Délibérations du Comité sénatorial spécial sur le Vieillissement
Fascicule 1 - Témoignages du 26 novembre 2007
OTTAWA, le lundi 26 novembre 2007
Le Comité sénatorial spécial sur le vieillissement se réunit aujourd'hui, à 12 h 39, pour examiner les incidences du vieillissement de la société canadienne et en faire rapport.
[Traduction]
Le sénateur Sharon Carstairs (présidente) occupe le fauteuil.
La présidente : Bonjour. Bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial spécial sur le vieillissement, qui a pour mandat de se pencher sur les répercussions du vieillissement de la population canadienne. La réunion d'aujourd'hui portera principalement sur le rôle du gouvernement fédéral à l'égard de notre population vieillissante.
Pour nous aider à mieux comprendre les questions se rapportant à ce thème, nous avons invité des représentants de Ressources humaines et Développement social Canada, soit M. Shawn Tupper, directeur général de Développement de la politique sociale, et M. Dominique La Salle, directeur général du Secrétariat des politiques sur les aînés et les pensions. Bienvenue dans l'enceinte du Sénat du Canada.
Nous entendrons d'abord les déclarations préliminaires, puis nous passerons aux questions des membres du comité. Je crois comprendre que deux de nos membres ont été retenus en raison d'un retard dans leur vol, mais ils devraient arriver sous peu.
Dominique La Salle, directeur général, Secrétariat des politiques sur les aînés et les pensions, Ressources humaines et Développement social Canada : Bonjour, et merci de nous accueillir.
[Français]
C'est un honneur pour moi et mon collègue d'être parmi vous aujourd'hui.
[Traduction]
Nous aimerions aborder certains aspects de la question du vieillissement et le rôle de Ressources humaines et Développement social Canada, ou RHDSC.
Comme vous le savez, les problèmes qui affectent la vie des personnes âgées ne connaissent pas de frontières et ne relèvent pas uniquement d'un seul ministère, ou même, d'un seul ordre de gouvernement. À cet égard, RHDSC joue un double rôle : d'une part, assurer la coordination sur le plan horizontal, et d'autre part, administrer les programmes et les politiques qui font partie de son mandat.
RHDSC veille à la coordination horizontale de questions liées aux aînés au sein du gouvernement fédéral, et ce, d'abord et avant tout, par le biais du Comité interministériel sur les aînés, qui permet d'échanger de l'information et de débattre des initiatives proposées en vue de nous attaquer aux difficultés que rencontrent les aînés.
Nous devons également travailler avec d'autres ordres de gouvernement. Dans pratiquement tous les dossiers touchant les personnes âgées, qu'on parle de soins de santé, de logement, de sécurité ou d'hébergement ou encore de l'attitude de la société envers les aînés, le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux et territoriaux se partagent la responsabilité de politiques, de programmes et de services qui touchent le bien-être global des personnes âgées au Canada.
Depuis plus de vingt ans, les ministres fédéraux, provinciaux et territoriaux responsables de la question se rencontrent périodiquement pour partager leurs informations et leurs vues, et collaborer à des projets de recherche et autres initiatives dans le but commun d'améliorer le sort des gens âgés. Ce groupe, le forum des ministres fédéral- provinciaux-territoriaux responsables des aînés, coprésidé par la secrétaire d'État aux Aînés, se réunira à Saskatoon dans quelques jours. Il s'agit de la dixième rencontre depuis 1992. Le groupe s'est réuni tous les ans depuis 2005, et continue de le faire.
Il est également nécessaire de mettre nos efforts en commun sur le plan international. La signature, par le Canada, du Plan d'action international de Madrid sur le vieillissement de 2002, en fournit le meilleur exemple. En 2007, RHDSC a coordonné la préparation d'une mise à jour, dont je parlerai dans quelques instants.
Le second aspect du rôle du ministère, comme je l'ai déjà mentionné, concerne nos propres politiques et programmes. À cet égard, la gestion des programmes de retraite, comme le Régime de pensions du Canada, la Sécurité de la vieillesse et le Supplément de revenu garanti, jouent un rôle primordial.
Nos interventions auprès des personnes handicapées, des sans-abri, des enfants et de leurs familles, sur le marché de l'emploi et à l'appui des organismes bénévoles, touchent aussi les personnes âgées. RHDSC poursuit également d'ambitieux objectifs de recherche en matière de politiques sociales, appuie des initiatives comme celle du Groupe d'experts sur les travailleurs âgés et apporte son soutien au Conseil national des aînés, qui relève des ministres de RHDS, du ministre de la Santé et de la secrétaire d'État aux Aînés.
Permettez-moi maintenant d'aborder les questions spécifiques qui présentent un intérêt pour votre comité. Comme je l'indiquais précédemment, la Deuxième assemblée mondiale sur le vieillissement tenue par les Nations Unies à Madrid s'est conclue par l'adoption d'un plan d'action international sur le vieillissement. Ce plan vise à faire en sorte que les gens puissent vieillir dans la sécurité et dans la dignité, et puissent continuer à jouer un rôle dans la société en tant que citoyens jouissant de leurs pleins droits.
Les recommandations présentées dans le plan d'action se divisent en trois grandes orientations prioritaires : les personnes âgées et le développement, l'amélioration de la santé et du bien-être chez les personnes âgées, et la garantie d'environnements favorables. Le Canada appuie intégralement ces objectifs.
En février dernier, au nom du gouvernement du Canada, RHDSC a préparé un rapport intitulé Relever les défis et saisir les occasions du vieillissement au Canada, dont vous avez une copie. Ce rapport souligne les efforts considérables déployés dans les dernières années pour se préparer au vieillissement de la population. Il porte sur ce que nous avons accompli pour mettre en œuvre le Plan d'action de Madrid.
Vous êtes déjà au courant de la plupart des initiatives en question, mais j'aimerais vous parler de certaines d'entre elles. En ce qui concerne le système de revenu de retraite, nous avons pu prendre des mesures grâce au projet de loi C- 36. Nous avons augmenté le SRG de 2,7 milliards de dollars en cinq ans, en plus d'introduire un certain nombre de mesures fiscales.
Afin d'augmenter la participation, nous avons rendu possible la retraite progressive pour un régime à prestations déterminées en particulier — je dis « nous » dans un sens large, puisque cela comprend le ministre des Finances, et cetera — et nous avons mis sur pied le Groupe d'experts sur les travailleurs âgés, dont nous discuterons plus tard. Au niveau communautaire, il y a le programme Nouveaux horizons pour les aînés.
Pour favoriser un vieillissement sain et actif, nous avons lancé des initiatives concernant la prévention des chutes, les incapacités, les interventions d'urgence, les mauvais traitements envers les personnes âgées et le logement, nous avons pris des mesures relativement aux prestations de soignant de l'assurance-emploi, et des efforts sont également déployés pour amener les collectivités à être accueillantes pour tous les âges.
Sur le plan des recherches et des connaissances, il vaut la peine de mentionner l'Institut du vieillissement des IRSC, un programme de recherche de RHDSC, et, bien sûr, ce comité, le Comité sénatorial spécial sur le vieillissement.
En 2005, les ministres fédéral, provinciaux et territoriaux responsables du dossier des personnes âgées se sont basés sur le Plan d'action de Madrid et ont tous mis à contribution leur expérience passée pour produire un document intitulé Planification en vue du vieillissement de la population canadienne : un cadre. Vous avez également ce document en main.
Même s'il ne comprend pas de dispositions prescriptives, ce document donne une bonne vue d'ensemble du dossier, ce qui aide les gouvernements à orienter leur travail en matière de politiques et de programmes, selon leurs priorités. Le document souligne également l'importance de concentrer nos efforts sur les trois grands piliers de la santé, du bien-être et de la sécurité : l'apprentissage continu, le travail et la participation au sein de la société, et, enfin, le soutien et les soins dans les collectivités.
Ce cadre de planification permet aux gouvernements de travailler de façon cohérente et d'élaborer des stratégies et des outils qui répondent aux besoins des personnes âgées d'aujourd'hui et de demain au Canada.
Depuis la publication de ce document, les ministres fédéral, provinciaux et territoriaux ont pris un grand nombre de mesures importantes. Entre autres, ils ont fait préparer des rapports servant à promouvoir un vieillissement actif et sain et à comprendre et à prévenir le phénomène de l'isolement social chez les personnes âgées. Ils ont également préparé un guide destiné aux collectivités rurales éloignées, qui deviendra bientôt accessible à l'ensemble des collectivités au pays afin de les aider à devenir plus accueillantes pour les personnes âgées, et ils ont conjointement produit du matériel publicitaire pour faire la promotion de la Journée mondiale de sensibilisation pour contrer les abus envers les aînés, les 15 juin 2006 et 2007.
Dernièrement, les ministres fédéral, provinciaux et territoriaux ont parrainé un forum de discussion, tenu à Vancouver, auquel ont participé des experts, des travailleurs de première ligne et des intervenants de toutes les régions du Canada qui se sont penchés sur la question des mauvais traitements envers les personnes âgées. Diverses propositions de mesures pouvant être prises à ce sujet sont ressorties de ce forum. À l'occasion de leur prochaine rencontre, les ministres examineront ces possibilités de travail collectif dans l'intérêt des personnes âgées.
La question des difficultés que rencontrent les travailleurs âgés licenciés constitue un domaine d'intérêt important pour les deux ordres de gouvernement. En janvier dernier, comme vous le savez, le gouvernement fédéral a mis sur pied le Groupe d'experts sur les travailleurs âgés, présidé par l'honorable Erminie Cohen, sénateur à la retraite, pour que cette question soit examinée.
Le mandat de ce groupe d'experts est de trouver des mesures pouvant être prises pour aider les travailleurs âgés, notamment en ce qui concerne la formation et le soutien du revenu, comme les prestations de retraite anticipée. En mars, le groupe a publié un document de travail pour fournir une base de connaissances sur le sujet afin d'aider les intervenants dans leur travail. Le groupe s'est ensuite engagé dans de vastes consultations avec les provinces et les territoires, et avec des employeurs, des organisations de travailleurs, des représentants du milieu universitaire ainsi que divers intervenants. Les membres du groupe ont également recueilli le témoignage de représentants de l'OCDE pour s'assurer que leurs recommandations tenaient compte de données internationales de la plus grande qualité possible. Le Groupe d'expert sur les travailleurs âgés prépare actuellement son rapport final et ses recommandations, et compte les soumettre au ministre des Ressources humaines et du Développement social à la fin du mois de décembre.
Je termine en vous disant que les défis et les possibilités que présente une population vieillissante deviennent une considération importante dans l'élaboration de programmes et de politiques au sein du gouvernement fédéral et provinciaux.
[Français]
Mon collègue, M. Tupper, et moi sommes tout à fait heureux de répondre à quelque question que vous ayez.
[Traduction]
La présidente : Nous avons entendu un témoignage selon lequel le Régime de pensions du Canada n'est pas équitable pour tous : ceux qui touchent leur pension plus tôt, à l'âge de 60 ans, sont pénalisés et ceux qui la touchent plus tard, à l'âge de 70 ans, sont avantagés. La pénalité est peut-être bien conforme aux principes actuariels, mais l'avantage, lui, ne l'est pas.
Est-ce que le ministère a examiné cette situation et la possibilité d'y apporter des modifications?
M. La Salle : C'est une question intéressante. Vous parlez du facteur de rajustement. Une personne peut toucher sa pension complète à 65 ans. Les Canadiens ont la possibilité de prendre leur retraite avant d'avoir atteint cet âge, mais le montant de la pension est moins élevé que ce qu'ils recevraient à 65 ans. La réduction est de 6 p. 100 par année. Si vous prenez votre retraite à 60 ans, vous touchez 30 p. 100 de moins que ce à quoi vous auriez droit à 65ans. À l'inverse, si vous prenez votre retraite entre 65 et 70 ans, vous recevez 6 p. 100 de plus par année, pour un maximum de 30 p. 100.
L'actuaire en chef du Canada, qui évalue de façon indépendante l'état financier du régime, a déterminé que le facteur de rajustement était un peu trop avantageux pour ceux qui prennent leur retraite avant 65 ans et pas assez pour ceux qui la prennent après 65 ans. Il a quantifié cette différence et estime qu'en 2025, si je me rappelle bien, cet écart serait de l'ordre de près d'un milliard de dollars par année.
Concrètement parlant, cet écart incite les gens à profiter de leur pension plus tôt et les dissuade d'attendre avant de prendre leur retraite. Le montant total a l'air énorme, mais individuellement, pour chaque personne, le montant n'est pas extrêmement élevé.
Malgré tout, cette question mérite d'être examinée. On se penche sur ce genre de questions dans le contexte de l'examen triennal du RPC. Le régime est géré conjointement par le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux. Toutes les modifications qui entraînent des coûts doivent être ratifiées par les deux tiers des provinces représentant les deux tiers de la population, ce qui évite les bouleversements inutiles dans un programme d'envergure comme celui-là.
Le régime repose sur certains principes. D'abord, toute nouvelle modification doit être financée en totalité, et il y a un taux de cotisation établi. Le taux de cotisation est défini et a été examiné au fil des ans par l'actuaire en chef, qui a déterminé qu'il peut être utilisé pendant 75 ans. Le fait de changer des paramètres tels que le facteur de rajustement entraînerait sans doute des conséquences indirectes. Il faudrait examiner le changement proposé dans ce contexte au cours d'un examen triennal, puis prendre des décisions.
La présidente : Quand aura lieu le prochain examen triennal?
M. La Salle : Nous commençons le processus d'examen, qui a été enclenché avec la publication du rapport de l'actuaire en chef à la fin d'octobre ou au début de novembre. À la fin du dernier examen triennal, les ministres des Finances, qui sont les responsables du RPC, ont indiqué qu'ils voulaient qu'au prochain examen triennal — celui qui vient de commencer —, on se penche sur le manque de souplesse qui pourrait exister dans le régime et qui empêcherait les gens de faire librement des choix concernant leur carrière ou le passage à la retraite, en cherchant des moyens qui permettent d'augmenter le nombre de travailleurs.
