Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Transports et des communications
Fascicule 15 - Témoignages du 30 mai 2007
OTTAWA, le mercredi 30 mai 2007
Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications se réunit aujourd'hui à 18 h 15 afin d'étudier, en vue d'en faire rapport, le trafic de fret conteneurisé actuel et éventuel manutentionné par les ports à conteneurs de la porte d'entrée du Pacifique, les ports à conteneurs de la côte Est et les ports à conteneurs du centre du Canada, sur les principaux marchés importateurs et exportateurs desservis par ces ports et sur les politiques actuelles et futures à cet égard.
Le sénateur Lise Bacon (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente : Honorables sénateurs, nous poursuivons ce soir notre étude sur le trafic du fret conteneurisé. Nous accueillons M. John Vickerman, directeur-fondateur de TranSystems.
Bienvenu à notre comité, monsieur Vickerman. Nous avons hâte d'entendre votre exposé. Je suis certaine que les sénateurs auront des questions à vous poser par la suite. La parole est à vous.
John Vickerman, directeur-fondateur, TranSystems : C'est un plaisir pour moi d'être avec vous ce soir.
J'ai intitulé mon exposé « Tendances mondiales du marché et du transport de conteneurs », qui présente les perspectives dans ce domaine. J'aimerais répondre à vos questions au fur et à mesure. Je vous prie de m'interrompre au cours de mon exposé si j'utilise une expression ou un terme qui ne vous est pas familier.
TranSystems emploie environ 1 200 personnes et compte 40 bureaux. Elle a été formée il y a 12 ans et est née de la fusion de trois entreprises. J'étais président-directeur général de la plus petite d'entre elles. Comme son nom l'indique, elle s'occupe d'aplanir les obstacles de nature modale des systèmes de transport afin de faciliter la logistique.
On compte en Amérique du Nord environ 90 ports en eau profonde servant au transport de marchandises diverses; j'ai été l'auteur de 65 des 90 plans stratégiques qui ont été dressés pour ces installations. C'est là où nous concentrons nos activités. Les ports sont classés en fonction de leurs dimensions, exprimées en équivalent vingt pieds ou EVP. Voici les 15 plus grands ports d'Amérique du Nord. Nous avons dressé les plans stratégiques pour tous ceux qui sont en jaune; j'essaie encore d'avoir Houston et Hawaï. Cette diapositive vous donne aussi une bonne idée du marché concurrentiel dans lequel se trouvent les 15 ports les plus importants, dont Los Angeles, Long Beach et New York comptent pour la moitié du volume.
Le sénateur Eyton : Vous vous êtes occupé de presque tous les ports, et ce n'est qu'une question de temps pour les autres. Vous parlez de stratégies maintenant pour différents ports, dont un bon nombre sont en concurrence. Comment gérez-vous tout cela?
M. Vickerman : Je signe une entente de confidentialité assortie de pénalités. Je peux divulguer des renseignements publics, mais pas de données du secteur privé. Par exemple, les ports de Los Angeles et de Long Beach se trouvent à proximité l'un de l'autre. Ils ont dressé leur plan de 2020, et j'ai dû signer une entente de confidentialité avec les deux. Lorsque vous faites une analyse complète et qu'il n'y a que deux parties, et que chaque membre connaît sa partie, vous connaissez automatiquement l'autre. Toutefois, il y avait quand même de grandes inquiétudes. Je signe des ententes de confidentialité et je ne divulgue aucune stratégie portuaire.
Le sénateur Eyton : Y aurait-il alors un rapport annuel contenant 20 recommandations, dont 15 seraient les mêmes pour tout le monde tandis que les cinq autres viseraient des besoins particuliers?
M. Vickerman : Non. En fait, les ports sont très différents. Il y a des propriétaires bailleurs et il y a des exploitants. Les ports à conteneurs sont très différents des ports à marchandises diverses et des ports à néo-vrac. Chacun a une complexité qui lui est particulière, quoique les mêmes recommandations pourraient s'appliquer à certains d'entre eux à cet égard.
Le sénateur Eyton : Merci.
M. Vickerman : Ce soir, j'aimerais parler des pressions extérieures exercées sur l'industrie. Qu'est-ce qui anime le marché et quelles sont les réponses nord-américaines? Nous parlerons de la demande internationale en fret, d'où vient le fret et où il est amené, et les perspectives à cet égard.
Nous parlerons du défi de l'importation asiatique, ce que j'appelle un tsunami. Le tsunami est à nos portes aujourd'hui. C'est un énorme défi pour l'Amérique du Nord et je vais vous en brosser un tableau.
Nous parlerons ensuite des volumes prévus en Amérique du Nord. Nous approfondirons un peu le sujet pour bien comprendre ce qu'il en est. Nous regarderons ensuite la situation au Canada et, en particulier, votre pont terrestre transcontinental. Il s'agit pour moi d'un système qui permet de transporter, par camion ou par train, des marchandises d'un océan à l'autre et de traverser ainsi le continent.
Nous parlerons ensuite des nouveaux navires. Je vous montrerai les dernières images, prises il y a seulement un mois, d'un très gros navire. Il y en a maintenant quatre, dont le Ebba Maersk et le Emma Maersk.
Nous parlerons des nouveaux corridors qui relient le Canada, les États-Unis et le Mexique. Où sont-ils? Que font- ils? Comment sont-ils reliés?
Enfin, je vais vous donner un exemple d'une technologie fondée sur l'information et sur l'alignement des données des navires à celle des trains et des camions qui, lorsqu'on l'utilise correctement, peut doubler la capacité d'un port sans qu'il soit nécessaire de construire de nouvelles installations ou d'ajouter de nouveaux équipements ou de la main- d'œuvre. À mon avis, c'est l'une des technologies de l'avenir.
Sans plus tarder, penchons-nous sur les pressions extérieures exercées sur l'industrie.
Voici un ouragan. Comme je suis architecte et ingénieur, j'aime bien les aspects techniques de cette photographie. Voici une paroi bien définie de haute pression. J'utilise cette photographie pour poser la question suivante : prend-on la bonne direction? Peut-être qu'on ne devrait pas aller par là. Que fait-on? Il y a de véritables défis pour nous à l'horizon, comme la demande en fret et les contraintes de capacité. Si vous prenez le meilleur terminal en Amérique du Nord et vous le comparez au meilleur terminal dans le monde, nous échouons dans une proportion de plus de cinq pour un; pourtant, les pays étrangers n'ont pas plus de baguette magique que nous. Pourquoi est-ce ainsi?
Nous avons des préoccupations au chapitre de la productivité et de la sécurité. Le nouveau président de la commission portuaire de Los Angeles a affirmé que nous tuons 3 000 personnes par année avec des émissions de diesel non réglementées, des particules infiniment petites et des émissions d'oxyde nitreux produites par les passages de navires non réglementés.
Les défis sont nombreux. Soit dit en passant, dans le domaine de l'environnement, les ports de Los Angeles et de Long Beach se sont vus imposer un moratoire de trois ans et demi sur une quarantaine de leurs grands projets en raison des nouvelles préoccupations et réglementation en matière d'environnement avec lesquelles ils doivent composer. Je crois que quelques-uns de ces nouveaux règlements se répandront bientôt partout en Amérique du Nord.
Si j'étais un architecte en 1950, que j'utilisais la technologie du jour sur les navires — et on voit ici une pièce d'équipement — et que j'essayais de concevoir une installation qui ne serait pas désuète dans 40 ou 50 ans, mais que j'utilisais cette technologie, je ferais une erreur. Voici la technologie d'aujourd'hui.
Si je suis un architecte en 2007, mes clients veulent que je conçoive quelque chose qui durera 40 ou 50 ans. Si j'utilise cette technologie, je fais peut-être encore une erreur.
Je suis un capitaine de navire à la retraite. J'ai servi pendant 38 ans dans la réserve navale. Je ne sais pas ce que c'est. Tout ce que je sais, c'est que c'est très différent.
Cette diapositive montre un schéma de l'escorteur-frégate de la marine américaine. Ce qu'il faut retenir est ceci : les connaissances que nous avons aujourd'hui seront sûrement différentes demain, alors comment pouvons-nous nous ménager une marge de manoeuvre? Comment planifions-nous pour l'avenir? Nous allons parler de ces choses aujourd'hui.
Pour être compétitif aujourd'hui, un port doit réduire les coûts, augmenter la vitesse de passage des marchandises et ce, de manière sécuritaire et dans le respect de l'environnement. En général, un directeur de port ne dira pas : « Venez accoster ici. Les opérations sont plus lentes, moins fiables, et les coûts sont plus élevés. » Il ne dira certainement pas cela.
Aujourd'hui, le directeur d'un port de transbordement ne s'occupe pas seulement du port, mais doit transiger, par exemple, avec les agents maritimes, les transporteurs non maritimes, les propriétaires de remorqueurs et les fournisseurs de logistique de tierce partie, ou les 3PL; en fait, il existe maintenant des 4PL. Si vous ne traitez pas avec toutes ces personnes pour assurer un système sans faille, vous ne touchez pas à tous les aspects que vous devez toucher pour changer le système.
Regardons les conteneurs dans leur ensemble. Les colonnes bleues sur ce graphique représentent des espaces. Chaque espace est un conteneur sur un navire. Les espaces augmentent à mesure que nous construisons des navires. Les colonnes jaunes représentent les espaces contrôlés par les 20 plus grands transporteurs. Les colonnes rouges représentent les espaces contrôlés par les quatre alliances mondiales. Les transporteurs maritimes comme Maersk, Evergreen ou Hapag-Lloyd ne sont pas assez gros sur la scène mondiale, au chapitre de la distribution, alors ils forment des consortiums et des alliances.
Le sénateur Eyton : Les colonnes bleues incluent les colonnes jaunes et rouges, n'est-ce pas?
M. Vickerman : Oui, elles représentent le nombre total d'espaces.
Le sénateur Eyton : Il reste quelques espaces, n'est-ce pas?
M. Vickerman : Oui, ce sont les espaces qui ne sont pas contrôlés par les 20 plus grands transporteurs ou fournisseurs.
Ce graphique nous dit qu'au fil du temps, un pourcentage de plus en plus grand du fret est contrôlé par de moins en moins d'entreprises et que les alliances, formées par des organisations très puissantes qui échappent à la réglementation antitrust dans le monde, sont de plus en plus puissantes et prennent le contrôle.
Voici le port de Los Angeles. En arrière-plan se trouve le quai 400; en avant-plan il y a le quai 300. Nous vivons un paradoxe aujourd'hui en Amérique du Nord. Les temps n'ont jamais été aussi bons, en ce sens que la demande en fret est à la hausse. En même temps, c'est la catastrophe. Je n'ai pas de ressources et j'ai de moins en moins de capacité pour répondre à cette demande. C'est un véritable problème.
Soit dit en passant, cette photographie a été prise le jour de l'ouverture du quai 300. Aux niveaux de productivité actuels, nous pouvons garantir qu'en 2020, nos ports seront gravement congestionnés. Je gagerais mon fonds de pension là-dessus, et il me tient à cœur à l'âge que j'ai.
