Délibérations du Comité sénatorial spécial sur le Vieillissement
Fascicule 2 - Témoignages du 3 décembre 2007
OTTAWA, le lundi 3 décembre 2007
Le Comité sénatorial spécial sur le vieillissement se réunit aujourd'hui, à 12 h 31, pour examiner, en vue d'en faire rapport, les incidences du vieillissement sur la société canadienne.
Le sénateur Sharon Carstairs (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente : Bonjour, chers collègues. Comme vous le savez, nous étudions le phénomène du vieillissement au Canada. Je dois vous faire mes excuses; certains de nos collègues ne pourront pas assister à la séance d'aujourd'hui pour des raisons évidentes liées au mauvais temps. Je sais qu'une de nos collègues vient juste de descendre de l'avion et elle est en route. J'espère que d'autres pourront venir plus tard.
Nous accueillons plusieurs témoins cet après-midi. De l'Institut canadien d'information sur la santé, M. Jean-Marie Berthelot, vice-président des programmes, et M. Christopher Kuchciak, chef de section, BDDNS/OCDE. Nous accueillons également M. Marc Lee, économiste principal du Centre canadien de politiques alternatives.
M. Lee se joint à nous par vidéoconférence, ainsi que M. Robert Evans, professeur d'économique à l'Université de la Colombie-Britannique. Nous avons aussi M. Joe Ruggeri, professeur au département d'économique à l'Université du Nouveau-Brunswick. Nous vous souhaitons à tous la bienvenue.
Robert Evans, professeur d'économique, Université de la Colombie-Britannique, à titre personnel (par vidéoconférence) : C'est un honneur pour moi d'avoir été invité à m'adresser à vous parce qu'il s'agit d'un sujet qui m'intéresse depuis plusieurs années.
Le premier discours que j'ai prononcé sur les incidences du vieillissement sur le système des soins de santé remonte à 1982, à Winnipeg, dans le cadre d'une réunion de l'Association canadienne des hôpitaux du Canada, comme on l'appelait à l'époque. Le premier document sur le sujet a été publié, à ma connaissance, par le Conseil économique du Canada en 1978. À ma connaissance, le plus récent est celui que j'ai fait parvenir à votre personnel; cette recherche a été effectuée par un groupe de l'Office of the Actuary aux États-Unis, et ses résultats ont été publiés il y a quelques mois dans la revue Health Affairs.
Entre-temps, mon groupe, comme plusieurs autres, a fait pas mal de recherches sur le sujet. Elles ont toutes tendance à pointer dans la même direction.
Les métaphores sont des outils puissants et efficaces parce qu'elles évoquent des images; elles captent une idée et transmettent le message très rapidement. Toutefois, elles peuvent aussi être trompeuses. La métaphore la plus trompeuse utilisée dans ce domaine est l'expression « le tsunami gris » — l'idée que nous allons être submergés par une vague de gens à cheveux gris qui vont inonder les structures actuelles du système de santé canadien. C'est tout à fait trompeur, car cette image porte à croire qu'on assistera à un événement d'une ampleur colossale qui atteindra des proportions catastrophiques.
La métaphore qui convient, c'est de comparer ce phénomène à un glacier. Chacun de nous vieillit année après année; cela n'arrive pas du jour au lendemain. Il en va de même pour la population. Ce n'est pas un choc soudain. Tel un glacier, le vieillissement de la population transformera le paysage durant plusieurs décennies, mais cela ne se produira pas en l'espace de quelques mois ou quelques années. Les thèses avancées sur le tsunami gris laissent entendre justement que ce phénomène se déploiera en termes de mois ou d'années. Mais c'est faux.
Il est vrai qu'on peut expliquer la montée en flèche des coûts du système de santé par le vieillissement de la population, mais seulement dans une faible mesure, de l'ordre de 20 p. 100, tout au plus. Il est vrai qu'en moyenne, les gens plus âgés ont davantage recours aux soins de santé et génèrent plus de coûts. Il est aussi vrai que la proportion de Canadiens dans ces groupes d'âge a augmenté. Si l'on combine ces deux éléments, on obtient une hausse prévue des coûts des soins de santé par habitant.
