Aller au contenu
POFO - Comité permanent

Pêches et océans

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Pêches et des océans

Fascicule 1 - Témoignages du 30 mai 2006


OTTAWA, le mardi 30 mai 2006

Le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans se réunit aujourd'hui à 19 h 21 afin d'examiner, pour en faire rapport, les questions relatives au nouveau cadre stratégique en évolution du gouvernement fédéral pour la gestion des pêches et des océans du Canada.

Le sénateur Bill Rompkey (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Mesdames et Messieurs, je déclare la séance ouverte.

Je tiens à souhaiter la bienvenue à toutes les personnes ici présentes ainsi qu'aux personnes de partout au pays qui nous regardent à la télévision, ou qui nous regarderont plus tard. Je m'appelle Bill Rompkey, et je représente le Labrador au Sénat. J'aimerais maintenant vous présenter les autres membres du Comité sénatorial permanent des pêches et des océans, à commencer par le sénateur Hubley, le sénateur Gill, du Québec, le sénateur Adams, du Nunavut, le sénateur Watt, du Nunavik, dans le nord du Québec, le sénateur Johnson, de Winnipeg et lac Winnipeg, le sénateur Comeau, le sénateur Cowan, de la Nouvelle-Écosse, et le sénateur Campbell, de la Colombie-Britannique.

Je souhaite la bienvenue au ministre, et, monsieur Hearn, je vais vous inviter, dans un instant, à nous présenter les personnes qui vous accompagnent.

Le ministre, M. Loyola Hearn, affiche des antécédents politiques des plus intéressants. Il a été élu pour la première fois à l'assemblée législative de Terre-Neuve-et-Labrador en 1993, et a exercé les fonctions de ministre au sein du Cabinet de cette province. Il a agi à titre de leader parlementaire suppléant à la Chambre des communes fédérale et de porte-parole en matière de pêches, alors il connaît son dossier; d'ailleurs, je crois savoir qu'il est originaire d'un endroit où, de temps à autre, on attrape du poisson.

Le ministre est également un grand amateur de hockey, et un chanteur, mais nous ne vous demanderons pas de chanter ce soir.

Nous vous saurions gré de nous présenter les gens qui vous accompagnent, et de formuler quelques observations liminaires, et, ensuite, nous aurons quelques questions à vous poser.

L'honorable Loyola Hearn, C.P., député, ministre des Pêches et des Océans : Merci beaucoup. À ma gauche se trouvent mon sous-ministre, M. Larry Murray, et à ma droite, mon sous-ministre adjoint, M. David Bevan.

Nous sommes heureux d'avoir l'occasion de comparaître devant le Comité sénatorial en vue de discuter d'enjeux qui nous intéressent tous.

J'ai rencontré le sénateur Rompkey la semaine dernière, et nous avons parlé d'un certain nombre d'enjeux. Nous sommes tous deux originaires de Terre-Neuve-et-Labrador, et l'industrie de la pêche ne nous est pas étrangère.

Dans une autre vie, j'ai grandi au sein d'une famille de pêcheurs vivant dans une petite collectivité de pêcheurs, et notre contact avec l'industrie était plutôt direct. J'ai passé toute ma jeunesse à pêcher, et c'est en pêchant pendant la saison estivale que j'ai pu payer mes études universitaires. Même lorsque j'enseignais, époque à laquelle il y avait beaucoup de poissons et nous avions beaucoup de congés, j'en profitais pour aller à la pêche dans mon bateau.

À mes débuts en politique, je représentais une circonscription entièrement constituée de villages de pêcheurs, et nous prenions part à tous les aspects de l'industrie. Par la suite, bien sûr, je suis passé à la politique fédérale, où j'ai eu l'occasion de siéger au Comité permanent des pêches et des océans, le comité de la Chambre, pendant cinq ans. Autrement dit, notre participation était considérable.

C'était intéressant pour moi de rencontrer MM. Murray et Bevan ainsi que les autres représentants du ministère, que j'avais rudoyés pendant cinq ans. Mais cela fait partie du jeu. Cela ressemble beaucoup à un témoignage devant un comité : on fait la vie dure à quelqu'un, et ensuite, on se fait faire la même chose.

Je crois que nous sommes tous bien au courant du fait que notre industrie est, dans la plupart des régions du pays, en difficulté. Nous avons d'importantes préoccupations dans un grand nombre de régions. Y a-t-il des solutions? La réponse est oui. Toutefois, nous devons le faire ensemble. Aucun d'entre nous ne peut y parvenir seul. Il faudra, au cours des prochaines années, beaucoup de bonne foi et d'interventions directes, et il faudra prendre rapidement des décisions difficiles. Nous sommes prêts et disposés à prendre part à un tel effort, et nous accepterons certainement tout le soutien possible, et serons ouverts à toutes les suggestions.

Sur ce, puisque je ne dispose que d'une heure, je vous renvoie la balle, car j'estime qu'il est plus important, au point où nous en sommes, de répondre à vos questions et de discuter.

Le sénateur Comeau : Soyez le bienvenu, monsieur le ministre; je suis heureux de vous voir ici avec vos représentants. J'espère que notre discussion sera fructueuse.

Lorsqu'un ministre témoigne pour la première fois devant le comité, nous tentons de découvrir ce qu'il souhaite laisser à la postérité — sa vision pour l'avenir, si vous préférez — lorsqu'il quittera le ministère pour passer à autre chose. Certains de vos prédécesseurs — par exemple, le ministre Regan — voulaient moderniser la gestion des pêches. Le prédécesseur de M. Regan, M. Thibault, mettait l'accent sur la gestion durable des pêches. Avant lui, Herb Dhaliwal appuyait fermement le secteur de l'aquaculture, et M. Anderson appuyait la mise en valeur des océans.

Quelle serait votre vision? J'en aurais une à vous suggérer : puisque vous êtes originaire de Terre-Neuve-et- Labrador, vous pourriez devenir le ministre des collectivités. Je crois que ce serait une vision fantastique pour vous.

M. Hearn : Merci beaucoup, sénateur Comeau. Je crois que les visions des ministres qui m'ont précédé étaient fort louables et importantes. Si ce n'était de l'intérêt porté à toutes ces questions, nos pêches seraient dans un tout autre état aujourd'hui. Et cela ne se veut pas une critique : la situation, si difficile soit-elle, pourrait être bien pire, sauf que certaines personnes estiment pouvoir accomplir des choses, du moins à l'égard de certains aspects des pêches.

Je crois que votre suggestion n'est pas très loin de ma vision. J'ai déclaré dès le début que le poisson qui est dans l'océan est une ressource de propriété commune. Cette ressource appartient à la population canadienne. Nous devons veiller à ce que la population du Canada reprenne possession de cette ressource, car nous ne l'avons pas gérée convenablement au fil des ans. Quand je dis cela, j'ajoute que mon travail à titre de ministre des Pêches et des Océans — le travail de toute personne qui occupe ce poste — consiste à gérer cette ressource. Cette ressource appartient aux Canadiens, et le ministre des Pêches la gère en leur nom. Toutefois, j'aimerais ajouter qu'on la gère pour le bien de la population canadienne, en particulier des personnes qui en tirent leur subsistance.

Je crois que les Canadiens devraient exploiter la ressource — ce qui comprend l'élevage, si on parle d'aquaculture. Je crois fermement que l'aquaculture est vouée à un brillant avenir — non pas à titre de remplacement ou d'obstacle à la pêche, mais bien comme activité s'ajoutant et se combinant à la pêche.

Je crois également que la capture et la transformation du poisson devraient être effectuées ici même, au Canada. Nous ne devrions pas récolter le poisson et le charger à bord de chalutiers-usines congélateurs à destination de la Chine, du Japon ou d'ailleurs, si cette ressource peut être transformée ici, pour notre population. C'est ce qui permet à nos collectivités de survivre.

Pouvons-nous maintenir notre identité rurale? Pouvons-nous maintenir nos acquis, et faire fond sur ces acquis? Oui. Au cours de la période qui nous permettra de faire cela, est-ce que nous perdrons quelques collectivités? Peut-être. Ça dépend.

Nous ne pouvons accomplir ces choses tout seuls. Dans une grande mesure, je peux protéger la ressource qui se trouve dans nos océans. Je peux décider qui exploite la ressource, je peux décider où elle va. Toutefois, lorsqu'elle arrive au port, je ne peux rien faire. Si une grande société exploite la ressource en vertu d'un permis que nous délivrons, qu'elle respecte le quota lié à ce permis, qu'elle débarque le produit et que le gouvernement provincial lui dit : « Vous pouvez mettre tout cela dans un camion et l'expédier aux États-Unis ou à bord d'un navire et l'expédier en Chine », et il s'agit, à strictement parler, d'une compétence provinciale. Dans le cadre de mes discussions avec les ministres provinciaux, nous avons noué de bonnes relations. Je crois que ce genre de chose ne se produira pas trop souvent, à moins qu'il s'agisse de prises qui n'ont pas vraiment d'utilité, mais qui peuvent permettre aux pêcheurs de faire de l'argent, et je n'ai rien contre cela.

