aux collectivités rurales est diminuée par le fournisseur régulier de ces services.
Ma question ne concerne pas les églises, mais plutôt Centraide et une organisation religieuse, l'Armée du Salut. Centraide a-t-il abandonné la partie ici à cause de son envergure mondiale et de ses services dans les régions urbaines du Canada?
Mme Hayes : Permettez-moi de demander à Mme Gaouette de répondre à cette question. Elle a une expérience plus directe dans ce domaine.
Mme Gaouette : Il est intéressant que vous parliez de Centraide et de son impact dans les régions rurales par rapport aux régions urbaines. Il va sans dire qu'à Guelph où j'habite, cela se manifeste de façon assez évidente. Centraide parvient à recueillir 2 millions de dollars dans le centre urbain, mais un montant très minime dans le comté. Je crois qu'une question plus importante à propos de Centraide est le fait que cette organisation se concentre sur les régions urbaines et sur des secteurs particuliers en matière de prestation de programmes.
Un des plus gros défis dans le financement de Centraide est qu'il agit en fonction des programmes, lorsque la prestation de services vient s'ajouter à une organisation. Le financement de base, qui est nécessaire pour bâtir une organisation plus solide, n'existe plus car le financement est orienté vers la prestation de services.
Lorsque nous examinons les collectivités rurales et leurs organisations, le problème est d'autant plus accentué, car le financement se fait moins important. Si nous ne fournissons pas un financement de base pour payer un directeur exécutif, un gestionnaire ou le personnel de bureau, pour acheter un ordinateur, pour former le personnel ou pour recruter des bénévoles — bref, toutes les fonctions qui, nous le savons, contribuent à renforcer les organisations — il devient plus difficile d'offrir des services. D'après ce que nous avons pu observer, Centraide intervient très activement dans le financement des programmes et la prestation de services particuliers, et cela est un gros problème pour les collectivités rurales.
Au cours des dix dernières années, nous avons assisté à un grand mouvement, mais pour mieux utiliser notre financement, ce mouvement doit être dirigé directement vers le service. On n'a pas besoin de financer toutes ces activités qui contribuent à rendre les services encore meilleurs. C'est un des facteurs qui contribuent à l'écroulement des organisations sans but lucratif dans les communautés rurales, y compris les églises.
Le sénateur Mercer : Centraide est une organisation importante. Dans une vie antérieure, lorsque j'étais vice- président du plus grand YMCA au Canada et du troisième plus grand YMCA au monde, à Toronto, il m'arrivait de donner des conférences pour le compte de Centraide. À l'époque, un Torontois sur trois dans la région du Grand Toronto était touché par Centraide, tous les ans. Ces organisations peuvent exercer un énorme impact si elles sont bien exploitées. C'est pourquoi je poursuis cette question dans le contexte du Canada rural, car je constate qu'elle rate un peu sa cible.
Vous avez indiqué que, selon vous, le secteur sans but lucratif était en difficulté. Je dirais plutôt le contraire : il est en plein essor, et c'est bien là le problème. On compte 180 000 organisations sans but lucratif au pays, et chacune d'entre elles livre une bataille de diverses façons pour avoir une part du gâteau. On semble avoir écarté le Canada rural car, selon vos propres statistiques, 97 p. 100 des œuvres de bienfaisance rurales affichent des recettes de moins de 1 million de dollars, comparativement à seulement 24 p. 100 dans les centres urbains. Ces chiffres mettent en évidence le problème.
Le sénateur Segal a posé une question sur la défense des intérêts. Nous avons parlé du fait que la pauvreté rurale était une réalité masquée. Personne ne sait qu'elle existe. Est-ce que la limite de la défense des intérêts empêche cette identification des problèmes dans les régions rurales du Canada?
Mme Hayes : Honorable sénateur, il existe deux facteurs importants. Le premier facteur, c'est que les gens qui sont attirés par le secteur sans but lucratif et bénévole, ainsi que les programmes de bienfaisance, sont des gens passionnés qui veulent apporter des changements et les faciliter. Leur passion est exprimée dans leurs programmes. C'est pourquoi ils se portent volontaires à travailler dans ce secteur. Il leur tient à cœur de faire une différence. Un des défis pour un grand nombre d'entre nous est que nous examinons les problèmes et les programmes au lieu de comprendre, en même temps, que nous avons une responsabilité en tant que membres de ce secteur : celle de défendre — avec un « d » minuscule — les intérêts de ce secteur dans le but de le rendre plus fort et plus efficace. Nous ne considérons pas que notre rôle et notre responsabilité consistent à défendre des intérêts.
Les demandes faites aux organisations et aux personnes qui offrent les programmes augmentent à un tel point que ces dernières en sont débordées. Le rôle de défense des intérêts les éloigne de leur organisation axée sur la prestation de programmes, qui ne dispose pas de ressources suffisantes.
Comment pouvons-nous appuyer davantage le secteur sans but lucratif et bénévole et l'aider à devenir un secteur plus fort? Si cela implique la défense des intérêts, et je crois que c'est le cas en partie, quelles sont les prochaines étapes que nous pouvons suivre?
Le sénateur Mercer : C'est une bonne question. L'une des réponses réside peut-être dans l'ARC. Au cours des dernières années, l'ARC a fait un excellent travail en tendant la main aux œuvres de bienfaisance et aux personnes dans l'industrie par l'entremise des comités consultatifs et ce, à l'insu du public, car ce n'est pas une nouvelle sensationnelle qui fait les manchettes du Globe and Mail. Malheureusement, le nouveau gouvernement du Canada a annulé les comités. J'espère qu'il rétablira ces comités, car ils étaient utiles. La question de la défense des intérêts était d'ailleurs à l'ordre du jour.
