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Sous-comité sur la santé des populations

 

Délibérations du Sous-comité sur la Santé des populations

Fascicule 4 - Témoignages du 31 mai 2007


OTTAWA, le jeudi 31 mai 2007

Le Sous-comité sur la santé des populations du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui, à 17 h 53, afin d'étudier, pour en faire rapport, l'impact des divers facteurs et conditions qui contribuent à la santé de la population canadienne, appelés communément les déterminants sociaux de la santé.

Le sénateur Wilbert J. Keon (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Honorables sénateurs, je déclare la séance ouverte. Nous sommes ravis d'accueillir M. David Chartrand. Nous allons commencer par entendre son exposé.

David Chartrand, ministre de la Santé, Ralliement national des Métis : Au nom du peuple métis, j'aimerais remercier tous les sénateurs, ainsi que les personnes qui se joindront bientôt à nous, de nous accueillir cet après-midi. Le Ralliement national des Métis, le RNM, est l'organisme représentant les Métis de l'Ontario à la Colombie-Britannique. Notre territoire est formé de certaines parties de l'Ontario, des États-Unis, des Territoires du Nord-Ouest et de la Colombie-Britannique.

Je remercie le Sous-comité sur la santé des populations de m'avoir invité à témoigner sur la question de la santé de la population.

J'aimerais aussi vous remercier de consacrer cette séance aux Métis. Trop souvent, on a qualifié à tort les Métis d'« Autochtones ». À maintes occasions, lorsque le gouvernement ou le Sénat font des annonces, ils utilisent ce mot pour nous désigner aussi. Pourtant, si on en regarde bien la définition, on constate qu'elle n'inclut pas les Métis. On nous appelle ainsi depuis trop longtemps; je suis donc très heureux que nous ayons une séance réservée aux Métis aujourd'hui.

Depuis deux ans, nous essayons de mieux comprendre les facteurs et les situations qui contribuent à la santé des Métis. Nous avons entrepris des recherches approfondies dans ce domaine et nous aimerions vous présenter un bref aperçu du résultat de nos travaux.

Toutefois, j'aimerais d'abord faire état des obstacles systémiques qui ont nui au développement de notre peuple et qui ont entraîné une dégradation de la santé de notre population. Le plus grand obstacle à notre développement a été l'inertie des deux niveaux de gouvernement face aux Métis et aux difficultés économiques qu'éprouvent nos communautés.

La pauvreté est largement attribuable aux ratés des politiques du XIXe siècle et du début du XXe touchant les revendications territoriales et les certificats des Métis. L'échec des politiques territoriales, sur lesquelles les tribunaux se prononceront plus tard cette année, a fait des Métis des gens sans terre ou géographiquement divisés sur leur propre territoire.

À titre d'information, sachez que nous avons une revendication territoriale non réglée depuis 25 ans. Nous avons terminé de présenter nos arguments l'année dernière et nous attendons la décision du tribunal. Nous prévoyons une issue favorable.

En fait, tout cela a érodé notre identité, sapé notre confiance en nous-mêmes et empêché la majorité d'entre nous de profiter des débouchés économiques associés au développement du Canada. Nous espérons avoir la possibilité de vous parler, un jour, des problèmes d'un peuple sans terre et de ce qui nous arrivera lorsque nous nous retrouverons au milieu de nulle part. Nous sommes toujours établis à proximité des réserves sur l'ensemble de notre territoire de l'Ouest, mais on nous refuse l'accès à toutes les possibilités et à tous les services. Nous ne sommes pas admissibles ni autorisés à bénéficier des programmes de prévention du diabète destinés aux Premières nations, ni à profiter des ajustements consentis par le Canada dans certains secteurs. Même s'ils sont à notre portée, nous ne pouvons nous en prévaloir; même en tant que contribuables, nous n'y avons pas droit.

Le RNM a accueilli favorablement le récent rapport du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones portant sur le développement économique de ceux-ci. Nous avons étudié certaines des conclusions. Nous sommes en train d'analyser le rapport et sommes très heureux de voir qu'on y fait mention des problèmes auxquels doit faire face le peuple métis. Nous avons hâte que certaines des recommandations de ce rapport soient appliquées.

Le problème, toutefois, c'est que cette discrimination systémique subie par les Métis a eu des effets néfastes sur leur état de santé. Et si on ne fait rien maintenant, le fardeau sur notre système de santé sera énorme. C'est une situation que je dénonce personnellement depuis des années devant les ministres fédéral et provinciaux de la Santé du Canada. Le système de santé en paiera le prix, et les contribuables canadiens, y compris les Métis, en feront les frais. Le coût élevé des soins de santé nous touchera tous. Les conséquences seront énormes. Prenons comme exemple ma communauté, Duck Bay. Dans presque toutes les familles, il y a une personne atteinte de diabète. En visitant chaque maison, on constate la présence d'autres maladies chroniques qui frappent nos communautés.

Parce que les gens persistent à nier notre existence comme peuple, tout le monde cherche à se tenir loin de nous. Au bout du compte, cela entraînera des coûts élevés. Nous avons tenté d'alerter et de mettre en garde le gouvernement; même s'il ne veut pas nous considérer comme un peuple à part entière ayant des droits, qu'il nous traite comme des Canadiens. Nous sommes des contribuables. Nous avons droit à des services, comme tous les autres Canadiens. Notre tâche est de faire comprendre cela aux politiciens. Tout le monde a peur de s'asseoir avec nous, car si le gouvernement canadien le fait, les provinces lui diront : « Vous êtes maintenant responsables, vous venez de le démontrer. » Et si ce sont les provinces qui le font, le fédéral, à son tour, dira la même chose. C'est pour nous un grand problème.

Nous accueillons favorablement vos travaux, qui consistent, si je comprends bien, à déterminer les mesures que le gouvernement fédéral doit prendre pour mettre en œuvre des stratégies en matière de santé de la population. Pour notre part, voici nos recommandations quant à ces mesures : premièrement, les gouvernements fédéral, provinciaux et métis doivent reconnaître qu'ils ont la responsabilité partagée de répondre aux besoins des contribuables métis en matière de santé. Santé Canada a ouvert la porte aux Métis ces deux dernières années, et nous sommes en train de développer de solides relations de travail avec ce ministère. Nous devons continuer dans cette voie. Pour la première fois de notre histoire, Santé Canada nous permet de participer au processus.

Deuxièmement, les gouvernements et les institutions du peuple métis doivent être appuyés afin de s'assurer que les Métis jouent un rôle significatif dans la conception et le fonctionnement du système de santé, ainsi que la prestation de services. Cela ne veut pas dire créer un système distinct, mais plutôt un système dans lequel les Métis joueront un rôle prépondérant dans l'amélioration de leur état de santé.

Troisièmement, l'engagement doit être durable. Nous devons nous entendre pour appliquer des solutions à long terme. Voilà pourquoi le plan directeur pour la santé revêtait une telle importance. Il faut que l'on reconnaisse que nous avons récemment été invités à participer aux projets de Santé Canada. Nous avons fait un premier pas avec ce ministère, mais le financement cessera dans deux ans et demi. Le gouvernement doit engager des fonds sur au moins une dizaine d'années. On doit clairement comprendre qu'il a fallu des dizaines d'années pour que nous nous retrouvions dans la condition dangereuse dans laquelle nous sommes aujourd'hui, et qu'il nous faudra plusieurs décennies pour en sortir.

Quatrièmement, il conviendrait d'adopter une approche axée sur les résultats et d'améliorer la santé de notre population. Nous devons nous fixer des objectifs et, pour les atteindre, adapter et gérer le système de santé en conséquence.

Cinquièmement, il y aurait lieu d'approfondir nos connaissances et d'améliorer notre capacité collective à modifier nos approches relativement à la santé et au bien-être.

Dans d'autres États, comme le Brésil et l'Australie, on a établi une structure de gouvernance horizontale pour comparer les déterminants sociaux de la santé des populations indigènes. Je félicite leurs dirigeants pour cette initiative ciblée. Chaque ministère a une incidence directe sur les problèmes liés aux déterminants sociaux de la santé des populations indigènes. Ces pays mettent en place des mesures de type horizontal, au lieu des mesures de type vertical dont nous nous servons parfois au Canada. Je m'en réjouis, et j'attends avec impatience que chaque ministère remplisse les engagements pris dans son budget, relativement à la manière de gérer et de traiter les déterminants sociaux de la santé dans ce pays. J'espère que le Canada, un jour, adoptera ce genre de mesures.

Par exemple, il faudrait renforcer les capacités des Métis et conclure de nouveaux partenariats entre le système de santé et nos dirigeants. Nous sommes prêts, mais je le répète, pour évaluer nos progrès dans les objectifs que nous nous sommes fixés, nous devons adopter une approche axée exclusivement sur la population métisse. Nous devons établir une distinction entre les Métis et les Autochtones, sans quoi ce sera un coup d'épée dans l'eau. Nous nous retrouverons avec une bureaucratie, à Santé Canada, qui associera le mot « Autochtones » uniquement aux Premières nations et aux Inuits. Il s'agit d'une difficulté à laquelle nous sommes confrontés depuis trop longtemps, dans le cadre de nos discussions et de nos négociations avec les ministères fédéraux et parfois provinciaux.

Enfin, comme nous allons vous le montrer, les Métis ont accompli davantage en deux ans pour analyser l'état de santé de leur population que le gouvernement fédéral ou les provinces au cours des 30 dernières années. Nous vous présenterons des graphiques et des portails qui vous donneront une bonne idée de la situation dans laquelle se trouve la population métisse et des difficultés que notre pays pourrait avoir à surmonter.

En tant que dirigeant au sein de ma collectivité, j'ai toujours dit, et je l'ai même fait valoir auprès des autres ministres, que si nous ne prenons pas bientôt les choses en main, nous devrons en subir les conséquences, aussi importantes soient-elles, pas seulement aujourd'hui, mais aussi les générations futures. Tout le monde paiera pour l'ignorance et l'inertie du gouvernement.

Je vais conclure ici puis céder la parole à la Dre Bartlett, qui vous présentera le mémoire qu'elle vous a remis.

Dre Judy Bartlett, directrice du Centre autochtone de la santé et du bien-être et professeure agrégée, Département des sciences de la santé communautaire, Faculté de médecine, Université du Manitoba, Manitoba Métis Federation : Bonjour. Je me présente. Je suis professeure à l'Université du Manitoba et je dirige également le Centre autochtone de la santé et du bien-être que je suis en train de développer pour la Manitoba Métis Federation. Je vous remercie de me donner l'occasion de témoigner devant votre comité.

