Aller au contenu
ENEV - Comité permanent

Énergie, environnement et ressources naturelles

 

Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles

Fascicule 7 - Témoignages du 26 octobre 2006


OTTAWA, le jeudi 26 octobre 2006

Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd'hui à 8 heures afin d'examiner la Loi canadienne sur la protection de l'environnement (1999, chap. 33), conformément au paragraphe 343(1) de ladite loi.

Le sénateur Tommy Banks (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonjour. Au cours des derniers mois, le comité a tenu de nombreuses réunions d'établissement de la portée des incidences relativement à la Loi canadienne sur la protection de l'environnement (1999) avant de choisir la meilleure procédure pour l'examiner. Nous avons décidé d'examiner cette loi volumineuse en analysant trois études de cas afin d'établir comment, de quelle façon et dans quelle mesure la LCPE protège les Canadiens des effets nocifs attribués à l'exposition aux substances toxiques. La première étude de cas porte sur le mercure.

Comparaissent devant nous aujourd'hui Wayne Halstrom, président de l'Association dentaire canadienne, l'ADC, et Benoit Soucy, directeur, Services aux membres et professionnels. Nous espérons par la suite rencontrer Bob Watts de l'Assemblée des Premières nations.

Je m'appelle Tommy Banks, je viens de l'Alberta et suis le président du comité. Quant au sénateur Cochrane, vice- présidente du comité, elle vient de Terre-Neuve-et-Labrador. Elle est titulaire d'une maîtrise en éducation de l'Université St. Francis Xavier. Elle siège également au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie et au Comité sénatorial permanent des pêches et des océans. Elle est très occupée.

Le sénateur Willy Adams, du Nunavut, a été nommé au Sénat en 1977. Il est électricien et homme d'affaires. Il a, entre autres, été propriétaire de Kudlik Electric Limited, de Kudlik Construction Limited, de Polar Bear Cave Investments et de Nanuq Inn à Rankin Inlet. De plus, il est membre du Comité sénatorial permanent des pêches et des océans et du Comité sénatorial permanent des transports et des communications.

Le sénateur Tardif, de l'Alberta, est reconnue depuis longtemps comme l'une des principales championnes des droits linguistiques et culturels des minorités au Canada. Elle est aussi connue pour son importante contribution aux domaines de l'éducation secondaire et postsecondaire. Elle a été nommée au Sénat en 2005 et est actuellement membre du Comité sénatorial permanent des langues officielles et du Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement.

Messieurs, nous vous écoutons.

Wayne Halstrom, président, Association dentaire canadienne : Bonjour mesdames et messieurs. Merci beaucoup d'avoir invité l'Association dentaire canadienne à s'exprimer devant vous aujourd'hui relativement à la Loi canadienne sur la protection de l'environnement. L'ADC représente près de 19 000 dentistes d'un océan à l'autre du Canada. Elle a comme mandat de jouer le rôle de porte-parole national des professionnels de la dentisterie, dévouée à l'avancement et au leadership d'une profession unifiée, et à la promotion de la santé bucco-dentaire en tant qu'élément essentiel de l'état général de santé.

Étant donné que nous n'avons été invités que récemment à cette réunion, nous n'avons pas eu le temps de rédiger un rapport détaillé. Cependant, je peux vous garantir que nous serons très heureux de vous transmettre tout renseignement dont vous pourriez avoir besoin, en plus des explications que je vais vous donner dans mon exposé aujourd'hui ou que nous serons en mesure de vous communiquer pendant la période des questions.

On m'a demandé d'expliquer la façon d'utiliser et de gérer le mercure en dentisterie ainsi que le rapport entre cette gestion et la Loi canadienne sur la protection de l'environnement. Je vais donc commencer par expliquer comment on utilise le mercure en dentisterie.

L'amalgame dentaire reste la principale forme d'utilisation du mercure par les dentistes. Cependant, il est également utilisé dans des instruments médicaux pour mesurer la pression artérielle, prendre la température et servir d'agent de conservation. Puisque nous nous conformons aux recommandations d'utilisation des instruments destinées aux médecins, je limiterai mes propos à l'amalgame dentaire.

L'amalgame dentaire est un alliage stable composé de mercure, d'argent et d'étain ainsi que d'autres métaux. Il est utilisé comme matériau d'obturation depuis plus de 150 ans. Il est flexible, durable, économique et facile d'utilisation. De plus, il est jugé sécuritaire depuis le début de son utilisation. Même si les mesures de sécurité prises au début de l'utilisation du mercure étaient relatives, nous sommes néanmoins fiers de l'innocuité de ce métal.

Plus récemment, les recherches ont corroboré que, en fait, au fil du temps, des petites quantités de vapeur de mercure se dégagent des obturations. Cependant, même chez les personnes ayant de multiples obturations, la quantité totale de vapeurs reste nettement inférieure au seuil à partir duquel le mercure cause des effets secondaires sur la santé. Néanmoins, en raison des préoccupations au sujet du mercure, de nombreux organismes du domaine dentaire et médical font des recherches approfondies sur l'amalgame dentaire, et ce partout dans le monde. La vaste majorité des résultats de ces recherches confirment que l'utilisation de l'amalgame est sécuritaire. Même si on étudie les dentistes, en raison de leur exposition beaucoup plus grande à l'amalgame, les effets secondaires sur la santé sont extrêmement rares. Les principaux organismes scientifiques reconnus, notamment Santé Canada, l'Association dentaire canadienne, l'Association dentaire américaine et l'Organisation mondiale de la Santé, ont fait des recherches sur l'amalgame dentaire et appuient toujours son utilisation comme matériau d'obturation.

Cela ne veut pas dire que la controverse autour de l'utilisation du mercure par les dentistes soit inexistante. Des groupes d'intérêts particuliers et certains praticiens exercent des pressions politiques afin d'interdire son utilisation. Ces pressions, fondées sur l'opinion et des suppositions, ne sont pas corroborées par des preuves scientifiques.

Bien qu'avec les années nous ayons eu l'occasion d'assister à beaucoup de percées dans le domaine de la dentisterie et que de nombreux matériaux novateurs aient fait leur apparition, actuellement, aucun autre matériau d'obturation ne peut vraiment remplacer l'amalgame dentaire. Les solutions de rechange sur le marché soit n'offrent pas la même durabilité, entraînent plus d'effets secondaires et coûtent beaucoup plus cher, soit ne possèdent pas les propriétés qu'on souhaiterait idéalement retrouver dans un matériau d'obturation. Bien que nous ayons fait des progrès considérables dans l'éducation du public, on est encore aux prises avec les maladies bucco-dentaires et les caries. Malheureusement, le problème persiste, plus particulièrement chez les groupes socioéconomiquement défavorisés qui ont besoin d'un matériau d'obturation durable et relativement peu coûteux.

