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POFO - Comité permanent

Pêches et océans

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Pêches et des océans

Fascicule 3 - Témoignages du 17 octobre 2006


OTTAWA, le mardi 17 octobre 2006

Le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans se réunit aujourd'hui à 19 h 7 afin d'examiner, pour en faire rapport, les questions relatives au nouveau cadre stratégique en évolution du gouvernement fédéral pour la gestion des pêches et des océans du Canada.

Le sénateur Bill Rompkey (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : La séance est ouverte. Nous étudions actuellement le programme permanent du ministère des Pêches et des Océans. Pour l'instant, la discussion porte sur la gestion des pêches à l'extérieur de la zone économique de 200 milles.

Nous entendrons aujourd'hui des représentants de deux groupes, en l'occurrence la Living Oceans Society et la T. Buck Suzuki Environmental Foundation. Soyez les bienvenus.

Jennifer Lash, directrice exécutive, Living Oceans Society : Merci de nous donner le temps de vous entretenir de questions concernant la conservation et la gestion des océans, deux sujets qui nous tiennent à cœur. Le moment pour ce faire ne pourrait être mieux choisi. Ce n'était pas programmé. Ce voyage était prévu depuis un certain temps déjà.

Comme vous le savez, le chalutage par le fond a fait l'objet de vifs débats dans les médias dernièrement et, j'imagine, sur la Colline également, en raison du moratoire sur le chalutage par le fond en haute mer que le Canada a omis d'appuyer. C'était décevant pour nous, c'est le moins qu'on puisse dire.

Nous cherchons à faire adopter un moratoire temporaire qui permettrait à différents gouvernements et pays du monde d'établir un système de gestion leur permettant de gérer adéquatement les pêches. Malheureusement, ce n'est pas ce que le ministère des Pêches et des Océans a compris. Dans son esprit, il s'agissait d'une interdiction permanente qui risquait d'avoir des répercussions sur l'industrie de la pêche au chalut au Canada.

Afin de gérer nos pêches, nous devons disposer du régime de gestion le plus approprié qui soit, ce qui n'est pas le cas en haute mer, d'où la nécessité d'adopter des mesures draconiennes.

Ici au Canada, nous avons la possibilité de mettre en place les régimes de gestion qu'il faut. Certains d'entre eux ont déjà été implantés par Pêches et Océans Canada, alors que d'autres pourraient être améliorés. Aujourd'hui, j'aimerais discuter particulièrement des projets de planification maritime auxquels s'intéresse Pêches et Océans Canada en vertu de la Loi sur les océans.

Mais avant d'entrer dans les détails, j'aimerais parler brièvement des raisons pour lesquelles les océans sont importants pour tous les Canadiens. Je vis sur une île au large des côtes de la Colombie-Britannique; l'océan fait donc partie de ma vie de tous les jours. Les océans sont également importants pour les habitants de Winnipeg et de Toronto, et ce, pour diverses raisons. L'une d'elles est que les Canadiens consomment environ 10 kilogrammes de fruits de mer par année par personne, dont environ 6,5 kilogrammes proviennent de nos pêches intérieures; le reste est importé. Peu importe où vous viviez au Canada, à un moment donné, vous consommez des aliments qui proviennent de l'un de nos océans. Cela est important du point de vue de la santé et de la qualité de vie.

Deuxièmement, au Canada, les prises de fruits de mer s'élèvent à un peu plus de 1 million de tonnes et elles ont une valeur au débarquement d'environ 2 milliards de dollars. Une fois ces fruits de mer transformés, leur valeur augmente de façon considérable. Cela constitue une force économique majeure pour notre pays, particulièrement dans les régions.

Troisièmement, j'aimerais parler d'écologie. Les océans produisent entre le tiers et la moitié de l'oxygène sur notre planète grâce au phytoplancton, ces plantes microscopiques qui croissent dans les océans, particulièrement dans les eaux à proximité de nos côtes. Essentiellement, en assurant la survie et l'évolution de ces plantes, nous sommes capables de prévenir les problèmes croissants de réchauffement de la planète et de changements climatiques. Les océans jouent donc un rôle intégral dans les efforts déployés pour contrôler notre climat, ce qui, nous le savons, inquiète de plus en plus de gens.

La gestion des océans ne concerne pas seulement les habitants des régions côtières. Elle concerne tous les Canadiens et il est important que des mesures soient prises pour changer les choses.

Comme vous le savez probablement, Pêches et Océans Canada a fait adopter la Loi sur les océans en 1997, loi qui est venue lui conférer la responsabilité des océans. Les priorités spécifiques étaient la gestion intégrée, les aires maritimes protégées et la qualité de l'environnement maritime en général. Ces priorités ont été traduites en un cadre stratégique que l'on appelle la Stratégie sur les océans du Canada, laquelle est devenue le Plan d'action pour les océans qui sert de véhicule pour obtenir les résultats escomptés de la Stratégie sur les océans.

Le Plan d'action pour les océans est entré en vigueur en 2005. Des crédits budgétaires ont été alloués au Plan d'action pour deux ans et ils ne seront pas renouvelés à la fin du présent exercice financier.

Ces crédits ont été utilisés par Pêches et Océans Canada pour effectuer la planification préalable, pour mettre de l'ordre dans ses affaires et obtenir les outils nécessaires pour entreprendre la planification, ce que l'on est en train de faire.

J'aimerais parler de la planification sur la côte ouest de la Colombie-Britannique. Il se fait également un travail semblable dans d'autres régions du pays, mais je suis plus au courant de ce qui se passe en Colombie-Britannique.

La région de la Colombie-Britannique identifiée comme zone prioritaire en vertu du Plan d'action pour les océans est la Zone de gestion intégrée de la côte nord du Pacifique, que l'on appelle communément la ZGICNP, qui inclut le centre de la côte, la côte nord et l'archipel de la Reine-Charlotte. Elle comprend environ 88 000 kilomètres carrés, soit à peu près la taille du Nouveau-Brunswick et de l'Île-du-Prince-Édouard, c'est donc une zone très importante.

Nombre d'entre vous se souviendront peut-être de l'annonce qui a été faite plus tôt cette année concernant la Forêt pluviale du Grand Ours dans laquelle il est précisé que de vastes zones forestières étaient protégées et qu'un nouveau régime de gestion axé sur les écosystèmes était mis en place pour protéger la forêt pluviale tempérée de la Colombie- Britannique. La Zone de gestion intégrée de la côte du Pacifique Nord constitue la zone océanique de cette forêt. Ce serait la première fois au monde que l'on envisagerait de faire de la planification maritime et terrestre à une si grande échelle. Le Canada deviendrait ainsi un leader mondial au chapitre de la protection de l'environnement et de la gestion exhaustive des milieux terrestres et maritimes.

La Zone de gestion intégrée de la côte du Pacifique Nord est également importante en elle-même. Elle renferme de nombreuses caractéristiques. C'est là que vivent les populations d'orques résidentes du Nord. On y trouve du hareng, du sébaste et des oiseaux de mer. C'est un endroit spectaculaire et extraordinaire. Soixante-douze mille personnes vivent dans cette région et dépendent de ces espèces pour leur subsistance, leurs loisirs et leur emploi.

Les possibilités de planification dans cette région sont immenses. La planification maritime signifie amener toutes les personnes qui vivent et travaillent et qui ont un intérêt quelconque dans cette région à planifier une vision qui orientera la façon dont nous gérons nos activités. C'est une façon de voir l'océan et de se demander quelles activités peuvent être menées et à quels endroits. Avons-nous besoin de zones protégées ou de parcs marins? Devons-nous affecter certaines industries à seulement quelques endroits de pêche sur la côte? Pouvons-nous trouver des directives et des règlements sur la gestion qui restreignent ou font progresser les activités de certaines industries pour nous assurer que l'océan est protégé?

Il se fait de la planification maritime partout dans le monde et nous estimons que cela doit être le cas également en Colombie-Britannique. Ce n'est pas un processus facile, il nécessite du temps, des partenariats et des ressources.

Pêches et Océans Canada a réussi à établir des partenariats avec notre gouvernement provincial et nombre des Premières nations de la région. Ces intervenants travaillent actuellement à l'élaboration d'une entente-cadre sur la façon de gérer ce processus de planification entre gouvernements. C'est très important. En Colombie-Britannique, il y a toujours eu un fossé entre le gouvernement provincial et Pêches et Océans Canada. Les amener à travailler ensemble, plus particulièrement à un niveau de gouvernement à gouvernement, est tout à fait remarquable. C'est là une occasion dont nous devons véritablement profiter et que nous devons continuer d'encourager.

Amener ces trois niveaux de gouvernement à travailler ensemble, pour ensuite concevoir un processus de planification incluant tous les intervenants, être capable de travailler main dans la main pour planifier pour cette région, voilà qui est important.

L'une des choses que nous cherchons à obtenir actuellement et qui nous a amenés ici à Ottawa, c'est que nous aimerions que le gouvernement continue d'appuyer la mise en œuvre du Plan d'action pour les océans, qu'il fasse preuve d'un nouveau leadership en matière de gestion des océans au Canada et qu'il mette les ressources et les engagements politiques au service de la gestion de nos océans, qu'il organise et mette en marche le processus de planification maritime.

