Délibérations du Comité permanent du
Règlement, de la procédure et des droits du Parlement
Fascicule 9 - Témoignages
OTTAWA, le mardi 29 mai 2007
Le Comité sénatorial permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement se réunit aujourd'hui, à 9 h 36, afin d'examiner, pour en faire rapport, les dispositions de la Loi constitutionnelle de 1867 qui concernent le Sénat et à les actualiser, s'il y a lieu, au moyen de la procédure de modification appropriée prévue dans la Loi et/ou de modifications au Règlement du Sénat.
Le sénateur Wilbert J. Keon (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Honorables sénateurs, ce matin, nous avons l'honneur de recevoir notre ancien Président, le sénateur Hays, qui fera rapport sur le Comité sénatorial spécial sur la réforme du Sénat ainsi que, je crois, sur la motion Murray-Austin. J'ignore quoi d'autre exactement; il m'a dit de façon informelle qu'il ferait beaucoup de propositions personnelles, tirées de sa vaste expérience.
Je suis enchanté de pouvoir être ici ce matin. Je me trouvais à Toronto et croyais ne pas pouvoir être là, mais j'ai pu me libérer hier soir et prendre le premier vol ce matin pour venir entendre le sénateur Hays. Il me tarde de l'écouter. Veuillez commencer.
L'honorable Dan Hays, C.P., sénateur, Sénat du Canada : Merci, monsieur le président. Je suis doublement honoré, d'abord que vous ayez pu vous libérer et que vous vous soyez donné la peine de venir; et ensuite, parce que c'est la première fois que je comparais comme témoin devant un comité sénatorial en ma qualité de sénateur.
J'ai rendu disponible un document de travail. Je crois que tout le monde l'a; sinon, il y en a un à votre disposition dans la salle.
[Français]
Je commencerai avec la situation de ce rapport.
« Le Canada sert de modèle à la communauté internationale », voilà un refrain connu dont je me suis servi sans m'en lasser et que j'ai entendu de la part d'hommes d'État, de diplomates, de représentants officiels et de dignitaires. Cette phrase est juste, mais a une exception notable qui m'a toujours intrigué : celle de notre Sénat. De fait, je peine à recommander à d'autres pays notre Chambre haute conçue au XIXe siècle, car je crois que nous devons œuvrer sans tarder à sa réforme.
Deux chemins doivent être empruntés pour mener à la réforme du Sénat : un premier, plus étroit, vise un processus progressif de réforme, lequel peut, à mon avis, être adopté par le Parlement seul, et un second, plus large, vise des réformes plus générales qui feront appel aux provinces. Mais ce n'est pas pour aujourd'hui.
Lors de la première étape, un projet de loi S-4 établira un mandat de durée limitée pour les sénateurs. Cette première étape donnera lieu à l'adoption d'un projet de loi sur la modernisation du Sénat qui, tout en ayant sa propre raison d'être, servira de prélude à une réforme de fond.
Le projet de loi sur la modernisation ainsi adopté mettra à jour, i) les articles de la Loi constitutionnelle de 1867, qui sont désuets et ne sont d'aucune utilité en politique publique; ii) réformera le mode de nomination traditionnelle des sénateurs aujourd'hui laissée à la seule discrétion du premier ministre; et iii), changera le mode de nomination du Président du Sénat.
En passant, l'adoption de la motion Murray-Austin, pour augmenter la représentation de l'Ouest au sein du Sénat, complèterait la stratégie de renouvellement. Bien que largement symbolique, l'adoption de cette résolution afficherait clairement le besoin de compromis et d'équité, tout en respectant l'esprit original du Pacte de la Confédération.
Le 14 décembre 2006, le Sénat a demandé au Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement d'examiner les dispositions actuelles de la Loi constitutionnelle de 1867 ayant trait au Sénat ainsi que le bien-fondé de moderniser ces dispositions et les moyens d'y arriver.
J'ai présenté la motion portant la réalisation de cette étude parce que la Constitution contient plusieurs dispositions qui demandent manifestement à être mises à jour du fait qu'elles utilisent un langage archaïque et prescrivent des mécanismes lourds.
[Traduction]
Cette motion prévoyait qu'on fasse rapport le 21 juin et, monsieur le président, si le comité souhaite faire avancer ce dossier, il faudrait qu'il examine la question avant cela.
Avant d'entrer dans le vif du sujet, je vous informe que j'ai récemment eu la chance de visiter la Chambre des lords à titre de membre d'une délégation de Présidents. Nous y avons rencontré le lord Président nouvellement élu, la baronne Hayman, et avons eu une discussion très intéressante avec un groupe composé des lords Howe, un conservateur; Cunnigham de Felling, un travailliste; et Tyler, un libéral démocrate, à propos de l'état actuel de la réforme de la Chambre des lords. Je ne vais pas entrer dans les détails, mais je serai heureux de le faire si on me le demande. En lisant le document de travail que j'ai préparé, vous constaterez que j'estime que ce qui se passe à la Chambre des lords est instructif pour ce qui est de la façon dont nous nous y prendrons pour évaluer notre Chambre haute dans une optique de renouvellement et de réforme.
De plus, nous avons visité la Chambre de Leinster, le siège du Parlement irlandais. Là-bas, on nous a informés de la réforme du Sénat irlandais, qui tire ses origines du changement constitutionnel de 1937 ayant rétabli le Sénat après une période d'unicaméralisme. Nous avons rencontré Joe O'Toole, un sénateur indépendant ayant siégé au sous-comité du comité sur la procédure et les privilèges qui s'est penché sur la question de la réforme du Sénat.
Je vais maintenant passer au dossier qui nous occupe. Le chapitre 5 du document de travail porte sur ces questions qui, à mon avis, peuvent être réglées grâce à un renouvellement et à une réforme du Sénat que le Parlement du Canada seul effectuerait. Certaines de ces questions sont très simples; d'autres le sont moins et seront sans doute controversées. Espérons que nous arriverons à améliorer les choses au moyen de discussions.
Je parlerai de ces dispositions selon l'ordre où elles se présentent dans le document. J'ai sous les yeux l'en-tête : « Mise à jour de la Loi constitutionnelle de 1867 », à la page 16 de la version française. La première question porte sur les critères d'âge et de citoyenneté. Il serait utile de nous reporter aux dispositions de la Constitution abordées dans un avant-projet de loi sur la modernisation du Sénat, qu'on trouvera à l'Annexe 1. J'ai pensé que cela pourrait être utile, car on y fournit un langage particulier qu'on pourrait retenir pour un projet de loi de modernisation du Sénat. Veuillez garder à l'esprit, chers collègues, que ce document n'a pas fait l'objet de recherches approfondies. L'avant-projet de loi se résume à cela, mais c'est un moyen proposé pour régler la question. J'ai eu des discussions au sujet de sa constitutionnalité avec le Bureau du légiste parlementaire, et tout le monde ne partage peut-être pas mon point de vue quant aux amendements proposés, mais nous pourrons en parler si nous avons le temps — et j'ai cru comprendre que ce pourrait être le cas.
En respectant l'ordre où ces dispositions apparaissent dans la Loi constitutionnelle de 1867, je vais commencer par parler des critères d'âge et de citoyenneté des sénateurs. Ces critères devraient se limiter, à mon avis, au fait d'avoir la citoyenneté canadienne. En 1867, ce concept n'existait pas comme aujourd'hui. À un certain moment dans la période d'après-guerre, nous avons créé la Loi sur la citoyenneté. Je pense que tout cela n'est qu'une question d'éliminer le langage archaïque et de considérer qu'il suffit d'être citoyen canadien pour être admissible.
Je traite du critère de l'âge de façon un peu plus complexe. Plus loin, dans le projet de loi, je propose que nous suivions les précédents établis à Westminster en ayant une commission sur les nominations qui approuverait les nominations au Sénat. Comme dans le cas des lords, cette commission serait chargée de veiller à l'admissibilité des candidats, qu'ils soient nommés pour des raisons politiques ou, comme à la Chambre des lords, comme indépendants par la commission.
Cette dernière, en examinant une candidature pour une nomination au Sénat, pourrait trancher si la personne est trop jeune ou trop âgée. Cela apporterait une latitude que la Constitution ne prévoit pas actuellement. En effet, en ce moment, on ne peut assumer ces fonctions qu'à condition d'être âgé entre 30 et 75 ans, pas un jour de plus ou de moins. C'est très strict. Je pense que cette notion de nominations par une commission — ainsi qu'on le fait à la Chambre des lords — constitue un meilleur moyen de procéder que d'appliquer ces règles relatives à l'âge, car d'autres raisons sont à considérer.
L'autre question est celle des qualifications reposant sur la propriété. Nous connaissons tous l'obligation de nous présenter devant le greffier à chaque nouvelle législature pour confirmer que nous — ceux d'entre nous qui vivons ailleurs qu'au Québec — possédons des bien immobiliers d'une valeur de 4 000 $ et que nous sommes par ailleurs admissibles pour exercer ces fonctions. Dans un moment, je vais parler de la faillite. Au Québec, la situation est légèrement différente et nécessiterait une approche en conséquence, mais je ne crois pas que cette exigence relative à la propriété de 4 000 $ ait une utilité quelconque à l'heure actuelle, et les dispositions de la Constitution qui la renferment pourraient être modifiées de façon à la supprimer.
La question n'est pas aussi simple au Québec, car la disposition relative aux qualifications concerne la propriété, et je ne crois pas qu'on puisse la modifier sans l'accord du Québec — on pourrait effectuer cela en vertu d'un amendement à l'article 43, mais seulement si le Québec est prêt à le faire. Nous allons y revenir dans un moment. Ainsi, un sénateur québécois serait toujours tenu d'avoir une propriété foncière d'une valeur de 4 000 $ dans la circonscription pour laquelle il a été nommé ou dans sa circonscription de résidence. Il est intéressant de voir qu'il n'y a qu'au Québec qu'on n'est pas obligé d'avoir une propriété d'une valeur de 4 000 $, pourvu qu'on habite dans le comté concerné. Cependant, comme nous le savons, les circonscriptions n'ont pas été divisées de manière moderne et ne couvrent pas toute la province.
