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Sous-comité sur la santé des populations

 

Délibérations du Sous-comité sur la Santé des populations

Fascicule 3 - Témoignages du 25 avril 2007


OTTAWA, le mercredi 25 avril 2007

Le Sous-comité sur la santé des populations du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui à 16 h 22 pour étudier les divers facteurs et situations qui contribuent à la santé de la population canadienne — appelés collectivement les déterminants sociaux de la santé — et pour en faire rapport.

Le sénateur Wilbert J. Keon (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Mesdames et messieurs, la séance est ouverte. Nous pouvons légalement commencer la séance puisque nous avons un sénateur de chaque parti. D'autres sénateurs arriveront; le Sénat s'est ajourné à 16 heures.

Je vous remercie tous de témoigner. Nous entendrons un groupe d'experts vraiment exceptionnel. Nous avons particulièrement hâte de vous entendre tôt dans nos audiences pour pouvoir préparer les premiers documents de recherche. Le domaine de la santé des Autochtones peut nous en apprendre beaucoup sur la santé de la population.

Selon le recensement de 2001, environ un million de personnes ou 3,3 p. 100 de la population canadienne se désignaient comme Autochtones : 62 p. 100 comme Premières nations; 30 p. 100 comme Métis; 5 p. 100 comme Inuits; et 3 p. 100 comme personnes appartenant à plus d'un groupe. C'est un contingent de Canadiens très grand.

Nous accueillons cinq témoins remarquables aujourd'hui. Nous entendrons M. Reading, directeur scientifique de l'Institut de la santé des Autochtones pour les Instituts de recherche en santé du Canada. Je le connais depuis longtemps et il a été assez aimable pour me rencontrer plus tôt aujourd'hui et nous aider à planifier l'ordre du jour.

Nous accueillons aussi M. O'Neil, professeur et directeur du Centre de recherche sur la santé des Autochtones de l'Université du Manitoba. Il est intéressant de noter que le CRSA est une initiative conjointe de l'Assembly of Manitoba Chiefs, de la faculté de médecine de l'Université du Manitoba et des Foundations for Health. Ce centre peut nous être d'une aide précieuse dans notre étude.

Nous sommes également profondément reconnaissants de compter parmi nous M. Potter, sous-ministre adjoint de la Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits, Santé Canada; M. Ball, directeur de la Division du développement et des partenariats, Direction des politiques stratégiques, Agence de santé publique du Canada; et M. Brooks, directeur général, Direction générale du développement communautaire, secteur des politiques socioéconomiques et opérations régionales, ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien.

Jeff Reading, directeur scientifique, Institut de la santé des Autochtones (ISA) pour l'Institut de recherche en santé du Canada (IRSC) : Merci de l'invitation. Je veux commencer en reconnaissant le territoire traditionnel du peuple algonquin. C'est notre tradition de commencer la réunion de cette façon pour établir le cadre de la discussion.

Alors que l'état de santé des peuples autochtones est tout à fait différent de celui des autres citoyens au Canada, on constate étrangement les mêmes disparités en matière de santé que celles que l'on observe chez les peuples autochtones partout dans le monde. Pour améliorer l'état de santé des peuples autochtones au Canada et à l'étranger, il faut comprendre une gamme complexe de questions sociales, culturelles, économiques, politiques et épidémiologiques ainsi que l'interaction d'une histoire de forces politiques dominantes en amont qui déterminent souvent la santé de toutes les populations.

La santé optimale est liée aux mesures politiques et économiques de la colonisation tout au long de l'histoire, mais également aux forces modernes de la mondialisation qui influent sur le Canada et d'autres pays dont les minorités autochtones vivent une situation semblable. Ces forces en amont et ces déterminants sociaux sont essentiels à notre compréhension des causes profondes des disparités au chapitre de la santé des Autochtones et, bien entendu, de la santé des peuples autochtones à l'étranger.

Les disparités en matière de santé de la population sont donc liées à des déterminants sociaux en amont ou aux soi- disant « causes des causes ». C'est sir Michael Marmot qui a créé cette expression qui s'applique aux efforts considérables déployés par les peuples autochtones contemporains pour jouir d'une santé et d'un bien-être optimaux au Canada.

Je suggère de pousser l'idée plus loin. Il faut remonter aux « causes des causes des causes ». Par exemple, nous avons peut-être une épidémie de diabète. La cause de cette épidémie est en amont parce que les gens ont des choix limités en matière d'alimentation et d'activité physique, les prédisposant ainsi à l'obésité et, par le fait même, au diabète. Les causes de ces choix limités sont en amont et se rattachent à la marginalisation sociale et économique.

Cela est lié à l'économie politique et à l'évolution historique du Canada en tant qu'État-nation où l'économie de marché et la traite des fourrures dans le Nord, par exemple, ont été remplacées par une économie de bien-être. Le mode de vie des Autochtones s'est transformé rapidement, passant d'un mode de vie de subsistance à un mode de vie fortement dépendant des produits du marché et sans les ressources nécessaires pour se procurer des aliments nutritifs et des choses du genre. Par conséquent, les causes des causes des causes s'appliquent aux collectivités autochtones.

Nous devons trouver des solutions à long terme. Nous n'obtiendrons pas un succès instantané.

Les peuples autochtones sont toujours confrontés à des obstacles en matière d'égalité d'accès aux services de santé, qui sont prescrites dans les dispositions du système de santé public, comme l'énonce la Loi canadienne sur la santé.

Le Canada a pris une mesure audacieuse en créant un institut national de recherche sur la santé des peuples autochtones. Nous avons récemment élaboré des politiques par lesquelles le conseil d'administration de l'IRSC a accepté d'appuyer et d'élaborer un ensemble de lignes directrices en matière d'éthique pour la recherche visant les peuples autochtones. Cette décision a permis essentiellement de créer un espace éthique au sein de l'institut pour organiser et faire progresser le programme du savoir pour la recherche en matière de santé des Autochtones au sein de l'organisation de base principale destinée à l'ensemble de la population, les Instituts de recherche en santé du Canada.

L'Institut de la santé des Autochtones a réalisé des progrès pour s'attaquer à des préoccupations sanitaires pressantes et émergentes grâce à un programme du savoir avancé mené en partenariat avec les collectivités autochtones et d'éminents chercheurs. Nous avons fait d'énormes efforts et progrès en vue de renforcer notre capacité de recherche en santé en s'associant à des établissements d'enseignement supérieur, mais aussi en tenant compte de l'avis des Autochtones vivant dans leur collectivité.

Nous avons conçu un processus pour mettre en pratique la recherche en santé et élaboré des lignes directrices nationales, comme je l'ai mentionné, pour que les recherches soient menées dans le respect de l'éthique. Dans l'ensemble, cet effort représente une occasion pour les milieux universitaires et montre la voie à suivre dans la mise en œuvre d'une vision pour la santé des Autochtones au Canada.

Je voulais que mes commentaires soient relativement brefs parce que j'ai préparé un examen complet des déterminants sociaux qui traite notamment des questions touchant la petite enfance, la période prénatale, la maternité, la santé des enfants, l'éducation, les dépendances, la sécurité alimentaire et l'accès aux soins de santé. Je n'essaierai pas de vous donner un aperçu de tous ces thèmes en cinq ou sept minutes. Je tiens à vous remercier de me donner l'occasion de témoigner devant vous et je serai ravi de répondre à vos questions.

John O'Neil, professeur et directeur, Centre de recherche sur la santé des Autochtones, Université du Manitoba : Je vous remercie de m'avoir invité pour traiter de l'une des questions de santé publique les plus importantes auxquelles est confrontée la nation à l'heure actuelle.

La question que nous avons à débattre est à la fois simple et complexe. Il est clairement démontré que les inégalités observées chez les Autochtones sur le plan de la santé dépendent en grande partie des conditions sociales, économiques et culturelles qui caractérisent les collectivités autochtones. Les ouvrages scientifiques citent généralement le logement inadéquat, les possibilités d'emploi limitées et l'infrastructure et les services communautaires inappropriés comme étant les principaux déterminants du piètre bilan de santé.

Il est démontré tout aussi clairement que ces conditions ne changeront vraisemblablement que par le biais de l'autonomie gouvernementale des Autochtones. De façon générale, dans les nations, sociétés et collectivités où les citoyens ont plus de prise sur les conditions de vie fondamentales d'une manière équitable et cohérente sur le plan culturel, l'état de santé est généralement meilleur même lorsqu'on tient compte de la pauvreté relative. Dans le cas des Autochtones, de plus en plus de données viennent appuyer l'hypothèse que les collectivités autochtones qui sont autonomes et qui ont une continuité culturelle solide et des traditions enregistrent des taux de problèmes de santé inférieurs aux autres collectivités.

Comme je l'ai signalé, la réponse à la question qui nous intéresse est simple. Le principal déterminant social de la santé dans les collectivités autochtones est l'autonomie gouvernementale. À mon avis, la solution pour améliorer l'état de santé dans les collectivités autochtones est également simple, il s'agit d'accroître l'autonomie gouvernementale. La question se complique quand on se met à examiner la signification de l'autonomie gouvernementale et les mécanismes pour la réaliser.

L'autonomie gouvernementale comporte deux dimensions. Premièrement, c'est la collectivité ou la nation particulière qui prend des décisions autonomes qui déterminent comment les ressources et les possibilités sont distribuées et comment on peut y accéder. Les ouvrages sont clairs sur tous les plans : la prise de décisions autonome au sujet de la distribution des ressources et des possibilités est manifestement liée à une amélioration de l'état de santé.

Deuxièmement, l'autonomie gouvernementale n'a de sens que dans le contexte d'une continuité culturelle. Toutes les sociétés sont dotées de structures et de processus de prise de décisions favorisant le bien de la collectivité qui sont ancrés dans les décisions culturelles et qui peuvent être fort différents d'une société à l'autre. Il peut être dangereux de ne pas reconnaître la valeur de ces différences et leur importance pour la gouvernance. Je vous demande de réfléchir un instant au conflit mondial qui oppose les valeurs démocratiques occidentales et la volonté de nombreux pays islamiques d'instaurer des gouvernements d'État qui se conforment à la charia, comme illustration de ce genre de défis. Il est clair que la différence entre les approches des Autochtones à l'égard de l'autonomie gouvernementale et les modèles de gouvernance canadiens n'est pas énorme, d'autant plus que les traditions parlementaires occidentales se sont beaucoup inspirées des modèles de gouvernance iroquois.

L'hypothèse fondamentale demeure importante. Les collectivités autochtones dotées de mécanismes clairs pour perpétuer leurs traditions culturelles, peu importe comment elles sont définies, revues ou remaniées, ont de meilleurs bilans de santé. Les mécanismes de gouvernance dans ces collectivités doivent être représentatifs des valeurs culturelles fondamentales liées à la prise de décisions sinon ils risquent d'ébranler le principe fondamental de l'autonomie gouvernementale.