Nous espérons que le prochain budget renfermera des crédits qui permettront de s'assurer que certains de ces critères sont respectés. Nous espérons aussi qu'il y aura suffisamment d'argent pour s'assurer que les processus de planification sont ouverts et transparents de sorte que les gens qui travaillent et vivent dans la région sachent ce qui se passe.

Nous espérons également qu'il y aura des ressources pour permettre aux gens de participer au processus — les pêcheurs, les grandes entreprises qui mènent des activités là-bas et les administrations municipales. Les gens doivent avoir les ressources nécessaires pour y participer.

Nous devons veiller à ce que la science et la recherche fassent partie du processus et que le gouvernement ait la capacité de faire cette recherche de sorte que nous puissions prendre des décisions éclairées dans le cadre du processus de planification.

Enfin, nous devons nous assurer qu'un jour, nous aurons les ressources pour assurer la mise en œuvre du Plan d'action. On peut mettre en œuvre un plan extraordinaire, mais si le gouvernement ne s'engage pas et ne souhaite pas l'appliquer, tout cela est fait pour rien.

Voilà une chose importante à laquelle réfléchir. Nous ne voulons pas entreprendre ce processus uniquement pour un an. Nous cherchons à obtenir un engagement de cinq ans pour le processus de planification et sa mise en œuvre, mais je pense que si nous pouvons obtenir les ressources nécessaires pour l'appuyer, les gens de la région seront disposés à y travailler; en outre, le Canada deviendrait un leader mondial en matière de gestion des ressources, comparativement à ce que l'on a vu récemment où le Canada n'a pas su être à la hauteur de certaines décisions progressistes.

James McIsaac, directeur, Assainissement de l'eau, T. Buck Suzuki Environmental Foundation : J'aimerais vous donner quelques renseignements sur moi-même et sur l'organisation que je représente ici aujourd'hui, après quoi j'aborderai certaines politiques qui concernent les pêches; je vous donnerai en outre certains détails sur une pêche en particulier et sur la façon dont la planification aiderait à long terme les pêcheurs.

Je me suis intéressé à l'industrie de la pêche sur la côte ouest lorsque j'avais environ 14 ans. J'ai pêché pendant 20 ans ou à peu près sur la côte. Je pêchais à partir de quatre grands ports — Vancouver ou Steveston, Alert Bay, Sointula et Prince Rupert — si bien que je connais passablement la côte en amont et en aval. J'ai l'expérience de la pêche au saumon au filet maillant et à la senne, de même qu'au hareng, je connais aussi la pêche à la crevette à l'aide de pièges ainsi que la prise de la pieuvre.

La T. Buck Suzuki Environmental Foundation a été créée il y a 25 ans. Le nom, Buck Suzuki, était celui d'un pêcheur commercial et environnementaliste des années 20 à 70. Il a grandement participé à la protection de l'habitat et a travaillé dur pour empêcher la pollution de la côte. L'organisation a été créée par la United Fishermen and Allied Workers' Union et elle compte sur son soutien depuis ce temps.

Nous recevons de l'argent qui provient de la vente d'un timbre de conservation des pêches commerciales, d'environ 4 000 pêcheurs commerciaux par année; nous avons également le soutien de l'industrie de la pêche commerciale en ce qui concerne la conservation.

Les principaux objectifs de l'organisation sont la protection des habitats, la prévention de la pollution et la durabilité des pêches. En outre, le vaste plan de gestion des océans s'intègre à la durabilité des pêches. C'est sous cet angle que je ferai mon témoignage aujourd'hui.

Il nous est impossible de faire une présentation PowerPoint, mais j'ai distribué certaines diapositives pour rehausser un peu mon exposé.

La première diapositive renferme un commentaire : S'il y a quelque magie sur cette planète, c'est dans l'eau qu'on la trouve. Voilà un commentaire philosophique profond sur l'eau. Quant aux pêcheurs, ils se plaisent à penser qu'ils attrapent le poisson et vous le livrent pour que vous puissiez en profiter.

J'ai commencé à m'intéresser à la politique sur l'industrie de la pêche dans les années 80, lorsque le père d'un bon ami m'a remis le rapport de la Commission royale sur les pêches en me disant ceci : « Ça, c'est l'avenir des pêches sur cette côte. »

J'ai fait, depuis, quelques lectures sur le sujet. L'un des documents d'information destinés à la Commission royale portait sur l'aspect économique; on y disait que les pêcheurs ne faisaient pas beaucoup d'argent sur la côte et ne payaient pas beaucoup d'impôt au pays; ils n'étaient pas avantageux pour le pays d'un point de vue concret et tangible. Des politiques ont été établies à partir de ce genre de réflexion et ont orienté les travaux de la Commission. Celle-ci a formulé des recommandations visant à établir le système de quotas et à réduire la taille de la pêche. Et c'est ainsi que les choses se passent depuis 20 ans ou à peu près.

La communauté des pêcheurs n'était pas contente des recommandations à l'époque. Une des principales choses qui se produisait dans l'industrie de la pêche était la quasi-location de permis, particulièrement des permis de pêche au hareng. Vous n'aviez pas le droit de louer un permis, si bien que sur la côte ouest, des permis ont été mis en fiducie; le permis était transféré à quelqu'un d'autre pour un an et ensuite l'entente de fiducie était rendue à la personne. L'industrie de la pêche craignait que cette pratique ne se poursuive et qu'elle ne soit adoptée dans la loi avec le système de quotas. Vous allez voir dans les diapositives que j'ai apportées que certaines de ces choses se sont avérées.

Pour ce qui est des tendances concernant les gens, l'industrie a été réduite au cours des 20 dernières années. Ces chiffres proviennent directement de la base de données de Pêches et Océans en date de la semaine dernière. C'est la même chose pour les engins de pêche, et l'on peut voir que les petits bateaux ont été réduits considérablement de sorte que les petits exploitants ont été grandement touchés sur la côte.

La diapositive sur les quotas donne un aperçu, une image éclair de la valeur des quotas au débarquement. Cette diapositive tirée du document intitulé Catch-22 d'Ecotrust montre que les pêches contingentées comptent pour 178 millions de dollars alors que les pêches non contingentées comptent pour 171 millions de dollars, mais c'est sans inclure le hareng. Le hareng est une pêche quasi-contingentée qui a une valeur d'environ 35 millions de dollars. En réalité, en 2003, les pêches contingentées se chiffraient à environ 200 millions de dollars.

En ce qui concerne la valeur au débarquement, on peut voir la diminution qui s'est produite au cours de la période de 20 ans. Au bas, les données sont regroupées par coût de quota. La différence, c'est ce que se partagent le bateau, le propriétaire du bateau, l'engin, le capitaine et l'équipage. Les coûts d'exploitation et de carburant et toutes les autres choses sont là-dedans également, de sorte que vous pouvez voir que la valeur effective de la flotte diminue.

Pour en revenir aux tendances concernant les effectifs, si on regarde ce qui se passe dans le Pacifique, le graphique dans le coin droit indique l'âge des personnes qui travaillent pour la flottille. En fait, celui-ci montre les skippers sur la côte ouest, dont l'âge moyen est d'environ 56 ans. Sur le graphique, on ne voit pas grand-chose pour ce qui est des jeunes qui entrent dans l'industrie. Sur la côte ouest, le problème sera bientôt criant. Des recommandations bien précises ont été faites au sujet des mesures à prendre. L'étude Catch-22 a formulé quelques recommandations. Certains changements ont été apportés, parce que l'industrie ne forme pas les gens pour travailler dans le domaine de la pêche à long terme.

Voici un aperçu du chalutage pour le poisson de fond sur la côte ouest. Je travaille depuis toujours dans le domaine de la pêche commerciale, mais je ne suis pas un spécialiste dans le chalutage du poisson de fond. Je ne suis pas ici pour défendre cette pêche, mais je vous ferai part de mes observations sur cette flottille.

Les flottes de pêche ont travaillé fort depuis 12 ans pour cerner les problèmes et s'autosurveiller. C'est la flotte la plus surveillée au Canada et possiblement, dans le monde entier. On compte un observateur à bord de chaque navire. Il y a environ 70 chalutiers sur la côte ouest et chacun d'entre eux compte un observateur indépendant à son bord jour et nuit. Aujourd'hui, on a des problèmes avec les prises secondaires dans quelques zones. On a ajouté des caméras aux navires qui sont en marche jour et nuit. On dépense environ 2,3 millions de dollars par année pour cette surveillance, et les fonds proviennent de la valeur au débarquement, comme l'indique le graphique que vous avez vu tout à l'heure, pour cette flotte.

On effectue ce genre de surveillance depuis plus de 10 ans, ce qui est incroyable. Aucune autre entreprise au Canada n'est obligée de se soumettre à ce genre de surveillance. La plupart de ces bateaux sont des bateaux de trois à quatre pêcheurs, et on y ajoute une personne chargée de surveiller toutes leurs actions en tout temps. Aucune autre entreprise au Canada ne tolérerait une telle chose. Du point de vue environnemental, il y a de nombreuses entreprises, y compris certaines très grosses organisations, que j'aimerais bien voir assujetties à une telle surveillance, mais à ce que je sache, on ne les soumet pas à un tel degré de surveillance. Ce genre de chose est incroyable.