Comment la Foundation for Rural Living est-elle financée? D'où provient son financement?
Mme Hayes : Notre organisation fait face aux mêmes défis que bon nombre des organisations du secteur sans but lucratif et bénévole. Nous sommes principalement financés par le gouvernement.
Le sénateur Mercer : Êtes-vous financés par le gouvernement de l'Ontario?
Mme Hayes : Nous avons reçu un financement du gouvernement de l'Ontario. À l'heure actuelle, nous sommes financés par le biais du Secrétariat rural et de ses modèles pour le renforcement des capacités des collectivités rurales.
Mme Gaouette : Nos projets sont, eux aussi, financés par le Secrétariat rural et le gouvernement provincial dans le cadre de leur nouvelle initiative de capacité bénévole et grâce à la promotion du ministère de la Santé.
Le sénateur Mercer : Nous avons rencontré un groupe similaire à Debert, en Nouvelle-Écosse. Ce groupe avait établi une fondation qui accordait des subventions. C'est un autre bon exemple.
Le sénateur Eyton : Je suis le dernier venu au sein du comité, et j'ai appris pas mal de choses dans ces 15 ou 20 dernières minutes. Il se trouve que je suis un gars de la ville qui habite à la campagne. Je connais assez bien la vie dans certaines régions proches des lacs au Nord de Toronto et, pour d'autres raisons, je suis aussi familier avec certaines des régions rurales au Nord de l'Ontario. Après avoir entendu vos commentaires, et à la lumière du travail de ce comité qui porte, après tout, sur la pauvreté rurale, cela nécessite une certaine définition.
D'après mon expérience ou mes observations, dans les régions rurales que je viens de mentionner, y compris la région où j'habite à l'extérieur de Toronto, c'est l'économie monétaire qui domine. J'aimerais juste savoir si vous tenez compte de la pratique fort populaire, particulièrement dans les collectivités rurales, qui consiste à payer les travailleurs manuels presque toujours en argent liquide; ces travailleurs ne font presque jamais partie de la soi-disant économie déclarée. Avez-vous déjà examiné et pris en considération ce point?
M. Flaming : Ce phénomène est sans doute bien réel et fait partie de l'économie rurale proprement dite, mais je dois admettre que nous n'avons jamais envisagé ou examiné directement cette partie importante de l'économie, ni son fonctionnement. Je n'ai pas vraiment de commentaire positif ou négatif à formuler sur ce point précis, à part le fait qu'il existe.
Le sénateur Eyton : Je crois que ce phénomène est assez prédominant. Je ne crois pas qu'il se produit uniquement dans les collectivités rurales. Je suis sûr qu'il se produit dans le contexte urbain aussi.
Je suis intéressé par la description de vos deux organisations. De toute évidence, vous avez suscité beaucoup de discussions, de débats et de discernement. Mais, d'après mon expérience, vous avez besoin d'un plus grand objectif.
J'aimerais revenir à la suggestion faite par le sénateur Mercer concernant les exemples. Chacun de vous peut-il me donner un exemple lié à un objectif issu des discussions et qui, selon vous, a fait une contribution positive?
M. Flaming : Du point de vue du Conseil rural de l'Ontario, les quatre derniers forums ont été de véritables exemples de réussite au niveau du travail de cette organisation, de notre raison d'être et de la valeur ajoutée que nous offrons aux intervenants ruraux et aux organisations provinciales, fédérales et régionales-locales.
J'ai déjà mentionné le forum sur la protection de l'eau de source, que nous avons tenu en juin 2006. Le dossier de la protection de l'eau de source a été qualifié de question cruciale après l'incident d'approvisionnement en eau potable à Walkerton. Par l'entremise de notre groupe de travail sur l'environnement, notre organisation a décidé qu'il fallait rassembler les intervenants ruraux pour savoir ce qu'ils avaient à dire sur la législation du ministère de l'Environnement visant à protéger l'eau de source. Tout le monde s'accorde pour dire que la protection de l'eau de source est cruciale et que nous devions donc faire quelque chose pour régler ce problème.
Dans le cadre de ce forum, nous avons eu droit à un formidable échange et dialogue avec les propriétaires de terrains, les municipalités et les organismes de protection de la nature. Nous avons préparé un livre vert qui contenait les recommandations du ministère de l'Environnement. Aux dires des Ontariens, certaines de ces recommandations étaient bonnes et d'autres intéressantes. Les intervenants ruraux ont dégagé des recommandations particulières qui, selon eux, pouvaient améliorer les mesures prises par le gouvernement pour protéger l'eau de source. Le ministère de l'Environnement a apporté quelques changements à ces recommandations. Du point de vue du Conseil rural de l'Ontario, cet événement particulier s'est avéré positif, en ce sens qu'il a permis d'alimenter l'élaboration des politiques et des programmes.
Par ailleurs, à Sudbury, nous avons tenu un forum sur les réseaux locaux d'intégration des services de santé. Le ministère de la Santé de l'Ontario propose le système de réseaux locaux d'intégration des services de santé comme un moyen de dispenser les services de santé. Notre forum visait à déterminer si cette structure répondait aux besoins ruraux. Dans le cadre des exposés des groupes d'experts, nous avons pu échanger des idées — aussi bien les meilleures que les pires — avec les collègues de l'Alberta qui avaient mis en œuvre des réseaux de santé régionaux. Encore une fois, grâce à un dialogue avec les participants communautaires, nous avons pu entendre ce que les intervenants communautaires avaient à dire et ce qu'ils recommandaient pour répondre aux besoins en matière de services de santé en milieu rural.