Il convient ensuite de se demander pourquoi la plupart des collectivités autochtones ne sont pas autonomes et pourquoi il est si difficile de rétablir l'autonomie gouvernementale là où elle est faible ou inexistante. Malheureusement, la réponse se trouve dans l'histoire coloniale touchant la relation des peuples autochtones avec l'État canadien. Je dis « malheureusement », car il est devenu, dans une certaine mesure, démodé de blâmer le colonialisme et l'histoire pour les problèmes qui affligent les collectivités autochtones aujourd'hui. Bien que les gouvernements actuels peuvent reconnaître que les erreurs du passé sont largement responsables de la misère qui sévit dans les collectivités autochtones — les séquelles des pensionnats indiens en témoignent —, la pensée et l'élaboration des politiques modernes privilégient une approche davantage tournée vers l'avenir.

Cependant, la colonisation ne se limite pas aux erreurs historiques qui ne peuvent être changées. Les collectivités autochtones exerçaient à une certaine époque la pleine autorité sur leurs terres et leurs ressources. Ces nations autonomes ne sont pas des utopies. Le conflit s'est manifesté au sein d'une même collectivité et entre diverses collectivités. Certains membres ont profité plus que d'autres des structures politiques traditionnelles mais, de façon générale, les structures de gouvernance avaient évolué de manière que la majorité des membres de la collectivité puissent en profiter au maximum. Les faits donnent à penser que l'état de santé des nations autochtones au Canada avant la colonisation était enviable selon les normes d'aujourd'hui.

Le colonialisme en tant que processus historique fonctionne à deux niveaux. Au niveau plus évident, elle retire la prise de décisions et la propriété des ressources aux peuples pour les remettre entre les mains d'une nation étrangère ou occupante. À un niveau moins évident, le colonialisme s'empare de l'âme d'un peuple, sapant le sentiment d'autoefficacité et la capacité de déterminer l'avenir d'un particulier, d'une collectivité et d'une société. Là encore, les faits montrent clairement que cette perte d'autoefficacité ou d'autonomie de la personne et de la collectivité peut avoir des effets profonds sur la santé à tous les égards.

Au cours des 50 dernières années, les gouvernements canadiens ont fait des efforts de décolonisation en créant des gouvernements communautaires et en réglant des revendications territoriales, mais les effets du colonialisme demeurent un obstacle principal à la mise en œuvre de l'autonomie gouvernementale dans les collectivités autochtones et, à mon avis, le principal obstacle à la réduction des inégalités au chapitre de la santé.

Nous avons essayé à maintes reprises au cours de la dernière décennie de trouver des solutions à l'héritage colonial et d'instaurer l'autonomie gouvernementale dans les collectivités autochtones. Plus particulièrement, il y a une dizaine d'années, la Commission royale sur les peuples autochtones s'est attardée à la question que nous étudions aujourd'hui, a passé en revue des faits semblables et a tiré des conclusions similaires, comme vous l'entendrez dans d'autres exposés qui vous seront présentés. Nous sommes encore une fois engagés dans une discussion semblable qui aboutira probablement aux mêmes résultats : nous nous entendrons sur les sources du problème mais nous ne voudrons pas nous attaquer au déterminant fondamental des inégalités en matière de santé dans les collectivités autochtones.

Dans d'autres exposés, on vous décrira les efforts considérables déployés par différents ministères pour régler le problème. La responsabilité des programmes de santé est transférée aux collectivités. Des programmes sont en place pour promouvoir l'estime de soi et la fierté culturelle chez les enfants, mais je signale que même si ces programmes sont motivés par de bonnes intentions, ils ne s'attaquent pas à la source des problèmes ou aux causes des causes des causes. Je crains que si nous continuons de jouer avec les leviers des politiques et des programmes de la bureaucratie pour corriger un problème structurel fondamental dans la gouvernance canadienne, nous ou, à tout le moins, nos enfants devrons nous réunir dans dix ans pour discuter des mêmes questions et dénoncer l'absence de progrès.

Même si j'ai soutenu que le processus pour trouver une solution simple d'autonomie gouvernementale en tant que déterminant social d'équité en matière de santé dans les collectivités autochtones est complexe, j'aimerais proposer quelques solutions simples, mais pas nécessairement originales.

Premièrement, les collectivités autochtones doivent jouir d'un pouvoir plus souple sur les ressources mises à leur disposition pour renforcer les conditions sociales, économiques et culturelles locales liées à la santé. À mon avis, une façon d'y parvenir est de revoir l'administration de l'État qui gère actuellement les ressources affectées aux déterminants sociaux distinctement des ressources affectées à la santé. Des représentants de plusieurs ministères fédéraux sont ici aujourd'hui et ces ministères adhèrent à des politiques progressistes qui sont représentatives des modèles en matière de santé de la population dont nous discutons actuellement, mais la coordination d'un modèle en matière de santé de la population uniforme pour tous ces ministères demeure une illusion. À l'échelle communautaire, la dépendance et la responsabilité des ressources affectées aux déterminants sociaux sont structurellement distinctes de la responsabilité d'améliorer l'état de santé. À mon avis, cela semble contredire fondamentalement toutes les données qui sont devant vous sur cette question.

Deuxièmement, il faut réorganiser la responsabilité du gouvernement fédéral pour améliorer la coordination des ressources parmi une multitude d'agences et d'administrations sous l'autorité autochtone. L'autonomie gouvernementale des Autochtones doit être mise en œuvre à l'échelle communautaire, régionale et nationale, et les programmes fédéraux et l'affectation des ressources doivent être imputables devant les autorités autochtones à tous ces paliers.

Troisièmement, les ressources qui devraient être historiquement disponibles pour le développement social des Autochtones doivent leur être remises et être équitablement accessibles. La pauvreté des collectivités autochtones est un mythe. Même s'il y a des exceptions, la plupart des nations autochtones occupent un territoire qui produit la majorité de la richesse du pays. Le règlement des questions relatives aux revendications territoriales, la reconnaissance des droits issus de traités et l'établissement d'accords visant la distribution équitable de cette richesse devraient être la priorité pour renforcer l'infrastructure des déterminants sociaux des collectivités autochtones.

Si j'ai assez de temps, et je crois que c'est le cas, je citerais deux exemples dans le monde où des Autochtones ont obtenu une plus grande autonomie gouvernementale que nous au Canada et, par conséquent, ont une santé meilleure. Tout d'abord, prenons les Maoris en Nouvelle-Zélande. L'autonomie gouvernementale des Maoris est reconnue constitutionnellement en Nouvelle-Zélande. Le développement institutionnel des Maoris dans tous les secteurs a une bonne longueur d'avance sur celui de presque toutes les autres nations autochtones. Les résultats en matière de santé des Maoris ne sont certainement pas idéaux, mais sont supérieurs à des indicateurs semblables chez les Autochtones en Australie, au Canada et aux États-Unis.

Le second exemple est plus complexe. Il y a deux ans, j'ai visité des villages autochtones dans une région de la Colombie sous l'autorité de forces paramilitaires, antigouvernementales. Le gouvernement de la Colombie n'exerce plus aucune autorité dans cette région et les collectivités autochtones qui faisaient autrefois partie des systèmes de gouvernance très semblables à ceux du Canada sont maintenant totalement autonomes. Ils ont pris deux mesures suite à ce changement. D'une part, ils ont rétabli les systèmes de commerce traditionnels entre les villages pour veiller à ce que les ressources agricoles et renouvelables soient distribuées équitablement. D'autre part, ils ont créé une organisation à l'extérieur de leur territoire qui conclut des contrats avec le gouvernement central pour offrir des services sociaux et de santé selon la proportion de la population. Le gouvernement fédéral ne fait que fournir le financement et ne s'attend à aucune reddition de comptes parce que les villages ne relèvent pas de sa compétence, à toutes fins pratiques. Cette organisation a mis sur pied des services de soins de santé primaires qui intègrent la médecine traditionnelle dans toute la région et dessert près de trois fois la population qui est prévue dans son contrat avec le gouvernement. Même si nous sommes encore en train de documenter les effets de ces systèmes sur la santé, des données préliminaires donnent à penser que ces villages sont parmi les plus en santé de la Colombie.

Pour terminer, la Commission royale sur les peuples autochtones avait invoqué des arguments semblables à ceux que j'ai proposés ici et, dix ans plus tard, nous avons réalisé des progrès à l'échelle communautaire. Nous commençons à nous attaquer au problème à l'échelle régionale ou provinciale mais, à l'échelle nationale, les autorités autochtones jouent encore un rôle surtout consultatif et leur autorité connaît des hauts et des bas, selon les intérêts politiques du gouvernement fédéral. La distribution équitable des ressources reste un sujet litigieux. Certaines revendications territoriales ont été réglées, mais la plupart ne le sont toujours pas et le conflit entourant l'accès aux terres traditionnelles se poursuit. Les iniquités en matière de santé dont font l'objet les Autochtones continuent d'être le principal problème en santé publique au pays.

Je vous remercie de me permettre de témoigner devant vous aujourd'hui. J'espère sincèrement que ces discussions favoriseront l'adoption de nouvelles approches au rétablissement de l'autonomie gouvernementale autochtone comme principal déterminant d'une santé meilleure dans les collectivités et nations autochtones.

Ian Potter, sous-ministre adjoint, Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits, Santé Canada : Je vous remercie de l'invitation. Je vous suis reconnaissant d'avoir choisi de discuter des questions touchant les Autochtones dans le cadre de vos travaux. Tout débat sur les déterminants sociaux au Canada ne peut ignorer l'histoire des Premières nations et des Inuits. Je ne peux pas vous raconter leur histoire, mais je peux vous dire que nous travaillons de concert avec les Premières nations et les Inuits et que nous avons tiré des enseignements de ces partenariats ainsi que des travaux menés sur les déterminants sociaux de la santé.

[Français]

La Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits a pour mandat d'améliorer la santé des Autochtones, d'assurer l'accès aux services de la santé et de soutenir un contrôle accru du système de santé pour les Premières nations et les Inuits. Nous plaçons au centre de nos préoccupations les services de soin de santé, qui sont au nombre des déterminants de la santé.

Comme vous le savez et comme d'autres témoins vous l'auront indiqué, d'autres facteurs ont aussi une incidence majeure sur l'état de la santé.

[Traduction]

Vous connaissez les travaux de Michael Marmot, qui a mis en évidence les liens existant entre, d'une part, le statut social et, d'autre part, la santé et l'espérance de vie. Les inégalités s'accentuent plus on descend dans l'échelle sociale, ce qui est aussi vrai au Canada, où les disparités en matière de santé sont révélatrices de la marginalisation sociale des peuples autochtones.

Même si l'état de santé des Autochtones s'est sensiblement amélioré au Canada, il reste bien inférieur à celui de la population générale, ce qui est lié à un grand nombre des mêmes déterminants qui ont une incidence sur les gens dans toutes les sociétés : le revenu, l'éducation, l'emploi et le logement.

Le statut social et économique des peuples autochtones est inférieur à celui des autres Canadiens en général. D'après les données de l'Initiative sur la santé de la population canadienne (ISPC) et de Statistique Canada, la performance scolaire est plus faible, moins de gens ont un emploi et le revenu moyen est plus bas. De plus, tous ces facteurs ont une incidence sur le développement des jeunes enfants, un autre déterminant important de la santé.