La présidente : Cela fait partie des considérations du comité. À nos yeux, le nombre grandissant d'aînés qui souhaitent travailler au-delà de 65 ans est une question capitale. Selon nous, personne ne devrait être obligé de travailler au-delà de cet âge, mais si certains décident de le faire, ils devraient recevoir une compensation appropriée, qui ne se reflète pas seulement dans les salaires qu'ils gagnent de 65 à 70 ans, mais aussi dans le montant des pensions qu'ils touchent à la fin de cette période. C'est la position du comité sur cette question.
Quand prévoyez-vous que l'examen triennal sera terminé?
M. La Salle : Il s'agit d'un processus fédéral-provincial qui sera terminé en 2009. Habituellement, la première année est consacrée à la recherche et à l'adoption d'un programme qui établit ce qui est faisable et ce qui exige plus de travail. La deuxième année est consacrée à l'obtention d'autorisations pour des options particulières et à la prise de décisions. La mise en œuvre se fait au cours de la troisième année. Je crois que c'est comme ça que ça se déroule.
La présidente : Vous avez dit que le rapport du Groupe d'experts de l'ancienne sénatrice Erminie Cohen devait être remis au ministre au mois de décembre. Ce rapport, qui a été commandé par le gouvernement, sera-t-il publié ou s'agira-il uniquement d'un document fourni au gouvernement du Canada aux fins de consultation?
Shawn Tupper, directeur général, Développement de la politique sociale, Ressources humaines et Développement des compétences Canada : Nous ne connaissons pas encore le plan de diffusion. Le travail du comité est indépendant de celui du ministère. Nous devons donc attendre qu'il soit prêt à rendre public son rapport.
La présidente : Avez-vous publié une mise à jour finale du Plan d'action international de Madrid sur le vieillissement? Je sais que vous y travailliez, et la dernière fois que vous avez comparu, j'ai compris qu'une dernière mise à jour serait publiée au cours de l'année 2007.
M. La Salle : Le document que vous avez en main est cette mise à jour, qui a été présentée par notre ambassadeur au comité des Nations Unies. Le but visé par la Commission des Nations Unies est que des pays présentent volontairement des rapports quinquennaux.
L'échéance est 2008, et nous avons présenté cette mise à jour, je crois, en février 2007.
La présidente : Vous avez parlé du rajustement des prestations du RPC. Quand l'actuaire en chef a présenté son rapport, il a indiqué que notre régime était stable. C'est intéressant parce que, lorsque je devais représenter les aînés dans le cadre de mes fonctions de ministre — à l'époque, il n'y avait pas encore de ministre responsable des Aînés — c'est moi qui suis allée à Madrid. Un des débats intéressants qui a eu lieu portait sur les changements apportés par le Canada à son régime de pensions. De nombreux pays européens étaient particulièrement impressionnés que nous étions allés de l'avant et avions apporté les changements requis pour assurer la viabilité du RPC. Vous dites que les rapports actuariels précisent que le RPC sera viable pendant 75 ans, ce qui est très long du point de vue actuariel.
Avez-vous fait des analyses pour déterminer quel pourrait être le bouleversement au sens actuariel si nous devions verser des prestations supérieures aux personnes qui attendent d'avoir 70 ans pour toucher leur pension?
M. La Salle : Je n'ai personnellement connaissance d'aucune étude sur cette question. L'actuariat n'est pas une science exacte. Les actuaires doivent se fonder sur un certain nombre d'hypothèses. Ils formulent des hypothèses sur l'âge moyen du départ à la retraite. La majorité des Canadiens prennent leur retraite avant 65 ans, mais cette tendance pourrait changer. Elle varie également d'une région à l'autre. On formule un certain nombre d'hypothèses. Il s'agit d'un modèle multiparamétrique. Je ne peux me prononcer à la place de l'actuaire.
La présidente : Vous avez fait une déclaration intéressante. Vous avez dit que la majorité des gens commencent à toucher leur pension avant 65 ans?
M. La Salle : Oui. La majorité des Canadiens commencent à toucher leur pension du RPC avant l'âge de 65 ans. Je crois que la proportion est de l'ordre de... est-ce que c'est 70 p. 100 avant 65 ans? Nous n'en sommes pas certains, mais je peux fournir au comité des chiffres à ce sujet.
La présidente : Pourriez-vous me faire parvenir cette information, parce qu'elle ne correspond pas à ce que nous avons. Je croyais que la majorité des Canadiens touchaient leur pension à 65 ans, un nombre important entre 60 et 64 ans, et un petit nombre à 70 ans. J'aimerais obtenir les chiffres exacts.
M. La Salle : Certainement.
[Français]
Le sénateur Chaput : Ma première question est complémentaire à celle de madame la présidente.
Souvent, un aîné veut continuer à travailler pour arrondir ses fins de mois. Peut-être a-t-il un peu de difficulté à y arriver. À ce moment, essayez-vous de voir comment cette personne peut ne pas être pénalisée? C'est bénéfique pour elle, pour sa santé de demeurer sur le marché du travail. Est-ce qu'une analyse est faite pour s'assurer que ce qu'elle va gagner lui sera enlevé? Doit-on considérer cela?
M. La Salle : Dans le Régime des rentes du Canada, il y a ce qu'on appelle en anglais, le « work cessation test ». Pour commencer à recevoir votre pension du régime des rentes, vous devez arrêter de travailler pendant une période de deux mois. Après cette période, vous pouvez recommencer à travailler et commencer à recevoir votre bénéfice à ce moment-là. Toutefois, si vous continuez à travailler, vous recevez votre revenu de salaire, vous ne payez plus de cotisations au régime. C'est la situation telle qu'elle existe actuellement.
Nous ne savons pas si cette situation est totalement adaptée au genre de société dans laquelle nous vivons maintenant, où les gens voudraient peut-être continuer à participer au marché du travail parce qu'ils sont intéressés ou parce qu'ils veulent travailler à mi-temps et commencer à recevoir une partie de leur pension. Ce sont des questions pertinentes et complexes mais le problème est souvent d'évaluer les effets comportementaux. Est-ce que la flexibilité du programme encouragera les gens à arrêter de travailler plus tôt ou, au contraire, est-ce que cela les gardera plus longtemps sur le marché du travail afin de profiter de la flexibilité? Je ne crois malheureusement pas que cela réponde à votre question.
Le sénateur Chaput : Mais est-ce que le phénomène sera analysé? Les aînés qui demeurent sur le marché du travail pour s'occuper, parce qu'ils veulent se sentir engagés, sont plus heureux. Ces gens me préoccupent moins que ceux qui sont vraiment obligés de travailler parce qu'ils ont de la difficulté à y arriver. Il y a beaucoup d'aînés dans cette catégorie.
Dans tout ce qui est fait dans votre ministère, y a-t-il un élément de recherche sur ce qui aurait besoin d'être identifié et considéré pour les besoins futurs des aînés? Est-ce qu'il y a une ouverture?
[Traduction]
M. Tupper : En partie, selon ce que nous comprenons aujourd'hui relativement à la situation des gens et aux choix qu'ils font quant au moment de prendre leur retraite et de commencer à toucher leur pension, nous commençons tout juste à comprendre la nature des transitions et des choix qu'ils font. Nous avons actuellement un programme de recherche pour étudier cette transition afin de comprendre les tendances qui nous ont amenés à la situation actuelle et de faire des prédictions pour l'avenir.
[Français]
Le sénateur Chaput : Et à ce moment-là, le revenu annuel de ceux qui en ont vraiment besoin pourrait être un facteur qui pourrait être considéré?
M. Tupper : Absolument.
Le sénateur Chaput : J'ai participé en fin de semaine à une réunion annuelle de la Fédération des aînés francophones du Canada. Il y a eu une discussion au sujet des aînés du Canada qui ne reçoivent pas encore le supplément garanti soit parce qu'ils habitent des régions très éloignées et qu'ils n'ont pas accès, soit qu'ils ne sont pas au courant, ne savent pas comment s'y prendre ou encore que leur nom ne figure pas sur la liste. Êtes-vous conscient qu'il y a encore beaucoup d'aînés au Canada qui devraient le recevoir et ne le reçoivent pas et qu'il semble que la grande majorité de ces aînés sont encore ceux qui vivent sous le seuil de la pauvreté?
M. La Salle : Vous avez tout à fait raison. Les populations vulnérables telles que les Autochtones, les immigrants qui ne parlent ni le français ni l'anglais, les sans-abris, sont des gens extrêmement difficiles à rejoindre. Ce n'est pas en pesant sur un bouton d'ordinateur contenant la liste de tous ceux qui paient des impôts et qui ont un numéro d'assurance sociale qu'on peut les rejoindre. Ces efforts sont faits. Depuis 2002, on envoie systématiquement des lettres à tous les gens qui ont 65 ans pour les inciter à faire application. Pour les gens qui ont un bas revenu, qui seraient susceptibles de recevoir le supplément de revenu garanti, on leur envoie un formulaire préalablement rempli. Les gens de Services Canada estiment que 32 000 Canadiens ont répondu à l'appel grâce à ce formulaire, mais ce n'est pas suffisant. Cela ne rejoint pas les sans-abris, les populations vulnérables. Depuis quelques années, on a commencé des projets pilotes, on travaille avec les villes, comme par exemple la ville d'Ottawa. Les policiers qui rencontrent des sans- abris leur posent certaines questions; ils leur demandent, par exemple, s'ils ont 65 ans. Il y a un travail qui se fait de ce côté.
Même chose avec les populations autochtones. On organise des ateliers, des groupes de travail. Il y en a eu un en Colombie-Britannique, il y a peut-être un mois ou deux. Plus d'une vingtaine de Premières nations y étaient présentes.
Il faut trouver des solutions innovatrices et rejoindre les gens des communautés culturelles, les associations qui représentent les nouveaux arrivants, par exemple ceux qui parleraient chinois ou vietnamien. Il faut aller rejoindre ces gens. Est-ce que nous aurons 100 p. 100 de pénétration? Je vous le dis tout de suite, la réponse est non. Il y a des gens qui décèdent, d'autres déménagent, d'autres ne veulent pas remplir de formulaires d'impôts, pour toutes sortes de raisons. Il y a des gens comme cela qui ne veulent pas nécessairement être rejoints. Mais il y a un gros effort à faire de ce côté. Et vous avez raison, les gens susceptibles de recevoir le supplément de revenu garanti en ont besoin.
Le sénateur Chaput : Que faites-vous si vous identifiez, par toutes les mesures que vous venez de mentionner, des personnes âgées qui pourraient recevoir le supplément, qui y ont droit, mais qui n'ont jamais rempli de rapport d'impôt? On dit que cela existe.
M. La Salle : Ils doivent faire une demande. La question du revenu est un élément, mais pour être qualifié au titre de ce bénéfice, il faut être résidant depuis dix ans. Donc on développe des approches. Je ne voudrais pas parler pour eux, mais je veux faire une petite présentation; Services Canada développe des approches segmentées. Ils ont des bureaux où les gens peuvent venir en personne; ils ont Internet, le téléphone et cetera. Mais aussi ils segmentent leur marché, comme par exemple les aînés, et se demandent comment on rejoint ces gens.
Donc il y a des choses à faire, mais on veut que les gens reçoivent tous les bénéfices auxquels ils ont droit.
[Traduction]
La présidente : Je sais que cela n'a pas été fait dans le passé, alors ce n'est pas une critique à l'endroit du gouvernement actuel ou précédent, mais a-t-on essayé de traduire ces formulaires de demande dans différentes langues? Un groupe représentant les Inuits du Nord canadien nous a soumis cette question. Le groupe a indiqué que si la personne qui présente la demande sait lire et écrire — et beaucoup ne le savent pas — elle sait lire et écrire l'inuktitut seulement. A-t-on essayé de traduire les formulaires de demande?
M. La Salle : J'espère bien, mais je ne le sais pas. Je vais vous revenir là-dessus, mais je sais que du personnel de Services Canada s'est rendu dans des communautés, en visitant l'une après l'autre. Il va sans dire que ce type d'activité de sensibilisation est précisément ce que nous devons faire pour régler certaines des situations dont nous avons parlé. Je serais porté à dire oui, mais je vais vous en reparler.
Le sénateur Keon : Comme vous l'avez mentionné, quand les gens atteignent l'âge de 65 ans, selon l'état de leurs finances, la situation peut s'avérer très confuse pour beaucoup d'entre eux. J'aimerais examiner un scénario avec vous.
Prenons un couple; les deux individus ont 65 ans et ni l'un ni l'autre ne reçoit une pension liée à l'emploi. Ensemble, ils n'ont pas beaucoup d'argent; disons qu'ils ont économisé 100 000 $ au cours de leur vie, donc ils ne disposent d'aucune entrée d'argent. Examinons leur situation difficile, voyons ce à quoi ils sont admissibles et ensuite je vais vous proposer divers scénarios d'emploi qui modifieront leur revenu. Je pense aussi à des gens que j'ai rencontrés, par exemple, qui travaillent pour moi à temps partiel au chalet, et qui ont peur de travailler en raison des incidences sur leur pension. Il doit y avoir un nombre considérable de gens dans cette situation.
Retournons au couple qui ne dispose d'aucun revenu à l'exception de la rente de retraite. À partir de cette information de base, à quoi ces individus sont-ils admissibles?
M. La Salle : On suppose qu'ils n'ont pas cotisé au RPC. S'ils ne bénéficient pas du RPC, à 65 ans, comme tous les autres Canadiens, ils sont admissibles au Programme de la sécurité de la vieillesse. Ils ont évidemment un faible revenu et ils sont donc admissibles au Supplément de revenu garanti.
Le SRG est réduit de un dollar pour chaque tranche de deux dollars de revenu, mais il y a une exemption de 500 $. Les premiers 500 $ gagnés sont exemptés, et par la suite la réduction s'applique. Le paiement maximum de SRG est de l'ordre de 7 000 $, et il n'est pas imposable. Pour que ce paiement soit réduit à zéro, votre revenu doit être de 15 000 $.