Nous utilisons l'excuse de la congestion. La secrétaire américaine des Transports se préoccupe beaucoup de la congestion. Je fais partie de sa table ronde consultative sur le fret. Nous sommes 14 à la conseiller. Nous n'avons pas vraiment de système. Nous disons que nous en avons un, mais c'est plutôt un amalgame d'intérêts publics et privés dans lequel personne ne se parle. Les autorités portuaires ne parlent pas aux camionneurs, les camionneurs ne parlent pas aux 3PL, les compagnies de chemin de fer ne se parlent pas entre elles ni à d'autres, et ainsi de suite. Il n'existe pas de véritable collaboration ou communication.
Le sénateur Tkachuk : Est-ce vrai dans les deux pays?
M. Vickerman : Oui. Nous parlons de l'Amérique du Nord.
Je dois féliciter le Canada. J'ai eu le plaisir de rencontrer plusieurs des ministres fédéraux et premiers ministres provinciaux. Votre approche est beaucoup plus systémique que celle des États-Unis. Je fais partie de la table ronde dont je vous ai parlé, et son approche est tellement stochastique que nous ne pensons pas à la planification des systèmes. Je dis parfois que j'aimerais bien un brin de communisme à l'heure actuelle. J'aimerais pouvoir débloquer certains goulots d'étranglement avec les ressources disponibles. Toutefois, les choses ne fonctionnent pas ainsi.
Aux États-Unis, un gouverneur ne va pas dire à un autre « Pourquoi vous n'avez pas mes emplois? » En général, ils ont un esprit de clocher et sont voraces. Ils aiment voler le fret de leurs camarades. Je le sais parce que j'ai traité avec la plupart d'entre eux.
Le sénateur Zimmer : Le sénateur Tkachuk a demandé s'ils communiquent entre eux à l'intérieur du pays. J'aimerais demander ceci : La communication existe-t-elle entre pays également?
M. Vickerman : Oui. À mon avis, la frontière entre le Canada et les États-Unis devrait être abolie pour ce qui est du transport de marchandises. Nous sommes un continent. Nous sommes des partenaires commerciaux dans le cadre de l'ALENA. Ce qui est bon pour le Canada l'est aussi pour les États-Unis et le Mexique, et je vais vous donner des exemples.
Au début de la semaine, j'assistais à une annonce faite à l'emplacement d'un nouveau port de la Nouvelle-Écosse, à l'autre extrémité du réseau du CN. Prince Rupert se trouve à l'extrémité ouest, et celui-ci est à l'extrémité est. Il y a la technologie et la sécurité. Au lieu d'arrêter les trains du CN à la frontière, si on utilise la même technologie, qu'on l'améliore et qu'on l'applique au port, on peut convaincre les agents de patrouille frontalière et les douaniers américains de relâcher cette surveillance à la frontière. On pourrait alors faire traverser les trains à 50 milles à l'heure en assurant une surveillance au port éloigné. Voilà un exemple de technologie qui pourrait s'appliquer tant aux États-Unis qu'au Canada et qui serait profitable aux deux pays.
Depuis le 11 septembre, la Banque mondiale a réaffirmé que la production mondiale augmente de 10 billions de dollars américains tous les 10 ans. La population mondiale augmente. La production et la fabrication aussi. Les partenaires commerciaux augmentent et les obstacles au commerce disparaissent. Tous les 10 ans, la production augmentera de 10 billions de dollars.
Regardons le lien entre l'économie mondiale — et sur cette diapositive, les colonnes bleues représentent le taux de croissance annuel composé du PIB mondial — et la croissance des conteneurs dans le monde. Vous pouvez voir que les conteneurs augmentent environ deux fois plus rapidement que le PIB mondial, d'environ 6 p. 100.
Aujourd'hui, il y a environ 85 millions de conteneurs. D'ici 2024, nous en aurons 243 millions et ce chiffre ira en augmentant. Cette diapositive utilise les données de Fortune 500 de Global Insight. L'entreprise a fait l'acquisition de Wharton Econometric Forecasting, lauréat du prix Nobel d'économie. Il s'agit d'une source de données fiable qui nous dit que cette courbe est à la hausse.
La prochaine diapositive montre la croissance des conteneurs dans le monde. L'Amérique du Nord est représentée en vert et enregistre un taux de croissance inférieur au reste du monde. Malgré cela, au cours des cinq dernières années, nous avons accusé une hausse d'environ 7 p. 100, et environ 48 millions de conteneurs — des équivalents vingt pieds — sont expédiés à partir de l'Amérique du Nord. D'ici 2015, ce chiffre atteindra les 72 millions.
Le prochain graphique est celui qui me préoccupe le plus. On y présente le PIB de divers pays du monde sur un horizon de planification allant jusqu'à 2050. Quand vous voyez les États-Unis, vous devez comprendre qu'il s'agit de l'ALENA. Les données des États-Unis comprennent le Canada et le Mexique. Ce tableau montre que l'ALENA et ses partenaires commerciaux perdront leur titre de principal moteur économique du monde pour occuper le deuxième rang en 2040. Certains économistes croient que ce sera en 2030, mais les États-Unis, le Canada et le Mexique perdront leur importance économique dans le monde.
Qui donc progresse? La Chine arrive au premier rang; l'Inde est au troisième et, après un bref relâchement, on trouve le Brésil. Le PIB de tous les autres pays régresse.
Le sénateur Eyton : Où est la Russie?
M. Vickerman : Le Japon, l'Allemagne, le Royaume-Uni, la France et l'Italie sont à la baisse; la Russie augmente, puis diminue. Il y a quelques caractéristiques stochastiques, mais la Russie aura en fait une bonne performance.
D'où vient ceci? Pourquoi la Chine et l'Inde connaissent-elles une telle croissance?
Le prochain graphique montre la source des produits — la fabrication — depuis 1980. Les colonnes rouges représentent la fabrication asiatique, la localisation des sources d'approvisionnement en Asie. La tendance de l'impartition en Asie existe depuis des décennies. Ce n'est pas nouveau et cette tendance va se poursuivre.
Aujourd'hui, plus de 60 p. 100 du marché des conteneurs en Amérique du Nord se fait avec l'Asie. L'Europe est stable, à environ 19 p. 100. Vous devez regarder la Chine et le nord de l'Asie pour avoir une vue d'ensemble. Au cours des cinq dernières années seulement, la croissance des conteneurs provenant de la Chine a atteint un taux annuel composé de 12 p. 100; 95 p. 100 de cette croissance provient de la Chine. Les États-Unis ont été surpris d'apprendre que pour la première fois dans l'histoire depuis la Deuxième Guerre mondiale, la Chine, moins Hong Kong, est devenue le principal partenaire commercial du Japon. Ce titre revenait aux États-Unis, mais ce n'est plus le cas.
J'ai un contrat avec le gouvernement central chinois pour la conception d'un nouveau port au sud de Shanghai. Lorsque je suis revenu de mon dernier voyage, j'ai ramené quelques faits. Permettez-moi de vous en faire en part. Cette image montre le territoire de la Chine superposé sur celui de l'Amérique du Nord. Regardez le visage de ces enfants. Le nombre d'enfants chinois à l'école primaire est supérieur à l'ensemble de la population américaine, hommes, femmes et enfants. Ils doivent parler l'anglais et le mandarin.
Je m'entretenais avec quelques jeunes Américains en Virginie et je leur ai demandé s'ils apprenaient le mandarin, ils m'ont répondu « Nous n'aimons pas les oranges ». Il y a quelque chose qui se passe. Voilà la nouvelle société ascendante et mobile. C'est pour cette raison que la Chine connaît cette croissance.
Le sénateur Merchant : Les garçons sont-ils quatre fois plus nombreux que les filles?
M. Vickerman : Je ne connais pas les chiffres ni les pourcentages, mais en général, oui, à cause du contrôle des naissances et des limites imposées sur la taille des familles.
Le sénateur Merchant : Cela aura-t-il un effet important sur cette culture?
M. Vickerman : Je ne sais pas. Je ne crois pas que l'effet sera énorme sur la consommation, mais à mesure qu'ils prendront de la maturité et deviendront plus riches et deviendront des consommateurs, les Chinois consommeront tôt ou tard les produits qu'ils vendent actuellement au reste du monde.
Regardons ce qui se passe en Chine. La prochaine diapositive montre la croissance de Shanghai. Ce port enregistre un taux de croissance annuel composé de 27 p. 100. J'aime demander à mes auditoires combien souhaiteraient que leur certificat de placement connaisse une croissance de 30 p. 100 par année. J'en serais ravi. Toutefois, les Chinois manquent d'espace très rapidement.
Le sénateur Zimmer : Leur infrastructure peut-elle supporter cette croissance?
M. Vickerman : Non, et on le voit justement ici.
Que font-ils à propos de l'infrastructure? Peuvent-ils supporter cette croissance? Non. Ils ont cherché et voici la solution à Shanghai. Le nuage ici est la vieille ville de Shanghai. Au sud, ils ont trouvé des îles à 20 milles au large. Ils ont décidé de niveler chaque île et de procéder à un remplissage pour créer un nouveau port. Il y avait 54 postes à quai dans un seul contrat de construction. En Amérique du Nord, le plus gros que nous avons eu est le Maersk Sealand, à Los Angeles, avec sept postes à quai.
En trois ans, ils ont construit un pont de 20 milles, en comptant toute la documentation relative à l'environnement, les permis, la construction et la conception. Le tout a été terminé en trois ans. J'ai marché sur le pont. Ils sont en train de construire une nouvelle ville pour les débardeurs. Quand avons-nous construit une ville la dernière fois? Le port de Delta construit-il une ville? Non. Ils construisent aussi un nouveau parc de logistique. J'ai signé un contrat avec ProLogis pour sa conception.
Nous savons que le tsunami s'en vient vers nous. C'est vrai; c'est une croissance gigantesque. Que faisons-nous pour parer le coup sur la côte ouest?
La prochaine diapositive montre le Mexique. Trois corridors sont envisagés au Mexique. Punta Colonet aménagera un nouveau port dans le désert et construira une nouvelle ligne ferroviaire à travers le désert jusqu'au port Yuma afin d'éviter Los Angeles et Long Beach et toute la congestion de cette région. Guaymus va à Tucson; Lazaro Cardenas va à Laredo. Gardez ceci en tête parce que je vais vous montrer quelques graphiques de cela dans une minute.
Que se passe-t-il dans le monde? Quand on regarde en arrière, nous avons ce que j'appelle des centroïdes de fabrication. Au cours des trois dernières décennies, c'était le Japon et la Corée. Ce centroïde de fabrication s'est déplacé à l'ouest et se trouve maintenant à Singapour et à Hong Kong. Le centroïde de fabrication va-t-il se déplacer vers l'Inde ou se diviser et se diriger vers la Chine? De façon générale, tous ces produits fabriqués traversent le Pacifique et se dirigent vers la grande zone de consommation urbaine en Amérique du Nord — New York et le New Jersey. Dernières nouvelles : les produits arrivent à New York et au New Jersey et ne se déplacent pas vers Halifax, ni vers Baltimore, ni en Virginie. Les produits restent là. Le mandat de l'expéditeur : amener mes biens manufacturés dans la zone de consommation au moindre coût et rapidement.