Par exemple, c'est peut-être parce que les prises sont trop petites. J'ai entendu des gens dire que nous expédions les petits poissons plats parce qu'ils sont trop petits pour être transformés ici, parce qu'il n'y a pas d'argent à faire. Mais le poisson grandit, à moins qu'il s'agisse d'une espèce dont la croissance est limitée — et c'est le cas pour certaines espèces de sébaste, entre autres. Toutefois, dans le cas des espèces qui peuvent grandir, si les poissons sont trop petits pour qu'on les transforme cette année, nous devrions peut-être modifier nos technologies de pêche et les laisser dans l'eau, car, l'an prochain, ils pourraient peut-être créer des emplois à terre.

Il est souhaitable que nous arrivions à accomplir cela et à mettre en valeur l'aquaculture dans certaines régions du pays, dans la mesure où une telle chose est raisonnable. Je prévois de bien belles choses pour la côte ouest, je regarde la côte sud de notre province avec beaucoup d'enthousiasme, et je crois que les provinces des Maritimes n'ont pas dit leur dernier mot. Je crois également que les pêches dans le Nord sont vouées à un brillant avenir. Je crois que les gens du Nord sont ceux qui pourront maximiser l'exploitation de la ressource, et ce, pour deux raisons : premièrement, la ressource est abondante; et deuxièmement, ces gens — et tous ceux d'entre nous qui ne participent pas à la gestion de cette ressource — ont tiré des leçons des erreurs du passé. C'est, du moins, ce que j'espère. Au Nunavut, dans le cas des récentes augmentations à l'égard du flétan noir, nous avons fait notre part en attribuant la totalité du quota au Nunavut, car il lui revient. Cependant, comme on dit chez nous : comment peut-on pêcher un gros poisson si on ne dispose que d'une petite canne? C'est une grande préoccupation. Cet aspect ne nous a pas échappé. Nous devons aménager le Nord pour une foule de raisons, non seulement pour les pêches, mais aussi pour y assurer une présence à des fins, par exemple, de sécurité. Pour ce qui est des pêches, nous devons établir des infrastructures rapidement, sans quoi quelqu'un d'autre va s'emparer des retombées d'une ressource qui devraient aller dans les poches de nos citoyens.

Nous devons adopter une vue d'ensemble nationale, utiliser notre jugement et mobiliser tous nos gens. Quiconque a lu le journal aujourd'hui saura que nous prenons part à une initiative d'envergure concernant le fleuve Fraser. Certains ne sont pas satisfaits de cette initiative, mais la plupart des gens le sont. Nous avons connu des problèmes à l'égard du fleuve Fraser, en tout cas, depuis que je suis dans les parages. Nous croyons être tout près de faire la paix sur le Fraser, et nous avons amorcé de nombreuses initiatives à court et à long termes.

Les gens ont parfois tendance à s'attacher aux arbres au lieu d'envisager la forêt, et à chercher des solutions pour aujourd'hui au lieu de s'intéresser à demain. Je crois qu'il se passe des choses maintenant, et que la collectivité est mobilisée. Oubliez les considérations politiques et autres. Les gens commencent à comprendre que, pour accomplir ce qui doit être accompli, nous avons affaire à mettre fin à nos petites guéguerres et à commencer à penser à l'avenir.

Le souci de la collectivité pourrait être une vision acceptable; on pourrait à tout le moins tenter de veiller à ce que les gens qui tirent leur subsistance des ressources aujourd'hui soient encore en mesure de le faire demain, si nous faisons bien notre travail.

Le sénateur Cowan : Merci d'être ici, monsieur le ministre.

J'aimerais vous poser une question au sujet de la surpêche. On a beaucoup parlé de cela au fil des ans.

En 2004, l'un de vos prédécesseurs annonçait la création d'un comité d'experts, et ce comité a déposé un rapport en 2005. Ce comité a recommandé que l'OPANO soit remplacé par un nouvel organisme régional de gestion des pêches. Que pensez-vous de cette recommandation? Selon vous, comment devrions-nous réagir à l'égard des stocks chevauchants? Est-ce que nous réalisons des progrès à cet égard?

M. Hearn : C'est une question pertinente sur un sujet que je connais très bien. En 2001, j'ai assisté à ma première séance du Comité permanent de la Chambre des communes sur les pêches et les océans, et j'ai manifesté mon intention de soulever la question de la surpêche sur le Nez et la Queue des Grands Bancs, ainsi que sur le Bonnet Flamand. Tous les yeux se sont tournés vers moi, car personne ne savait où ces zones étaient situées. Il a fallu quelques mois pour familiariser mes collègues avec le dossier, et, cet automne-là, j'ai proposé qu'on mène une enquête, les autres membres ont accepté, et le comité a commencé à tenir des audiences relatives à la surpêche. Le rapport du Comité sur les pêches de la Chambre figure au dossier, mais son contenu n'est pas « beau » à voir.

Nous avons tenu plusieurs discussions et produit plusieurs rapports depuis ce premier rapport, y compris des débats d'urgence à la Chambre des communes. Il y a un peu plus d'un an, j'ai eu le privilège de voir ma résolution relative à la surpêche adoptée. On a établi un comité d'experts, mais certains se sont moqués de nous, car ils croyaient que nous tentions de nous débarrasser de l'OPANO. Certains ont recommandé que nous quittions l'OPANO parce que l'organisation ne réalisait pas son mandat. Mais je n'ai jamais dit une telle chose, et j'ai même passé en revue tous mes rapports pour m'en assurer.

J'ai toujours cru qu'il vaut mieux lutter de l'intérieur que de l'extérieur. Les sénateurs ici présents jouissent d'un pouvoir énorme. Si vous étiez en désaccord, ou si vous aviez un accrochage avec les membres du comité et quittiez le comité, vous en seriez probablement réduit à critiquer en marge du comité, mais ce serait beaucoup moins efficace. Le fait d'être membre de l'OPANO nous donne l'occasion d'améliorer l'organisation.

L'OPANO, qui jouit d'un soutien à l'échelle internationale, a été créée dans le but d'attribuer les quotas, et d'exercer d'autres activités. Toutefois, on laisse aux pays participants la responsabilité de résoudre les problèmes éventuels et de maintenir l'ordre. C'est bien beau, si tout le monde est honnête et intéressé et sait ce qui se passe, mais, pour un grand nombre de participants à l'OPANO, il y avait un fossé entre les équipes de pêche et les autorités. Quand nous montions à bord de bateaux et nous nous apercevions que les équipes s'adonnaient à la surpêche et faussaient leurs déclarations et leurs étiquettes, nous les dénoncions, mais nous savions qu'ils retourneraient dans leur pays et qu'il ne se produirait rien. Très peu de pays membres prenaient des mesures. Les choses ont beaucoup changé, mais nous avons besoin d'une organisation musclée, et je crois que l'idée vient peut-être de cela.

Vous avez parlé d'un organisme régional de gestion qui serait plus différent et plus fort. Il y a deux façons de faire cela : premièrement, se débarrasser de l'OPANO et mettre sur pied un nouvel organisme, mesure qui commence à gagner du terrain dans le monde; deuxièmement, faire en sorte que l'OPANO devienne le genre d'organisme dont nous avons besoin. Je crois que la deuxième option serait plus simple à réaliser.

Au cours de la semaine qui a suivi mon entrée en fonction, j'ai assisté à la réunion d'un groupe de travail sur la pêche hauturière au sein duquel six pays étaient représentés. Les membres du groupe de travail s'intéressent, depuis un an environ, aux mesures qu'on pourrait prendre pour contrer la surpêche et la pêche illégale dans le monde. Les gens sont plus conscients de ce qui se passe en mer qu'il y a cinq ou six ans. Le groupe de travail a dressé une liste de recommandations solides qui pourraient résoudre nos problèmes, si l'OPANO les mettait en œuvre. Le Royaume-Uni et le Canada ont été chargés de mettre au point des sanctions à la lumière de ces recommandations. Les représentants du Canada qui assisteront aux réunions de l'OPANO recommanderont que l'organisme soit reconstitué et investi d'un mandat plus « musclé » lui permettant d'être plus efficace.