Le sénateur Keon : Examinons un autre scénario. Prenons le même couple, mais cette fois-ci les individus ont cotisé au Régime de pensions du Canada. Veuillez me dire ce à quoi ils sont admissibles et dans quelle mesure un emploi à temps partiel ou occasionnel aurait des incidences sur eux.
Roman Habtu, gestionnaire, Politique de prestation de la SV, Ressources humaines et Développement social Canada : Une personne qui bénéficie du Régime de pensions du Canada verrait son SRG réduit de un dollar pour chaque tranche de deux dollars qu'elle reçoit en vertu du Régime de pensions du Canada. À cet égard, comme M. La Salle vous l'a mentionné, tout revenu que cette personne reçoit, à l'exception des 500 $, qui ne sont pas inclus dans le revenu, est réduit de un dollar pour chaque deux dollars provenant d'un autre revenu.
Le sénateur Keon : Disons que chacun des individus reçoit une pension du Canada de 10 000 $ par année et que les deux veulent travailler à temps partiel. Disons que chacun gagne 10 000 $ par année en travaillant à temps partiel. Quel sera l'impact sur leur revenu global?
Mme Habtu : Cela signifie que chacun d'entre eux disposerait d'environ 20 000 $ provenant du RPC ainsi que de ses revenus. Le seuil pour une personne seule est de 15 000 $. C'est-à-dire que si votre revenu est inférieur à 15 000 $, vous êtes alors admissible au Supplément de revenu garanti. Dans ce cas-ci, ils seraient considérés comme un couple, mais si nous examinons la situation d'une seule personne, elle ne serait pas admissible au Supplément de revenu garanti parce que son revenu serait supérieur au seuil.
Le sénateur Keon : Autrement dit, si chacun d'eux gagnait 7 500 $ par année à travailler à temps partiel, cela annulerait leur supplément?
Mme Habtu : Voulez-vous dire en plus du Régime de pensions du Canada?
Le sénateur Keon : Oui.
Mme Habtu : Oui, cela serait certainement le cas. Vous avez raison.
M. La Salle : Serait-il utile que nous préparions des scénarios types pour les présenter à votre comité, comme des scénarios types de situations marginales?
La présidente : Oui, cela nous serait très utile.
M. La Salle : Je crois pouvoir vous fournir ces chiffres. S'il y a d'autres scénarios évidents, il nous fera plaisir d'accéder à votre requête.
La présidente : Vous avez la parole, monsieur Tupper, mais peut-être en prévision de ce que vous allez dire y a-t-il dans la population une grande confusion, mais pas autant au sujet du Supplément de revenu garanti. Par exemple, des gens m'ont dit que s'ils gagnaient tel revenu, leur pension du RPC serait réduite. Or, nous savons que la pension versée par le RPC ne peut être réduite, que c'est un régime auquel on cotise et dans lequel notre employeur verse une quote- part équivalente, et que c'est un paiement garanti.
Il y a confusion dans l'esprit des personnes âgées, qui croient qu'elles ne peuvent travailler parce que leur pension de la Sécurité de la vieillesse serait coupée. Nous savons que la pension de la Sécurité de la vieillesse peut être réduite si le revenu dépasse 63 000 $, mais on ne parle pas ici de personnes touchant un revenu de plus de 63 000 $ mais bien de personnes ayant un revenu marginal.
M. Tupper : Je veux être clair. Nous souhaitons comprendre les interactions; nous ne cherchons pas à examiner des scénarios chiffrés particuliers. Nous pouvons choisir des scénarios qui vous aideront à comprendre la nature de ces interactions.
Le sénateur Keon : Madame la présidente, par votre intervention vous exprimez notre désir de comprendre les interactions qui touchent les personnes vivant une situation financière très pénible.
Le sénateur Cordy : Tantôt, vous avez parlé de plusieurs études que vous êtes en train de mener. Je sais que le taux de pauvreté au Canada a fléchi considérablement ces dernières années, ce qui est positif, mais si nous examinons attentivement les données, nous constatons que certains groupes sont beaucoup plus touchés que d'autres. Un de ces groupes est celui des femmes, surtout les femmes vivant seules. À une autre époque, beaucoup de femmes quittaient le marché du travail dès le mariage, avant même d'avoir des enfants, tandis que d'autres le quittaient quand leurs enfants étaient en bas âge. Cela entraînait une interruption de leurs revenus. Au moment de pouvoir toucher une pension du RPC, comme elles avaient moins cotisé, leur pension s'en trouvait réduite. Avez-vous réalisé des études sur la question pour voir comment nous pourrions apporter davantage d'aide dans ce genre de situations?
M. La Salle : Il existe une disposition d'exemption de cotisations au RPC et cette exemption est de 15 pour cent. Ainsi, 15 pour cent des années de moindre revenu sont exemptées du calcul de la pension. Nous croyons qu'il s'agit là d'une bonne approximation. Quand je dis « nous », c'est un « nous » au sens large car le RPC est un programme géré conjointement par le fédéral et les provinces.
Toute modification apportée à cette période d'exemption, ou disposition d'exemption de cotisations, se répercuterait sans doute sur le taux de cotisation au RPC, qui vise à maintenir un équilibre entre les pensions à verser et le caractère abordable et équitable du régime. Cela affecterait le taux de cotisation et devrait faire l'objet d'un examen très minutieux. D'ici là, la disposition du RPC qui touche cet aspect de la question est la disposition générale d'exemption de cotisations.
Le sénateur Cordy : Cela signifie que les années de plus faible revenu ne seraient pas prises en compte dans le calcul du montant de la pension. Je comprends cela et j'estime que c'est une bonne politique. Cependant, bien des femmes s'absentent du marché du travail pendant une période de dix ou quinze ans, voire plus. J'ai entendu parler de femmes de 60 ans qui touchent une pension de 35 $ par mois parce qu'elles ont quitté le marché du travail pour s'occuper de leurs enfants. Avez-vous cherché des moyens qui permettraient aux femmes en mesure de le faire de cotiser au régime pour les années passées à la maison à élever leurs enfants? Est-ce une question sur laquelle vous vous êtes penchés?
M. La Salle : Il existe des groupes d'aînés à faible revenu. Ce problème est en voie de se régler grâce à une participation accrue au marché du travail, et cetera. L'ennui, c'est que les instruments que nous avons, comme le SRG, qui contribuent de façon importante à réduire la pauvreté chez les aînés et qui permettent à bon nombre d'entre eux de passer au-dessus du seuil de faible revenu, sont lourds et inefficaces. Je crois qu'il y a 215 000 aînés au Canada qui se situent en dessous du seuil de faible revenu. En bref, l'une des particularités, c'est que leurs coûts de logement sont plus élevés. C'est ce qui fait qu'ils se retrouvent en dessous du seuil de faible revenu. C'est souvent le cas dans les centres urbains — Toronto, Montréal, Vancouver, Calgary, et cetera. Dans les régions rurales, le problème n'est généralement pas si grave, bien que les coûts de transport soient certainement un facteur dans certains endroits.
Les instruments dont dispose le gouvernement fédéral en matière de soutien du revenu sont trop vastes. Pour atteindre ces 215 000 personnes, vous devrez dépenser beaucoup d'argent. Pour vous donner une idée, l'augmentation du SRG, soit 3,5 p. 100 en janvier 2006 et 3,5 p. 100 en 2007, a permis d'offrir 58 $ à un couple et 36 $ à une personne. Pour pouvoir offrir ces 36 $, il en coûte 2,7 milliards de dollars sur cinq ans. Juste pour réaliser une petite augmentation dans un énorme programme comme celui-ci, il faut dépenser beaucoup d'argent.
Nous devons trouver une façon d'offrir un soutien, mais de façon très ciblée. Peut-être devrions-nous examiner davantage notamment les dépenses et le type de programmes qui vous amènent dans la sphère des programmes provinciaux; cela dit, une grande partie de l'appui non financier offert aux aînés à faible revenu est fourni à l'échelle communautaire.
Le sénateur Cordy : Ce qui nous importe surtout, c'est d'atteindre les personnes qui sont dans le besoin. Nous ne devrions pas nous inquiéter autant des personnes qui ont d'importantes économies ou d'autres sources de revenu, bien que ces personnes aient d'autres besoins.
L'une des choses que j'ai apprises dans cette étude, et je crois que je n'y avais tout simplement pas pensé, c'est qu'il existe une grande diversité d'aînés. Les gens ont tendance à stéréotyper les aînés, et cela n'est pas approprié. Comme pour tout groupe de la société canadienne, notre population est tellement diversifiée, bien plus qu'il y a 50 ans.
Comment pouvons-nous concevoir des programmes et des services capables de combler les besoins de notre population diversifiée? Malheureusement, les programmes gouvernementaux, qu'ils soient provinciaux ou fédéraux, s'adressent souvent à des personnes qui entrent dans un moule mal adapté. Si vous n'entrez pas dans ce moule, vous n'y trouvez pas votre compte. Vous avez expliqué que vous essayez de répondre aux besoins de certaines personnes et d'assumer les coûts qui en découlent.
Notre espérance de vie a augmenté; toutefois, l'espérance de vie de notre population autochtone est loin d'être aussi élevée que dans le reste de la population canadienne. Or, les membres des peuples autochtones doivent attendre aussi longtemps que les personnes qui ont une espérance de vie supérieure — 70, 80 ou plus — pour toucher des prestations du Régime de pensions du Canada ou de la Sécurité de la vieillesse, quel que soit le cas.
Vous avez parlé de recherches effectuées dans le cadre de vos études. Est-ce que vos recherches et vos études portent sur la diversité des aînés et sur la façon de concevoir des programmes qui tiendrait le mieux compte de cette diversité?
M. Tupper : Comme vous l'avez souligné au début de votre intervention, nous avons clairement réalisé des progrès au fil du temps. D'une certaine façon, nos programmes s'adressent bien à des personnes qui rentrent dans un moule mal adapté. Lorsque vous avez un grand pourcentage de la population qui vit dans la pauvreté et qui est à risque, il est plus facile d'élaborer des programmes généraux. Nous sommes arrivés à un point où environ 5 à 6 p. 100 des aînés vivent dans la pauvreté. Ce que nous devons faire maintenant, et le ministère a déjà commencé, c'est d'essayer de comprendre en substance qui compose ces 6 p. 100. C'est la difficulté que posera l'élaboration des programmes et des politiques. Comme vous l'avez fait remarquer, il existe une grande diversité d'aînés. Nous observons une assez grande cohérence dans la population à risque qui compose les 6 p. 100. Pour l'instant, nous voulons surtout recueillir les données nécessaires pour comprendre les caractéristiques des groupes à risque et le type d'initiatives qui leur conviendrait. Il est évident qu'une seule initiative générale ne suffirait pas à combler les besoins de tous les groupes à risques. Les peuples autochtones sont un groupe particulier sur lequel nous nous attarderons avec le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien et les organisations autochtones. Nous travaillerons avec eux pour mieux comprendre les besoins des aînés autochtones en vue de concevoir des programmes et des initiatives qui en tiennent compte. Cela s'applique également aux aînés qui vivent seuls, aux aînés qui sont sans abri et aux aînés qui sont handicapés. Nous nous pencherons sur leurs besoins particuliers et nous songerons à ce que tous les ordres de gouvernement peuvent faire.
La présidente : Ce n'est pas d'hier que les femmes quittent leur emploi pour élever leurs enfants. Aujourd'hui, elles cessent également de travailler pour s'occuper à plein temps de leurs parents âgés. Elles sont pénalisées non seulement pour les années qu'elles ont passées à élever leurs enfants, mais également pour les années les plus rémunératrices pendant lesquelles elles sont devenues aidantes naturelles — soit parce qu'elles ont dû travailler à temps partiel, soit parce qu'elles ont dû cesser complètement de travailler.
Y a-t-il des travaux de recherche et de développement qui ont porté sur la possibilité de verser des cotisations au RPC pour ces personnes dans le cadre d'un quelconque programme de prestations aux aidants naturels? Par exemple, si nous prenons la somme de 1 000 $ que nous versons actuellement aux familles pour la garde d'enfants, est-ce que cela ne serait pas plus logique, d'une certaine façon, d'utiliser cet argent pour contribuer au RPC de ces femmes de sorte qu'elles puissent, à un moment donné, recevoir des prestations du RPC équivalentes à celles des femmes qui ont pu demeurer sur le marché du travail pendant toute cette période? Avons-nous fait des analyses à cet égard?
M. Tupper : Au cours des deux dernières années, nous avons beaucoup amélioré notre compréhension des pressions que subissent les aidants naturels non rémunérés. Nous nous sommes surtout efforcés, dans nos travaux de recherche, de mieux saisir les changements démographiques que les familles ont connus ces dernières années. Nous ne limitons pas notre analyse à la dispensation de soins aux aînés, mais également à la dispensation de soins aux membres de la famille malades ou aux enfants handicapés. Nous examinons tous les types de prestation de soins, à l'exception de la prestation traditionnelle de soins aux enfants, et nous nous efforçons de comprendre les pressions que subissent ces familles. En moyenne, au cours des 20 dernières années, les familles ont travaillé entre 1,5 et 3 mois de plus par année qu'elles le faisaient auparavant. Certaines données semblent indiquer qu'au chapitre de l'emploi du temps, les familles ont 48 minutes de moins par jour à consacrer à leur famille. Cela équivaut à 22 heures par mois. Nous subissons de réelles pressions associées à la naissance de ce que nous appelons « la génération sandwich ». Ces pressions s'intensifieront au fur et à mesure que la population vieillira. Nous sommes en train d'examiner nos données et de formuler des conseils que nous serions disposés à fournir au gouvernement sur la façon dont celui-ci pourrait aider les familles canadiennes à résoudre les problèmes liés à la prestation de soins.