Je voudrais maintenant passer à la manipulation du mercure dans le cabinet dentaire. Par le passé, le dentiste utilisait le mercure en grosse quantité et devait le mesurer dans son cabinet avant de le mélanger à l'étain et à l'argent. À cette époque, le risque de déversement de mercure et les erreurs de manipulation pouvaient vraiment se traduire par un excès de mercure dans l'amalgame préparé. Heureusement, l'amalgame dentaire moderne est à l'opposé du matériau fabriqué à cette époque. Aujourd'hui, il se présente sous forme de capsule scellée à l'usine et prémesurée, ce qui élimine pratiquement le risque de déversement de mercure et garantit un mélange idéal. De plus, puisque les patients demandent au dentiste des matériaux d'obturation de la même couleur que leurs dents, les dentistes utilisent de moins en moins d'amalgame et, en conséquence, ils recourent moins au mercure. De plus, seuls certains dentistes utilisent l'amalgame dentaire ou l'extraient. Par exemple les orthodontistes, les chirurgiens stomatologistes et ainsi de suite ne s'en servent pas.

J'en arrive donc à la partie de mon exposé à la plus pertinente quant à vos discussions, puisqu'elle concerne la Loi canadienne sur la protection de l'environnement. Depuis 1999, en vertu de la LCPE, le gouvernement canadien dresse un inventaire des quantités de mercure rejetées dans l'environnement, à l'aide de l'Inventaire national des rejets de polluants, l'INRP. Après la modification de la LCPE, les exigences de déclaration relativement au mercure ont fait l'objet d'un amendement qui s'applique à toute personne ou entreprise qui fabrique ou produit du mercure, ou qui en utilise au moins cinq kilogrammes par an. Les dentistes n'ont pas à se plier à cette exigence de déclaration, afin de réduire les formalités administratives visant à prouver que les cliniques dentaires produisent moins de cinq kilogrammes de mercure par an. Cela a été confirmé en décembre 1999 auprès des professionnels de la dentisterie, pendant les consultations qui ont abouti à l'amendement de l'INRP.

Peu importe le champ d'application, y compris la gestion des déchets, tout différencie le mercure de l'amalgame dentaire. Comme vous le savez peut-être déjà, l'immobilisation, c'est-à-dire le processus qui consiste à combiner les déchets à d'autres substances afin de créer un composé solide et ainsi le rendre sécuritaire pour l'élimination, est l'une des techniques de base de gestion des déchets dangereux. Comme je l'ai mentionné, en mélangeant du mercure avec de l'argent, du cuivre et de l'étain, on crée un alliage solide. Si, à l'échelle qui nous intéresse, cela s'avérait réalisable du point de vue économique, il pourrait s'agir d'une bonne solution pour immobiliser le mercure et le rendre sécuritaire pour l'élimination. Cette question est cruciale, car elle illustre que le mercure dans l'amalgame dentaire est confiné. Il ne peut pas se répandre dans l'environnement, devenir biodisponible et contaminer l'eau et les poissons qui y vivent.

La prévention a un caractère sacré pour les dentistes. L'objectif des dentistes est de réduire les risques, si minimes soient-ils. En fait, chaque fois que la science confirme la présence de certains risques liés à la pratique de la dentisterie ou aux matériaux utilisés par les dentistes, ces derniers se montrent prêts à trouver des solutions de rechange et à se comporter en citoyens responsables, respectueux de l'environnement.

Voici un bon exemple : l'Association dentaire canadienne s'est engagée volontairement auprès d'Environnement Canada et a signé, en 2002, un protocole d'entente visant à mettre en œuvre des normes pancanadiennes relativement au mercure présent dans les déchets d'amalgame dentaire. Ces normes, adoptées en 2001, proposent d'adopter un objectif national de réduction de la présence de mercure, fondé sur les pratiques exemplaires de gestion. À l'échelle nationale, l'objectif était de réduire de 95 p. 100 les émissions de mercure issues des résidus d'amalgame, entre l'année de base 2000 et 2005.

Pour atteindre cet objectif, les pratiques exemplaires de gestion se résument pour l'essentiel à l'installation, à l'utilisation et à l'entretien d'un séparateur d'amalgame certifié afin de respecter les normes ISO applicables; il s'agit d'un appareil que les dentistes installent à même leur système d'alimentation en eau afin de récupérer les infimes particules d'amalgame qui, autrement, seraient emportées pendant la mise en place ou l'extraction de l'amalgame. L'efficacité des séparateurs d'amalgame est telle qu'ils peuvent sans problème respecter l'objectif, soit une réduction de 95 p. 100, et même de le dépasser. Depuis la signature du protocole d'entente, les divers intervenants ont pris des mesures en faveur de l'adoption de cette technologie. Bien que l'adhésion au PE soit facultative, les organismes de réglementation de la dentisterie de certaines provinces ont édicté des règlements en vue de rendre l'utilisation de ces séparateurs obligatoire. Nous en sommes toujours à la rédaction du rapport relatif au suivi du protocole d'entente et il m'est donc impossible de vous fournir des données quant à sa mise en application. Cependant, je peux vous garantir que l'efficacité de cette technologie arrivera facilement à rassurer le présent comité et les responsables de la LCPE en ce qui touche la gestion des résidus d'amalgame en dentisterie.

Mon collègue et moi sommes disposés à répondre à toutes vos questions.

Le président : Monsieur Soucy, voudriez-vous ajouter quelque chose?

Benoit Soucy, directeur, Services aux membres et services professionnels, Association dentaire canadienne : Non, je crois qu'on a fait le tour de la question. Si vous avez des questions, nous serions heureux d'essayer d'y répondre.

Le président : Ce que vous venez de dire est rassurant. Comme vous venez de le dire, ce sujet a soulevé certaines questions. Il s'agit d'une des rares façons par lesquelles les Canadiens entrent sciemment en contact avec le mercure et le sujet a attiré l'attention de nombre d'entre eux. Vos propos rassurants sont les bienvenus.

Le sénateur Adams : Merci. Vous dites que le mercure est mélangé à d'autres métaux. Est-ce pour faire durcir le mercure? Quelle est l'interaction entre ces différents métaux?