Pendant ce temps, nous exerçons notre influence, mais je ne tiens pas à m'aventurer sur ce terrain pour l'instant. Nous avons rencontré le commissaire européen et l'ambassadeur auprès de l'UE, et nous avons mis les points sur les i : nous avons établi très clairement que les stocks de poisson sur le Nez et la Queue des Grands Bancs et au Bonnet Flamand appartiennent à tout le monde. Même s'ils ont pêché dans ces zones avant que le Canada ne devienne un pays, ils n'ont pas le droit d'y pêcher de façon excessive. Nous pouvons protéger collectivement ce qui nous reste, ou nous le ferons de façon unilatérale, et nous sommes en mesure de leur serrer la vis de façon plutôt efficace. Au cours des derniers mois, nous avons bénéficié d'une bonne coopération, et il y a eu très peu d'abus.

La semaine dernière, il y avait sur le Nez et la Queue trois bâtiments étrangers, et deux bâtiments de l'OPANO. Nous assurons également une surveillance aérienne. Les bateaux de l'OPANO sont dotés de boîtes noires qui nous permettent de déterminer, en cinq minutes, combien de bateaux sont dans la zone, et quels pays ils représentent. Une telle chose n'était pas possible, il y a quelques années.

Juste avant Pâques, nous avons vu un bateau se diriger vers la zone côtière où se trouve la plie canadienne visée par un moratoire. Nous avons intercepté le bâtiment et découvert qu'il s'était adonné à une pêche illégale. Nous avons signalé ce cas au bateau de l'UE, qui a effectué une vérification, et le bateau a été rappelé par l'Espagne. Parce que nous avons insisté, on nous a invités à envoyer des gens pour observer le déchargement. L'entreprise a refusé de procéder au déchargement en notre présence, alors nous sommes restés là. Le congé de Pâques arrivait la semaine suivante, alors je suppose qu'ils s'attendaient à ce qu'on parte. Mais nous sommes restés en Espagne pendant le congé pascal, ils n'ont pas déchargé ce poisson. Imaginez l'un de ces gros navires, remplis de poissons : en refusant de procéder au déchargement, ils ont sûrement perdu une fortune.

Au cours de la quatrième semaine, nous avons rappelé notre équipe à la maison, en prenant soin de dépêcher en Espagne l'équipe de remplacement. Nous avons laissé savoir que nous serions présents au moment du déchargement de ce bateau, que ce soit dans trois semaines, dans trois mois ou dans trois ans. Finalement, ils ont déchargé le bateau de sa pêche illégale. Par la suite, huit des 23 bâtiments espagnols ont été retirés du système. Parallèlement, le gouvernement du Portugal a avisé officiellement toutes ses entreprises de pêche qu'il ne soutiendrait plus l'activité de pêche illégale. C'est du jamais vu.

Il se passe de bonnes choses, mais peut-on aller plus loin? Oui, certainement. Est-ce que l'OPANO devrait être le fer de lance d'une telle initiative? Oui, mais il faut que les règles de l'OPANO soient plus musclées pour que l'organisation soit plus efficace.

Le sénateur Cowan : Vous estimez qu'il vaut mieux remanier l'OPANO que la remplacer?

M. Hearn : L'OPANO existe depuis longtemps et compte parmi ses membres un grand nombre de bonnes gens. En général, nous n'entendons parler que des malfaiteurs. Nous avons bénéficié d'un appui important de la part de pays comme la Norvège, et les États-Unis qui, même s'ils ont très peu de poissons, ont toujours soutenu nos efforts. D'autres pays que nous avons rencontrés récemment se sont montrés très réticents au début, mais ont fini par se rallier à notre cause.

Initialement, ils croyaient que nous voulions nous emparer de ces zones de pêche, mais nous savons qu'elles ne nous appartiennent pas, à moins que nous voulions invoquer le droit de la mer et un droit de propriété à l'égard du plancher océanique, bien que nous utilisions tous ces éléments. En général, nous pouvons exercer un contrôle énorme dans la zone régie par l'OPANO, mais seulement dans le but de protéger les stocks pour nous et pour eux, à condition qu'ils se plient aux règles régissant la pêche.

Nous sommes dotés d'un organisme qui a presque atteint son objectif, et qu'il suffirait de renforcer. J'ai peut-être tort. Il n'est pas impossible que des gens comme MM. Murray et Bevan, qui ont des liens directs avec l'OPANO depuis longtemps, vous donnent un autre son de cloche. D'après ce que je vois, je crois que nous pourrions faire de l'OPANO le genre d'organisme qui pourrait livrer la marchandise plus rapidement et plus facilement que si on créait un nouvel organisme. Mais dire qu'on va faire quelque chose et assurer la mobilisation internationale nécessaire pour y arriver, c'est deux choses très différentes.

Le sénateur Campbell : Merci d'être venu, monsieur le ministre. J'ai toujours été impressionné par vos antécédents et votre connaissance du domaine.

On a soulevé de nombreuses préoccupations en ce qui concerne l'avenir des propriétaires-exploitants indépendants et des communautés de pêcheurs, principalement sur la côte est. Ce problème concerne également les gens de la côte ouest. Nous avons vu ce qui s'est passé sur la côte est, et cela nous effraie. On a envisagé la prise de mesures pour renforcer la protection des propriétaires-exploitants. Quelle est la situation, en ce qui concerne la pêche sur la côte ouest, qui est d'une plus grande envergure?

M. Hearn : Il s'agit, certes, d'une question très pertinente. J'étais à Terre-Neuve la semaine dernière, et, à l'occasion de l'une des réunions que nous avons tenues avec des représentants syndicaux, cette question a été soulevée. Ils ne veulent pas que ce qui s'est produit sur la côte ouest arrive à Terre-Neuve, alors je ne suis pas certain de ce qui est venu en premier, l'œuf ou la poule. Nombre des pêcheurs concernés dépendent des pêches et des organismes, et parlent de séparation des flottilles et de propriétaires-exploitants. Je crois que c'est comme ça que les choses devraient être.

Pour une raison quelconque, les gens ont une idée fausse de ce qui appartient à qui. Les poissons appartiennent à la population canadienne. On peut pêcher chaque année une quantité de poissons donnée, à condition d'être titulaire d'un permis. Vous vous demandez peut-être comment certaines personnes que vous connaissez ont réussi à mettre la main sur des permis, et vous avez probablement raison de vous poser la question : si vous regardez la chose de plus près, vous constaterez probablement que cela découle d'un marché conclu en sourdine. « J'ai acheté le permis parce que j'avais beaucoup d'argent, mais je n'avais pas de permis de pêche. Il était titulaire d'un permis mais n'avait pas d'argent, alors j'ai acheté le permis et le lui ai confié. Tout le monde croit que c'est lui le pêcheur, mais c'est moi qui dirige. » C'est le genre de chose qui se produit, mais c'est inacceptable, car les gens qui dépendent de la pêche n'en tirent pas avantage.

Nous tentons de rétablir la situation. Nous croyons fermement que la personne qui détient le permis, le pêcheur titulaire d'un permis, devrait être la personne qui exploite la ressource. C'est lui qui devrait tirer avantage de la ressource. Le patron de pêche devrait être dans le bateau, il ne devrait pas être en Floride, à donner par téléphone des ordres à plusieurs personnes qui utilisent ses bateaux. Ce genre de scénario a créé une situation plutôt compliquée sur les deux côtes. Il est deux fois plus difficile de défaire ce qui a déjà été fait; il y a des aspects qui compliquent les choses. Nous nous engageons à faire le ménage dans l'industrie, pour le bien des personnes dont la subsistance en dépend, et nous examinerons les options qui s'offrent à nous.

[Français]

Le sénateur Gill : Merci beaucoup, monsieur le ministre, pour votre visite. Je viens du Lac-Saint-Jean. J'ai des amis autochtones et non autochtones sur la Côte-Nord du Saint-Laurent qui connaissent la situation de la pêche au crabe en face de chez eux, à Sept-Îles, et dans et les autres communautés de la Côte-Nord.

En 2005, le Conseil de conservation des ressources halieutiques a soumis au ministère un cadre stratégique pour la conservation du crabe de l'Atlantique. En résumé, je crois que cette stratégie visait la création d'un conseil scientifique pour l'étude du crabe dans l'Atlantique.

Cette stratégie suggérait une plus grande participation des utilisateurs et des pêcheurs, ainsi qu'une structure indépendante de tierces parties pour la conservation, mais aussi pour la distribution de la ressource et l'assignation du territoire.

J'aimerais savoir si vous approuvez dans son ensemble ce cadre stratégique soumis en 2005?