La présidente : Mes dernières questions concernent les personnes qui pourraient être admissibles au RPC, mais qui n'ont pas présenté de demande. Vous savez peut-être que, récemment, plusieurs questions ont été soulevées à ce sujet au Sénat.
Avez-vous des données sur le nombre de personnes qui pourraient être admissibles au RPC mais qui ne reçoivent pas de prestations parce que vous avez peut-être égaré leurs adresses, parce que leur nom a changé ou parce qu'ils ont déménagé Dieu sait où sans nous en informer? Savons-nous combien il peut y avoir de personnes qui seraient admissibles au RPC mais qui ne touchent pas de prestations?
M. La Salle : Nous en avons certainement une idée. Est-ce que cela couvre tout? Non. Il y a des personnes qui ont payé des impôts et cotisé au RPC, mais qui ont disparu ou qui ont déménagé dans un autre pays. Selon nos données, il s'agit surtout de personnes qui ont très peu cotisé au RPC, donc les avantages en question sont quelque peu limités, entre autres.
Les Canadiens reçoivent les formulaires et des rappels constants leur sont faits au moyen des renseignements joints à leur formulaire de déclaration de revenus, de campagnes de publicité, et cetera. Cependant, il y a des Canadiens qui ont cotisé au RPC mais qui ne touchent pas de prestations ou qui n'ont pas présenté de demande.
La présidente : Je reçois un rapport — je crois que c'est tous les deux ans, mais je pourrais me tromper — sur mes cotisations au RPC et sur les prestations auxquelles j'ai droit. Si vous perdez mon adresse ou que vous ne savez pas où me joindre, il va de soi que je ne pourrais pas recevoir cette information. Il y a des gens qui ont pu avoir cotisé au RPC il y a, disons, 35 ans, qui ont arrêté de travailler pour élever leur famille et qui n'ont jamais réintégré le marché du travail. Dans le même ordre d'idées, je suppose que je pourrais être admissible au régime de sécurité sociale des États- Unis puisque j'y ai enseigné pendant deux ans. Je n'y avais jamais songé jusqu'à maintenant. Peut-être que je devrais présenter une demande de prestations de sécurité sociale des États-Unis, qui sait? Essayons-nous de retracer ces personnes ou de leur offrir un moyen de présenter une demande de prestations du RPC par l'entremise de Service Canada?
M. La Salle : Comme c'est une question qui relève de Service Canada, je préférerais que les responsables de l'organisme y répondent. Il n'y a pas de doute dans mon esprit qu'on déploie des efforts énormes pour informer les gens.
Si nous n'avons pas l'adresse des personnes touchées, comment pouvons-nous alors les joindre? Comme je le disais précédemment au sénateur Chaput, il faut informer la population grâce aux organismes communautaires. Ce n'est pas du tout un exercice commandé par ordinateur. Bien au contraire, il faut presque aller frapper aux portes. Nous constatons que le montant des prestations non touchées par les personnes qui y ont droit est minime.
La présidente : Il y a environ une semaine, un des trois journaux que je reçois contenait un encart. Comme je mettais les journaux dans la boîte bleue, l'encart a glissé sur le plancher de la cuisine. Il renfermait plein de renseignements sur les prestations aux aînés. J'ai trouvé intéressant de constater — et je veux que vous en preniez note — que l'information présentée portait sur l'admissibilité au RPC. Rien cependant à l'intention des personnes qui ne savent peut-être pas qu'elles sont admissibles au RPC. En lisant le dépliant, je savais que ça s'adressait à moi évidemment. Par contre, dans la situation où vous ignorez que vous êtes admissible, le dépliant ne contenait aucune information pour vous faire penser que vous pourriez peut-être présenter une demande.
M. La Salle : Je transmettrai cette observation à mes collègues de Service Canada.
La présidente : Nous tenons à vous remercier, messieurs, d'être venus aujourd'hui. C'était difficile pour vous, en raison de la réunion du 29 novembre que vous préparez actuellement, mais il était important pour nous de vous entendre. Nous vous souhaitons une excellente réunion et nous espérons que tous vos homologues fédéraux et provinciaux arriveront à s'entendre.
Mesdames et messieurs les sénateurs, j'aimerais discuter de deux questions avec vous maintenant. Nos témoins de 14 heures ne sont pas encore arrivés. Nous avons établi un budget. Je vais demander à la greffière de vous le distribuer afin que nous puissions l'approuver. Nous allons aussi vous remettre un document préparé par nos attachés de recherche concernant nos plans et l'organisation des prochaines réunions.
Commençons par le budget. Nous avons un budget de 61 475 $. De ce montant, 27 000 $ servent à payer notre expert-conseil, nos attachés de recherche supplémentaires, nos repas de travail et nos dépenses d'accueil. Nous avons aussi prévu 3 000 $ pour les conférences, et cela comprend, bien sûr, les billets d'avion et autres dépenses. Je dois vous dire que, dans le passé, nous n'avons pas utilisé toutes les sommes demandées pour les conférences, mais je tiens à conserver ce poste dans le budget. De cette façon, si nous apprenons qu'il y a des conférences intéressantes pour nos membres, ils seront en mesure d'y aller. Lors de la dernière session, le sénateur Mercer a participé à l'Atelier sur les mesures d'urgence et les aînés, et madame le sénateur Cordy s'est rendue à Saint-Gall, en Suisse, pour assister au Congrès mondial sur le vieillissement et les rapports entre les générations. Je tiens à avoir des fonds disponibles pour que les sénateurs puissent participer à de telles conférences, car on y apprend beaucoup de choses.
Y a-t-il des questions ou des commentaires sur le budget?
Le sénateur Keon : Ça me semble très clair, madame la présidente.
La présidente : Quelqu'un pourrait-il proposer une motion pour que nous approuvions le budget?
Le sénateur Keon : Je vais la proposer.
La présidente : La motion est proposée par le sénateur Keon. Tous ceux qui sont pour?
Des voix : D'accord.
La présidente : Nous pourrons donc transmettre le budget au Comité de la régie interne le plus tôt possible. À l'heure actuelle, nous fonctionnons, comme tous les comités, avec des fonds d'urgence. Nous en aurons assez pour nous rendre probablement jusqu'à Noël, s'il n'y a pas de difficultés particulières, parce que le Comité de la régie interne ne nous a pas encore indiqué quand il s'occuperait des budgets. Il semble que notre budget pourrait être le premier à lui parvenir.
Le plan de travail préliminaire préparé pour le comité est fondé sur nos discussions de la semaine dernière. Il comprend évidemment un ordre de renvoi, le contexte et la deuxième phase. Selon moi, ce qui est le plus intéressant, mesdames et messieurs les sénateurs, c'est d'examiner la deuxième phase ainsi que les questions dont nous voulons toujours traiter.
Si nous nous reportons à la page 5 du document, voici ce que nous avions planifié en ce qui concerne les audiences de la deuxième phase : les questions de compétences, les besoins en logement, les transports et la protection civile. Nous avons discuté du cinquième point aujourd'hui et nous passerons plus tard au sixième. Nous avons entendu des choses au sujet du septième point, même si nous devons décider si nous voulons obtenir l'apport des provinces au sujet du cinquième point. Des réunions étaient prévues pour le 26 novembre et les 3 et 10 décembre, et nous avons déjà entendu parler des témoins relativement à ces trois réunions.
De la page 6 à 8, vous trouverez les titres des documents sur les options que vont préparer pour nous nos infatigables attachés de recherche de la Bibliothèque du Parlement. Ces titres sont : Vieillissement actif, Travailleurs âgés/passage à la retraite, Santé des aînés, Distribution régionale des coûts liés au vieillissement et Soutien aux personnes âgées à l'endroit de leur choix.
Comme il n'est pas vraiment réaliste d'essayer de discuter de ces questions aujourd'hui, j'ai pensé au moins vous distribuer les documents sur les options. Vous pourrez les examiner au cours de la semaine prochaine et nous faire part de vos commentaires, particulièrement si vous notez des lacunes dans les documents sur les options et les questions. Lorsque vous lirez les options et recommandations, si vous constatez des oublis, je vous prie de nous les indiquer la semaine prochaine, afin que nous puissions corriger la situation. Je vous remercie, mesdames et messieurs les sénateurs.
Honorables sénateurs, nous allons maintenant entendre les témoins du deuxième groupe. Ils vont nous entretenir du rôle du gouvernement fédéral à l'égard du vieillissement de la population. Comme ils ont eu un très court préavis, ils nous ont fourni une copie de leur exposé, mais en anglais seulement. Nous ne pouvons donc pas vous remettre le document puisqu'il n'est pas dans les deux langues officielles. Toutefois, il sera traduit et il vous sera ensuite distribué. Entre-temps, l'exposé se fera dans les deux langues officielles.
Je vous présente Frank Vermaeten, directeur général du Bureau du sous-ministre adjoint, à Finances Canada; Krista Campbell, chef principale de la Division des relations fédérales-provinciales, et Andrew Staples, chef intérimaire de la Division des relations fédérales-provinciales, à Finances Canada.
C'est un plaisir de vous avoir parmi nous aujourd'hui. Nous débuterons par les observations préliminaires et nous passerons ensuite aux questions des membres du comité.
Krista Campbell, chef principale, Division des relations fédérales-provinciales, Finances Canada : Bonjour. Nous nous excusons de ne pas pouvoir vous fournir de document bilingue. Nous l'avons envoyé aux Services de traduction; il devrait être prêt bientôt et nous vous le ferons parvenir aussitôt que possible.
Vous nous avez posé des questions précises afin d'avoir un bref aperçu des principaux transferts. Je dirai d'abord quelques mots sur leur évolution, et nous traiterons ensuite brièvement de leur allocation. N'hésitez surtout pas à nous poser des questions pendant l'exposé. Si vous préférez, nous pouvons avoir une discussion à la fin.
Je commencerai par un aperçu du Canada. Comme vous le savez, notre pays compte 33 millions d'habitants. Les disparités géographiques sont énormes. La population n'est pas répartie également. Le niveau d'activité économique varie d'une province et d'un territoire à l'autre. Au Canada, le produit intérieur brut par personne s'élève à environ 46 500 $, mais ce chiffre diffère beaucoup selon la province ou le territoire. Vous trouverez plus d'information à ce sujet dans l'exposé écrit.
La capacité fiscale, ou la capacité des provinces et des territoires à générer des revenus, varie aussi considérablement. Elle est en moyenne de 6 700 $ par habitant, atteignant plus de 10 000 $ en Alberta ou se limitant à 5 100 $ ou à 4 400 $ dans certaines provinces maritimes. Les écarts sont aussi particulièrement flagrants dans le Nord, en raison de sa faible population, de sa situation géographique et de sa base économique relativement peu développée.
En ce qui concerne les arrangements fiscaux, il existe quatre grands programmes de transferts. Le Programme de péréquation atteint presque 13 milliards de dollars, 12,9 milliards cette année. Il vise principalement à compenser les disparités horizontales entre les provinces. Il offre des paiements en espèces fondés sur une formule.
La formule de financement des territoires (FFT) est similaire à la péréquation. Elle représente environ 2 milliards de dollars, c'est-à-dire 2,2 milliards de dollars cette année. Le programme s'occupe des besoins particuliers des trois territoires du Nord et poursuit un objectif similaire à celui de la péréquation. Ici aussi, c'est un paiement en espèces calculé selon une formule.
Il existe deux grands transferts pour la santé et les programmes sociaux : le Transfert canadien en matière de santé (TCS) et le Transfert canadien en matière de programmes sociaux (TCPS). Le TCS est le plus important transfert en espèces et s'élève à environ 21,3 milliards de dollars cette année. Il appuie les principes, les critères et les conditions de la Loi canadienne sur la santé. Il représente à la fois un transfert en espèces et en points d'impôt. Le total des droits a pris la forme d'un montant égal par habitant. Le Transfert canadien en matière de programmes sociaux totalise environ 9,5 milliards de dollars cette année afin de venir en aide aux provinces et aux territoires pour l'éducation postsecondaire, les programmes sociaux et les programmes pour les enfants.
Cet exposé n'examine aucun des arrangements concernant, par exemple, les infrastructures. Il porte seulement sur ces quatre principaux programmes de transfert. Je sais que les membres du comité connaissent bien un certain nombre de ces transferts, c'est pourquoi je n'aborderai brièvement que quelques-uns d'entre eux. S'il y a des questions, nous pouvons parler davantage de la conception des programmes.
La péréquation est particulièrement importante. Elle est enchâssée dans la Constitution. Selon le principe de la péréquation, les provinces devraient avoir accès à des revenus adéquats pour assurer des services publics à un niveau de qualité et de fiscalité sensiblement comparables.
Les revenus de toutes les provinces sont examinés dans le cadre de la péréquation. Ils sont comparés avec une norme nationale, à l'heure actuelle la norme dite « des dix provinces »; la péréquation permet ensuite de fournir des revenus adéquats aux provinces pour qu'elles atteignent cette norme. Ce transfert inconditionnel est censé être utilisé par les provinces pour financer l'un ou la totalité des services qu'elles doivent assurer à la population. Il est financé exclusivement sur le Trésor fédéral et il comporte un seul indicateur général des besoins, c'est-à-dire la population par habitant.
La péréquation peut se résumer à rien du tout, dans le cas des provinces qui n'y ont pas droit, tout comme elle peut représenter jusqu'à 25 p. 100 des revenus provinciaux; elle peut donc constituer une source de revenus importante pour certaines provinces. Plusieurs changements ont été présentés dans le budget, et nous pouvons fournir plus de renseignements, s'il y a lieu.
La péréquation est censée évoluer et fluctuer en fonction des disparités fiscales entre les provinces. Si les provinces sont toujours admissibles à la péréquation, les paiements auxquels elles ont droit peuvent varier chaque année. Par exemple, l'Ontario est admissible mais n'a jamais rempli les conditions requises pour recevoir des paiements de péréquation. À mesure qu'une province s'enrichit, les paiements de péréquation auxquels elle a droit sont censés diminuer, et l'inverse est également vrai.