M. Halstrom : C'est exact. Le mélange lie le matériau, mais je renvoie la question à notre expert ici présent.

M. Soucy : Étant donné que le mercure est liquide à la température ambiante, on l'utilise pour créer une pâte avec les autres métaux qui font partie de la composition de l'amalgame. Après le mélange, les métaux se cristallisent, et le mélange prend, ce qui crée cet alliage solide. Il ne s'agit pas d'une réaction chimique, mais plutôt d'un mélange de tous les éléments, en fait, d'un processus d'alliage.

Le sénateur Adams : Y a-t-il un risque quelconque quant à la toxicité dans le mélange des métaux? A-t-on déjà essayé d'autres matériaux? Nous savons tous que le mercure, utilisé seul, est toxique. Est-il risqué de se brosser les dents pendant de nombreuses années pour finalement se rendre compte que cela affecte la santé?

M. Soucy : Encore une fois, le mercure utilisé dans l'amalgamation est en grande partie lié à l'amalgame et ne peut pas s'en dégager. Nous utilisons ce matériau depuis 150 ans. Tout le monde pensait qu'aucune quantité de mercure ne se dégageait de l'amalgame. La seule chose qui a changé, c'est l'amélioration de l'instrumentation de mesure des quantités de mercure. Nous avons fini par fabriquer des instruments suffisamment sensibles pour mesurer d'infimes quantités de vapeurs de mercure qui se dégagent surtout par la corrosion de l'amalgame. La bouche est un « milieu » acide qui a toujours tendance à faire corroder les métaux; on a donc affaire à un processus de corrosion. En outre, l'amalgame s'use par le simple fait de mastiquer. Il n'est pas exclu que ces deux processus dégagent de très petites quantités de vapeurs de mercure. La personne expire la majeure partie de ces vapeurs, elle ne l'absorbe donc pas. Les quantités sont trop infimes pour constituer une préoccupation environnementale.

Ce qui nous préoccupe, c'est le mercure qui reste lié à l'amalgame; c'est la raison pour laquelle nous avons déployé tant d'efforts pour garantir que l'élimination de l'amalgame ayant servi soit contrôlée.

Le sénateur Adams : Est-ce qu'on fait des recherches sur d'autres matériaux? Grâce aux ordinateurs, la technologie a fait d'énormes progrès. Par exemple, j'ai ici une bague fabriquée à même les dents d'un morse. Existe-t-il un matériau semblable qu'on pourrait utiliser pour la mastication et qui ne se détériorerait pas dans la bouche?

M. Soucy : D'après les recherches effectuées, les métaux sont de bons matériaux à utiliser dans la bouche, car ils sont suffisamment solides pour résister à la détérioration attribuable au milieu acide, mais cette solidité est relative, donc ils ne dérangent pas pendant la mastication.

L'autre option, c'est la céramique, comme la porcelaine, par exemple. Ces matériaux se brisent facilement et sont trop durs pour la mastication. Ils ne sont pas très confortables. Les matières plastiques possèdent de nombreuses caractéristiques recherchées, mais elles ne durent pas longtemps. Il reste maintenant le génie biologique qui, nous l'espérons, permettra de reconstituer des matériaux qui ressemblent à la structure de la dent. Mais nous n'en sommes pas là. De nombreuses recherches sont en cours afin de recréer les différentes parties de la dent à l'aide de la génétique, mais, jusqu'à maintenant, les résultats ne sont pas concluants. C'est la meilleure solution de rechange à l'amalgame.

Le sénateur Adams : Il y a quelques jours, des gens d'associations de fabricants d'automobiles et de l'électricité ont comparu devant nous pour nous parler du mercure émis par d'autres sources. Les produits dentaires que vous utilisez sont différents. Le mercure dont ils nous ont parlé flotte dans l'air. Celui qu'on utilise pour obturer les dents ne peut pas tomber du ciel. Il ne donne pas le cancer. Comme vous l'avez dit, on utilise ce matériau depuis 150 ans, il doit donc certainement y avoir une différence entre le mercure dans l'air et celui qui se trouve dans les dents et dans le corps.

M. Soucy : La différence est simple; si l'on parle des vapeurs de mercure dans l'air, on fait référence au mercure que votre corps pourrait absorber et qui pourrait avoir des effets sur la santé. Quant à l'amalgame dentaire, le mercure qu'il contient est lié aux autres matériaux de l'amalgame et ne peut pas s'en échapper.

Le sénateur Cochrane : Monsieur Halstrom, vous avez mentionné que certaines provinces exigent l'utilisation de séparateurs d'amalgame. Pouvez-vous nous en dire plus? De quelles provinces s'agit-il et quelles sont les autres provinces qui réfléchissent à la question?

M. Halstrom : L'ensemble des provinces et territoires réfléchissent à la question, mais rien n'est encore décidé.

M. Soucy : Les deux provinces qui ont d'abord rendu l'utilisation de séparateurs d'amalgame obligatoire par l'entremise d'organismes de réglementation professionnelle sont l'Ontario et le Manitoba. Les autres provinces n'ont pas jugé nécessaire d'ajouter des règlements supplémentaires, car elles attendaient de voir si on allait instaurer des normes pancanadiennes.

La réglementation municipale sur les égouts a également fait l'objet d'un examen. Certaines municipalités ont édicté des exigences quant à la concentration maximale de mercure dans les effluents présents dans les eaux usées. Cette question se répercute sur les cabinets dentaires. Ces villes ont eu recours à l'installation des séparateurs d'amalgame dans la gestion du problème.

Le sénateur Cochrane : Quand aurons-nous accès à ces données afin d'en savoir plus sur la mise en œuvre de cette technologie?

M. Soucy : Le PE a été signé à la fin de l'année 2005. Depuis, nous avons collaboré avec Environnement Canada à une enquête qui, à l'origine, avait été terminée en 2003.

Bien que les normes pancanadiennes aient été adoptées en 2001, une année de négociations a été nécessaire afin de finaliser le PE et une autre afin que l'étude se concrétise et soit complète. C'est la raison pour laquelle l'enquête n'a été terminée qu'en 2003.

En conséquence, les données de 2003 nous servent de base de référence. Nous réaliserons exactement la même étude au cours des prochains mois et espérons avoir les données au cours de 2007 — ce qui respecte rigoureusement les exigences du PE relativement à la présentation des rapports — afin d'en savoir plus sur la mise en œuvre des séparateurs d'amalgame.

Le sénateur Cochrane : Serez-vous en mesure de nous dire si le résultat est bon ou mauvais?