La valeur de la pêche au chalut pour le poisson de fond est d'environ la moitié de la valeur au débarquement que vous voyez sur la feuille sur la ventilation des données — soit environ 70 millions de dollars par année.

Maintenant, si on revient aux raisons pour lesquelles nous devons faire de la planification maritime, il est question d'un moratoire pour la pêche au chalut du poisson de fond. Le problème, c'est que fermer une industrie qui vaut 70 millions de dollars pour les collectivités côtières, c'est une très grosse décision. Par conséquent, il est normal que l'industrie parle des valeurs inhérentes à la conservation.

La T. Buck Suzuki Environmental Foundation est d'avis que l'industrie se préoccupe d'environnement, se préoccupe de conservation et de l'avenir de la ressource à long terme. Nous appuyons en tous points la planification maritime, nous devons et nous voulons être à la table. La région du Pacifique, soit la Zone de gestion intégrée de la côte du Pacifique Nord, est la zone la plus rentable pour la pêche commerciale sur la côte ouest. Il ne fait aucun doute que l'on doit y trouver des intervenants de cette industrie de la pêche.

Cette diapositive porte sur la politique du syndicat des pêcheurs concernant les zones de planification maritime. L'une des choses que permettrait le processus de planification maritime serait des aires marines protégées, ce qui est également l'objectif de la Loi sur les océans. Les politiques du syndicat des pêcheurs sont en étroite harmonie avec la Loi sur les océans. Le syndicat défend certains principes qu'il aimerait voir intégrés au processus, et ils sont mis par écrit ici.

En conclusion, les océans font que notre planète est spéciale. Ils équilibrent nos températures le jour et durant toute l'année. C'est grâce à eux que la vie existe sur notre planète. Nous devons faire ce que nous pouvons pour protéger ces océans. Si notre planification est efficace, nous en tirerons des fruits. C'est précieux pour le long terme.

Le sénateur Comeau : Ma première question s'adresse à Mme Lash. Permettez-moi d'apporter un argument qui pourrait être présenté par un pêcheur à la drague ou un pêcheur au chalut. Il dirait probablement ceci : Si le Canada devait accepter un moratoire sur la pêche au chalut en haute mer, ne serait-il pas hypocrite de sa part de poursuivre la pêche au chalut dans les eaux intérieures?

Actuellement, pour certaines espèces de poisson, on ne peut utiliser aucune autre technologie que la pêche à la drague. Je parle ici des pétoncles et de quelques autres espèces. Que répondriez-vous à cela, madame Lash?

Mme Lash : Votre question est excellente. Elle est source de confusion dans le débat sur la pêche en haute mer et la pêche dans les eaux intérieures.

Je veux être très claire : mon organisation, Living Oceans Society, s'évertue à trouver des solutions aux problèmes associés à la pêche au chalut dans les eaux intérieures sur la côte ouest. Nous ne demandons pas de moratoire dans les eaux intérieures. Il existe un plan de gestion des pêches, de même qu'une planification maritime, qui nous permettent d'obtenir de l'information et de saisir les données recueillies dans un processus scientifique afin de voir si la pêche est durable. Nous voulons savoir si les nouveaux renseignements que l'on obtient montrent que la pêche n'est pas viable et comment nous pouvons l'adapter pour que l'on puisse régler ces problèmes. Ce régime de gestion existe au Canada. Faisons en sorte qu'on puisse l'utiliser pour aborder certaines préoccupations concernant la pêche au chalut. Toutes les pêches doivent être assujetties à une telle rigueur. En vertu de la Loi sur les pêches, le gouvernement a le mandat de le faire.

La différence, c'est que plus de 60 p. 100 de la pêche en haute mer dans les océans du Canada n'est pas assujettie à quelque régime de gestion que ce soit. Aucune règle n'existe. Il n'y a personne qui peut dire qu'on a maintenant complètement décimé une pêche.

Le sénateur Comeau : Je comprends cela.

Mme Lash : Nous avons rencontré le ministre en mai et nous lui avons clairement dit que l'interdiction est un moratoire temporaire en attendant que ces régimes de gestion soient mis en place, et à ce moment, espérons-le, nous serons capables de gérer la pêche de façon efficace.

Le sénateur Comeau : Ma deuxième question concerne la façon dont vous répartissez les pêches entre les divers secteurs. On peut aborder la question sous deux angles. Premièrement, il faudrait diviser les poissons et dire : « Voici votre quota de saumon sockeye, de coho, de morue-lingue. Nous avons telle quantité de morue-lingue qui, à notre avis, peut être pêchée cette année. Nous allons la diviser par le nombre de personnes qui veulent la pêcher. Nous allons vous donner votre pourcentage du quota. » On a tout simplement divisé le nombre de saumons sockeye par le nombre de pêcheurs. On dit ensuite : « Voilà votre quota. Allez le pêcher. »

Vous faites ça pendant plusieurs années et lorsque vous approchez la soixantaine, et que vous voulez prendre votre retraite, vous vendez ce quota qui vous a été attribué par le gouvernement. Vos dernières années ont peut-être été très bonnes. Par conséquent, vous pouvez obtenir un bon prix pour votre quota. La personne qui achète votre quota doit payer le capital pour ce faire. À ce moment-là, le quota a peut-être baissé. Cette personne doit alors acheter un quota à quelqu'un d'autre. Tout à coup, le poisson devient un produit. Ce n'est plus un poisson que l'on va pêcher, s'il y en a, et qu'on ne pêche pas s'il n'y en a pas. Ça devient un produit qui est commercialisable, tout comme on pourrait vendre des actions sur le marché.

Nous faisons face à une telle situation de plus en plus dans la plupart de nos pêches au Canada. Cependant, l'un des problèmes est que cela n'est pas une méthode de répartition axée sur les écosystèmes. Par exemple, quelqu'un qui a un quota de morue-lingue n'est pas du tout intéressé par la situation du saumon sockeye ou du saumon coho.

Avez-vous déjà envisagé ce problème? Si oui, en faites-vous un élément important de votre plan de gestion intégrée pour votre zone?

Mme Lash : Nous nous sommes penchés sur la question. C'est ce que l'on appelle les quotas individuels transférables (ou les QIT). À notre point de vue, l'un des plus grands problèmes concernant les QIT, c'est la question de savoir qui est propriétaire des permis. Il fut un temps où les personnes qui vivaient dans les collectivités, qui travaillaient sur les bateaux et qui surveillaient la mer, étaient propriétaires des permis. Ils savaient exploiter la mer. Ils comprenaient très bien ce qui se passait. Ils ont vu les choses changer avec le temps. Ces gens-là étaient un réservoir de connaissances. Lorsqu'est venu le temps d'élaborer des plans de gestion des pêches et de dire ce qui se passait, ils étaient au courant de la situation.

Le sénateur Comeau : Un dentiste de Toronto qui possède un quota aujourd'hui et qui s'attend à un taux de rendement élevé ne sera peut-être pas très heureux.

Mme Lash : Tout à fait. En Colombie-Britannique, certaines des fermetures de pêches les plus importantes ont été demandées par les pêcheurs qui ont remarqué qu'il y avait des problèmes. On a livré bataille à certains d'entre eux.

Une fois que les gens de Toronto, Winnipeg ou Vancouver possèdent les permis, ils ne cherchent plus à demander des fermetures ou des changements dans les quotas ou dans le total autorisé des captures pour des raisons de conservation. Ils veulent conserver les TAC à un certain niveau à cause des revenus, surtout s'ils ont engagé des dépenses de capital relatives au quota.

On perd alors le lien entre les gens qui prennent le poisson et ceux qui exploitent la mer pour faire de l'argent. Dans la petite collectivité de pêche où je vis, nous accordons une grande valeur à ce lien. Comme ce lien est de plus en plus ténu et que les gens qui ne vivent pas dans la région exercent une plus grande influence sur l'élaboration du plan de gestion des pêches, la conservation s'en trouve menacée.

Le sénateur Comeau : Devrions-nous recommander au ministre que les collectivités participent au processus décisionnel? On en a déjà parlé. Lorsque le ministre envoie ses fonctionnaires pour fins de consultation, est-ce que les gens à qui un avenir à long terme de la pêche profite aussi comme les coiffeurs, les chauffeurs de taxi, les restaurateurs et les enseignants, devraient faire partie du processus de consultation?

Mme Lash : Oui. Les collectivités ont un rôle énorme à jouer dans le processus de consultation au sujet des pêches, tout comme les pêcheurs eux-mêmes.

J'ai deux petits enfants qui fréquentent notre école, laquelle accueillait auparavant plus de 120 élèves, mais il n'y en a aujourd'hui que 34. Je veux continuer à vivre là. Je veux que mes enfants aient une école où aller. Cela ne pourra se produire que si nous avons des pêches viables et que si les habitants de notre collectivité travaillent dans l'industrie de la pêche. Il est important que l'on tienne compte de leurs besoins et de leurs préoccupations dans l'élaboration d'un plan de gestion des pêches ou dans les changements que l'on apportera au système d'octroi de licences.

Le sénateur Comeau : J'ai parlé tout à l'heure de quelqu'un à qui on a accordé un quota pour une espèce seulement. Si le nombre de poissons de cette espèce diminue pour une raison quelconque, ou encore s'il n'y a pas de quotas, ne devrions-nous pas penser à une pêche mixte? Si les quotas pour une espèce de poisson commencent à diminuer dans une région, devrions-nous avoir un genre de pêche mixte de manière qu'on puisse affecter la flottille à quelque chose d'autre? M. McIsaac dira probablement que cela n'est pas pratique.