Il y a quelques années, une ligne de navigation a décidé de revenir en arrière et aujourd'hui, les navires qui traversent la mer Rouge, qui traversent le canal de Suez, qui traversent le détroit pour se rendre à New York n'ont jamais été aussi nombreux dans toute l'histoire du canal de Suez. Celui-ci ne présente aucune contrainte; il n'y a pas d'écluses à traverser pour un porte-conteneurs. C'est comme un grand lac. En faisant vite et en ne faisant aucun arrêt, vous pouvez arriver à New York plus rapidement que si vous traversiez l'océan Pacifique et empruntiez le canal de Panama ou déchargiez votre marchandise sur des trains ou des camions. J'aime bien utiliser cette diapositive comme toile de fond.
Pouvons-nous traiter le fret qui nous arrive? La prochaine diapositive nous montre les prévisions du fret conteneurisé. Son taux de croissance annuel composé est de 6 à 7 pour 100. Si je gèle la part du marché et que j'extrapole jusqu'en 2020, j'ai besoin de trois fois plus de ports. J'aime poser la question suivante à mes auditoires : combien parmi vous croient qu'il y aura trois fois plus de ports au Amérique du Nord d'ici 2020? J'en serais fort heureux.
Le sénateur Tkachuk : Cela n'arrivera pas.
M. Vickerman : Cela n'arrivera pas. Deux fois plus alors?
Le sénateur Tkachuk : Cela n'arrivera pas non plus.
M. Vickerman : Et s'il n'y avait aucune augmentation? La California Coastal Commission a dit, en gros, qu'il ne faut même pas envisager de construire un nouveau port sur la côte californienne. Nous avons donc un problème. Nous devons être deux ou trois fois plus productifs, sans quoi notre part du marché va changer.
Voici la dernière, mais non la moindre. Nous avons produit ces données pour la secrétaire aux Transports. Voici les 10 plus grands ports d'Amérique du Nord. Vancouver est le seul port canadien. Regardez Los Angeles-Long Beach. Voici le nombre de conteneurs en 2020. Voici le nombre de conteneurs transportés en 2004. Il arrive un moment où les choses plafonnent. Nous ne pouvons pas décharger cinq fois plus de fret à Los Angeles-Long Beach à moins que nous changions notre consommation. La différence devra être absorbée par tous les autres ports ou bien l'ensemble de la consommation nord-américaine doit changer. Nous devons commencer à conserver et cesser de consommer. Nous achetons des taille-bordures comme des fous. Nous ne prenons pas la peine de réparer le cordon; nous en achetons simplement un autre appareil. Je ne crois que les choses vont changer. En 2020, la demande sera supérieure à la capacité de nombreux ports américains.
Que nous réserve l'avenir? Nous croyons que la Chine et le sous-continent indien seront les chefs de file du marché des conteneurs en l'Amérique du Nord; tous les autres vont décliner. Certains économistes croient qu'après 2015, l'impact de l'Inde en Amérique du Nord dépassera celui de la Chine. C'est pour cette raison que le port de Halifax a établi deux bureaux en Inde. C'est Karen Oldfield qui dirige cette initiative.
Dans le cadre d'un projet que nous avons mené pour la chambre de commerce des États-unis, nous avons examiné les 16 plus grands ports d'Amérique du Nord. Nous avons examiné leur surcapacité en 2010 — les zones foncées sur la diapositive — et nous avons constaté que 75 p. 100 d'entre eux allaient avoir des contraintes.
Quelque chose de nouveau se produit. Wal-Mart — qui, soit dit en passant, représente 15 p. 100 du port de Shanghai — dit aux ports de la côte ouest : « Ne touchez pas à ce navire. Laissez-le se rendre jusqu'à mon centre de distribution et je vais m'en occuper. Ne l'arrêtez pas. » Une toute nouvelle dynamique s'installe.
Voici le taux direct d'absorption dans les centres de distribution. La marchandise se dirige vers ces grands centres, où se font l'entreposage et la distribution.
Nous avons un vrai problème. C'est l'écart entre la capacité et la demande. Le secteur privé n'a pas encore pris le taureau par les cornes. Nous devons vraiment changer le cours des choses, sinon nous aurons des problèmes incroyables à nos portes d'ici 15 ans.
J'aimerais bien un brin de communisme présentement. Donnez-moi des ressources, donnez-moi un ordinateur Cray pendant 15 minutes et un système de logistique et débloquons certains goulots d'étranglement que nous avons en Amérique du Nord.
Concernant le pont terrestre transcontinental du Canada, le volume des échanges commerciaux du Canada est à la hausse. Cette donnée provient des Manufacturiers et Exportateurs du Canada. Le volume est à la hausse dans tous les ports canadiens. La situation est passablement la même à Vancouver et à Montréal. Ce que les gens ne comprennent pas, c'est que le Canada occupe une situation stratégique dans le monde d'un point de vue maritime. Le Canada offre la liaison la plus courte pour le commerce par le Pacifique et par l'Atlantique et c'est le seul pays à avoir un réseau ferroviaire transcontinental régulier.
Le sénateur Zimmer : A-t-on envisagé de passer par le cercle polaire?
M. Vickerman : Oui, sauf que les conteneurs sont si lourds que tout se fait à l'échelle maritime plutôt qu'à l'échelle aérienne. Si nous pouvions les morceler et être compétitifs, nous passerions par le cercle.
Le sénateur Zimmer : Avec le changement climatique, les brise-glace et cetera, il semble que la Russie penche vers cette solution.
M. Vickerman : Oui.
Voici la preuve de ce que je vous ai dit. Voici la distance de la route à partir de l'Asie, de l'Extrême-Orient et de l'Europe. Le Canada se trouve à l'endroit idéal.
Une autre chose est en train de se produire au Canada. Le transport ferroviaire intermodal est sans contredit celui qui prend le plus rapidement de l'expansion. Si nous regardons ce secteur, sa croissance et les voitures vides, nous pouvons l'utiliser au profit d'autres produits.
J'ai eu le plaisir d'être à Regina et à Saskatoon, en Saskatchewan. Nous parlons d'un port intérieur où s'arrêteront les trains du CN. Nous utiliserons la moitié des wagons qui sont vides pour transporter des produits de grande valeur et équilibrer ainsi les allers et les retours.
Un nouveau raccordement fera son apparition. Un symposium avait lieu hier sur la porte d'entrée du Pacifique — je suis l'un des sous-consultants chargés de l'analyse de rentabilité — et la porte d'entrée de l'Atlantique. Prince Rupert est l'un des ports prévus dans le réseau du CN. Cette diapositive nous montre ce réseau. Mardi — et j'étais là — le premier ministre Rodney MacDonald a annoncé l'aménagement d'un nouveau port dans le détroit de Canso, un port entièrement privé, et non une autorité portuaire publique. Voici les temps de parcours entre Prince Rupert et le coeur des États-Unis. Ce raccordement me paraît très intéressant.
Regardons maintenant à l'est. Bien des gens ne croient pas que des changements s'opèrent. Voici le nord de l'Atlantique, de la Virginie à Halifax. Il y a cinqans, le principal partenaire commercial était le nord de l'Europe. Aujourd'hui, c'est la Chine.
Voici l'analyse de la porte d'entrée de l'est. On dit essentiellement que d'ici 2020, environ 3 millions de conteneurs peuvent transiter par la porte d'entrée de l'est. Même en comptant la pleine capacité de Prince Rupert, du Mexique et de l'est, nous ne pouvons absorber toutes les importations de l'Asie. Ce graphique montre les projections pour les ports du nord de l'Atlantique, de la Virginie jusqu'à Halifax. La ligne rouge horizontale représente la capacité. Entre 2013 et 2015, l'espace devient totalement insuffisant.
La prochaine diapositive montre le détroit de Canso, en Nouvelle-Écosse. On envisage d'aménager un nouveau port, le terminal de Melford ou la porte d'entrée du nord-est de l'Amérique du Nord. Il sera opérationnel en 2010 avec 2 millions d'EVP.
Le sénateur Eyton : Est-ce à l'année?
M. Vickerman : Oui, c'est un débit annuel. Le port sera ouvert à l'année et libre de glaces. Le détroit de Canso a une profondeur de 175 pieds à son principal point de navigation.
Parlons un peu des navires. En 1955, Malcolm McLean était un camionneur frustré de la Caroline du Nord. Il s'est dit « Je ne vais plus endurer cette congestion à New York. » Il a littéralement pris la carrosserie de son camion, a vendu son entreprise, McLean Trucking, et a créé Sea Land Inc. Son petit bateau s'appelait SS Ideal-X. Nous avons construit de plus gros navires et jusqu'à l'année dernière, le plus gros faisait environ 8 600 EVP. Puis, il y a six mois, un monstre a vu le jour.
Le plus gros navire à circuler dans le canal de Panama fait présentement 5 000 EVP. Il passe à peine. Les écluses ont une largeur de 110 pieds et les navires Panamax ont une largeur de 106 pieds. L'eau a deux pieds pour jaillir entre les parois du navire et du canal.
La prochaine diapositive nous montre le taux de refus de passage dans le canal de Panama. Les colonnes roses représentent les refus. Vous aviez prévu un service, votre navire va à Balboa et vous faites votre livraison. Or, les 10 000 conteneurs ne peuvent pas passer.
Panama est en train de construire une nouvelle écluse. À l'heure actuelle, le maximum est de 5 000 EVP. Retenez ce chiffre. En 2014, le nouveau navire fait 10 500 EVP. L'année dernière seulement, Zim et le groupe COSCO ont commandé quatre navires de 10 000 EVP. Puis, il y a six mois, ce monstre est arrivé. Avant lui, le plus gros navire de Maersk était le Sally Maersk, un navire de classe S. Le navire devant lui — et c'est une vraie photographie, pas un trucage — est le Emma Maersk. C'est un monstre. Un navire énorme. En 30 ans d'expérience, je n'avais jamais vu la capacité des navires faire un tel saut. En Amérique du Nord, nous pouvons positionner seulement cinq grues autour d'un navire; on peut en mettre 10 autour de celui-là. Nous ne verrons pas ce navire aux États-Unis. Il ira à Algeciras, en Espagne, et en Asie. Toutefois, lorsque le navire sera mis en service, ses répercussions sur la flotte se feront sentir dans tous nos ports.
Y a-t-il un plus gros navire en vue? Il existe des plans pour un navire de 18 000 EVP. Ce serait difficile de le faire traverser le canal de Panama. Le canal permet la circulation de navires de 13 conteneurs alors que celui-ci en porterait 28. Comment faire pour le décharger?
Y a-t-il un navire encore plus gros en vue? Les Allemands ont les plans d'un navire de 20 000 EVP, mais il serait si gros qu'il lui faudrait un deuxième arbre de propulsion.
Le sénateur Zimmer : Pourquoi planifier autant en avance et construire un aussi gros navire quand ils savent que l'infrastructure actuelle ne peut pas les accueillir?
M. Vickerman : À mon avis, sénateur, ils s'en fichent. Nous allons continuer de consommer et les autorités portuaires vont devoir se plier aux exigences.
Le sénateur Zimmer : Est-ce qu'il ne faudrait pas essayer de passer le mot à toutes les autres composantes de l'infrastructure pour s'assurer de pouvoir les accueillir?
M. Vickerman : Oui. C'est la façon logique de procéder.
Le sénateur Zimmer : Ils forcent la main.