Au cours des dernières années, nous avons constaté, que malgré une hausse de la péréquation en dollars historiques, les disparités fiscales ont tendance à s'amenuiser entre les provinces. Même si nous avons récemment remarqué certaines répercussions sur les disparités à cause des revenus tirés des ressources, nous constatons que la péréquation fait en général le travail visé.
La formule de financement des territoires (FFT) est censée faire la même chose dans le Nord en ce qui concerne les disparités. Compte tenu des défis particuliers dans le Nord, les coûts ont tendance à être un peu plus élevés. La FFT représente la principale source de revenus des gouvernements territoriaux : environ 66 p. 100 des revenus du Yukon, 64 p. 100 des revenus des Territoires du Nord-Ouest et près de 84 p. 100 des revenus du Nunavut.
Le transfert est inconditionnel. Cependant, il englobe une certaine composante relative aux besoins dans la mesure où la FFT est une formule visant à combler les écarts. On examine les dépenses que doivent faire les territoires pour assurer les services et les revenus qu'ils peuvent recueillir par leurs propres moyens. Ensuite, le transfert comble l'écart entre ce qu'ils peuvent obtenir d'eux-mêmes et les dépenses qu'ils doivent faire pour fournir des services à peu près comparables à ceux disponibles dans le Sud.
Le Transfert canadien en matière de santé a été prescrit par la loi jusqu'en 2013-2014. Son taux de croissance atteint 6 p. 100 par année. C'est le principal outil employé par le gouvernement fédéral pour accorder un soutien dans le cadre de la Loi canadienne sur la santé, de ses cinq critères et de ses deux conditions. Le transfert tient compte d'un certain nombre d'engagements pris au cours des dernières années concernant les trois accords sur les soins de santé. Le total des droits est réparti en se fondant sur un montant égal par habitant. Au moment de son renouvellement en 2014-2015, le Transfert canadien en matière de santé (TCS) versera des montants en espèces égaux par habitant. Ce changement reflète ce qui s'est passé dans le cas du Transfert canadien en matière de programmes sociaux.
Dans le cadre du Plan décennal pour renforcer les soins de santé, en 2004, le gouvernement fédéral s'est engagé à fournir aux provinces et aux territoires des transferts additionnels totalisant 41,3 milliards de dollars sur dix ans. La plus grande partie de ce montant, 35 milliards de dollars, est versé par le biais du Transfert canadien en matière de santé. Il est réservé à la réforme des soins de santé primaires, aux soins à domicile et à la couverture des médicaments onéreux. Un transfert de 5,5 milliards de dollars pour réduire les périodes d'attente et un transfert de 500 millions de dollars pour acheter de l'équipement médical sont également prévus. De plus, les premiers ministres ont accepté un régime de responsabilisation et d'établissement de rapports en vertu duquel ils fourniront aux citoyens des informations sur le rendement du système de soins de santé, y compris l'argent qui est dépensé. Les provinces et les territoires sont en train de mettre au point des indicateurs et des repères. Par exemple, selon l'un des engagements pris en ce qui concerne les soins primaires, 50 p. 100 des Canadiens auront accès à des équipes pluridisciplinaires, 24 heures sur 24, sept jours sur sept, d'ici 2011.
Le Transfert canadien en matière de programmes sociaux a récemment fait l'objet de divers changements à la suite du budget de 2007. Il est maintenant attribué sous la forme d'un versement en espèces selon un montant égal par habitant. Le montant en espèces augmente de 3 p. 100 par année. Il appuie l'interdiction d'assujettir l'aide sociale à un critère minimal de résidence. Le TCPS demeure un fonds global, c'est-à-dire que les provinces et les territoires répartissent le transfert en espèces et en points d'impôt qu'ils obtiennent entre les divers domaines soutenus — l'éducation postsecondaire, les programmes sociaux et les programmes pour les enfants — en fonction de leurs priorités respectives.
Un tableau que nous aimons beaucoup montre les investissements récents relatifs aux transferts. Un certain nombre de discussions ont eu lieu au cours des dernières années sur les réductions qui ont été apportées au milieu des années 1990 ainsi que les investissements considérables qui ont été faits de nouveau. Dans le cas des transferts, il faut surtout retenir qu'ils atteignent à l'heure actuelle un sommet inégalé, qu'ils sont plus importants que jamais et pleinement rétablis par rapport aux réductions passées.
C'est un aperçu rapide des transferts fédéraux.
J'ajouterais quelques mots sur l'évolution des principes et des idées qui sous-tendent la manière dont les transferts étaient attribués, la conditionnalité, la méthode de comptabilisation des transferts et la production de rapports. Les transferts reflètent la nature évolutive de la fédération, des relations intergouvernementales et des circonstances financières. La péréquation n'a pas beaucoup changé au fil du temps. Le principe enchâssé dans la Constitution est resté le même. Le nombre d'aspects qui sont couverts a changé, ainsi que la portée et la norme utilisée pour établir des comparaisons, mais ce n'est pas le cas des grands principes de la péréquation. Cela dit, les transferts pour la santé et les programmes sociaux ont beaucoup évolué. Ils ont d'abord été établis à titre de subventions à frais partagés visant à favoriser la création de programmes sociaux nationaux, comme le régime d'assurance-maladie, par exemple.
Malgré leur importance de nos jours ou par le passé pour permettre et encourager la création de quelques-uns des principaux programmes de santé et programmes sociaux, les programmes à frais partagés sont devenus moins flexibles à un moment donné. En 1977, nous avons assisté à d'importantes réformes en matière de transferts, de telle sorte que les programmes à frais partagés pour la santé et l'éducation postsecondaire, par exemple, ont été remplacés par une aide financière globale provenant du Financement des programmes établis. Il s'agissait du premier grand transfert national en espèces et en points d'impôt; il était attribué en grande partie suivant un montant égal par habitant. Malgré une petite période de transition au début, c'était bien un transfert global suivant un montant égal par habitant.
En 1996-1997, nous avons été témoins de l'entrée en vigueur du Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux (TCSPS). Une partie de cet élan de changement était incontestablement attribuable à l'assainissement des finances publiques. Le dernier grand programme à frais partagés, le Régime d'assistance publique du Canada pour l'aide sociale et les services sociaux, est devenu le TCSPS dans le Budget de 1995. Après une période de transition, le TCSPS comportait également des versements égaux par habitant.
Dans le cas des grands transferts effectués au fil du temps, nous avons constaté qu'en ce qui concerne la conditionnalité, les subventions ont connu des changements importants : des gouvernements — notamment le gouvernement fédéral — qui créaient une série ou une liste de dépenses admissibles dont la moitié était remboursée aux provinces, jusqu'aux transferts globaux beaucoup plus ouverts où les provinces peuvent décider où iront plus précisément leurs ressources. La responsabilité et les rapports concernant ces transferts ont également évolué au fil du temps. Nous sommes passés d'un système de reddition de comptes et d'établissement de rapports entre gouvernements, où les administrations provinciales rendent directement des comptes au gouvernement fédéral sur leurs dépenses, à une obligation de rendre des comptes au public, présentée pour la première fois en 1999 dans l'Entente-cadre sur l'union sociale (ECUS). L'ECUS, les accords sur les soins de santé et les ententes-cadre sur les services de garde d'enfants laissent tous entendre que le gouvernement fédéral prend un engagement à l'égard de ces programmes et y contribue; les gouvernements provinciaux conçoivent et assurent les services demandés par leurs citoyens; les provinces sont ensuite chargées de faire rapport à leurs citoyens sur l'utilisation des fonds fédéraux. Les provinces ne rendent pas de comptes au gouvernement fédéral.
Le budget de 2007 a souligné l'importance de certains principes d'équilibre fiscal. Quelques-uns sont particulièrement importants. Il y a tout d'abord la reddition de comptes grâce à la clarté des rôles et des responsabilités. Le gouvernement a résolu de se conformer à ce principe et a reconnu que les provinces et les territoires sont les mieux placés pour concevoir et mettre en œuvre certains programmes qui relèvent de leur compétence et concernent par exemple la prestation de soins de santé, le système d'éducation postsecondaire et l'éducation de la maternelle à la 12e année.
Le budget a aussi confirmé l'importance des arrangements fiscaux prévisibles à long terme et a adopté une approche sur deux fronts visant à renforcer la péréquation et à l'inscrire dans la loi jusqu'en 2013-2014, tout en s'engageant à ce que des transferts généraux à l'extérieur du programme de péréquation soient effectués à raison d'un montant égal par habitant afin d'être juste envers l'ensemble des Canadiens, peu importe leur lieu de résidence. Ces réformes sont inspirées de vastes consultations tenues avec les provinces et les territoires, la population canadienne, des chercheurs et des spécialistes.
La dernière partie de cet exposé est une sorte d'aperçu de la notion de besoins en dépenses et des raisons pour lesquelles les transferts sont pondérés de certaines façons. Les formules d'allocation des transferts peuvent tenir compte à la fois des différences dans le revenu et des disparités en matière de dépenses. On parle de besoins en dépenses lorsqu'il est question des différences sur le plan des dépenses. Ce terme renvoie à la capacité des gouvernements de financer leurs responsabilités en tenant compte des facteurs qui influent sur le coût de prestation des programmes et services.
La documentation sur le sujet nous informe généralement que deux grands ensembles de facteurs se répercutent sur les besoins en dépenses. Les facteurs de demande influent sur la quantité ou le volume des services fournis; il faut par exemple tenir compte du nombre de personnes auxquelles il faut assurer des soins de santé ou du nombre de maisons devant être protégées par le service contre les incendies. Il y a aussi les facteurs de coût, qui déterminent le coût réel de la prestation des services; par exemple, il faut considérer le salaire versé aux médecins, le coût du chauffage des écoles et du déneigement, ce qui peut varier grandement d'une province à l'autre.
L'exposé écrit donne un aperçu des différences considérables entre les décisions prises par les provinces en matière d'impôt et de dépenses. Comme la fédération canadienne est très décentralisée, les provinces peuvent établir leur assiette fiscale et leurs taux d'imposition. La Constitution définit leurs compétences. Les provinces déterminent le taux d'imposition et ce à quoi il s'applique. Elles décident aussi de la conception et de la prestation de leurs programmes et services, et sont tenues responsables de leurs décisions par leurs résidents.
En matière de dépenses en santé notamment, nous constatons que la moyenne est d'environ 3 100 $ par habitant, mais que les dépenses varient réellement de 2 700 $ par habitant à l'Île-du-Prince-Édouard à près de 3 600 $ par habitant à Terre-Neuve. Nous observons des écarts semblables, sinon plus grands encore, dans les dépenses en services sociaux, où la moyenne est d'environ 1 700 $ par habitant, allant de 775 $ par habitant à l'Île-du-Prince-Édouard à plus 2 800 $ par habitant au Québec.
Les écarts entre les données nous indiquent que les provinces décident ou non d'avoir un système plus étendu, plus inclusif ou plus restrictif, et que leurs décisions se reflètent dans les chiffres.
Nous remarquons la même chose en ce qui concerne le revenu. Les provinces et les territoires peuvent prélever leurs propres impôts, et bien que le revenu total moyen par habitant s'élève à environ 11 500 $, le revenu par habitant dans les provinces oscille d'environ 10 500 $ par habitant à 14 000 $ par habitant en Alberta.
L'idée d'inclure la notion des besoins en dépenses dans le concept des transferts présente un certain intérêt d'un point de vue théorique. Les chercheurs donnent leur appui à une formule globale de péréquation qui tiendrait compte à la fois de la péréquation des revenus et de celle des dépenses. Cette formule servirait principalement à répondre aux préoccupations en matière d'équité et d'efficience. Par équité, j'entends que, dans une fédération, nous voulons que les gouvernements traitent les citoyens d'une manière semblable à l'échelle du territoire. Les programmes de péréquation sont conçus pour améliorer la capacité des provinces de fournir des services publics comparables à un taux d'imposition semblable et ils peuvent prendre en considération ces deux aspects tant du niveau des services que de l'imposition.
Par efficience, j'entends que les décisions des gouvernements à l'égard de politiques particulières ne devraient pas inciter les résidents à changer de province. Nous voulons que les citoyens vivent, travaillent et étudient à l'endroit où ils sont le plus en mesure de mettre à profit leur temps et leurs efforts plutôt qu'ils déménagent en vue de profiter des programmes gouvernementaux, par exemple.
D'un point de vue pratique, la péréquation de dépenses pourrait tenir compte de ce qui se fait actuellement dans le programme de péréquation. Dans le cadre du programme de péréquation, nous utilisons un système de régime fiscal représentatif, le RFR, qui est considéré comme la norme d'excellence en la matière. Le système se fonde sur des données et classifie les sources de revenus. Il y a actuellement cinq sources de revenus différentes, mais ce nombre a changé au fil du temps.
Le système vise à normaliser les sources de revenus des provinces. Il tente d'établir une norme ou une assiette fiscale moyenne, en examinant à quoi ressembleraient les données de base si toutes les provinces prélevaient leurs impôts de la même manière. Le système essaie ensuite d'appliquer un taux moyen national d'imposition.
Ce qu'il y a d'important, c'est que le RFR ne tient proprement pas compte des choix stratégiques des provinces. Il examine plutôt les revenus que les provinces pourraient générer si elles adoptaient le même mode d'imposition plutôt que de s'adapter aux décisions stratégiques de chaque province.
En ce qui concerne les dépenses, on peut procéder de la même façon. Un système de régime de dépenses représentatif, le RDR, permettrait de classifier les catégories de dépenses. Par exemple, les provinces dépensent dans plus d'un domaine; le système de RDR tiendrait-il compte de toutes les catégories de dépenses ou se concentrerait-il sur les dépenses liées à des services communs ou à coût élevé? Par exemple, les programmes de santé, de services sociaux et d'éducation représentent environ 65 p. 100 de toutes les dépenses provinciales; suffirait-il d'examiner simplement ces trois catégories ou le système de dépenses devrait-il examiner où va chaque dollar?