Le sénateur Eyton : Cela a-t-il entraîné des changements, ou bien y en aura-t-il? Je suis intéressé par des résultats mesurables.
M. Flaming : Nous n'en sommes pas encore là. Nous allons visiter chaque lentille rurale et répondre à ces types de questions rurales.
Mme Gaouette : En tant que directrice des programmes, j'aimerais beaucoup parler du programme des agents de développement rural et de la réussite que nous avons connue au cours des trois dernières années avec notre projet en Ontario. Nous procédons actuellement à l'expansion de ce projet en Nouvelle-Écosse, qui jouit d'un vaste réseau de collectivités et d'un financement provincial et fédéral par le biais du Secrétariat rural.
En ce qui a trait au concept derrière le programme des agents de développement rural, nous avons commencé par déterminer quelles organisations rurales devaient être efficaces au sein de leur collectivité et comment nous pouvions les aider. Elles nous ont indiqué alors qu'elles avaient besoin de ressources financières et humaines, ainsi que des services d'accompagnement, de mentorat et de soutien afin d'acquérir les compétences et les connaissances nécessaires pour fournir ces services. Elles ont également besoin d'une infrastructure car il y a un manque de financement de base.
Pour le programme des agents de développement rural, nous avons placé une personne dans trois différents types de situation. Ainsi, nous avons placé une personne dans une organisation sans but lucratif où le rôle de l'agent de développement rural était de travailler avec l'organisation afin d'élaborer des stratégies liées au développement des fonds. Nous n'avons pas tardé à constater qu'en situation de crise de financement, c'est-à-dire lorsqu'il faut organiser des événements spéciaux et essayer d'obtenir des fonds juste pour pouvoir survivre, il est difficile d'avoir un plan de développement de fonds judicieux. Une grande partie du travail a donc consisté à recruter un conseil d'administration solide qui saurait quoi faire pour être efficace : s'assurer que le plan stratégique soit facile à livrer, créer un plan et, par la suite, examiner les stratégies à court et à moyen terme. L'agent de développement rural a joué ce rôle.
Une autre personne a travaillé dans un centre de santé communautaire dont le mandat consistait à fournir des services aux familles ayant des enfants âgés de six ans au plus. Toutefois, le centre interagissait également avec les familles ayant des enfants de six ans et plus, mais faute de financement, il ne pouvait pas fournir des services aux enfants de 11 à 13 ans. L'agent de développement rural a reconnu la nécessité de trouver d'autres partenaires et a travaillé avec le mandat du centre de santé et celui des groupes communautaires aptes à fournir ces services de soutien complémentaires à ces familles. De cette façon, l'agent a permis d'accroître les partenariats, d'attirer plus de fonds et de fusionner les ressources. Il s'agit d'un projet de renforcement des capacités qui a porté fruit et dans le cadre duquel on essaie de rassembler les ressources pour offrir des services aux familles ayant des enfants âgés de six ans au plus.
L'autre modèle était les municipalités. À West Lorne, le projet a connu un énorme succès. De nombreuses municipalités ont accordé de petites subventions communautaires, de 500 $ par exemple, à différents organismes bénévoles afin de les aider dans leurs activités. Elles disposaient d'environ 5 000 $ et ont reçu à peu près 200 000 $ de demandes de subvention. Elles ont entendu parler du programme d'agents de développement rural et l'ont considéré comme une possibilité de faire appel à cette personne pour travailler avec les organismes et régler la question. De quoi avez-vous besoin et qu'offrirez-vous? Pouvons-nous établir des partenariats? Où pouvons-nous trouver ce financement? Comment pouvons-nous mettre en relation des organismes à but non lucratif qui souhaitent offrir des activités sportives avec des sources de financement plus importantes, et réinjecter cet argent dans la municipalité? Mary Lou Kominek, qui a été l'agente de développement rural là-bas en 2006, a très bien réussi à aider la municipalité à faire le meilleur usage possible de ses ressources financières en injectant d'autres fonds dans ces groupes communautaires.
Nous réalisons actuellement une évaluation triennale du projet. Nous venons juste de recueillir les données de notre deuxième année. Notre équipe de recherche publiera le deuxième rapport en juin 2007. Nos organismes soutiennent que ce projet a incontestablement augmenté le financement de leurs programmes, mais a également permis au directeur général, au personnel et au président, grâce à ce niveau de financement plus élevé, à faire participer un plus grand nombre de partenaires, à considérer des fonds publics, à collaborer avec Centraide et à travailler auprès de mécènes dans leur région. Cela a donné des résultats sur le plan financier et eu des effets positifs sur leur capacité de poursuivre leur travail.
Le sénateur Eyton : Je vous remercie de nous avoir donné cette réponse complète. Au fil des ans, j'ai eu l'occasion de travailler avec la Fondation Trillium. Avez-vous déjà collaboré avec cet organisme?
Mme Gaouette : Oui, au cours de mes 25 années d'expérience de travail dans des organismes à but non lucratif, j'ai beaucoup travaillé avec la Fondation Trillium. La Fondation Trillium se penche sur les activités de renforcement des capacités, en reconnaissant qu'une partie des fonds accordés aux organismes et aux projets pourraient donner de meilleurs résultats s'ils servaient davantage à des activités de renforcement des capacités organisationnelles et à du soutien plus largement centralisé pouvant servir certains organismes.