[Français]

Pour compliquer davantage la situation, certains facteurs historiques sont propres aux peuples autochtones et différents de ceux qui influencent d'autres groupes marginalisés au Canada. L'état de santé des peuples autochtones au Canada est lié à des déterminants particuliers par rapport à la colonisation et aux efforts déployés par les Autochtones pour retrouver un certain degré d'autodétermination et de contrôle de leur communauté.

[Traduction]

M. Marmot a constaté que les différents taux de maladies sont davantage tributaires du degré de contrôle de son propre destin et de la capacité de participer pleinement à la société, ce qu'on appelle les capacités

Certains travaux des chercheurs canadiens Chandler et Lalonde ont porté sur cette question et ont montré que le risque de suicide chez les jeunes Autochtones est fortement lié aux moyens qu'ils prennent pour se forger et défendre un sentiment d'identité qui leur permet de survivre... souvent malgré d'énormes changements individuels et culturels.

Chandler et Lalonde ont défini six indicateurs : l'autonomie, la revendication territoriale, l'éducation, la santé, les activités culturelles et la gestion des services de police et d'incendie. Ils montrent que la variabilité du taux de suicide dans les collectivités autochtones de tout le pays est associée aux efforts qu'elles déploient pour reprendre contrôle de leur vie culturelle et recréer un sentiment de continuité culturelle. Les communautés qui ont pris des mesures énergiques pour préserver et réhabiliter leur culture sont également les communautés où le taux de suicide chez les jeunes est nettement inférieur ou inexistant; ils n'en ont tout simplement pas.

[Français]

Dans le même ordre d'idée, les professeurs Cornell et Kalt ont constaté, dans le cadre du projet American Harvard, que chez des communautés amérindiennes des États-Unis la souveraineté va de pair avec un développement économique et social plus solide, ce qui englobe un certain nombre de déterminants importants de la santé.

Les programmes de la Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits rendent des comptes à la base de données probante sur la détermination de la santé dans quatre domaines en particulier : les services de santé, le développement des enfants en santé, le contrôle exercé par les Autochtones et la continuité culturelle.

[Traduction]

Nous collaborons avec nos partenaires des Premières nations et nos partenaires inuits ainsi qu'avec les provinces et les territoires pour améliorer la qualité des services de promotion et de protection de la santé et de soins de santé, de même que l'accès à ces services. Cela suppose une meilleure intégration des services entre les divers intervenants qui fournissent les services et le renforcement de la capacité des Premières nations et des Inuits de participer à l'élaboration, à la prestation et à la gestion des services. Nous avons augmenté le nombre de services infirmiers dans un grand nombre de nos communautés et en avons amélioré l'accès. À l'heure actuelle, nous travaillons de concert avec les Premières nations et le gouvernement de la Colombie-Britannique à l'élaboration d'un accord tripartite qui, à notre avis, améliorera les services de santé et, au bout du compte, l'état de santé des Premières nations de cette province.

Les expériences vécues au cours des premières années établissent les bases du développement de l'enfant et influent sur la santé, le mieux-être et l'apprentissage tout au long de la vie. Pendant cette période, d'importants développements neurologiques liés à la vue, à la maîtrise des émotions et au langage surviennent. Même si les conditions s'améliorent, l'état de santé général des enfants autochtones est inférieur à la moyenne canadienne.

Nous intervenons auprès des mères, des nourrissons et des jeunes enfants par l'entremise de quelques programmes que je vais mentionner. L'un est le Programme de santé maternelle et infantile qui vise à offrir un soutien à long terme aux femmes enceintes des Premières nations et aux familles ayant des nourrissons et des jeunes enfants qui vivent dans les réserves afin que leur progéniture atteigne un plein potentiel de développement tout au long de leur vie. Pour ce faire, le programme comprend des visites à domicile pendant la grossesse, après la naissance et durant la petite enfance, offre des services de coordination à l'intention des enfants ayant des besoins particuliers et de leur famille et facilite l'accès aux activités de promotion de la santé. Nous avons alloué 110 millions de dollars sur cinq ans pour améliorer le programme.

La deuxième priorité est le Programme d'aide préscolaire aux Autochtones vivant dans les réserves (PAPAR). Ce programme offre une intervention durant la petite enfance qui vise à répondre aux besoins des jeunes enfants des Premières nations âgés de six ans et moins. Son principal objectif est de montrer que des stratégies élaborées et dirigées localement sont en mesure d'inculquer aux enfants autochtones d'âge préscolaire un sentiment de fierté et le désir d'apprendre, et de leur donner la possibilité de se développer pleinement et de réussir. Nous élargissons ce programme et dépensons actuellement 57,3 millions de dollars par année pour desservir 9 400 enfants dans plus de 330 collectivités. Cette intervention à l'âge préscolaire favorise le mieux-être et le développement physique, intellectuel, social et spirituel des enfants des Premières nations.

À ce jour, le programme entraîne également d'autres effets bénéfiques, parmi lesquels citons : un changement d'attitudes positif à mesure que les enfants apprennent à socialiser et à utiliser les compétences de base nécessaires à la réussite scolaire; l'apprentissage et l'usage des langues des Premières nations; l'approvisionnement en aliments nutritifs et la sensibilisation des parents et du personnel à la relation qui existe entre les besoins nutritionnels et la capacité de l'enfant d'apprendre et de se développer. La promotion de l'activité physique est un élément clé offert à tous les sites, souvent en réponse à l'aspect préoccupant de la manifestation précoce du diabète de type 2.

Nous continuons de collaborer avec le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien sur les accords d'autonomie gouvernementale afin que les questions liées à la santé soient prises en compte. Dans le cadre de notre mandat, nous soutenons le transfert des services de santé aux collectivités des Premières nations et des Inuits, ce qui comprend le transfert progressif des ressources et de la responsabilité des services et des programmes. Santé Canada a commencé à transférer la responsabilité de la prestation des services de santé en 1988 et jusqu'ici, plus de 80 p. 100 des collectivités des Premières nations participent au processus du « continuum de contrôle ». La plupart d'entre elles ont pris la relève de la prestation quotidienne des services de santé dans les réserves.

[Français]

Le transfert se fait progressivement à la faveur du renforcement des capacités des bénéficiaires. Cela comprend des évaluations exhaustives de l'état de préparation de la communauté, expérience, forces et faiblesses et en gestion des programmes et des finances, pour ce qui est d'assurer une responsabilité accrue dans la planification et la gestion des programmes de santé. Avec le temps, le bénéficiaire peut accroître ou diminuer son niveau de contrôle en fonction de la capacité et de la situation. La perspective des Premières nations et des Inuits en matière de santé se distingue en mettant nettement l'accent sur les approches holistiques, ce qui comprend non seulement les déterminants sociaux et économiques généraux de la santé, mais également les aspects culturels qui jouent un rôle important dans le maintien de la santé individuel, familial et communautaire. Une telle approche doit essentiellement permettre aux Premières nations et aux Inuits de jouer un rôle réel dans la planification et dans la prestation de leurs services de santé.

[Traduction]

La Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits travaille de concert avec des partenaires et des collectivités pour trouver des approches novatrices à l'égard des services pour favoriser l'intégration du savoir occidental et autochtone, ce qui améliorera l'accès à des services adaptés à la réalité culturelle et alliera les approches traditionnelles et occidentales en permettant d'offrir un continuum de services de santé plus holistique.

L'un des principaux objectifs de l'Initiative sur les ressources humaines en santé autochtone est d'accroître l'accès à des services adaptés à la réalité culturelle. Cette initiative vise à accroître le nombre de membres des Premières nations, d'Inuits et de Métis qui choisissent de devenir des professionnels ou des paraprofessionnels de la santé. Nous examinons également les conditions qui seraient propices pour maintenir en poste les travailleurs de la santé des Premières nations et des collectivités inuites et métisses et les travailleurs de la santé non autochtones qui oeuvrent dans les collectivités des Premières nations et des Inuits.

La Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits a soutenu la recherche, notamment dans le cadre des travaux de la Commission des déterminants sociaux de la santé de l'Organisation mondiale de la Santé. Des documents d'orientation ont été rédigés sur les Premières nations, les Inuits et les Métis, qui feront en sorte que tout débat sur les disparités tienne compte du point de vue des Autochtones du Canada ainsi que d'une perspective mondiale des déterminants de la santé autochtone.

[Français]

À la fin du mois, nous participerons à un symposium dont l'hôte sera le commissaire australien, M. Fran Baum. Nous avons appuyé l'élaboration de documents d'orientation adoptant le point de vue des Premières nations, des Inuits et des Métis qui formeront la base de la contribution du Canada au débat. Un rapport de synthèse du symposium devrait servir de point de départ à une communication portant sur une perspective mondiale de la santé des Autochtones.

[Traduction]

Cet exposé sera présenté aux Commissaires de l'OMS au moment de leur rencontre à Vancouver, en juin.

La Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits a mis en place, dans le cadre de son mandat, des initiatives qui s'appuient sur les données liées aux déterminants sociaux de la santé. À l'échelon interministériel, notre approche consiste à collaborer étroitement avec les autres ministères et organismes afin de favoriser une démarche intersectorielle en matière de déterminants sociaux de la santé autochtone.

Jim Ball, directeur, Division du développement et des partenariats, Direction des politiques stratégiques, Agence de santé publique du Canada : Merci. J'ai le plaisir d'être ici aujourd'hui au nom de l'Agence de santé publique du Canada pour parler de l'incidence des déterminants sociaux de la santé sur les collectivités autochtones du Canada.

Puisque Mme Sylvie Stachenko vous a déjà parlé de l'agence, je ne reverrai pas la mission et le mandat de l'agence en détail. Toutefois, je prendrai un instant pour souligner nos rôles clés et notre travail relatif aux déterminants sociaux afin de corriger les inégalités en matière de santé chez les Premières nations, les Inuits et les Métis.

Notre mission est de promouvoir et de protéger la santé de tous les Canadiens, y compris des Autochtones, grâce au leadership, au partenariat, à l'innovation et à l'action en santé publique. Le rôle principal de l'agence est de travailler en collaboration avec ses partenaires pour mobiliser des initiatives pancanadiennes, y compris des efforts fédéraux uniques, afin de prévenir les maladies et les blessures ainsi que pour promouvoir et protéger la santé publique nationale et internationale. Ce travail comprend les efforts multi-sectoriels pour faire progresser les mesures prises à l'égard des déterminants sociaux de la santé.

L'agence s'est fermement engagée à corriger les inégalités en matière de santé chez les Premières nations, les Inuits et les Métis, en travaillant avec des partenaires du portefeuille de la santé, des organisations autochtones régionales et nationales, les gouvernements provinciaux et territoriaux et de la scène internationale.

Bien que nous devions approfondir notre connaissance des complexités des problèmes, un excellent travail est en cours pour mieux comprendre les déterminants de la santé pour tous les Canadiens. Toutefois, comme vous l'avez déjà entendu, des dimensions de gouvernance historique et culturelles uniques convergent pour exacerber ces forces concernant les Autochtones, qui ont des effets négatifs sur des déterminants comme l'accès aux soins de santé et le soutien individuel, familial et communautaire approprié. Des efforts de collaboration continus sont nécessaires pour mieux comprendre l'interaction de ces différents déterminants de sorte que nous puissions les corriger plus efficacement, y compris ceux qui influent sur les Autochtones en milieu urbain et hors réserve.