La prochaine étape serait d'établir des mesures de la charge de travail pour tenir compte des besoins en dépenses et d'examiner le coût unitaire moyen national pour déterminer le fardeau financier moyen des provinces et des territoires. Une fois encore, il faut garder à l'esprit que le système de RDR n'est pas conçu pour tenir compte des choix stratégiques individuels, mais pour établir une norme représentative de ce que seraient les besoins des provinces en matière de prestation de services si elles adoptaient toutes le même type de système, indépendamment de leurs choix stratégiques réels.
Adopter le RDR représenterait un changement d'orientation considérable et même fondamental. Certains suggèrent qu'il serait perçu comme intrusif. Les provinces et les territoires établissent leurs propres normes et décident des services qu'ils désirent offrir. En ce qui a trait à la maternelle et à l'éducation préscolaire, par exemple, voulons-nous que le choix d'un système pour les quatre à cinq ans revienne aux provinces?
Il y a aussi des aspects à considérer en ce qui concerne l'établissement d'une norme nationale. En ce qui concerne les soins de santé, par exemple, comment les provinces réagiront-elles quand nous tenterons d'établir une norme de service à laquelle toutes les provinces devraient se conformer et lorsqu'elles seront évaluées en fonction de cette norme?
Il est aussi difficile de déterminer quelles sources de données utiliser, et le choix risque d'être controversé. On fait valoir que le choix des données utilisées fera en sorte qu'on choisira en fait les gagnants. En ce qui concerne l'éducation postsecondaire, par exemple, faut-il mesurer le nombre d'étudiants dans la province, ce qui favoriserait les provinces ayant davantage d'établissements d'enseignement postsecondaire sur leur territoire et qui ont tendance à attirer les étudiants, ou vaut-il mieux mesurer le nombre de jeunes âgés de 18 à 24 ans dans la province? Les provinces ayant moins d'établissements et dont les jeunes ont tendance à étudier à l'extérieur affirment qu'elles préféraient ce type de mesure afin de garantir qu'elles puissent accroître leur capacité d'élargir leur système d'éducation postsecondaire. Il n'existe pas de bonne réponse.
Choisir les données à utiliser a une valeur suggestive; cela nécessite la sélection de divers facteurs et des approches pour mesurer ces facteurs. Puis, il y a des préoccupations concernant les données de base, par exemple pour ce qui est de l'aide sociale et des services sociaux. À l'heure actuelle, il n'y a aucune bonne mesure à utiliser, par exemple pour la pauvreté. Statistique Canada a un seuil de faible revenu, mais il comporte certaines limitations relatives aux données.
La documentation semble indiquer qu'il existe des difficultés en ce qui concerne les valeurs appropriées et la façon d'évaluer la valeur à accorder à tout facteur spécifique. Si nous nous penchons sur les deux vastes ensembles de facteurs qui doivent être pris en compte, la quantité par rapport au coût, s'agit-il d'une allocation 50/50? Quel est le rapport entre le nombre de personnes âgées et le nombre de médecins à payer? Est-ce le coût de la prestation des services — par exemple, le salaire — qui est le facteur le plus important et le plus grand inducteur de coût? Devrait-on lui accorder plus de poids?
Au sein d'une fédération décentralisée, est-il pertinent que le gouvernement fédéral établisse des normes nationales et tente d'évaluer ces types de facteur? C'est un des principaux points auxquels il faut penser.
Comme il a été mentionné, il y a de nombreux facteurs qui influent sur la détermination d'un besoin. En ce qui a trait aux soins de santé, en particulier, si nous examinons les données démographiques, nous pouvons voir les niveaux de revenu, les groupes vulnérables tels que la population autochtone, le coût à l'unité de la prestation d'un service et la densité de la population. Certains pays estiment qu'il est moins coûteux d'assurer un service dans une région plus densément peuplée tandis que d'autres considèrent que cela revient plus cher.
Il y a des facteurs géographiques et des coûts de main-d'œuvre. Il y a aussi des choix politiques à prendre en considération, notamment le choix d'une province de répondre à une demande de services qui ne sont pas offerts dans d'autres provinces. Les garderies en sont un exemple. Il y a également la question de savoir dans quelle mesure les provinces gèrent bien la main-d'œuvre et les matériaux comparativement à leurs voisins.
Nous avons donné un aperçu d'un exemple très simplifié sur les soins de santé. À titre d'exemple, pour ce qui est de la charge de travail, si nous avions 10 patients au coût de 1 000 $ par patient, il faudrait 10 000 $. En fait, en déterminant la charge de travail plutôt qu'en mesurant 10 patients, nous pourrions évaluer le nombre de patients atteints d'une maladie cardiaque, le nombre de ceux qui souffrent d'un cancer, le nombre de bébés prématurés et le nombre d'accidents de voiture. Les facteurs de coût doivent également englober les salaires versés aux praticiens de la santé, ainsi que le coût des infrastructures et la construction de nouveaux hôpitaux. Le coût de la vie est considéré comme un facteur très important, tout comme la norme des soins à donner. Puis, nous passons de 10 patients fois 1 000 $ ou 10 000 $ pour déterminer s'il s'agit de la valeur appropriée, si avec 10 patients, le facteur de 10 000 $ devrait être augmenté en raison de la variation des coûts. Des difficultés semblables pourraient apparaître dans tout autre domaine ou secteur considérés.
En dernier lieu, le rapport du groupe d'experts O'Brien sur la péréquation a rejeté expressément d'inclure les besoins en dépenses dans le programme de péréquation. Il estimait que cela accroîtrait la complexité de la péréquation, ce qui serait également vrai dans le contexte d'un modèle de Transfert canadien en matière de santé. Il croit qu'il est difficile d'avoir une évaluation impartiale des besoins associés aux dépenses tout aussi applicable dans le cadre du Transfert canadien en matière de santé; que l'évaluation des besoins peut porter atteinte aux sphères de responsabilité des provinces; qu'il est difficile de déterminer exactement les éléments concrets qui devraient incontestablement faire l'objet d'un examen des besoins en matière de dépenses.
Récemment, on a beaucoup parlé des transferts. Ils sont prévisibles et à long terme. On constate un grand consensus même s'il n'y a pas unanimité en ce qui concerne les transferts fédéraux. Le budget de 2007 était relativement clair concernant l'engagement de maintenir un équilibre entre améliorer la péréquation et établir des transferts de fonds égaux par habitant. Même si l'évaluation des besoins liés aux dépenses est étayée dans certaines revues savantes, cela est considéré comme un exercice incroyablement complexe — pas simplement un changement technique, mais un vrai choix stratégique.
La présidente : Merci beaucoup pour cet exposé très complet. Les sénateurs voudront se pencher tout particulièrement sur le Transfert canadien en matière de programmes sociaux, car c'est dans ce cadre que les programmes pour les personnes âgées et les programmes de lutte contre le vieillissement seraient financés.
Je vais commencer par une question qui fait l'objet d'une controverse depuis au moins 50 ans, c'est-à-dire le concept des transferts par habitant. Je vais vous donner un contexte historique. J'ai présenté un mémoire à M. Diefenbaker en 1961 au sujet de l'iniquité des transferts par habitant en ce qui a trait aux universités. La Nouvelle-Écosse, où j'ai fait mes études, compte, par habitant, plus d'universités que toute autre province du pays. En conséquence, elle forme de nombreux étudiants de l'extérieur de la Nouvelle-Écosse. Par conséquent, cette province est grandement désavantagée par un transfert par habitant.
Ce n'est pas le sujet dont il est question aujourd'hui, mais c'est ce qui m'a conduite à m'intéresser au financement par habitant. Nous nous trouvons actuellement dans une situation qui, en ce qui concerne les Canadiens âgés, évolue à un rythme très inégal au pays. À titre d'exemple, de 1956 à 2006, la population âgée de Terre-Neuve, c'est-à-dire celle de plus de 65 ans, est passée de 6 à 13,9 p. 100 de la population générale, soit une augmentation de 7,9 p. 100. Parallèlement, la population âgée de l'Alberta a augmenté de 7,2 à 10,7 p. 100, une croissance de 3,5 p. 100. En conséquence, nous donnons maintenant beaucoup plus d'argent à l'Alberta pour sa population de plus de 65 ans que nous n'en donnons à Terre-Neuve.
Vous parlez de transfert de fonds égaux par habitant, puis vous utilisez les termes « traitement égal des Canadiens peu importe où ils habitent ». S'agit-il d'un traitement égal si l'argent donné à Terre-Neuve sert à beaucoup plus de personnes âgées que celui donné à l'Alberta?
Frank Vermaeten, directeur général, Bureau du sous-ministre adjoint, ministère des Finances Canada : C'est une question très intéressante et elle est traitée dans l'exposé de Mme Campbell. J'étudie cette question depuis longtemps aussi, quoique pas depuis 1961.
Évaluerons-nous un seul facteur pour déterminer l'allocation des transferts aux provinces? Si nous évaluons un facteur et faisons un rajustement pour ce seul facteur, aurons-nous un système de transfert plus équitable ou moins équitable? C'est comme une analyse d'équilibre partiel comparativement à une analyse d'équilibre général.
Vous pourriez décider, étant donné qu'il y a une proportion plus élevée de personnes âgées en Nouvelle-Écosse, de faire un rajustement à cette fin. Cependant, dans le calcul, compterez-vous le nombre d'étudiants comme vous le préconisez? Je soupçonne que Terre-Neuve aurait moins d'étudiants universitaires que l'Alberta. Vous rajusterez donc le transfert. Cela concerne l'aspect de la charge de travail. Puis, vous ferez un rajustement pour le nombre de personnes âgées, le nombre d'étudiants et également le nombre de jeunes enfants parce que les enfants vont à l'école primaire et secondaire. Par contre, comme il y a un grand nombre de personnes âgées à Terre-Neuve, il pourrait y avoir moins d'élèves qui fréquentent l'école primaire et secondaire. Par conséquent, ils obtiendront moins d'argent à cette fin tandis que l'Alberta en aura plus.
Dans une analyse d'équilibre partiel, nous pouvons le faire non seulement pour une chose, mais pour 100 choses, car dès que nous décidons d'effectuer un rajustement pour le nombre de personnes âgées et le nombre de jeunes qui vont à l'université, nous devons également le faire pour le nombre de chasse-neige et le nombre de routes. Encore une fois, c'est une question de charge de travail. Il faut donc se demander : quel est le montant approprié du financement? Combien de routes en asphalte et de routes en gravier devrait avoir Terre-Neuve par rapport à l'Alberta? Vous vous retrouvez sur une piste glissante et n'avez examiné que le facteur de la charge de travail.
Le deuxième aspect est le coût de prestation de ces services. Vous m'avez donné des statistiques sur le nombre de personnes âgées. Regardez ce qu'il en est du coût de la vie en Alberta et du coût de construction d'une école. Les prix de l'immobilier ont monté en flèche en Alberta. Au cours des dernières années, ils ont augmenté de 50 à 60 p. 100. Si vous voulez bâtir une nouvelle école ou une nouvelle résidence pour personnes âgées, il vous en coûtera beaucoup plus qu'à Terre-Neuve. Vous commencez à faire un rajustement du côté des coûts. Vous ferez la même chose pour les universités, les chasse-neige, et cetera. Vous devez ensuite décider combien vous paierez les travailleurs, les professeurs, les médecins ou les personnes qui travaillent dans des centres d'hébergement pour personnes âgées. Je ne sais pas si c'est vrai, mais j'ai entendu dire qu'en Alberta, on paie les gens 20 $ de l'heure pour travailler chez McDonald's.
Les coûts d'embauche du personnel ont augmenté et il faut faire des rajustements en conséquence. Si vous faites tout cela et que, par magie, on est d'accord avec vous sur tous ces points — ce serait un miracle si les provinces approuvaient la mise en œuvre ne serait-ce que de quelques mesures —, on ne sait pas quels seront les résultats. En bout de ligne, l'Alberta ou l'Ontario recevront-elles moins que Terre-Neuve ou la Nouvelle-Écosse? Il existe toutes sortes de rapports et d'études universitaires, et ils présentent des résultats variables parce que le coût de prestation des services a tendance à être plus élevé si on ne tient compte que du coût de la vie dans les provinces plus peuplées. Pour de nombreux universitaires, cela l'emporte sur le coût de la charge de travail et les chiffres plus élevés avec lesquels il faut peut-être composer par rapport à Terre-Neuve et à la Nouvelle-Écosse.
La présidente : Vous avez à maintes reprises comparé des pommes et des oranges. Par exemple, le gouvernement fédéral ne finance pas l'enseignement primaire ou secondaire, mais il finance l'enseignement postsecondaire et divers programmes qui ciblent les personnes âgées, tels que le programme Nouveaux Horizons pour les aînés. Je parle des programmes fédéraux, à l'exclusion de tous les autres. Je ne parle pas de péréquation ni des programmes gérés à l'échelon provincial. Je parle des fonds fédéraux versés aux provinces par habitant, ce qui ne correspond peut-être pas aux besoins d'une province en particulier.
M. Vermaeten : Vous avez raison au sujet de l'existence des transferts à des fins générales, des transferts à des fins déterminées et de la péréquation qui appuient tous les services provinciaux. Il est vrai que, pour la péréquation, vous pourriez dire que nous n'allons pas prendre en considération les besoins en dépenses, c'est-à-dire tous les éléments dont j'ai discuté : les chasse-neige, l'enseignement primaire et secondaire et ainsi de suite. Vous pouvez tenir compte des transferts généraux, et vous pouvez tenir compte du Transfert canadien en matière de programmes sociaux, qui existe pour payer un large éventail de dépenses, notamment des services sociaux de toutes sortes. Il serait probablement préférable de mettre cela de côté et de se concentrer sur le Transfert canadien en matière de santé. J'en arriverais ensuite à la même question. Il est vrai que l'on peut prendre une variable et compter le nombre de personnes âgées, mais je pense que mon point serait toujours valable. Avez-vous conçu un système de transfert plus juste pour offrir du soutien aux provinces en ne tenant compte que d'un facteur? Nous n'allons par exemple prendre en considération que le nombre d'aînés, mais nous n'allons pas tenir compte du coût de prestation des services. Même si vous pouviez imaginer d'une manière ou d'une autre une façon de mesurer les coûts et la charge de travail, avez-vous rendu ce système plus ou moins juste en mettant l'accent sur un facteur en particulier?