Avant toute chose, sachez que la perte d'identité des Métis est un facteur déterminant, tant sur le plan individuel que collectif. Comme vous avez pu le constater, leur marginalisation a eu de profonds effets sur leur santé. L'autonomie gouvernementale est le déterminant de la santé le plus important qui soit, et j'aimerais pouvoir vous en parler un peu.

Mon exposé comporte six volets. Pour commencer, je vais vous situer le contexte. Quelle est l'importance de l'histoire? Je vais vous parler un peu de la recherche et de la santé des Métis. Je vais vous présenter plusieurs graphiques et vous expliquer ce que je qualifie de déficit d'attention. Nous allons nous pencher sur certains indices, pour vous montrer où nous en sommes dans nos recherches. En quoi la culture et l'identité sont-elles si importantes, et qu'en pensent les autres chercheurs? J'aimerais aussi que nous discutions des approches ciblées et globales — je n'ai pas eu l'occasion de lire la transcription des délibérations précédentes du comité sur le sujet — et que nous réfléchissions là- dessus. Enfin, j'aimerais discuter de la nécessité de mettre en place des cadres de promotion de la santé adaptés à la population autochtone et de la manière d'aborder ces questions aussi fondamentales.

L'exemple que je vais vous donner en est un parmi tant d'autres.

La nation métisse a vu le jour peu de temps après l'arrivée des premiers Européens. En fait, même si elle était naissante, il y avait une présence plus marquée des Métis dans l'est du pays. Plus tard, les Métis se sont établis dans la région du Manitoba, au confluent des rivières Rouge et Assiniboine, et un peuple est né. Dès 1810, les Métis croyaient qu'ils constituaient une nouvelle nation distincte.

Il faut savoir que la Couronne a forcé tout un peuple à se cacher et à vivre en marge de la société. Je ne crois pas qu'elle l'ait jamais admis ni qu'on ait demandé des comptes à qui que ce soit. Les Métis commencent à peine à sortir de l'ombre et à être reconnus. Évidemment, il y a des Métis qui vivent dans des communautés, très discrètement, mais bon nombre sont dispersés. Ils revendiquent leur identité historique et contemporaine. C'est ce qui se passe en ce moment sur tout le territoire métis.

D'autres, toutefois, sont pris entre l'arbre et l'écorce, compte tenu des tensions qui persistent entre les Canadiens et les Premières nations. Dans le cadre de l'une de mes études, une femme m'a fait l'observation suivante :

J'ai des amis de race blanche et des amis indiens, et tous veulent que je m'identifie à eux; je suis donc coincée entre deux peuples qui ne s'aiment pas.

En ce qui concerne la sous-représentation des Métis dans les recherches, d'après le document rédigé par Young, sur les 250 articles publiés au cours d'une période donnée à propos de la santé des Autochtones, seulement quatre parlaient des Métis. Plusieurs raisons expliquent cela, notamment le fait qu'on n'a pas recensé les Métis au Canada et que ceux-ci ne sont pas identifiés comme tels dans les bases de données des provinces. De plus, les Métis sont très éparpillés ou concentrés dans les centres urbains. Il y a quelques communautés métisses très peu visibles. Par exemple, à Winnipeg, on compte environ 23 000 Métis, ce qui est une assez forte concentration, mais ceux-ci sont dispersés à travers la ville.

On ne tient pas compte des besoins ni des aspirations des Métis dans les recherches. Dans les nouvelles lignes directrices établies par les IRSC, le nom « Métis » apparaît dans le titre et nulle part ailleurs, et c'est dangereux. Tous les exemples parlent des Premières nations. Tout cela est discrétionnaire, et les communautés sont si peu visibles qu'on risque de cesser toute recherche là-dessus.

Je voudrais vous faire part rapidement de certaines données. Je ne m'y attarderai pas trop longtemps. Ce sont des données tirées d'une étude descriptive menée par l'Université du Manitoba et la Manitoba Métis Federation. Le premier diagramme montre que 43 p. 100 des Autochtones vivant hors réserve au Canada sont des Métis. C'est énorme et, pourtant, on a tendance à ne pas en tenir compte. Ensuite, on peut voir que la population métisse est très jeune, et les conséquences, dans l'avenir, pourraient être lourdes si on continue à les tenir à l'écart.

Pour ce qui est des revenus, 55 p. 100 des Métis ont moins de 20 000 $ pour vivre. J'ai du mal à croire qu'on puisse subvenir à ses besoins avec si peu. La répartition des revenus des Métis au Canada n'est pas homogène. Il y a des différences d'une province à l'autre. Nous devons nous interroger là-dessus pour trouver les causes.

Le prochain diagramme illustre la répartition des maladies chroniques. On peut observer que les Métis sont en moins bonne santé que la population en général, sauf pour ce qui est de l'hypertension, des ACV et autres maladies de longue durée. De surcroît, mis à part la tuberculose et le diabète, il n'y a pas de différence significative entre l'état de santé des Métis et celui des Premières nations.

On peut voir que l'arthrite, entre autres, est une maladie très répandue. Quant au diabète, même s'il figure au bas de la liste, il n'en demeure pas moins que les souffrances qu'il provoque sont grandes. En outre, on ne s'est pas vraiment intéressé à l'arthrite. D'ailleurs, j'ai participé à la rédaction d'un article, qui devrait être publié très prochainement, sur l'arthrite dans la population autochtone du Manitoba.

Le diagramme suivant porte sur les visites chez le médecin. On peut constater que les Métis et les Premières nations ont sensiblement le même accès aux médecins de famille, avec 72 p. 100, ce qui est tout de même inférieur au taux de 83 p. 100 pour la population en général. Il est aussi plus difficile pour eux de consulter certains spécialistes, notamment des optométristes et des dentistes, car ils n'ont pas d'assurance pour couvrir les frais.

Nous ne devons pas oublier que ce sont des graphiques et que les différences peuvent être minimes; il n'empêche qu'elles existent quand même.

Il y a aussi le fait que certains spécialistes, comme les chiropraticiens et les physiothérapeutes, sont plus souvent établis en milieu urbain. Il n'y a pas de graphique là-dessus, mais le fait est que les Métis vivant en milieu rural ont beaucoup moins accès aux soins de santé que ceux habitant dans des zones urbaines.

J'aimerais maintenant vous entretenir de l'importance de la culture et de l'identité. Nous pouvons parler d'un siècle perdu. Les Métis se sont fondus dans un autre milieu culturel. Au fond, les gens devaient se cacher pour vivre en toute quiétude au Canada. Si leur teint était pâle, ils avaient tendance à se mêler aux autres. S'ils refusaient de le faire, ils étaient marginalisés.

Autre fait important : nos actions ne semblent pas toujours refléter notre savoir. Si on remonte au début des années 1970, Becker, scientifique social aujourd'hui disparu, étudiait la formation de l'identité et de l'ego. Il disait que l'identité était simplement une mesure de pouvoir et de participation.

Nous savons pertinemment que les Métis avaient très peu accès au pouvoir et qu'ils ont été forcés de se disperser dans l'Ouest. C'est plus difficile pour des communautés peu visibles. Je vais vous dire plus tard pourquoi c'est si important.

Dans une certaine mesure, les Métis sont triplement marginalisés. Tout d'abord, ils ne sont acceptés au sein d'aucune société. Les Métis sont non seulement rejetés par la société canadienne, mais aussi par les Indiens, étant donné qu'ils ne sont pas assujettis à la Loi sur les Indiens et ne jouissent pas des avantages qu'elle procure. Nous nous retrouvons donc avec une triple marginalisation à cause de ce que nous pouvons qualifier d'« autochtonisme ».

C'est comme si, par exemple, le gouvernement fédéral adoptait une politique panasiatique et annonçait aux Chinois et aux Japonais qu'il allait complètement ignorer leurs différences culturelles parce que, pour des raisons purement pragmatiques, une seule politique suffit.

Autre exemple : c'est comme si on demandait aux médecins et aux infirmiers et infirmières de faire partie du même ordre professionnel. Certains seraient d'accord, mais nous n'en sommes pas là. Au Manitoba, on accorde beaucoup d'attention à ces professionnels de la santé, dont les 2 000 médecins, mais on n'en fait pas autant pour les 56 000 Métis.

Je pense que le Fonds pour l'adaptation des services de santé est une bonne initiative. On assiste à une véritable émergence de l'identité culturelle métisse. Ce dont nous avons absolument besoin, c'est de l'information sur la santé. Au Manitoba, nous sommes en train de mener une étude approfondie, en collaboration avec l'Université du Manitoba et le gouvernement provincial, sur l'accès aux services de santé et l'état de santé de la population.

J'aimerais faire une comparaison entre les approches ciblées et les approches globales. On en a discuté lors d'une séance précédente. Trois témoins ont parlé des interventions politiques habituelles précises et axées, dans une certaine mesure, sur la promotion de la santé. Certaines visent à réduire la pauvreté et les facteurs de risque d'apparition de maladies.

J'ai trouvé particulièrement intéressants les témoignages de la Dre Stachenko et du Dr Glouberman. La Dre Stachenko a signalé la nécessité de comprendre les déterminants et la façon dont ils interagissent avec les autres. Je travaille là-dessus depuis de nombreuses années. Le Dr Glouberman a indiqué qu'il fallait avoir une compréhension plus fondamentale de la nature de ces interactions pour donner une meilleure vue d'ensemble. Il a également dit que nous devrions voir comment les efforts de certains individus et petits groupes pourraient profiter à toute une société. Il ne s'agit pas uniquement des efforts déployés à l'échelle nationale ou provinciale; on parle aussi d'activités locales et du pouvoir d'agir.

En 1996, la CRPA a mené une étude, en se fondant sur des recherches internationales, ce que j'ai fait plus tard, comme je l'ai déjà dit, sur la question du contrôle. On a découvert qu'un manque de contrôle avait des répercussions importantes. On a présumé que le manque de contrôle des Autochtones sur leurs décisions de tous les jours n'était probablement pas étranger à leurs problèmes de santé. Les études européennes sont catégoriques. Je suis en faveur d'une autonomie gouvernementale car je considère que le manque de contrôle a des conséquences d'ordre physiologique. J'ai fait un travail approfondi sur le diabète et le stress, et c'est l'une des choses qui est ressortie. Lorsque les gens n'ont pas la maîtrise de leur vie, cela a d'importantes répercussions physiologiques.