Cela m'amène à commenter au passage la préoccupation du sénateur Watt en ce qui concerne, de façon générale, la question des comtés au Québec; cela pourrait s'avérer pertinent au cours de la deuxième étape. S'il est question de circonscriptions, le Québec, avec 24 sénateurs, pourrait bien être intéressé à ce qu'elles soient réparties sur le territoire de la province en entier. Si c'était le cas, le Nunavik, que le sénateur Watt représente, serait idéal pour représenter cette région au Sénat, comme le sénateur l'a fait — pas parce que c'est prévu dans la Constitution, mais parce qu'il a été choisi à cette fin.
La disposition suivante concerne la résolution d'impasses ou de différends. La Constitution traite assez maladroitement de cette question, en ce qu'elle permet au premier ministre de demander au gouverneur général de nommer de quatre à huit sénateurs additionnels. On a recouru une fois à cette disposition et, en réalité, elle n'est pas très utile pour régler les désaccords qui ont lieu entre les deux Chambres. Je n'ai pas mené de recherches à ce sujet, mais je connais cet exemple où la disposition a été utilisée, car j'étais ici comme beaucoup d'entre nous. Quoi qu'il en soit, on m'a dit qu'il y avait eu, auparavant, des tentatives d'y recourir, mais que le Parlement de Westminster avait avisé la reine, responsable de ces nominations, de ne pas accéder à la demande du premier ministre de nommer des sénateurs additionnels, car cela aurait trahi l'objet de l'article, c'est-à-dire dénouer un différend ou régler un désaccord entre les deux Chambres.
Je ne recommanderais pas de retirer cette disposition parce que cela pourrait affecter l'office de la reine. Dans ce paragraphe, nous devrions inclure une disposition exigeant le recours à un processus de conférence si le Sénat ou la Chambre des communes décident qu'ils ne peuvent accepter un amendement de l'autre Chambre.
Ils pourraient accepter d'apporter des amendements et, souvent, les projets de loi font des aller et retour plusieurs fois entre les deux Chambres; mais pour des questions très importantes, il est fort probable que l'une d'elles maintiendra sa position en rejetant un amendement de l'autre Chambre. Ainsi, vous verrez dans le projet de loi une suggestion pour le cas où le Sénat persisterait dans sa position — je pense que cela vaudrait également pour la Chambre des communes —, qui prévoit un processus par lequel les deux Chambres disposeraient d'une période déterminée pour présenter chacune un groupe de personnes qui tiendraient une conférence interparlementaire. À l'intérieur d'un certain délai, on pourrait en arriver à proposer un compromis qu'on présenterait aux deux Chambres et qu'on mettrait aux voix. Dans cet avant-projet de loi, je propose, au cas où une impasse persisterait, une disposition constitutionnelle stipulant que le gouvernement — car il s'agirait d'un projet de loi d'initiative ministérielle — peut présenter de nouveau la mesure législative.
Ce n'est pas une solution parfaite, mais elle rendrait le Sénat plus à l'aise d'insister sur l'adoption d'amendements, comme cela a été le cas à la Chambre des lords. Ils ont considérablement limité leur pouvoir, tout en faisant passer la Chambre haute d'un corps principalement héréditaire — sauf pour un groupe représentatif — à un corps nommé. Comme Meg Russell l'a dit devant ce comité, ce changement a donné davantage de confiance aux lords, qui ont apporté beaucoup plus d'amendements et rejeté un nombre bien plus élevé de projets de loi.
Dans ce contexte, si nous devions utiliser un meilleur mécanisme de résolution des conflits entre les deux Chambres, il est fort probable que le Sénat oserait davantage insister et proposer un plus grand nombre d'amendements.
La disposition suivante concerne une proposition relative à l'âge de retraite. La même remarque vaut tout aussi bien pour la retraite obligatoire à l'âge de 75 ans que pour l'exigence que les sénateurs aient au moins 30 ans. Si nous avions une commission sur les nominations, elle approuverait les nominations et prendrait une décision quant à savoir si un candidat au Sénat est trop jeune, trop âgé ou non admissible pour d'autres raisons.
Ce serait une meilleure façon de traiter la question de la fin de mandat d'un sénateur. Je suppose, peut-être naïvement, qu'on va probablement fixer une limite à la durée du mandat des sénateurs canadiens. Si c'est le cas, je ne peux imaginer que ces mandats soient reconductibles; ils seraient non renouvelables et dureraient probablement de 10 à 15 ans.
Maintenant, si aucun projet de loi sur la modernisation ne prévoit de commission sur les nominations, je comprends parfaitement qu'on estime que ces limites d'âge doivent être conservées. Pour ce qui est de ce que je propose ici, dans cette perspective plutôt élargie de la façon de moderniser nos procédures, une telle mesure ne serait pas nécessaire.
La question suivante nous mène à l'article 31, qui est un bon exemple de langage archaïque et d'article de la Constitution nécessitant une mise à jour. Le paragraphe 31(1) porte sur le cas où le siège d'un sénateur devient vacant s'il a omis de se présenter au Sénat. C'est très simple : si deux sessions consécutives s'écoulent sans que le sénateur ait fait acte de présence, sa place est libérée.
On devrait accorder au Sénat lui-même le pouvoir constitutionnel d'élaborer une règle plus moderne. Il ne convient pas d'apporter un amendement à la Constitution pour que ce détail y figure, mais on pourrait charger le Sénat de cette responsabilité. La Chambre haute pourrait créer une règle établissant une norme très élevée. Les sénateurs qui ne se présentent pas, pour quelque raison que ce soit, occupent un siège du Parlement qui devrait servir à faire avancer les travaux du Sénat, et il faut en tenir compte. Ce serait une bonne modernisation de notre procédure.
Par mesure de précaution, cet avant-projet de loi sur la modernisation prévoit un règlement au cas par cas. Il serait probablement préférable de traiter la question en appliquant une règle générale pour veiller à ce que cette règle ne soit pas élaborée ou utilisée de façon arbitraire. On suggère qu'il faudrait une majorité extraordinaire pour mettre cela en place, c'est-à-dire 60 p. 100 des sénateurs.
Une autre disposition de la Constitution prévoit le règlement de toutes les questions par une décision majoritaire. Si l'on établissait clairement dans l'article 31 de la Constitution qu'une telle règle nécessiterait une majorité de 60 p. 100, ce serait un moyen de résoudre la question. Peut-être certaines personnes qui suivent ce dossier pourraient-elles désapprouver ce que je propose, mais c'est ce que je suggère, ainsi que la logique et les motifs qu'il y a derrière.
Le paragraphe 31(2) de la Constitution, d'après ce que j'ai lu, présente une anomalie. On peut détenir la double citoyenneté et devenir sénateur, mais on ne peut, en revanche, acquérir la double citoyenneté une fois qu'on est au Sénat. Ce n'est pas une disposition justifiée. On peut être député à la Chambre des communes et avoir une double nationalité; je ne vois pas pourquoi ce serait différent au Sénat.
La disposition suivante, au paragraphe 31(3), concerne la banqueroute. Cette notion est claire et devrait demeurer, mais le langage portant sur l'insolvabilité et le fait de se rendre coupable de concussion est archaïque et porte à confusion.
En tant qu'avocats, nous savons que la définition de l'insolvabilité correspond généralement au défaut de satisfaire à ses obligations lorsqu'elles arrivent à échéance. On pourrait y recourir à des fins malveillantes pour dire que telle ou telle personne est insolvable ou manque à ses obligations en matière de fonds publics, ce qui est encore plus difficile à définir, alors que la définition de la banqueroute est claire. C'est la condition d'un sénateur ayant fait une cession volontaire ou fait l'objet d'une requête en faillite. Je laisserais cet élément tel quel, mais je supprimerais la disposition sur l'insolvabilité ou le défaut de paiement. Elle est difficile à interpréter et, à ce que je sache, ne sert à rien; il serait préférable de la retirer.
La disposition suivante, qui figure au paragraphe 31(4), est difficile; elle traite des félonies et des crimes infamants. Les félonies pourraient se traduire simplement, en langage moderne, par l'expression « acte d'improbité ». Si l'on poursuit par voie d'acte accusation, il s'agit d'une infraction grave; la norme de preuve est plus élevée et un sénateur reconnu coupable d'un acte criminel punissable — la trahison serait comprise là-dedans — devrait quitter ses fonctions, et cela devrait être une raison de libérer son siège.
Quelqu'un m'a mentionné la conduite avec facultés affaiblies. Une telle infraction pourra faire l'objet d'une déclaration de culpabilité par procédure sommaire ou par voie de mise en accusation. Un juge en chef du Québec a démissionné, car il avait plaidé coupable à ce chef d'accusation. J'ignore si cela entre dans la catégorie de la félonie ou du crime infamant, mais peu importe; je ne fais que l'utiliser comme exemple pour illustrer une discussion que j'ai eue.
Le terme « crime infamant » est difficile à moderniser, mais je proposerais que nous maintenions cette disposition si nous devons présenter un projet de loi sur la modernisation, pour tenir compte du cas d'un sénateur ayant été trouvé coupable de trahir la confiance du public.
Cela pourrait être un domaine de compétence municipale, lorsqu'une personne est interdite d'exercer les fonctions de fonctionnaire municipal. Il me semblerait étrange que quelqu'un ne puisse faire partie d'un conseil municipal ni être le maire d'une communauté, mais puisse être sénateur. Cela vaudrait la peine d'être examiné.
Des individus ont perdu la confiance du public en suivant un processus reposant sur la justice, auquel nous pourrions nous attendre n'importe où. Cet aspect existe déjà, alors ce n'est qu'une question de modernisation du langage.
Les dispositions suivantes portent sur l'article 32 de la Constitution, pour lequel j'ai proposé un nouveau paragraphe. Il était temps que nous nous penchions là-dessus. Je crois que le Parlement pourrait le faire.
Nous avons maintenant une disposition qui prévoit que s'il y a un siège vacant à la Chambre des communes, on est obligé de tenir une élection partielle dans les 180 jours. La même règle devrait s'appliquer lorsqu'une telle vacance se présente au Sénat. Le premier ministre alors en poste devrait être tenu de proposer un nom dans les 180 jours suivant l'avis de poste vacant au gouverneur général. Cet article est très simple.