M. Vickerman : Oui.
La dernière fois que Maersk a fait cela, ils sont arrivés à New York avec le navire de classe S, ils ont tenu une conférence de presse et ils ont dit qu'ils ne pouvaient pas traverser le Kill Van Kull pour se rendre au complexe du port Newark-port Elizabeth. Ils font valoir que notre infrastructure n'est pas à la hauteur.
Si on regarde maintenant les gros navires, la vraie connectivité se fait avec les petits navires. La nouvelle frontière, c'est le transbordement ou le transport maritime à courte distance. Ce moyen de transport évite de faire circuler des marchandises sur les routes. Nous pouvons mettre les conteneurs sur des barges. Nous avons même des barges rapides, intermodales et à deux paliers.
Pendant les quelques minutes qu'il me reste, j'aimerais qu'on regarde les corridors émergents.
Sur cette diapositive, nous voyons la NASCO, la North American SuperCorridor Coalition. Vous vous souvenez de Lazaro Cardenas et Laredo? J'aimerais attirer votre attention sur ceci. Le Texas vient de décider de construire une installation parallèle distincte, entièrement intermodale, ferroviaire et routière, de Laredo jusqu'au nord. Le corridor sera bientôt ouvert.
La NASCO se raccorde maintenant — en fait, je travaille avec la Saskatchewan et d'autres à cette fin — à ce qu'on appelle le réseau de port intérieur intelligent, le CISCOR, et relie ce corridor d'un bout à l'autre, en utilisant le concert de pont terrestre dont nous avons parlé. Voilà qui est logique. Si le Canada offre la liaison la plus courte vers l'Europe, le nouveau port qui vient d'être annoncé sera sept heures plus près de l'Europe que tout autre port en Amérique du Nord — plus près que Halifax. Un navire met sept heures de moins à entrer et sept heures de moins à sortir — 14 heures de sauver. Le bateau-mère revient trois ou quatre fois de plus chaque année. Cela ne coûte rien.
Nous avons maintenant une nouvelle technologie pour les grains. Nous pourrions prendre un conteneur, le décharger et le charger automatiquement et utiliser ensuite les espaces vides. Nous pourrions les mettre sur un équipement ferroviaire spécial et transporter ainsi un entrepôt complet sur la voie ferrée.
De nouveaux ports sont construits. Celui-ci se trouve à Kansas City. Ce n'est pas vraiment un port. Il ne fait que traiter les données.
Le sénateur Tkachuk : Vous avez parlé du Texas et de Laredo. Qui investit là-dedans? D'où vient l'argent?
M. Vickerman : De Lazaro Cardenas à Laredo, c'est le gouvernement mexicain; Kansas City Southern Railway, Hutchison Whampoa et Hutchison Port Holdings investissent aussi. Au Texas, le projet du transcorridor 35 a été financé par l'État. Les divers éléments du corridor sont financés de diverses façons.
Parlons maintenant d'un « port agile ». Tout d'abord, il s'agit d'une technologie du département de la Défense des États-Unis. Aujourd'hui, le porte-conteneurs le plus rapide peut se déplacer à 26 nœuds. Depuis une dizaine d'années, le département en question mène des expériences avec un navire qui filera à 75 nœuds. C'est trois fois plus rapide que n'importe quel autre navire, mais les Américains ont rapidement compris que si vous faites la navette entre deux ports où les activités sont lentes, vous contrecarrez la performance de votre navire. Ils ont examiné comment les ports pouvaient accélérer leurs opérations. C'est la technologie du « port agile ».
Nous avons élaboré le plan directeur stratégique du port de New York. Pour ce faire, nous avons entre autres regardé à 400 milles dans les terres intérieures et avons recensé tous les centroïdes de fabrication et de distribution. Nous savions que New York ne pouvait pas suffire, alors nous avons établi le postulat qu'un port intérieur allait desservir le port principal en temps opportun. Ce concept se rapproche de celui du port agile. Ce n'est pas vraiment une technologie; c'est une façon d'organiser l'information.
Par exemple, voici un navire. Un conteneur est mis sur ce navire, non pas pour être transporté à un port d'escale, mais à un train. Il est ensuite mis sur un train non pas pour être transporté à un terminal intermodal ou un port d'escale, mais pour la distribution sur des navires — Kaohsiung, Keeling, Osaka, Busan, Kobe.
Les militaires ont un jargon qui leur est propre. Un port intérieur est, pour eux, un centre interface intermodal, mais c'est essentiellement un port, une zone tampon et une voie ferrée réservée. Nous entrons dans le port principal par la voie ferrée intérieure.
Après 10 ans d'analyse, un général du United States Transportation Command, l'USTRANSCOM, a dit « Je ne croirai pas que ce système puisse fonctionner à moins que vous en fassiez l'essai sur une grande échelle. Vous devez me prouver que cela fonctionne. » Au port de Tacoma, dans le tout nouveau terminal que nous avons contribué à concevoir, nous avons élaboré un plan avec Hyundai. En 2003, nous avons fait un essai à grande échelle. Hyundai a amené son navire et BNFS Railway a amené ses trains. Nous avons mesuré les mouvements de va-et-vient, puis Hyundai nous a permis d'enlever le navire et de recharger la marchandise, non pas pour une escale, mais sur un train. BNFS nous a permis d'enlever le train et de recharger la marchandise sur un navire. Nous avons fait l'exercice et avons doublé la capacité du port de Tacoma sans rien construire.
Je suis emballé par le potentiel qui n'a pas été exploité dans la technologie de l'information et qui permet d'aplanir les obstacles de nature modale à l'avantage de tout notre système.
Ce qu'il faut retenir, c'est que, en moyenne, les conteneurs demeurent dans les ports nord-américains de six à huit jours. Le même conteneur dans un réseau ferroviaire y reste pendant un jour et demi à deux jours. Plus vous mettez de marchandise sur le réseau ferroviaire, plus vous réduisez la durée dans un terminal maritime. Si vous avez l'entreposage, vous doublez la capacité sans rien construire.
J'assistais à une cérémonie pour un nouveau port de la Nouvelle-Écosse mardi dernier. Hunter Harrison, le PDG du CN, regardait les plans du port et il veut que des caractéristiques du port agile soient intégrées pour permettre de décharger plus facilement le navire sur un train et diminuer le temps d'attente.
Aujourd'hui, pour être vraiment compétitifs, il faut que les ports et les liaisons intermodales réduisent leurs coûts, mais ils doivent être des multiplicateurs de valeur ajoutée. Ils doivent pouvoir exploiter le potentiel de leurs services. On ne peut se contenter d'être un port et de vanter sa belle apparence. Ce n'est pas ce que Wal-Mart veut; elle cherche un service plus rapide et plus fiable, à moindre coût.
Comment nous y prendre? Il nous faut investir et tirer parti de la technologie pour améliorer nos terminaux. Nous ne sommes pas les plus performants au monde; nous échouons à cet égard dans une proportion de plus de cinq contre un, même à notre meilleur.
Le sénateur Tkachuk : Lorsque vous parlez d'échec dans une proportion de cinq à un, est-il question d'investissement?
M. Vickerman : Non, il est question de la capacité de débit ou de l'activité portuaire, que je mesure en EVP par acre, par année. Le champion en Amérique du Nord est Long Beach, qui obtient de 6 000 à 7 000 EVP par acre, par année. Quant au meilleur port du monde, il enregistre plus de 30 000 EVP par acre, par année. Il s'agit de HIT, Hongkong International Terminals.
Donc, nous ne sommes pas de bons exemples quant à la marche à suivre. De plus, notre main-d'œuvre est très coûteuse. Je suis partisan des débardeurs, mais cette main-d'œuvre coûte cher. S'ils travaillent de nuit, nous les payons à temps et demi.
Il faut pouvoir les consulter et, habituellement, en Amérique du Nord, nous n'aimons pas négocier avec la main- d'œuvre. C'est comme pour le rail d'alimentation en courant; je ne veux même pas en parler. Cependant, si ce sont eux qui doivent mettre en œuvre notre technologie, il faut qu'ils soient à la table des négociations.
Donc, nous devons faire mieux. C'est ma conclusion.
La présidente : Monsieur Vickerman, j'aimerais que vous nous parliez de la question du transport maritime à courte distance. D'autres témoins que nous avons reçus nous ont dit qu'au Canada, ce type de transport est moins compétitif qu'il pourrait l'être en raison des coûts additionnels occasionnés par notre réglementation, dont une redevance de 25 p. 100 pour un navire qui n'a pas été construit au Canada, l'obligation de battre pavillon canadien et un respect des normes de la Garde côtière. Ces exigences vont bien au-delà de celles de l'Organisation maritime internationale, et de tels règlements et obligations entraînent des coûts considérables.
J'aimerais que vous nous disiez ce que vous pensez du transport maritime à courte distance et de la compétitivité du Canada à cet égard.
M. Vickerman : Le transport maritime à courte distance est devenu, ces dernières années, un sujet dont on parle beaucoup, bien qu'il ne soit pas nécessairement nouveau. Ce type de transport est du cabotage qui, je crois, a été inventé par les Égyptiens; il existe donc depuis longtemps. En plus de tout ce que vous avez dit, aux États-Unis, la Jones Act, une loi sur le cabotage fondée sur des revendications syndicales, interdit ou restreint la capacité de transport maritime à courte distance.
Il se trouve que je suis un défenseur de ce type de transport. Les obstacles réglementaires doivent être revus et ajustés. Néanmoins, j'établis un lien entre le transport maritime à courte distance, la demande principale dans nos ports de transbordement et ce graphique que j'ai montré au comité en ce qui concerne le vaisseau-mère. Ce n'est que lorsque nous arriverons au point où il y aura suffisamment de volume pour rendre économique le transport maritime à courte distance que nous en prendrons pleinement la mesure.
Pour ma part, je pense qu'il y a des obstacles réglementaires qui vont au-delà du simple transport international, et qui doivent être réexaminés. J'ai préconisé cela aux États-Unis, où ce n'est pas un point de vue populaire parce que la Jones Act présente peu de possibilités d'être ajustée. Il est clair que dans une perspective nord-atlantique, il faudrait tenir compte des répercussions sur le transport maritime à courte distance, tant au Canada qu'aux États-Unis.
De façon générale, nous devons nous préparer, alors que le volume des importations de l'Asie augmente, à faire passer le transport des marchandises du vaisseau-mère au transport maritime à courte distance, et nous devons procéder efficacement, car c'est l'une des rares possibilités dont nous disposons pour composer avec la crise des importations d'Asie.
La présidente : On nous a également dit que le transport maritime à courte distance était moins compétitif que le transport par camion dans le marché de petits volumes. Parfois, le premier peut être concurrentiel dans certains marchés, mais lorsqu'un transporteur cherche un temps de transit plus court, il favorise généralement le transport par camion plutôt que le transport maritime à courte distance. Quelles initiatives en matière de politique publique proposeriez-vous pour rendre le transport maritime à courte distance plus compétitif comparé à d'autres modes de transport? Croyez-vous que les avantages du transport maritime à courte distance sont assez importants pour justifier qu'on y investisse davantage d'efforts?