Pour justifier l'établissement de cadres en matière de santé de la population autochtone, nous devons être capables d'appuyer les groupes et les personnes afin de comprendre les interactions complexes des nombreux aspects de leur vie. Cela signifie aussi leur donner les outils pour accéder à l'autonomie gouvernementale. Si nous voulons promouvoir la santé des Autochtones, nous devons nous intéresser aux dissonances cognitives et émotionnelles ainsi qu'à la confusion identitaire qui découlent d'une triple marginalisation — marginalisation initiale forcée, dépossession culturelle, souvent très subtile, et désorientation de la part du Canada. Au sein des familles, les gens ayant une couleur de peau différente étaient traités autrement par la société et cela a eu d'énormes conséquences. Enfin, l'idée d'une stratégie panautochtone n'est pas une bonne chose puisque qu'on ne ferait que perpétuer la marginalisation du peuple qui serait assimilé par un autre environnement culturel.

Nous, les Métis, nous sommes dispersés ici et là. Nous devons être en mesure de définir nous-mêmes le sens du mot « Métis » pour que d'autres sachent ce qu'ils doivent faire expressément pour les Métis.

Earnest Becker a dit que l'estime de soi est imbriquée dans l'ego et l'identité. Je crois que les Métis, en particulier nos jeunes, ont besoin qu'on leur montre qu'ils jouent un rôle utile au Canada. Ce n'est pas ce que l'on fait aujourd'hui. C'est pourtant essentiel au développement des jeunes.

Evans et Stoddart ont dit qu'il ne fallait pas s'arrêter à la maladie. Lorsqu'une maladie est vaincue, une autre prendra simplement sa place. Bandura, spécialiste des sciences sociales, a dit que la théorie sociale cognitive rejette le dualisme entre l'individu et la société. Vous devez regarder l'individu et la société en même temps. Enfin, Corin parle du besoin d'inclure des catégories d'enjeux culturels, politiques, économiques et sociaux. Elle parle d'un cadre de mesures de la santé. Hertzman en a parlé également et s'est penché sur l'inclusion des étapes de vie.

Le cadre sur lequel j'ai travaillé depuis 1994 a été mis en œuvre d'un certain nombre de façons. Le plus important, ce n'est pas le cadre lui-même, mais le processus de développement, qui comprend à la fois l'agent et la structure, ou l'individu et la société, ainsi que d'autres facteurs. Ce cadre permet d'intégrer tous ces éléments.

Si nous considérons la santé de façon holistique, il s'agit pour nous d'un équilibre de la dimension spirituelle, émotionnelle, physique et intellectuelle d'un enfant, d'un jeune, d'un adulte ou d'un ainé, tous étant des individus et faisant partie d'une famille, d'une communauté et d'une nation à l'intérieur de divers milieux culturels, sociaux, économiques et politiques. Chaque personne, chaque groupe et chaque communauté en fait une expérience unique. Une première nation peut avoir une perspective particulière, tandis que la population en général peut considérer cela sous la forme d'une matrice.

La matrice est utile dans une certaine mesure. J'ai travaillé avec des centaines de personnes pour essayer de préciser le contenu de ces mots particuliers. J'ai travaillé avec des gens en atelier et leur ai demandé de faire une évaluation personnelle, puis une évaluation collective de tous les mots. Je les guide ensuite dans le cadre d'un atelier durant lequel ils peuvent élaborer des normes minimales de bien-être. J'ai toujours cru que si nous avions des normes minimales pour les soins intensifs, nous devions aussi en pour les soins de mieux-être. Il s'agit simplement d'essayer, en parlant, de trouver des significations personnelles, d'en discuter en groupe, non pas pour essayer de dégager un sens unique, mais pour demander ce que nous pensons tous.

Enfin, il s'agit de regarder ce petit tableau et de déterminer, en groupe, ce que signifient les mots physique, spirituel, émotionnel et intellectuel. Vous donnez un nom à chacune de ces rangées et colonnes. Ceci est le fruit de 60 ou 70 ateliers menés au fil des ans avec des centaines et des centaines de personnes. Ce n'était pas un travail universitaire; je l'ai fait bénévolement parce que c'est ce que j'aime faire.

Voici comment on doit l'utiliser comme modèle de bien-être : la personne est au centre et vous travaillez avec elle pour qu'elle comprenne le cadre que vous voulez utiliser pour cheminer dans la vie — le cadre de promotion de la vie, et non un cadre de promotion de la santé — pour ne pas rester coincé dans le secteur de la santé.

Nous parlons de la nature. Qui sommes-nous? Quelle identité voulons-nous créer? À quelle étape de développement en sommes-nous? De quelles relations avons-nous besoin? Quel est l'effet de cela sur les réseaux que nous pouvons avoir dans nos vies? Comment les réseaux influencent-ils les soutiens que nous avons? Comment les soutiens influencent-ils le milieu dans lequel vous vivez? Enfin, comment tout cela vous aide à vous faire entendre? C'est un processus qui permet de dire je sais quel est le sens de ce cadre à un niveau personnel et je peux cheminer avec cela.

Nous pouvons mettre n'importe quoi au milieu de ce cercle. Ce peut être le diabète, une politique ou autre chose. Peu importe. Il est très important de prendre le temps de travailler avec les Métis et de commencer à clarifier, dans le cadre d'une recherche universitaire, ce que signifie ces choses pour nous et comment nous pouvons avancer à partir de là.

Voilà, à titre d'exemple, un cadre de promotion de la santé de la population autochtone.

Le président : Merci, docteure Bartlett. Je crois comprendre que M. Chartrand doit partir dans environ cinq minutes.

M. Chartrand : Oui. Je vais partir dans 20 minutes, monsieur le président, pour prendre l'avion et retourner chez moi.

M. LeClair va présenter un court exposé sur un portail que nous avons monté au cours des dernières années. Ce sera éclairant et utile au comité, qui cherche des recommandations sur la façon de changer la communauté métisse aujourd'hui.

Je dois souligner que je suis ravi que l'on parle tout spécialement des Métis ici. Trop souvent, nous sommes noyés dans le mot « Autochtone », ce qui crée beaucoup de confusion pour nous.

Le président : Nous tenions à vous rencontrer séparément ce soir puisque demain, nous allons entreprendre une table ronde. Si vous avez des difficultés à définir votre identité et la place que vous occupez dans la société canadienne, vous pouvez imaginer comment il est difficile pour nous de le faire.

M. Chartrand : Je viens du ministère de la Justice; j'ai pris un congé et je suis devenu un dirigeant politique pour mon peuple. J'ai eu l'occasion de m'adresser à des auditoires dans différentes universités de l'est du Canada. J'ai été estomaqué lorsque j'ai demandé combien de gens savaient qui étaient les Métis. Dans une salle d'environ 500 personnes, j'ai vu 20 mains se lever. Ceci est le Canada. Ceci est le pays d'où je viens. Je suis né et j'ai grandi à Red Deer. J'étais renversé. Nous nous perdons dans l'emblème de l'identité et nous devons faire comprendre cela. Nous sommes mis de côté lorsque le gouvernement élabore ses programmes et ses directives. Le mot « Autochtone » est utilisé et vous, le président du comité sénatorial des peuples autochtones, pensez peut-être que nous obtenons quelque chose parce que nous sommes des Autochtones alors qu'en fait, nous n'en sommes pas. Je vais céder la parole à M. LeClair.

Le président : Au cas où j'oublierais de vous le dire, monsieur le ministre, le sénateur St. Germain m'a dit qu'il serait ici ce soir s'il pouvait se libérer. Il y a eu confusion lorsque nous avons quitté le Sénat, alors je ne sais pas s'il pourra venir.

Marc LeClair, conseiller national du ministre de la Santé, Ralliement national des Métis : En écoutant la Dre Bartlett, je me suis rappelé l'ancien premier ministre Trudeau qui parlait du multiculturalisme. Il disait que le sentiment d'identité canadienne était étroitement lié à l'identité personnelle, qui à son tour était liée au groupe culturel de chaque individu.

La Dre Bartlett nous dit que c'est important pour la santé de la population et qu'on peut appliquer ce concept à d'autres groupes culturels au Canada afin d'améliorer leur état de santé. Nous devons porter attention à l'identité et au renforcement des moyens d'action. Toutes ces choses ont été abordées dans l'exposé de la Dre Bartlett.

Je vais vous présenter un outil sur lequel nous travaillons — il est loin d'être achevé — concernant la santé de la population ainsi qu'une théorie à ce sujet. Nous avons fait quelques faux pas, parce que nous avons essayé d'analyser le plus de données possibles qui étaient disponibles sur la santé des Métis au Canada.

Nous avons constaté que, dans le système de soins de santé, c'est parfois comme si vous commenciez à... certaines idées surgissent. On croyait notamment qu'il n'y avait aucune donnée sur les Métis. En fait, à compter de 1990, Statistique Canada a recueilli beaucoup de données sur les Métis, mais personne ne les a analysées parce que personne n'assume l'entière responsabilité de la santé des Métis. Nous avons donc une foule de données, et nous allons vous en présenter un aperçu ici. Nous sommes en train d'enrichir ce portail, mais permettez-moi de vous parler de la théorie sous-jacente.

Ceci est cohérent avec d'autres modèles de santé des populations et vient en grande partie du cadre de reddition de comptes sur la santé des Autochtones. Nous voyons que la santé et le bien-être des Métis... Nous mesurons leur bien- être physique, mental et émotionnel. Ces facteurs et les indicateurs de la santé sont façonnés par ces grands ensembles de déterminants de la santé. Quel est notre environnement social? À quoi ressemble notre milieu physique? Quelles possibilités économiques avons-nous? Quels sont nos niveaux de revenu? Quels sont nos taux de participation au marché du travail? Avons-nous accès à des soins de santé? Nous savons qu'il s'agit d'un problème pour les Canadiens en général dans l'arrière-pays. Avons-nous accès à une formation continue et à des soutiens, y compris des soutiens individuels? Quelles habitudes de vie avons-nous autour de nous qui contribuent à la santé d'une personne — capacité de réagir, spiritualité, et cetera? Comme la Dre Bartlett l'a souligné, la gouvernance joue un rôle important dans l'indépendance d'une personne.

Toutes ces choses façonnent notre santé et notre bien-être et devraient aussi façonner nos besoins.