C'est tout à fait vrai; mais lorsqu'on examine de plus près l'escalade des coûts des soins de santé, on s'aperçoit que 80 p. 100 de cette hausse est attribuable à d'autres facteurs et à d'autres forces. C'est précisément ces facteurs que nous voulons garder à l'œil. L'idée selon laquelle nous allons être, en quelque sorte, envahis par une population vieillissante est véhiculée par des gens qui soit ignorent les faits, soit ont d'autres projets en tête.
Cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas de problème de gestion des coûts et de compression des coûts dans le système de santé. Ce serait stupide et naïf de le croire. Nous savons que c'est faux. Toutefois, nous savons également que ces pressions sont relativement bien gérées au Canada et dans la plupart des pays développés, sauf aux États-Unis.
Nous sommes conscients du fait que la part de notre revenu qui est consacrée aux soins de santé augmente petit à petit. Selon les estimations de l'heure, cette part se chiffre à 10,6 p. 100 — une hausse par rapport au taux de 10,4 p. 100 de l'an dernier. Cela se fait lentement; mais encore faudrait-il prêter une attention particulière à l'utilisation exacte de cet argent.
Par exemple — et c'est un exemple parfait — l'année dernière, la Fondation des maladies du cœur du Canada et les Instituts de recherche en santé du Canada ont publié un document volumineux et important sur les modèles de soins cardiaques dans notre pays. L'étude a révélé d'énormes écarts dans les tendances d'admission dans les hôpitaux pour les principales catégories de soins cardiaques — à savoir, l'infarctus du myocarde, l'insuffisance cardiaque congestive, l'angine et la douleur thoracique généralisée.
Si nous considérons la ville de Vancouver comme point de repère égal à 100, nous constatons que les taux sont supérieurs de 50 p. 100 à Toronto, de 75 p. 100 à Halifax et de 200 à 300 p. 100 dans les régions à l'extérieur des zones métropolitaines — et nous en ignorons la raison. Ces types d'écarts dans la pratique clinique constituent l'une des principales pistes à examiner pour expliquer la montée en flèche des coûts des soins de santé.
Pour ma part, j'estime que le mythe des coûts galopants associés au vieillissement, que nous avons qualifié dans certains de nos travaux de « zombie « — c'est-à-dire un argument qui est mort intellectuellement, mais qui ne cesse de réapparaître — sert à détourner l'attention des vrais problèmes qui entrent en jeu dans le maintien d'un système de santé efficace, efficient et humain. C'est une distraction totale, tout comme les zombies — de vrais casse-pieds qui nous suivent partout.
La présidente : Merci beaucoup. J'ai particulièrement aimé vos métaphores. Monsieur Lee, pouvez-vous prendre la parole, étant donné que vous êtes également en vidéoconférence?
Marc Lee, économiste principal, Centre canadien de politiques alternatives (par vidéoconférence) : Merci aux sénateurs de m'avoir invité aujourd'hui à parler par téléconférence de la question de la population vieillissante et des incidences sur le système de santé public. J'ai rédigé un rapport sur cette question qui a été rendu public en septembre dernier par le Centre canadien de politiques alternatives. Je crois que vous en avez des exemplaires. Sinon, je pourrais m'organiser pour qu'on vous en envoie un.
Dans ce rapport, j'ai isolé les différents inducteurs de coûts dans le système de santé public. Par souci de clarté, je ne tiens compte que de l'étude sur les soins de santé publics et non pas les soins de santé en général, qui comprennent le secteur privé. En 1975, les données de l'Institut canadien d'information sur la santé, l'ICIS, ont été utilisées pour dresser un aperçu de la façon dont ces facteurs ont influé sur les coûts des soins de santé au fil du temps; on a ensuite fait des projections jusqu'en 2056, d'après les prévisions démographiques de Statistique Canada et le taux moyen d'inflation des soins de santé au cours de la dernière décennie.
Mes résultats renforcent les conclusions des études antérieures sur cette question, à savoir que le vieillissement de la population, en soi, n'est qu'un modeste facteur qui contribue à accroître les pressions sur les coûts dans le système de soins de santé. D'après les projections actuelles, peu d'éléments laissent entendre qu'une bombe à retardement démographique est sur le point d'exploser.