Quelqu'un a mentionné d'utiliser la technologie comme solution. Nous nous servons de la technologie pour fournir des ressources en bibliothèque et d'autres possibilités d'apprentissage. Nous nous sommes rendu compte grâce au programme d'agents de développement rural des avantages offerts par ces ressources, mais nous sommes confrontés à une insuffisance de services d'accès par réseau commuté à large bande. Peu importe le nombre de scénarios que vous enseignez dans une formation, vous avez besoin d'encadrement, de mentorat et de soutien pratique pour y arriver. Vous ne pouvez pas simplement lire un ouvrage sur la planification stratégique et élaborer un plan exceptionnel. Ce n'est pas le plan qui compte mais comment vous le concrétisez. Je crois que la Fondation Trillium se dirige dans cette voie.
La Fondation Trillium offre une excellente occasion, mais comme avec toutes les sources de financement, quelques grands défis se posent. Sa politique en matière d'octroi de subventions est conçue de sorte à ne remettre qu'une seule subvention à votre programme au cours de son existence. Si elle nous accorde des fonds pour un programme d'agents de développement rural, elle peut nous l'accorder pour une année seulement et nous devons ensuite trouver le financement ailleurs. La Fondation Trillium peut offrir du financement pendant une période maximale de trois ans si le programme est mené à l'échelle provinciale. Le fait que le programme connaisse du succès ou que vous obteniez de meilleurs résultats que prévus et fassiez de l'excellent travail ne compte pas. C'est son exigence. Le financement du secteur à but non lucratif pose un défi. Lorsque vous avez établi un excellent programme, d'où provient le financement pour continuer à l'exécuter? Un grand nombre des politiques de financement au sein des fondations et des gouvernements sont restreintes. Le financement permettra de lancer le programme mais pas nécessairement de le maintenir en place. L'autre défi à relever est évidemment de trouver le financement de base.
Le sénateur Gustafson : Je vous souhaite la bienvenue. J'ai quelques problèmes. Il semble qu'au chapitre de la pauvreté rurale, et de la pauvreté en général, nous comblons les pertes, mais est-ce que nous nous attaquons au fait que la Foundation of Rural Living est littéralement en train de s'effondrer? Elle s'effondre. Essayez d'embaucher quelqu'un dans ces fermes, à moins que la situation soit complètement différente de celle en Saskatchewan, et vous ne trouverez personne. J'ai entendu dire qu'en Ontario, ils veulent faire appel à des travailleurs migrants pour effectuer le travail dans les fermes. Dans une économie mondiale, nous sommes en chute libre, comme vous le dites. Le simple fait d'investir plus de fonds dans un organisme ne réglera pas le problème.
L'âge moyen des agriculteurs dans l'Ouest canadien est de 70 ans. Ils travaillent plus fort qu'ils ne l'ont jamais fait dans leur vie pour préserver leur ferme. À moins que nous apprenions à entrer en concurrence avec les Américains et les Européens sur le marché mondial, rien ne changera. La situation s'aggravera. La Foundation for Rural Living est ébranlée. Investir dans les fondations est une chose, et j'admire le travail des organisations non gouvernementales, mais on ne fait que réparer les pots cassés. Comment pouvons-nous mettre fin à la chute libre? Ne cessera-t-elle jamais?
À l'heure actuelle, la Saskatchewan est en plein essor dans absolument tous les secteurs, sauf en agriculture. Les champs de pétrole sont exploités jour et nuit. Même si le gouvernement provincial ne l'admettra pas, le Trésor public reconnaît l'apport de l'industrie pétrolière et gazière à l'économie. L'agriculture est pour sa part dans une situation précaire. Elle devrait constituer le fondement même de l'économie.
À titre d'exemple, en 1970, un baril de pétrole et un boisseau de blé coûtaient 2 $ chacun. De nos jours, vous savez ce que vaut un baril de pétrole, oscillant entre 50 et 70 $, et un boisseau blé se vend 3,50 $. Comment diable réussirons- nous avec des agriculteurs âgés et fatigués qui tentent d'assurer la survie de leur exploitation uniquement parce qu'ils ont beaucoup de fierté? En Saskatchewan, malgré la quantité de ventes enregistrées par l'entreprise Ritchie Brothers, le leader mondial dans le secteur des ventes aux enchères, l'entreprise soutient qu'elle ne peut plus accepter des ventes d'exploitations agricoles. Je cherche des réponses; elles n'existent peut-être pas.
M. Flaming : Je vous remercie de nous donner l'occasion de répondre à cette question très intéressante. J'ai grandi dans une ferme dans le comté d'Essex et je comprends bien les défis de l'agriculture, de l'exploitation agricole. Certains secteurs se portent bien tandis que d'autres non. Je connais peu l'Ouest canadien mais, d'après ce que j'ai lu, l'Ouest éprouve de sérieuses difficultés.
Nous sommes en 2007, pas en 1920. L'agriculture fait partie du milieu rural et le milieu rural n'est pas uniquement l'agriculture. L'agriculture représente une part très importante de l'économie de l'Ontario au chapitre du produit intérieur brut. Une étude récente, menée par M. David Sparling de l'Institut des politiques agroalimentaires innovatrices et Statistique Canada, montre clairement qu'en Ontario, un vaste pourcentage des agriculteurs ont besoin de revenus d'appoint pour continuer d'exploiter leur ferme. C'est la réalité. C'est ce qui se passe actuellement. Cela ne veut pas dire que nous ne devrions pas hausser les prix des produits de base pour les agriculteurs. Une politique agricole très efficace s'impose manifestement pour obtenir les prix dont les agriculteurs ont besoin pour leurs produits. Mon père serait tout à fait en faveur de cette politique.