La présidente : Si on envisageait de construire une résidence pour personnes âgées à Calgary, même le prix des terrains y serait beaucoup plus élevé que par exemple à Terre-Neuve. Chose intéressante, les provinces où, notamment, les prix des terrains sont les plus élevés sont les provinces « riches » par opposition aux provinces « pauvres ». Ce sont les provinces « pauvres » qui connaissent la plus forte croissance de la population des personnes âgées, exception faite de la Colombie-Britannique. Le Canada atlantique a une forte population d'aînés parce que, tout simplement, les jeunes de ces provinces quittent leur région pour trouver du travail ailleurs au pays. Le nombre d'aînés dépasse nettement le nombre de jeunes dans les provinces de l'Atlantique.
Le sénateur Cordy : Je suis née en Nouvelle-Écosse, j'y ai grandi et j'y habite toujours; je vais donc poursuivre sur ce sujet. Je ne vais pas parler de l'enseignement postsecondaire puisque notre comité porte sur le vieillissement. Je vais plutôt discuter de l'importance qu'il convient d'accorder à chacun des facteurs.
Madame Campbell, vous avez mentionné le rapport O'Brien. Peut-être que 1 p. 100 de la population comprend le rapport O'Brien. J'essaie de le comprendre, mais il s'agit d'un document complexe quand on n'est pas économiste, et je suis certaine que deux économistes pourraient le lire et vous donner deux points de vue différents. Vous avez mentionné deux points. Le rapport O'Brien dit que la mesure des divers facteurs accroîtrait la complexité de la péréquation. M. Vermaeten a donné son explication de ce phénomène. Vous avez également déclaré que la mesure des besoins peut être intrusive, et je n'étais pas certaine de ce que vous entendiez par cela. De quelle façon la mesure des besoins pourrait-elle être intrusive? Je pense que c'est ce que vous avez dit. Je l'ai noté lorsque vous parliez. Le sénateur Carstairs a expliqué qu'il y a un taux plus élevé de personnes âgées dans les provinces de l'Atlantique. En ce qui concerne les besoins des personnes âgées en Nouvelle-Écosse ou dans les autres provinces de l'Atlantique, pouvez-vous expliquer comment le fait de mesurer les besoins et d'y répondre pourrait être considéré comme intrusif?
Mme Campbell : La réponse concerne la façon dont les provinces déterminent les services à offrir. Si nous essayons de mesurer les besoins en dépenses, il nous faudrait connaître le nombre de personnes qui ont besoin du service et savoir si l'indicateur que nous allons utiliser est le nombre de personnes âgées de 65 à 75 ans ou le nombre d'aînés de 75 ans et plus. Nous pourrions étudier les chiffres du recensement. La question de savoir si ces chiffres sont ceux qu'il faut est une interprétation subjective, mais il n'y a aucun problème en ce qui a trait à la mesure. Nous avons des chiffres officiels que nous pouvons utiliser.
Si nous voulons déterminer le coût de la prestation des services, nous allons devoir déterminer quels sont les services offerts par les provinces. S'agit-il d'un système de soins à domicile ou d'un programme de garde de jour? Y a-t-il des programmes pour le transport des aînés? Par exemple, veut-on offrir certains médicaments dont les personnes âgées ont besoin et qu'elles ont de la difficulté à se procurer? Quelle est la gamme de services pour personnes âgées que nous allons prendre en considération et quel niveau de service souhaitons-nous offrir? Sommes-nous en train de dire que nous voulons assurer des services de visite à domicile quatre jours par semaine? Si nous déterminons qu'il s'agit de la norme moyenne appropriée pour les services sociaux, nous pouvons établir les coûts associés à quatre visites par semaine, mais cela correspond-il bien à ce que les provinces disent vouloir? Les provinces veulent-elles quelqu'un prêt à venir chaque jour ou seulement une ou deux fois par semaine, et est-ce au gouvernement fédéral d'essayer de mesurer les coûts de la prestation de ces services? Est-ce là l'essentiel?
Les provinces déterminent les services qu'elles veulent offrir, l'ampleur de ces services et les populations cibles. Afin de trouver une façon d'en assurer la péréquation efficace, le gouvernement fédéral aurait besoin de mesurer et de comparer ces programmes. Est-ce là un rôle qui convient au fédéral? C'est là qu'intervient le caractère intrusif. Même en ce qui a trait à la mesure entre les provinces, nous voyons que les accords en matière de santé tentent de favoriser l'utilisation d'indicateurs communs afin de que l'on puisse comparer les services de soins de santé des diverses provinces. Pour ce qui est d'établir des indicateurs communs, les provinces font des progrès, mais il n'est pas facile de s'entendre sur les indicateurs, les éléments de mesure et la façon de les communiquer. La même procédure devrait être appliquée pour l'aide sociale, les programmes pour les aînés et tous les besoins en dépenses que nous examinons.
Le sénateur Cordy : Proposez-vous de n'avoir aucune norme ni politique nationale pour les aînés?
Mme Campbell : Non. Nous avons établi un lien entre les principaux transferts fédéraux et les conditions et critères généraux de la Loi canadienne sur la santé et l'obligation selon laquelle il ne doit pas y avoir d'exigence en matière de résidence pour l'aide sociale. Si nous passions à un régime différent, il s'agirait d'une vaste question de politique générale, et il ne faudrait pas la résoudre simplement en apportant un changement technique aux transferts. Elle devrait alors faire l'objet d'un débat national.
Le sénateur Cordy : Serait-il possible de réserver des fonds pour les aînés? Je faisais partie du comité qui a étudié le système de soins de santé du Canada, et nous avons malheureusement découvert que des fonds versés aux provinces pour les soins de santé n'ont pas nécessairement été utilisés à cette fin. Ils ont été employés pour les routes ou quelque chose d'autre. Je me souviens d'une situation où les fonds versés pour de l'équipement de santé ont été utilisés pour un hôpital d'une province afin d'acheter des tondeuses à gazon. Vous pourriez peut-être dire que sur le plan technique les tondeuses à gazon font partie des équipements médicaux, mais je ne crois pas qu'il s'agissait de l'utilisation prévue lorsque ces fonds ont été versés aux provinces.
Serait-il possible de réserver de l'argent pour les aînés ou d'établir certaines conditions lorsque le gouvernement fédéral verse de l'argent aux provinces? Qu'en pensez-vous, et que pensez-vous qu'O'Brien dirait de tout cela?
Mme Campbell : Je ne pense pas que le rapport O'Brien se soit beaucoup éloigné des principes de la péréquation, c'est-à-dire qu'il était important que les provinces « pauvres » reçoivent suffisamment de fonds par l'entremise de la péréquation pour être en mesure d'offrir un niveau de services de base, y compris des services pour les aînés.
En ce qui concerne le financement ciblé, il y a eu des problèmes par le passé. On peut citer comme exemple l'un des premiers fonds pour l'équipement médical. De plus, malheureusement, la communication relative aux transferts est parfois difficile.
Dans le cas des soins de santé, les provinces dépensent près de 100 millions de dollars. Le transfert fédéral s'élève à 21 milliards de dollars, et à cela s'ajoutent des mesures de soutien ciblées. Les provinces dépensent autant que ce que le gouvernement fédéral leur donne, et plus pour les soins de santé. Alors, les fonds vont où ils doivent aller.
Toutefois, en ce qui concerne l'augmentation des transferts ciblés aux provinces dans des secteurs spécifiques — nous avons vu des exemples récents relativement aux services de garde. Dans les provinces et les territoires, les ministres responsables des services de garde se sont réunis. Ils ont tenu des discussions et établi des ententes cadres. Il est intéressant de noter que les fonds engagés passent par le Transfert canadien en matière de programmes sociaux afin d'assurer le plus de souplesse possible pour les provinces et les territoires. C'est là le consensus qui s'est dégagé parmi les ministres responsables des services sociaux, de même que parmi les premiers ministres lors des discussions sur le financement des services de garde. Et les provinces rendent compte de leur utilisation de ces fonds à leurs citoyens. C'est le modèle que nous avons utilisé au sein de la fédération dans le cadre des nouvelles ententes fiscales relatives aux transferts.
Le sénateur Cordy : Quand vous parlez des transferts et que vous dites qu'elles en rendent compte à leurs citoyens, cette reddition de compte se ferait directement, est-ce bien cela? Par exemple, le gouvernement de la Nouvelle-Écosse rendrait compte aux citoyens de la Nouvelle-Écosse.
Mme Campbell : Oui. Bon nombre des accords sur les soins de santé et les ententes cadres sur les services de garde comportent des exigences spécifiques en matière de reddition de compte : indicateurs communs et dates limites à compter desquelles on aimerait voir les provinces commencer à utiliser ces indicateurs communs. La reddition de compte en matière de services de garde constitue un des meilleurs exemples des dernières années. Les rapports annuels sont publiés. Il y a des retards, peut-être dus à la vitesse de diffusion de l'information. L'information de tous les ministères provinciaux est transmise à l'assemblée législative de ces derniers; ça ressemble beaucoup au cheminement de nos rapports ministériels dans le système parlementaire.
M. Vermaeten : J'ajouterais à cela une chose importante. Mme Campbell a tout à fait raison. De temps à autre, des fonds ont été utilisés pour des transferts, mais la tendance générale est de travailler avec les provinces afin de déterminer une vision collective pour l'utilisation de ces fonds, mais l'attribution elle-même se fait encore selon un montant égal par habitant. Par exemple, des fonds sont fournis pour la mise en œuvre de dossiers de santé électroniques, pour la création de places en garderie et diverses autres choses. Cependant, quand vous utilisez les principaux transferts, l'approche adoptée est le versement d'un montant égal par habitant.
Cela n'empêche pas le gouvernement fédéral d'effectuer d'autres transferts à des fins spécifiques, qu'il s'agisse de transferts à des personnes ou à d'autres ordres de gouvernement. Les gouvernements peuvent utiliser différentes méthodes, mais la tendance générale, si on regarde la relation entre le gouvernement fédéral et les provinces, est le partage des coûts dans des cas où, de fait, c'était envahissant. La province soumet sa facture en disant qu'elle vient tout juste d'affecter des fonds à une habitation pour personnes âgées et que, par conséquent, le gouvernement fédéral devrait payer la moitié des dépenses parce qu'elles sont admissibles au partage de coûts, et un administrateur fédéral dit que celles-ci sont admissibles et pas celles-là. Ce processus a mené à des transferts en bloc, qui reflètent les habitudes de dépense antérieures et qui ont donné lieu au versement d'un montant égal par habitant, au sujet duquel, comme Mme Campbell l'a expliqué, les provinces rendent comptent à leurs citoyens. Par conséquent, plusieurs choses sont possibles, mais il y a une tendance générale, qui est, sans doute, positive du point de vue de la maturité de la fédération.
Le sénateur Cordy : J'aimerais revenir sur le point soulevé par le sénateur Carstairs un peu plus tôt, soit la pondération fondée sur le nombre d'habitants. Si on examine les provinces autres que la Colombie-Britannique, on retrouve les provinces moins bien nanties. Comment pouvons-nous nous attendre à ce que Terre-Neuve, la Nouvelle- Écosse, le Nouveau-Brunswick et l'Île-du-Prince-Édouard offrent un traitement égal à leurs aînés en vertu de la Loi canadienne sur la santé si on leur donne des fonds par habitant sans tenir compte des autres « facteurs de pondération » dont vous avez parlé?
Mme Campbell : C'est une vaste question d'orientation, mais les transferts sont conçus de manière à fournir aux provinces la souplesse nécessaire pour mettre en œuvre des programmes de soins de santé et des programmes sociaux qui reflètent les choix et les préférences de leurs citoyens en matière de politique. On ne s'attend pas à ce que les provinces élaborent un programme qui reflète une norme nationale qui n'a pas été convenue. À mesure que les provinces conçoivent et offrent leurs programmes, elles ont un appui du gouvernement fédéral et elles sont en mesure de générer leurs propres recettes; elles ont la péréquation pour assurer la disponibilité des fonds. Il existe des écarts entre les provinces sur les plans de la géographie et de la répartition, et ces facteurs ne sont pas pris en compte lors des transferts en matière de santé et de services sociaux, en ce sens que des discussions ont eu lieu à propos du nombre de facteurs à prendre en considération et de l'utilité d'essayer d'apporter toutes les modifications aux transferts. Par contre, dit-on que la meilleure manière de mesurer le besoin est de tenir compte du nombre de personnes qui vivent dans une province ou un territoire et des différentes influences — plus de jeunes, un besoin plus grand de garderie, un besoin accru pour l'appui aux aînés et aux études postsecondaires? — Ça revient plus ou moins à la même chose, c'est- à-dire que les provinces et les territoires n'ont pas à se préoccuper de la manière dont ils conçoivent et offrent un programme pour s'assurer que cela les aidera à obtenir davantage de fonds des transferts en matière de santé et de services sociaux, en raison de la pondération.
C'est un peu l'équilibre entre la discussion sur l'orientation, qui est vaste — les provinces et les territoires décident — et la simplicité. Il y a peut-être un compromis puisque différents facteurs ne sont pas pris en compte, mais on convient que, dans l'ensemble, la pondération fondée sur le nombre d'habitants, la population, est la meilleure mesure du besoin.