M. Vickerman : En général, l'effort serait justifié. L'un des problèmes touchant le transport maritime à courte distance, particulièrement dans le cas des conteneurs, est que chaque fois qu'on prend l'un d'eux et qu'on le déplace, il y a un coût. Lorsqu'on place la marchandise dans le camion ou un conteneur sur le châssis, ce chargement ira de porte en porte. Mais pensons au transport à courte distance. On place le conteneur sur le navire ou l'embarcation à courte distance, et lorsqu'on arrive à destination, on doit encore une fois prendre le conteneur pour l'enlever du navire. Le transport maritime à courte distance nécessite davantage de manipulation.
Je vous ai montré l'image d'un train à deux niveaux sur une barge à faible poids et à haute vitesse. La barge est soulevée pour être mise en place au moyen d'une technologie appelée « plateforme de levage synchronisé », qui permet de placer les conteneurs sur le bateau à courte distance en une seule fois. Arrivé à destination, ce dernier est élevé au niveau du rail au moyen du portique synchronisé. Le rail est poussé dans l'ordre voulu, et les conteneurs ne seront pas manipulés encore une fois.
Une technologie qui permettrait au transport maritime à courte distance d'éliminer la manutention des conteneurs au départ et à l'arrivée réduirait radicalement les coûts de ce système de transport, mais nous faisons encore face à des exigences en matière de services. Si les camions peuvent assurer le service direct de porte en porte, il nous faut en faire autant avec une barge. Nous savons qu'une barge, dans les marchés habituels, est moins coûteuse qu'un camion, sauf pour de très courtes distances. Nous devons en tirer avantage. Pour ce qui est des distances plus longues, lorsque le transport maritime à courte distance est disponible, je suis d'avis que nous devrions trouver des technologies qui réduiraient la manutention et augmenteraient la compétitivité des prix du transport maritime à courte distance. Je crois que c'est possible, et que cela devrait s'accompagner d'améliorations réglementaires pour éliminer les obstacles à ce type de transport.
Nous faisons face à une marée montante, et nous avons besoin de tous les navires disponibles pour nous aider à transporter ces marchandises. Je suis d'avis que les mesures dont je vous ai parlé aideraient considérablement le secteur du transport maritime à courte distance.
La présidente : Un élément important pour la productivité et l'efficacité d'un terminal à conteneurs est la qualité de son service ferroviaire. Des représentants d'opérateurs de terminal ont recommandé que les compagnies de chemin de fer soient davantage tenues de rendre des comptes aux terminaux quant à la qualité du service ferroviaire fourni, surtout lorsque cette qualité accuse une baisse.
Que faire pour renforcer les relations entre les opérateurs de terminal et les fournisseurs de services ferroviaires? Ceux-ci pourraient-ils rendre davantage de comptes aux opérateurs de terminal? Comment pouvons-nous y arriver?
M. Vickerman : L'indépendance des chemins de fer de catégorie I vis-à-vis des opérateurs de terminal est bien connue. Des opérateurs de terminal et des entrepreneurs de parcs logistiques aimeraient qu'on impose des processus réglementaires aux chemins de fer de catégorie I pour qu'ils soient plus concurrentiels, dans certains cas, avec les opérateurs de terminal. L'idée du libre marché me plaît encore. Je crois que travailler de concert afin d'optimiser les infrastructures ferroviaires et portuaires pour le bénéfice de toutes les parties demeure un moyen rationnel d'aborder cette question.
Selon les idées reçues, deux chemins de fer de classe I sont nécessaires à un port, car on ne souhaite pas être prisonnier d'une structure et d'un coût uniques. Cependant, il y a des exemples, surtout aux États-Unis, où des partenariats entre les chemins de fer de classe I et les ports ont été une véritable réussite. J'attire votre attention sur les autorités du port de Virginia et leur partenariat avec la Norfolk Southern Railway. En allant à contre-courant des multiples chemins de fer de classe I traditionnels, les deux parties ont été capables de faire des profits et d'accroître l'efficacité de part et d'autre.
Je suis très impressionné par le programme intermodal d'excellence d'Hunter Harrison, président-directeur général du Canadien national, et par sa capacité à optimiser le transfert des navires aux trains. Je pense que cet exemple de partenariat avec les nouveaux ports ou opérateurs peuvent aider les ports et les chemins de fer.
Prenons l'exemple du nouveau port de Melford, dans le détroit de Canso. Si nous pouvons sauver sept heures de navigation à l'aller et sept de plus au retour, en plus d'une journée de transfert vers le chemin de fer, l'exploitant du port et le CN réaliseront tous les deux des profits. Nous en sommes presque à desservir New York par la porte arrière plus rapidement et à moindre coût que nous ne pouvons le faire par la porte avant. Cela rend le Canada, le CN et l'exploitant plus productifs.
Il est clair que des ententes relatives à l'exploitation des lignes ferroviaires entre les chemins de fer de classe 1, les lignes ferroviaires sur courte distance et les opérateurs de terminal sont cruciales. Je pense c'est l'attrait du profit et l'efficacité du secteur privé qui détermineront toute la situation, et que ce sont les plus productifs qui occuperont une position dominante dans le processus.
Nous sommes chanceux, car nous aurons beaucoup de cargaisons qui nous permettront d'expérimenter, et ceux qui le feront de manière efficace en bénéficieront conjointement. J'aimerais voir des relations plus étroites axées sur la productivité et le débit, bien que certains croient qu'il existe des problèmes en matière de réglementation.
Je ne suis pas de ceux qui reverraient, par exemple, la Staggers Act américaine qui a déréglementé l'industrie ferroviaire. Nous avons assisté à une hausse considérable de la productivité à la suite de cette loi. Il nous faut peaufiner les relations entre les chemins de fer de classe 1, la structure des chemins de fer et les administrations portuaires. C'est un argument en faveur du rendement du débit grâce à la technologie.
Le sénateur Tkachuk : Nous avons entendu un certain nombre de clients plutôt insatisfaits de la capacité de réaction de nos compagnies ferroviaires. Étant donné que la capacité et l'efficacité des terminaux pour conteneurs augmentent, vos travaux sur la West Coast vous ont-ils mené à une conclusion similaire, c'est-à-dire qu'il est possible que les chemins de fer, surtout le CN, répondent plutôt mal aux besoins des ports?
M. Vickerman : J'ai entendu parler de ces problèmes. Ils reviennent souvent dans ce processus.
En 2008, la West Coast devra signer une convention collective avec l'ILWU, l'International Longshoremen and Warehousemen Union. À mon avis, nous faisons face à un autre ralentissement comme celui de 2002, qui pourrait durer plus de sept jours. Nous avons vu les tarifs ferroviaires de la BNSF Railway, à Los Angeles/Long Beach, augmenter de 35 p. 100, ce qui, selon certains, est une arnaque en matière d'accroissement des tarifs au cours du processus.
J'ai entendu des plaintes à propos du CN et de son service ferroviaire régulier. À tous ces égards, si, en temps opportun, nous plaçons un wagon porte-rails dans un terminal et le chargeons, en imposant des exigences pour que l'opérateur de terminal le charge dans un délai précis et que la société de chemin de fer le prenne et le desserve à un moment déterminé, cela aidera les deux intervenants. Le CN est la seule société ferroviaire à horaires en Amérique du Nord. Je crois aux prévisions de ce scénario, et le programme intermodal d'excellence du CN me plaît. Mettre cela de l'avant et recourir davantage à la technologie tout en utilisant un port souple et en réduisant le temps d'arrêt bénéficiera encore une fois aux deux parties.
Il y a certainement des clients insatisfaits aujourd'hui. Prenons le cas de nos réseaux ferroviaires et portuaires de l'Ouest des États-Unis pour en examiner la vitesse. À la BNSF et à l'Union Pacific, la vélocité des lignes principales a baissé ces dernières années. Nous faisons face à de grandes augmentations de volume, et nous allons dans la mauvaise direction si la rapidité de nos chemins de fer de l'Ouest est à la baisse.
Nous devons exploiter nos ports plus efficacement et accroître la vitesse et la capacité du chemin de fer. J'aime l'idée des services réguliers fiables avec une entente mutuelle — et peut-être des pénalités réciproques — quant aux pénalités associées aux retards et au chargement des trains.
Plus nous pourrons placer de conteneurs sur les trains, moins le temps d'arrêt au terminal portuaire sera long, ce qui accroîtra la capacité du terminal lui-même.
Le sénateur Tkachuk : Lorsque des marchandises arrivent à Vancouver, est-ce qu'une entreprise comme Wal-Mart négocie avec la compagnie ferroviaire, le port et ensuite le transporteur par camion? Comment cela se passe-t-il? Y a-t- il des offres combinées où les compagnies ferroviaires et le port s'entendent sur un prix pour acheminer les marchandises à Chicago ou ailleurs, avec une date de livraison garantie?
M. Vickerman : Les exemples sont différents pour chacune des sociétés ferroviaires. Considérons le contexte historique. Établissons d'abord les faits.
Aux États-Unis, les ports sont exempts des dispositions antitrust. Ils peuvent établir des tarifs pour la côte ouest ainsi que la côte est simplement par une entente. Ils sont sur le point de perdre cette immunité parce qu'ils ne l'utilisent pas.
Les transporteurs bénéficient également d'une immunité antitrust en vertu de la réglementation américaine. Ils ont été plus efficaces. Si un transporteur se rend au port A et demande ce qu'on lui donnera, puis va au port B, pose la même question et revient au port A en disant qu'il a eu une certaine offre du port B, il aura agi efficacement. Au fil du temps, les transporteurs ont toujours contrôlé les tarifs. Ces tarifs ont eu tendance à se situer à divers niveaux; les tarifs publiés, les réductions des prix au poids minimal puis l'établissement confidentiel des tarifs. Aux États-Unis, nous avons une fixation confidentielle des tarifs.
Selon un phénomène observé aux États-Unis ces dernières années, les expéditeurs, ou ce que j'appelle les détenteurs de marchandises bénéficiaires — les entreprises comme Wal-Mart et Home Depot — sont si importants qu'ils dictent maintenant la dynamique du marché. Ces ententes peuvent être préparées d'avance ou avoir des tarifs prédéterminés, et certains de ces tarifs peuvent être confidentiels et d'autres pas. En général, ils sont fixés selon des niveaux. Selon la tendance actuelle, le titulaire de marchandises bénéficiaire et l'expéditeur sont situés plus haut dans la chaîne alimentaire que les transporteurs maritimes l'ont été historiquement. Ils déterminent où ils établiront leurs centres d'entreposage et de distribution puis forcent les transporteurs à desservir ce marché.
Un bon exemple est Wal-Mart. Prenons le cas du Joliet Arsenal de Chicago; il s'agit du plus grand complexe intermodal en Amérique du Nord. Wal-Mart vient d'ouvrir un centre de distribution de 3,2 millions de pieds carrés, soit 75 acres sous un même toit. Elle a deux centres de distribution de 4 millions de pieds carrés qui doivent s'ajouter. Je pense que les expéditeurs, les titulaires de marchandises bénéficiaires — les Wal-Mart de ce monde — exerceront un contrôle de plus en plus important sur les tarifs. Ceux-ci sont habituellement déterminés en fonction du volume.
Selon l'expérience que j'ai acquise en aidant les gens, si vous allez à Bentonville ou dans une petite région à l'écart, vous négociez le tarif au cent près. Le contrôle des tarifs et des volumes dans le cadre de ce processus est tel qu'en ce moment, le détenteur de marchandises bénéficiaire a beau jeu.