L'agence a soutenu le travail sur les déterminants de la santé des Autochtones de bien des façons. Par exemple, nous avons joué un rôle essentiel et avons appuyé la création du Centre national de collaboration de la santé autochtone, qui a le mandat de produire et de transférer les connaissances sur la santé publique.

Le centre a été établi précisément pour accroître la capacité des Autochtones à examiner leurs déterminants de la santé en facilitant l'élaboration et l'échange de renseignements pour éclairer les politiques, les pratiques et les interventions futures en santé publique. Le centre est guidé par un comité consultatif national composé d'experts de la santé publique de l'Assemblée des Premières Nations, de l'Inuit Tapiriit Kanatami, du Ralliement national des Métis et du gouvernement du Nunavut.

L'agence a également formé un Groupe de référence canadien sur les déterminants sociaux de la santé comprenant des Autochtones et des représentants de la Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits, et offre un soutien constant à ce groupe. Une initiative menée actuellement, que M. Potter a mentionnée, explore l'autonomie comme déterminant de la santé autochtone au Canada et dans le monde entier, qui fera l'objet d'un rapport en juin 2007 à Vancouver.

Dans le vaste portefeuille fédéral de la santé, Santé Canada joue un rôle clé en étudiant les défis de la santé auxquels sont confrontés tous les Autochtones. Ce rôle est coordonné par la Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits, et vous en avez beaucoup entendu parler par M. Potter. J'insiste sur le fait que l'Agence et la Direction ont noué une relation de collaboration efficace, en travaillant avec des organisations autochtones à examiner des questions de santé publique chez les Premières nations telles que la planification des pandémies et la prévention et le contrôle du VIH/sida, de la tuberculose, du diabète et du cancer.

Dans le contexte du travail plus général sur l'élaboration des politiques, l'agence a commencé à s'engager bilatéralement avec l'APN et l'ITK, et se réunira avec d'autres organisations autochtones nationales et régionales pour discuter des besoins en santé publique et collaborer plus efficacement en vue d'y répondre.

Dans le contexte de la collaboration fédérale-provinciale-territoriale requise, le réseau de santé publique mis en place et appuyé par l'agence constitue le principal mécanisme pour la collaboration et la coordination relatives aux questions de santé publique, dans le respect des compétences provinciales et territoriales en matière de santé publique. Le conseil du réseau, qui représente son organisme de gouvernance principal et central, a travaillé avec les organisations autochtones nationales en vue d'inclure les conseils et le savoir-faire des Autochtones en matière de santé dans les travaux du réseau et des sous-groupes d'experts.

L'agence travaille également avec Santé Canada, plusieurs provinces et territoires et des organisations autochtones nationales, en tant que membre de deux comités consultatifs du Fonds pour l'adaptation des services de santé à l'intention des Autochtones géré par un secrétariat de la direction générale de M. Potter. Cette initiative vise à éliminer l'écart dans le domaine de la santé qui existe entre les Canadiens autochtones et les Canadiens non autochtones en soutenant des projets menés par les provinces et les territoires.

Comme vous venez de l'entendre, il est largement admis que le développement des jeunes enfants est un déterminant clé de la santé et que les investissements précoces assureront aux personnes et aux collectivités des résultats positifs à l'avenir. L'Agence de santé publique du Canada administre trois programmes communautaires qui veillent à s'assurer que les enfants commencent du bon pied. Ces trois programmes sont le Plan d'action communautaire pour les enfants, le Programme canadien de nutrition prénatale et le Programme d'aide préscolaire aux Autochtones dans les collectivités urbaines et du Nord. Il est important de noter que nous administrons ces programmes en collaboration avec des partenaires, dont les provinces et les territoires et, dans bien des cas, avec les organisations et les collectivités autochtones.

L'agence répond également aux besoins de santé publique de la population autochtone dans son ensemble par son travail sur des enjeux importants comme le diabète. Par exemple, elle dirige la nouvelle Stratégie canadienne sur le diabète, qui met l'accent sur la prévention du diabète chez les personnes à risque pour le diabète de type 2, notamment les Autochtones qui sont de trois à cinq fois plus susceptibles de développer cette maladie que les Canadiens non autochtones.

Dans l'ensemble, nos programmes sont conçus pour aider à renforcer la capacité de santé publique, y compris celles des Autochtones et de leurs collectivités et, par le fait même, à traiter certains des déterminants les plus importants de leur santé.

En ce qui concerne les renseignements sur la santé, comme vous le savez, il y a certaines limitations importantes relativement aux données et aux renseignements sur la santé des Autochtones, et des défis particuliers nous attendent au chapitre de la protection de la vie privée dans la collecte, l'utilisation et la communication des renseignements personnels sur la santé. L'accès à ces données est crucial pour que nous comprenions l'impact des déterminants sociaux de la santé sur tous les Canadiens, notamment sur les Autochtones. L'agence travaille actuellement sur plusieurs fronts avec la Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits et avec d'autres partenaires du portefeuille de la santé afin de contrer les problèmes en matière de renseignements sur la santé concernant les Premières nations et les Inuits. L'agence reconnaît la nécessité de collaborer davantage avec les organisations autochtones pour régler ces problèmes en ce qui concerne l'ensemble des Autochtones.

En conclusion, comme perspective d'avenir, l'agence est en train d'améliorer sa capacité globale pour faire face aux déterminants sociaux de la santé en général, parallèlement à ses efforts continus pour mieux comprendre et mettre un accent accru sur les problèmes et les besoins de santé publique des Autochtones en particulier.

L'agence considère la santé de façon globale et s'intéresse au système des soins de santé dans son ensemble, tout en adoptant une optique de santé publique en amont. Notre point de mire vise clairement un système pour la santé. Nous reconnaissons que, pour édifier ce système, les Autochtones doivent jouer un rôle actif et se prendre en main dans la conception et la prestation de leurs stratégies en matière de santé et de bien-être.

Conscients de l'importance des provinces et des territoires dans la prestation des services de santé publique à tous les Canadiens, y compris aux Autochtones, nous sommes déterminés à renforcer le réseau de santé publique en tant que tremplin pour une collaboration plus vaste.

J'aimerais me référer aux paroles de Malcom King, chercheur principal de l'Alberta Aboriginal Capacity and Developmental Research Environments Network, qui souligne que les gouvernements doivent respecter les aspirations des Autochtones en matière de santé et travailler avec les dirigeants et les collectivités autochtones pour améliorer la santé. À cette fin, l'agence élaborera un cadre destiné à guider et à améliorer nos activités futures dans ce domaine, en collaboration avec les organisations autochtones nationales et régionales, le portefeuille de la santé et les autres partenaires.

Marc Brooks, directeur général, Direction générale du développement communautaire, Secteur des politiques socioéconomiques et opérations régionales, Affaires indiennes et du Nord Canada : Je voudrais remercier le président et les membres du comité de me donner l'occasion de parler du logement et de l'approvisionnement en eau dans le contexte des déterminants sociaux de la santé pour les membres des Premiers nations qui vivent dans des réserves.

Tous les Canadiens doivent disposer d'un logement décent et abordable, ainsi que de l'eau potable sécuritaire, et il est largement reconnu que, pour bien des Autochtones vivant dans des réserves, ce n'est pas toujours le cas.

[Français]

Aujourd'hui, je tiens à m'exprimer sur la situation ayant trait à l'approvisionnement en eau et au logement dans les réserves, en ce qui concerne la santé de la population. Ceci découle du fait que la responsabilité et l'implication du gouvernement fédéral dans ces enjeux se situent surtout dans les réserves.

[Traduction]

Au sein du ministère des Affaires indiennes et du Nord Canada, nous avons compilé un indice du bien-être des collectivités, d'après les données provenant du recensement du Canada de 2001. Cet indice, qui comprend l'éducation, la participation au marché du travail, les revenus et le logement, confirme qu'un nombre important de collectivités des Premières nations affichent des résultats inférieurs à ceux des autres collectivités canadiennes au chapitre du bien-être des collectivités.

Même si, en 2001, les collectivités des Premières nations ne représentaient qu'environ 13 p. 100 de toutes les collectivités canadiennes, 92 des 100 collectivités ayant les plus faibles résultats étaient des Premières nations. Seule une collectivité des Premières nations s'est classée parmi les 100 meilleures collectivités canadiennes. Le logement et les revenus constituent les facteurs les plus importants pour expliquer cet écart.

[Français]

On dénote aussi des carences en ce qui a trait à la qualité de l'eau. Celle qui est mentionnée le plus souvent concerne l'avis sur la qualité de l'eau potable, qui est en place dans environ 89 collectivités de Première nation aujourd'hui. Ce nombre fluctue selon les saisons et des autres variations au niveau des communautés.

En ce qui a trait au logement, le gouvernement du Canada effectue des contributions importantes afin d'appuyer les Premières nations en vue de fournir du logement dans les réserves. Les dépenses se chiffrent à 261 millions de dollars annuellement, donc 138 millions de dollars par l'entremise des Affaires indiennes et du Nord canadien et près de 123 millions de dollars de la part de la Société canadienne d'hypothèques et de logement.

[Traduction]

La politique-cadre fédérale actuelle du ministère des Affaires indiennes et du Nord Canada sur le logement dans les réserves accorde aux Premières nations une flexibilité pour déterminer, à leur gré, la façon optimale d'utiliser les fonds affectés au logement. Cette politique-cadre encourage le contrôle autochtone, le renforcement des capacités et le partage des responsabilités, par exemple l'établissement de régimes de location et des frais de services, ainsi que des options de propriété et un meilleur accès au capital privé.

Un nombre croissant de Premières nations reconnaissent que le financement gouvernemental ne suffit pas, à lui seul, pour résoudre leurs déficits de logement et leurs besoins à cet égard. Elles font plutôt appel aux ressources disponibles auprès des membres de la collectivité, dans certains cas pour payer le loyer, ainsi que pour acheter et entretenir leur propre maison. Grâce à la mise en commun des ressources en provenance du gouvernement, du secteur privé, des membres de la collectivité et de la collectivité elle-même, les Premières nations parviennent à transformer le logement qui constituait un passif en un actif communautaire dans les réserves. Elles reconnaissent également que les logements construits conformément à un code et bien entretenus par la bande et les occupants durent plus longtemps et offrent un milieu de vie plus sain.

Le 20 avril 2007, les ministres Prentice et Solberg ont affirmé l'engagement du gouvernement de fournir aux Premières nations vivant dans les réserves les mêmes possibilités et responsabilités en matière de logement que celles des autres Canadiens, en annonçant la création d'un fonds d'aide au logement du marché des Premières nations, d'une valeur de 300 millions de dollars. Le fonds représente une approche nouvelle et innovatrice axée sur le marché qui accroîtra la disponibilité de logements dans les réserves et permettra à de nombreuses familles des Premières nations de posséder ou de louer leur résidence. Le fonds favorisera la construction d'un maximum de 25 000 nouveaux logements au cours des 10 prochaines années.

[Français]

En 1995, on a déterminé que la moisissure constituait un problème chez les collectivités des Premières nations. Des activités d'assainissement furent amorcées la même année et se sont poursuivies grâce au financement annuel du ministre pour les crédits du logement des bandes des Premières nations. Ces activités sont accomplies à la discrétion des bandes individuelles. Il n'existe pas de financement fédéral réservé uniquement à l'élimination de la moisissure dans les collectivités des Premières nations.