Les principaux inducteurs de coûts, en plus d'une population vieillissante, sont la croissance démographique et le taux d'inflation spécifique aux soins de santé. Lorsqu'on combine ces trois facteurs, on peut déterminer le montant minimal des hausses annuelles de dépenses publiques nécessaires pour maintenir le niveau de services actuel, tout en répondant aux besoins d'une population grandissante et vieillissante.
D'après ce calcul, les dépenses publiques au titre des soins de santé doivent augmenter de 4,4 p. 100 par année à court terme pour maintenir un niveau de services viable — dans les années 2030, ce taux ralentira à mesure que les pressions démographiques diminueront. Dans l'ensemble, le vieillissement de la population, à lui seul, ne nécessite qu'une hausse de 1 p. 100 par année dans les dépenses publiques. Comme M. Evans l'a dit avant moi, même si on assistera à de profonds changements démographiques pendant un quart de siècle, ils se produiront à un rythme relativement lent; la hausse annuelle des dépenses attribuable au vieillissement est, en réalité, un facteur moins important que la croissance démographique ou le taux d'inflation.
Ce qui importe vraiment pour assurer le maintien des services, c'est la part des dépenses publiques au titre des soins de santé par rapport à notre revenu total ou à notre PIB. Autrement dit, tant que la croissance nominale de notre PIB atteindra, en moyenne, 4,4 p. 100 ou plus par année, nous n'aurons pas de problème de viabilité. Si les taux de croissance économique futurs suivent la même tendance que celle de la décennie précédente où le taux de croissance moyen a été de 5,6 p. 100 ou des deux dernières décennies où il a été de 5,4 p. 100, alors les dépenses publiques au titre des soins de santé en proportion du PIB diminueront au fil du temps.
Dans mon document, j'ai calculé les dépenses publiques estimatives au titre des soins de santé par rapport au PIB selon quelques scénarios de croissance nominale du PIB — une croissance lente, une moyenne et une autre rapide. Même dans le pire des scénarios, si la croissance du PIB n'était que de 4 p. 100 par année, un taux bien inférieur aux tendances historiques, on pourrait maintenir les niveaux actuels de service avec seulement une légère croissance des dépenses publiques au titre des soins de santé par rapport au PIB au cours des trois prochaines décennies. Selon cette hypothèse, les dépenses publiques passeraient à 8,4 p. 100 du PIB d'ici 2038 — environ un point de pourcentage du PIB, ou un cent de plus par dollar de notre revenu total —, atteindraient leur sommet en 2038, après quoi elles reculeraient presque jusqu'au taux actuel d'environ 7,6 p. 100 vers 2056.
Je n'ai pas encore parlé d'un élément essentiel à la réflexion sur les dépenses en soins de santé : l'enrichissement ou l'expansion des services de soins de santé publics au fil du temps. Dans mon étude, j'essaie de faire une distinction entre les hausses de dépenses annuelles requises pour maintenir le même niveau de services, tout en s'ajustant aux changements démographiques, et les dépenses supplémentaires destinées à l'expansion des services de santé offerts dans le secteur public.
La question de l'enrichissement est importante du point de vue historique. Le Canadien moyen reçoit 1,5 fois plus de services de santé à l'heure actuelle qu'il y a trois décennies. Par conséquent, une raison importante qui explique pourquoi les dépenses en soins de santé sont plus élevées aujourd'hui qu'elles ne l'étaient il y a plusieurs décennies, c'est que nous offrons plus de services, par exemple plus de services de soins de longue durée, un régime d'assurance- médicaments plus vaste, de nouvelles techniques chirurgicales et de nouvelles technologies de diagnostic.
Le vrai défi dans le domaine du financement des soins de santé réside dans les progrès technologiques — le potentiel illimité d'étendre les frontières du possible. Par exemple, en Colombie-Britannique, à l'heure actuelle comparativement à 1990, un octogénaire est deux fois plus susceptible de subir une opération pour le remplacement du genou, une chirurgie de la cataracte ou un pontage coronarien.