M. McIsaac : La question des pêches intégrées a été abordée en ce qui concerne le poisson de fond. Je ne suis pas un spécialiste du processus qui est en place depuis quelques années, et qu'il l'a été à la suite de la crise de la conservation du sébaste. Tous les pêcheurs de poisson de fond qui avaient des prises secondaires de sébaste, soit essentiellement tout le monde, ont dû s'asseoir à la même table pour discuter de la question. Ils devaient formuler une résolution sur les moyens d'éviter une telle situation tout en continuant à produire les plus grandes quantités possible, sans détruire le sébaste sur la côte. Je crois que ce processus fait l'objet de discussions depuis cinq ans. Sa mise en œuvre a commencé cette année. D'après ce que j'ai entendu, les propriétaires de petits bateaux de pêche sont très heureux de la situation.

Certains petits navires qui pêchent le chien-de-mer avaient des prises secondaires de flétan et d'autres espèces qu'ils n'étaient pas autorisés à garder. Mais maintenant, ils le sont. On leur a attribué un petit quota qui leur permet de continuer de pêcher, et c'est une mesure qui est quand même assez intéressante pour les petits navires. Nous allons voir comment les choses vont évoluer.

Le sénateur Johnson : Je suis très heureuse de vous voir ici, et je vous félicite de votre travail. Je vais d'abord poser des questions sur la société des lacs vivants au nom de mon lac, le lac Winnipeg, qui est menacé. Nous travaillons très dur actuellement pour redresser la situation. Vous m'avez donné une très bonne idée, et peut-être pourrions-nous rester en contact à ce sujet.

Je suis très intéressée par le rapport de la vérificatrice générale de septembre 2005. La commissaire à l'environnement et au développement durable a indiqué dans son rapport que le ministère des Pêches et des Océans n'avait pas réussi à utiliser la Loi sur les océans à bon escient pour protéger et développer les océans du Canada de façon durable. Vous savez probablement que la vérification a permis de découvrir qu'aucun plan de gestion des océans n'avait été finalisé, et l'on a constaté très peu de progrès en ce qui a trait à l'établissement d'aires marines protégées.

Dans son bulletin de notes annuel, le Sierra Club du Canada a constaté que deux des plans d'action pour les océans « n'indiquaient aucun progrès visible ». Le Sierra Club a proposé que dévoiler publiquement dans quelle mesure on a obtenu les résultats escomptés de la phase 1 du PAO serait un pas dans la bonne direction pour le MPO.

J'aimerais savoir ce que vous en pensez. Est-ce qu'on a mis beaucoup de temps à élaborer un processus de planification homogène?

Mme Lash : Si vous créez une société des lacs vivants, je me ferai un plaisir de vous aider. C'est une bonne idée. Je vous offre mon aide.

Je suis d'accord avec le rapport de la vérificatrice générale. Je pense que nous n'avons pas su profiter de la Loi sur les océans. La Loi a été adoptée en 1997, et nous sommes aujourd'hui en 2006. C'est cette loi qui a donné au MPO le pouvoir d'établir des aires marines protégées.

En Colombie-Britannique, nous avons établi une aire marine protégée en vertu de cette loi. Il a fallu attendre toutes ces années avant que cela se concrétise, et il n'y a eu aucun conflit au sujet du site. Le problème portait sur les vents hydrothermiques dans les endroits où personne ne pêchait. Il n'y a eu aucun problème avec les Premières nations dans cette région parce qu'elle est tellement loin de la zone côtière.

S'il faut attendre si longtemps pour créer quelque chose qui ne cause aucun conflit, imaginez ce que cela serait dans une zone où il y a des conflits potentiels. Je pense que le MPO mérite d'être réprimandé à cet égard.

Cela étant dit, je crois que nous commençons à peine à voir certains des produits émerger. Il faut voir ce qui a été réalisé au cours des dernières années. Je l'ai dit tout à l'heure et je vais le répéter : voir les gouvernements fédéral, provinciaux et les administrations des Premières nations travailler main dans la main, de gouvernement à gouvernement est renversant. Je n'ai jamais vu une telle chose en Colombie-Britannique. Habituellement, ces gouvernements se chicanent beaucoup. Il y a beaucoup de travail à faire.

Le sénateur Johnson : Est-ce que cela dépend du protocole d'entente?

Mme Lash : Non. C'est le résultat de la mise en œuvre de la phase 1 du Plan d'action pour les océans. Les protocoles d'entente étaient une entente entre les gouvernements fédéral et provinciaux sur la façon d'appliquer la Loi sur les océans. Ils ont signé un protocole d'entente qui comprenait cinq protocoles secondaires, un sur la planification maritime et un sur les aires marines protégées, ou les AMP. Ces protocoles n'ont pas été signés parce qu'ils portaient sur le document concernant les nouvelles relations entre la Colombie-Britannique, les gouvernements provinciaux et les Premières nations. On en est à discuter avec les leaders des Premières nations de la manière de régler certains problèmes pour que le gouvernement fédéral et les provinces puissent signer les protocoles. Les choses avancent, mais on agit comme si les sous-protocoles avaient été signés. C'est là un autre signe que les gouvernements ont véritablement commencé à travailler main dans la main. C'est très bien.

Selon la phase 1 du Plan d'action pour les océans, le gouvernement se proposait de finaliser certaines des analyses scientifiques requises. On a fait l'évaluation d'un écosystème, qui n'a pas encore été publiée. Nous en avons vu les grandes lignes, mais pas encore tout le document dans sa forme finale. Le document renfermera une évaluation de l'état actuel de notre écosystème. Il s'agit d'une évaluation de la situation sur la côte ouest, la côte est et dans l'Arctique de sorte qu'il y ait uniformité au niveau national. Nous sommes en mesure de voir ce qui se passe sur la scène nationale.

Le gouvernement travaille également à une chose que l'on appelle les zones importantes sur le plan écologique et biologique. D'après l'expertise et l'expérience des scientifiques et des universitaires sur la côte, on essaie de voir où se trouvent les zones importantes et sensibles sur le plan écologique et où sont les zones importantes de la côte. Il s'agit d'un outil très utile pour la planification spatiale et qui est nécessaire pour aller de l'avant.

Les espèces qui sont importantes sur le plan écologique et biologique sont également examinées de sorte que nous puissions commencer à cibler certaines d'entre elles. La vie marine est très présente dans l'océan, à un point tel que nous devons véritablement choisir les principales zones à protéger de même que leur écosystème afin d'assurer la protection globale de l'océan. Ainsi, il y a progrès sur certains fronts.

Cependant, les progrès ont été beaucoup plus lents que ce que nous souhaitions. Ce n'est pas facile. En outre, les scientifiques et les universitaires n'ont pas obtenu les fonds qu'ils demandaient dans le cadre de la phase 1 du Plan d'action pour les océans. Ils demandaient environ 60 millions de dollars à l'échelle nationale pour deux ans, et ils ont reçu 28,4 millions de dollars. Les seuls crédits qui ont été affectés à la région du Pacifique se chiffraient à 2,5 millions de dollars et devaient être utilisés sur une période de 18 mois. Ce n'est pas beaucoup pour les ressources. Il y a très peu d'employés au bureau de Pêches et Océans à Vancouver qui travaillent à ce projet à plein temps.

J'ai parfois l'impression que les spécialistes de la conservation ont beaucoup plus d'employés affectés à la Zone de gestion intégrée de la côte nord du Pacifique que n'en a le ministère des Pêches et des Océans. Je crois que l'on ne peut pas juger le MPO sur son incapacité à livrer la marchandise si on ne lui donne pas les outils pour le faire.

En ce qui concerne la phase 2 du Plan d'action pour les océans, il est essentiel de la financer à l'aide des ressources adéquates afin de donner aux gens qui se dévouent à cette cause la capacité de livrer la marchandise. Actuellement, je dirais que les gens de la Colombie-Britannique sont très engagés. Il y a ici aujourd'hui quelqu'un qui donne le point de vue des pêcheurs commerciaux. Les gouvernements travaillent main dans la main, et les collectivités commencent à discuter de cette question. C'est là une chose remarquable, et nous ne voulons pas perdre cet élan.

Le sénateur Johnson : Cet élan s'est-il accéléré récemment?

Mme Lash : Au cours des six derniers mois, les choses ont véritablement avancé. En novembre, la Living Oceans Society se rendra dans les collectivités côtières pour faire du travail de sensibilisation auprès des résidents des collectivités non autochtones.

Les collectivités des Premières nations, qui sont nombreuses dans cette région, commencent à mettre au point leurs propres plans maritimes qu'ils soumettront. Elles s'organisent entre elles. Compte tenu des différences culturelles quant à la façon dont elles prennent ces décisions, cela pourrait être plus long et nécessiter une approche différente en matière de planification que ce qui est exigé des intervenants. Elles investissent leur temps dès le départ. Elles ont également renforcé leurs capacités; nous avons des planificateurs dans différentes collectivités et ils peuvent aussi obtenir du soutien technique.