Il y a un autre aspect, qui est l'élément démographique, la structure d'âge de notre population. Nous avons constaté que même si nous sommes une population très jeune, nous vieillissons. Ensemble, le vieillissement de la population et le piètre bilan de santé font augmenter les taux d'utilisation des services de soins, ce qui influe sur les coûts du système de soins de santé qu'on ne peut plus soutenir. On a pu nous ignorer par le passé, mais nous sommes très nombreux maintenant. Dans l'ouest du Canada, nous sommes près de 300 000 personnes, ou même davantage. Ce chiffre augmente à mesure que les gens refusent d'être marginalisés et s'identifient davantage, ce qui est sain. Ce n'est pas une mauvaise chose. Votre comité examine les structures en place pour améliorer la situation, c'est-à-dire réduire les taux d'utilisation et avoir une population en meilleure santé.

Nous avons tous ces facteurs sur lesquels nous faisons des recherches et derrière chacun de ces boutons se trouvent les données que nous avons. La Dre Bartlett en a parlé un peu. Nous enrichissons notre banque pour obtenir des données chronologiques. Il s'agit d'un outil novateur. Il y a une interface graphique et une banque de données. Santé Canada s'intéresse beaucoup à la chose, de même que Statistique Canada parce que c'est une façon de raconter une histoire. Ce programme de commandites est l'histoire de la santé d'une population.

Tous ces facteurs devraient influer sur nos besoins en matière de santé et de bien-être. Dans ces domaines, nous travaillons sur le diabète, la santé, les ressources humaines, notre capacité à prévenir le suicide et, pour la première année, le cancer. Nous essayons de voir ce qui se passe dans les autres secteurs. Lorsque nous aurons défini les besoins, nos données devraient aider les deux paliers de gouvernement à concevoir un programme.

En ce qui a trait aux programmes et aux services de santé et de bien-être, toute cette recherche, cette capacité que nous devons développer et mieux connaître, nous devons transmettre cette connaissance pour faciliter la conception d'un programme. Puis nous devons répondre aux questions suivantes : de quel type de programme s'agit-il? Quelle est la portée des programmes? Quelle est leur efficacité — puisque ces programmes visent ces grands déterminants de la santé? Il y a un cercle. Vous pouvez vous en approcher et vous en éloigner.

Votre étude porte sur les liens entre ces grands déterminants. Comment influent-ils sur l'état de santé? Quel est le système de soutien que nous avons en place, y compris notre capacité d'analyser les besoins pour que nous puissions mieux concevoir nos programmes et services?

Derrière ces choses, nous dressons la liste des programmes nationaux et provinciaux. Nous essayons de comprendre l'infrastructure des programmes. Nous les avons recensés jusqu'au niveau des centres hospitaliers, des offices régionaux de santé.

Il s'agit d'un portail dynamique qui présente beaucoup d'information, mais nous dit-il quelles sont les prochaines étapes? Il nous donne un aperçu de la direction que nous devons prendre.

Nous avons appris, au cours des deux dernières années, que si nous ne faisons rien, personne d'autre ne le fera pour nous. Nous devons avoir la capacité— c'est notre première recommandation — de continuer de faire cela à long terme. Nous avons des problèmes avec les provinces, il n'y a aucun doute à ce sujet. Santé Canada le sait. Certaines provinces sont meilleures que d'autres.

Si vous regardez les systèmes de soins de santé mis en place par les provinces à l'intention de la population autochtone, même dans les provinces de l'Ouest où la population est nombreuse, les ministères provinciaux de la Santé y auront affecté une, deux ou trois personnes. Elles auront investi des sommes d'argent précises, non pas pour les Métis, mais seulement pour les Autochtones — quelque millions de dollars ici et là. Il y a très peu d'engagement au niveau de l'office régional de la santé où l'argent est dépensé. Il est très difficile d'avoir une influence sur la façon dont on essaie de régler des problèmes qui sont criants.

Il faut s'attaquer de toute urgence aux problèmes que l'on peut prévenir : le syndrome d'alcoolisation fœtale, les manifestations d'alcoolisme fœtal, et cetera. Ces problèmes peuvent être évités. Si vous ne vous en occupez pas, vous avez un problème permanent. Ce sont des soins de longue durée, et cetera. Il s'agit de changer les comportements.

Dans quelle mesure pouvons-nous le faire? Il y a deux ans, nous étions très peu en mesure de changer les comportements. Nous avions un très petit rôle à jouer dans la promotion de la santé et ce genre de choses. Nous devons agir de toute urgence dans un certain nombre de domaines. Les soins de longue durée pour les aînés ne sont pas intégrés dans le système de soins de santé. Ce problème prend de l'ampleur. Les provinces ne tiennent pas compte de nous dans la planification de ces installations. Le syndrome d'alcoolisation fœtale, toutes ces dépendances augmentent à un rythme effarant. Nous voulons acquérir cette capacité et jouer un rôle dans la promotion de la santé. Nous devons influencer la population et changer les comportements. Nous pouvons faire ces choses.

Nous n'allons pas créer, comme le ministre Chartrand l'a dit, un système distinct, mais nous devons avoir une perspective distincte et mettre en œuvre des initiatives de promotion de la santé très énergiques à l'intention des Métis. Les Premières nations vous diront probablement que ces initiatives doivent viser spécialement les Premières nations; elles parleront pour elles-mêmes.

Santé Canada a pris des mesures à compter de 2004 et a beaucoup de difficultés à faire face aux pressions exercées sur le système en place et à régler les problèmes des Premières nations.

Nous avons été chanceux, j'imagine. En 2004, le premier ministre du Canada et les premiers ministres provinciaux se sont engagés à investir 700 millions de dollars de plus dans des initiatives visant la santé des Autochtones, dont nous obtenons maintenant une petite part pour laquelle nous sommes reconnaissants. Il s'agit d'un programme de trois ans. Il a fallu attendre quelques années en raison de la situation minoritaire du gouvernement, des projets de loi de crédits et d'autres mesures nécessaires pour débloquer les sommes promises. Nous mettons les choses en place le plus rapidement possible, mais ce qu'il faut comprendre, c'est que nous avons besoin d'un engagement à long terme.

M. Chartrand : Si je peux conclure, à titre de dirigeant de l'Ouest, je suis parfois très offusqué lorsqu'on dit que des sommes suffisantes sont consacrées aux Autochtones. Il n'y a pas très longtemps, le ministre a fait les nouvelles nationales quand il a affirmé que 10,9 milliards de dollars étaient consacrés aux peuples autochtones. Permettez-moi de vous dire que moins de 1 p. 100 de cette somme est remise aux Métis. Nous avons fait une analyse rapide l'an dernier. Les Métis ont payé des impôts fédéraux de l'ordre de 531 millions de dollars et ont reçu moins de 1 p. 100 de l'argent annoncé. Des sommes sont consenties aux Autochtones, mais elles n'arrivent pas jusqu'à nous.

Au bout du compte — vous en conviendrez avec moi — je suis toujours un Canadien. Je vais encore avoir recours aux hôpitaux, aux médecins et aux institutions et infrastructures de notre pays.

Si vous ne tenez pas compte de notre peuple et de notre situation, des effets se feront sentir. En parlant des déterminants sociaux et de nos modes de vie traditionnels, un phénomène accablant se produit à l'heure actuelle dans l'Ouest du Canada. Nos pêches commerciales sont en déclin. Plus de la moitié des travailleurs de cette industrie sont des Métis. De grandes entreprises américaines mettent la main sur nos industries forestières. Nos petites entreprises ont disparu de cette région. Le trappage a disparu. Le tourisme est en chute libre parce que la pêche et la chasse diminuent, ce qui affecte nos collectivités.

Comme nos moteurs économiques s'effondrent, les problèmes sociaux font surface et prennent de l'ampleur. Auparavant, nous avons réussi à nous occuper de nous-mêmes parce que nous sommes un peuple entreprenant et travailleur, mais nous arrivons à un point où le fait de laisser les Métis à leur sort pendant que les deux paliers de gouvernement débattent de leurs secteurs de compétence aura des répercussions sur tous les Canadiens.

Oubliez la question des droits pour un instant. Allez-vous asseoir avec les Métis. Dans la constitution du pays, nous avons des protections, mais chose plus importante, demandez quels sont les enjeux. Personne ne peut vous dire que je connais chaque situation que vit mon peuple au Manitoba, où je suis le président — le vice-président à l'échelle nationale —, mais je peux vous dire que personne ne vous a parlé des excellents niveaux d'éducation que nos enfants ont atteints. Dites-nous combien de personnes ont des maladies chroniques dans une maison donnée. Quelles sont les maladies que l'on trouve dans cette maison? Quels sont les emplois? Quel est le revenu de cette collectivité? Il serait utile de faire davantage d'études approfondies de cette nature.

On dit que les gouvernements vont présenter des plans de dix ans dans le domaine de l'éducation. Comment pouvez- vous avoir un plan décennal pour mon peuple alors que vous ne savez pas dans quelle situation et dans quel état il se trouve? Au moins, les Premières nations documentent tout, parce que la province envoie la facture à Ottawa. Il y a une raison pour laquelle elles doivent étiqueter chaque service et possibilité qui découle de cette relation. Pour nous, vaut mieux ne rien dire sur la façon dont vous me servez parce que vous allez blâmer les autres et dire que ce sont eux les responsables.

Nous, les Métis, nous nous trouvons dans une situation difficile. Je suis un dirigeant politique depuis 1988. Depuis plusieurs années, je rends visite à mes collectivités, non seulement au Manitoba mais partout dans l'ouest, et c'est la première fois que je ressens cette peur à l'intérieur de moi, que je crains pour l'avenir non seulement des personnes âgées, mais aussi des personnes de mon âge. Imaginez ce qui arrive à la génération qui nous suit. S'il n'y a plus d'emploi, que se passera-t-il? Nous avons toujours travaillé et payé des impôts. Je crois qu'il faut le faire. Je déplore toutefois que personne ne veule me donner un service parce qu'on craint de se retrouver dans un secteur de compétence qu'on n'a pas ou d'avoir à assumer une responsabilité sous une forme quelconque.

Je dis toujours aux ministres : « Je peux me trouver au milieu d'une forêt au Manitoba et vous saurez me trouver pour que je paie mes impôts, mais si je demande un service, vous ne viendrez à ma recherche pour m'offrir ce service. »

Sénateur Keon, vous avez un rôle important à titre de président du comité. Je vous encourage à examiner le dossier des Métis et, si possible, à défendre notre cause. Je crois que ces commissions et ces comités peuvent influencer le cours des choses. J'encourage les autres membres du comité à aider les Métis parce que nous ne savons pas à qui d'autre nous adresser. Nous allons continuer à faire connaître nos problèmes, mais nous avons besoin de quelqu'un pour nous aider.