Je dois traiter de la commission des nominations ainsi que des procédures pour les non-partisans du gouvernement au Sénat. Cependant, pour ce qui est de la question du Président, j'ai déjà assumé cette fonction. Je sais que le sénateur Molgat — qui est également un ancien Président — a, lorsqu'il coprésidait un comité mixte, présenté un rapport stipulant que le Président devait être choisi par le Sénat et pas, comme au cours des XXe et XXIe siècles, par le premier ministre. C'est une bonne idée.
Je pense que le meilleur moyen d'y arriver est l'adoption, par le Sénat, d'une procédure pour faire connaître son choix pour le poste de Président. Il est à espérer que le premier ministre, comme cela a été le cas à la Chambre des lords, accepterait ce choix, et que la question serait réglée.
Nous pourrions amender formellement la Constitution, là où l'on traite de la prérogative du premier ministre. Certaines des propositions faites plus tôt quant à l'adoption d'une procédure comme celle utilisée pour nommer le Président de la Chambre des communes — je pense que cela figure à l'article 34 — ne fonctionnerait pas, parce que cela porterait atteinte au rôle du gouverneur général. Tout cela doit être fait au niveau du premier ministre afin que ce soit lui, comme cela a toujours été le cas, qui nomme le gouverneur général.
Quoi qu'il en soit, je ne vois rien qui empêcherait qu'on exige, comme c'est le cas au Royaume-Uni, que le premier ministre respecte un certain processus préalable à la soumission d'une nomination à la reine, dans le cas du premier ministre britannique, et au gouverneur général, dans le cas du premier ministre canadien.
La dernière disposition porte sur le serment d'allégeance, qui a fait l'objet de controverses dans les deux Chambres et au sein de la fonction publique. Je crois qu'il est temps de faire prêter aux sénateurs un serment d'allégeance au Canada en plus de celui à Sa Majesté la reine. Changer davantage cette disposition serait malaisé, car on risquerait de nuire à l'office de la reine; c'est donc difficile à régler.
À la page 20 de mon document, vous verrez l'en-tête « Un nouveau mode de sélection des sénateurs ». On traite essentiellement du modèle de Westminster qui, je crois, a évolué depuis 1911, mais sous l'angle des pouvoirs conférés depuis 1949. Néanmoins, principalement à cette fin, je m'arrêterai sur la période ayant suivi 1958-1959, date où la pratique constitutionnelle a été modifiée pour permettre la nomination de lords à vie.
De la nomination à vie de lords découle la pratique du premier ministre de ne pas nommer uniquement quelqu'un de son parti, mais aussi celle de consulter d'abord le chef de l'opposition dans certaines circonstances et, par la suite, un tiers parti. Dans le cas du gouvernement en place depuis, il s'agirait du Parti conservateur, du Parti travailliste et du Parti libéral-démocrate.
Même plus tard, le premier ministre transmet à Sa Majesté les noms trouvés par la Commission sur les nominations, ce qui n'a pas force de loi. Mais il est proposé que ce soit le cas. C'est un moyen par lequel les candidatures de personnes de qualité ou de membres du peuple — on se dispute pour savoir lequel des deux types — pourraient être présentées à la commission, et ceux qui croient que leur candidature ou celle de quelqu'un d'autre mérite d'être prise en considération en vue d'une nomination à la Chambre haute ont la possibilité qu'on examine leur dossier.
De sa mise sur pied en 1999 — je ne connais pas la date exacte — jusqu'en mai 2006, cette commission a nommé à vie 36 lords par l'entremise du premier ministre. Il s'agit de personnes très qualifiées qui, d'après ce qu'on m'a dit, ont apporté une contribution importante.
En même temps, le premier ministre en poste a réussi, pour la première fois dans l'histoire du Royaume-Uni, à faire en sorte que la Chambre haute ait un plus grand nombre de lords du Parti travailliste que de lords du Parti conservateur.
Pendant au moins 1 000 ans, la Chambre des lords a été dominée par le Parti conservateur, mais au cours des dernières années, cela a changé. Néanmoins, en raison de la commission sur les nominations ainsi que des traditions de cette Chambre, et peut-être à cause de sa différence remarquable d'avec notre Sénat — nous sommes une fédération et pas eux; leur nombre de membres n'est pas fixe alors que chez nous, si — il est impossible que quiconque ait une majorité de membres à cette Chambre, et on ne le souhaite pas non plus. Il s'agit d'un objectif déclaré, que le gouvernement au pouvoir a reconnu dans son plus récent Livre blanc publié en février dernier — j'ai ce document ici.
Soit dit en passant, le document sur le Sénat irlandais est excellent, et je vais le mettre à votre disposition par l'entremise du greffier.
Là-bas, on admet qu'aucun parti ne sera jamais majoritaire. Donc, le degré d'indépendance de la Chambre des lords est tel qu'il en sera probablement ainsi à l'avenir, même si les autres réformes qu'on mène donnent lieu à des lords élus. Que ce soit en tout ou en partie, un organe hybride prendra vraisemblablement place.
J'ai une brève remarque à faire concernant notre rencontre avec les lords. Il y a beaucoup de désaccords quant à ce qu'on devrait faire ici. Mais après avoir entendu les lords, il me semble hautement improbable qu'il pourra y avoir autre chose que des lords au moins partiellement élus, et pratiquement sûr que d'ici 10 ans, tous auront été élus.
Au cours de la prochaine élection, les manifestes des trois grands partis — de tous les partis, sans doute —, comme ce fut le cas au cours des trois dernières années, mentionneront la décision qu'on prendra quant à l'avenir des lords. Il semble de plus en plus probable que ceux-ci seront élus.
Comme vous le savez, les communes ont voté en faveur d'un organe entièrement formé de membres élus, et les lords ont répondu en votant eux aussi en ce sens. Il faut se rappeler que la Chambre des communes a préséance. Cela s'est produit seulement six fois depuis 1911 et les balbutiements de la Loi sur le Parlement.
La Chambre bénéficie de ce pouvoir; parfois, il est pris en considération, et on n'a pas nécessairement à y recourir pour influencer les résultats. Mais ce n'est pas le cas au Canada. Nous avons un processus différent, et il faudrait que les provinces donnent leur accord.
Je vais terminer avec un commentaire au sujet des provinces, qui sont des endroits merveilleux. Je viens de l'une d'entre elles qui a porté un intérêt considérable à la réforme du Sénat, ce qui reflète probablement la raison pour laquelle je suis ici maintenant.
Cependant, je ne crois pas que de façon individuelle, elles en sachent très long à propos du Sénat ou de ses activités.
C'est parfois mon sentiment à l'égard du gouvernement fédéral. Le Sénat est là, mais parfois, j'ai l'impression que le gouvernement ne comprend vraiment pas nos procédures, notre utilité, la raison de notre existence et nos traditions.
Pour conclure, le plus grand facteur de motivation que je vous communiquerais pour aller de l'avant avec cette initiative particulière, c'est que si le Sénat doit changer — et je pense qu'il le fera — ce serait une très bonne chose qu'il relève le défi lui-même, particulièrement dans ces domaines où le Parlement seul peut faire des modifications, et il y en a beaucoup. En définitive, un Sénat où les sénateurs auraient un mandat plus court, où leur candidature serait approuvée par une commission sur les nominations à laquelle le pouvoir du premier ministre serait assujetti, et où le premier ministre serait obligé de nommer des membres de l'opposition après avoir nommé suffisamment de membres de son parti pour assurer à son gouvernement une majorité confortable au Sénat rapprocherait cette institution de ce que les gens ont exprimé lors des dernières élections, en accroissant par le fait même les fondements démocratiques du Sénat et en lui donnant plus d'assurance pour exercer ses pouvoirs.
Le président : Merci beaucoup, sénateur Hays. Je me suis toujours demandé pourquoi nous n'avions pas une sorte de commission sur les sélections. Liberté ne signifie pas anarchie, et trop d'élection peut mener à une situation quasi anarchique. Il est très intéressant de noter que beaucoup d'autres segments de la société fonctionnent très bien depuis des générations en utilisant le processus de sélection plutôt que le processus d'élection.
Le sénateur Smith : Sénateur Hays, vous avez présenté un mémoire très sérieux et réfléchi qui suscitera un débat sérieux sur une question importante.
J'aime toujours traiter des principes fondamentaux. Une chose m'a toujours un peu embêté et j'aimerais connaître votre réaction à ce sujet. Il s'agit d'un point philosophique. Supposons que nous allons jusqu'au bout avec un Sénat élu — je sais que le modèle optimal que vous avez décrit compte quelques membres indépendants nommés, mais disons que la plupart sont élus. Vous vous êtes appuyé sur le système américain de freins et de contrepoids. Le système parlementaire repose sur la prémisse que le gouvernement au pouvoir est en place parce qu'il peut faire adopter des lois. Si ce n'est pas le cas, nous procédons alors à des élections ou, selon les circonstances, quelqu'un d'autre est appelé à former un gouvernement. Le système américain ne repose pas du tout sur cette prémisse. Vous avez le Congrès, la Chambre des représentants, le Sénat et le Président. Et il y a de nombreux freins et contrepoids. Personnellement, je préfère le système parlementaire au système américain. Si nous empruntons cette voie, je trouve qu'il est valide de se poser la question suivante : sommes-nous en train de dire que les systèmes américains de freins et de contrepoids fonctionnent mieux? Chose certaine, une fois que nous aurons un Sénat avec un tel mandat de l'électorat, il commencera à défier l'autre endroit et nous nous trouverons dans les freins et contrepoids. En fin de compte, préférez- vous ce modèle au système parlementaire traditionnel?
Le sénateur Hays : Je n'ai pas trop abordé les observations que j'ai faites sur la seconde étape. Je tiens à rappeler à tout le monde que, selon moi, la seconde étape ne sera pas une chose facile à réaliser. Nous savons cela par expérience.
Le sénateur Smith : C'était justement ma prochaine question.
Le sénateur Hays : Alors, je n'y répondrai pas tout de suite. C'est quelque chose qui doit être précédé par un processus, donc je m'en tiendrai à cela.