M. Soucy : Nous sommes persuadés que le résultat sera très bon, car nous savons déjà qu'en Ontario, presque tous les cabinets dentaires qui utilisent l'amalgame sont équipés de séparateurs. C'est la majorité des cabinets dentaires au Canada.

Le sénateur Cochrane : Vous nous parlez de l'Ontario. Mais est-ce que les autres provinces sont prêtes à mettre la main à la pâte?

M. Soucy : Les autres provinces n'ont pas ressenti le besoin de prendre un règlement.

Le sénateur Cochrane : Et qu'en est-il des résultats qui seront publiés sous peu?

M. Soucy : Nous devons attendre leur publication. Après cela, nous verrons s'il est nécessaire d'aller de l'avant en matière de réglementation ou si l'approche volontaire donne les résultats escomptés.

Le sénateur Cochrane : Avez-vous tenu compte de la LCPE?

M. Soucy : La norme pancanadienne a été rédigée en vertu de la LCPE. Il s'agit d'une conséquence de la LCPE. Voilà le lien.

Le sénateur Cochrane : Est-ce la raison pour laquelle tout cela a été mis sur pied?

M. Soucy : Oui.

Le sénateur Cochrane : Diriez-vous que la LCPE est efficace dans ce domaine?

M. Soucy : En ce qui nous concerne, le processus qui a mené à la norme pancanadienne était adéquat et nous a permis de trouver une bonne solution au problème. En fait, cette solution tient compte de l'incertitude relativement à tout effet négatif de l'amalgame dans l'environnement et de la nécessité d'adopter une approche préventive et de garantir qu'aucun risque n'a été pris, si cela pouvait être évité. Ainsi, du point de vue de l'Association dentaire canadienne, le processus s'est extrêmement bien déroulé.

Le sénateur Cochrane : Êtes-vous satisfait de la LCPE?

M. Soucy : Nous sommes satisfaits de la façon dont nous composons avec la LCPE.

Le sénateur Cochrane : Je tenais à savoir cela. Comme vous le savez, c'est ce sur quoi porte notre étude.

Vous avez mentionné que les dentistes ont commencé à utiliser l'amalgame il y a 150 ans. Des gens que je connais ont déjà perdu des plombages, moi aussi d'ailleurs. Que se passe-t-il avec les amalgames qui contiennent du mercure?

M. Halstrom : En fait, le mercure est lié. Après sa transformation en matériau d'obturation, on le lie à un alliage, ce qui fait qu'à partir de ce moment, il ne se propage plus librement dans l'environnement. Autant que possible, il est recommandé de confiner le tout, mais à vrai dire, la quantité de vapeur de mercure qui pourrait se dégager d'un alliage est minime.

Ce n'est pas comme si l'amalgame se désintégrait lorsque le plombage se détache de la dent. Le mercure ne s'écoule pas; ce n'est donc pas un problème.

M. Soucy : Le but est de s'assurer d'avoir la situation bien en main au moment où nous le retirons, et ce, peu importe le type d'amalgame. De toute évidence, il est impossible de contrôler ce qui arrive à un plombage qui se brise et tombe de la bouche d'un patient. Ce dernier est responsable de l'éliminer de façon appropriée. Si le patient est prêt à nous consulter, nous pouvons récupérer le matériau. Cependant, s'il jette tout simplement le plombage qui s'est détaché, nous ne pouvons pas faire grand-chose en tant que dentiste.

Seul un très faible pourcentage de plombages finit de cette façon. La plupart du temps, c'est le dentiste qui l'extrait, dans son cabinet, où il les coupe en petits morceaux et l'élimine dans le système de succion du séparateur d'amalgame.

Le dentiste vide régulièrement le séparateur d'amalgame, afin d'éliminer les résidus qui s'y accumulent et qu'il confie au transporteur de déchets approuvé.

Quand, avec Environnement Canada, nous nous sommes penchés sur la question du cycle de vie de l'amalgame, dans le cadre de notre travail à l'égard des normes pancanadiennes et du PE, deux méthodes de stockage nous sont apparues appropriées. D'abord, l'élimination. Elle doit se faire dans des lieux d'enfouissement appropriés, qui ont mis en place des mesures de contrôle des effluents, afin de s'assurer qu'aucune particule de mercure qui pourrait s'échapper de l'amalgame ne soit rejetée dans l'environnement. Le recyclage constitue également une option, car après utilisation, l'amalgame peut être envoyé au recyclage. Personne ne recycle le mercure au Canada. C'est là le plus gros problème. Il doit donc être expédié vers d'autres pays, ce qui complique encore plus les choses.

Le sénateur Cochrane : Où l'envoie-t-on?

M. Soucy : La plupart du temps en Autriche et aux États-Unis.

Le sénateur Cochrane : Respecte-t-on ce processus dans tous les cabinets dentaires?

M. Soucy : Notre objectif est que tous les cabinets de dentiste qui utilisent l'amalgame suivent ce processus. Nous y arriverons par l'entremise de campagnes d'information pancanadiennes par lesquelles nous ferons la promotion de la mise en œuvre volontaire, et ce, dès que nous aurons reçu les résultats de l'étude.

Le sénateur Milne : Messieurs, je m'excuse de mon retard. Je me suis rendue à l'autre salle de réunion et il n'y avait personne. J'ai malheureusement manqué la première partie de votre exposé. Je crois en avoir compris une partie grâce aux questions du sénateur Cochrane.

Y a-t-il des cabinets dentaires au Canada qui n'utilisent pas l'amalgame?

M. Halstrom : Oui, notamment si vous regardez l'emploi générique du mot « dentiste »; il peut s'agir autant des chirurgiens stomatologistes que de ceux qui ne font pas de restauration des dents. Ici, certains dentistes n'utilisent pas l'amalgame, mais plutôt des matériaux substituts comme l'or.

En fait, le problème, c'est qu'en réalité il n'y a pas de replacement efficace de ce matériau d'obturation particulièrement durable et bon marché.

Le sénateur Milne : L'or semble être une bonne idée.

M. Halstrom : C'est un excellent matériau. Le seul problème, c'est le prix : 500 $ l'once. En plus, après sa transformation en matériau utilisable dans les cabinets dentaires, son prix augmente encore de façon considérable.

Le sénateur Milne : Au Canada, à combien évaluez-vous approximativement la quantité de résidus d'amalgame par année?

M. Soucy : Pour cela, je devrais aller vérifier dans l'étude réalisée en 2003. Malheureusement, je n'ai pas les chiffres en tête, mais nous pouvons vous les faire parvenir après la réunion.