Le président : Je peux vous assurer que vous prêchez à un converti. Si nous menons cette étude sur la santé des populations, c'est dans le but de pouvoir cibler des groupes dont la situation laisse à désirer. À la base, nous pouvons diviser la population canadienne en trois catégories pour ce qui est de la santé : ceux qui sont bien nantis et qui ont une bonne santé, que l'on retrouve dans les villes; ceux qui sont un peu moins bien nantis et pas en aussi bonne santé, qui vivent à la campagne; et les démunis dont la santé est très précaire, que l'on retrouve dans les secteurs les plus défavorisés. Nous voulons venir en aide à ces segments de la population qui, comparativement aux Canadiens moyens, ne semblent pas bénéficier de l'application des mêmes normes de santé.

Il arrive que ce soit chose facile. Lorsque nous aurons mené à terme cette étude et formulé nos recommandations pour produire des résultats et vous donner accès à des services, lorsqu'il nous est possible de dégager des modèles communautaires, la tâche est relativement aisée. Vous êtes toutefois confrontés à un problème vraiment complexe étant donné votre population plutôt éparpillée ce qui fait que, d'après ce que je peux constater actuellement, on ne retrouve pas ces regroupements de gens au sein des communautés. Nous en apprendrons un peu plus demain, et encore davantage au fil de notre étude. Nous allons collaborer avec vous afin de trouver un moyen de vous permettre d'agir directement sur place — c'est-à-dire de prendre en main votre propre destinée en matière de santé, nous l'espérons, et profiter de conditions de santé comparables à celles auxquelles le Canadien moyen a accès.

Avant que vous ne partiez — et je dois noter que la Dre Bartlett et M. LeClair seront des nôtre demain matin — je voudrais parler de nos méthodes de travail. Il s'agit essentiellement d'examiner la situation des groupes dont les résultats en matière de santé sont déficients et d'analyser les raisons d'un tel phénomène. Il existe 12 ou 13 déterminants de la santé. La capacité financière figure en tête de liste, suivie de l'éducation, du logement et de l'alimentation, dans cet ordre.

Notre rapport se distinguera des autres par notre volonté d'inciter le gouvernement à adopter une approche holistique de la situation. Autrement dit, il ne suffit pas de diagnostiquer un problème d'amygdales, il faut chercher à en connaître les causes, à savoir, notamment, s'il peut provenir d'une mauvaise alimentation ou d'un logement insalubre. C'est dans cette optique que nous souhaitons formuler nos recommandations.

Je suis en train d'empiéter sur le temps à la disposition des autres sénateurs. Je veux profiter de votre présence pour savoir comment nous pourrions appliquer nos méthodologies à la situation des Métis. Le sénateur St. Germain m'est d'un grand secours à cet égard; je discute beaucoup avec lui. Par exemple, dans le cas des Autochtones, nous pouvons nous rendre à Iqaluit ou sur l'Île de Baffin; nous pouvons voir comment les choses se passent et discuter d'un mécanisme local pour offrir des services sociaux et de santé à ces populations. Dans le cas des Métis, je me demande toutefois ce que vous pourriez nous recommander quant à la manière pour vous de prendre ainsi en main les destinées de vos gens.

M. Chartrand : Voici ce que je peux vous dire à ce sujet. La structure de gouvernance des Métis est très solide dans l'Ouest. Ainsi, je m'enorgueillis du fait que nous sommes le seul regroupement autochtone au Canada dont les dirigeants sont élus à l'échelle provinciale par scrutin démocratique. Pour ma part, je dois faire campagne dans les 80 communautés de toute la province. Nous savons généralement quelles sont les communautés métisses les plus peuplées et celles où on peut constater que les Métis sont majoritaires, et non minoritaires. Nous connaissons aussi les collectivités où ils sont minoritaires et la façon de faire les choses dans ces cas particuliers. La structure de gouvernance est l'une des avenues possibles. Comme l'a souligné la Dre Bartlett, la gouvernance joue un rôle fondamental au sein de la nation métisse. Nos représentants élus et nos intervenants viennent directement de la communauté. C'est à l'échelon même de celle-ci qu'est gérée notre infrastructure locale de gouvernance et de prestation des programmes et des services.

Notre développement des ressources humaines, que nous effectuons en partenariat avec le Canada, en est un bon exemple. C'est au cœur même de la communauté que sont prises les décisions quant aux personnes qui recevront de la formation, aux méthodes utilisées et aux compétences à acquérir. Qui sont les mieux placés pour prendre de telles décisions? Les gens qui vivent dans la communauté.

Pour ce qui est du logement, par exemple, aucune maison n'a été construite dans une communauté métisse depuis plus de 10 ans. Au Manitoba, nous avons pu finalement obtenir la construction de quatre maisons, mais notre liste d'attente compte parfois jusqu'à 200 familles. J'ai assisté à des réunions où des familles en sont littéralement venues aux coups pour obtenir une maison devenue vacante. C'est le régime de logement social que le Canada a mis sur pied au fil des ans.

Les Premières nations ont droit à tout mon respect et à mes meilleurs vœux. Les Métis ne manquent toutefois pas de regarder du côté des communautés des Premières nations pour voir des maisons y être érigées, alors que rien n'est fait pour eux. Le surpeuplement continue. Ce phénomène a bien évidemment différentes répercussions. À l'instar de la Dre Bartlett au Manitoba, je m'efforce notamment d'établir un processus plus soutenu aux fins de la cueillette des données nécessaires. Je voudrais que l'on puisse compter sur un système provincial d'accès direct aux données en temps réel.

Je veux visiter chacun des foyers afin d'obtenir tous les renseignements possibles sur les personnes qui y vivent. Je veux savoir combien il y a d'enfants. Je veux connaître le revenu du ménage. Je veux savoir si certains ont des maladies chroniques. Je veux connaître les emplois occupés et le niveau de scolarité. Lorsque vient le temps d'élaborer un plan concret, je ne peux pas compter sur de telles données; je suis président et je n'ai pas ces renseignements concernant les gens que je représente car je ne dispose pas des moyens financiers pour procéder à une telle cueillette d'information. Cela coûterait plusieurs millions de dollars, mais on préfère économiser ces sommes. Personne ne veut recueillir l'information nous concernant. Je peux vous en assurer. Le Canada ne veut pas avoir à reconnaître ces faits, pas plus que la province, car on devrait alors prendre des mesures en conséquence. En compilant de telles données, on peut ensuite informer les gens. À l'heure actuelle, les chiffres de Statistique Canada viennent exclusivement d'estimations. Personne ne se rend directement au sein des communautés pour obtenir enfin un portrait fidèle de la situation.

Je dirais que c'est la chose à faire en priorité. Sans cela, aussi bien saupoudrer notre argent au gré du vent parce qu'on ne sait pas vraiment où on s'en va. Il nous faut cibler des priorités pour l'investissement de ces sommes. Des recherches plus approfondies s'imposent. Il ne suffit pas de se lever pour déclarer que le diabète est un problème — c'est d'ailleurs un problème important actuellement dans tout l'Ouest canadien.

Je vais vous donner un exemple des difficultés que nous éprouvons. Certains de nos aînés parviennent à se faufiler dans ces fourgonnettes qui offrent du transport à partir des réserves. Les gens de la réserve ne m'appellent pas pour se plaindre et demander un remboursement parce qu'un de mes aînés métis a profité d'un tel transport, étant donné qu'il n'avait pas les moyens de se rendre à son traitement de dialyse. S'ils utilisent clandestinement ces services, c'est parce qu'ils n'ont pas d'argent. Bon nombre des aînés vivent uniquement de leur pension de sécurité de la vieillesse, que nous devons nous-mêmes financer. Ils doivent se rendre à la ville la plus rapprochée pour leurs traitements de dialyse. Certains équipements sont mis en place dans les collectivités des Premières nations, une initiative que je trouve également fort louable, mais nous n'y avons pas accès.

Lorsqu'on examine la situation démographique de notre peuple, je peux certes vous assurer que nous pouvons compter sur un système de gouvernance très solide. Il vous suffit de collaborer avec les dirigeants métis pour être à même de le constater. Donnez-nous les moyens de mener des recherches plus approfondies et d'obtenir les réponses à nos questions de telle sorte que les priorités soient bien établies lorsque le gouvernement décidera d'investir d'une façon régulière pour nous soutenir financièrement. Nous devons développer nos systèmes d'éducation et être capables de cibler les secteurs où il faut investir en priorité. Si vous décidez que l'argent doit aller d'abord au problème du diabète sans que nos difficultés n'aient été aplanies, vous ne réglerez rien du tout parce que les gens n'auront pas d'argent pour acheter les aliments qui leur conviennent.

Je vais vous donner un exemple tiré du Manitoba. Je me suis beaucoup réjoui lorsque notre ministre des Affaires autochtones a annoncé la création d'un jardin pour les Autochtones du Nord. Ce n'est pas ma communauté qui en a bénéficié, mais bien les Premières nations. En ma qualité de Manitobain, de descendant des fondateurs de la province, de contribuable et de défenseur des droits des Métis, j'étais furieux de constater que cette initiative ne permettrait pas aux gens de ma communauté de mieux s'alimenter en ayant accès à des produits plus nutritifs. Nous n'avions même pas notre propre magasin. Alors, vous pouvez vous imaginer. Il y a 800 personnes dans la communauté. Comment peuvent-elles avoir accès à des légumes et à des aliments sains? C'est tout simplement impossible. On consomme donc des aliments bon marché. C'est ce qui est à l'origine de bon nombre des problèmes. D'un point de vue économique, nous ne pourrions pas nous le permettre de toute manière, mais il n'existe aucun programme d'aide à cet égard.

C'est un aspect qui soulève beaucoup de passion chez moi, mais je dois faire de mon mieux pour encourager une amélioration des capacités de recherche et d'investissement comme l'indiquait M. LeClair, en passant toutefois assurément par nos structures de gouvernance. Ce sera un gage de réussite, car nous devons rendre compte de chaque dollar utilisé. Je ne crains aucunement cette obligation de responsabilisation. On peut bien venir vérifier nos livres jusqu'à n'y voir plus clair; je n'ai absolument aucune crainte.

Le sénateur Cook : Je suis de la province de Terre-Neuve-et-Labrador. Je crois que la nation métisse du Labrador ne relève pas de votre gouvernance.

M. Chartrand : Non, et nous avons en fait établi très clairement que la nation métisse a ses bases dans l'Ouest canadien comme l'Histoire en témoigne.

Le sénateur Cook : Qui s'occupe alors des Métis du Labrador?