[Traduction]

Au plan national, le 30 novembre dernier, le ministère des Affaires indiennes et du Nord Canada, Santé Canada, la Société canadienne d'hypothèques et de logement et l'Assemblée des Premières nations ont présenté officiellement une stratégie provisoire contre la moisissure au Comité permanent des comptes publics. Cette stratégie comportait des mesures et des responsabilités précises, des échéanciers, des objectifs et des indicateurs de rendement afin de résoudre les problèmes de moisissure dans les logements des réserves. La prochaine étape consistera à élaborer un plan de communication et, en collaboration avec les Premières nations, à mettre en œuvre un processus de sensibilisation pour appliquer cette stratégie.

Passons maintenant au dossier de l'eau. Nous connaissons tous les préoccupations et les risques pour la santé associés au traitement de l'eau potable, particulièrement dans les réserves. Depuis plusieurs décennies, le gouvernement du Canada aide les Premières nations dans l'approvisionnement de l'eau par le financement des réseaux d'aqueduc et des égouts. Depuis 2003, le gouvernement du Canada, plus précisément par l'entremise d'AINC et de Santé Canada, a investi plus de un milliard de dollars dans la construction, l'exploitation et l'entretien des usines de traitement de l'eau potable et des eaux usées dans les réserves. Ce financement a également servi à former et à homologuer les exploitants d'usines de traitement de l'eau, à élaborer des normes et à créer un programme de surveillance afin d'assurer le fonctionnement et l'entretien efficaces des usines et le traitement approprié de l'eau.

[Français]

En vertu de la Stratégie de gestion de l'eau des Premières nations, Affaires indiennes et du Nord canadien utilise ce que l'on désigne comme une approche à barrières multiples afin de faire en sorte que l'eau soit propre à la consommation. Ceci signifie qu'il existe des barrières multiples de protéger l'eau potable contre les contaminants ou les erreurs qui pourraient rendre l'eau impropre à la consommation.

[Traduction]

Cette approche permet de créer une protection accrue. De cette façon, si une barrière défectueuse n'arrivait plus à empêcher la contamination de l'eau, une autre barrière prendrait alors la relève dans le système, garantissant ainsi la salubrité de l'eau potable. L'approche à barrières multiples constitue la norme en matière de gestion de l'eau et son concept est entièrement accepté par le Conseil canadien des ministres de l'Environnement.

De plus, en mars 2006, le ministre Prentice a exposé les grandes lignes d'un plan d'action en cinq points destiné à régler les problèmes d'eau dans les collectivités des Premières nations. Ce plan d'action s'inscrit dans le cadre de la Stratégie de gestion de l'eau des Premières nations qui a été mise en pratique en 2003 et qui se penchait sur les principaux points qui influencent le plus l'approvisionnement en eau potable salubre. Plus particulièrement, le plan d'action faisait appel à des mesures telles que l'établissement d'un protocole clair sur les normes en matière d'eau potable, la mise en place d'une formation obligatoire — d'une homologation des exploitants — et la supervision des systèmes de traitement par des exploitants homologués; la résolution des préoccupations liées à l'eau potable dans une série déterminée de collectivités les plus à risque; la création d'un groupe d'experts chargé de proposer des options en vue d'établir un cadre de réglementation sur l'eau potable dans les réserves; et la production plus poussée de rapports sur les progrès réalisés grâce au plan d'action.

[Français]

Ces initiatives ont donné lieu à des progrès tangibles. En mars 2006, on dénombrait quelque 193 usines de traitement de l'eau qui figuraient au nombre des systèmes à risque élevé. On en compte aujourd'hui 97 et Affaires indiennes et du Nord canadien continue à travailler avec les Premières nations en vue de réduire davantage ce nombre.

[Traduction]

Vous serez heureux d'apprendre que les enfants et les enseignants dans les collectivités des Premières nations participent également aux efforts visant une utilisation sécuritaire et durable de l'eau. Grâce au concours de Santé Canada et d'Environnement Canada, de même que celui des enseignants et des étudiants autochtones et de l'Assemblée des Premières nations, le ministère des Affaires indiennes et du Nord Canada a récemment mis au point une trousse pédagogique pour les enfants, intitulée L'eau est un trésor. Il s'agit d'une ressource interactive bilingue qui comprend une affiche, diverses activités amusantes et éducatives, de même qu'une liste de ressources Internet. Les principaux thèmes abordés sont l'importance de protéger l'eau maintenant et pour les prochaines générations et l'importance de pouvoir compter sur de l'eau propre, salubre et fiable de la source au robinet et du robinet à la source.

Il faut reconnaître que malgré les efforts et le soutien continus, de nombreuses Premières nations sont toujours aux prises avec des défis de taille pour établir des régimes de gestion des eaux sécuritaires et efficaces. Parmi ces défis de base, on compte les coûts élevés de mobilisation, de construction et d'entretien des installations dans les endroits éloignés et isolés; l'absence d'économies d'échelle ou de ressources autonomes pour financer adéquatement l'exploitation et l'entretien des systèmes; et une capacité locale limitée ainsi qu'un manque de capacité pour retenir les exploitants certifiés, formés et qualifiés.

En terminant, notre vision est de permettre aux Canadiens des Premières nations d'avoir les mêmes occasions et responsabilités que les autres Canadiens. Nous sommes conscients qu'il reste encore beaucoup à faire et, dans le cadre de mon exposé, je vous ai présenté un plan d'action ou une approche en matière de logement et d'eau potable que je juge concret. Ce plan d'action servira à transformer notre vision en réalité et contribuera à améliorer la santé des Premières nations.

Le président : Je remercie tous les témoins pour leurs excellents exposés. Si vous êtes d'accord, nous allons commencer par des questions adressées à M. O'Neil. J'aimerais revenir, monsieur O'Neil, sur l'importance de l'autonomie gouvernementale que vous avez mentionnée.

Tous les sénateurs ici présents sont d'accord qu'il faut mettre en place des services de santé efficaces, et ainsi de suite, au niveau communautaire. Nous acceptons ce principe. La question de l'autonomie gouvernementale est beaucoup plus complexe que celle de mettre en place les services de santé à un niveau communautaire ou à un niveau ascendant. Quel sera le degré d'efficacité des services de santé communautaires s'ils peuvent être mis en œuvre avant d'apporter des changements propices à l'autonomie gouvernementale, ce qui nécessitera beaucoup de travail?

M. O'Neil : La première question est complexe. Mes remarques visaient à exprimer le but pour l'amélioration de l'état de santé des collectivités autochtones, en particulier des collectivités des Premières nations, ainsi que celui des Inuits, des Métis et des collectivités autochtones urbaines. Ce but consiste à atteindre un niveau supérieur d'autonomie gouvernementale, qui constitue le déterminant social ultime que nous visons. Nous sommes en train de suivre cette voie. Comme mes collègues l'ont souligné, des efforts sont déployés en ce sens. Bien sûr, les représentants des diverses collectivités autochtones y travaillent aussi. Mes propos ne visaient pas à suggérer l'idée que cela ne se faisait pas, mais plutôt à continuer sur notre lancée et à essayer de mettre en place des politiques et des ressources pour accélérer le processus afin d'atteindre ce but plus rapidement.

Vous avez posé une question importante. En l'absence d'une autonomie gouvernementale réelle, le contrôle local ou l'administration locale des services et l'administration locale des services de santé, du logement, de l'éducation ou des possibilités économiques sont, dans le meilleur des cas, des demi-mesures, mais cela ne signifie pas que nous ne devrions pas les prendre.

Notre centre de recherche a collaboré avec la Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits pour une évaluation du transfert des services de santé au cours de la dernière décennie. Nous avons interrogé des directeurs de la santé dans un échantillon important de Premières nations partout au pays qui avaient transféré les services de santé. La grande majorité de ces directeurs de la santé, en fait presque la totalité, ont indiqué que le transfert avait été positif, qu'ils avaient atteint certains buts sur le plan de l'amélioration de la qualité et de la sensibilité culturelle ou de l'acceptabilité de ces services. En même temps, bon nombre d'entre eux jugeaient qu'ils continuaient, dans une certaine mesure, à administrer leur propre misère — pour emprunter leurs termes. Ils n'avaient pas les ressources ni les leviers nécessaires pour changer les conditions fondamentales à l'origine des problèmes qu'il leur incombait maintenant d'essayer de résoudre.

Notre travail nous a révélé, de façon générale, que si vous économisez de l'argent dans votre budget de la santé au niveau communautaire, vous ne pouvez pas investir cet argent dans le logement. On compte quelques mécanismes au pays qui permettent ce genre de flexibilité avec un effort considérable, mais la plupart des collectivités n'ont pas cette flexibilité. Si vous pouvez gérer vos ressources au niveau communautaire et si vous voulez investir plus d'argent dans les déterminants sociaux pour réduire vos coûts liés aux services de santé, il ne vous est pas possible de le faire. Les gouvernements provinciaux et municipaux ont cette flexibilité, mais les gouvernements autochtones, pour la plupart, ne l'ont pas. C'est un problème que nous devons régler.

L'autonomie gouvernementale dans le domaine des services de santé n'est pas une mesure suffisante pour aborder ces conditions plus générales. Les gouvernements locaux et régionaux doivent être soutenus dans leurs tentatives d'intégrer les différents types de programmes et de ressources dont ils disposent et de réaliser des économies dans les services afin d'investir cet argent et ces ressources dans les déterminants.

Le sénateur Eggleton : Comment l'autonomie gouvernementale fonctionne-t-elle, dans la pratique, en ce qui a trait aux déterminants sociaux de la santé pour la population autochtone en milieu urbain, à l'extérieur des réserves? À quel point cette situation s'avère-t-elle complexe pour vous? Je peux comprendre l'autonomie gouvernementale dans les réserves, mais qu'en est-il des régions urbaines à Toronto et ailleurs? Comment cela servira-t-il alors pour régler ces questions, selon vous?

M. O'Neil : C'est une question complexe, comme vous l'avez indiqué. Il y a des façons d'établir des structures institutionnelles qui offrent aux autorités autochtones plus de responsabilité à l'égard des collectivités autochtones en milieu urbain, pas nécessairement en créant un quatrième niveau de gouvernement, mais en donnant aux autorités autochtones la responsabilité des logements, de la prestation de services pour les personnes âgés dans la collectivité et des services de santé.

Le concept brut d'une autonomie gouvernementale qui peut être développée plus facilement dans les réserves et dans les collectivités isolées et du Nord, n'est évidemment pas applicable aussi facilement dans le contexte autochtone, mais il s'agit d'un continuum. Nous reconnaissons tous que ce n'est pas une condition absolue.

Dans le contexte urbain, des efforts sont déployés dans différentes régions du pays pour établir des autorités sous contrôle autochtone auxquelles les gouvernements municipaux délégueront des responsabilités afin de fournir certains types de services et de ressources à leurs circonscriptions autochtones. Cela variera d'une ville à l'autre, selon la taille et la répartition de la population autochtone.