Nous devons tenir compte des réalités de la vie. Une grande proportion des agriculteurs de l'Ontario qui touchent des revenus d'appoint soutiennent qu'une politique de développement économique rural efficace est requise pour offrir des occasions de gagner des revenus d'appoint et d'autres possibilités d'emploi pour permettre au conjoint ou à la conjointe de travailler en dehors de la ferme durant certaines périodes de l'année. Cependant, il faut reconnaître les deux pour redresser cette économie rurale.
Le sénateur Gustafson : À l'heure actuelle, en Saskatchewan, à tout le moins, et en Alberta, on ne réussit pas à trouver suffisamment de travailleurs en dehors des fermes ou dans l'industrie pétrolière, l'industrie gazière, l'industrie de l'uranium ou les entreprises de production d'engrais. Ils ne trouvent simplement pas assez de travailleurs. Ils les font venir des Maritimes et de partout au Canada.
J'ai pris l'avion à Regina et j'étais à l'aéroport à 4 heures. Un avion bondé de jeunes partait en direction de Calgary. Certains portaient des habits de travail et d'autres, des habits pour le bureau. Bientôt, nous ferons venir des travailleurs de Chine. Bien entendu, nous expédions toutes nos marchandises là-bas, où ils les traitent et nous les retournent. Nous sommes dans une toute nouvelle économie mondiale. Je crois que les terres au Canada sont importantes. Je pense que l'agriculture est le fondement et que les Américains ont su capter ce que c'est de travailler au cœur même de cette industrie. Je ne crois pas que nous l'ayons fait.
M. Flaming : J'ai collaboré avec des collègues aux États-Unis qui travaillent dans le secteur du développement rural. Ils voient certainement la corrélation entre l'agriculture et la création de collectivités rurales fortes.
Nous pouvons prendre exemple sur un grand nombre de nos collègues du Midwest — du Rural Policy Research Institute et du Centre for Rural Entrepreneurship — et sur leurs stratégies pour venir en aide aux collectivités des régions rurales et des petites villes. Nous devons reconnaître que ces collectivités sont souvent confrontées aux mêmes défis en matière d'agriculture.
Le sénateur Gustafson : Fait intéressant, les agriculteurs américains ont connu les trois meilleures années de leur histoire et nous, les trois pires. Il semble presque impossible de mettre nos gouvernements et nos bureaucrates canadiens au fait de la réalité à laquelle nous devons faire face. À moins que cela ne se produise, les régions rurales du Canada éprouveront des difficultés pendant très longtemps.
Le sénateur Mahovlich : Vous avez mentionné la migration vers des régions rurales et l'exemple de Collingwood. Un grand nombre de mes amis ont déménagé dans cette région à leur retraite. J'aurais cru que cette migration ferait disparaître la pauvreté, mais vous dites que ça ne fait que la dissimuler. Plus de gens, plus d'hôpitaux, plus de voitures et plus de travail — j'aurais pensé que des endroits comme Collingwood seraient florissants et qu'il n'y aurait pas de pauvreté. Si déménager dans un secteur rural n'est pas la solution, nous avons décidément un réel problème.
M. Flaming : Je faisais référence aux riches citadins qui déménagent dans des collectivités comme Collingwood. Les particuliers qui ne sont pas aussi bien nantis sont généralement cachés. Ce type de croissance à Collingwood soutient et relance l'économie locale. Je ne nie pas que c'est un point positif. Cependant, l'afflux de citoyens fortunés dans des régions rurales pauvres masque le problème. Du jour au lendemain, nous n'avons plus de problème dans cette région mais c'est faux. C'était ce que faisaient observer les organismes qui oeuvrent auprès de ces collectivités. Le problème est toujours là, mais il est masqué.
Mme Hayes : Dans ce contexte, nous devons reconnaître que l'arrivée de gens plus fortunés a permis de créer plus d'emplois, mais un grand nombre de ces emplois sont axés sur les services et sont peu rémunérés. Nous constatons une population grandissante de travailleurs à faible revenu qui travaillent aussi fort et aussi rapidement qu'ils le peuvent, mais cela ne les mène nulle part.
Le sénateur Mahovlich : C'est comme travailler au salaire minimum.
Mme Hayes : Oui, et ils doivent élever une famille en gagnant le salaire minimum.
Le sénateur Mahovlich : Ils ont besoin d'une banque alimentaire.
Mme Hayes : Oui, et ils ont besoin de meilleures chances de toucher des revenus plus élevés.
Le sénateur Mahovlich : Vous avez également mentionné que les ONG et d'autres centres de services offrent des programmes gouvernementaux. On a cité l'exemple du bureau de poste. J'ai toujours été rassuré que le gouvernement soit en charge de mon courrier. Allons-nous maintenant privatiser ce service? Rappelons-nous Walkerton où un service privé était responsable de l'eau.