Le sénateur Tkachuk : Je m'en voudrais de ne pas vous interroger à propos des ports intérieurs et du travail que vous accomplissez dans ma province d'origine, la Saskatchewan. Bien sûr, comme vous le savez, il y a d'autres sites potentiels comme le Manitoba, et un de ces ports est déjà en chantier à Edmonton. Qu'est-ce que le gouvernement doit faire, s'il y a lieu? Lui faut-il simplement rester à l'écart? Que doit-il faire au chapitre de la réglementation ou des infrastructures pour promouvoir le concept du port intérieur et peut-être faire une utilisation plus efficace des conteneurs qui vont et viennent?
M. Vickerman : Je suis un fervent partisan des ports intérieurs. Il nous en faut davantage pour rendre notre système plus efficace. Certaines restrictions s'appliquent aux tarifs réglementaires au Canada en matière de chemins de fer, qui ont empêché et qui empêchent une partie de ce développement. Les compagnies de chemins de fer n'ont jamais été prédisposées à négocier avec le marché des produits de base et à faire en sorte que les trains cessent ces activités.
Que ce soit à Saskatoon, en Saskatchewan, au Manitoba ou à Edmonton, si nous considérons le réseau ferroviaire rationnalisé, plusieurs ports intérieurs pourraient être utiles.
Le gouvernement devrait faire tout ce qui est en son pouvoir pour permettre le développement de ces ports intérieurs, qui sont sensés du point de vue du marché. Ce devrait d'abord être une équation régie par le secteur privé, le marché, mais ensuite, le gouvernement devrait prendre tous les moyens possibles, y compris une révision des règles restrictives en matière de tarifs ferroviaires, pour permettre aux trains du CN de s'arrêter au port intérieur. Il doit créer un port intérieur faisant appel à des technologies de l'information, où il pourra encore une fois agir de façon constructive en transmettant de l'information en lien avec ce port.
Je suis un ardent défenseur du port intérieur qui, je crois, constitue l'une des solutions d'avenir pour l'Amérique du Nord.
Le sénateur Zimmer : La semaine dernière, je me trouvais à Los Angeles, à Hollywood et Disneyland. Votre exposé est meilleur que n'importe quelle production de Disneyland que j'aie vue. Félicitations. C'était du très bon travail.
Quand nous pensons aux grands navires, il nous vient immédiatement l'idée que plus c'est gros, mieux c'est, et qu'en voyant un navire de grande taille, on voudra en construire un plus gros encore. Dès qu'il y a un plus grand navire, la première réaction est d'avoir des infrastructures en conséquence.
Vous avez en quelque sorte démontré qu'un petit joueur pouvait gagner à cet égard. J'entends par là qu'il y a d'autres facteurs à considérer, comme l'efficacité d'un port pouvant faire face à un revirement soudain de situation sans avoir nécessairement de grandes infrastructures.
Dans l'une des diapositives de votre site Internet, vous indiquez qu'un sondage mené auprès de 1 000 grandes entreprises multinationales de premier plan a révélé que leurs principales priorités, qui sont presque d'une importance équivalente à leurs yeux, sont la fiabilité, la constance et les tarifs de fret compétitifs. La maxime, comme vous l'avez fait remarquer, est que le client veut plus pour moins. Je pense que c'est une expression appropriée.
À votre avis, quels sont les principaux défis qu'il nous faut surmonter pour accroître l'efficacité sans augmenter de façon disproportionnée les tarifs?
M. Vickerman : Je suis impressionné par vos recherches. Vous avez fait du bon travail en examinant d'autres exposés que j'ai donnés.
Le sénateur Zimmer : J'ai de bons assistants.
M. Vickerman : Le sénateur a dévoilé un principe crucial, auquel il faut selon moi adhérer; c'est-à-dire que quand on les a interrogés à propos des critères qu'ils utilisent pour choisir un port ou un transporteur partenaire, les 1 000 expéditeurs de premier ordre dans le monde ont répondu que leur critère numéro un, dans une proportion d'environ 43 p. 100, était la fiabilité et la régularité du service. Si l'on peut fournir un service régulier, fiable et renouvelable 24 heures par jour et 365 jours par année, c'est là-dessus qu'on devrait axer ses efforts. Ces expéditeurs ne veulent pas entendre parler d'un service qui n'est pas constant. Ce critère est suivi de près par celui des tarifs de fret, et un troisième critère, mineur celui-là, est la rapidité.
Si je me concentrais sur le secteur public et sur les domaines où un gouvernement ou une communauté peuvent changer les choses, je prioriserais l'aide aux entreprises privées afin qu'elles assurent et maintiennent un service fiable et régulier.
Je vais vous donner un exemple où j'estime que nous pourrions apporter un changement. Je suis d'accord avec vous lorsque vous affirmez que le plus gros n'est pas toujours synonyme de meilleur. Je pense que les modifications devraient porter sur le marché faible, c'est-à-dire l'aspect information, qui traverse les frontières entre les modes de transport et ne concerne pas nécessairement les grandes questions liées au matériel. Je pense que les intervenants qui feront face à ce côté moins tangible de l'équation et se concentreront sur la fiabilité seront les gagnants. Cela ne signifie pas nécessairement que nous devons tous être identiques au port de New York; c'est impossible que nous ayons tous un réseau en étoile. Mais nous pouvons n'être qu'un rayon de ce réseau et bien desservir ce marché quand même.
Laissez-moi vous donner un exemple d'actualité qui, je crois, est très important. La sécurité des ports est une question de taille. Le cabinet Booz Allan Hamilton a fait un exercice sur table où il a fermé les ports de New York et de Savannah, en Géorgie. Au moyen d'un moniteur-portique radiologique, on a détecté un élément chaud. Nous n'arrivions pas à le trouver. Environ 18 jours plus tard, on a fermé les ports. Le wagon porte-rails a explosé à Chicago. Nous avions finalement trouvé l'élément. Cela a causé des pertes de 50 milliards de dollars, et il a fallu 60 jours pour débarrasser les ports de toutes leurs cargaisons. Cette perte de 50 milliards était terrible. Au-delà d'une dizaine de jours de logistique dans la chaîne d'approvisionnement, les entreprises font faillite.
À cet égard, il est très important que nous ayons maintenant une nouvelle législation. Par exemple, en octobre, le président des États-Unis a signé la Safe Port Act, qui exige que 22 des plus grands ports soient soumis à une inspection radiologique avant la fin de l'année, et les ports restants, d'ici la fin de 2008. Les démocrates ont maintenant une nouvelle législation qui pourrait contraindre la totalité des ports américains à faire l'objet d'une inspection radiographique complète d'ici la fin de l'année, ce qui est selon moi irréalisable.
Enchâssée dans cette loi se trouve une disposition appelée la capacité de voie verte, dont on peut se prévaloir si l'on est admissible au niveau 3 du C-TPAT — le Customs-Trade Partnership Against Terrorism —, qui constitue un sceau d'approbation de bonne gestion émis par l'United States Customs and Border Protection en vertu des initiatives de sûreté des conteneurs. Le qualificatif de voie verte s'appliquerait à l'utilisateur d'un port certifié et conforme à qui l'on permettrait de transporter des cargaisons sans inspection parce que c'est la technologie actuelle qui serait utilisée.
La première génération de moniteurs-portiques radiologiques a fait de fausses détections. De la litière pour chats, par exemple, peut déclencher nos appareils. Si l'on expédie ce produit ou des tuiles mexicaines, ou encore, si le camionneur a subi une scintigraphie, le moniteur-portique se déclenche. Nous mettons actuellement au point une seconde génération de moniteurs-portiques spectraux afin de pouvoir détecter une bombe sale dans un baril de litière pour chats. Nous n'avons pas à arrêter un train qui transporte cette marchandise ou des tuiles mexicaines; il peut poursuivre sa route. Si nous recourons à cette technologie ainsi qu'à l'examen radiographique actuel, et que nous prouvons aux patrouilles frontalières américaine et canadienne que nous obtenons cette même image au moyen de la même détection radiologique dans un port éloigné, comme celui du détroit de Canso ou de Prince Rupert, nous pouvons éliminer les arrêts des trains à la frontière. À l'heure actuelle, l'Amérique du Nord n'a pas de ports visés par l'initiative de la voie verte. Donc, personne n'a de certification. Actuellement, nous ne déployons pas la même technologie qui permettrait de s'abstenir d'arrêter un train transportant de la litière pour chats afin de le soumettre à un processus de détection. Ici, j'exagère la situation.
Ce qu'il y a, c'est que la sûreté des ports est un côté de la médaille, tandis que la productivité portuaire en est l'envers. Si nous utilisions de l'information avancée quant à ce qui entre dans un port en recourant à une technologie de portique de pointe, nous pourrions accélérer l'implantation de cette réglementation sur la sûreté des ports. Je dois féliciter le Canada. Il exige déjà une inspection totale au moyen de moniteurs-portiques radiologiques. En accompagnant cela d'« incitatifs », je pense que vous pourriez accroître considérablement la capacité et la productivité des ports. Le rendement et la sûreté d'un port ne s'excluent pas mutuellement. En fait, ils sont fortement interdépendants. Cette mesure serait un accélérateur. C'est un exemple d'utilisation d'un système souple afin de permettre aux petits joueurs d'être plus efficaces.
Le fait d'encourager la conformité au niveau 3 du C-TPAT est une bonne chose, et je crois que les patrouilles frontalières canadiennes et américaines doivent travailler de concert pour perfectionner cela. J'ai dit au début de mon exposé qu'à mon avis, nous devrions agir en tant que continent. Il nous faut effacer la frontière et travailler ensemble. Cette technologie nous aiderait.
Encore une fois, je vous félicite pour votre recherche. Vous avez fait du bon travail.
Le sénateur Zimmer : Merci.
Le sénateur Tkachuk a évoqué la question des gouvernements et de ce qu'ils pouvaient faire au chapitre des ports intérieurs; mais j'aimerais qu'on élabore sur ce point. Vous préconisez l'élimination des obstacles imposés par le gouvernement, comme les contraintes économiques visant le secteur privé. Quelles sont, selon vous, les principales entraves pour les membres de la chaîne logistique du fret de conteneurs dans le contexte canadien actuel, et comment pourrions-nous les éliminer?
M. Vickerman : Moi-même, je ne comprends pas clairement tous ces obstacles. Je vous répondrais sommairement qu'à mon avis, la solution se trouve dans les technologies de l'information, en les perfectionnant, en les rendant disponibles, utilisables et implantées partout dans la logistique de la chaîne d'approvisionnement. Nous n'avons même pas touché au potentiel de la simple mise en commun de l'information entre les modes de transport, entre les 3PL, un camionneur et un transporteur public utilisant des réseaux de transport autres que maritimes. Lorsque nous en serons là, je pense que dans une large mesure, cela perfectionnera le processus et nous aidera à faire face à ce raz-de-marée asiatique dont je ne cesse de parler.
Le sénateur Zimmer : Je partage votre opinion quant à la nécessité d'un brin de communisme; mais je recommanderais qu'il y en ait légèrement plus que cela. Monsieur, je vous remercie d'avoir pris la peine de venir ici ce soir.