À Winnipeg, un investissement considérable est accordé à un centre autochtone doté d'une clinique qui offre d'autres services sociaux et qui est financée par le gouvernement. Ce que l'on entrevoit, c'est un centre à guichet unique pour les Autochtones vivant dans ce secteur de la ville. Le renforcement de ce type d'institutions et d'autorités constitue le mécanisme à suivre pour améliorer la santé des Autochtones en milieu urbain.

Dans le contexte plus général de l'autonomie gouvernementale, de nombreux membres des Premières nations dans les villes relèvent toujours de leurs gouvernements des Premières nations qui se trouvent à l'extérieur des villes et des collectivités. Une autre façon de renforcer le concept de l'autonomie gouvernementale pour la population autochtone, c'est de consolider leur responsabilité pour offrir une vaste gamme de services à une population migrante et mobile.

Le sénateur Eggleton : La complexité est alors d'autant plus amplifiée dans certaines des grandes régions urbaines où les gens proviennent de différentes traditions ou origines tribales. Par conséquent, ils ont des racines différentes au niveau du processus d'autonomie gouvernementale qui remontent à leur lieu d'origine. Cela voudrait dire probablement qu'il y a des structures très différentes d'autonomie gouvernementale.

M. O'Neil : Il existe certainement des différences et les gens ont différentes traditions. Différents intérêts sont en jeu mais, d'après mon expérience, lorsque les ressources sont disponibles et lorsqu'il existe une occasion, les gouvernements autochtones sont prudents, mais assez disposés à bâtir des institutions et des structures de collaboration afin de les administrer. Ce n'est pas facile, mais c'est possible.

Le sénateur Pépin : Vous n'aurez peut-être pas le temps d'approfondir cela, mais dans votre exposé, vous avez mentionné que la coordination entre les différents ministères du gouvernement fédéral dans le contexte d'un modèle de santé de la population reste une illusion. Vous avez ensuite mentionné qu'au niveau communautaire, la dépendance et la responsabilité envers les ressources pour régler les déterminants sociaux sont structurellement séparées de la responsabilité d'améliorer les résultats de santé. Vous avez ajouté que, selon vous, c'était fondamentalement contradictoire à toutes les preuves dont vous disposez sur ce sujet.

J'ai écouté tous les autres exposés. Comment devrions-nous procéder pour organiser ou planifier quelque chose qui fonctionnera au plan de la coordination?

M. O'Neil : Comme vous l'avez entendu dans les exposés, des efforts sont déployés à l'échelle nationale et régionale pour rassembler les différents ministères gouvernementaux, les différentes juridictions, aussi bien provinciales que fédérale, autour de quelques-unes des recommandations tirées du rapport Kirby en vue d'essayer de ressourcer les collectivités pour régler les déterminants sociaux ainsi que les services de santé.

Cela revient à la question posée précédemment, et la réponse est similaire. Je vais revenir un peu en arrière. Une des choses que je trouve les plus dérangeantes dans mon travail, durant mes rencontres avec les chefs et les dirigeants des collectivités autochtones, c'est le fait qu'ils ne voient pas la relation dont il est question ici. Ils considèrent les services de santé comme des services offerts par la Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits et, pour eux, les négociations visent à accroître l'enveloppe des services de santé et à augmenter les fonds à cet égard. Ils considèrent ce domaine comme un environnement politique à part. L'autre environnement politique, c'est le travail avec le ministère des Affaires indiennes et du Nord Canada. Ils ne voient aucun rapport entre les deux. Certains le voient et d'autres ne le voient pas.

Nous devons instaurer, des collectivités jusqu'au gouvernement fédéral, une compréhension plus vaste de la coordination de ces ressources. De cette façon, si la collectivité peut réaliser des économies dans son budget de santé ou de services sociaux, elle pourra investir cet argent dans l'infrastructure. Il existe désormais des moyens d'y arriver. Ce n'est plus aussi difficile de le faire qu'il y a cinq ou dix ans, mais on a du chemin à faire pour atteindre ces objectifs.

Le président : Vous avez indiqué que la coordination restait une illusion. Au cours des dernières années, après avoir écouté les témoignages dans les rapports précédents, j'ai fini par me convaincre que la coordination ne peut survenir qu'au niveau communautaire. Est-ce exact?

M. O'Neil : Cela doit se passer d'abord au niveau communautaire. Les collectivités doivent être le pilier institutionnel fondamental pour cette intégration. Cela doit aussi se produire à tous les autres niveaux. L'un ne va pas sans l'autre.

À l'intérieur de leurs traditions culturelles, les collectivités comprennent cela de façon globale, mais elles sont ensuite obligées de s'adresser à différents organismes avec différentes propositions sans aucun lien entre elles. Nous avons eu une brève conversation avant la séance sur la qualité de l'eau. Il existe différents ministères avec différentes responsabilités et différents individus. Si cela n'est pas coordonné à l'extérieur de la collectivité, alors la collectivité est désavantagée dans ce rôle de coordination.

La coordination n'est pas aussi développée qu'elle devrait l'être. Je ne veux pas dire qu'aucun processus n'est en place et qu'aucun effort n'est déployé pour accroître cette coordination, mais je crois que nous sommes tous d'accord qu'il y a encore du chemin à faire et qu'il y a lieu de redoubler d'efforts.

Le président : Merci beaucoup. En effet, monsieur Reading, il existe une énorme possibilité d'enrichissement mutuel et de collaboration, comme nous en avons discuté plus tôt aujourd'hui. Les exposés de cet après-midi nous montrent que vous avez beaucoup de points en commun.

Jusqu'à quel point votre Institut de la santé des Autochtones s'apparente-t-il à l'Institut de recherche sur la santé des populations? Je comprends la façon dont sont organisés les Instituts de recherche en santé du Canada. Je sais comment les fourmis ouvrières s'assoient autour de la même table pour planifier leurs projets. Y a-t-il un enrichissement mutuel entre les Instituts de recherche sur la santé des populations et votre Institut de la santé des Autochtones?

M. Reading : Oui, il y en a, certainement au niveau de l'Institut parce que nous représentons un institut basé sur la population. Notre champ d'activité ne se concentre pas exclusivement sur une discipline, une maladie ou une partie du corps, comme c'est le cas d'autres instituts. Nous avons des intérêts qui recoupent tous les domaines des autres instituts : le cancer, le cœur et les poumons, le genre, et cetera. Nous collaborons pas mal avec tous les instituts.

Cela dit, l'Institut de la santé publique et des populations a une relation spéciale, tout comme l'Institut des neurosciences, de la santé mentale et des toxicomanies, à cause des questions visées par les mandats de ces instituts. Nous collaborons avec l'Agence de santé publique du Canada dans plusieurs dossiers. On a mentionné que les Centres nationaux de collaboration en santé publique ont un centre spécialisé sur les questions autochtones à l'Université du Nord de la Colombie-Britannique. Je suis membre du conseil consultatif de tous les centres de collaboration et ce conseil consultatif est présidé par John Frank, le directeur scientifique de l'Institut de la santé publique et des populations.

La semaine dernière, j'ai prononcé un discours d'ouverture sur les collaborations entre les campus communautaires dans le domaine de la santé. Et il s'agissait d'une conférence internationale avec un groupe basé dans l'État de Washington aux États-Unis. La directrice associée de l'Institut de la santé publique et des populations, qui siégeait au comité ayant organisé cette réunion, avait proposé mon nom.

C'est le genre de choses qui arrivent tous les jours, mais qui ne sont pas mentionnées dans les rapports. Notre réunion mensuelle avec Alan Bernstein et les vice-présidents afin de formuler les priorités nationales de recherche en santé est l'un des points forts des Instituts de recherche en santé du Canada. Ce faisant, nous finissons par avoir des conversations dans les couloirs sur ce qui se passe dans nos divers domaines.

En ce qui concerne les déterminants sociaux, il va de soi que nous nous intéressons tout particulièrement au processus, conjointement aux autres. Lorsque nous parlons de Monique Bégin, de Michael Marmot, de la Commission de l'OMS sur les déterminants sociaux de la santé, des réunions qui ont lieu à Vancouver et ailleurs dans le monde, nous participons avec nos collègues de façon formelle et informelle. C'est l'une des forces de ce que nous avons créé au Canada.

Au fait, il s'agit du seul institut national, dans le monde entier, axé sur la santé des peuples indigènes. C'est un rôle de leadership pour le Canada, mais c'est aussi un rôle assez innovateur. Il s'agit d'un créneau en matière de recherche de pointe pour le Canada.

Le président : Je suis un fervent partisan de l'organisation des IRSC. Je crois que c'était la réalisation d'un rêve pour tous les chercheurs.

Le sénateur Eggleton : J'ai une question pour M. Reading et une autre pour quiconque voudrait y répondre.

Monsieur Reading, votre diapositive sur les disparités sur le plan de la santé montre la différence de l'espérance de vie entre les Indiens enregistrés et la population générale. La tuberculose est six fois supérieure, le diabète est 2,7 fois supérieur, le taux de suicide est 4,3 fois supérieur et, pour les Inuits, 11 fois supérieur. Ces chiffres illustrent la dure réalité d'un grave problème auquel nous faisons face dans ce pays.

Je suppose que ces statistiques incluent à la fois les Autochtones dans les réserves et ceux hors des réserves. Avez- vous une idée de ce que seraient les statistiques séparées pour les Autochtones vivant dans les réserves et ceux vivant hors des réserves?

M. Reading : Je suis heureux que vous ayez posé cette question. Il y a des données cumulatives. Elles concernent parfois les Inuits, parfois les Premières nations, parfois les Autochtones en milieu urbain et parfois la collectivité. Lorsque nous produisons des données nationales et lorsque nous les comparons aux données nationales concernant les autres Canadiens, nous utilisons des données cumulatives.

Il est intéressant de noter que si l'on représente graphiquement la santé par rapport à la richesse, on obtient une relation linéaire : à mesure que le revenu s'améliore, la santé s'améliore aussi. Cela illustre les déterminants sociaux et le paradigme de la santé. Toutefois, dans ce graphique, la santé et la richesse sont dispersées. Autrement dit, pour un niveau de richesse donné, certaines collectivités sont en meilleure santé que d'autres. Les collectivités dont l'état de santé est meilleur que les autres au même niveau de richesse sont les plus résilientes.

Le domaine de la résilience est une question intéressante. Qu'est-ce qui rend certaines collectivités plus résilientes que d'autres? Dans le contexte des collectivités autochtones, est-ce que cela dépend de la culture, du rôle des femmes en tant que pourvoyeuses de soins ou des conseils donnés par les aînés? Nous ignorons les réponses à certaines de ces questions intéressantes.

La question s'applique aussi aux déterminants sociaux dans l'ensemble de la société. On peut trouver des collectivités très riches qui sont dysfonctionnelles et où le niveau de santé des personnes n'est pas comparable à d'autres collectivités ayant moins de ressources.

Il est souvent tentant de dire, par exemple, qu'il est important d'avoir un revenu parce que le revenu est un déterminant qui permet d'acheter les autres déterminants. Toutefois, le tableau n'est pas complet. Beaucoup d'autres facteurs entrent en jeu.