M. Flaming : Oui, c'est vrai.
Je faisais référence au Nord de l'Ontario, où nous avions des centres de services gouvernementaux qui étaient dispersés à une certaine époque et, maintenant, en raison du retrait du marché du travail, ils sont des centres régionaux. Les résidents de ces régions rurales éloignées ne peuvent toujours pas accéder facilement aux services gouvernementaux. Ils ont des problèmes de transport. Ils n'ont pas de véhicule et ne peuvent se rendre à ces points d'accès plus centralisés. Une solution potentielle à ce problème — surtout si le gouvernement ne décentralise pas ces points d'accès pour que les résidents des régions rurales reçoivent les services offerts par les diverses agences gouvernementales — est d'examiner les endroits où les services appropriés peuvent être adéquatement offerts, tels que les bureaux de poste et les points de vente au détail. Nous devons trouver d'autres façons novatrices pour fournir les services aux collectivités et aux résidents dans leur localité plutôt que de les obliger à faire deux ou trois heures de route dans un moyen de transport qu'ils n'ont pas. C'était l'idée qu'on se faisait d'une approche novatrice.
Le sénateur Mahovlich : Dans le Midwest américain, les facteurs distribuent le courrier dans les collectivités agricoles. Le gouvernement ne le fait-il pas dans nos régions agricoles? Le gouvernement n'assure-t-il pas la livraison du courrier dans les fermes?
M. Flaming : Oui, il l'assure, mais je faisais allusion à d'autres types de services gouvernementaux qui sont désormais offerts dans un endroit centralisé en raison de compressions budgétaires. On semble retirer les points d'accès aux services. Plutôt que de forcer les gens à faire deux ou trois heures de route pour se rendre à ce point central, examinons ce que nous pourrions faire pour maintenir ce service gouvernemental donné dans cette vaste région.
Le bureau de poste a été cité simplement pour donner un exemple de moyen d'assurer un service nécessaire aux collectivités rurales. Je crois que c'est un bon exemple, car certaines collectivités utilisent des points de vente au détail pour fournir ce service. Nous devons examiner d'autres options et façons d'assurer ce service.
Le sénateur Mahovlich : Je suis originaire d'une localité minière. Le PDG d'une des sociétés minières a pensé que ce serait une bonne idée de construire un centre communautaire, dans lequel il y avait une patinoire, une salle de quilles, et cetera. Il pensait que c'était une bonne idée parce qu'il remonterait le moral des mineurs. C'était un organisme à but lucratif, mais ils considéraient que le moral de la population était très important. Les équipes étaient commanditées par des organismes sans but lucratif comme le Club Lions, et la collectivité entière participait. À mon avis, si nous souhaitons venir en aide aux collectivités rurales, tout le monde doit faire sa part.
M. Flaming : Je suis tout à fait d'accord, compte tenu de mon expérience en développement économique rural au sein du ministère et dans le cadre de mes fonctions actuelles.
Mme Hayes a mentionné les partenariats. Certaines personnes en ont assez d'entendre ce mot, mais dans l'économie actuelle, je crois que c'est essentiel. Les partenariats entre le secteur privé, le gouvernement fédéral et les organismes provinciaux et régionaux sont indispensables pour améliorer la santé de la collectivité en général. À mon avis, le secteur privé doit tisser des partenariats avec les divers paliers de gouvernement. C'est fondamental pour renforcer une collectivité rurale. L'exemple que vous avez donné sur la collectivité minière et le propriétaire d'une société minière était excellent.
Le sénateur Mahovlich : Les organismes sans but lucratif devraient s'engager pour soutenir le projet.
M. Flaming : Oui, ils joueraient un rôle.
Le sénateur Mahovlich : Madame Hayes, avez-vous un commentaire à formuler?
Mme Hayes : Je ne suis pas sûre que nous puissions compter sur le secteur sans but lucratif et bénévole pour maintenir la viabilité de l'entreprise. Au départ, je tiens à signaler que les programmes et les services offerts principalement par le secteur bénévole sans but lucratif sont des services qui ne génèrent pas de profits ni de richesse. Si c'était le cas, ils seraient offerts par le secteur privé. Nous devons prendre bien garde de croire que le secteur sans but lucratif peut rendre ces programmes viables.
J'aimerais émettre des observations sur votre exemple. L'exemple de la société minière qui souhaite investir dans un centre communautaire montre qu'elle a compris l'importance de constituer à la fois un capital social et économique dans une collectivité. L'aménagement de ce centre communautaire a permis de rassembler la collectivité. Quand les gens commencent à se regrouper, ils tissent des liens entre eux. Ils se mettent à discuter des priorités de la collectivité. Ils commencent à se mobiliser et à s'attaquer aux priorités de la collectivité. C'est un merveilleux exemple d'investissement dans le capital social et économique des collectivités.
Le sénateur Mahovlich : Je crois que nous étions tous pauvres dans le Nord de l'Ontario, mais nous n'en étions pas conscients. Nous nous entraidions et nous entendions bien, mais je crois que nous étions quand même pauvres.
Mme Hayes : C'est l'un des véritables points forts de la culture des collectivités rurales.
M. Flaming : Cet argument peut tout aussi bien s'appliquer au secteur agricole. J'ai grandi dans une ferme. Nous avions du mal à joindre les deux bouts. C'est souvent ce qui arrive maintenant. C'est pourquoi le problème de la pauvreté est bien dissimulé. Dans les collectivités agricoles, les collectivités rurales, les gens ont une mentalité d'autosuffisance et veulent s'en tirer par leurs propres moyens. Les participants à notre table ronde étaient étonnés que les agriculteurs et les habitants des régions rurales hésitent à recourir à la banque alimentaire. Ils ont honte en quelque sorte d'accéder aux services. Cela fait partie de la « dissimulation ».
Le sénateur Milne : Puisque je suis arrivée à la toute fin de votre exposé, j'aimerais connaître les éléments manquants et sous-représentés dans le rapport.