[Traduction]

M. Hearn : En plus d'avoir établi la stratégie relative au crabe, nous amorçons un processus similaire à l'égard de la crevette, en raison des recommandations qui ont été formulées. Je laisserai à M. Murray ou à M. Bevan le soin de vous présenter les nombreux détails.

Le crabe, devenu notre ressource la plus payante à la suite de l'effondrement des stocks de poisson de fond, a subi le même sort que toutes les autres ressources : nous n'en avions jamais assez. Quand le prix a franchi le seuil des 2,50 $ la livre, certains ont fait de très bonnes affaires. Nous aurions pu détruire une autre ressource; dans certaines zones, nous y sommes presque parvenus.

Cette année, nous avons agi à la lumière des conseils judicieux que nous ont prodigués les conseils, les chercheurs et les pêcheurs. La première chose que nous envisageons, c'est la conservation. Cela soulève la contestation de groupes de pêcheurs qui sont mécontents de certaines réductions que nous avons effectuées, mais cette colère n'est qu'en surface. Il suffit de parler avec eux pour constater qu'ils sont aussi préoccupés que nous au sujet de la conservation, car il en va de leur avenir, de leur subsistance future.

Nous avons dû prendre rapidement des décisions difficiles à l'égard de la pêche au crabe cette année, à l'égard non seulement du quota, mais aussi des dates d'ouverture et de fermeture. L'an dernier, dans certaines zones, la saison de pêche a duré si longtemps qu'on pêchait ce qu'on appelle du crabe à carapace molle. Il a fallu en jeter de grandes quantités, détruisant du coup la ressource de cette année. Cette année, nous avons lancé la saison tôt, mais elle se terminera tôt. La décision a provoqué tout un tollé, car tout le monde craignait ne pas pouvoir pêcher suffisamment de poisson pendant cette période. Dans presque tous les cas, ils y sont parvenus. Non seulement ont-ils pêché le crabe dont ils avaient besoin, mais en plus il était de première qualité, avec peu de perte.

Du reste, je m'en remets à M. Bevan, qui voudra peut-être fournir quelques précisions supplémentaires.

[Français]

M. David Bevan, sous-ministre adjoint, Gestion des pêches et de l'aquaculture, Pêches et Océans Canada : Nous avons reçu un rapport du Conseil de conservation des ressources halieutiques et des recommandations que nous allons mettre en vigueur. Je ne suis toutefois pas au courant des détails concernant le crabe des neiges sur la Côte-Nord du Québec et je n'ai donc pas ces détails.

Le sénateur Gill : Justement, je voulais savoir si la plus grande pêche au crabe se pratiquait sur la Côte-Nord ou ailleurs?

M. Bevan : Auparavant, il y avait la pêche au crabe des neiges sur la Côte-Nord du Québec dans la zone 13, mais malheureusement la population a beaucoup diminué et maintenant il n'y a plus de crabe des neiges là-bas. Les pêcheurs ont dû essayer de trouver un autre endroit pour pêcher et ils pêchent maintenant dans la zone 16. Il faut ajouter qu'il n'y a pas beaucoup d'occasions pour pêcher le crabe des neiges.

Le sénateur Gill : Est-ce que vous pouvez me dire où se situent les zones 13 et 16? Est-ce que Sept-Îles fait partie de la zone 13?

M. Bevan : La zone 13, c'est entre Blanc-Sablon et Sept-Îles.

M. Murray : J'aimerais ajouter un commentaire sur ce rapport du Conseil de conservation des ressources halieutiques qui était vraiment excellent. Le ministère demande au Conseil de faire la même chose, c'est-à-dire un rapport stratégique, en ce qui concerne le homard.

Le sénateur Gill : Merci beaucoup.

[Traduction]

Le président : J'aimerais poser une question supplémentaire au sujet du chenal Hawke. Je crois savoir qu'il est désormais considéré comme une zone protégée, de façon à ce que les engins de chalutage utilisés pour pêcher la crevette ne détruisent pas la zone de reproduction du crabe. J'aimerais un compte rendu sur la question. La protection de la zone est-elle assurée, et est-ce que cela change quelque chose?

M. Hearn : Oui. La protection est assurée, et cela change quelque chose, et il y avait deux zones différentes. Toutefois, les pêcheurs nous ont fait part, la semaine dernière, de certaines préoccupations. Ils ont entendu dire que les crevettiers étaient à la recherche d'une zone plus petite, et ils voulaient que la brèche soit colmatée davantage. Ils s'opposaient à une telle manœuvre, et nous aussi. On peut pêcher la crevette à bien des endroits, mais les zones de reproduction du crabe sont limitées. Nous chercherons à protéger ces zones pour le bien des pêcheurs de crabe. Il est difficile de croire que le crabe puisse survivre si on racle les fonds marins au moyen d'engins de chalutage visant à pêcher la crevette. C'est une zone fertile, et nous n'avons pas l'intention de réduire la taille de cette zone.

Le sénateur Johnson : Soyez le bienvenu, monsieur le ministre. J'aimerais maintenant vous parler des pêches en eaux douces au Canada. Je sais que vous êtes ministre depuis à peine 100 jours, mais avez-vous eu l'occasion de vous pencher sur la question des pêches en eaux douces?

Comme vous le savez, je suis originaire de Gimli, aux abords du lac Winnipeg, où la pêche est durement mise à l'épreuve à l'heure actuelle, tout comme celle d'autres lacs d'eau douce, je crois, pour un certain nombre de raisons. Notre problème est particulièrement intéressant, en raison des problèmes liés au lac Devil, lesquels, j'en suis sûre, ont été portés à votre attention également.

Nous courons le risque d'être envahis par un certain nombre d'espèces dont la nature reste encore à déterminer, alors tout s'est arrêté pour l'instant. Pourriez-vous me faire part de vos commentaires et me dire ce que vous pensez des projets futurs à cet égard?

Je ne sais pas si vous connaissez M. David Schindler. C'est un expert des poissons d'eau douce qui exerce ses activités à l'Université de l'Alberta. C'est un expert des lacs d'eau douce et de la pêche en eau douce au Canada — et, à vrai dire, dans le monde. Il a dit que notre lac se meurt, tout comme le lac Érié. C'est très bouleversant. Pourriez-vous faire des commentaires sur cette question?

M. Hearn : Cette question a été soulevée par certains de nos membres. J'ai également rencontré le ministre des Pêches du Manitoba, tout comme, d'ailleurs, pratiquement tous les ministres des Pêches au pays. Je me suis rendu personnellement dans la plupart des régions. Je ne suis pas encore allé au lac Winnipeg, mais j'ai promis au ministre et à un certain nombre de nos membres que je m'y rendrais lorsque la Chambre suspendrait ses travaux. Le ministre manitobain et moi-même avons discuté en long et en large du lac Winnipeg, et mes représentants ont fait de même.

Avec un lac aussi grand, doté de ressources halieutiques aussi diversifiées, il faut suivre l'évolution de la situation à l'égard de cette pêche, et se pencher sur les préoccupations liées aux terres agricoles, aux autres rivières, à la pollution et aux espèces envahissantes — lesquelles, en passant, sont devenues une préoccupation importante et constituent un défi de taille. Dans certains cas, cela peut créer un débouché, car, aujourd'hui, nous pêchons, commercialisons et rentabilisons de nombreuses espèces dont nous ne tenions pas compte, ou auxquelles nous n'avions pas accès, il y a 20 ans.

À l'époque où nous étions nous-mêmes pêcheurs — et je suis certain que le sénateur Rompkey se souvient de cela —, lorsqu'on embarquait les filets maillants pour la morue, on trouvait des crabes qui s'étaient pris dans le filet. À l'époque, on tentait de les écraser et de les jeter, car ils n'avaient aucune valeur. Maintenant, c'est l'inverse qui se produit.

Il y a quelques années, des gens de l'Île-du-Prince-Édouard sont venus témoigner devant notre comité. Ils avaient parlé, entre autres, du crabe vert, l'une des espèces envahissantes qui avaient investi certains secteurs de leur région. Quand le premier ministre provincial s'est rendu à Ottawa, il n'y a pas trop longtemps, nous parlions de la même chose. Ils ont découvert qu'il y a un marché pour le crabe vert en Russie, et que le prix semble plutôt avantageux. Nous nous affairons actuellement à autoriser une pêche limitée du crabe vert. En passant, sénateur Rompkey, je leur ai dit qu'ils feraient probablement de bonnes affaires sur la rue George à l'occasion de la Saint-Patrick.

Ce à quoi je veux en venir, en ce qui concerne les espèces envahissantes, c'est qu'on ne sait pas toujours ce que l'avenir nous réserve. Il y a, par ailleurs, des espèces, comme la moule zébrée et diverses variétés d'achigan dans les Grands Lacs; il s'agit d'espèces nuisibles à l'égard desquelles il n'y a pas de marché.