Nous avons fait un appel international de demandes, en partenariat avec l'Australie, la Nouvelle-Zélande et le Canada par le biais des IRSC et des organismes de financement nationaux de ces autres pays. Nous avons demandé aux chercheurs et aux intervenants communautaires des trois pays d'indiquer quelle serait la question la plus importante. Nous avons tous convenu que la résilience était la question importante.

Nous avons fait un examen international et avons sélectionné les meilleures propositions. Ce travail était présidé par un chercheur autochtone américain, financé par le National Institutes of Health des États-Unis qui n'avait aucun intérêt direct dans les résultats. Il s'est avéré que le VIH arrivait au premier rang, suivi de la santé mentale et des toxicomanies; les questions de perfectionnement de la main-d'œuvre étaient au troisième rang.

Les questions qui émanent de ce travail sont très intéressantes. Qu'est-ce qui rend certains travailleurs plus résilients? Pourquoi ces travailleurs sont-ils capables de faire face à des charges de travail très lourdes alors que d'autres n'y parviennent pas? Qu'est-ce qui rend certaines collectivités plus aptes à faire face au stress et aux pressions liés au VIH ou à la santé mentale?

Je fais allusion à toute cette tendance qui consiste à stéréotyper les collectivités autochtones comme étant des collectivités malades et dysfonctionnelles. C'est très insidieux, assez répandu et, en quelque sorte, raciste. Si vous jetez un coup d'œil dans le Toronto Star, le Globe and Mail ou le National Post, vous tomberez sans aucun doute sur des articles relatifs à des Canadiens autochtones portant sur des dysfonctions, comme l'inhalation d'essence, la violence physique ou l'incapacité de gérer les finances. Les histoires sur le bien-être et la résilience dans des circonstances difficiles pour la santé ne sont pas publiées dans les journaux, pourtant il y a en beaucoup. Nous pouvons constater que cette génération compte plus de diplômés, mais il y a cette disparité. Nous devons essayer d'équilibrer les messages négatifs par des messages positifs.

Dans le contexte de votre question et des questions précédentes, lorsqu'une collectivité est qualifiée de dysfonctionnelle, cela sape son aspiration légitime à atteindre un niveau d'autonomie gouvernementale. En d'autres termes, vous n'allez pas donner des millions de dollars à une collectivité pour gérer un processus complexe si vous pensez qu'elle est dysfonctionnelle, si tout le système des médias et de la recherche la caractérise comme étant inapte à gérer ses propres ressources. C'est un dilemme. Cela mine les relations de pouvoir.

Nous devons, et c'est l'un des facteurs les plus importants, mettre l'accent sur la résilience. Quels sont les facteurs associés à des collectivités fortes et saines à la lumière de circonstances très difficiles que, pour vous dire franchement, pas grand monde dans cette salle ne pourrait tolérer?

Le sénateur Eggleton : Vous soulevez une bonne question. En ce qui concerne les données, elles peuvent être différentes pour les milieux urbains et les réserves ainsi que pour les Inuits, les Premières nations et les Métis. Lorsque viendra le temps de formuler des recommandations, il serait sans doute utile de connaître quelles sont ces différences. Les solutions ne s'appliqueraient peut-être pas à tous.

Depuis que M. O'Neil a amplement insisté sur l'autonomie gouvernementale, je n'ai pas entendu beaucoup de commentaires sur ce sujet. Je pense que nous sommes tous d'accord pour dire que l'autonomie gouvernementale est une bonne chose et que nous souhaitons faire en sorte que les Autochtones l'acquièrent. Cependant, il faudrait mesurer son importance actuelle relativement aux déterminants sociaux de la santé.

Je crois que le président a mentionné qu'il s'agit d'une initiative à long terme, et qu'il faut donc trouver des solutions le plus vite possible. J'aimerais savoir si d'autres témoins ont des commentaires à faire sur l'autonomie gouvernementale.

M. Potter : Je pourrais parler pendant quelques minutes de l'approche de Santé Canada, qui essaie de faire deux choses à la fois. Notre direction générale a pour mandat d'améliorer le bilan de santé des Premières nations et des Inuits ainsi que de s'assurer qu'ils ont accès à des services de santé.

L'objectif à long terme est de pouvoir faire un meilleur constat, et l'autonomie gouvernementale joue certainement un rôle dans l'atteinte de ce but. Par conséquent, nous travaillons avec Affaires indiennes et du Nord Canada, qui a l'obligation légale de représenter le gouvernement fédéral dans le cadre des négociations concernant l'autonomie gouvernementale et les pouvoirs. En particulier, nous aimerions voir plus d'indépendance et de prise en charge de la part des Premières nations pour ce qui est du système de soins de santé que nous gérons. De façon générale, nous appuyons les efforts visant l'atteinte de l'autonomie gouvernementale au sens large, qui concerne la prise en charge de certaines grandes fonctions gouvernementales, mais nous nous concentrons surtout sur la prestation et la gestion autonomes des services de santé.

Comme je l'ai mentionné, nous avons délégué aux Premières nations une grande part de la responsabilité à l'égard de la prestation quotidienne des services de soins de santé, et nous les appuyons dans leurs efforts. En outre, nous essayons de collaborer avec elles afin d'intégrer les services que nous fournissons à ceux qui relèvent des provinces, puisque le gouvernement fédéral ne finance qu'un nombre limité de services de santé dans les réserves. La majorité des services offerts aux Premières nations dans les réserves, c'est-à-dire les services hospitaliers et les services médicaux, sont de compétence provinciale. Nous travaillons avec les Premières nations afin qu'elles puissent jouer un plus grand rôle dans la prestation des services assurés par les gouvernements provinciaux afin qu'elles bénéficient d'une plus grande autonomie et qu'il existe un système plus intégré.

Un autre aspect de l'autonomie gouvernementale réside dans la capacité des membres des collectivités à fournir les services souhaités. Nous aidons les Premières nations et les Inuits à obtenir la formation dont ils besoin pour devenir médecins, infirmiers, dentistes ou administrateurs de services de santé, ce qui leur permettra de s'occuper eux-mêmes de la prestation des services. Comme ils font partie des collectivités, ils comprennent la culture.

Pour sa part, Santé Canada essaie d'encourager la mise en valeur de la culture. Dans le cadre du Programme national des modèles autochtones, que nous finançons, et qui bénéficie de l'appui de la gouverneure générale, et nous lui en sommes d'ailleurs très reconnaissants, on choisit environ 17 jeunes qui ont montré qu'ils peuvent réussir et, par le fait même, que la réussite existe chez les Autochtones. Ce programme fait naître un sentiment de fierté. Nous contribuons aux Prix nationaux d'excellence décernés aux Autochtones en vue de les encourager à être fiers d'eux et de leur culture.

Nous collaborons également avec les Autochtones afin d'intégrer le mieux possible leur médecine et méthodes de guérison traditionnelles aux services de santé. Cela entraîne toutes sortes de difficultés d'ordre juridique, mais nous croyons que nous devons favoriser une approche plus holistique en matière de soins de santé, les aspects culturel et spirituel étant souvent négligés dans la prestation des services. Par conséquent, dans un grand nombre des centres que nous finançons, il existe des pavillons de ressourcement, et des guérisseurs peuvent essayer de travailler avec des spécialistes de la médecine occidentale.

À notre avis, toutes ces mesures contribuent à l'autonomie gouvernementale, non seulement du point de vue juridique, mais à de nombreux autres niveaux.

Le sénateur Cochrane : Lorsque vous répondiez au sénateur Eggleton durant le premier tour de table, vous avez dit, je crois, que vous vous intéressez surtout aux collectivités vigoureuses qui sont en mesure de devenir autonomes et qui ont moins de problèmes.

M. Reading : On peut en apprendre beaucoup en étudiant les collectivités qui sont plus vigoureuses que d'autres ayant des moyens financiers et des ressources comparables. La recherche ne nous a pas encore permis de déterminer pour certaines collectivités ce qui les rend vigoureuses.

Ce genre d'examen ne vaut pas seulement pour les Autochtones; il est valable pour toutes les communautés canadiennes.

Le sénateur Cochrane : D'un autre côté, si on étudie les gens et les localités qui sont vraiment démunies et qui ne savent pas comment s'y prendre, on pourrait peut-être trouver ne serait-ce qu'une seule solution.

M. Reading : Je ne veux absolument pas laisser entendre que nous devrions négliger un groupe de la population qui éprouve des difficultés, comme l'extrême pauvreté. Nous savons très bien que lorsque les déterminants de la santé sont faibles, nous pouvons mettre en œuvre des mesures sanitaires de base. Si cette discussion a lieu, c'est en partie parce que nous avons une bonne idée de ce qui constitue une collectivité saine. Il existe un manque de volonté politique à l'égard de certains des aspects fondamentaux. Prenons par exemple le problème de l'eau potable. Le Canada figure parmi les premiers pays au classement de l'indicateur du développement humain dans le monde, et pourtant, les Premières nations occupent la 63e place, ce qui est comparable à la Thaïlande, au Mexique et aux pays à revenu intermédiaire. Comme en a fait état le Globe and Mail récemment, un bon nombre de collectivités en Ontario vivent dans les mêmes conditions que les habitants des pays à faible revenu, comme l'Afrique subsaharienne. Je suis entièrement d'accord avec vous, la situation est très décourageante.

Je ne partage pas le même point de vue concernant l'autonomie gouvernementale; je crois qu'une remise à plat s'impose. Elle doit être basée sur un modèle semblable à celui proposé par Jeffrey Sachs, un économiste connu mondialement qui utilise une approche qu'il appelle le diagnostic différentiel pour étudier les problèmes qu'ont certains groupes de la population et même certains États-nations. Pour assurer un développement économique durable, le partage des ressources au niveau régional est essentiel. L'économie canadienne repose sur l'exploitation des ressources naturelles. C'est la réalité. L'ironie est que les ressources extraites sont exportées vers le sud en même temps que la richesse; là où les gens conduisent des Mercedes et vivent dans des demeures de 6 000 pieds carrés, alors que les habitants des régions d'où proviennent ces ressources s'appauvrissent. Ce qui est encore plus déplorable, c'est qu'avant que l'industrie vienne s'installer dans ces régions, la population était capable de vivre selon un mode de vie traditionnel; elle dépendait, par exemple des richesses de la forêt pour se nourrir. Dans bien des cas, la dégradation de l'environnement causée par les multinationales qui exploitent les ressources a entraîné une diminution de ces richesses et, par le fait même, de la capacité des gens par le fait même d'assurer leur subsistance. En conséquence, pour se nourrir, ils doivent dépendre de l'aide gouvernementale et des épiceries, où il y a un manque d'aliments nutritifs adéquats pour leurs enfants.

Le sénateur Cochrane : Ce problème n'existe pas seulement dans les collectivités autochtones.

M. Reading : Non, mais nous parlons de la santé des Autochtones. Si vous voulez connaître la réalité; la voici.

Le président : Le sénateur Cochrane vient de Terre-Neuve-et-Labrador et s'inquiète en ce qui concerne les ressources pétrolières de la province.

M. Reading : Moi aussi, je viens de là.

Le sénateur Fairbairn : Je suis ravie que nous soyons tous ici. Cela fait longtemps que nous nous connaissons, M. Potter et moi. Il continue à être très actif, et c'est très rassurant.