Non, je ne crois pas que nous voulions avoir un Sénat de style américain et encore moins le système du Congrès avec ses freins et contrepoids. Il s'agit, bien sûr, du modèle triple E, si je comprends bien. Comme vous l'avez vu dans ce document, je ne crois pas que c'est ce que les Canadiens veulent et je ne crois pas non plus que cela nous sera très utile compte tenu de notre évolution. Le génie du Canada, c'est d'avoir pu s'adapter aux différences, en commençant par le Bas-Canada et le Québec, à l'intérieur de sa structure, par le biais d'une structure fédérale qui reconnaît ces différences. Une centaine d'années plus tard, même cet aspect doit être examiné et modernisé, ce que je propose ici, tout comme le fait la motion Murray-Austin. Je ne propose pas ici une transition vers un système de freins et contrepoids de style américain. Je propose uniquement un modèle pour fins de discussion. Je n'y tiens pas mordicus. Le processus qui précède l'élaboration d'une proposition ou d'une proposition de rechange est aussi important que les propositions en soi, car nous avons besoin d'un appui des provinces et du public.
Dans le Sénat élu que je propose, les pouvoirs devraient respecter l'évolution qui a eu lieu au Canada, c'est-à-dire le fait que les provinces, dans un jeu à somme nulle, se sont attribué une bonne partie du rôle de représenter les provinces. Comme vous le savez, je préfère cela comme unité de base plutôt que les régions. Il est peu vraisemblable que les provinces et la Chambre des communes acceptent de renoncer à tout ce pouvoir. Dans ce domaine, elles ont le dernier mot. Nous avons seulement un veto suspensif de 180 jours. Nous devrions jouer un rôle, mais sans perdre de vue notre place aujourd'hui. Selon moi, nous pouvons améliorer cela si nous adoptons l'approche de modernisation que je propose. Toutefois, nous devons conserver certaines des pratiques voulant que la Chambre des communes soit le principal décideur au palier fédéral et que les provinces jouent un rôle continu dans leur représentation face au palier fédéral grâce aux divers moyens qui ont évolué jusqu'à aujourd'hui et qui existent depuis 1867.
Ainsi, le Sénat élu au Canada serait très différent de celui des États-Unis. Le Sénat américain s'est approprié exactement les mêmes pouvoirs, et même plus, que ceux de la Chambre des représentants. Je ne conçois pas un Sénat canadien élu avec autant de pouvoir. Je ne crois pas qu'il devrait avoir plus de pouvoir qu'aujourd'hui et peut-être même moins en ce qui concerne les projets de loi de finances. C'est un domaine où nous avons actuellement des contraintes et où les lords en ont encore plus que nous. Cela distinguerait le Sénat canadien du Sénat américain.
À mon avis, le mécanisme pour briser une impasse, qui est la commission mixte dans le cas du Sénat américain, ferait intervenir au bout du compte une séance mixte ou respecterait, d'une façon quelconque, ce rôle prépondérant joué par la Chambre des communes.
Nous devons faire attention; comme le dit Sir John A. Macdonald dans une des citations de mon mémoire, il ne vaudrait pas la peine d'avoir un Sénat sans pouvoir. Nous devons avoir un pouvoir considérable, mais je n'envisage pas un Sénat canadien élu qui a le même pouvoir ou qui joue le même rôle de gouvernance que le Sénat américain. Voilà quelques-unes des raisons.
Le sénateur Smith : Lorsqu'on a deux assemblées élues avec freins et contrepoids, c'est inévitable.
Vous avez bien décrit l'approche de renouvellement progressif. Il est possible de réaliser des progrès dans certaines des questions qui ne touchent pas à la Constitution. Toutefois, pour être bien clair, il y a très peu de chances que nous ayons le consensus nécessaire pour ouvrir le débat constitutionnel à l'heure actuelle. Cela fait plus de 40 ans que je côtoie le Sénat. L'une des deux nuits les plus folles dont je me souvienne concernait le vote sur le drapeau, à l'automne 1964. C'était du jamais vu. Les gens s'en sont maintenant remis; la plupart d'entre eux aiment le drapeau, tout comme moi. Mais cette nuit-là, les débats s'étaient poursuivis jusqu'à 3 heures du matin et il régnait une atmosphère de fébrilité.
Le sénateur Joyal se souviendra du vote en 1981, lorsque certaines personnes s'étaient placées devant le Président en brandissant les poings à propos du vote sur le rapatriement et la Charte, et il s'agissait d'une forte majorité. Au cours des dernières semaines — et je ne ferai pas reposer tout le blâme sur un parti en particulier, car tout le monde doit partager le blâme —, l'autre Chambre a fait preuve d'une attitude partisane et mesquine que je n'ai pas vue depuis de nombreuses années. Je dis cela avec regret, car il est toujours plus important, pour moi, de porter le chapeau du Canada que celui de mon parti. J'aimerais donc savoir si vous croyez que, dans un avenir prochain, les décideurs auront envie de soulever le couvercle de la marmite constitutionnelle, à cause de l'atmosphère particulière qui règne dans l'autre endroit et dans certaines des provinces à l'heure actuelle. Rappelons-nous ce qui s'était passé au lac Meech. J'ai l'impression que le climat actuel est beaucoup plus rude que c'était le cas à ce moment-là.
Le sénateur Hays : Vous avez bien raison; aucun parti n'a envie de cela. Le gouvernement de l'heure a été très prudent. Il rassemble une série de réformes, mais il ne le fait pas d'une façon très ouverte, en s'y adonnant par petites bouchées. L'opposition officielle, dont vous et moi faisons partie, soutient depuis 1993 que toute réforme du Sénat devrait provenir des provinces ou qu'il faudrait éviter que ce soit le gouvernement qui en prenne l'initiative.
Cela est vrai. Il est également vrai que, lorsque ces questions se présentent, elles peuvent être très litigieuses et susciter des sentiments hostiles envers ce que représente notre fédération. C'est, du moins, ce que je ressens dans ma province lorsque nous avons fait cela par le passé. C'est pourquoi je trouve que ma proposition est une bonne solution de rechange au fait d'attendre le moment où les décideurs seront prêts à soulever le couvercle de la marmite, parce qu'ils doivent le faire et parce qu'il se pose un problème crucial qui ne peut être ignoré. Nous devrons alors régler ce problème dans une situation de crise — que ce soit une crise fictive ou une crise authentique en raison de certaines circonstances économiques ou d'un conflit qui ne concerne pas le Canada.
Il serait opportun de commencer un processus à un moment où personne n'en veut à personne — et le Royaume Uni est bon exemple de cela. Supposons qu'il s'agit d'un projet d'au moins trois ans, ce qui signifie qu'il pourrait nécessiter six ans. La Chambre des lords fait cela depuis près de 100 ans, et elle apporte des changements profonds tous les 10, 15 ou 20 ans. Depuis que le gouvernement actuel a pris le pouvoir, les lords apportent des changements à un rythme beaucoup plus rapide. Ils ont aussi délégué des pouvoirs. Ils l'ont fait d'une manière réfléchie pendant qu'il y avait des problèmes partisans. Ils l'ont fait d'une manière réfléchie qui a rassemblé les membres de tous les partis. C'est une approche que nous devrions essayer d'adopter au Canada. Il ne s'agit pas d'une approche fondée sur la confrontation et caractérisée par une attitude du genre : « Je suis fâché et je dois avoir le dernier mot, c'est à prendre ou à laisser ». Il s'agit plutôt de reconnaître que cette question mérite maintenant une réflexion sérieuse de notre part; que pouvons- nous faire pour la régler? Si nous ne pouvons rien faire, nous ne perdrons pas grand-chose, mais si nous le pouvons, nous aurons alors réglé un grief qui existe depuis longtemps dans certaines régions.
Le sénateur Smith : La Chambre des lords a le luxe de ne pas avoir à composer avec les provinces.
Merci beaucoup. Je suis d'accord. Je comprends pourquoi l'accent est placé sur l'approche progressive pour l'instant. Votre mémoire est excellent.
Le sénateur Fraser : En effet, il y a beaucoup de matière à réflexion dans ce mémoire. Je suis impressionné.
Si nous devions élire le Président, ne devrions-nous pas préciser le mandat pour lequel le Président est élu? Si nous élisons le Président, quelles en seraient les conséquences sur ses pouvoirs? Par exemple, j'ai entendu dire qu'une des propositions serait l'interdiction d'annuler les décisions d'un Président élu par un vote à la majorité du Sénat. Je ne demande pas un exposé de 20 minutes.
Le sénateur Hays : Ce document fait allusion au projet de loi proposé sur la modernisation et ne donne pas beaucoup de précisions sur cette question, mais dit plutôt que le Sénat déciderait ce qu'il voudrait faire. C'est à lui que revient cette décision. Le Sénat devrait élaborer les réponses à ces questions et les inclure dans ses règles.
Je n'ai pas fait d'observations sur ce sujet, mais je vais le faire maintenant. Le Président du Sénat devrait servir la durée d'une législature, comme c'est le cas du Président de la Chambre. J'ai servi pendant deux législatures. Le Président Miliken a servi pendant trois législatures; il devait être élu, mais pas moi. C'était à la discrétion du premier ministre. Ce n'est peut-être pas une réponse très élaborée.
Que devrait être le rôle du Président? Si le Président est choisi par les sénateurs, il s'ensuit qu'il aura un rôle plus solide dans la direction de la Chambre, dans la gestion du Sénat en général.
Cela veut-il dire qu'il présiderait le Comité de la régie interne? Créerions-nous un conseil du Comité de la régie interne? Voilà autant de questions où ce serait une erreur que d'agir trop rapidement. C'est quelque chose qui évoluerait. Je connais les sénateurs et j'estime que nous pouvons élaborer une très bonne structure.
Le sénateur Fraser : Le deuxième point porte sur la question de la résolution des différends. J'ai essayé de griffonner un résumé de la façon dont votre système fonctionnerait. Si nous insistons sur notre modification, il faudra qu'un comité mixte soit tenu dans les 20 jours de séance, suivi d'un rapport du comité mixte rédigé dans les 10 jours de séance et que ce rapport fasse l'objet d'un vote par les deux Chambres du Parlement dans les 20 jours de séance. Ce qui me confond, c'est si le rapport doit être présenté de nouveau à un comité mixte, s'il doit être présenté à la séance mixte des deux Chambres ou s'il doit être voté par chacune des deux Chambres séparément; mais je crois que vous parlez d'un vote sur le rapport par chacune des deux Chambres séparément. Cela signifie qu'au bout du compte, nous conserverions notre veto, sauf qu'il y aurait une possibilité réelle d'essayer d'en arriver à une sorte d'entente. Est-ce bien de cela dont il est question?