Enfin, il y a sept ans, la Living Oceans Society a entrepris un projet que l'on appelait l'analyse de l'utilité de la conservation. Nous avons utilisé les dernières données scientifiques et autres pour concevoir un mode de sélection des zones de grande utilité pour la conservation qui peuvent contribuer à repérer un réseau de zones protégées. C'est là un projet très intéressant qui avance.

Les données scientifiques qu'obtient un groupe de conservation ne font pas nécessairement avancer les choses aussi rapidement que s'il s'agit de données scientifiques établies en collaboration. Seulement au cours des deux dernières semaines, le gouvernement fédéral, le gouvernement provincial, les Premières nations, les universitaires et tous les responsables de la conservation qui s'intéressent à cette question se sont entendus pour refaire l'analyse mais en collaboration les uns avec les autres. C'est là un projet scientifique sans précédent, et c'est un très bon pas dans la bonne direction. Si nous n'avions pas eu cet engagement dans le cadre du Plan d'action pour les océans, je ne pense pas que cela se serait produit.

Le sénateur Johnson : Croyez-vous que la Stratégie canadienne sur les océans et le Plan d'action pour les océans sont efficaces?

Mme Lash : Ces mesures ont donné des résultats en fonction des ressources qu'on leur a attribuées, oui.

Le sénateur Johnson : Est-ce que cela concerne à la fois les pêches et la protection des habitats?

Mme Lash : Rien de concret ne s'est fait parce qu'on en est encore à l'étape de la planification préliminaire. C'est à la prochaine étape que nous verrons les choses se concrétiser. Les gens se réuniront autour d'une table pour discuter des endroits où on doit établir des zones protégées, des niveaux de protection dans ces zones, et de la façon de nous assurer que l'industrie est gérée en fonction d'un écosystème à l'extérieur des zones protégées.

Le sénateur Johnson : J'ai une dernière question au sujet de votre organisation. Combien de collectivités et de personnes sont membres de la Living Oceans Society?

Mme Lash : La Living Oceans Society est en train d'embaucher du personnel. Nous serons environ 15. La plupart des employés travaillent à notre bureau central de Sointula. Nous avons un bureau satellite à Vancouver, parce que les collectivités côtières sont là où elles sont.

Le sénateur Johnson : Nous sommes tous d'accord.

Mme Lash : Nous avons accru nos efforts de sensibilisation grâce à de nombreuses campagnes et activités différentes. Nous faisons beaucoup de travail dans différentes collectivités, nous avons établi des réseaux de personnes- ressources. Lorsque nous travaillons à Queen Charlotte City ou à Prince Rupert, nous avons des gens que nous pouvons appeler là. Ils nous aident à intégrer nos activités et à travailler dans les collectivités en respectant leur façon de faire les choses.

Le sénateur Johnson : Monsieur McIsaac, comment se porte votre fondation?

M. McIsaac : Nous sommes une très petite fondation qui compte trois employés. Nous avons un bureau à Prince Rupert, un à Vancouver et un autre à Victoria.

Le sénateur Johnson : Que pensez-vous du plan d'action dont Mme Lash vient tout juste de parler?

M. McIsaac : Dans l'ensemble, ce serait bien si on pouvait accélérer ce processus de planification. Il faut faire une planification sérieuse si on veut régler la question de la durabilité et s'entendre pour aller de l'avant sur la côte; or, cette, planification fait défaut depuis un bon bout de temps.

Le MPO doit avoir les ressources nécessaires pour agir en ce sens. De toute évidence, s'il n'a pas les ressources, il ne peut forcer l'allure. En outre, il y a des lacunes dans l'information. Ces lacunes doivent être comblées également.

Une bonne partie de la planification maritime qui se fait aujourd'hui est possible uniquement grâce aux technologies qui ont été mises au point au cours des 10 dernières années comme les outils d'analyse et d'organisation des données. Nous parlons ici d'une grande quantité de données. L'analyse sur l'utilité de la conservation a utilisé 93 couches différentes de données sur une vaste zone. Il y a 10 ans, les outils pour ce faire n'existaient pas. Maintenant nous les avons et cela aide beaucoup.

Le président : Comment votre organisation est-elle financée, madame Lash?

Mme Lash : Est-ce que j'étais censée payer mes employés?

Le président : Je ne sais pas. Peut-être travaillent-ils gratuitement, mais s'ils sont rémunérés, où prenez-vous les fonds pour les payer?

Mme Lash : Notre financement provient surtout des fondations et de particuliers qui nous appuient.

Le président : Est-ce que ce sont des fondations de la côte ouest?

Mme Lash : Il s'agit de fondations canadiennes et américaines.

Le président : Est-ce que votre organisation est financée par un syndicat?

M. McIsaac : Le syndicat des pêcheurs nous appuie grâce à une collecte de fonds avec le hareng : les pêcheurs attrapent le poisson et nous aident à le vendre. Les profits sont partagés avec une autre organisation sans but lucratif, le Fonds des orphelins. Le syndicat des pêcheurs tient cette campagne de collecte de fonds depuis 50 ans. Depuis 25 ans, une portion de l'argent recueilli est versée à la T. Buck Suzuki Environmental Foundation. L'autre source de financement, c'est le timbre de conservation des pêcheurs, qui est désigné lorsqu'on achète un permis personnel de pêche commerciale. Une partie de nos revenus provient de cette source. Nous obtenons également du financement de fondations canadiennes et américaines.

Le président : Madame Lash, est-ce que vous avez une organisation homologue sur la côte est?

Mme Lash : Nous n'avons pas de personnel là-bas, mais nous travaillons en collaboration avec le Centre d'action écologique à de nombreuses campagnes. C'est un partenaire extraordinaire. Nous sommes venus à Ottawa avec eux et avons fait un peu de travail au niveau national, et ça été fantastique.

Le sénateur Hubley : J'aime bien les questions qui sont posées. On pourrait faire beaucoup en ce qui concerne les objectifs de conservation et de données scientifiques rigoureuses dont a parlé M. McIsaac.

En mai 2005, une équipe de mise en œuvre de la surveillance a été créée pour évaluer le niveau actuel d'efforts de surveillance aquatique au Canada afin de déterminer quelle surveillance précise serait nécessaire pour appuyer le programme scientifique global et repérer les zones qui ont besoin d'amélioration pour ce qui est de diverses priorités. Pourriez-vous nous dire ce que vous pensez de l'équipe de mise en œuvre de la surveillance? Est-ce que la situation s'est améliorée depuis sa création en 2005? Dispose-t-on de suffisamment de données scientifiques pour permettre une gestion en fonction de l'approche des écosystèmes?

Mme Lash : Je ne connais pas précisément l'équipe dont vous parlez, mais je peux vous entretenir de la surveillance des pêches. M. McIsaac pourra peut-être ajouter d'autres choses.

Comme l'a fait remarquer M. McIsaac, il se fait beaucoup de surveillance dans l'industrie de la pêche au chalut pour le poisson de fond, ce qui est admirable; le travail de ces gens devrait être reconnu. En outre, grâce aux modifications de la technologie, on a augmenté la surveillance dans d'autres pêches comme la pêche du flétan où des caméras surveillent tout ce que les pêcheurs retirent de leurs longues lignes, de sorte qu'il leur est impossible de ne pas faire rapport de leurs prises. Cela posait problème. On craignait que certains pêcheurs attrapent et rejettent du poisson qu'ils ne pouvaient vendre, et qu'on ne connaisse pas l'impact d'une telle mesure sur la pêche. Au moins, si on sait ce qui est pris, on peut déterminer l'impact de ces prises. Cette surveillance a du bon.

Pour ce qui est de la pêche au crabe, il y a maintenant un système d'étiquettes. Chaque fois qu'une cage de pêche au crabe est ramenée à la surface, on doit la passer devant un scanner qui enregistre ce qu'elle contient. Il y a eu une augmentation dans ce genre de surveillance.

Il est important de signaler que les pêcheurs doivent payer eux-mêmes l'équipement qu'ils utilisent. Les caméras peuvent coûter jusqu'à 10 000 $. C'est une grosse dépense pour un propriétaire de petit bateau. On a établi un plan de remboursement à plus long terme. La question doit être approfondie. Je dirais que la surveillance a augmenté.

Cependant, est-ce que nous surveillons véritablement l'océan de façon adéquate? Nous avons encore beaucoup de travail à faire. Plus nous étudions l'océan, plus nous nous rendons compte que nous ne savons pas comment il fonctionne. C'est un écosystème dynamique et complexe. Tant que Pêches et Océans n'aura pas les ressources nécessaires pour élaborer un programme rigoureux de recherche et faire le travail qui s'impose, nous ne serons pas en mesure de surveiller l'océan et de déterminer ce qui s'y passe. Certaines mesures ont été prises et les gens qui sont allés en ce sens doivent être félicités, mais il reste encore beaucoup à faire.

M. McIsaac : J'aimerais faire un commentaire au sujet de la collecte de données. Il faut faire attention de ne pas nous empêtrer dans tant de données qu'il sera impossible de les analyser. Nous sommes maintenant capables de le faire. Beaucoup de données sont actuellement recueillies : des données sur la température de l'eau, la salinité, l'oxygène, toutes des choses différentes qui sont surveillées de nos jours. Nous sommes de plus en plus en mesure d'analyser de plus en plus de variables, mais nous vivons sur une planète qui compte plus de variables que l'on ne peut en traiter. Nous vivons sur une planète où tout est lié. Il faut faire preuve de prudence. Nous ne savons pas comment tout fonctionne. Nous ne faisons que gratter en surface. Il y a aujourd'hui plus de scientifiques que jamais dans l'histoire de notre planète qui étudient plus de choses, parce que nous ne savons peu de choses. Nous aimons avoir le plus de données possible, mais nous devons nous assurer qu'elles sont bien orientées et qu'elles sont utiles pour ce que nous pouvons en faire.