Pour faire suite à la question du sénateur Mahovlich, il y a une énorme différence entre la pauvreté rurale dans une région comme le comté d'Essex où il y a de belles terres agricoles fertiles et plates et Moosonee, où il n'y en pas du tout.
Quand vous êtes extrêmement pauvre dans une région comme celle-là et parvenez tout juste à subsister à vos besoins d'une façon ou d'une autre, le secteur bénévole est pratiquement inexistant, car personne n'a le temps de faire du bénévolat. Le problème s'aggrave.
M. Flaming : Je vais me prononcer sur cette observation, uniquement pour confirmer vos propos. C'est le message qui est ressorti des discussions que nous avons tenues dans le cadre de la table ronde avec des représentants de partout en Ontario. La pauvreté rurale est différente selon les régions habitées. Nous devons comprendre cela pour pouvoir mettre en place les mécanismes et les types d'approches appropriés pour lutter contre la pauvreté dans le comté d'Essex et à Moosonee. C'était un message d'importance cruciale que nous avons entendu de nos intervenants. Faisons les choses correctement et comprenons bien les différents aspects de la pauvreté.
Le sénateur Segal : Je veux poser une question portant sur le côté sombre, ou l'évidence même dont personne ne veut discuter. La Police provinciale de l'Ontario a soutenu qu'il pourrait y avoir jusqu'à 20 000 plantations de marijuana dans les régions rurales de l'Ontario. La culture de la marijuana représente un éventail d'activités criminelles graves. Nous n'avons aucune donnée qui prouve que la violence familiale et la consommation de drogues ou d'autres substances sont moins fréquentes dans les régions rurales de l'Ontario. En fait, une grande quantité de preuves montrent que, selon le pourcentage de la population disponible, ces problèmes peuvent être nettement plus élevés.
Dans une région qui se vide de sa population, le problème est — c'est vrai pour tout le pays — attribuable en partie au fait que lorsqu'il n'y a personne pour constater ce qui se passe, des événements sur lesquels les gens ont peu de contrôle surviennent. J'aimerais connaître votre opinion sur le sujet.
Mme Gaouette : Je parlerai brièvement des répercussions sur les familles qui vivent dans des collectivités en déclin.
J'ai de nombreuses d'années d'expérience en matière de prévention de la violence et des mauvais traitements dans les programmes et services de la Société canadienne de la Croix-Rouge. Tout le concept de la violence et des mauvais traitements n'est pas seulement une question de pauvreté; il faut que ce soit clair. La violence et les mauvais traitements surviennent dans tous les types de familles et dans toutes les collectivités.
L'une des caractéristiques d'une collectivité en déclin où les soutiens offerts diminuent progressivement, comme l'a mentionné le sénateur Milne, est que les services de soutien personnel ont moins les moyens pour résoudre les problèmes liés à la collectivité et les autres problèmes familiaux parce qu'ils sont tellement pris par leurs propres problèmes que ceux-ci s'aggravent et deviennent dissimulés. Ce manque de soutien peut mener certaines familles à se retrouver dans des situations de violence qui auraient peut-être pu être évitées si elles avaient eu du soutien approprié à leur disposition. Je fais référence au soutien financier et à la capacité de subvenir aux besoins fondamentaux comme la nourriture, le logement et les vêtements. S'ils n'ont pas les moyens de satisfaire leurs besoins fondamentaux, les gens deviennent incapables d'interagir avec la collectivité et le réseau social qui peuvent les aider à régler ces problèmes. C'est un énorme problème dans les collectivités rurales autochtones isolées qui ont peu de ressources et de réseaux sociaux. Plus les familles agricoles s'isolent de la collectivité et ont des problèmes de transport, d'accès à l'aide financière pour bénéficier des services offerts dans leur programme, et cetera, plus le problème s'aggrave.
En plus de la sensibilisation à la violence faite aux enfants, aux facteurs qui y contribuent et aux mesures à prendre pour y mettre fin, ces réseaux sociaux sont indispensables pour faire participer les gens. C'est ce qui s'effondre dans les collectivités rurales au chapitre de la pauvreté et de l'accès aux services. Ce qui importe, ce n'est pas d'avoir les services, mais de pouvoir y accéder. Il ne s'agit pas seulement d'emmener les gens au centre récréatif. Lorsqu'ils y sont, qu'en est-il des frais d'utilisation? Tout est interrelié. Vous devez satisfaire vos besoins fondamentaux et avez besoin de ce réseau social pour vous maintenir en bonne santé et actif.
J'ignore si cela répond à la question.
M. Flaming : Je souhaite ajouter une observation. Les histoires sont importantes, les histoires vécues de personnes qui traversent une période de pauvreté et de son incidence, les mauvais traitements, la violence, la toxicomanie.
Dans le cadre de nos conversations avec des représentants de services de santé publique, de municipalités, de Centraide et du Conseil de planification sociale, nous avons entendu de nombreux récits de personnes qui éprouvent exactement les mêmes difficultés dont vous parlez. Nous avons entendu comment ils s'adaptent, réagissent et remédient à ces problèmes. Ce sont de vraies images qui nous révèlent que la pauvreté est un grave problème dans les collectivités rurales. Il est en partie attribuable à un manque de soutien financier, de soutien familial ou autre. Nous serions plus éclairés et mieux informés si nous comprenions véritablement la profondeur de ce type de souffrance humaine, établissions des liens avec des organismes comme ceux que je viens de mentionner et travaillions sur le terrain auprès des collectivités et des résidents.