Dans la même veine, les soins en fin de vie, qui nécessitent beaucoup de technologies, posent des dilemmes éthiques particulièrement épineux dans les cas où on ne voit pas d'amélioration dans la qualité de vie ou l'état de santé malgré l'ampleur des coûts. Selon quelques études importantes, ce n'est pas tant la hausse des coûts à mesure que l'on vieillit que les dépenses faites durant la dernière année d'une personne, peu importe son âge, qui constituent un facteur important dans la courbe des dépenses moyennes par habitant, d'après des groupes de population vieillissante.
Dans mon modèle, à condition que les taux de croissance économique suivent la même tendance que dans le passé, si nous maintenons le niveau actuel des dépenses publiques au titre des soins de santé par rapport au PIB, nous aurons quand même le moyen de nous adapter aux nouvelles percées technologiques ou d'étendre le système d'autres façons. Ce n'est pas illimité, et si nous voulons plus de technologies ou une plus grande expansion d'autres services, nous devrons leur consacrer une plus grande part de notre revenu. Cela signifie qu'il faut examiner plus rigoureusement les coûts et les avantages offerts par différents types de technologies grâce à des mesures comme les évaluations des technologies de la santé, comme le recommandait le rapport Romanow.
À la lumière de ces chiffres, l'enrichissement du système de soins de santé public a été, en moyenne, d'un peu moins de 2 p. 100 par année, si l'on remonte jusqu'en 1975. D'après le scénario de croissance moyenne, un taux d'enrichissement annuel de 1 p. 100 ferait passer les dépenses publiques au titre des soins de santé de 7,4 p. 100 en 2006 à un sommet de 8,5 p. 100 en 2038. Encore une fois, ce taux baisserait à 7,7 p. 100 en 2056, car les pressions liées au vieillissement de la population s'atténueraient vers le début des années 2030. Dans un tel scénario, les Canadiens moyens recevraient 63 p. 100 plus de services de soins de santé que ce qu'ils reçoivent aujourd'hui.
Pour conclure, je suis du même avis que M. Evans : c'est un mythe que de croire qu'une population vieillissante mettra en péril la viabilité du système de soins de santé public. La bonne nouvelle, c'est que les défis auxquels fait face le système ne sont pas des facteurs démographiques indépendants de notre volonté, mais plutôt des facteurs technologiques qui, malgré leur ampleur, se prêtent bien à un processus public sur lequel nous avons la mainmise. Comme tout autre secteur de dépenses, nous devons faire des choix et, à cette fin, nous devons lancer un débat démocratique sain sur la façon d'aller de l'avant.
Jean-Marie Berthelot, vice-président, Programmes, Institut canadien d'information sur la santé : Bonjour. Au nom de l'Institut canadien d'information sur la santé, l'ICIS, j'aimerais vous remercier sincèrement de m'avoir invité à témoigner aujourd'hui. Comme bon nombre d'entre vous le savent, les dirigeants des milieux de la santé du Canada ont fondé l'institut, un organisme autonome voué à répondre aux questions fondamentales sur la santé des Canadiens et le système de santé au moyen d'une approche systématique en matière de collecte, d'échange et d'analyse des données. Le rôle de l'ICIS ne consiste pas à faire des prévisions ou à formuler des recommandations, mais plutôt à fournir de l'information opportune, exacte et comparable sur la santé. J'ai fourni à la greffière du comité des exemplaires de deux rapports, en français et en anglais, qui sont pertinents à l'étude du comité. J'ai apporté quelques graphiques dont j'aimerais discuter aujourd'hui. Le premier rapport s'intitule Tendances des dépenses nationales de santé, 1975 à 2007. Le deuxième est le sommaire d'une étude spécifique intitulée Utilisation des soins de santé en fin de vie dans les provinces de l'Ouest du Canada. De certaines façons, il fait écho au commentaire de M. Lee sur ces dépenses connexes. De plus, j'aimerais vous parler de trois graphiques sur les dépenses par rapport au produit intérieur brut au Canada et à l'étranger.
[Français]
Nous avons aussi préparé un bref document présentant certains faits saillants de l'impact du vieillissement de la population sur le système de santé.
Pour l'heure, ce document n'est disponible qu'en anglais. Veuillez nous en excuser. La version française vous sera acheminée dans les prochains jours avec une version anglaise complète. Mes commentaires seront principalement en anglais. Toutefois, il me fera plaisir de répondre à vos questions en français ou en anglais, à votre guise.