Mme Lash : Je suis une mère, et je peux surveiller mes enfants, leur comportement et prendre en note tous les jours ce qu'ils font, mais si je ne change pas tel comportement lorsqu'il est mauvais ou si je ne fais pas de compliments lorsqu'il est bon, j'échoue en tant que mère. Nous pouvons surveiller tout ce que nous voulons, mais si nous n'avons pas un processus qui nous permet de canaliser cette information, tout cela est fait en vain. C'est là que ce processus de planification peut intervenir. Il faut prendre les données de surveillance, les transmettre aux personnes qui travaillent et vivent sur la côte et leur donner le pouvoir de prendre des décisions au sujet de la façon de gérer la région. Cela vient boucler la boucle et nous assurer que nous examinons les choses de façon adéquate.

Le sénateur Hubley : Est-ce que vous connaissez une zone, dans l'habitat des poissons, qui doit être surveillée de manière urgente? Y a-t-il un développement quelconque au sein de la pêche qui est à ce point nouveau que l'information pour l'appuyer, tant positive que négative, n'existe pas?

Mme Lash : Certaines pêches ne sont pas nouvelles, mais elles doivent faire l'objet de surveillance. Je n'ai pas les chiffres au bout des doigts, mais je pourrais les obtenir pour vous. Certains stocks sont pêchés, sans qu'on en évalue la quantité et à notre insu; nous attrapons du poisson sans savoir ce qui existe comme ressource. Certaines pêches ne sont pas assujetties au total admissible de captures. Il est essentiel de faire la bonne évaluation des stocks et de surveiller comment ils se comportent. Il est impossible de gérer une ressource si on ne sait pas quelle est l'ampleur de la ressource d'abord et avant tout. Il existe certaines espèces essentielles que nous devons identifier et pour lesquelles nous devons demander au gouvernement de faire une évaluation. Le MPO sait comment évaluer un stock. Il doit se rendre sur place, faire son évaluation et ne pas passer outre.

Certaines pêches ont besoin d'une surveillance accrue, notamment la pêche de la crevette au chalut que nous aimerions mieux saisir.. Ce n'est pas la même chose que la pêche au chalut du poisson de fond. C'est une plus petite pêche dans un habitat complètement différent. La pêche à la crevette sur la côte ouest est différente de la pêche à la crevette sur la côte est en ce qui concerne l'habitat. Cela pourrait être une pêche durable, mais il faut régler le problème des prises secondaires et ce qui se passe pour que nous puissions en parler.

Les coraux et les éponges constituent un problème critique qui suscite de plus en plus d'intérêt. Nous ne faisons que commencer à comprendre quels coraux et quelles éponges existent dans les eaux tempérées. En Colombie-Britannique, l'analyse la plus progressive indiquant les endroits où se trouvent particulièrement les coraux a été effectuée par la Living Oceans Society. Bien que je sois fière de cette analyse effectuée par mon organisation, je pense qu'elle ne paraît pas très bien pour le gouvernement car il aurait dû savoir ce qu'il en était. Les données nous ont été fournies par le MPO qui n'utilisait pas l'information pour trouver ces choses. Il reste encore plus de travail à faire pour examiner des choses comme les coraux et les éponges parce qu'ils jouent effectivement un rôle important dans notre écosystème.

Le sénateur Watt : Est-ce que le système de gestion intégrée dont vous parlez ne concerne que les poissons, ou s'il pourrait aussi concerner d'autres secteurs comme la foresterie, les mines, le forage pétrolier et des choses de ce genre? Comment la coordination sera-t-elle assurée entre les activités de pêche et les activités principales des sociétés pétrolières, puisque ce sont elles qui sont habituellement la source de préoccupations?

Mme Lash : Le processus de planification est exhaustif, il inclurait donc tout le monde quel que soit l'activité. Ça inclurait les industries d'exploitation du poisson. Actuellement, il y a un moratoire sur l'exploitation du pétrole et du gaz au large des côtes de la Colombie-Britannique, mais dans d'autres régions, les sociétés pétrolières seraient un partenaire beaucoup plus important. Le tourisme est une vaste industrie en pleine croissance; ou bien on s'en occupe comme il faut, ou bien on le fait de façon dommageable. Toutes les industries sont des intervenants, que ce soit les bateaux de croisière ou les bateaux de transport, ces industries doivent prendre part au processus et voir comment on doit utiliser la ressource. Nous préconisons donc un processus exhaustif.

Le sénateur Watt : Quel serait le lien entre les activités de pêche et les autres activités qui se déroulent et qui ont des répercussions sur l'océan et le poisson? Quelle serait la relation entre ces groupes et le gouvernement du Canada, qui doit assurer la gestion des océans et des poissons?

Mme Lash : Je ne suis pas certaine de comprendre la question.

Le sénateur Watt : Est-ce que ces liens sont examinés? Est-ce que ces intervenants seront autorisés à prendre des décisions? Seront-ils contrôlés et surveillés par le gouvernement du Canada?

Mme Lash : Une fois le processus de planification en place? Oui, très certainement. Le processus de planification n'enlève pas au gouvernement ses responsabilités de gestionnaire et de décisionnaire, mais il crée un régime de gestion surveillée par le gouvernement, avec l'aval des collectivités et des intervenants. Tout le monde participera à l'élaboration du plan, mais le gouvernement est toujours ultimement responsable de s'assurer que le plan est mis en œuvre et respecté.

M. McIsaac : Je pense savoir ce que vous avez en tête en ce qui concerne la gestion des pêches. L'une des directives qui a été donnée au cours des cinq ou sept dernières années, c'était de faire assumer le fardeau de la gestion par l'industrie. Ainsi, l'industrie se retrouve avec des données sur la situation alors qu'on parle de surveiller ses données. En réalité, les données nous permettent de savoir ce qui est autorisé et ce qui ne l'est pas. Si vous n'avez pas ces données, vous ne pouvez pas prendre de décisions éclairées. Dans ce cas, il est difficile de savoir qui possède les données, qui y a accès et ce qu'on peut faire avec. Plus le gouvernement confie la gestion à l'industrie, moins il aura de contrôle là- dessus. Il faut que ce soit discuté.

Le sénateur Watt : Qui aura le moins de contrôle là-dessus?

M. McIsaac : La population du Canada, ou le gouvernement du Canada.

Le sénateur Watt : Ils auront moins de contrôle. Autrement dit, vous faites la promotion de la privatisation?

M. McIsaac : Non. Ça c'est une autre chose.

Le sénateur Watt : C'est pourquoi j'essaie d'aller au fond des choses et de voir dans quelle direction vous vous orientez. Je comprends que vous aimeriez avoir cinq ans pour établir la planification et mettre ensuite les plans en œuvre. J'aimerais voir les deux côtés de la médaille autant que faire se peut.

Mme Lash : Nous ne préconisons certainement pas la privatisation des pêches, parce qu'ainsi, on confierait l'industrie à quelques personnes seulement et on leur donnerait le contrôle sur les ressources. Nous aimerions que les ressources soient contrôlées par plus de personnes.

M. McIsaac : Nous aimerions avoir un processus plus ouvert et plus partagé.

Le sénateur Watt : Diriez-vous que Pêches et Océans Canada aura un rôle de gestion plus significatif si le plan qui a été établi est élaboré en fonction des écosystèmes?

M. McIsaac : Oui.

Mme Lash : Oui.

M. McIsaac : La collectivité serait beaucoup plus impliquée, il s'agirait de toute la collectivité côtière et pas seulement des pêcheurs.

Le sénateur Watt : Vous essayez de donner des pouvoirs aux régions et, en même temps, vous tentez de faire la même chose avec le ministère des Pêches et des Océans.

Mme Lash : Pêches et Océans Canada a déjà tous les pouvoirs, mais il n'a pas un bon plan pour les appliquer. Nous cherchons alors à nous assurer que le ministère a un bon plan pour mettre en œuvre les processus de sorte qu'il utilise son pouvoir pour s'assurer que la mer est bien surveillée. Actuellement, le ministère effectue une gestion pêche par pêche et industrie par industrie, et on se retrouve avec des conflits entre les éléments particuliers. L'idée est d'éviter les conflits.

Le sénateur Watt : À votre avis, comment serez-vous en mesure de convaincre les intervenants de s'asseoir à la table et d'appuyer votre concept? Je parle ici de l'industrie pétrolière, des industries forestières et de la pêche.

Mme Lash : Je peux être très persuasive.

Le sénateur Watt : J'espère que oui.

Mme Lash : Nous devons nous en remettre à la science pour nous aider à prendre une décision. Si les données scientifiques indiquent que quelque chose n'est pas viable et que cela met la santé de l'océan en danger, nous devons reconnaître la situation et ne pas fermer les yeux. Un processus ouvert et transparent vous permet de faire cela parce que tout le monde prend connaissance des données scientifiques. Tout le monde fonde ses décisions sur de bonnes données scientifiques. L'un des éléments essentiels, c'est d'avoir la bonne information.