Le sénateur Hays : Exactement. Nous pourrions aller plus loin, mais nous ne devrions pas essayer de le faire. C'est pourquoi j'ai proposé cette question de cette façon. Après tout, la Chambre des communes doit donner son accord. Je ne pense pas qu'elle acceptera de renoncer à son pouvoir; à un moment donné, nous n'aurons peut-être pas d'autre choix que d'accepter de renoncer à une partie de notre pouvoir. Nous devrions procéder avec grand soin pour éviter, comme l'a dit quelqu'un, de nous suicider.
Le sénateur Andreychuk : Merci, sénateur Hays, d'avoir mis sur papier toutes vos pensées. Je vous ai entendu parler de ces sujets à plusieurs reprises et je salue votre sagesse et vos années d'expérience ici. Je n'ose penser au jour où vous ne serez plus ici, mais nous devrons attendre une autre occasion pour en parler.
Vous avez parlé de plusieurs points, notamment l'assiduité et le fait de ne pas se présenter pendant deux sessions. Vous vous souvenez sans doute de l'affaire tristement célèbre concernant un sénateur qui était toujours absent. Le débat à l'époque consistait à dire que le code de conduite est synonyme d'honneur et vice-versa. Nous nous sommes attardés sur ce sujet, en disant que nous prêtons serment de nous acquitter de notre devoir et de faire notre travail de notre mieux; il est peut-être acceptable d'obtenir les conseils des pairs, mais chacun est responsable de sa conduite en cette Chambre. D'autres se sont opposés à cette idée en alléguant que si la conduite d'un sénateur influe sur tous les autres sénateurs, il faut avoir une méthode de coordination et une évaluation par les pairs. Je me souviens des débats sur ce sujet et des discours sur le Sénat. Certains des sénateurs qui refusaient absolument et fermement d'imposer des contraintes aux sénateurs se trouvent encore ici. Qu'est-ce qui vous fait croire que nous arriverons quelque part, de façon informelle, dans le cadre de cette approche progressive?
Le sénateur Hays : Je crois que le Sénat ira de l'avant, car nous sommes une assemblée publique et nos travaux sont publics. Si la Constitution a donné au Sénat la responsabilité de fixer une obligation de participer aux travaux du Sénat en étant présent en cette Chambre et en tant que personne qualifiée — car l'incapacité mentale pourrait justifier un siège vacant; on doit faire attention à cela — et si le Sénat, en tant qu'assemblée publique et en tant qu'une des deux Chambres, décidait de ne rien faire ou d'adopter des règles qui ne correspondent pas aux attentes les plus élevées que l'on puisse avoir à l'égard des gens qui servent leur pays au Sénat, alors nous trouverions cela intolérable. Les gens que nous servons nous ont à l'œil — et nous ne devrions jamais l'oublier. Les personnes que nous servons ont des attentes. Je suis tout à fait convaincu que nous en sommes tous conscients et que nous répondrions à ces attentes. Je n'aurai pas l'occasion de dire cela pendant encore très longtemps, car je ne serai plus ici, mais je le dis aujourd'hui.
Le sénateur Andreychuk : Lorsque le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles a étudié le projet de loi S-4, nous avons pu entendre les représentants de la Chambre des lords grâce à la vidéoconférence. Ils sont passés par les processus que vous avez décrits. Le hic, c'est que leur processus a abouti au même problème : le favoritisme et les problèmes du premier ministre Blair durant les enquêtes. Auparavant, j'étais portée à dire qu'une sorte de processus de nomination indépendant serait utile. Mais depuis ce témoignage, j'ai commencé à me demander si nous allions avoir les mêmes difficultés. Cela m'amène à poser la question suivante : n'aurions-nous pas intérêt à être élus?
Je ne me rappelle pas lequel de nos sénateurs avait posé la question de la légitimité aux représentants de la Chambre des lords, mais étant donné que la Chambre des communes avait voté à l'unanimité en faveur d'un Sénat élu, contrairement à la Chambre des lords, la question de la légitimité a pris un sens différent dans les discussions. Il ne s'agissait pas de savoir si nous sommes légitimes ou non; c'est la perception de la légitimité qui a posé, et qui pose toujours, problème aussi bien pour la Chambre des lords que pour nous. Je trouve que nous sommes aux prises avec ce problème.
Le sénateur Hays : Comme je l'ai fait remarquer, et j'espère que personne ne trouve que j'ai dépassé les bornes, lorsque je représente le Canada ici ou ailleurs — chose que nous faisons souvent, et il ne faut pas oublier que la plupart des pays ont des constitutions qui datent d'après la Seconde Guerre mondiale — je ne recommanderais honnêtement pas une structure semblable à la nôtre, car elle est profondément ancrée au XIXe siècle. Nous avons été la toute première démocratie à adopter le modèle de gouvernement britannique. Une trentaine d'années plus tard, lorsque l'Australie est devenue un pays indépendant en 1901, elle est passée directement à un Sénat élu avec une représentation égale.
Notre Sénat nous a bien servis. J'espère l'avoir bien fait comprendre dans mes observations. Nous avons accompli de l'excellent travail. Nous avons évolué et nous nous sommes adaptés de façon fonctionnelle à l'exigence des qualifications reposant sur la propriété pour représenter, entre autres, les minorités. Voilà autant d'aspects qui nous ont conféré de la crédibilité. Si nous ne l'avions pas fait, nous ne serions pas ici, selon moi.
Que devons-nous faire maintenant à propos de votre question? Vous dites que les gens ne nous perçoivent toujours pas d'un œil favorable, car le Sénat est considéré comme une assemblée basée sur le favoritisme. La Chambre des lords en est un bon exemple, comme en témoigne le fameux scandale des prêts. Je ne suis pas satisfait de nos lois en matière de contributions politiques, pas plus que des leurs. C'est à vous couper le souffle. Des millions de livres sont versés à un parti par une personne qui peut même faire partie du gouvernement.
C'est un aspect que la commission sur les nominations a le mérite d'avoir mise en évidence. Une telle commission accroît la crédibilité de la Chambre des lords et, si correctement établie, elle accroîtrait la crédibilité du Sénat également. La Commission sur les nominations du premier ministre britannique compte trois membres de la classe politique, un de chacun des trois principaux partis, et trois autres membres. Nous avons quelques comités semblables, qui examinent les conflits d'intérêts, mais la commission britannique a un groupe politique et un groupe indépendant. Elle a fait un travail valable et convaincant, en recommandant certaines nominations et en en examinant d'autres. Si nous adaptions un modèle semblable au Canada, nous renforcerions l'assise démocratique et la légitimité du Sénat canadien, car ce ne serait plus l'apanage du premier ministre.
On me pose souvent des questions comme : comment devient-on sénateur? Quels sont les critères? Que faut-il faire pour devenir sénateur? Je suis sûr qu'on vous les a déjà posées. Si notre système comportait un critère justifiant l'intérêt légitime du premier ministre à avoir une majorité au Sénat, je ne crois pas que nous pourrions nous rendre au même stade que la Chambre des lords — c'est-à-dire devenir une assemblée complètement indépendante — du moins, pas en une seule étape. Aucun premier ministre n'y consentira, de toute façon. Laissons le premier ministre se constituer sa majorité. C'est un peu étrange, mais cela s'arrête là. Mackenzie King avait nommé, je crois, 103 sénateurs, parmi lesquels trois n'étaient pas des libéraux. Pourquoi doit-on avoir tous les sénateurs d'un parti? Je suppose que c'est utile; c'est réconfortant. Il y a peut-être un lien avec le favoritisme, mais nous devrions mettre en place des règles qui court- circuiteraient cela. Ainsi, la majorité changerait plus rapidement et le Sénat reflèterait, plus tôt que c'est parfois le cas, les résultats des dernières élections, au lieu de perpétuer ce qui existe déjà.
La Commission Wakeham a proposé que les nominations du premier ministre soient également examinées par la commission sur les nominations. Si cette dernière jouit d'une crédibilité et nomine toutes les candidatures, si le processus reflète plus rapidement le résultat des dernières élections et si le tout débouche sur plus d'indépendance et reconnaît que le Sénat est une assemblée partisane qui doit fonctionner avec un gouvernement et une opposition, on augmenterait la crédibilité du Sénat et réglerait le point que vous avez soulevé, à savoir la perception qu'il s'agit d'un groupe de politicards.
Le sénateur Andreychuk : En ce qui a trait à la double citoyenneté, je ne crois pas qu'il soit juste qu'on puisse conserver la double citoyenneté, mais qu'on ne puisse pas l'acquérir.
Croyez-vous que, pour certains postes dans un État souverain, le titulaire d'une charge — par exemple, le chef d'état-major de la Défense des Forces armées, le gouverneur général ou le premier ministre — devrait être tenu de ne posséder qu'une seule citoyenneté, celle du pays?
Je n'ai pas de problème avec la double citoyenneté en soi, mais lorsqu'une personne jure allégeance et dit qu'elle consacrera toutes ses énergies à ce pays, peut-elle le faire deux ou trois fois?
Le sénateur Hays : Le monde a changé depuis la moitié du XIXe siècle et il ne cesse de changer. J'ignore combien de millions de Canadiens sont des citoyens à double nationalité. Si nous acceptons cela pour les Canadiens, alors je ne vois pas pourquoi les personnes qui occupent les postes de plus haut niveau devraient être traitées différemment. C'est mon point de vue. Je n'arrive pas à le rationaliser. Je ne comprends pas pourquoi une personne qui occupe une certaine charge n'aurait pas les mêmes droits et privilèges que les autres Canadiens.
Parviendra-t-on à me convaincre qu'il existe une élite — les gouverneurs généraux, les premiers ministres et les chefs d'état-major de la Défense — qui ne doit jamais avoir eu de citoyenneté dans un autre pays? S'ils l'avaient autrefois, ils seraient discrédités comme s'ils continuaient de la posséder — cela me pose problème.