Le sénateur Eyton : Merci pour votre exposé, qui était enrichissant pour moi tout comme pour le comité entier, j'en suis certain. Je dis cela pour deux raisons. Premièrement, vous nous avez révélé de façon saisissante les tendances afin que le Canada et ses préoccupations puissent être vus comme des éléments d'un tableau d'ensemble. Ce fait est assez effrayant; en revanche, cela nous donne matière à essayer de formuler des recommandations.
Deuxièmement, la plupart de nos témoins font partie d'un système global, auquel ils rendent hommage. Nous avons entendu des gens du milieu des navires, des chemins de fer, des camions et du secteur de la distribution. Le fait de voir un portrait d'ensemble dans le contexte d'une série de tendances est très utile. Je suis certain que cela aura une forte incidence sur la façon dont nous présenterons l'information découverte à ce comité.
Ce dossier est compliqué. Je viens du milieu des affaires. En examinant la situation, je me dis qu'il faut une planification afin d'établir des priorités. De là, nous devons assurer le type d'investissements requis, puis mettre en place et gérer tout le système comme il se doit, et gagner la participation de toutes les parties constituantes. C'est très complexe.
Je vous mets au défi. Supposons que je suis le gouvernement du Canada, que nous représentons ici. Nous sommes confrontés à une difficulté, et nous devons y réagir intelligemment. C'est une question assez vaste, mais quelles sont les priorités? Qu'est-ce que le système devrait et pourrait faire? Quelle est la vision? Que pouvons-nous faire collectivement maintenant, compte tenu de l'état de cette industrie? Vous en savez long sur la souveraineté du Canada. Quel rôle le gouvernement pourrait-il jouer pour que cela se réalise? Je sais qu'il s'agit là de très grandes questions, mais nous sommes mis au défi de façon complémentaire.
M. Vickerman : Je suis un consultant, un mercenaire pour certaines de ces institutions. Votre représentation d'un système complexe, presque stochastique et élaboré différemment selon ses diverses composantes, est assez difficile à réaliser.
Ici, je vais critiquer les États-Unis. Jusqu'en janvier de l'année dernière, ils n'avaient aucune politique fédérale relative au transport des marchandises, point final. La politique était de se décharger des décisions auprès des États et de leur permettre d'élaborer ce qui était le mieux pour la population, les décisions politiques étant toujours prises par les autorités locales.
En janvier dernier, le secrétaire adjoint du ministère des Transports américain — et j'ai siégé au comité qui l'a formé — a créé une analyse du cadre du secteur du fret et publié une série de structures permettant de régler les problèmes dont vous venez de parler. Cela n'a pas fait de vagues; peu de gens ont lu le document. Vous pourriez consulter le site Internet maintenant. Si cela vous intéresse, je vous fournirai une copie du projet de politique fédérale américaine relative à un cadre stratégique sur le transport des marchandises.
Selon une partie de ce cadre, pour faire quoi que ce soit, nous devons évaluer la nature de nos activités. Tant de joueurs se livrent concurrence qu'ils mesurent tous les choses différemment. Les ports le font. Ils se mesurent eux- mêmes en EVP, en tonnage payant transporté ou en unités de toutes natures, parce qu'ils veulent toujours se différencier. Nous devons trouver une mesure du rendement plus uniforme pour comprendre et régler cette question. Dès qu'on l'aura fait, un gros problème surgira, car on commencera à établir une distinction entre les gagnants et les perdants. On verra qui fonctionne plus efficacement et qui échoue à ce chapitre. Je pense qu'une certaine hiérarchie des mesures de rendement peut être appliquée à un système qui ne détermine pas, en lui-même, les gagnants et les perdants dans le processus.
Cette question est fort complexe, mais le cadre stratégique national relatif au transport de marchandises publié aux États-Unis me plaît. Je m'y connais davantage pour ce qui est des États-Unis que du Canada. Quoi qu'il en soit, cette mesure n'a pas été très populaire, et on n'en a pas beaucoup parlé. Je pense que le cadre qu'elle renferme peut s'appliquer tant au Canada qu'au Mexique et aux États-Unis. Je crois en des mesures de rendement tenant compte d'une analyse du cadre relatif au fret pour pouvoir répondre à ces questions. Il y a sept principes de base dans ce processus.
Je m'assurerai que le greffier ait une copie de la politique du mois de janvier dernier qui est très peu connue et qui a été très peu publiée. Jeffrey Shane en a parlé à l'Académie nationale des sciences des États-Unis. Je crois que ce cadre de travail pourrait servir de feuille de route pour vous aider à comparer vos systèmes à ceux des États-Unis.
Je vous rappelle que vous parlez à quelqu'un qui est consultant. Je peux même faire une blague et dire que la consultation naît de la confusion. C'est-à-dire que plus les gens sont dans la confusion, plus nombreux sont les consultants dont ils ont besoin. Ce qui veut dire que tout le monde doit se réunir autour de la table. Ce qui n'a pas été le cas à mon avis. Par exemple, si vous appliquiez le système de transport de marchandises que les États-Unis viennent d'essayer et qui n'a pas encore été accepté au Canada et que vous invitiez des experts intéressés par ce système, je crois que vous pourriez élaborer ce cadre de travail. Vous pourriez commencer par mesurer les limites modales au moyen de mesures normales de rendement et commenceriez à identifier et à mettre le doigt sur certains problèmes qu'il vous faudra ensuite résoudre. Investir où se trouve ce goulot d'étranglement sera à l'avantage de la Saskatchewan par rapport à une autre partie ou à la Nouvelle-Écosse par rapport à la Colombie-Britannique. Eh bien soit, si cela fait partie du système et est perçu comme étant le système global et si la nécessité d'améliorer ce lien existe. Le problème est très complexe, et beaucoup d'électeurs peuvent ou non souhaiter y participer.
Le sénateur Eyton : On dirait que le fait d'identifier les gagnants et les perdants ne vous plaît pas, mais il me semble que le système ne peut fonctionner que si les gagnants et perdants sont identifiés. Il doit y avoir quelques perdants si l'on veut améliorer globalement le système.
Je prendre un exemple plus local. Vous avez mentionné une expérience radicale faite à Tacoma. Vous l'avez qualifié de port souple, c'est-à-dire que la formation, la convergence et la coopération entre les éléments de mobilité qui constituent un port et une plaque tournante sur le plan de l'expédition sont importants. Comment avez-vous alors pu réaliser des achats? Était-ce la compagnie de chemins de fer Burlington Northern? Si vous avez pu le faire dans un port — du moins durant la période couverte par l'essai — n'est-il pas possible de le faire dans d'autres ports et dire : « Voyez-vous les avantages qu'ils ont retirés? Voyez-vous l'exemple qu'ils ont établi? Voyez-vous ce qu'ils ont réalisé sur le plan économique? N'est-ce pas possible?
M. Vickerman : C'est possible. L'essai du port souple à Tacoma a été parrainé par l'armée américaine avec l'espoir que si l'expérience réussissait dans un port souple, la capacité excessive obtenue pourrait être utilisée par l'armée, ce qui était en fait leur objectif. Vous avez bien reconnu le vrai potentiel. Il a une application commerciale pour améliorer le système.
L'invitation des syndicats de dockers a été l'une des choses importantes que nous avons faite. Je suis allé au siège social de l'ILWU à San Francisco et j'ai demandé à rencontrer les membres du comité de la côte, qui est composé de représentants de chaque port situé sur la côte ouest où se trouve le syndicat International Longshore and Warehouse Union. J'ai demandé au président du syndicat de nous servir de sous-consultant. J'ai dû employé les services de l'ILWU. C'est la première fois que j'ai fait cela dans ma vie car je ne pouvais pas aller dans une gare avec un PDA et prendre des notes sur la vitesse sans avoir près de moi un commis du secteur maritime à cause des règles de travail en vigueur là-bas.
Cette action a permis d'avoir, pour la première fois, l'ILWU à la table de manière constructive et qui n'allait pas nuire au résultat. À mon avis, c'est la première fois que cela a été fait sur la côte ouest. Je crois qu'il serait utile de mener de plus en plus de ce genre d'essais et de déployer des gens sérieux et soucieux, compris les syndicats. Le point de vue de Pacific Maritime Association qui est responsable de la négociation collective des employeurs, serait évidemment différent. Cependant, je crois que l'une des plus grandes réalisations de ce port souple a été que pour la première fois dans l'histoire, un syndicat de dockers a participé à l'application d'une technologie. Je pense que cela devrait se faire plus souvent. Les syndicats sont les mêmes au Canada, aux États-Unis et au Mexique. Je pense que vous pourriez le faire plus souvent.
Permettez-moi, cependant, de vous dire la raison pour laquelle certaines personnes ont dit que nous ne le ferons pas. Pour charger un navire à Kaohsiung, Keelung ou Osaka pour une destination ferroviaire à Kansas City ou au New Jersey ou à Melford, en Nouvelle-Écosse, le propriétaire du navire et le propriétaire de la cargaison doivent préalablement sélectionner des ports outre-mer. Il est trop facile à l'heure actuelle de décharger la cargaison au port. Autrement dit, le navire arrive, on le renverse pour le décharger au port. Nous faisons la même chose avec les trains. Nous les déchargeons en quelque sorte. Ensuite nous essayons de déterminer où tout se trouve. Il est plus facile aujourd'hui de ne pas faire cela et de simplement choisir un port.
Nous pourrions offrir des incitatifs, comme des crédits d'impôt ou quelque chose de similaire, à un expéditeur ou un propriétaire de cargaison pour le chargement fait à l'étranger. Si nous savions que nous pourrions construire la moitié de ce qui est requis aux ports de Los Angeles ou de Long Beach et que nous économiserons des milliards de dollars, nous pourrions alors offrir des incitatifs aux transporteurs pour qu'ils chargent leurs navires à l'étranger. Aujourd'hui, ils ne le font pas et c'est trop difficile.
Le même genre d'essais, effectués avec des personnes compétentes, comme les syndicats de dockers, serait un exemple parfait du genre de résultats que nous devrions réaliser dans le système. Pouvoir dire que vous avez doublé la livraison sans construire quoi que ce soit et sans ajouter ni matériel ni une seule personne est un argument très convaincant. Soit dit en passant, nous l'avions fait à coût 40 fois moins cher car l'essai a été effectué en tenant compte des facteurs temps et argent.
Bien que le port souple ait été perçu comme une expérience radicale, je crois que certains de ses éléments constituent l'avenir de notre système logistique.
Le sénateur Eyton : Pourrions-nous acheter cette technologie? Elle me paraît être bonne.
M. Vickerman : Il n'est pas nécessaire de l'acheter. Tout ce qu'il faut, c'est ouvrir une session de l'ordinateur du navire ou du train et réajuster l'affectation de la boîte. Vous ou moi pourrions le faire maintenant même. Il ne s'agit pas d'un ordinateur, d'un nouvel algorithme ou d'une simulation de Monte-Carlo, et cetera. Il suffit simplement d'entrée dans le système de chargement du navire et de faire l'affectation de la boîte, pas pour ce qui avantage le navire, mais pour ce qui avantage la distribution finale, quand le transfert a lieu. Ce n'est pas vraiment une technologie. Pour être honnête avec vous, c'est très simple. Cependant, c'est radical et beaucoup de personnes la contestent.
Le sénateur Fox : Vous avez donné des réponses à la plupart de mes questions. J'ai trouvé votre exposé extrêmement intéressant.