Dans un monde idéal, j'ai une vision de ce que l'océan et la gestion de l'océan devraient être. Je préférerais être assise autour d'une table avec une industrie qui, à mon avis, n'est pas particulièrement durable et discuter de la façon de faire avancer les choses, plutôt que de passer les 30 prochaines années à me battre. Je préférerais que cette discussion soit structurée de façon à ce qu'elle soit efficace. C'est essentiel.

Les environnementalistes se font souvent dire que tout ce qu'ils veulent, c'est de se bagarrer devant les médias. Ce n'est pas le cas. Nous nous sentons souvent pressés de nous adresser aux médias pour attirer l'attention des gens sur des enjeux qui sont vraiment préoccupants, mais ce serait une meilleure option si nous pouvions avoir un forum qui permet un bon dialogue.

Le sénateur Watt : La seule chose que je puisse dire, c'est que j'espère que dans cinq ans, il y aura encore du poisson à gérer pour vous.

Mme Lash : Si les choses se passent comme nous le voulons, il y en aura.

Le sénateur Watt : L'océan et le poisson sont en difficulté — nous le savons tous. Félicitations pour votre travail dans cette direction. J'espère que vous aurez du succès.

[Français]

Le sénateur Hervieux-Payette : J'ai une question d'ordre général à vous poser, mais assez simple : est-ce que cette gestion existe dans d'autres pays de façon satisfaisante? Est-ce que le Canada peut répondre à ces exigences ou est-ce que c'est rêver en couleur que de penser mettre en place un système qui pourrait mettre en application cette gestion? La question est très simple : est-ce que cela existe ailleurs, est-ce que cela fonctionne et est-ce que le Canada peut s'en inspirer pour le mettre en application?

[Traduction]

Mme Lash : Il existe dans une certaine mesure dans d'autres régions du monde. Les processus de planification maritime sont faits, par exemple, dans les îles Anglo-Normandes. La Great Barrier Reef Marine Park Authority de l'Australie est probablement l'exemple le plus connu. Environ 35 p. 100 de cette région est complètement fermée à toute pêche afin d'établir des zones de protection et de conservation. Cependant, on pratique toujours le chalutage de la crevette dans d'autres régions de ce territoire. Les autorités australiennes ont été capables de jumeler objectifs de conservation et besoins de l'industrie dans cette région. Elles effectuent une mise à jour constante de leurs plans de gestion pour s'assurer que le mandat est respecté.

Certaines mesures ont été prises dans les Keys de la Floride et dans l'est du plateau néo-écossais au Canada. Leurs travaux sont un tout petit peu plus avancés que les nôtres sur la côte ouest.

Ces exemples nous donnent l'occasion d'apprendre de leurs succès et de leurs échecs. L'un de nos premiers projets a été un projet de recherche en partenariat avec le Fonds mondial pour la nature dont l'objectif était d'examiner cinq exemples provenant du monde entier où l'on avait déjà effectué de la planification. Le but était de voir quels critères avaient été établis pour que le processus soit un succès. Ce rapport est disponible sur notre page Web. Il porte sur les leçons que nous pouvons tirer de ces exemples.

Oui, nous pouvons le faire. Nous avons les compétences et l'engagement nécessaires à certains niveaux pour faire en sorte que les choses se fassent.

[Français]

Le sénateur Hervieux-Payette : Quand on parle de pêcheurs, est-ce qu'on parle uniquement de pêcheurs canadiens? Je connais mieux la côte Est que la côte Ouest, je ne sais pas s'il y a des pêcheurs qui viennent d'autres pays sur la côte Ouest. Avec cette gestion, finalement, c'est une entente avec l'industrie qui fait que cela peut fonctionner; qu'arrive-t-il si vous avez des gens qui viennent défaire tout le plan parce qu'ils ne reconnaissent pas ce genre de planification?

[Traduction]

Mme Lash : En Colombie-Britannique, nous n'avons pas le problème qu'il y a sur la côte Est des pêcheurs étrangers, où la pêche étrangère sur le nez et la queue du Grand banc a des répercussions sur ce qui se passe dans les eaux intérieures. Je ne crois pas que ce soit le cas en Colombie-Britannique.

Certaines pêches sont gérées à l'aide d'ententes internationales — par exemple, notre pêche au flétan et l'entente sur le saumon du Pacifique.

Le sénateur Hubley : Comment s'intègre la question des changements climatiques à votre travail? Avons-nous suffisamment de données sur les changements climatiques pour les intégrer à nos politiques et à nos plans? Pouvons- nous faire des prédictions? Pouvez-vous faire le point rapidement sur le réchauffement de la planète et les changements climatiques.

Mme Lash : Vous n'en demandez pas beaucoup, n'est-ce pas?

Le sénateur Hubley : Non. L'équilibre des océans se fait tous les jours selon les températures annuelles. Les choses vont changer. J'ai l'impression que c'est le cas, quoi qu'il en soit. Nous avons des preuves que les choses vont changer. Où en êtes-vous à cet égard dans la surveillance constante et les données scientifiques?

Mme Lash : Il y a deux façons de voir les choses. Premièrement, comment les changements climatiques vont-ils affecter les océans? Deuxièmement, en quoi les activités dans l'océan vont influencer les changements climatiques?

Pour ce qui est des industries qui s'intéressent à l'océan et qui vont avoir une influence sur les changements climatiques, nous n'avons pas de pétrole ni de gaz au large des côtes. Espérons qu'il continuera d'en être ainsi. De cette façon, ce n'est pas un problème.

On peut faire du travail sur le transport des bateaux, les émissions de gaz, des choses comme ça. Nous n'avons pas d'industrie génératrice de CO2 comme on en voit dans d'autres régions du Canada.

Oui, nous pouvons faire du travail dans ce domaine. Je ne crois pas que cela soit autant une priorité que d'autres questions.

Mais plus important encore, quels effets les changements climatiques auront-ils sur les océans? Comment pouvons- nous élaborer des plans de gestion pour nous adapter à ces changements par suite de changements climatiques? Je ne crois pas que nous le sachions encore. Nous savons que cela posera un problème.

Lorsque nous constatons des changements aujourd'hui, nous demandons ceci : est-ce un résultat des changements climatiques ou si c'est simplement un changement de régime dans l'océan? Les courants de la Californie et de l'Alaska voyagent le long de la côte en amont et en aval. S'ils s'éloignent de 100 kilomètres parce que l'océan travaille cette année-là, cela peut faire des changements, et les poissons qui normalement ne sont pas présents vont commencer à apparaître. C'est difficile pour nous de dire si c'est un changement climatique ou si c'est l'océan qui se comporte différemment cette année-là.

En ce qui concerne le long terme, nous devons tout mettre en place pour faire la surveillance et incorporer l'information à nos plans de gestion, plus particulièrement pour des questions comme le saumon.

[Français]

Le sénateur Hervieux-Payette : Est-ce qu'on n'a pas toujours eu El Nino dans le Pacifique qui a toujours causé des changements de température et de courants qui affectaient tout l'Océan pacifique? Je pense que nous avons tous raison de nous inquiéter des changements climatiques, mais il y a toujours eu des modifications aux courants sous-marins dans cette région du globe et je ne pense pas que ce soit dû uniquement aux changements climatiques. J'aimerais juste savoir si on comprend les choses de la même façon.

Je peux comprendre que les bancs de poisson ne suivent pas des routes précises et n'ont pas d'indications pour leur dire où aller, mais il me semble qu'on ne fait pas le suivi de cela depuis longtemps. Je ne pense pas qu'on connaisse tous ces mouvements depuis 50 ans et plus. On peut observer, mais quant à moi, pour garder les stocks en bon ordre, ça va; mais de là à penser qu'on va finir par savoir où ils passent et à quel jour dans l'année, je crois que c'est impossible de faire ce genre de chose.

Comment allez-vous faire votre monitoring? À partir de quoi?

[Traduction]

M. McIsaac : Il est reconnu que les changements climatiques ont une influence sur les pêches dans le monde entier. On fait la surveillance des stocks de poisson qui se déplacent dans l'hémisphère nord, toujours plus au nord et en eau plus profonde. Il y a des études qui montrent que le mouvement des habitats est bon pour les stocks de poisson. Il ne fait aucun doute que les changements climatiques auront des répercussions sur la gestion des pêches. Cela touchera les endroits où se trouvent les poissons. Lors d'une conférence tenue l'automne dernier, intitulée Les changements climatiques et les pêches sur la côte ouest, avec des experts internationaux, des communications ont montré les impacts qui peuvent déjà être perçus comme des changements climatiques sur les pêches, donc, cela ne fait aucun doute.

J'ai dit que les océans équilibrent les températures. Les océans sont vastes. Ce sont eux qui ralentissent la cadence des changements. Prenez par exemple le volume de l'eau sur la planète Terre. La profondeur moyenne de l'océan est de 4 kilomètres, donc de 4 000 mètres d'eau. La température moyenne est de 3,5 degrés. C'est très frais. C'est à la surface de l'eau, c'est-à-dire dans les 300 premiers mètres de l'eau, que nous faisons presque toute notre pêche et c'est là que les courants sont forts et que se trouvent les stocks de poisson. La température y varie. À l'intérieur de la surface, les stocks se déplacent pour éviter les eaux plus chaudes et les conditions de ce genre.