Le sénateur Andreychuk : Dans pareil cas, la question qui se pose, c'est qu'ils ont prêté serment à un moment donné et qu'ils ont juré allégeance, s'engageant à bien se comporter pendant la durée de leur charge — ce qui, selon moi, constitue presque exclusivement une priorité. Cela m'importe peu s'ils ont la double citoyenneté pour d'autres fins.
Le sénateur Hays : Dans mon exemple, je parle d'une personne qui acquiert la citoyenneté par mariage. Elle n'a pas prêté serment; elle a droit à cette citoyenneté. Vous vous demandez si les Canadiens devraient avoir la double citoyenneté.
Le sénateur Andreychuk : Les Canadiens titulaires de charges particulières.
Le sénateur Hays : Pourquoi ceux-ci? Tout le monde a la possibilité d'être titulaire d'une charge. Si une personne a juré allégeance à la République populaire démocratique de Corée un jour, mais y renonce le jour suivant, quelle différence y a-t-il entre ces deux journées? Je ne vois aucune différence. Vous vous demandez si les Canadiens devraient généralement avoir le droit à la double citoyenneté. À une certaine époque, j'ai répondu non, mais j'ai changé d'avis. On me dit qu'un demi-million de Canadiens vivant dans le Sud de la Californie ont la double citoyenneté, et je n'ai aucun problème avec cela. Je n'ai absolument aucun problème avec cela; voilà ma réponse.
Le sénateur Andreychuk : J'établis une distinction lorsqu'il s'agit de la double citoyenneté d'une personne n'assumant aucune responsabilité particulière envers le pays, c'est-à-dire lorsqu'on a la responsabilité d'agir en tant que citoyen convenable et responsable, sans s'acquitter d'obligations spéciales. Par contre, vous ne faites pas cette distinction.
Le sénateur Hays : Non, en effet. J'ai peut-être tort, mais je ne fais aucune distinction.
Le sénateur Banks : Il y a des pays qui ne permettent pas aux gens de renoncer à leur citoyenneté.
Le sénateur Andreychuk : Oui, je sais.
Le sénateur Banks : J'aimerais vous informer que le caucus de l'Alberta — que j'ai l'honneur de présider — a eu le grand privilège de suivre, au moins dans une certaine mesure, le processus sur lequel s'est penché le sénateur Hays pour aboutir à cette proposition dans son mémoire. De toute évidence, le caucus de l'Alberta appuie cette proposition à l'unanimité, par principe — et à bien des égards, en particulier.
Le sénateur McCoy : Sénateur Banks, je viens de l'Alberta, et je ne me rappelle pas avoir participé à ce caucus de l'Alberta, ni y avoir été invitée. Pouvez-vous clarifier ce point, s'il vous plaît?
Le sénateur Banks : Le caucus libéral de l'Alberta.
Le sénateur McCoy : Merci.
Le sénateur Banks : Si vous voulez devenir membre, vous êtes la bienvenue.
Le sénateur McCoy : Merci beaucoup, mais je siège à titre de progressiste-conservateur et, par conséquent, à titre de sénateur indépendant.
Le sénateur Banks : C'est entendu. Tout le monde accueille favorablement cette affirmation. Vous avez bien raison de faire la distinction. Le caucus libéral de l'Alberta est en principe favorable à cette proposition dans son ensemble et, dans la plupart des cas, à ses détails, principalement en raison de la sagesse d'avoir divisé le projet en deux étapes et de commencer par les mesures que le Parlement peut prendre par lui-même, conformément à l'article 44 de la Loi constitutionnelle, comme l'a souligné le sénateur Hays.
Cette sagesse repose non pas entièrement, mais dans une grande mesure, sur le fait que plutôt que ce soit le Parlement qui apporte ces modifications à lui seul, il serait préférable que ces modifications émanent du Sénat, comme l'a signalé le sénateur Hays, parce que les sénateurs comprennent probablement mieux que quiconque leur institution, son rôle actuel et celui qu'elle pourrait jouer. Si le Sénat adopte ces mesures, on risque moins de simplement effleurer ces questions, qui sont traitées par des personnes qui ne comprennent pas aussi bien que les sénateurs ce que le Sénat a fait, fait et peut faire.
Sénateur Hays, vous avez dit que le Sénat pourrait céder certains pouvoirs — comme il l'a fait dans le passé — et que le mécanisme pour briser une impasse que vous proposez finirait par créer un parti pris pour la Chambre des communes. Si le Sénat est légitimé au cours de la deuxième étape de votre proposition et qu'il devient élu, qu'est-ce qui justifie qu'il cède des pouvoirs?
Le sénateur Hays : Nous ne voulons pas d'un système de style américain. Avoir un Sénat élu ayant les pouvoirs qu'il a actuellement nous amènerait là parce que nous n'avons pas un système de Congrès. C'est une première raison.
L'autre raison, c'est que nous n'y parviendrons jamais. Pour que cela fasse partie de la Constitution canadienne, nous devons satisfaire à plusieurs critères. Nous devons respecter le droit de veto régional proposé dans le projet de loi C-110; les exigences prévues à l'article 38 de la Charte, qui exige l'approbation de sept des dix assemblées législatives représentant au moins 50 p. 100 de la population; et peut-être même ce qui a découlé de l'Accord de Charlottetown, un référendum national. Il est presque impossible de modifier la Constitution canadienne.
Il serait très difficile d'obtenir l'appui des parties concernées — les provinces, la Chambre des communes et le gouvernement fédéral — à cette deuxième étape, et le Sénat ne chercherait pas à le faire. Il est à espérer que le Sénat mobiliserait un groupe interpartis qui l'appuierait — comme c'est le cas au Royaume-Uni — et que le gouvernement et les partis de l'opposition y trouveraient un intérêt suffisant pour examiner le projet.
Cela se rapporte au point du sénateur Smith, à savoir pourquoi nous parlons de la Constitution. Nous en parlons parce qu'elle est désuète et que nous devons la moderniser. Je ne crois pas que nous puissions le faire.
Il y a deux raisons à cela : d'une part, nous ne voulons pas du système américain et, d'autre part, nous devons obtenir l'accord des parties qui, en aucun cas, n'accepteraient que le Sénat continue d'avoir autant de pouvoir qu'il en a actuellement.
Jusqu'à quel point les pouvoirs du Sénat devraient-ils être réduits? Je n'ai pas de bonne réponse à cette question. Cela fait partie de la négociation. Dans le processus de Charlottetown, j'ai observé que lorsque quelqu'un aborde une négociation avec un point non négociable, il perd. Tout doit être sur la table. C'était le cas en 1864, à la conférence de Québec, et à la conférence de Charlottetown, et même avant, et ce devrait être encore le cas. Dès que nous soulevons, comme l'a fait l'Alberta, un point non négociable de Sénat triple E de nom seulement — qui était un nombre égal de représentants de chaque province —, nous obtenons un mauvais résultat. Par conséquent, nous ne devons pas prendre de décision définitive concernant l'étendue des pouvoirs que le Sénat finira par avoir. Ses pouvoirs doivent être vastes, autrement le Sénat n'a pas lieu d'exister.
Le sénateur Banks : Si vous parlez du modèle triple E, en supposant que la représentation égale est tout simplement impossible à mettre en œuvre, car c'est ce que je pense, et que vous avez la question du Sénat élu, qui est possible, le fait de renoncer à des pouvoirs nuit-il à l'efficacité du Sénat? Qui voudrait se porter candidat dans une institution qui, d'entrée de jeu, par définition en vertu de la Constitution, est perdante?
Le sénateur Hays : Personne, alors le défi, c'est d'avoir suffisamment de pouvoir pour ne pas perdre d'entrée de jeu.
La Chambre des lords a fini par renoncer à tous ses pouvoirs. C'est un exemple d'organe législatif qui est bien pensé par ceux qu'il représente — pas tous, mais la plupart. La Chambre des lords modifie et améliore des dizaines de projets de loi, joue un rôle de révision déterminant, et rejette des projets de loi et oblige la Chambre des communes à les adopter de nouveau. Depuis qu'elle a renoncé à ses pouvoirs, les décisions qu'elle a prises n'ont été renversées que six fois en un siècle. C'est peu.
Je trouve qu'il est injuste de dire qu'un organe législatif ayant moins de pouvoir qu'en a le Sénat à l'heure actuelle serait inefficace. Le Sénat pourrait être efficace tout en ayant moins de pouvoir qu'il en a actuellement.
Le sénateur Di Nino : Je tiens d'abord à féliciter le sénateur Hays et lui offrir mes meilleurs vœux de succès, contrairement à ce qui s'est produit chaque fois qu'une initiative du genre a été entreprise dans le passé. On aboutira peut-être quelque part cette fois-ci, car je suis tout à fait d'accord pour dire que si le Sénat ne le fait pas lui-même, et si jamais cela se fait, ce ne sera pas fait de la bonne manière.
Je veux faire quelques observations sur le nombre de Canadiens qui ont une double citoyenneté. Je crois qu'ils sont un peu moins de trois millions de personnes, ce qui est énorme. C'est une question qui pourrait nous occuper pendant toute la réunion, alors je vais en rester là.
J'adopte une attitude très défensive particulièrement lorsque les Européens parlent de légitimité. La réponse immédiate que je leur donne — et elle peut être utile, car nous avons tous été confrontés à ce problème à un moment ou à un autre —, c'est de leur demander à quel point il considère légitime le processus de nomination sur une liste par une entité politique dans un système en vigueur, sous une forme ou une autre, dans la majorité des pays européens, à savoir la représentation proportionnelle? Je trouve que ce processus est beaucoup moins démocratique, certes pas plus, que le processus de nomination en vigueur au Canada. Cette question a été soulevée, ce qui m'a un peu inquiété. Elle est souvent soulevée, surtout au Parlement européen. Je vous assure que les Européens réagiront différemment lorsque vous leur donnerez cette réponse.