Le sénateur Milne : Merci. Je ne sais pas combien de dentistes au Canada font de la restauration dentaire, mais serions-nous près du compte si vous preniez la quantité obtenue annuellement dans vos propres cabinets et multipliiez le tout?

M. Soucy : Je n'ai pas le montant ici, mais nous vous le ferons parvenir.

Le sénateur Milne : Merci. Vous nous avez décrit la façon dont vous éliminez les déchets. Je suppose que tout est envoyé à un centre d'élimination de déchets dangereux de votre municipalité?

M. Soucy : Oui. Les contrats conclus entre les dentistes et les transporteurs de déchets, comprennent l'élimination adéquate des déchets. Si la municipalité ne possède pas de centre d'élimination des déchets dangereux à proximité, on envoie alors les résidus à un autre centre d'élimination.

Le sénateur Milne : Je ne sais pas si quelqu'un y a déjà pensé, car cette idée peut être dérangeante, mais a-t-on déjà songé à faire participer les salons funéraires au processus? J'imagine qu'au Canada, quand un corps est inhumé, la plupart des plombages le sont aussi.

M. Soucy : Il s'agit là d'une idée à laquelle nous avons déjà pensé. Le principal problème n'est pas vraiment l'inhumation, mais l'incinération. Car quand on brûle l'amalgame, il s'échappe du mercure.

Le sénateur Milne : Oui, et la popularité de l'incinération est en croissance.

M. Soucy : Oui. La question qui se pose maintenant est de savoir quelle est la meilleure façon de s'attaquer à ce problème?

La première solution consisterait à ne plus utiliser l'amalgame. Nous savons que cela pose beaucoup de problèmes, car à grande échelle, aucune solution de rechange n'est susceptible de fonctionner. Certaines personnes peuvent utiliser l'or et cela va bien fonctionner. D'autres se contenteront des composites de plastique blanc et en accepteront les inconvénients; mais à grande échelle, on ne peut arrêter l'utilisation de l'amalgame sans créer d'effets négatifs sur la santé bucco-dentaire.

Nous avons également la capacité d'extraire les dents et de les enfouir dans un endroit sûr. Mais nous ne pouvons nous permettre de faire cela, car cela heurte les croyances de nombreuses personnes. L'approche qui nous semble la plus souhaitable est d'exiger que les crématoriums s'équipent d'épurateurs-laveurs adéquats afin de s'assurer que, pendant l'incinération, les vapeurs de mercure sont récupérées et non pas rejetées dans l'environnement.

Le sénateur Milne : Est-ce que cela a déjà été fait?

M. Soucy : On en a déjà fait la demande. Je ne sais pas où en est la mesure législative et ne connais pas la façon dont elle sera mise en œuvre.

Le président À ce sujet, nous avons également appris que l'incinération entraîne le rejet de mercure tant à partir des plombages d'amalgame que d'autres sources. C'est normal, car pendant l'incinération, c'est exactement ce qui se passe.

[Français]

Le sénateur Tardif : Merci, monsieur le président. Vous avez indiqué que vous avez signé un protocole d'entente en 2001 et que ce protocole visait une réduction des rejets de mercure de 95 p. 100 pour l'année 2005. Est-ce que vous avez atteint votre objectif?

M. Soucy : On ne le sait pas encore parce que la période pour rapporter les résultats se termine en 2007. On devait attendre que la période couverte par le protocole d'entente se termine, à la fin de 2005, pour établir un projet de recherche qui satisfaisait les exigences d'Environnement Canada et de l'Association dentaire canadienne pour après faire la recherche, la compléter et avoir les résultats au cours de l'année 2007. Nous aurons une confirmation de l'efficacité de notre approche au cours de l'année 2007.

Le sénateur Tardif : De quel type de recherche s'agit-il?

M. Soucy : C'est un sondage. Environnement Canada a déjà donné le contrat à l'Université de Toronto pour faire un sondage avec un protocole et un questionnaire prédéterminés, questionnaire qui a déjà été utilisé en 2003 pour nous permettre de comparer le progrès qui a été fait pendant les deux dernières années du protocole d'entente.

Le sénateur Tardif : Quelle est la population cible du questionnaire?

M. Soucy : Les dentistes.

Le sénateur Tardif : Tous les dentistes?

M. Soucy : Le protocole prévoit qu'un échantillonnage de 9 000 dentistes sera inclus dans la recherche.

Le sénateur Tardif : Cela représente quel pourcentage de la population de dentistes?

M. Soucy : À peu près la moitié.

[Traduction]

Le président : Cet échantillon n'est pas mauvais du tout. Il est mieux que ce à quoi on se fie dans des cas semblables.

Après que le transporteur de déchets a récupéré l'amalgame des cabinets des dentistes — peu importe qui et dans quelle communauté —, je crois comprendre que vous ne doutez pas qu'on s'acquitte convenablement de la tâche par la suite. En d'autres mots, les règlements municipaux veillent à ce que l'amalgame soit placé dans un lieu d'enfouissement approprié, qui gère les conséquences de l'élimination ou, si ce n'est pas le cas, à ce qu'il soit envoyé dans une installation de recyclage adéquate. Est-ce que vous faites confiance à ce processus?

M. Soucy : Oui. En fait, dans le PE, cela a été la partie la plus difficile à mettre sur pied. Environnement Canada devait s'occuper de transmettre toutes les exigences à respecter. Cela s'est avéré beaucoup plus complexe que ce à quoi nous nous attendions en raison des chevauchements des compétences municipales, provinciales et fédérales.

Le président : C'est la raison pour laquelle je pose la question.

M. Soucy : Après environ une année et demi ou deux ans, Environnement Canada a été en mesure d'afficher les renseignements pour chaque province dans son site Web. En conséquence, un dentiste qui met sur pied un cabinet et qui veut savoir comment gérer les déchets d'amalgame peut consulter le site Web et y trouver soit la réponse à ses questions, soit le numéro de téléphone de la personne-ressource qui lui fournira de plus amples renseignements. Voilà un des résultats positifs du PE.

Le président : Voilà qui est bien. Je crois comprendre que vous avez également confiance en ce que le 5 p. 100 — si on atteint ce niveau — qui s'échappe de l'accumulation de résidus n'est pas suffisamment important pour causer quelque crainte que ce soit.