Ce qui me préoccupe à l'égard du Manitoba en général, ou des pêches en eaux douces, c'est que l'appui à l'égard de l'Office de commercialisation du poisson d'eau douce est divisé.

Le sénateur Johnson : Il y a longtemps que c'est ainsi.

M. Hearn : Les gens du Manitoba semblent l'appuyer. Les gens de la Saskatchewan, qui en dépendent, veulent s'en débarrasser. Il est difficile, lorsque la situation s'aggrave — même à l'égard d'une espèce donnée — ou lorsque quelqu'un exploite un créneau particulier, il y aura toujours des gens qui veulent se retirer. Cela peut faire du mal à ceux qui restent. Afin d'offrir une tribune à ces gens, j'ai demandé à notre comité permanent de se pencher sur cette situation. C'est peut-être quelque chose que votre comité devra examiner, car les parties concernées n'ont pas eu l'occasion d'exprimer ouvertement leur opinion. Je vais rencontrer ces gens à tour de rôle, mais ils estiment que le fait de comparaître devant un comité permanent pourrait contribuer à faire naître de nouvelles idées.

Le sénateur Hubley : Au cours des dernières années, pratiquement toutes les discussions de notre comité ont abordé, d'une façon ou d'une autre, la question de l'affectation de ressources suffisantes à la R-D. Certains de nos témoins se sont dits préoccupés par le déclin des ressources affectées à la recherche scientifique et à l'évaluation des stocks.

Pourriez-vous faire des commentaires sur cette situation? Je crois que c'est une préoccupation bien réelle, et qu'elle gagne en importance lorsque nous nous penchons sur des enjeux plus complexes que jamais à l'égard de ce qui se passe en mer.

M. Hearn : Vous avez raison de parler des lacunes au chapitre des données scientifiques, qui ne sont pas exclusives au Canada. Au cours des dernières années, j'ai rencontré des dirigeants et des ministres des Pêches de plusieurs pays. Je n'ai toujours pas trouvé une personne qui se disait satisfaite des données scientifiques disponibles.

L'océan, c'est grand. Nous venons tout juste de parler du lac Winnipeg. Nous savons très peu de choses à l'égard de ce qui se passe dans ce lac, ou dans les Grands Lacs. Nous en savons encore moins pour ce qui est des océans. Nous aimerions bien avoir des sommes d'argent énormes pour résoudre le problème. Mais cela ne veut pas dire que nous ne devrions pas avoir au moins une idée des ressources dont on dispose. Nous devrions connaître les ressources que nous pêchons qui permettent à nos gens d'assurer leur subsistance.

Nous avons eu droit à une augmentation importante de notre budget cette année. Encore une fois, je remercie toujours les deux comités permanents des pressions qu'ils nous ont aidés à exercer sur le Parlement. Oubliez les gouvernements; si vous n'obtenez pas l'appui général des gens, rien ne se fait. Je crois que notre comité a créé, en rapport avec les pêches, un intérêt qu'on n'a pas vu au pays depuis longtemps, et que le budget a été adapté en conséquence.

Deux ou trois choses ressortent de l'exercice : certes, l'une d'entre elles, c'est le rapport que nous avons produit à propos de la Garde côtière, qui a débouché sur l'attribution de sommes d'argent supplémentaires assez importantes à la Garde côtière. Tandis que nous avançons au cours des quelques semaines et mois à venir, vous allez être témoins de l'implantation d'un plan à long terme visant à revitaliser la Garde côtière pour toutes les bonnes raisons.

Notre rapport sur l'infrastructure a débouché sur l'attribution immédiate de 100 millions de dollars au budget des ports pour petits bateaux. Le rapport sur la surpêche a été extraordinaire pour attirer l'attention sur la question, non seulement ici, mais aussi à l'échelle nationale et internationale. À propos de la science, les plaintes que nous avons tous formulées à propos du manque de données scientifiques ont débouché sur l'engagement qu'a contracté le gouvernement d'injecter davantage de fonds dans la science et la recherche.

La seule mise en garde que je ferais, c'est que, parfois, nous nous servons de l'argent comme excuse. « Que pouvons- nous faire? Nous n'avons pas eu de fonds. » Cependant, sur le plan scientifique, il y a bien des choses qu'on peut accomplir sans dépenser une fortune. Il y a tous les jours, sur l'océan et sur les lacs, bon nombre de gens ayant des connaissances que des scientifiques mettraient des années à acquérir — connaissances que nous n'avons pas su réunir et utiliser correctement. Une des choses que nous avons essayé de faire cette année, dans le peu de temps où nous avons pu fonctionner jusqu'à maintenant, c'est de prendre les conseils scientifiques dont nous disposons et les hypothèses que nous pouvons établir, et de les mettre à l'épreuve ou de les comparer à ce que voient vraiment les gens à bord des embarcations. C'est une question que nous allons certainement suivre aussi durant l'automne. Il a été question ce soir de l'établissement d'une allocation, à un certain endroit, où les conseils scientifiques et les observations locales concernant une période donnée diffèrent énormément. Quand vous discutez avec nos scientifiques, ils vous disent : « Dans certaines zones, nous croyons bien saisir la situation, mais, à certains endroits, pour une raison ou une autre, nous n'arrivons tout simplement pas à bien comprendre. » Dans de tels cas, il faut envisager de nombreuses options avant de décider, de façon raisonnable, quels conseils il faut suivre. Tout de même, quand on n'est pas sûr de ce qui se passe, il est d'autant plus important de suivre la question rigoureusement, jusqu'à l'année suivante, pour s'assurer de ne pas commettre d'erreur.

Globalement, nous avons besoin que les travaux scientifiques s'intensifient dans le secteur, bien que j'en voie davantage moi-même, non seulement grâce à l'investissement local, mais aussi grâce à l'industrie, qui contribue énormément au travail scientifique. Il y a des entreprises qui financent la recherche scientifique sur l'état de certains stocks de poissons, car elles comprennent ce qu'il nous faut pour que certaines usines demeurent ouvertes. « Nous croyons qu'il y a davantage de harengs, alors cela nous convient de financer avec vous une étude où vos scientifiques, ou les scientifiques indépendants, peuvent le déterminer. » Les scientifiques de l'Université Memorial abattent de l'excellent travail, et l'Université Dalhousie a toujours été à l'avant-plan de certaines recherches sur les pêches. Nous n'avons pas souvent mis en forme les efforts en question.

L'automne dernier, nous avons pris des dispositions pour que des membres du Comité permanent des pêches de la Chambre des communes se rendent à Terre-Neuve pour étudier la question de la morue du Nord. Nous avons eu droit à des exposés de la part de tous les intervenants qui étaient liés de quelque façon que ce soit à la question, y compris des scientifiques indépendants, des responsables ministériels, des pêcheurs, des militants de la collectivité et ainsi de suite. L'exposé d'une spécialiste des sciences sociales en particulier, de l'Université Memorial, m'a atterré. Cette femme avait une connaissance tout à fait étonnante de l'histoire des stocks de poisson et des effets de ceux-ci sur la collectivité. C'était incroyable. Je lui ai demandé ce qu'elle faisait de ses informations, et elle a répondu que cela a été publié dans des revues scientifiques, mais que si quelqu'un, localement, faisait des recherches et s'intéressait à l'information en question, elle lui en ferait bien part. Immédiatement, je me suis demandé combien il y avait de gens à Bacalao qui lisaient les revues scientifiques. Souvent, l'information que nous payons indirectement ne se rend jamais à nous, mais c'est peut-être de notre propre faute, pour la majeure partie. Est-ce qu'il nous faut plus de travail scientifique? Oui, certainement, et nous serions heureux de voir les sénateurs recommander un financement accru de la recherche scientifique.

Le sénateur Hubley : J'aimerais souligner l'observation qu'a faite le sénateur Comeau à propos des quotas des collectivités. Nous avons entendu des témoins très convaincants comme les maires de Prince Rupert, de Harbour Breton, de Canso et de Lunenburg. Ils nous ont permis de constater de première main ce qui se passe dans les localités quand les pêches s'effondrent, ou quand le poisson n'y est plus transformé. Nous avons pu réunir d'amples renseignements sur la santé de nos localités vivant de la pêche, là où nous aimerions être les témoins d'une prospérité croissante pour quelque temps à venir.