M. Chartrand : Ils font partie du groupe des Inuits; ils sont issus d'un mélange de sang avec les Inuits ou avec une Première nation quelconque. À notre avis, ils sont représentés par un groupe organisé qui est en contact avec le gouvernement. Ils se qualifient de Métis en s'appuyant sur la définition même de ce terme qui signifie sang mêlé. C'est ainsi qu'ils se définissent, mais nous, Métis, formons une nation qui tire ses origines de l'Ouest canadien et qui s'y est développée.

Le président : Ils parlent l'inuktitut, n'est-ce pas?

M. Chartrand : Je crois que oui.

Le sénateur Cook : Non. Ils sont de William's Harbour. C'est un député, Todd Russell, qui est à la tête de la nation métisse.

M. Chartrand : Todd Russell, oui. Le point de vue officiel du Ralliement national des Métis est que nous formons une nation implantée dans l'Ouest canadien. Les Métis du Labrador ont des relations avec le Canada, mais dans un contexte différent. Le drapeau arborant le symbole de l'infini représente deux nations qui unissent leurs destinées à jamais. Ce drapeau a été vu pour la première fois lors de la Bataille des Sept-Chênes en 1816. Comme nous avons gagné cette bataille, on l'a qualifiée de massacre. Si nous avions perdu, nos adversaires auraient parlé d'une grande victoire. Il est important que notre culture s'exprime désormais fièrement dans toutes les sphères de la société et prenne de plus en plus de place.

Je vous remercie très sincèrement de m'avoir permis de comparaître devant vous aujourd'hui.

Le président : J'ai occupé le haut du pavé dans cette discussion, honorables sénateurs. Ces deux témoins reviendront devant nous demain, mais n'hésitez pas à éclaircir certains points dès ce soir, si vous le désirez.

Sénateur Cook, j'apprécierais que vous poursuiviez dans le sens de votre dernière intervention. J'ai vécu il y a quelques années une expérience qui n'avait rien à voir avec mes fonctions de sénateur. Je crois que c'était même avant que je ne sois nommé au Sénat. Je venais en aide aux gens de l'Île de Baffin et, à l'époque, les Territoires du Nord-Ouest ont obtenu une connexion électronique vers le sud du Canada aux fins, notamment, de la télémédecine. J'ai soulevé la question des langues pour me faire répondre qu'il y avait dans la région quelques francophones, mais qu'on parlait surtout l'anglais et l'inuktitut. Ainsi, une traduction de l'inuktitut à l'anglais pouvait permettre à tout le monde de se débrouiller. Comme à son habitude, le sénateur Cook m'a un peu ramené dans le droit chemin. J'avais probablement la mauvaise impression. Pourriez-vous nous apporter des éclaircissements?

M. LeClair : Je ne sais pas grand chose au sujet de ce groupe, mais il existe effectivement une entité qui s'identifie comme métisse et qui nourrit un certain sentiment nationaliste.

Le sénateur Cook : Il s'agit d'une communauté au sud de Cartwright.

M. LeClair : C'est un groupe important quoique restreint, mais nous sommes quelque peu différents.

Le sénateur Cook : Vous êtes une nation et ils forment un groupe. Ils dépendent des services offerts par la province. C'est le gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador qui s'occupe de leur santé, de leur bien-être et de leur éducation. C'est de cette façon que l'on satisfait à leurs besoins.

M. LeClair : J'aurais toutefois tendance à croire qu'eux-mêmes vous diront que l'on n'en fait pas suffisamment pour eux.

Je veux revenir à la question que vous avez posée à M. Chartrand, monsieur le président. Notre population est dispersée sur le territoire, mais il existe tout de même d'importantes zones de concentration dont la Dre Bartlett vous a parlé. On retrouve environ 70 p. 100 de notre population dans cinq ou six grandes villes de l'Ouest canadien et nous avons également un groupe dans l'arrière-pays. M. Chartrand voulait surtout faire valoir qu'il y a une structure politique en place. Des dirigeants politiques sont démocratiquement élus et un réseau de prestation des services est en place à l'échelle provinciale. Par exemple, au Manitoba, un budget de 14 ou 15 millions de dollars est réparti entre l'ensemble des régions pour régler les problèmes d'emploi et de formation. Nous venons tout juste de conclure un accord avec Santé Canada pour l'octroi de bourses aux étudiants métis dans le domaine de la santé. Les sommes sont prévues à cette fin pour chacune des provinces, ainsi que pour chaque région, de manière à ce que tous puissent en bénéficier.

Ce n'est pas comme si rien n'était fait; nous parlons d'un investissement global dans les secteurs très significatifs de l'emploi et de la formation au montant total de quelque 50 millions de dollars pour les cinq provinces. La somme peut paraître considérable, mais il y a beaucoup de gens à aider et la situation est telle que décrite par la Dre Bartlett.

Le sénateur St-Germain avait raison de parler de développement économique. Comme j'ai pu le constater à la lecture du rapport du Comité des peuples autochtones, il existe à ce chapitre depuis une quinzaine d'années des recommandations récurrentes en matière de création d'emplois et de développement économique. Les mêmes recommandations reviennent sans cesse sur le tapis, mais très peu d'efforts sont consentis pour y donner suite. C'est une situation que nous pouvons déplorer, peu importe le gouvernement au pouvoir. Nous n'avons pas encore vraiment fait le nécessaire quant à la recommandation principale de la Commission royale sur les peuples autochtones qui voulait que nous mettions les gens au travail pour leur permettre de s'assurer un revenu. C'est avec des initiatives en ce sens que nous pourrions vraiment faire changer les choses.

Pour notre part, les dix millions de dollars à notre disposition pour trois ans représentent le montant total des bourses d'études auxquelles nous avons accès. Nous avons essayé de puiser dans les budgets de quelques-uns de nos autres programmes pour pouvoir verser quelques bourses supplémentaires, mais le Canada et les provinces n'investissent pas dans l'éducation des Métis au niveau postsecondaire. Nous sommes très reconnaissants de l'aide qui est offerte, mais elle ne suffit aucunement à répondre aux besoins de notre population. Le Fonds des bourses d'étude du millénaire offre une aide qui est la bienvenue, mais il en faudrait bien davantage. Les statistiques montrent bien que nous ne sommes pas présents dans ces établissements dans la mesure où nous devrions l'être.

Ce qui est vraiment déplorable c'est que notre taux d'achèvement des études secondaires est meilleur que celui des Premières nations, mais que nous sommes moins représentés que celles-ci dans les établissements d'enseignement supérieur. Le Canada ne pourra jamais faire un meilleur investissement que celui qu'il consentira pour soutenir notre population.

Le sénateur Cochrane : Pourquoi les gens de votre peuple se distinguent-ils à ce point pour ce qui est de l'éducation? Vous obtenez d'excellents résultats quant à l'éducation de vos enfants, aux études universitaires et à l'apprentissage des métiers, ce qui ne semble pas être le cas des autres groupes. Que faites-vous de différent pour appuyer vos enfants?

M. LeClair : La Dre Bartlett voudra peut-être répondre à cette question. C'est d'ailleurs une très bonne question. La culture de l'apprentissage semble mieux ancrée et il y a davantage de transfert générationnel. Nous avons été actifs sur le marché du travail. Mon père, par exemple, travaillait dans les mines. Ce travail nous a permis d'avoir accès à des emplois d'été. Les jeunes qui vivaient un peu plus loin, dans la réserve, ne pouvaient obtenir ces emplois d'été étant donné que leurs parents ne travaillaient pas dans les mines.

Le sénateur Cochrane : Parlez-vous d'un encouragement à travailler de la part des parents?

M. LeClair : Tout à fait. Par ailleurs, malgré cette volonté de travailler bien présente, nous n'avons pas pu bénéficier pleinement des perspectives économiques que notre pays offre à un si grand nombre de ses citoyens. Si les indicateurs sont mauvais à ce point dans de si nombreux secteurs, c'est parce que nous n'avons pas pu avoir accès au capital et que la dissémination de notre population en raison des lacunes des politiques relatives aux revendications territoriales — il n'y a pas si longtemps, cent ans à peine— nous a mis dans l'obligation de louer nos propres terres. Par conséquent, l'impossibilité de transmettre, comme le font la plupart des gens, les fruits d'une carrière réussie à ses enfants et ses petits-enfants a un effet cumulatif au fil des générations, ce qui fait que des populations ne s'en tirent pas aussi bien qu'elles le pourraient, malgré leur attitude favorable.

Un partisan de l'extrême droite pourrait faire valoir qu'ils se tirent mieux d'affaire que les autres sans avoir de lien avec le gouvernement fédéral et conclure ainsi que la solution réside dans l'absence de tels liens. Comme la Dre Bartlett l'a souligné, cette façon de voir les choses pose problème. Il suffit de constater que 70 p. 100 d'entre nous vivons en milieu urbain, ce qui nous met à l'abri des obstacles économiques que doivent surmonter les Premières nations en raison de leur isolement, mais que nos conditions de vie sont toutes aussi mauvaises. C'est une situation tragique. Nous ne sommes pas venus ici pour étaler notre pauvreté. Nous sommes là pour essayer d'y voir plus clair et de cerner les possibilités de mieux faire.

Le président : Pourrait-on dire que votre situation est comparable à celle de certains autres Autochtones vivant hors réserve?

M. LeClair : Comme la Dre Bartlett l'a indiqué, nous formons presque la majorité de la population hors réserve. Il y a deux générations de membres des Premières nations ou d'Indiens inscrits qui vivent hors réserve. Selon les indications fournies par le gouvernement, quelque 100 000 membres des Premières nations ont vécu en dehors des réserves pendant une certaine période en raison des politiques des années 1960. Ils sont revenus, mais vivent toujours hors réserve à cause de l'impossibilité d'y trouver un logement. Et voilà que la population d'Indiens inscrits vit une véritable hémorragie avec l'application de la règle mère-grand-mère du projet de loi C-31 qui fait soudainement perdre leur statut à bon nombre d'entre eux.

Il y a donc toutes ces nuances dans la composition de la population, mais on peut affirmer, d'une manière générale, que nous formons la population hors réserve.

Le sénateur Cochrane : Les Métis sont au nombre de 300 000, n'est-ce pas?

M. LeClair : Oui, approximativement.

Le sénateur Cochrane : Et quelque 23 000 vivent à l'extérieur de la communauté, en milieu urbain?

M. LeClair : C'est le chiffre pour Winnipeg seulement.

Le sénateur Cochrane : Ce n'est pas pour l'ensemble du Manitoba?

M. LeClair : Non, au Manitoba ce nombre est beaucoup plus élevé. Il se situe à 66 000.

Le sénateur Cochrane : Les autres vivent en Saskatchewan et en Alberta?