C'est un objectif du CRO, entre autres, pour tenter d'ouvrir la voie au dialogue afin que nous puissions être convenablement informés de ce qui se passe réellement. Des discussions avec des organismes comme ceux-là nous éclairent vraiment. D'une perspective bien précise, nous avons certes entendu des exemples de mauvais traitements liés au revenu et à la situation familiale.
Le sénateur Gustafson : Je veux revenir sur le sujet soulevé par le sénateur Milne sur le prix des terres. À mon avis, nous n'avons pas vraiment réfléchi à ce sujet très important. Je fais maintenant référence au nombre d'acres qui se transforment en béton à Toronto, à Montréal et à Vancouver. Les Américains ont déjà pris des mesures à cet égard, car ils ont tellement de grandes villes, que l'utilisation des terres est devenue un sujet très important. Il revêtira et revêt de plus en plus d'importance au Canada puisque nous devenons de plus en plus sensibilisés à l'environnement. Je veux revenir sur ce sujet parce qu'il est très important, à mon avis. Il y a différents niveaux de revenu qui offrent une garantie. Si vous possédez une parcelle de terrain que la banque évalue à 500 000 $ ou à plusieurs millions de dollars, vous n'aurez pas de difficulté à payer les intrants et le reste. Ce point doit être pris en considération.
Le sénateur Milne : Vous ne pouvez pas cultiver la terre si vous la vendez. La terre constitue la source de revenu.
Le sénateur Gustafson : Non, mais sa valeur vous donne une garantie d'emprunt.
La présidente : Si vous visitiez des secteurs qui faisaient autrefois partie des régions rurales de l'Ontario, en passant par Toronto jusqu'à Sutton, vous parcouriez de superbes collines onduleuses et de magnifiques fermes. Au cours de la dernière année, j'ai sillonné cette région et j'ai été à la fois sidérée et triste de constater jusqu'à quel point les terres sont occupées par la ville, par des gens qui ne veulent pas cultiver les terres mais qui veulent habiter ces régions rurales. C'est triste, d'une certaine façon. Ces secteurs agricoles riches que vous pouviez voir autrefois sont complètement transformés. Ils disparaissent. Ce comité devrait également se pencher là-dessus.
Le sénateur Gustafson : Nous avons remarqué une situation semblable à l'Est de Lethbridge. Ils ont dit que le prix des terres devient si élevé que si une génération renonçait à la ferme, ce serait la fin. Elle appartiendrait à une société pétrolière, à un parc d'engraissement, et cetera. La ferme familiale n'aurait plus jamais le contrôle de ces très bonnes terres. La situation en Saskatchewan est tout à fait le contraire dans certaines régions.
Le sénateur Milne : Je vis à Brampton sur la plaine de Peet, dans la jolie région argileuse de Chinguacousy où la plupart des terres agricoles de première catégorie sont recouvertes de bitume. Les gens ne peuvent cultiver les terres, car elles se vendent des millions de dollars. S'ils restent sur les terres pour les cultiver, ils ne peuvent pas payer les taxes, car elles montent en flèche.
Le sénateur Gustafson : Quelle est la position du gouvernement à l'égard de ces types de situations? Le Canada devra tôt ou tard regarder la réalité en face.
M. Flaming : Lorsque j'ai entamé ma carrière au ministère de l'Agriculture, de l'Alimentation et des Affaires rurales de l'Ontario, le ministère mettait en œuvre les Directives en matière de conservation des terres agricoles et la politique provinciale sur la protection des terres agricoles. J'ai commencé ma carrière avec une expérience en exploitation agricole et avec des idées, une vision et une passion pour la protection des bonnes terres agricoles.
Le sénateur Milne : Mon époux était ingénieur agricole au ministère.
M. Flaming : Oui, c'est vrai. Je me rappelle de ce nom. Je me souviens d'avoir travaillé dans les région de Peel, de Halton et de Waterloo-Wellington.
La question de la protection des terres agricoles est cruciale au chapitre de la sécurité alimentaire. Je veux y revenir en tenant compte du fait que les citadins veulent se rendre en voiture dans les régions rurales et admirer le paysage. À mon sens, une corrélation existe entre le bien-être des collectivités et des régions rurales du Canada et les désirs des milieux urbains du pays. Les citadins ne veulent pas aller dans des collectivités rurales décimées et en décrépitude. Il existe une relation symbiotique entre une région urbaine saine et une collectivité rurale saine. C'est pourquoi, à mon avis, dans une perspective d'ensemble nationale et provinciale, un programme pour les milieux urbains solide s'impose. On a besoin et on veut tout autant que les régions rurales de l'Ontario soient dotées d'un programme solide pour les milieux ruraux et une priorité pour bâtir des collectivités rurales fortes. Les ONG et les municipalités ne peuvent y parvenir seules; il faut vraiment un partenariat.
Si nous visons résolument à bâtir de fortes collectivités rurales en partenariat et à comprendre les questions et les approches novatrices, je crois que nous pouvons aller encore plus de l'avant.
Le sénateur Mahovlich : Les terrains de golf posent-ils problème?
M. Flaming : Lorsqu'ils sont situés sur de bonnes terres agricoles, monsieur le sénateur, oui. Ils ne devraient pas y être.
La présidente : Sur ce, je vous remercie, chers témoins. Nous avons eu une excellente discussion aujourd'hui. Vous êtes bien conscients de la tâche difficile que nous avons à accomplir et nous sommes ravis de vous avoir ici. Merci infiniment.
Nous allons maintenant régler les affaires internes.
La séance se poursuit à huis clos.