M. Hearn : J'habite à trois milles d'un endroit qui s'appelle Fermeuse, où il y a déjà eu une usine de transformation du poisson de fond qui fonctionnait toute l'année durant, mais qui a fermé ses portes. J'ai représenté un endroit du nom de Trepassy, que le sénateur Johnson connaît bien, où une usine fonctionnait toute l'année durant avec deux quarts de travail, avec 600 personnes à son service. L'usine a fermé ses portes, et, du jour au lendemain, l'endroit est devenu un village fantôme. C'est la même chose à Harbour Breton, même si, d'une certaine façon, les résultats n'ont pas été aussi marqués, ou ils l'ont peut-être été davantage, car l'endroit est davantage isolé.

Certaines personnes affirment que le quota devrait être attribué à la collectivité; à ce moment-là, ces terribles entreprises ne pourraient fermer l'usine et s'en aller quand bon leur semble. C'est merveilleux dans un monde idéal. Si nous avions les vieux quotas du poisson plat et du poisson de fond, qui faisaient fonctionner les usines pour que tout le monde en ait une part, demain, le jour suivant et pour tous les temps, nous saurions ce que nous avons et nous pourrions continuer à fonctionner. Si je décidais de déménager en Chine, mon quota ne me suivrait pas. Il demeurerait ici, dans la localité. Cela fonctionne jusqu'à ce qu'il y ait réduction, comme nous l'avons vu quand le secteur du poisson de fond s'est effondré et que la quantité est passée de 100 p. 100 à 1 p. 100, de sorte que nombre d'usines de transformation n'avaient rien à transformer. Quand le quota du poisson plat a diminué de 50 p. 100, c'est chaque collectivité qui a vu son quota réduit de 50 p. 100 et les choses, ainsi, n'étaient pas viables. Par conséquent, en pouvant déplacer son quota d'une localité à l'autre, ce qui double les 50 p. 100 en question, l'entreprise pouvait tout au moins continuer de fonctionner. Voilà le genre de décisions difficiles qu'il faut prendre, et ce n'est jamais facile. Cependant, si l'industrie est gérée correctement, alors le plus grand nombre possible de localités devraient pouvoir survivre, dans la mesure où chaque once, chaque pouce, chaque cent que nous tirons de la ressource profite aux gens. Nous avons gaspillé énormément de produits au fil des ans, et nous le faisons toujours aujourd'hui.

Le président : J'aimerais poser une question supplémentaire à propos des ressources, c'est-à-dire du personnel au ministère. Je songe aux gardes-pêche, en particulier, et au Labrador, où nous avons réussi à construire une voie qui traverse le territoire de part en part. C'est avantageux du point de vue du commerce, mais l'achalandage dans les ruisseaux et les rivières à saumon est nettement plus grand. Si nous ne faisons pas attention, nous allons nous retrouver avec de graves problèmes. Il nous faut donc une certaine protection et aussi une certaine application des lois. Y a-t-il eu, ou y aura-t-il vraisemblablement un accroissement du personnel à cet égard?

M. Hearn : Il y a deux choses qui se produisent à cet égard : d'abord, quand je suis arrivé au ministère, on avait l'intention de réduire le nombre de gardes-pêche, mais nous avons mis cette décision en suspens et nous avons gardé les gens en place, même si nous n'en avons pas les moyens. Nous avons décidé que toute ressource supplémentaire que nous parvenons à mobiliser doit aller au personnel de première ligne. Ensuite, particulièrement à Terre-Neuve-et- Labrador, nous travaillons de concert avec la province. L'an dernier, par désespoir surtout, la province a investi beaucoup d'argent dans le travail des gardes-pêche provinciaux qu'elle affecte à bon nombre de fleuves et rivières. Il y a eu une certaine coordination ou consultation, mais pas beaucoup. Il y a eu dédoublement, et ça ne s'est pas fait.

Cette année, le ministère et la province travaillent ensemble à coordonner les activités, mais certaines personnes y verront une injustice, car, en réalité, le ministère est responsable des fleuves et rivières, alors pourquoi la province devrait-elle y participer? Il y a deux raisons à cela. Premièrement, la vente des droits de licence procure d'importantes recettes à la province, alors il convient tout à fait qu'elle participe au travail de garde. Dans la mesure où la province réinvestit des sommes, cela peut certainement fonctionner. Cela a bien fonctionné dans le cas qui nous occupe, et le premier ministre de la province se réjouit de la collaboration qui a eu lieu. Vous allez voir que cela se fait dans plusieurs secteurs, et cela vaut aussi pour la côte ouest. S'il faut en faire plus, alors il faut se concentrer sur le travail de première ligne.

Il est terrible de penser que ce sont nos gens à nous qui détruisent la ressource que nous essayons de protéger pour eux, mais c'est tellement vrai. Pourquoi nous faut-il des contrôleurs, des observateurs, des boîtes noires à bord des bateaux? Si les gens respectaient les règles, ils éviteraient toute cette dépense, et nous nous épargnerions toutes ces difficultés. Nous n'en sommes pas encore là, mais nous allons continuer de faire ce travail et de nous assurer que les règles sont appliquées.

Le président : Cela nous mène presque à la question de la cogestion, monsieur le ministre, mais je ne vais pas vous poser de questions à ce sujet.

M. Hearn : J'ai dit qu'il y avait deux raisons, la première étant l'accord dont je viens de parler, et la deuxième, qui fait partie de ma lettre énonçant le mandat, consiste à renforcer l'occasion de gérer la ressource de concert avec les provinces. Nous ne parlons pas forcément de cogestion. Toutes les provinces avec lesquelles j'ai eu des entretiens répondront dans la négative, car elles le savent : qui dit cogestion dit responsabilité conjointe des coûts. Tout comme vous, j'adore ma province, mais je ne crois pas qu'il soit réaliste de penser que nous pourrions gérer les pêches hauturières avec les moyens que nous avons en ce moment. Ce sera peut-être le cas à l'avenir, mais ce ne l'est certainement pas en ce moment. De même, il y aurait des complications avec les autres provinces.

Cependant, il est bon de mettre en commun les idées pour la gestion, comme nous venons d'en parler — de travailler ensemble à gérer les pêches sur la rivière. De fait, une part de nos activités en Colombie-Britannique repose sur une consultation de la province. Nous travaillons avec les ministres à l'Île-du-Prince-Édouard, en Nouvelle-Écosse et au Nouveau-Brunswick, et je viens de rencontrer le ministre au Québec, et je lui ai parlé à plusieurs occasions de différentes idées. Nous avons parlé de la possibilité de jouer un plus grand rôle, de prendre part à certaines des décisions et de nous appuyer mutuellement dans tous les cas possibles.

Le sénateur Adams : Même si vous êtes ministre, je sais que vous êtes au courant de certaines des choses qui se passent, jusqu'au Nunavut. Je sais que vous avez entendu certaines des personnes témoigner devant votre comité à la Chambre des communes.

Au Nunavut, même s'ils ont réglé la revendication territoriale, les pêches n'ont pas vraiment été organisées correctement. Un des problèmes concerne les étrangers qui viennent pêcher au Canada. Le bateau de pêche canadien doit répondre à une norme précise de Transports Canada. Par contre, au Nunavut, ce sont surtout des étrangers qui viennent prendre nos quotas de pêche dans les zones OA et OB, quand les inspections sont faites par Transports Canada. Nous devrions confier cette tâche à des gens du Nunavut. Les gens là se soucient du fait que certains des navires qui y passent l'inspection ne sont pas des bateaux canadiens, même s'ils battent pavillon canadien. Ils ne sont pas vraiment faits pour pêcher dans les eaux du Nord, au Nunavut, en raison des conditions météorologiques, et surtout de la glace.

La deuxième question touche les quotas de 2 500 tonnes de turbot de la zone OA. Habituellement, le quota est attribué au Conseil de gestion des ressources fauniques du Nunavut; il est censé revenir aux gens des localités, mais ça ne fonctionne pas de cette façon. En ce moment, la Baffin Fisheries Coalition et le Conseil de gestion des ressources fauniques du Nunavut contrôlent tous les quotas du Nunavut, sauf, peut-être, pour trois collectivités qui voient le quota leur être attribué directement. Je crois que Pond Lake a eu droit à 45 tonnes, Clyde River, à 45 tonnes, et Broughton Island, à 330 tonnes. La BFC a ravi les quotas aux collectivités, qui ne reçoivent que de l'argent en échange.

Broughton Island a maintenant un partenariat avec un regroupement de chasseurs et de piégeurs de la collectivité, et elle a un partenariat avec des gens de Terre-Neuve. Elle a demandé d'obtenir les quotas supplémentaires de 330 tonnes, mais en vain. Il n'y a que le secteur de la Royal Greenland qui l'ait en ce moment. Cette compagnie a deux bateaux, dont un pour la drague à la crevette.