Le processus progressif est, sincèrement, la seule façon de faire. Je suis d'accord avec vous là-dessus. À mon avis, nous avons un premier ministre qui est sérieux à propos de la réforme démocratique, laquelle comprend une réforme de certains éléments du Sénat. Je crois qu'il comprend parfaitement les difficultés, comme vous, entourant la réforme constitutionnelle, et cetera. Il nous a mis au défi de discuter et d'agir, alors c'est une très bonne initiative de votre part. Cela pourrait contribuer grandement à la réforme de notre institution. Cependant, je soutiens que cette réforme devrait également, à un moment donné, s'étendre à l'ensemble du Parlement.
Je vous félicite d'avoir proposé que la manière progressive est une première étape dans un long processus qui doit être suivi. Au fil des ans, nous n'avons pas continué de nous concentrer sur cet aspect, surtout parce que vous nous quitterez, comme d'autres l'ont exprimé avec regret en notre nom à tous, du moins au nom de la majorité d'entre nous.
Est-ce sage de discuter des détails à ce moment-ci? À mon avis, ce sont les détails qui feront échouer le processus. J'aimerais savoir si vous êtes d'accord avec moi ou si vous croyez que nous devrions parler du principe. Si nous nous empêtrons dans les détails, ce projet sera relégué aux oubliettes encore une fois. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.
Le sénateur Hays : Dans le projet de loi S-4, le premier ministre a présenté une proposition très intéressante en suggérant de limiter la durée des mandats des sénateurs. Vous savez ce que j'en pense, alors je ne vous ennuierai pas avec cela. Je vous ai déjà fait part de ma position.
Les projets de loi C-43, C-16 et C-56 sont également intéressants. Je ne pense pas que le projet de loi C-43 sera efficace. Il s'agit clairement d'une question qui relève de l'article 42 de la Charte, même si l'article est rédigé de manière à ne pas comporter d'élection.
J'ai apporté le programme du Parti conservateur. Je n'ai toutefois pas l'intention de me lancer dans cette discussion.
C'est pourquoi mon projet se divise en deux étapes. Les questions que le Parlement peut traiter seul sont des questions sur lesquelles nous devrions encourager le gouvernement à aller de l'avant ou sur lesquelles nous devrions aller de l'avant à l'initiative du Sénat par l'entremise du présent comité ou d'un autre comité ou, idéalement, en en faisant une initiative qui regroupe tous les partis. Cela est peu probable pour l'instant, mais on ne sait jamais ce que l'avenir peut nous réserver.
Nous pourrions examiner la question en détail. C'est la raison pour laquelle dans la première étape, les causes pour lesquelles un siège d'un sénateur est vacant et les qualifications sont comprises dans le processus de nomination. Je ne peux pas imaginer les Canadiens dire qu'ils préféreraient un processus où un premier ministre nomme des sénateurs pour une raison quelconque, derrière des portes closes et sans consulter personne dans la plupart des cas — cela s'est vu à quelques rares occasions, y compris durant le processus du lac Meech et peut-être lorsque le premier ministre Harper a annoncé la nomination de Burt Brown. Cependant, au cours des 140 dernières années, peu de premiers ministres ont dévoilé publiquement comment ils nomment les sénateurs, pourquoi, qui, et cetera. Remplacer ce processus par un autre qui suppose la vérification ou la confirmation des qualifications pour une Commission sur les nominations, une méthode qui comporte une certaine indépendance, en procédant aux nominations par le biais de ce moyen et en soumettant les nominations du premier ministre à un processus d'examen, je ne vois franchement pas comment les Canadiens pourraient s'y opposer.
Ils peuvent peut-être croire que cela n'est pas suffisant et vouloir un Sénat élu maintenant, mais ce n'est pas une chose facile. Sur ce point, je suis d'accord avec vous. En changeant maintenant pour un Sénat élu, nous faisons exactement ce qui nous préoccupe, vous et moi, et c'est la raison pour laquelle le changement doit être précédé d'un processus crédible. Je propose d'avoir une commission royale, comme la Commission Wakeham dans le cas des livres blancs britanniques. Il faut mener des études conjointes du Parlement, demander aux provinces de présenter une proposition ou des solutions de rechange plus vraisemblables et essayer de le faire dans un contexte politique neutre.
Le sénateur McCoy : Je félicite le sénateur Hays pour son document très réfléchi. Je suis ravie de voir que la motion que vous avez proposée en décembre de l'année dernière a été renvoyée au comité et que nous puissions profiter de vos observations résumées dans ce document, du moins en ce qui concerne la Constitution, bien que vous n'ayez pas abordé le Règlement du Sénat, qui constitue l'autre moitié du matériel de référence.
J'ai l'impression qu'il y a une évidence dont nous ne voulons pas parler. Dans les discussions auxquelles j'ai assisté ou participé, nous ne cessions de revenir à la question que l'indépendance du Sénat ou des sénateurs est soit présumée soit voulue. Cette discussion revient sans cesse et différentes solutions à ce que nous percevons comme un problème sont proposées, et pourtant, le problème — l'indépendance — n'a toujours pas été pleinement débattu, à mon avis. Si nous étions indépendants, pourquoi devrions-nous aborder le problème, alors il doit bien y avoir un problème? Il me semble que le problème de l'indépendance est celui que nous devrions examiner en premier. Que considéreriez-vous une preuve d'indépendance? Quels seraient les signes du titre de propriété, par exemple? Quels seraient les deux ou trois éléments qui révéleraient si le Sénat du Canada est indépendant ou non?
Le sénateur Hays : Je ne sais pas si je dirais qu'il n'y a pas d'indépendance. Le Sénat a montré à maintes et maintes reprises qu'il a joué le rôle qui avait été prévu pour lui au départ, soit d'effectuer le second examen objectif. Il agit à titre d'organe parlementaire, avec un parti ministériel, un parti de l'opposition et des whips, et il a effectué ce second examen objectif dans ce contexte politique.
En tant que responsable de la Loi sur la clarté, je peux vous dire que tant les sénateurs du parti au pouvoir que ceux de l'opposition ont fait preuve d'une grande indépendance. Cela a été un exercice d'indépendance utile, notable et louable de la part du Sénat.
En bout de ligne, les gouvernements ont un intérêt légitime à ce que les projets de loi soient examinés par les deux Chambres du Parlement. Le Sénat, comme je l'ai décrit dans le document, est responsable de réviser les politiques, d'émettre des avis sur les politiques et de représenter les intérêts régionaux. Il assume tous ces rôles de manière indépendante. Mon point de vue sur le projet de loi C-36 ou sur la motion Murray-Austin sera différent de celui d'un sénateur, disons, du Nouveau-Brunswick. Cela représente l'indépendance des deux côtés de la question. Notre problème à l'heure actuelle, c'est de déterminer d'une manière quelconque comment cette question doit se résoudre, idéalement. Ce ne sera pas facile. Il y a une grande indépendance. Je comprends peut-être mal votre question.
Le sénateur McCoy : J'ai demandé quel était le nombre de facteurs que vous prenez en considération pour dire qu'il y a effectivement une indépendance, et non pas une libre expression des points de vue. J'ai observé depuis que je suis ici une expression libre et absolue des opinions des membres des deux côtés de la Chambre. Je n'ai pas observé, par exemple, une expression libre et absolue des votes. D'après les statistiques, je crois qu'un sénateur sur sept seulement vote à l'encontre de son affiliation politique et ce, dans 15 p. 100 des cas. À mon avis, ce n'est pas un indice d'indépendance. Je me montre insistante, car je trouve que c'est un sujet dont nous n'avons pas encore discuté ouvertement. Les petits murmures que j'entends en ce moment indiquent que c'est peut-être un sujet qui rend mal à l'aise, mais c'est un sujet qui pourrait être mis sur la table.
Le sénateur Hays : Je suis à l'aise d'en discuter. Pour reprendre vos propos, l'ennui, c'est la mesure dans laquelle le Sénat assume le rôle de l'organe exécutif du gouvernement, comme le fait le Sénat américain, et c'est une question à laquelle nous devrions réfléchir sérieusement. Vous vous retrouvez dans un organe législatif composé d'un gouvernement au pouvoir, et il s'agit aujourd'hui d'un gouvernement minoritaire qui a un mandat, et vous devez décider jusqu'à quel point vous pouvez critiquer ce mandat et vous y opposer à titre de législateur nommé. Cela influe sur votre degré d'indépendance. Ce n'est pas le cas à la Chambre des communes et, depuis le début, elle est la première Chambre habilitée à prendre un vote de confiance. Le Sénat, s'il refusait d'adopter les projets de loi, pourrait devenir une Chambre habilitée à prendre un vote de confiance, mais devrait-il le faire? Les Pères de la Confédération avaient-ils envisagé que les sénateurs se serviraient de leur pouvoir de cette manière? Dans les comptes rendus des débats qu'ils ont eus, ils croyaient que le Sénat, tout comme la Chambre des lords, ne s'opposerait pas à la volonté du peuple, ce qui était plus manifeste à la Chambre des communes.
C'est un argument intéressant soulevé de part et d'autre et abordé tous les jours au Sénat. Il en est question à l'heure actuelle en fonction de l'utilisation des pouvoirs du Sénat dans un but ou un autre. Sont-ils d'ordre politique? Sont-ils une expression d'une opinion indépendante? C'est le mélange des deux; c'est cela la politique canadienne.
Le sénateur McCoy : Merci, sénateur Hays. Au nom de la province que je représente, je vous félicite de vos bons et loyaux services.
Le sénateur Hays : Je vous remercie des propos élogieux que vous avez affichés sur votre blogue, et je vous félicite pour ce dernier.
[Français]
Le sénateur Losier-Cool : J'aimerais vous remercier, sénateur Hays, de votre document, de votre disponibilité et pour tout ce que vous avez fait.
Ma principale question touche le rôle représentatif du Sénat. Nous avons entendu, à maintes reprises, des discours prononcés en Chambre exprimant les préoccupations des sénateurs à savoir comment cette représentativité reflétera la situation des francophones en situation minoritaire, des Autochtones et des femmes. Peut-être que la commission indépendante, dans le cadre du mode de sélection des sénateurs, pourrait se pencher sur la question.
Avez-vous des suggestions sur la façon d'assurer cette représentativité?
Le sénateur Hays : Comme nous le savons, le Sénat a évolué d'une façon qui assure, de plus en plus, que les Canadiens en situation minoritaire soient bien représentés dans notre Chambre.