M. Soucy : Voilà exactement ce en quoi nous avons confiance. Nous savons qu'il s'agit de beaucoup moins de 5 p. 100, parce que 60 p. 100 des résidus sont récupérés par d'autres filtres avant d'atteindre le séparateur d'amalgame. En conséquence, nous récupérons 95 p. 100 du 40 p. 100, ce qui veut dire que nous nous trouvons déjà bien en dessous; car le minimum exigé par la norme ISO est de 95 p. 100.

La plupart des séparateurs d'amalgame, testés conformément aux normes ISO, frôlent 98 p. 100; il ne s'échappe donc que d'infimes quantités de mercure. En outre, ce qui s'échappe est toujours lié, sous forme d'amalgame, ce qui veut dire que le rejet de mercure ne se fait pas facilement.

Une fois l'amalgame libéré dans l'environnement, le problème ne se pose pas pour aujourd'hui ou demain, mais bien du point de vue des échelles géochronologiques, c'est-à-dire dans quelques centaines d'années. Personne ne peut répondre à cette question, mais nous pensons avoir fait de notre mieux pour réduire les risques dans ce sens.

Le président : Nous nous méfions systématiquement des statistiques parce qu'on peut prouver n'importe quoi à l'aide des statistiques. Je vous prie de revenir sur une question que le sénateur Cochrane vous a posée et la confirmer pour le compte rendu.

Vous avez dit savoir que la plupart des dentistes du Canada y ont recours parce que, théoriquement, tous les dentistes ontariens le font. Toutefois, si quelqu'un est préoccupé par les cours d'eau et les décharges du Nouveau- Brunswick ou de l'Alberta, le fait que l'Ontario s'en occupe ne veut pas dire grande chose parce que les eaux ontariennes ne coulent pas dans les autres provinces.

Voulez-vous répondre à cette question et essayer de nous rassurer un peu à cet égard?

M. Soucy : À notre avis, les dentistes, en tant que professionnels préoccupés par la prévention, sont sensibles aux arguments présentés en faveur de l'installation des séparateurs d'amalgames. Ce sont seulement les résultats du sondage qui montreront combien de dentistes s'y sont conformés et, avant de les consulter, il nous est impossible de dire si nous avons raison ou non. Nous espérons que ces résultats confirmeront notre hypothèse sur le comportement des dentistes et que, au retour du sondage, nous constaterons que la majorité des dentistes s'y est en effet conformée. Si, au contraire, nous nous sommes trompés, alors il faudra trouver d'autres mesures pour s'assurer du respect de ces exigences.

Les expériences de l'Ontario et du Manitoba montrent la grande efficacité de l'imposition d'exigences par l'organisme de réglementation professionnelle de la province ou du territoire. Au lieu de recourir à une loi fédérale, la LCPE, ou à un règlement municipal — qui exigent normalement des inspections qui à leur tour imposent aux dentistes la tâche pénible de produire des rapports —, nous préférons nous adresser à l'organisme de réglementation professionnelle de la province, et lui demander d'obliger les dentistes à s'équiper d'un séparateur d'amalgames et à vérifier le comportement des dentistes au moyen des mécanismes réguliers d'inspection professionnelle en vigueur dans toutes les provinces.

Le président : Cet organisme professionnel, c'est le collège des dentistes de chaque province.

M. Soucy : Oui.

Le président : Par la majorité, vous voulez dire la majorité des dentistes du Canada, et non seulement la majorité des dentistes des endroits où ces règlements sont en vigueur?

M. Soucy : Nous nous référons à la majorité des dentistes du Canada. En outre, il se peut que des mesures différentes soient nécessaires dans des régions. Par exemple, si nous apprenons que, dans une province, l'utilisation du séparateur d'amalgame ne satisfait pas à nos attentes, alors nous pouvons concentrer nos activités sur cette province.

Le président : Connaissez-vous une raison valable pour laquelle l'efficacité du séparateur serait différente d'une province à l'autre? Son efficacité dépend-elle de la nature de l'eau? Connaissez-vous d'autres éléments qui pourraient avoir une influence sur son efficacité?

M. Soucy : Une fois l'amalgame libéré dans l'environnement, à cause de la durée d'exposition, la nature de l'eau joue un rôle considérable. Par contre, quand il est récupéré dans le séparateur, il est éliminé assez rapidement et les préoccupations concernant les autres éléments dans l'eau qui pourraient stimuler la libération du mercure sont illégitimes.

[Français]

Le sénateur Tardif : J'ai une question supplémentaire sur ce point. Dans les écoles de formation, est-ce qu'on présente cette exigence ou cette nouvelle information aux étudiants en médecine dentaire, c'est-à-dire l'importance de l'équipement et des rejets de mercure?

M. Soucy : Absolument. Pour qu'un dentiste puisse obtenir un permis d'exercer au Canada, il doit être diplômé d'un programme accrédité. La Commission sur l'agrément dentaire du Canada a des standards sur le contenu des programmes de formation. Une des premières choses qu'on a faite quand on a signé le protocole d'entente a été de d'assurer que les normes de la commission incluaient une formation sur l'hygiène du mercure et sur l'équipement nécessaire pour contrôler les rejets d'amalgames.

[Traduction]

Le président : Vous avez évoqué dans votre exposé que le fait que le mercure contenu dans l'amalgame est confiné et l'amélioration des systèmes de mesure vous ont permis de conclure que du mercure s'échappe de l'amalgame. La personnes expire la plupart des vapeurs et il est impossible de prouver l'existence d'effets négatifs sur la santé humaine ou d'en mesurer la portée.

J'aimerais entendre vos commentaires là-dessus. Pour les Canadiens préoccupés par leur santé, l'annexe 1 de la LCPE considère le mercure, sous toutes ses formes, comme une substance toxique. Je sais que nous ne considérons pas le mercure sous cette forme quand il sert à l'obturation des dents, mais je vais vous citer le premier paragraphe d'un article paru dans l'Edmonton Journal : « Une maladie dont vous souffrez aujourd'hui peut être le résultat de l'exposition de votre arrière grand-mère, pendant sa grossesse, à un produit toxique pour l'environnement et il est bien possible que vous ayez déjà transmis cette maladie à vos enfants. »

Dans l'article, on explique par la suite qu'il existe aujourd'hui, comme vous l'avez mentionné, des méthodes plus efficaces de mesurer ces effets et que l'on dispose à présent de nouveaux renseignements sur l'effet cumulatif de différentes toxines, lesquelles étaient inconnues auparavant.

Êtes-vous au courant d'autres opinions ou préoccupations liées aux effets débilitants que l'émission du mercure contenu dans l'amalgame dentaire aurait sur la santé humaine? Sinon, êtes-vous sûr que de tels effets n'existent pas?