De même, après le règlement de la revendication territoriale, le Conseil de gestion des ressources fauniques du Nunavut s'est vu accorder le permis de pêche pour le secteur, pour l'avenir des gens là-bas. Ces gens-là veulent se lancer en affaires, mais ils ne peuvent obtenir de permis. La Royal Greenland, dont le permis vaut pour 4 000 tonnes métriques, s'est vu attribuer le permis de récolter le quota du Nunavut. À mes yeux, les quotas de pêche au Nunavut devraient être accordés aux collectivités du Nunavut, mais, en ce moment, ce n'est pas le cas.

Il y a trois ou quatre jours, le Nunatsiaq News a consacré une page entière à l'histoire des gens de l'endroit qui voulaient se lancer en affaires. Ces gens-là se sont adressés au gouvernement du Nunavut, qui leur a dit : « Nous n'allons pas vous aider. Allez-vous-en; nous allons soutenir la BFC. » Le ministère des Pêches et des Océans devrait collaborer avec les gens là-bas; c'est pourquoi il y a eu une revendication territoriale.

Je peux vous montrer sur un graphique qui contrôle les pêches au Nunavut : le vert y représente les étrangers qui sont présents. Certains des administrateurs n'ont pas le contrôle de la situation, et la collectivité n'en tire rien, sauf peut-être que la BFC donne certaines sommes à quelques personnes pour qu'elles se lancent en affaires.

Notre subsistance à long terme tient à la pêche hauturière, tout comme c'est le cas pour les gens à Terre-Neuve. Nous voulions faire quelque chose après avoir réglé la revendication territoriale, mais nous ne pouvons rien faire. De la façon dont la formule des quotas et des permis est organisée en ce moment, les gens du Canada qui veulent se lancer en affaires ne peuvent rien obtenir. En ce moment, nous avons trois bateaux, et le quota s'élève seulement à 330 tonnes. L'an dernier, nous avons demandé 1 000 tonnes supplémentaires sans même recevoir de réponse. C'est de cette façon que la formule fonctionne en ce moment.

M. Hearn : Certes, sénateur Adams, je comprends tout à fait ce que vous dites. Nous avons consacré beaucoup de temps à cette question. Au cours des quelques dernières années, la question a été soulevée trois ou quatre fois au comité permanent. Je ne crois pas que nous ayons cessé d'en entendre parler, pas plus que le comité permanent de la Chambre des communes. J'ai l'impression que c'est l'une des questions que nous allons reprendre l'an prochain.

Depuis que je suis ministre, nous avons déjà eu trois ou quatre grandes réunions pour traiter de la question. Plus tôt, j'ai parlé des occasions et des défis qui se présentent dans le Nord. Pour ceux qui ne le savent pas, les stocks de turbot au large du Nunavut sont importants, énormes et à la hausse; c'est l'une des dernières bonnes pêcheries qui restent. Cette année, nous avons majoré les quotas de 2 500 tonnes métriques, et tout cela est allé au Nunavut. Le Nunavut contrôle tous les turbots dans la zone OA.

Cependant, comme je l'ai mentionné, le Nunavut ne compte qu'une petite usine de transformation du poisson qui a de la difficulté à même accéder à la ressource, et aucune infrastructure qui soit pour pêcher ou pour récolter la ressource. Autrement dit, le poisson est essentiellement vendu sur les eaux mêmes, sans que la collectivité qui aide à le développer touche des redevances. L'argent en question devrait servir à édifier l'infrastructure nécessaire pour que les gens puissent utiliser un jour la ressource. Elle y sert parfois, mais pas toujours.

Je devrais peut-être essayer d'expliquer rapidement ce qui se passe. Le gouvernement du Nunavut distribue les quotas au Conseil de gestion des ressources fauniques du Nunavut. Il est responsable de distribuer les quotas. Ces dernières années, presque tous les quotas ont été remis à un groupe, la Baffin Fisheries Coalition, composé d'agences de plusieurs localités. Celles-ci, de leur côté, se tournent vers un bateau « canadien ». C'est un bateau accrédité par le ministère des Transports, bateau battant pavillon canadien selon les règles. Une bonne part de l'équipage devrait être canadien. Ils vous diront qu'ils comptent parmi leurs employés plusieurs Inuits. Par contre, ce n'est pas toujours le cas. Certaines personnes se sont essayées à cela, mais c'est un mode de vie différent, et bon nombre ne persistent pas.

Il se passe plusieurs choses très douteuses. Tout de même, si vous posez la question aux gens directement, ils vous diraient : « quelles sont les options? Il n'y a pas grand monde qui fait la file pour s'essayer. »

Il est malheureux que nous n'ayons pas de carte, mais le fait que les bateaux partent de l'île ou du Labrador pour se rendre dans la zone OA, pour y pêcher du turbot et revenir — une semaine pour y aller, une semaine pour revenir — n'est pas viable sur le plan économique. Les bateaux qui pêchent le turbot se retrouvent au Groenland. Pour la plus grande part, cela relève du Danemark, du Groenland ou de l'Islande, et ce sont les gens de ces pays qui, pour l'essentiel, bénéficient vraiment de la ressource.

Nous sommes bien au courant de la situation — et mon énoncé de mission a été élaboré pour les habitants du Canada et par les habitants du Canada en tant que tel. Jusqu'à ce que nous puissions mettre en place un mécanisme et faire en sorte que les gens s'activent pour prendre part au secteur — et je sais qu'il y a au moins une entreprise qui cherche à collaborer avec les Inuits dans le secteur — en vue de mettre en valeur la ressource, nous devons dire « personne ne pêche » ou « tout au moins, vous obtenez des redevances avec lesquelles vous pouvez mieux bâtir vos collectivités. »

La saison vient à peine de commencer, et nous n'avons pas eu le temps de tout mettre en suspens pour essayer d'arrêter les détails de la question, mais c'est une question que nous n'avons pas du tout négligée. Je suis tout à fait d'accord avec vous. Il faut que cela soit plus avantageux pour les gens qui sont près de la ressource.

Le président : N'y a-t-il pas de redevances?

M. Hearn : Oui, et c'est un élément du problème. Les gens à la tête de la Baffin Fisheries Coalition vous diront que le meilleur marché qu'ils ont pu offrir, au profit des collectivités, avec les redevances, l'emploi de gens au sein de l'équipage, et cetera, provient des gens à qui ils vendent le poisson. Les gens sont nombreux à vouloir le poisson, mais ils ne veulent pas payer. Il y a donc tous ces facteurs qui entrent dans la composition du problème. Quelque part, il y a la vérité; c'est peut-être assez évident. Il y a trop de gens qui essaient d'imaginer une situation parfaite.

Sénateur, cette année, le Conseil de gestion des ressources fauniques ne met pas tous ses œufs dans le même panier. Il distribue la ressource, pour que d'autres puissent en profiter cette année.

Le sénateur Adams : Non.

M. Hearn : Vous ne croyez pas?

Le sénateur Adams : En ce moment, c'est pourquoi je vous ai posé la question. Ça n'a pas encore été rendu public.

M. Hearn : C'est de ça que je parle.

Le sénateur Adams : En ce moment, des gens demandent le quota, et la demande est encore entre les mains des fonctionnaires. Rien ne se fait.

Je me soucie des redevances. Pourquoi n'avez-vous plus de redevances, depuis que nous avons réglé la revendication territoriale au Nunavut? Nous habitons le territoire; nous avons déjà eu nos redevances. C'est une chose que j'ai découverte au cours des quatre dernières années : les entreprises donnaient tant pour obtenir les quotas, et elles obtiennent les quotas des collectivités. Nous avons découvert que ces trois localités, soit Clyde, Pond Inlet et Broughton Island, avaient conclu un contrat avec Clearwater. Mais il n'y a jamais eu de redevances.

J'ai essayé de trouver la redevance qui devait revenir à la collectivité. Je ne sais pas où elle est allée. Peut-être qu'elle est allée aux Affaires indiennes, mais elle ne s'est pas rendue à notre collectivité. Depuis que la revendication territoriale est réglée, nous ne recevrons pas de redevances au Nunavut. S'il y a bien quelqu'un qui touche cette redevance, je ne sais pas de qui il s'agit.

M. Hearn : Nous avons rencontré la Baffin Fisheries Coalition il y a quelque temps, au moment où j'assistais à la foire des fruits de mer de Boston. Je crois qu'il y a des millions de dollars en redevances qui passent par la Baffin Fishing Coalition, et qui sont censément distribués à diverses communautés pour une fin ou une autre, y compris le développement de l'infrastructure. Nous pouvons obtenir pour vous des détails, mais je sais qu'il est question ici de millions de dollars.

Le sénateur Adams : D'où provient la redevance? Est-ce du MPO ou des Affaires indiennes?