J'ai une question sur la concurrence entre les ports et les différenciateurs. Je vous donne un exemple.
L'Irlande offre des avantages fiscaux aux entreprises qui veulent investir dans ce pays plutôt qu'ailleurs. Y a-t-il des différenciateurs qui font qu'un port soit plus rentable ou plus compétitif grâce à sa structure juridique ou administrative? Est-ce que les ports d'Amérique du Nord ou dans le monde que vous connaissez ont des obstacles au niveau de leur structure juridique faisant qu'un de ces ports soit plus concurrentiel qu'un autre?
Je vous donne un autre exemple. Il y a quelques années, nous avons perdu une très bonne équipe de base-ball à Montréal, les Expos de Montréal. Ils voulaient construire un nouveau stade. La délégation de Montréal s'est rendue au complet à visité Baltimore pour voir la façon dont était construit leur stade. Il était plus facile de construire un nouveau parc là-bas qu'à Montréal en raison de la taxe d'amusement et des dégrèvements fiscaux. Voilà ce que j'essaie d'expliquer. Y a-t-il des différenciateurs de ce genre qui défavorisent les ports canadiens par rapport aux ports de la côte est en particulier?
M. Vickerman : Au cours de mes déplacements et de mon travail, j'ai vu beaucoup de structures juridiques ou commerciales qui étaient pénalisées par un mandat local ou par autre chose. Il m'est difficile de vous en décrire une ou deux ou de vous dire exactement ce qui devrait être éliminé.
Je dirais que la priorité devrait être accordée à l'efficience et à la productivité. Il faut qu'il y ait des crédits d'impôts et des incitatifs, mais regardons ce qu'a fait le Canada pour les zones franches. D'après ce que je comprends, les mesures appliquées par le Canada pour les zones franches ont été alignées sur celles des États-Unis ou bien elles concordent avec celles des États-Unis. L'idée qu'un port fait partie d'une zone franche où les tarifs imposés aux marchandises ne sont pas évalués tant que le produit à valeur ajoutée ne sort pas de la zone franche et l'idée d'établir des sous-zones et de créer des mesures communes concernant les zones franches sont positives.
À mon avis, le facteur décisif devrait être l'efficience du transport des marchandises. Tout ce qui, sur le plan juridique, réglementaire ou autre, porte atteinte à la réglementation devrait être examiné.
Je vais utiliser un exemple des États-Unis, un exemple radical. Nous avons deux syndicats en Amérique du Nord — International Longshore and Warehouse Union sur la côte ouest et International Longshoreman's Association (ILA) sur la côte est. Vous allez croire que je vais en découdre avec les syndicats, mais ce n'est pas le cas. Je défends les syndicats et en fait je travaille avec eux. J'ai conclu un contrat avec l'ILWU pour examiner avec ce syndicat la technologie tous les deux ans.
Il y a encore quelques années, sur la côte est, à Baltimore, les dockers ne travaillaient pas sous la pluie. En outre, il n'était pas possible de téléphoner le jour avant pour réserver une équipe. On appelait cela l'embauchage syndical au téléphone. C'était interdit. Il fallait téléphoner le jour même où l'on avait besoin de travailleurs. Il fallait appeler le matin.
À mon avis, les règles de travail syndicales, les obstacles juridiques, les obstacles réglementaires, tout ce qui nuit à l'efficience ou à la productivité du port ou du réseau intermodal doit être évalué en fonction de l'efficience ou modifié, si nécessaire, afin d'améliorer le système. Les exemples ne manquent pas où les règles de travail syndical coûtent beaucoup d'argent.
Le sénateur Merchant : À votre avis, où se trouvent les marchés pour les méganavires et pourquoi? Permettez-moi d'expliquer.
Les représentants du port de Vancouver ont dit au comité qu'il est peu probable que des porte-conteneurs géants soient déployés pour le service Asie-Pacifique, car la traversée est courte et le nombre de ports où il faudrait s'arrêter pour compléter le changement est trop élevé, ce qui ralentirait le navire. Par ailleurs, on nous a dit que la côte est sera le dernier marché pour les porte-conteneurs géants car, à l'exception de Halifax et de Canso, elle a un problème de limon. Qu'en pensez-vous?
M. Vickerman : J'ai un tiroir plein de prédictions faites par des transporteurs maritimes au sujet de l'avenir des méganavires. Je ne dirais pas le nom de la compagnie, mais un article de journal, une interview, dit que la capacité des porte-conteneurs dans l'Atlantique ne dépassera jamais 4 000 EVP. J'ai des prédictions faites par des personnes influentes dans certains ports disant que cela ou ceci ne se passera pas. Je vous ai montré des images du Emma Maersk qui a une capacité de 14 000 EVP, ce que personne n'avait jamais envisagé. Quatre sont en construction ou en mer et il y en aura onze autres. L'entrée en service de ces navires aura un effet d'entraînement et les vieux navires, les vieilles quilles seront éliminés et les petits problèmes seront réévalués.
Je conviens que l'Amérique du Nord ne verra pas les méganavires, le Emma Maersk ou le Ebba Maersk qui portent le nom des épouses des dirigeants de Maersk. Dans mon précédent exposé, j'ai qualifié les méganavires de monstres et une jeune femme m'a dit que je ne devrais pas le faire car ils portent des prénoms féminins.
Je pense que nous ne verrons pas de méganavires en Amérique du Nord immédiatement, et peut-être jamais. Je ne devrais pas dire cela car le progrès autour de tout cela est considérable. Cependant, nous en verrons les effets d'entraînement dans la flotte. La situation de Montréal est différente à cause de la Voie maritime du Saint-Laurent où une limite est imposée, donc je ne la compte pas. Mais à Vancouver, la côte ouest et la côte est verront de plus en plus de navires plus grands à cause de l'effet d'entraînement créé par les méganavires.
Je pense aussi que les méganavires ne feront pas escale dans des petits ports ayant de très petites capacités de déchargement. Ils feront ce qu'ils appellent des escales au « premier port d'entrée » ou au « dernier port de sortie ». Les navires veulent accoster, décharger le plus possible de marchandises et revenir ou bien ils font escale aux grandes plaques tournantes et reviennent. C'est ce qui se passe.
Je ne suis pas d'accord avec l'analyse de la côte est. Je suis peut-être un peu plus énervé que quiconque dans l'industrie à cause de cela. Supposons que nous sommes un expéditeur et que nous apportons notre marchandise sur la côte ouest. Je vous ai prouvé que la côte ouest ne peut pas recevoir les importations asiatiques. L'ILWU menace de faire un autre ralentissement de la production soit à la fin de cette année soit au début de l'année prochaine.
Disons que je projette d'expédier des centaines de millions de dollars en marchandises à la côte ouest et qu'un ralentissement de la production est prévu pendant sept jours. Il sera hors de question que j'expédie quoi que ce soit.
Est-ce que je vais accepter 35 p. 100 d'augmentation de tarifs des compagnies de chemins de fer pour expédier vers LA/Long Beach? Peut-être pas.
Vais-je accepté les augmentations des tarifs proposés au canal de Panama? Peut-être pas. Si je le fais, je pourrais revenir par le canal de Suez. Bien que la stabilité politique des pays entourant le canal de Suez soit incertaine, il a déjà été bloqué. La marine américaine a renfloué des navires pour le rouvrir à la navigation. Il me semble évident que si je veux un service fiable, je peux revenir sur mes pas. Je crois que nous sommes sur le point de voir des augmentations considérables de trafic dans le canal de Suez et de plus gros navires dans l'Atlantique.
La dernière question concerne la profondeur de l'eau. J'aime bien plaisanter à ce sujet, un célèbre architecte naval du nom d'Archimède — bon, ce n'était pas vraiment un architecte naval.
Le sénateur Merchant : Il faisait partie de ma famille. Je suis grec.
M. Vickerman : Votre parent, Archimède, a pratiquement dit que lorsque le porte-conteneur devient plus large et plus long, sa profondeur n'est pas proportionnelle à sa capacité d'EVP. Elle est proportionnelle à la masse d'eau déplacée. Cela signifie que les navires plus larges ont un tirant d'eau moins profond. Je pourrai fondre les 14 000 EVP du Emma sur 25 hectares et avoir un tirant d'eau de 50 cm. C'est ce qu'Archimède a dit, il ignorait tout des conteneurs.
Au fur et à mesure que les navires s'agrandissent, ils perdent en profondeur. Il y a des problèmes de manœuvre, avec les tirants d'air. Les navires ne peuvent pas passer sous des ponts. Ce que je veux dire c'est que si les navires perdent de plus en plus de profondeur, ils ont besoin d'un espace de manœuvre. Aujourd'hui, le tirant d'eau maximale est d'environ 48 pieds. Nous utilisons deux pieds de dégagement sous la quille car nous ne voulons pas racler les coques qui sont revêtues d'une peinture antisalissure et portent des anodes de protection cathodique très coûteuses et nous voulons éviter de les racler. En plus, à faible vitesse, la poupe du navire s'enfonce à cause de l'inertie. Nous prévoyons deux pieds d'enfoncement ou de mouvement vertical du navire à cause de la capacité du système inertiel de l'hélice et deux pieds de dégagement sous la quille. En additionnant cela à 48, nous obtenons 52. Si nous avons des navires plus larges, nous avons besoin d'une profondeur d'environ 52, 53 ou 54. Le détroit de Canso a une profondeur de 175 pieds. Le port de Seattle de 938 pieds; il y a une grande gorge. Le chenal d'accès des autorités portuaires de Virginie est de 55 pieds d'un côté et de 50 de l'autre.
En général, la gamme de 50 à 53-54 pieds ne posera probablement pas de problème à un porte-conteneur pendant longtemps. Beaucoup de nos ports ont cette profondeur. Pour cette raison, et parce que si l'on veut un service fiable, il ne faut pas d'encombrement, je crois qu'il y aura des navires beaucoup plus gros dans l'Atlantique. Je ne crois pas que les ports de LA/Long Beach recevront un volume de quatre ou cinq fois supérieur au volume actuel. Je n'arrive tout simplement pas à le concevoir.
Je suis en faveur d'un retour par le canal de Suez. Si j'étais expéditeur, j'estimerais que le service est plus fiable. Il faut deux autres navires pour compléter le chargement, donc c'est plus coûteux.
Je ne suis pas d'accord avec ce qui a été dit sur ce que l'on pourrait voir dans l'Atlantique. Je voudrais vous montrer tous les pronostics faits par des expéditeurs dans le passé. J'ai un livre sur la façon de construire un port dans lequel ils disent que l'on ne construira jamais un porte-conteneurs d'une capacité supérieure à 4 000 EVP. Quelqu'un s'est trompé. Je pense que nous devrions être prudents et suffisamment souples pour l'accepter. Je crois qu'il y a des éléments commerciaux liés à la fiabilité, au tarif et au temps.
Le président : Merci beaucoup, monsieur Vickerman, d'être venu ici ce soir. Votre exposé et vos réponses à nos questions nous aideront beaucoup dans notre étude. Nous vous souhaitons un bon retour à la maison.
M. Vickerman : Une dernière observation. J'ai fait l'analogie avec un tsunami dans mon exposé car je crois qu'il s'en prépare un et personne n'en parle. C'est ma façon de pousser les gens à en parler.
Le président : Merci.
La séance est levée.