M. Soucy : Les preuves scientifiques dont nous disposons nous permettent d'affirmer en toute confiance qu'il n'existe aucun effets négatifs connu sur la santé humaine. Pourtant je ne suis pas capable de prédire l'avenir. J'aimerais bien, mais je ne le peux pas.

Selon les renseignements collectés à ce jour, l'amalgame dentaire est un matériau utile pour obturer les dents. Si une personne a un autre choix pour soigner ses dents et qu'elle n'a pas besoin d'avoir recours au plombage, c'est encore beaucoup mieux. C'est d'ailleurs ce que nous nous efforçons de réaliser.

Le président : Il faut admettre que les dentistes se sont donné beaucoup de peine pour fermer boutique, et nous leur en sommes reconnaissants.

M. Soucy : Nous continuons à le faire.

Le président : Monsieur Soucy, disons que vous êtes un roi, que l'argent n'est pas un problème pour vous et que l'inconvénient pour les patients n'est pas un facteur déterminant. Compte tenu de vos connaissances en la matière et des matériaux de rechange disponibles, soit l'or, le plastique ou la porcelaine, quelque inefficaces, temporaires ou chers qu'ils soient, quel matériau utiliseriez-vous?

M. Soucy : Je dois admettre qu'il s'agit là d'un sérieux conflit d'intérêts. Je suis prothésodontiste, je cherche donc à remplacer les dents par tous les moyens. Grâce à ma formation, je suis beaucoup plus à l'aise avec ces matériaux de rechange, surtout avec l'or.

Je préfère, quand cela est possible, les aurifications qui ne sont pas faites directement dans la bouche mais dans des laboratoires où les conditions sont plus propices et où il est possible de créer de meilleures restaurations. À long terme, le patient conserve ces restaurations toute sa vie.

Le sénateur Milne : En plus, l'or ne se dilate ni ne se contracte pas autant sous l'action de la chaleur ou du froid, ce qui est mieux pour la dent, ou ce qu'il en reste.

M. Soucy : La dilatation est toujours un problème parce que les métaux qui se trouvent dans les dents ne réagissent pas tous de la même façon. Coller la restauration dans la bouche, voilà le problème principal. C'est vraiment le maillon faible. La capacité de consolider la partie restante de la dent et de renforcer la dent de manière à lui donner sa force initiale est un autre problème à résoudre.

Même si vous tenez compte de tous ces aspects, l'or est le meilleur choix. Toutefois, pour la plupart des patients, l'or ne constitue simplement pas la meilleure solution.

Le président : Et cela parce que l'or est inerte?

M. Soucy : C'est parce que l'or ne corrode pas dans la bouche, il est tendre et donc il s'ajuste lors de la mastication. S'il y a un changement dans la manière de mordre ou dans la position de la dent, l'or va s'y adapter sans problème. En plus, il ne s'use pas comme les autres matériaux. Il ne se brise pas parce que, encore une fois, il est assez malléable. L'or a beaucoup de qualités.

Le président : Compte tenu de votre intérêt déclaré, si l'argent n'était pas un enjeu, conseilleriez-vous vos patients d'utiliser plutôt l'or que les autres métaux, dans la mesure où ils peuvent se le permettre?

M. Soucy : À l'école de dentisterie, on nous apprend à consulter toujours le patient quand il s'agit de cette sorte de décision.

Comme dans un bon exemple que j'ai entendu récemment, si quelqu'un veut acheter une automobile, la décision d'acheter une petite voiture bon marché ou une voiture haut de gamme...

Le président : Tous les membres de ce comité conseilleraient plutôt la première, pour des raisons écologiques.

M. Soucy : Moi, j'ai une Toyota. En fin de compte, la décision appartient au patient.

Si je vous montrais ma bouche, vous constateriez que j'ai des amalgames. Je n'ai pas d'or, mais c'est parce que j'ai eu la chance d'avoir un bon dentiste quand j'étais jeune qui m'a fait comprendre l'importance de la prévention. Par conséquent, mes obturations sont relativement petites et je n'ai pas besoin de restaurations en or.

Il y a de nombreux facteurs à prendre en considération. Si on devait tenir compte de tous ceux-ci, celui qui pèserait le plus lourd dans la décision serait la préférence du patient.

Le président : Je pense qu'il s'agit parfois de considérations d'ordre esthétique.

M. Soucy : Absolument.

Le sénateur Adams : Beaucoup de dentistes voyagent au Nunavut dans les territoires. Je n'ai pas vérifié s'il existe une réglementation qu'ils doivent respecter en matière d'obturation des caries. Est-ce qu'il existe un règlement portant sur les déplacements, comme quoi un dentiste n'a le droit de soigner une carie que s'il se trouve dans un hôpital? Est-ce qu'il existe vraiment un tel règlement? Quand un enfant a besoin d'un plombage, le dentiste doit emporter le mercure et les autres matériaux nécessaires pour faire l'obturation.

Quand un dentiste se rend dans les municipalités, il a besoin de son équipement pour exercer son métier. Nous n'avons pas entendu parler au Nunavut de dentistes qui doivent emporter leur matériel et se déplacer dans les écoles. Chaque école organise des examens dentaires pour les enfants et parfois ces derniers ont besoin d'une obturation. Y a- t-il des règlements en vigueur qui portent là-dessus?

M. Soucy : Les règlements qui s'appliquent aux cliniques dentaires mobiles sont les mêmes que pour les cliniques dentaires ordinaires. Il n'y a absolument aucune différence dans la manière de les traiter. D'ailleurs, il existe très peu de cliniques dentaires mobiles au Canada.

Nous essayons de promouvoir ce concept, mais pas nécessairement à cause des collectivités éloignées dans le Nord. C'est vraiment difficile de déplacer la clinique dans les zones éloignées. Quand cela arrive, c'est plutôt pour répondre aux besoins des personnes âgées qui ne peuvent pas se déplacer et doivent être soignées sur place.

En règle générale, le problème principal des habitants des territoires, c'est que le cabinet dentaire peut se trouver loin d'où ils habitent et que cela entraîne d'autres problèmes. Les exigences imposées à ces cliniques sont toutefois exactement les mêmes, où qu'elles se trouvent.

Le sénateur Adams : Puisqu'on parle de fausses dents, les miennes sont en plastique. La première fois que j'en ai eu, elles étaient en acier inoxydable. J'avais des problèmes en hiver car je voyageais par des températures entre 400 et 500 au dessous de zéro et ma bouche devenait froide. Est-ce que la même chose arrive si vos dents sont obturées avec du mercure? Y a-t-il eu des plaintes à cet égard?