[Traduction]
Je vais commencer par les dépenses de santé au Canada. L'ICIS suit de près les dépenses en matière de santé grâce à la base de données sur les dépenses nationales de santé, un outil bien connu dans le domaine et utilisé par de nombreux chercheurs au Canada. La base de données présente un aperçu des dépenses de santé, selon la catégorie de dépenses et la source de financement. Elle contient une série historique des dépenses de santé et des statistiques par province et territoire. Le dernier rapport, publié le 13 novembre dernier, comprend des données allant de 1975 à 2007.
En 2007, on s'attend à ce que le Canada dépense 160 milliards de dollars au titre des soins de santé, une hausse par rapport aux 150 milliards en 2006. Ce montant comprend les soins de santé financés tant par les secteurs public que privé au Canada, ce qui représente une hausse annuelle de 6,6 p. 100 par rapport à 2006, ou de 3,2 p. 100 après le rajustement en fonction de l'inflation et de la croissance démographique.
Pour la onzième année d'affilée, on s'attend à ce que les dépenses de santé devancent l'inflation et la croissance démographique. La tendance observée depuis 1997 semble être attribuable au réinvestissement des gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux après une période de restriction budgétaire durant la première moitié des années 1990.
Pour la onzième année consécutive, on s'attend à ce que la part des dépenses de santé attribuable au secteur public demeure relativement stable, à environ 70 p. 100. Les dépenses de santé des gouvernements provinciaux et territoriaux représentent plus de 90 p. 100 des dépenses de tous les paliers de gouvernement. Pour la première fois, les dépenses de santé de tous les paliers de gouvernement devraient dépasser les 100 milliards de dollars, ce qui correspond à 65 p. 100 du total des dépenses de santé au Canada.
Le comité nous a demandé de répondre à deux questions.
La première concerne les coûts liés aux soins de santé associés aux différents groupes d'âge. Notre rapport montre qu'en 2005 — la dernière année pour laquelle nous disposons de données par groupe d'âge — les dépenses de santé par habitant par les gouvernements provinciaux et territoriaux étaient les plus élevées chez les nourrissons de moins de un an, soit environ 7 400 $ par enfant. Chez les Canadiens de 65 ans et plus, les dépenses se chiffraient à 9 500 $ par personne. En revanche, les dépenses moyennes pour les autres Canadiens, âgés de 1 à 64 ans, étaient de 1 700 $ par personne.
Nous devons reconnaître qu'il existe également un écart considérable entre les différents groupes d'âge chez les aînés, pour qui les coûts augmentent à mesure qu'ils avancent en âge. Pour les personnes âgées de 65 à 74 ans, c'était environ 6 000 $; pour le groupe des 75 à 84 ans, environ 11 000 $; et pour les 85 ans et plus, environ 21 000 $.
La deuxième question qu'on nous a posée concerne les incidences du vieillissement de la population sur les coûts liés aux soins de santé. Les données de l'ICIS montrent que les personnes âgées de 65 ans et plus comptaient pour environ 44,2 p. 100 des dépenses de santé des gouvernements provinciaux et territoriaux en 2005, une proportion qui n'a pas énormément changé depuis 1998, où elle était de 43,6 p. 100. La part relative a donc augmenté de 1,4 p. 100 par rapport au total des dépenses attribuées aux personnes âgées entre 1998 et 2005.
Durant la même période, le pourcentage des personnes âgées de 65 ans et plus est passé de 12,3 p. 100 à 13,1 p. 100, une hausse de la part relative de 6,5 p. 100. Cela signifie que la proportion de personnes âgées a augmenté de 6,5 p. 100 depuis 1998, mais que leur part des dépenses de santé provinciales et territoriales n'a augmenté que de 1,4 p. 100.
Les récentes tendances montrent une amélioration de la capacité budgétaire des gouvernements provinciaux et territoriaux qui enregistrent des recettes supérieures aux dépenses depuis 2004. Cet excédent est passé à 8,4 milliards de dollars en 2006. En 1993, les frais de la dette publique provinciale et territoriale représentaient 13,8 p. 100 du total des dépenses et 15,8 p. 100 des recettes.