M. Vermaeten : J'ajouterai qu'il est important de noter que la péréquation existe; si la péréquation donne les résultats escomptés, elle assure à toutes les provinces la même capacité. C'est vrai qu'avant la péréquation, une province comme l'Île-du-Prince-Édouard est moins en mesure de fournir des services, qu'elle a moins de revenus que l'Ontario ou la Colombie-Britannique, par exemple. Mais après la péréquation, sa capacité fiscale de produire des revenus est pratiquement identique. Le seul problème est le coût — et encore là, on peut mesurer le facteur lié à la charge de travail, soit le nombre de personnes âgées, mais alors on doit aussi déterminer le coût de la prestation de ce service. Par exemple, l'Ontario et l'Île-du-Prince-Édouard ou la Nouvelle-Écosse et Terre-Neuve ont pratiquement la même capacité fiscale après la péréquation. Disons que le montant est environ 6 400 $ par habitant. On peut dire que la province X compte davantage de personnes âgées, mais que la prestation de ces services coûte davantage à la province Y.
[Français]
Le sénateur Chaput : Je veux continuer dans la même veine s'agissant de formule de financement par habitant. Pour moi, le Canada est une fédération et, comme fédération, certaines normes devraient être fédérales. Vous dites que le facteur de la personne âgée n'est qu'un facteur parmi tant d'autres. C'est vrai, mais jamais le Canada n'a fait face à un aussi haut pourcentage de personnes âgées que présentement, et cela va augmenter.
N'est-ce pas justement un facteur qui ressort parmi tous les autres et qui devrait être pris en considération de façon plus particulière?
Il y a davantage de personnes âgées qu'auparavant et, dans le cas des provinces où le pourcentage de personnes âgées est plus élevé, je pense que ce n'est pas seulement un facteur parmi tant d'autres, mais qu'il en entraîne d'autres également.
Nous savons très bien qu'il y a un haut niveau de pauvreté parmi certaines des personnes âgées. Nous savons aussi que bien de ces personnes âgées sont des femmes et qu'elles sont souvent plus pauvres et plus seules. Dans certaines de ces provinces, les personnes âgées demeurent dans des régions éloignées. L'isolement est un facteur de déprime et de maladie et les déplacements sont très dispendieux.
De plus, ces provinces ont moins de revenus parce que les personnes âgées plus pauvres que la moyenne paient moins d'impôts puisqu'elles n'ont pas d'argent et, de fait, consomment moins. Tous ces facteurs doivent être pris en considération par ces provinces qui ont un plus haut niveau de population âgée que celui d'autres provinces.
J'aimerais connaître votre opinion à cet égard; qu'en pensez-vous?
[Traduction]
M. Vermaeten : Ce sont tous des points pertinents et importants. Oui, le vieillissement de la population est un enjeu important auquel nous devons faire face, et auquel sont associés de nombreux coûts. Nous obtenons encore la même réponse. C'est un facteur important, et il existe plusieurs autres facteurs importants. On pourrait décider de ne pas se pencher sur les autres facteurs importants, comme le nombre d'étudiants, et d'examiner un seul facteur — les personnes âgées. Est-ce que ça rend le système juste?
La difficulté, c'est d'adapter le tout en fonction des coûts différents. Certains programmes gouvernementaux le font déjà automatiquement. Par exemple, le SRG et la SV sont automatiquement transférés aux personnes. Ils sont fondés sur le revenu et sont envoyés automatiquement aux personnes âgées. À mesure que le nombre de personnes âgées augmentera, la province obtiendra davantage de soutien. C'est prévu.
Encore une fois, il s'agit de déterminer si verser davantage de fonds à une province en fonction du nombre de personnes âgées qui y vivent rend le processus plus ou moins juste. Étant donné que le montant à verser aux provinces est fixe, on donnera davantage à certaines provinces parce qu'elles comptent plus de personnes âgées. Est-ce plus juste si on ne tient pas compte du coût de la prestation de ce service?
Il est vrai que les personnes âgées à faible revenu paieront moins d'impôts, mais le programme de la péréquation n'en tient pas compte : donc, si un plus grand nombre d'aînés paient moins d'impôts, la formule de péréquation pour la province sera plus avantageuse. Il y a déjà un mécanisme compensatoire qui s'applique automatiquement dans ce cas.
Le sénateur Chaput : Si le taux de pauvreté chez les aînés est plus élevé dans une province, est-ce que vous pensez que cela sera un facteur? Si, par exemple, 75 p. 100 des personnes âgées de la province sont considérées comme vivant sous le seuil de la pauvreté, alors que dans une autre province, cette proportion se chiffre à 20 p. 100, cela ne fait-il pas une différence?
M. Vermaeten : Oui, je dirais qu'il y a certainement une différence. Toutefois, du point de vue de la péréquation, dans la mesure où une province compte un nombre peu élevé de personnes âgées qui paient des impôts parce que 75 p. 100 d'entre elles sont pauvres, le montant du transfert versé à la province sera établi en conséquence. Le montant des revenus est donc le même que celui d'une province qui ne compte que 20 p. 100 de personnes âgées qui sont pauvres.
On peut avancer que les provinces doivent effectivement fournir ces services, et cela nous oblige à revenir sur la question du coût de ces services et de notre capacité d'évaluer ces coûts. C'est ainsi qu'on rend le système équitable, grâce à un mécanisme de compensation qui tient compte d'un coût précis. Mme Campbell en dira davantage sur le sujet.
Mme Campbell : J'ai deux points à aborder. Premièrement, en ce qui a trait au vieillissement de la population, on a constaté dans le cadre des accords sur la santé que le premier ministre du Canada et les premiers ministres provinciaux ainsi que les ministres de la santé sont manifestement préoccupés par les répercussions de ce vieillissement. Parmi les trois priorités des accords sur la santé, on compte les soins à domicile et la réforme des soins à domicile, c'est-à-dire la réforme des soins primaires, et en particulier les soins à domicile, car cela permet de bien s'occuper des gens dans un milieu qui coûte moins cher que le milieu hospitalier tout en considérant le vieillissement de la population d'un point de vue stratégique pour déterminer quels services peuvent être offerts.
Deuxièmement, je parlerai des investissements dans les transferts en matière de santé. Ils ont augmenté considérablement. Compte tenu de la façon dont on calcule les transferts fiscaux, les provinces moins bien nanties ont reçu beaucoup plus d'argent — le montant total des droits par habitant est le même, mais les droits en argent sont considérables — par comparaison avec les provinces plus riches, où les transferts fiscaux valent beaucoup plus.
Le sénateur Keon : Cette conversation est captivante. Lorsqu'il est question de péréquation, il est impossible pour quiconque ayant une conscience sociale de présenter des arguments pour s'y opposer.
Les paiements de transfert constituent un instrument si grossier qu'ils entraînent d'énormes pertes et qu'ils sont épouvantablement inefficaces. Le dossier de la santé en est un bel exemple.
Pour ce qui est des personnes âgées, nous avons un problème. C'est facile de dire entre autres que « nous avons modifié légèrement ici et là quelques éléments des paiements de transfert », mais en réalité, au bout du compte, rien n'est fait pour aider les aînés.
Le gouvernement fédéral, en invoquant la Charte, dit que tous ont droit à la santé, ce qui signifie, par le fait même, que tous ont le droit de se loger et de se nourrir. Bon nombre de personnes âgées ne mangent pas à leur faim et n'ont pas de logement décent, et on ne fait rien pour changer cela, parce que nous allons donner de l'argent aux provinces et qu'il s'agira de leur responsabilité. Les provinces peuvent en disposer comme elles veulent. Elles doivent continuer de jouir de leur souplesse.
Il est vrai qu'avec des programmes et des instruments spéciaux, le gouvernement fédéral peut faire sa part à l'occasion et instaurer un programme, mais il a peur de le faire, parce qu'il ne veut pas refiler la facture aux provinces lorsque son programme arrivera à échéance au bout de cinq ou dix ans.
C'est là le dilemme auquel est confronté un comité comme le nôtre : nous aimerions formuler quelques recommandations qui apporteraient des changements concrets dans la vie des personnes âgées. Il s'agit d'un moment unique dans l'histoire de notre pays. Cette occasion ne se représentera probablement pas de sitôt. Lorsque la période de pointe sera passée, on aura le temps de souffler et de s'ajuster et on ne sera pas aux prises avec ce problème.
Il faudrait insister davantage pour que le ministère des Finances du Canada exerce un leadership, tant sur le plan des engagements que des finances. Oubliez qu'il y a une date d'échéance aux programmes. On doit résoudre les problèmes actuels. Le pays a une multitude de ressources pour nous aider à résoudre les problèmes auxquels nous sommes confrontés maintenant. Il est impensable, dans un pays comme le nôtre, que des personnes âgées se couchent le soir le ventre vide, sans avoir de lit ni de logement décent. Tout cela ne coûte pas cher. Si on s'organisait à l'échelon communautaire, et si le gouvernement du Canada encourageait une telle mobilisation, beaucoup de ces problèmes seraient résolus.
Il y a quelques années, je me suis rendu sur les lieux d'un des projets auxquels travaillait l'ancien président Jimmy Carter pour le rencontrer, lui et sa femme. Il portait un tablier de menuisier et construisait des maisons pour les gens pauvres. Il n'était plus le président des États-Unis, et donc ne pouvait en construire assez pour tout le monde, mais il faisait sa part. Je pense que le problème de logement des aînés au Canada pourrait être résolu très rapidement. C'est qu'il règne une terrible et insupportable inertie dans les relations fédérales-provinciales ou les relations fédérales- provinciales-municipales lorsqu'il est question des collectivités. Il est presque impossible de se rendre jusqu'à la base avec un programme.
Vous avez parlé avec éloquence, madame Campbell. J'ai trouvé que vous aviez très bien défendu votre position. Monsieur Vermaeten, vous avez aussi fait du bon travail. Vous connaissez votre sujet et vous avez très bien répondu aux questions. Je ne sous-estime pas vos connaissances. Toutefois, je ne suis pas d'accord avec votre message. Je veux que vous me disiez ce que vous pensez. Arrêtons-nous au programme de logement pour les aînés. N'abordons pas les questions de propriété, de banques d'alimentation et autres, on en reparlera un autre jour. Parlons uniquement du logement et du fait de donner aux aînés un endroit décent où aller lorsqu'il fait moins trente degrés dehors. J'aimerais savoir ce que vous avez à dire sur ce point.
Mme Campbell : Vous avez commencé votre commentaire par une adroite observation, en signalant qu'il s'agit de mesures fiscales très larges, et que ces instruments ne permettent pas de cibler une personne en particulier ou un problème relativement précis qui se rapporte à la santé, à l'enseignement postsecondaire ou aux programmes sociaux, par exemple. Si on en a la volonté, un programme plus ciblé se traduira par des mesures à plus courtes échéances ou par des exemples plus concrets en ce qui concerne l'affectation des fonds, et donc, constituera un programme axé davantage sur des paramètres.
Le gouvernement fédéral a par exemple donné des fonds pour le logement abordable au cours des dernières années. Le fait que cet argent, qui provient de fonds en fiducie, est versé aux provinces et aux territoires prouve encore une fois que le logement abordable est une responsabilité provinciale, que le gouvernement fédéral voudrait que l'argent soit investi en immobilisations au lieu de servir, disons, à payer les coûts de fonctionnement, et que les provinces et les territoires utilisent ce financement de la façon qu'ils estiment la mieux indiquée pour leur eux.
Les provinces répondent, et elles montrent ce qu'elles font avec l'argent. Il y a des moyens d'effectuer des transferts ciblés aux provinces et aux territoires. Par contre, pour établir les priorités, il est important de tenir compte du fait qu'on est en train d'élaborer un ensemble de programmes et d'étudier des décisions qui seront prises ultérieurement, par exemple, les évaluations et les besoins réels qui serviraient à déterminer quels types de programmes seraient efficaces. Le gouvernement a bien réussi dans certains domaines, et moins bien dans d'autres.
Le fait d'essayer de déterminer ou de cibler des besoins précis avec des programmes de transfert oblige à se questionner sur ce qui peut réellement être accompli.
Le sénateur Keon : Vous n'êtes manifestement pas en mesure d'influencer les politiques, alors il est injuste de s'en prendre à vous. Toutefois, la réalité, la voici : je ne crois pas que le gouvernement fédéral fasse preuve de leadership. Indépendamment du parti au pouvoir, le gouvernement n'assume aucun leadership et ne montre aucune souplesse lorsqu'il faut régler des problèmes sociaux d'une importance capitale. Cette belle dérobade de la mosaïque fédérale- provinciale permet, si j'ose dire, à tout le monde de se tirer d'affaire, mais on ne s'attaque pas aux problèmes actuels.
Je pense que le ministère des Finances du Canada devrait bénéficier d'une plus grande marge de manœuvre. Ce ministère donne trop d'argent sans qu'il y ait reddition de comptes. Il devrait être en mesure de dépenser l'argent de façon responsable pour s'attaquer aux problèmes actuels qui nécessitent des solutions rapides au lieu de poursuivre cette stagnation perpétuelle.
Mme Campbell : Il s'agit des préoccupations qui ont été soulevées au cours des consultations sur le rétablissement de l'équilibre fiscal. Comme vous le savez, il y a l'envers de la médaille aussi, et on nous a présenté ce point de vue. On prend bonne note de vos arguments.
Le sénateur Keon : Je ne présente que mes arguments, car je n'ai pas beaucoup de temps pour les arguments rattachés à la position opposée.
La présidente : Avez-vous d'autres questions, mesdames et messieurs les sénateurs?
Si vous n'en n'avez pas, je vais remercier les témoins de leurs exposés. Nous comprenons que vous administrez les programmes. Vous êtes parfois invités à proposer de nouveaux programmes, mais dans la plupart des cas, les politiques sont décidées par les élus et parfois par des parlementaires nommés; ce n'est pas vous qui décidez. Merci de nous avoir permis de comprendre en profondeur les programmes sous leur forme actuelle.
M. Vermaeten : Je vous en prie.
La présidente : Merci.
Honorables sénateurs, je vais lever la séance.
La séance est levée.