M. Hearn : Au moment où ils ont acquis les bateaux qu'ils emploient, c'était une location avec option d'achat. Apparemment, il y a une part de l'argent en question qui est consacrée à l'achat des bateaux, dont ils seront les propriétaires, et le reste est réparti parmi les collectivités participantes, au sein de la coalition.

Le sénateur Adams : Je crois que je peux donner un exemple de cas où l'argent n'a pas été remis au FTO. Une localité à Clyde, il y a trois ou quatre mois, a reçu 35 000 $. Chaque ménage a reçu 230 $. Cela ne va pas aux pêches.

Le président : Sénateur Watt?

Le sénateur Watt : Je crois que le sénateur Adams a bien livré son message au ministre. D'abord, je veux vous souhaiter la bienvenue, monsieur le ministre. J'ai été encouragé par l'exposé que vous avez fait de votre vision et de ce qu'il faudrait faire pour que ça se passe mieux dans nos eaux troubles et avec notre poisson.

Je m'en tiendrai aux seules questions scientifiques. Je sais que certains de nos sénateurs ont fait valoir la nécessité du travail scientifique, et vous avez vous-même mentionné qu'il y a un secteur où vous vous n'êtes pas bien débrouillé par le passé, depuis plusieurs années.

Depuis cinq à sept ans, je remarque une évolution des espèces qui apparaissent dans nos eaux et dans nos réseaux hydrographiques. Du côté ouest de la baie d'Ungava, nous avons trois rivières à saumon. Il y en a une qui s'appelait auparavant la rivière George, et il y a une autre, à Kuujjuaq. Quoi qu'il en soit, il y a trois grandes rivières. Depuis cinq à sept ans, j'y vois y arriver de nouvelles espèces que je ne connais pas, que les gens ne connaissent pas. Auparavant, les rivières en question étaient pleines de saumons de l'Atlantique. Aujourd'hui, le saumon de l'Atlantique n'y est plus très présent. Nous y voyons un énorme saumon que nous n'avons jamais vu, et celui-ci se multiplie. Cela a commencé il y a environ sept ans, et ça se remarque de plus en plus, d'année en année, et leur nombre augmente rapidement. La seule espèce semblable que j'ai vue, c'est le saumon du Pacifique; cela signifie donc que ces saumons du Pacifique, si ce sont des saumons du Pacifique, arrivent de quelque part.

Un des facteurs invoqués pour expliquer pourquoi différentes espèces se retrouvent dans notre réseau hydrographique, c'est que celui-ci a été détourné vers la baie James. La qualité de l'eau n'est plus la même, ni la profondeur. C'est moins profond; l'eau est donc plus chaude. J'imagine que le poisson a sa propre façon de repérer le réseau hydrographique qui lui est acceptable. Autrement dit, à un moment donné, il faisait peut-être froid, et, au moment crucial où le poisson migrait le long de la côte, il a repéré un réseau hydrographique allant du continent jusqu'à la baie d'Ungava. Le saumon en question a peut-être été attiré par la chaleur, et c'est peut-être pour cette raison qu'il s'y trouve en grand nombre.

Ce n'est qu'un exemple. Il y arrive d'autres espèces que nous n'avons jamais vues auparavant. Vous savez probablement que les gens parlent de changement climatique et, dans mon coin, il n'y a pas que le réseau hydrographique qui change; la végétation fait des folies aussi. Le pergélisol disparaît, ce qui a un impact sur les différents stocks dans le réseau hydrographique. Si nous n'essayons pas de harnacher cette force et que nous ne commençons pas à contrôler cela, toute cette information sera perdue. Nous ne saurons jamais pourquoi ce changement s'est produit et pourquoi différentes espèces arrivent là. Nous devons prendre la question au sérieux et chercher à tirer parti des changements, en chargeant des scientifiques de surveiller les activités en question.

À mon avis, il importe que le ministère délègue des scientifiques sur place, pour que ceux-ci puissent surveiller la situation et faire rapport pour que nous sachions précisément ce qui se passe.

M. Hearn : Merci, sénateur. Vous soulevez un bon point, mais d'autres ont déjà raconté cette histoire — pas en rapport avec les mêmes espèces, mais pour ce qui est d'activités semblables dans d'autres régions. Nous voyons apparaître des espèces qui sont nouvelles à une région, non seulement dans les fleuves et rivières, mais aussi dans les océans; cela touche nos poissons pélagiques, en particulier.

Le week-end dernier, je discutais avec des gens dont le travail touche énormément l'aspect scientifique de la situation et les pêches. Ils m'ont parlé du maquereau qui, cette année, semble aller plus loin au nord que jamais auparavant. Pourquoi? Un changement de la température de l'eau représente la seule explication que nous puissions trouver.

Il semble que l'année sera bonne sur le fleuve Fraser, et nous essayons de tout faire pour nous assurer que l'année sera paisible aussi. Nous croyons que le rendement sera grand, et nos scientifiques affirment que, si cela se produit, c'est qu'il se passe quelque chose dans l'océan que personne n'arrive à expliquer. Le saumon n'arrive pas en aussi grand nombre qu'avant, malgré le fait que les retours peuvent toujours être prédits avec une certaine régularité. Certes, la température de l'eau change.

Nous surveillons la situation au large du port de St. Johns, à Terre-Neuve. Depuis dix ans, l'eau s'y est réchauffée d'environ quatre degrés, ce qui est important. Les gens disent que les tendances migratoires du poisson peuvent changer si la température de l'eau change d'un demi-degré.

Nous savons si peu de choses sur ce qui se passe, sénateur. Vous avez raison de laisser entendre qu'il nous faut arriver d'abord au cœur de la question et l'approfondir, de manière à comprendre ce à quoi nous avons affaire.

Le sénateur Watt : J'aimerais soulever une question importante concernant les protectionnistes du monde animal, qui ont tendance à manipuler les gens et les gouvernements, à mettre sur eux de la pression pour qu'ils agissent dans certains domaines, là où normalement ils ne le feraient pas. Le phoque du Groenland est en concurrence avec l'être humain, surtout dans notre région du Nunavik, du Nunavut et du Labrador. Si nous ne mettons pas de conviction à défendre la politique adoptée et à rejeter les prétentions de Greenpeace et des groupes de défense des droits des animaux, il y aura une croissance fulgurante de la population des phoques du Groenland. Nous devons aider les stocks de poisson à se maintenir, pour assurer la pérennité des espèces, mais si nous ne réduisons pas le nombre de phoques du Groenland, les stocks n'auront pas la croissance prédite. Je voulais mentionner cela, même si je sais que vous êtes bien conscient du problème.

M. Hearn : Voilà le genre de problème qu'il nous faut soulever plus souvent, de cette façon même. Ce n'est pas simplement que les gens doivent pouvoir chasser le phoque pour survivre, même si, cette année, je vous dirais qu'il y a de nombreuses familles à Terre-Neuve-et-Labrador qui ne seraient pas là s'il n'y avait pas eu de chasse aux phoques cette année. Il faut contrôler le troupeau. J'ai vu des hardes de caribous qui se sont trop multipliés et qui se sont détruits eux-mêmes, ayant détruit leur habitat et, de ce fait, étant devenus malades. La même chose pourrait arriver aux phoques, car les phoques ont quand même besoin de manger. Un ancien ami à moi, Morrissey Johnson, grand capitaine de navire phoquier, a dit : « Je ne sais pas ce qu'ils mangent, mais ils ne mangent pas du navet ». Les phoques mangent du poisson. Aujourd'hui, nous voyons des phoques dans nos ports, dans nos rivières à saumon, à remonter les rivières. Certes, c'est de mauvais augure.

Nous n'avons aucune intention de plier ou de céder aux militants de quelque façon que ce soit. Nous respectons leur droit de parole, mais ils agissent pour les mauvaises raisons. Nous allons continuer à chasser le phoque, tant et aussi longtemps que le troupeau est en santé, au profit de nos gens, de nos stocks et du troupeau de phoques. Nous ne reculons pas devant quelque défi que ce soit, vous n'avez pas à vous inquiéter à ce sujet.

Le président : Monsieur le ministre, merci d'être venu comparaître ce soir. Nous espérons que ce n'est que la première réunion que nous allons avoir avec vous. Vous avez dit que votre comité des pêches de la Chambre des communes a recommandé des changements. Notre comité espère faire la même chose. Nous espérons que vous allez nous considérer comme un allié en ce sens et nous rendre visite à nouveau.

M. Hearn : S'il y a des dossiers où nous pouvons être utiles, n'hésitez pas à communiquer avec l'un ou l'autre d'entre nous.

La séance est levée.


Haut de page