M. LeClair : Oui. Environ les deux tiers de notre population se trouvent dans les provinces des Prairies.

Le sénateur Cochrane : Vous parlez donc de ces trois provinces?

M. LeClair : Oui, ainsi que de l'Ontario et de la Colombie-Britannique. Nous avons vécu des migrations importantes. Nos racines sont dans le nord-ouest, surtout dans le nord-ouest de l'Ontario. Avec l'expansion du commerce des fourrures et le développement de l'Ouest, nous nous sommes déplacés vers ces secteurs jusqu'à la vallée du Mackenzie, parce que c'est là que le commerce se faisait de plus en plus, et jusqu'au district de la rivière de la Paix en Colombie-Britannique. Ce sont là nos frontières historiques.

Depuis lors, les Métis sont allés s'installer dans les basses terres continentales de la Colombie-Britannique. Nous avons eu également des déplacements vers l'est, mais c'est du côté ouest que s'effectuent les migrations principales. Cette population se situe dans le nord de l'Ontario, jusque dans le corridor du Canada central. Dans les forêts boréales, l'arrière-pays compte une population importante. Comme M. Chartrand l'a mentionné, la population rurale se tire généralement moins bien d'affaire que les communautés en milieu urbain. La situation est assez semblable à celle des Premières nations des régions nordiques, sauf qu'on est également privé de l'accès à des services adéquats.

Le sénateur Cochrane : Nous avons cela partout au Canada, dans ma province. C'est quelque chose que nous devons tous vaincre.

Permettez-moi alors de vous poser cette question. Est-ce que les différences au niveau des résultats sur le plan de la santé entre la population des établissements et les autres groupes métis ont été mesurées?

M. LeClair : Les établissements de métis en Alberta?

Le sénateur Cochrane : Oui.

M. LeClair : Nous vous communiquerons ces renseignements plus tard. À ma connaissance, il y a très peu de différence entre les deux groupes de santé de la population dans ces établissements et en Alberta.

Le sénateur Cochrane : Je voudrais parler du développement de l'emploi et des possibilités d'emploi pour les métis. Pensez-vous être victime de discrimination pour obtenir un emploi parce que vous êtes métis?

M. LeClair : Je pense que cela est de moins en moins fréquent. Les mentalités ont beaucoup évolué au Canada. Ce n'était pas le cas pour la génération de mon père. Les gens de ma génération subissent encore un peu de discrimination. J'espère qu'il y en aura de moins en moins pour mes enfants.

Rappelez-vous que nous sommes principalement originaires de l'Ouest du Canada, nous étions, avec les Premières nations, les seules minorités visibles dans l'Ouest canadien jusqu'à tout récemment. Au fur et à mesure qu'il y a plus de personnes basanées, la discrimination diminue et l'acceptation des autres augmente. Je pense que de manière générale une maturité s'instaure dans les esprits au Canada.

Le sénateur Cochrane : Est-ce que les jeunes qui vont dans les zones urbaines pour suivre des études, s'épanouir, et cetera, reviennent dans les zones rurales pour aider les autres métis?

M. LeClair : Parfois.

Le sénateur Cochrane : Ils ne retournent généralement pas?

M. LeClair : C'est comme la dépopulation des zones rurales au Canada. Plusieurs éléments entrent en jeu. Il y a moins de possibilités d'emploi et c'est une sorte de spirale autorenforçante.

Beaucoup de collectivités métisses cherchaient à établir des partenariats avec certaines grandes entreprises qui utilisent des centres d'appels. Nous voulions savoir si nous pouvions construire des centres d'appels afin d'introduire la technologie en zone rurale, parce que les gens ne partiront pas et ils sont prêts à travailler. Ils travailleront parce qu'ils ne veulent pas aller vivre dans la ville. Un grand nombre de collectivités font cela.

Le sénateur Cochrane : Cette semaine, j'ai reçu des représentants de l'industrie minière dans mon bureau. Leurs compagnies travaillent principalement dans cette région. Ils m'ont dit qu'ils recrutaient beaucoup de personnes de la région. Ils n'ont pas précisé si les travailleurs étaient des Métis, des Autochtones ou autres. Quelqu'un m'a dit que sa compagnie minière recrutait beaucoup de personnes de la région. Il y a des mines dans ces régions. Selon vous, y a-t-il suffisamment d'emplois dans ce secteur ou y en a-t-il très peu?

M. Leclair : Ces compagnies minières ont fait des progrès ces dernières années pour offrir des emplois aux populations locales et autochtones. Ils ont beaucoup de problèmes de recrutement et font beaucoup d'entrevues d'emploi.

Mais, étant donné l'emplacement géographique et le fait que la majorité de la population est autochtone dans ces régions, même si le pourcentage d'Autochtones est de 15 ou de 16 p. 100 à la mine d'Ekati dans les territoires du Nord- Ouest et de 16 ou de 17 p. 100 dans certaines mines d'uranium au nord, ces pourcentages restent insuffisants parce que la population est à 100 p. 100 autochtone dans ces régions.

Au Canada, l'approche envers l'équité en matière d'emploi est honteuse et nous constatons encore que dans les 600 principales entreprises au Canada, banques, compagnies de télécommunications et organismes de transport, les Autochtones ne comptent que pour 1,7 p. 100 des employés. Dans la fonction publique fédérale, où on note de nettes améliorations ces dernières années, le chiffre est de 3,9 p. 100. En Saskatchewan, au Manitoba ou en Alberta, toutes ces banques, toute l'équité en matière d'emploi qui doit être rapportée en vertu de la loi, vous n'avez qu'à visiter le site de Web de n'importe quelle entreprise. L'aéroport d'Ottawa a fait un énorme progrès l'année dernière en recrutant... un Autochtone. Savez-vous combien de fois nous utilisons cet aéroport? Savez-vous combien de fois le ministère des Affaires indiennes utilise cet aéroport? L'aéroport de Vancouver contient un grand nombre de très belles statues. Il y en a des centaines, je veux les compter un jour parce que le magazine Harper's a un catalogue; combien de sculptures autochtones sont exposées dans l'aéroport de Vancouver? Il pourrait bien avoir quelques centaines. Combien d'Autochtones travaillent à l'aéroport de Vancouver? Deux. Bienvenue au monde en 2010.

En visitant toutes ces collectivités de l'Ouest canadien, essayez de voir si un Autochtone est agent de bord, pilote, agent de la sécurité ou travaille dans un kiosque ou nettoie le plancher, vous n'en trouverez pas. Les chiffres sont scandaleux. C'est la situation dans l'industrie du transport aérien. La situation dans les banques ne peut pas être pire. La situation est meilleure dans l'industrie du transport car il y a un peu de camionnage. L'industrie des télécommunications affiche le pourcentage le plus bas : 1,3 p. 100.

Par conséquent, quand on parle des déterminants sociaux de la santé, on entend toujours dire, surtout dans les domaines réglementés par le gouvernement fédéral qu'il règlemente ces secteurs car ils ont un monopole et obtiennent un permis pour faire leur travail, donc nous pourrions avoir une influence à ce niveau, mais nous ne le faisons pas ». Tout ce que l'on entend, c'est : « Le secteur bancaire est en difficulté, le secteur des transports est en difficulté, donc nous ne pouvons pas recruter des Autochtones », mais les Autochtones sont les premiers licenciés dans ces secteurs et les 600 entreprises continuent d'exister. Ces secteurs comptent 625 000 employés, mais les Autochtones ne peuvent pas dépasser le pourcentage de 1,6 p. 100. Je ne sais pas pourquoi. WestJet enregistre un facteur de croissance énorme et n'a qu'une poignée d'employés autochtones.

Voilà les déterminants sociaux. Il ne s'agit pas d'investir dans des emplois pour les Autochtones ni de leur donner des possibilités économiques de monter une entreprise. Que diriez-vous de contacter directement les entreprises canadiennes et de leur demander d'offrir des emplois aux Canadiens autochtones? Nous ne sortirons pas de la crise actuelle sans l'engagement collectif des Canadiens et des entreprises canadiennes pour améliorer la situation. Cela n'arrivera pas. Ils se plaindront de l'élaboration de ce programme d'emploi ou de l'aide apportée à cette entreprise de familiale. Les choses ne fonctionnent pas ainsi.

L'approvisionnement est un autre secteur. Le gouvernement fédéral fait d'énormes achats de biens et de services. Il appuie 1 300 entreprises qui vendent des biens et des services à la fonction publique fédérale. La Loi sur l'équité en matière d'emploi exige de toutes ces entreprises qu'elles tiennent compte de l'équité en matière d'emploi, qu'elles planifient le recrutement d'Autochtones, de personnes appartenant à des minorités, de femmes et de personnes handicapées. Selon Fortune 500 Canada, elles ont fait de petits progrès.

Je regrette de revenir là-dessus, mais les déterminants sociaux portent sur un effort social collectif pour faire entrer les Autochtones dans l'économie canadienne et c'est une question d'offre et de demande.

Le président : Il faut commencer sur le terrain avec des programmes éducatifs, et cetera, afin qu'ils entrent dans le marché du travail avec des qualifications.

Le sénateur Pépin : Il est important de mentionner les étudiants universitaires et le travail. Nous savons que nous devons commencer par investir pour les enfants et aussi pour les femmes modernes.

[Français]

Quels sont les déterminants de la santé qui sont plus particuliers aux femmes métis? Quelle approche, en matière de santé de la population, serait pertinente aux femmes métis? Quels sont les manques à gagner et comment pourrait-on les combler?

[Traduction]

Dre Bartlett : Je le répète, je ne pense pas qu'il y ait de très bonnes statistiques. Je trouve qu'il est très difficile de ne pas connaître les faits car il est pratiquement impossible d'aborder cette question.

Il est important d'aborder les questions relatives aux femmes métisses, mais il est tout aussi important d'examiner les problèmes des hommes pour des raisons d'équilibre. De plus en plus de programmes commencent à se pencher sur la raison pour laquelle les hommes autochtones sont tellement privés de pouvoir. Donc, ce qui arrive d'habitude, dans n'importe quelle population, c'est que lorsque quelqu'un estime être tenu à l'écart du pouvoir, il ou elle s'en prend à quelqu'un d'autre.

Le sénateur Pépin : Je n'avais aucunement l'intention de faire preuve de discrimination. Je voyais les femmes métisses comme des mères qui s'occuperaient de leurs enfants. Quand nous parlons des enfants, que pouvons-nous faire pour améliorer leur santé? Que manque-t-il?