Le problème que vous soulevez est difficile à résoudre. Comment garantir que les minorités, tels les Autochtones, les communautés francophones et, bien sûr, les femmes — qui ne sont pas une minorité mais un groupe sous-représenté au Parlement — continuerons d'être bien représenté au Sénat? Ma suggestion serait de former une commission responsable de faire en sorte, soit par des nominations ou d'une autre façon, que les minorités continuent d'être une considération majeure.
Le premier ministre accepterait le modèle que je propose, les suggestions soumises par une commission quant à la nomination d'une autre commission indépendante.
[Traduction]
J'ignore si j'aide ou non. Par ailleurs, et j'en ai déjà parlé brièvement, il y a la préoccupation du sénateur Watt, à savoir que si nous avions des circonscriptions — et ce serait peut-être le cas dans un Sénat élu — comme le Nunavik est une circonscription du Québec, il accepterait alors que cette circonscription est représenté par quelqu'un qui vient d'une minorité de cette province, en tout ou en partie, je l'ignore.
[Français]
Le sénateur Losier-Cool : Selon votre réflexion, est-ce que cette commission indépendante serait nommée par le premier ministre?
Le sénateur Hays : En ce moment, c'est ce qui se fait à Westminster. La commission royale de Lord Wakeham propose d'avoir une commission plus indépendante avec davantage de responsabilités.
[Traduction]
Je propose de faire chaque chose en son temps. Je suggère qu'il s'agisse d'une commission des nominations qui relève du premier ministre. J'espère que l'exemple de la Chambre des lords qui compte trois membres politiques et trois autres membres serait un précédent acceptable et que le premier ministre respectera son avis indépendant. Si un premier ministre ne le faisait pas, le résultat ressemblera à la réponse du sénateur Andreychuk plus tôt : les gens surveilleraient la situation et si le premier ministre manipulait ce qui serait une Commission des nominations indépendante, ce dernier paierait un prix élevé sur le plan politique.
Le sénateur Losier-Cool : Mes gens ont l'habitude de surveiller et le font depuis des années.
Le sénateur Joyal : Je vous remercie, sénateur Hays, de ce que je serais tenté d'appeler votre testament politique. Avant de poser ma question, je devrais commencer par dire qu'il est triste que vous partiez maintenant, car fort de vos 23 années d'expérience au Sénat, vous avez acquis les connaissances, la sagesse et la capacité nécessaires pour voir au- delà de l'horizon quelle devrait être l'évolution de cette institution. À la lumière de votre témoignage, je suis inquiet de ce qui arrivera à partir de là. Ma question portera essentiellement là-dessus, mais avant d'en dire plus, je ne peux pas faire autrement que de souscrire à l'approche que vous proposez dans votre mémoire. Lorsque je l'ai lu, je me suis rappelé ce que j'ai moi-même écrit en 2003. Permettez-moi de me citer, comme je l'ai fait dans le passé avec l'aide des honorables sénateurs Bank, Losier-Cool, Fraser et Hays en 2003, en lisant un passage du livre que nous avons publié sur le Sénat canadien, intitulé Protéger la démocratie canadienne. Je vais lire le dernier paragraphe de l'introduction :
Nous soutenons ici que la même dynamique, celle d'une évolution sans révision formelle de la Constitution, peut faciliter l'amélioration du rôle du Sénat canadien. Pour cela, il faut cependant réfléchir aux origines, aux antécédents et au fonctionnement actuel du Sénat au sein du Parlement et prendre en compte les principes institutionnels et le contexte politique qui en balisent l'évolution.
Cela se rapporte au fait que dans le système britannique, il existe des façons de faire participer les institutions. Il y a ce que nous appelons la convention politique, qui s'adapte aux circonstances, et j'en ai d'ailleurs parlé; et l'article 44 de la Constitution qui autorise le Parlement à apporter certaines modifications; et il y a généralement des modifications qui peuvent être apportées par les modifications habituelles au Règlement du Sénat, comme le sénateur McCoy l'a dit plus tôt.
Votre approche me paraît sensée, mais j'ai l'impression que — je pourrais avoir tort, et c'est la raison pour laquelle je veux savoir ce que vous en pensez — si le gouvernement en place décide d'adopter une approche, et je fais allusion au projet de loi C-43, qui propose des élections, que vous avez dit être une question qui comporte une multitude de défis compte tenu du fait que nous modifions la méthode de sélection des sénateurs en substance, nous pourrions alors nous retrouver dans une situation où, finalement, nous avons cherché à obtenir trop et où nous n'obtiendrons pas assez de ce qui est à portée de la main.
Puisque vous nous quittez maintenant, que suggérez-vous à ceux qui restent de faire de votre proposition? Comme je l'ai dit, quant au fond, je souscris au processus que vous proposez, mais d'un point de vue pratique, lorsque vous quitterez le Sénat à la fin du mois prochain, qu'allons-nous faire de votre proposition? Comment la traiter en tant que comité, car nous en sommes saisis? Que nous suggérez-vous?
Le sénateur Hays : C'est une excellente question et c'est bien que nous puissions l'aborder à la fin de cette séance. Merci de vos compliments et je vous félicite vous aussi, de même que tous ceux et celles qui ont travaillé sur la réforme du Sénat au fil des ans. Votre livre sur le Sénat est un ouvrage important. Je m'en suis grandement inspiré durant la rédaction du document de travail, comme l'ont fait beaucoup d'autres. C'est de cette manière que nous progressons. Nous n'y arriverons pas en un clin d'œil; il faudra du temps. C'est un processus qui a débuté il y a un certain temps déjà. Il remonte au Comité Molgat-MacGuigan, et cetera. Tous ces éléments ont apporté une contribution et ensemble, il est à espérer qu'ils donneront lieu à une excellente réforme de notre Parlement et, en particulier, de notre Sénat.
Que faisons-nous maintenant? Je note que la date de présentation du rapport du comité est le 21 juin. Il y a peu de chances que le comité puisse faire grand-chose avec cette proposition d'ici là. Le Comité permanent des affaires juridiques et constitutionnelles pourrait y donner suite, mais le présent comité pourrait s'attarder aux questions qui ne sont pas controversées, et certains points que j'ai proposés ne le sont pas. Le présent comité pourrait s'occuper de proposer un projet de loi sur la réforme du Sénat, du moins sur les questions non controversées, et proposer qu'il soit présenté à titre de projet de loi émanant du gouvernement ou, idéalement, si le comité parvient à s'entendre, qu'il soit proposé par le gouvernement et appuyé par les partis de l'opposition, ou l'inverse.
En ce qui concerne les questions controversées, c'est le même processus, mais il est plus difficile. Le processus de nomination est évidemment un sujet qui préoccupera le premier ministre actuel et les futurs premiers ministres, car il limitera leur pouvoir, alors ils doivent être convaincus de son efficacité, mais il y a d'excellents arguments à faire valoir. Nous avons l'exemple de Westminster. Le présent comité pourrait faire du très bon travail.
Ni le comité ni le Sénat seul n'aura beaucoup à faire dans la seconde étape, qui est un processus qui précéderait l'élaboration d'un modèle de Sénat élu. Cette étape devrait suivre un processus semblable à celui de la Commission Wakeham avec tous les avantages des livres blancs et des études conjointes.
Le Comité Beaudoin-Dobbie n'était pas un mauvais processus. Il a produit un très bon rapport. À mon avis, si la question avait été laissée entre les mains du Comité Beaudoin-Dobbie et de ses membres, nous aurions pu avoir un projet qui aurait eu plus de chances de devenir la loi du Canada que le projet que les premiers ministres ont eu entre les mains. Ils avaient des programmes politiques et des éléments non négociables — un nombre égal de représentants de chaque province, et cetera — qui ont compliqué la tâche et ont donné lieu à des distorsions et à un problème encore plus grand.
Certes, le Sénat pourrait présenter un projet de loi sur la réforme comme approche pour régler les questions plus difficiles et faire des recommandations sur ces questions. La seconde étape doit être une initiative gouvernementale. Il est à espérer que le genre de discussion qui se trouve dans le livre que vous avez publié, dans ce document et dans beaucoup d'autres documents qui ont précédé tant au palier fédéral qu'au palier provincial, serait une raison pour le gouvernement fédéral en place d'aller de l'avant avec une initiative. Tout d'abord, il faudra que ce soit dans les programmes des partis — et j'espère que ce sera le cas à la prochaine élection.
Le sénateur Joyal : D'après ce que je comprends, vous suggérez que la date de la présentation du rapport soit repoussée et que le Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement ou le Comité permanent des affaires juridiques et constitutionnelles crée un sous-comité qui pourrait avoir pour mandat de poursuivre la discussion et d'examiner votre proposition et l'autre proposition que vous suggérez en vue de présenter un rapport. Ce rapport pourrait présenter des recommandations précises sur les modifications et les changements que le Sénat seul ou le Parlement du Canada peuvent apporter par eux-mêmes.
Le sénateur Hays : J'aime cette suggestion, sénateur Joyal. Évidemment, vous et moi avons travaillé là-dessus à certaines occasions dans le passé. Vous êtes le premier sénateur qui me vient à l'esprit lorsque je pense à ceux qui portent un intérêt particulier à cette question. En prévision de juillet, vous devez créer un groupe qui s'en chargerait. Nous pourrions faire du bon travail. N'oubliez jamais que le Sénat proposera de meilleures suggestions de changements que le Bureau du Conseil privé ou ses homologues provinciaux. Pour nous assurer que le Sénat continue de faire du bon travail, nous serons certainement mieux placés que les bureaucrates, à qui un organe exécutif du gouvernement aura demandé d'élaborer une réforme.
Le président : C'est une bonne observation pour terminer la réunion d'aujourd'hui. Sénateur Hays, nous vous sommes redevables. Nous vous remercions d'avoir soumis des idées si claires et concises par écrit au comité ce matin. Nos meilleurs vœux vous accompagnent.
Le sénateur Hays : Merci. Ce fut un privilège de témoigner devant le comité. Je vous remercie de votre patience, de votre compréhension, de votre intérêt soutenu et de vos questions pertinentes. Nous, Canadiens, avons tout intérêt à avoir le meilleur Parlement possible et imaginable pour nous représenter ici au centre de notre pays. Merci à tous.
La séance est levée.