M. Soucy : L'endroit le plus froid où j'ai exercé, c'est Québec, cela ne m'est donc jamais arrivé.

M. Halstrom : À moi non plus.

Le président : Je n'ai jamais subi des températures de 500 au dessous de zéro mais j'ai subi des températures de moins 400. Pourtant, je n'ai ressenti aucun malaise à cause de mes plombages qui sont probablement des amalgames, quoique je n'en sois pas sûr. Toutefois, je ne me suis jamais déplacé sur de longues distances dans une motoneige à moins de 400 et j'espère ne pas devoir le faire.

Pour revenir à la question du sénateur Adams, lorsque les médecins obtiennent leur permis ou sont autorisés par le collège des médecins et des chirurgiens de leur province, ils ne peuvent pas exercer leur profession ailleurs sans autorisation. Qui régit, du point de vue professionnel, la pratique de la dentisterie dans les territoires? Est-ce qu'il existe un collège des dentistes au Nunavut?

M. Soucy : La réglementation en matière de dentisterie dans les territoires est différente de celle en vigueur dans les provinces.

Le président : Est-ce à cause du gouvernement fédéral?

M. Soucy : C'est parce qu'une agence gouvernementale adopte les règlements. Dans les dix provinces, les gouvernements provinciaux ont délégué ce pouvoir aux collèges qui ne sont pas des organismes gouvernementaux. Dans les territoires, c'est un organisme gouvernemental qui adopte les règlements.

Le président : Un organisme gouvernemental fédéral?

M. Soucy : Non, du gouvernement territorial.

Le président : Est-ce qu'il existe dans chaque territoire un mécanisme de contrôle de la pratique de la dentisterie?

M. Soucy : Absolument.

Le sénateur Adams : Je pensais que c'était le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien qui régit la pratique dentaire dans le territoire de Nunavut. Je ne crois pas que les territoires ont une politique spécifique dans ce sens.

Le président : Nous nous renseignerons là-dessus.

M. Soucy : C'est le gouvernement territorial qui délivre les permis aux dentistes. Le paiement des soins s'effectue...

Le sénateur Adams : Le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien.

Le sénateur Cochrane : Cela n'a rien avoir avec l'amalgame. Puisque vous êtes là, j'aurais une question concernant votre école de dentisterie. Quel serait le pourcentage d'inscription des femmes par rapport aux hommes? Je ne vois pas beaucoup de femmes dentistes. Je ne suis pas de l'Ontario — où il y en a peut-être — mais ce n'est pas le cas chez nous. Pouvez-vous me renseigner là-dessus?

M. Soucy : Vous allez en voir car les femmes inscrites à l'école de dentisterie représentent maintenant plus de 50 p. 100. Mais vous avez raison. Historiquement, le pourcentage d'hommes dentistes est beaucoup plus élevé. C'est pour cela que les dentistes ayant plus de vingt ans d'exercice sont pour la plupart des hommes. Si vous regardez les dentistes plus jeunes, vous constaterez que la majorité sont des femmes. Il faut donc attendre.

Le sénateur Cochrane : C'est excellent. Je suis contente de vous avoir posé la question.

Je vais vous poser une autre question concernant les cliniques mobiles. Est-ce que toutes les provinces en possèdent?

M. Soucy : Oui, mais il y a en a moins de dix. La plupart d'entre elles sont la propriété de diverses organisations. L'Ordre des dentistes du Québec a mis sur pied une clinique mobile, utilisée surtout à des fins de démonstration. L'Alberta Dental Association College en a récemment acheté quatre à des anciens dentistes qui ne pouvaient plus quitter leur milieu de vie. Le nombre de cliniques mobiles est vraiment réduit.

Le sénateur Cochrane : Elles sont toutes réglementées, n'est-ce pas? Elles sont visées par la LCPE et elles s'y conforment.

M. Soucy : Les exigences qui s'appliquent sont exactement les mêmes que pour n'importe quelle autre clinique dentaire du territoire respectif. En Alberta, les cinq cliniques mobiles que l'on a achetées sont des bus énormes munis des mêmes équipements que l'on trouverait dans une clinique dentaire ordinaire.

Le sénateur Cochrane : Je n'ai jamais visité ces bus mais j'y suis allée pour d'autres soins de santé comme la prise de la pression artérielle et cetera. Je pense qu'ils sont excellents. Ce sont de vrais hôpitaux mobiles.

Est-ce que vous faites la promotion de ces cliniques? Cela fait-il partie de votre travail? En tant que grands dentistes et représentants d'une excellente profession, votre désir est de soigner les gens de notre pays. Les personnes âgées surtout sont désavantagées parce qu'il y en a qui ne peuvent pas se déplacer ou qui habitent loin des hôpitaux.

M. Soucy : Évidemment, faciliter l'accès aux soins dentaires est l'une des préoccupations majeures de l'Association dentaire canadienne.

Les cliniques mobiles peuvent servir dans un nombre réduit de situations, parce que leur coût est considérable. Si un patient peut se rendre dans une clinique dentaire ordinaire, ce serait beaucoup plus rentable. L'idée, c'est de réserver l'accès à ces cliniques aux personnes qui ne peuvent pas se déplacer.

Les coûts sont beaucoup trop élevés par rapport à la commodité offerte aux patients capables de se déplacer.

Le sénateur Milne : Est-ce qu'il existe des cliniques mobiles au nord de l'Ontario?

M. Soucy : Je ne sais pas.

Le sénateur Milne : Pouvez-vous m'en trouver une?

M. Soucy : Nous pouvons assurément essayer d'en trouver une. Nous aurons une réunion avec le Royal College of Dental Surgeons of Ontario dans une heure et c'est avec plaisir que je leur poserai la question.

Le sénateur Cochrane : Je connais une clinique mobile à Terre-Neuve-et-Labrador.

M. Soucy : Je ne le savais pas.

Le président : Messieurs, je vous remercie beaucoup. Vos réponses nous ont rassurés et nous ont fourni des renseignements utiles concernant la présence du mercure dans notre environnement. Je vous suis reconnaissant du temps que vous nous avez accordé.

C'est avec plaisir que je vous laisse partir. J'imagine que vous avez hâte de vous rendre à votre réunion avec le collège de l'Ontario, peut-être plus que vous n'en avez eu de participer à celle-ci.

La séance est levée.


Haut de page