Dre Bartlett : Des mesures peuvent être bien sûr prises. De manière générale, l'approche est plus pan-autochtone afin d'éviter une spécificité métisse. Quand on pense à certains programmes d'éducation préscolaire tel que le projet Bon départ, comme je l'ai mentionné dans mon exposé, il est demandé à des particuliers et à des familles d'assister à des programmes qu'ils ne trouvent pas culturellement convaincants. C'est une confusion de plus, surtout quand des Métis s'installent dans des zones urbaines.

Je pense que nous avons besoin d'un programme de développement du jeune enfant particulier aux Métis. Dans l'un des programmes, à l'élaboration duquel j'ai participé, un programme Bon départ, le contact avec l'école de certaines familles participant au programme était le premier qu'elles n'avaient jamais eu. Ce qui est positif car le premier contact aurait pu avoir lieu dans le cas où leur enfant aurait eu des problèmes à l'école.

La documentation de Bon départ veut que si vous ne maintenez pas un certain rapport avec l'enfant entre le programme Bon départ et l'école, vous perdrez tous les avantages que vous aurez obtenus.

En fait, ce programme est à l'intention de toute la famille et pas seulement de l'enfant. Les familles doivent participer. Le critère de base étant que les parents sont les meilleurs enseignants pour leurs enfants.

En ce qui concerne les Métis, il faut commencer par avoir une spécificité culturelle métisse, parce qu'être obligé de vivre dans un environnement culturel qui n'est pas le sien ne fait qu'ajouter à la confusion.

M. LeClair : Un autre aspect de cette question est que, avant l'accord de Kelowna, nous avions accordé une très grande priorité au développement du jeune enfant car toutes les études révélaient l'importance des milieux d'apprentissage dans la réussite de l'enfant. Nous avons cherché le programme fédéral du développement du jeune enfant. Le gouvernement finance un certain nombre de sites. D'après les données, le nombre et les cohortes d'âge, il y a 16 000 enfants métis âgés de trois à cinq ans, or, nous avions environ 500 enfants dans ce programme.

Quand le gouvernement libéral l'a présenté, je me souviens que le sénateur Fairbarn et un sénateur de la Nouvelle- Écosse, le sénateur MacEachen, ont été les premiers à présenter le programme de développement du jeune enfant à l'extérieur des réserves. Il était supposé être mis en œuvre dans les zones urbaines. Aujourd'hui, on le trouve partout au pays. Si vous leur demandez de vous nommer un seul site de développement du jeune enfant métis, ils en seront incapables.

Nous commettions l'erreur de croire que nous abordions le problème alors que nous ne le faisions pas car il n'y avait pas suffisamment d'enfants et parce que nous en avions fait un programme national en ce qui concerne les Autochtones et avions chargé un comité de le suivre. C'est exactement ce qu'il ne faut pas faire. C'est la raison pour laquelle le ministre Chartrand est venu ici et vous a dit qu'il fallait être précis. Ce ne sont que des réalités liées au programme.

L'aspect négatif est que quelqu'un pense qu'ils sont en train de régler le problème de ces jeunes enfants alors qu'en fait il ne s'agit que de 5 p. 100 des enfants. C'est ridicule.

Le sénateur Cook : Quelle est la première langue parlée par votre population aujourd'hui? A-t-elle sa propre langue ou est-ce un mélange de langues? Quelle est la langue parlée par la majorité des Métis?

Dre Bartlett : Je crois que la majorité parle anglais aujourd'hui. Les études sur les langues indiquent un mélange de français et de langue indigène appelée michif qui connaît une renaissance, mais cette langue n'est parlée que par un petit nombre de personnes. Même au Manitoba, le nombre de personnes qui parlent français à la maison diminue régulièrement. Il y a une perte considérable de la langue. Ce problème continue et je pense qu'il continuera si on n'essaie pas vraiment de le résoudre.

La langue michif peut utiliser des mots d'origine cri, ojibwa, anglaise et française. Par conséquent, c'est une langue spécifique à des régions. Dans certaines régions, le michif a de fortes racines ojibwa. Dans les zones urbaines, les Métis parlent surtout l'anglais.

Le sénateur Cook : Mes questions n'ont aucun lien, mais ce sont celles qui me viennent à l'esprit à la fin d'une longue journée.

Le gouvernement fédéral n'a pas encore assumé la responsable constitutionnelle qu'il a envers votre peuple. Vos services de santé sont principalement de la responsabilité des gouvernements provinciaux. Est-ce exact?

M. LeClair : Oui. C'est la raison pour laquelle nous visons l'excellence. Il s'agit d'une responsabilité partagée et nous ne pouvons pas éviter les problèmes.

Le sénateur Cook : Aidez-moi à comprendre afin que nous sachions comment procéder pour vous fournir ce que nous essayons de vous offrir. Nous devons faire le lien avec la réalité de la gouvernance.

M. LeClair : Les institutions constitutionnelles du gouvernement pensent que les Métis ne sont pas juridiquement la responsabilité du gouvernement fédéral, mais elles nous aident parce que les Métis peuvent ne pas avoir des droits particuliers, mais ils ont des problèmes particuliers. C'est sur ce raisonnement qu'ils fonctionnent.

D'un autre côté, on se retrouve le bec dans l'eau. La province pense que les Métis sont de la responsabilité du gouvernement fédéral, mais elle fait certaines choses pour eux. Nous avons passé des décennies à la table des négociations constitutionnelles dans les années 1980 avec le premier ministre Mulroney et le premier ministre Martin. À la fin des discussions, nous avons conclu que tout le monde est responsable. Arrêtons de discuter sans fin pour se retrouver le bec dans l'eau. Il faut admettre qu'il y ait un contribuable, y compris nous, et qu'il y a quelques questions d'actualité qui, si elles ne sont pas réglées, augmenteront les taux d'utilisation et la pression exercée sur un système des soins de santé qui n'est déjà plus viable dans son format présent.

Nous devons trouver des solutions pour le système de soins de santé. Notre solution, celle que nous exhortons le comité d'accepter, est que la responsabilité est partagée. Nous devons renforcer les capacités ensemble pour régler les questions liées à la santé de la population métisse. Ces questions ne sont pas simplement liées à la santé; ce sont, en grande partie, des questions économiques. Nous devons oeuvrer ensemble pour trouver une solution qui assurera l'augmentation des niveaux de revenus et des offres d'emploi ainsi que l'amélioration de la participation du marché du travail.

Le sénateur Cook : Si je comprends bien, vous avez une proposition. Vous avez votre spiritualité et la façon dont vous vous approchez la vie pour la santé de votre peuple. Pour moi, c'est un atout.

Dre Bartlett : Je pense que c'en est un. Mon étude vise à comprendre le sens de la santé et du bien-être des femmes métisses et les gens considèrent certainement l'aspect de la spiritualité. Ils adoptent tout un éventail d'approches symboliques et spirituelles, de la cérémonie traditionnelle à l'église, et cela ne leur pose pas beaucoup de problème.

Je pense que les gens ont une capacité émotionnelle très forte pour affronter les difficultés. L'aspect physique est l'élément qui s'est révélé être le plus difficile. Bien sûr, cela est dû au fait que la population souffre de tellement de maladies physiques. La promotion de la santé visait essentiellement le corps physique au lieu de puiser ses forces. Pourquoi des gens arrivent à survivre et même à être florissants de santé dans certains cas? Nous devons examiner de manière plus approfondie les détails de ce genre de cas.

Qu'apportons-nous à la société métisse? Nous avons toujours été une sorte d'intermédiaires entre les cultures indigènes et les cultures européennes. Je dis toujours aux gens qu'à ce titre je ne suis pas indigène. Je ne suis pas membre d'une Première nation, mais je ne suis pas non plus européenne. Je suis métisse, je ne fais partie ni d'une culture ni de l'autre, je fais partie des deux à la fois. Cela me donne un niveau de créativité qui me permet de prendre ce qu'il y a de mieux dans les deux cultures et trouver des solutions qui pourraient être très différentes.

Nous devons faire beaucoup plus de recherche à ce niveau, comme je l'ai dit dans mon exposé. Beaucoup de recherches ont été faites sur l'histoire, mais où sommes-nous à présent? Quelle est l'expérience de vie des Métis aujourd'hui? Ne nous laissons pas entraîner par la recherche du passé historique, car les gens vivent dans des sociétés contemporaines. Cela est important.

Je crois qu'il est aussi important que nos enfants et nos jeunes, en se développant, reconnaissent qu'ils sont un élément précieux de la société canadienne. Tout le monde veut être précieux. Cela ne veut pas dire que nous avons besoin de services, mais nous avons beaucoup à offrir aux systèmes de santé. Au Manitoba, c'est sûr, nous disons que la médecine est la médecine. Vous pouvez fournir des soins médicaux; vous avez les moyens de le faire dans un système de soins de santé. Cependant, il faut mettre l'accent sur la promotion de la santé et dire : « Expliquons ce que l'on entend par Métis ». Comme je l'ai dit, notre population est parsemée. Être Métis à une connotation très locale. Nous devons aller jusqu'au bout, trouver la façon d'aider les gens à réfléchir à leur vie, des particuliers aux autorités locales, puis assurer la liaison avec les systèmes et pouvoir dire voilà ce que vous devez faire. C'est l'un des obstacles principaux car il n'y a pas d'infrastructure pour le faire.

Il n'y a pas eu de travailleurs de développement du mieux-être communautaire. Et c'est le genre de personnes dont nous avons besoin, à mon avis. Nous devons être en mesure de faire cela. Cela inclut le plan d'ensemble de la collectivité et pas simplement s'intéresser principalement aux maladies médicales qui sont la conséquence, mais pas l'origine du problème.

Le sénateur Cochrane : Connaissez-vous le sénateur Chalifoux? Elle était un sénateur métis ici. Elle a pris sa retraite il y a environ cinq ans, me semble-t-il.

M. LeClair : Oui. J'ai beaucoup travaillé avec elle. J'ai aussi connu le sénateur Marchand. J'ai travaillé dans cet édifice avec le sénateur Marchand et j'ai travaillé avec le sénateur Pépin sur un autre projet, la Commission de la réforme électorale. C'était un plaisir de la voir. En conduisant pour venir ici, je connaissais toutes les places de stationnement dans la rue où on n'aurait pas de contraventions. Je vous remercie beaucoup de nous avoir invités, monsieur le sénateur.

Le président : Dans ce cas, vous n'aurez pas de problème à trouver un restaurant pour souper. Nous poursuivrons cette conversation demain.

La séance est levée.


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