On a discuté de l'importance de l'autonomie gouvernementale. Je dirais que c'est à la base des problèmes que nous soulevons aujourd'hui.

J'habite le Sud-Ouest de l'Alberta, là où a été signé le Traité no 7, et de l'autre côté de la rivière vit la Tribu des Blood. Il s'agit de la collectivité la plus grande et la plus riche au Canada, mais si vous visitez la réserve, vous verrez ce dont on parle aujourd'hui. Elle connaît d'importantes difficultés. Même avec toute la volonté du monde, il semble que nous échouons souvent quand vient le temps d'aider nos amis. Et c'est réellement un problème, parce que nous avons des comptes à rendre. Il fut un temps où les Autochtones dans l'ensemble du Canada s'en tiraient assez bien jusqu'à ce que nous imposions des changements, des règlements et des lois. Les Autochtones ont la volonté, mais il faut leur donner les moyens d'atteindre les objectifs qu'ils veulent atteindre et que nous voulons qu'ils atteignent; et cela fait partie du problème.

Aujourd'hui, en revenant de la Saskatchewan en avion, j'ai lu dans un journal que très souvent les soins de santé n'ont pas été disponibles. Dans le passé, nous avons vu des collectivités presque entières disparaître à cause de la variole. On apprend aussi dans les journaux qu'on s'interroge maintenant sur ce qui s'est passé dans les pensionnats en ce qui concerne la tuberculose. Il faut établir des partenariats avec les Autochtones quand il s'agit de les aider à atteindre l'autonomie gouvernementale. Ce n'est pas parce qu'on doit le faire, mais parce qu'on veut le faire. Cependant, ce message n'est pas toujours transmis.

On a parlé du diabète et de la tuberculose, mais une question qui n'a pas été soulevée — et j'aimerais qu'on en parle aujourd'hui parce qu'elle concerne la santé des Autochtones en début de vie — est celle du syndrome d'alcoolisation fœtale, un problème très grave. Une extraordinaire collègue, qui représente le Yukon, avait affirmé son intention de s'attaquer principalement à ce dossier. Comment pouvons-nous venir en aide? Cette question s'adresse à vous, monsieur Reading. Comment pouvons-nous tendre la main aux Autochtones et travailler avec eux? De toutes les questions de santé, c'est celle à laquelle il est le plus facile de répondre : quand on ne boit pas, on donne naissance à des enfants en santé et on mène une vie saine. Nous devrions être capables d'intervenir, et le comité pourrait peut-être faire quelque chose.

M. Reading : Je traite de cette question dans les notes d'information que j'ai préparées et présentées. Des études effectuées sur les femmes qui fument et qui consomment de la drogue et de l'alcool pendant la grossesse montrent une surreprésentation de femmes autochtones et des Premières nations. Toutefois, si l'on tient compte des femmes non autochtones et que l'on compare les deux groupes, on constate que le facteur en commun est la pauvreté. Puisque tout est lié à la pauvreté, l'objectif premier est l'élimination de ce problème. Comme de nombreux autres facteurs, la pauvreté a des conséquences néfastes sur la santé non seulement au Canada mais partout dans le monde. Nous avons mentionné que le revenu des membres de la Tribu des Blood est élevé; toutefois, il se pourrait que l'extrême pauvreté existe au sein de cette communauté. Toute cette discussion a pour objet d'examiner les déterminants sociaux et de trouver des moyens de les améliorer.

L'éducation constitue une des meilleures façons de résoudre le problème de la pauvreté. Elle permet de trouver un emploi, d'avoir un revenu et ainsi de pouvoir assumer le coût des services nécessaires. Grâce à l'éducation, nous pouvons non seulement améliorer notre situation financière, mais profiter de la vie. Toutes les études montrent que ces facteurs sont liés.

Le syndrome d'alcoolisation fœtale est un excellent exemple de ce dont je vous parlais précédemment, c'est-à-dire lorsqu'une communauté autochtone est cataloguée comme étant totalement dysfonctionnelle. En fait, ce syndrome commence à apparaître chez les femmes qui occupent un emploi de gestionnaire, qui ignorent qu'elles sont enceintes durant le premier trimestre de leur grossesse et qui boivent quelques verres à l'occasion pour agir comme leurs homologues masculins dans le monde des affaires, parce que c'est ce qu'on attend d'elles. Ces femmes ne sont pas cataloguées comme étant totalement dysfonctionnelles, mais elles commencent à donner naissance à des enfants atteints du syndrome d'alcoolisation fœtale ou souffrant des effets de l'alcoolisme fœtal.

Le président : J'ai bien peur qu'il nous faille libérer cette pièce, car quelqu'un d'autre voudrait entrer.

Nous n'avons pu poser de questions à MM. Ball et Brooks, mais c'est la règle du jeu. Le temps dont nous disposons est limité. Nous aurions pu continuer encore pendant deux bonnes heures.

Étant donné que nous ne devons pas quitter la salle immédiatement, il y a une question très importante soulevée par vous, monsieur Ball, dont je voudrais parler. Elle concerne la diffusion de l'information. Avez-vous accès à Inforoute Santé du Canada et êtes-vous au courant de leurs récentes initiatives et de leur nouveau financement? Je sais que l'Agence de santé publique du Canada est branchée à Inforoute Santé du Canada mais, dans ce cas particulier, y a-t-il une connexion qui vous permet de vous brancher au système, pour ainsi dire?

M. Ball : Inforoute Santé du Canada jette certainement les bases d'une meilleure gestion de la collecte d'informations ce qui, au bout du compte, est bon pour son application. Comme je l'ai dit, nous devons résoudre certains problèmes fondamentaux concernant la protection de la vie privée et l'utilisation des renseignements relatifs aux Autochtones. Nous devons nous pencher sur ces problèmes. Nous travaillons en collaboration au sein du portefeuille de la santé et avec les organisations autochtones dans ce but.

Il est évident qu'Inforoute Santé du Canada constitue l'un des piliers qui permettra de mieux établir les fondements de la collecte d'informations sur la santé de la population canadienne en général et celle des peuples autochtones en particulier.

Le sénateur Cook : Merci. Tout d'abord, je vous prie de m'excuser pour mon retard. Cela arrive lorsque les réunions se chevauchent.

J'ai écouté tous les experts dans leur grande sagesse et compris tout ce qu'on met en œuvre pour venir en aide à ces personnes et les ramener à la normalité. Je me demande quand tout cela se concrétisera au sein de la communauté.

Je viens de Terre-Neuve-et-Labrador. Je m'intéresse beaucoup, tout comme sans aucun doute le sénateur Cochrane, à une communauté modèle tout à fait remarquable à Conne River. J'essaie de comprendre ce qui manque à la communauté de Davis Inlet pour qu'elle soit si différente de celle de Conne River et je me rends compte que c'est le manque de possibilités. Où les gens de Davis Inlet travaillent-ils? Que font-ils? Quelles sont les ressources offertes à leurs enfants? Ils vivent encore en vase clos, tandis que les gens de Conne River sont branchés à Internet.

Comment pouvons-nous intervenir? La semaine dernière, j'ai entendu dire qu'une douzaine d'œufs coûtait 8 $ à Davis Inlet. Pour répondre à leurs besoins nutritionnels, pourrions-nous recourir à des subventions afin que ces personnes n'aient pas l'impression qu'on leur fait la charité, et qu'elles aient des chances égales aux autres en ce qui concerne l'achat de nourriture? Ce serait certainement une politique à envisager.

Pourquoi ne pouvons-nous pas agir? Nous pouvons creuser des puits en Angola. J'y ai participé comme membre du Mouvement des guides. Pourquoi ces simples projets communautaires ne peuvent-ils pas aboutir dans nos communautés des Premières nations? Parce que nous les avons sacrifiées, bien sûr. Durant des années, je me suis occupée de la question des pensionnats autochtones et de nos Premières nations et hier, je me suis réveillée en disant non, cela n'aura jamais de fin. Maintenant, ces personnes font face à la tuberculose et à des problèmes que nous ignorions.

J'aimerais qu'on me donne quelques réponses simples aux questions que j'ai posées. Merci.

M. Brooks : Je vais essayer de répondre à quelques-unes de vos questions. J'ai beaucoup travaillé pour Conne River dans le passé. Il y a toujours des éléments déterminants qui font qu'une communauté s'en sort bien ou pas. Nous sommes conscients des problèmes de la communauté de Davis Inlet. Le leadership est un facteur essentiel à Conne River. Ce qui contribue grandement au succès de cette communauté, c'est le fait qu'elle a un dirigeant et un conseil dotés d'une vision, assortie d'un plan pour la mettre en œuvre. Celle-ci porte sur les facteurs socioéconomiques, la situation dans la communauté aujourd'hui, les projections sur 10 ou 15 ans et les moyens requis pour qu'elles se concrétisent, y compris la santé, l'éducation, le développement économique, l'entretien des infrastructures et le développement de partenariats avec d'autres communautés.

Je comprends qu'il existe beaucoup de problèmes à Davis Inlet et je ne peux pas trop en parler.

Vous avez soulevé la question des subventions, sénateur. Notre service a un programme que l'on nomme Aliments- poste. Je ne gère pas ce programme, mais je sais qu'il couvre, au moyen de subventions, une partie des frais d'expédition, en tenant compte, bien franchement, du prix extrêmement élevé des aliments dans les communautés éloignées. Dans certaines, un litre de lait coûte 12 $. Il s'agit là d'aliments essentiels pour la santé. Pour bon nombre de communautés, l'accès à des produits frais est pratiquement impossible à cause du coût excessif du transport des marchandises.

Le sénateur Cook : Êtes-vous en train de dire qu'on pratique ces prix malgré les subventions accordées?

M. Brooks : Je ne connais pas assez le programme pour vous l'affirmer, mais je pourrais revenir et vous fournir l'information.

Le sénateur Cook : C'est une façon habile d'éluder la question. Les gens ont droit à de la nourriture décente et peuvent vivre là où ils le veulent.

M. Reading : En Ontario et ailleurs au Canada, la régie des alcools s'assure que le prix d'une bouteille d'alcool, comme du rhum ou du whisky, est le même partout dans la province, qu'on l'achète dans le Nord-Ouest de l'Ontario ou à Ottawa. On ne peut pas en dire autant pour le prix de la nourriture.

Si nous pouvons subventionner et rendre accessible l'alcool partout dans la province, même dans les régions éloignées, pourquoi ne pouvons-nous pas le faire pour les aliments destinés aux enfants? Ça semble illogique. J'accepterais de payer plus cher pour de l'alcool si on me garantissait un panier de nourriture dans lequel je retrouverais tous les éléments nutritionnels nécessaires à une saine croissance. À mon avis, c'est une chose réalisable que nous pouvons recommander.

Le président : Nous verrons certainement à ce que cette recommandation apparaisse dans le rapport.

Merci beaucoup. Nous devons vraiment partir. Nous occupons la place de quelqu'un d'autre présentement.

Chers membres du comité, pourrions-nous nous réunir à huis clos durant cinq minutes dans la pièce voisine? Nous avons tenu une réunion du comité directeur hier et nous aimerions vous présenter un compte rendu.

Le comité poursuit ses travaux à huis clos.


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