Mme Lash : Peu importe que nous connaissions beaucoup de choses au sujet des courants et des marées et des changements climatiques, et peu importe ce que nous comprenions de l'océan, nous ne saurons jamais véritablement où le poisson se dirigera. Il fait ce qu'il veut.

Le sénateur Hervieux-Payette : Je suis d'accord.

Le président : Si vous voyez de la morue sur la côte ouest, renvoyez-la.

Le sénateur Watt : J'aimerais aborder une question qui est différente du poisson, mais un problème qui concerne beaucoup de poissons. Je dirais que ce sont les plus grands concurrents de la société humaine. Je parle des phoques. Quelle est votre position à ce sujet? Vous avez entendu diverses organisations internationales se prononcer à l'occasion, et cela commence à être un phénomène régulier. Les phoques commencent à avoir un impact sur nos modes de vie au Canada, que nous soyons Autochtones ou non-Autochtones. Les phoques sont les plus grands consommateurs de poisson, et ils sont nombreux.

Mme Lash : Je vais rester sur mon quant-à-soi à cet égard. Nous n'avons pas de pêcherie de phoques sur la côte ouest.

Le sénateur Watt : Mais vous avez beaucoup de phoques.

Mme Lash : Oui, mais nous n'avons pas une grosse récolte de phoques, ce n'est donc pas un problème pour nous. Je sais que c'est une question qui soulève beaucoup de passion sur la côte est, et qui est très préoccupante. Je n'ai pas l'impression d'en connaître suffisamment pour être capable de me former une opinion ou de vous donner de la rétroaction. Je m'en excuse.

Le sénateur Watt : Et que dire de la côte ouest?

Mme Lash : Il n'y a pas de pêche. Les phoques sont tout simplement là.

Le sénateur Watt : Ne croyez-vous pas qu'ils consomment beaucoup de poisson sur la côte? Ils le font. Ils doivent manger quelque chose.

Mme Lash : Ce n'est pas un problème. Ce n'est pas une question qui est discutée. Personne ne s'en plaint et personne ne dit que nous devons agir à cet égard.

Le sénateur Watt : Moi je dis que si vous voulez sauver le poisson et les océans, vous devez tenir compte des phoques. Vous ne pouvez pas les exclure. C'est ce que j'en pense.

M. McIsaac : Si vous voulez ma réponse en ce qui concerne la côte ouest, j'ai voyagé jusqu'au nord de la rivière Fraser lorsque le saumon sockeye faisait sa remontée et j'ai vu les deux rives couvertes de phoques. Les phoques mangent cinq saumons sockeye par jour, en moyenne, durant cette période. Il y a également des problèmes de diminution de population de phoques sur la côte ouest. Il n'y a pas qu'un côté à la médaille.

Le sénateur Hervieux-Payette : Qu'est-ce que vous leur faites?

M. McIsaac : C'est la pollution. J'aimerais aborder toute la question de la pollution. La zone qui entoure Vancouver, le bassin de Géorgie, est une vaste mer intérieure. Le principal prédateur dans cette mer intérieure, c'est notre orque, la mascotte de la côte de la Colombie-Britannique, qui figure sur la liste des espèces en danger. L'une des raisons pour lesquelles ce mammifère marin est inscrit sur la liste des espèces en danger, c'est à cause du niveau de polluants que l'on trouve dans l'orque. La population d'orques est en déclin. C'est la même chose pour l'un des types de phoques que l'on trouve également sur la côte ouest. Celui qui est énuméré dans la liste des espèces en danger fait partie de la population résidente du Sud. Il y a une population transitoire qui s'alimente de phoques, de lions de mer et d'autres grandes proies. La population résidente du Sud s'alimente surtout de saumon, et c'est à lui qu'elle doit sa charge toxique. C'est là une véritable préoccupation. M. Ross de Pêches et Océans Canada a vu l'aiguille de la balance grimper tout en haut lorsqu'il a testé les orques pour les PCB. Elles détiennent le record parmi les mammifères de la planète. C'est un énorme problème.

Et on le constate aussi chez les phoques. Cela a des répercussions sur leur croissance et leur développement ainsi que sur leur espèce à long terme. Cela a des répercussions sur nous car ce que nous mettons dans l'océan nous revient. Il faut faire attention à ce que nous jetons dans l'océan. Nous le recevons en retour. En ce qui concerne le problème des phoques, si nous assurons la gestion de l'océan, nous devons tenir compte également de cette question.

Le président : Est-ce que vous êtes en train de dire que les polluants contrôlent la population de phoques?

M. McIsaac : Non.

Le président : Qu'est-ce qui le fait?

M. McIsaac : Sur la côte est, est-ce que c'est la solution? Non.

Il y a effectivement une population de phoques, je pense que ce sont les lions de mer Stelles qui sont tout désorientés sur la côte ouest. Ils sont plus de 100 000 et ils augmentent rapidement. Ils ne sont pas touchés de la même façon que les phoques des ports de la côte ouest.

Le président : Le sénateur Watt vient d'aborder un point qui préoccupe beaucoup d'entre nous. Les phoques n'ont pas de prédateurs connus, cependant des groupes qui pensent et qui veulent faire croire que les phoques sont une espèce en danger s'opposent à ce que l'homme en soit un. En fait, le sénateur Watt a raison. Il y a 7 ou 8 millions de phoques, probablement plus, et leur nombre augmente de façon exponentielle, à la suite de la disparition de certaines espèces et de l'émergence d'autres.

Le sénateur Watt : Les ours polaires ne mangent pas autant de phoques qu'auparavant.

Le président : Les ours polaires sont en déclin. Nous pourrions passer toute la nuit à parler de cycles. Les Inuits dans le Nord ont d'abord attiré notre attention sur les dommages causés à l'environnement là-bas, particulièrement en ce qui concerne la fonte de la calotte polaire et de l'environnement en danger des ours polaires. En fait, si les ours polaires ne sont pas sur la liste des espèces en danger, ils ne sont pas loin de l'être. C'est une grosse préoccupation pour nous, et cela nous préoccupe beaucoup sur la côte ouest. Je ne sais pas si nous pouvons aller plus en détail ce soir.

Le sénateur Watt : Faisons-en une partie de la planification.

Mme Lash : Cela devra certainement faire partie de la planification sur la côte est.

Kate Willis, spécialiste de la planification maritime, Living Oceans Society : Je peux vous dire quelques mots à ce sujet. J'ai fait des études en sciences de la pêche et de la faune. J'ai étudié les phoques pour ma maîtrise. Je ne suis pas une experte sur toutes les populations de phoques de la côte ouest, mais certainement sur celles que nous avons. Nous avons le phoque commun, le lion de mer et l'otarie à fourrure, ce dernier habitant essentiellement les eaux canadiennes davantage de façon transitoire dans le cadre de ses migrations. Il y a les lions de mer de la Californie en Colombie- Britannique, mais on commence à les trouver dans la partie nord. L'augmentation des lions de mer de la Californie n'a pas eu d'influence sur la Colombie-Britannique.

Le sénateur Rompkey a dit que les phoques n'ont pas de prédateurs naturels. Sur la côte ouest, ils en ont à coup sûr. Comme l'a dit M. McIsaac, les orques, qui sont en transition, sont des prédateurs. La population d'otaries à fourrure est en diminution. Les animaux dans les eaux canadiennes proviennent des îles Pribilof au nord de la mer de Bering. Cette population a diminué de façon importante depuis 10 ans. On se pose beaucoup de questions sur la diminution importante des lions de mer qui s'est produite dans la partie ouest de la mer de Bering. Dans la partie est, cette population est stable, et même un peu à la hausse, pas à un rythme qui pourrait constituer une menace pour aucune des espèces de poissons. Ce qu'il ne faut pas oublier, c'est que les phoques et les lions de mer font partie intégrante de l'écosystème et que leur présence permet de maintenir un certain équilibre.

Le sénateur Watt : Vous parlez de gestion intégrée, je suis d'accord avec vous pour cette idée, mais l'écosystème a aussi besoin d'aide maintenant. Il ne peut plus y arriver tout seul.

Mme Lash : Je comprends les problèmes qu'a la côte est avec les phoques. Je n'ai pas la réponse ni suffisamment d'information pour faire un commentaire. Je dirais que nous allons faire face à un problème semblable avec les loutres de mer car leurs populations commencent à revenir en Colombie-Britannique. Les pêches ont été développées lorsqu'il n'y avait pas de loutres de mer. Elles faisaient auparavant partie naturellement de notre écosystème. Cependant, maintenant que ces stocks de poisson ont une valeur économique, la discussion est en train de changer. C'est toujours limité à la côte ouest de l'île de Vancouver, mais cela va devenir un gros problème pour nous. Si vous trouvez une façon de régler le problème des phoques, laissez-le-nous savoir, parce que nous serons alors en mesure de voir comment agir avec les loutres de mer.

Le président : Merci d'être venus nous rencontrer. Nous avons eu une bonne discussion. Nous allons réfléchir à ce que vous nous avez dit et nous ferons certains commentaires dans un avenir rapproché.

La séance est levée.


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