Cette situation a changé. La diminution des taux d'intérêt a permis la baisse des frais de la dette publique, pour atteindre 9,8 p. 100 des dépenses et 9,6 p. 100 des recettes en 2006.
En 2006, les gouvernements provinciaux et territoriaux ont consacré en moyenne 39,2 p. 100 du total de leurs dépenses de programmes — c'est-à-dire les dépenses totales moins les frais de la dette publique — aux soins de santé. Les taux ont été semblables en 2004 et en 2005, avec un niveau record de 39,6 p. 100 en 2004.
Le rapport de l'ICIS montre des hausses réelles dans les dépenses de santé. Chaque pays doit décider du montant qu'il veut dépenser au titre des soins de santé, et ces dépenses découlent de ses choix. La pression exercée par une population vieillissante n'est qu'un des nombreux facteurs à l'origine de l'accroissement des dépenses de santé. Pour illustrer la situation, on a comparé les dépenses de santé en pourcentage du produit intérieur brut et la proportion de personnes âgées dans des pays à revenu élevé qui sont membres de l'Organisation de coopération et de développement économiques, l'OCDE. On n'a trouvé aucun lien entre la proportion de personnes âgées et la part du PIB consacrée aux soins de santé.
Par exemple, au Japon, près de 20 p. 100 de la population est âgée de 65 ans et plus, tandis que le total des dépenses de santé est inférieur à 8 p. 100. Aux États-Unis, 12 p. 100 des habitants sont âgés de 65 ans et plus et le pays consacre plus de 15 p. 100 de son PIB à la santé.
Lorsqu'on examine les 19 pays pour lesquels on dispose de données en 2004, on ne constate aucune relation entre la proportion de personnes âgées dans la population et la part du PIB consacrée à la santé. Des choix sont faits pour déterminer combien une société donnée est prête à investir dans les soins de santé et d'autres domaines.
Par ailleurs, nous avons examiné la hausse du pourcentage des personnes âgées sur une période de 25 ans et la hausse des dépenses de santé afin de voir si le vieillissement jouait un rôle. Nous disposions des données sur 17 pays à revenu élevé. Encore une fois, aucune relation n'a été établie entre la hausse du pourcentage des personnes âgées et l'augmentation de la part du PIB consacrée à la santé. Il faut reconnaître que le Japon semble une véritable aberration dans ce domaine. Le Japon a connu une croissance de plus de 100 p. 100 de sa population de personnes âgées, mais sa part du PIB consacrée à la santé n'a augmenté que de 25 p. 100.
Nous avons également examiné les données relatives au Canada pour voir s'il y avait un lien. Au palier provincial, il n'y a aucune corrélation entre les dépenses de santé par habitant et la proportion de personnes âgées. Par exemple, au Québec, les personnes âgées représentent environ 14 p. 100 de la population, et la province a dépensé près de 2 600 $ par personne au titre des soins de santé en 2005. L'Alberta, dont la situation économique est actuellement florissante, compte moins de 11 p. 100 de personnes âgées parmi sa population, mais a dépensé un peu moins de 3 200 $ par habitant. Cela ne veut pas dire que le vieillissement n'aura aucune incidence sur les dépenses de santé. Ces chiffres servent uniquement à illustrer la complexité du système des soins de santé et à montrer que le vieillissement n'est qu'un des nombreux facteurs liés aux dépenses de santé.
L'ICIS a également examiné le rapport préliminaire du comité sénatorial, rendu public en mars 2007. Nous pouvons fournir des renseignements sur deux questions à examiner plus à fond.
Premièrement, en ce qui concerne les initiatives de prévention visant à réduire le nombre de chutes ces dernières années et l'examen du rôle que jouent les interactions médicamenteuses dans les chutes, nous avons observé entre 2000- 2001 et 2005-2006 une réduction de 13 p. 100 du taux d'hospitalisation, ajusté selon l'âge, pour une fracture de la hanche chez les personnes âgées. C'est donc dire que le risque d'une fracture de la hanche diminue chez les personnes âgées.
La deuxième question concerne les mesures prises pour répondre aux besoins prévus de professionnels des soins gériatriques et gérontologiques.
Entre 1995 et 2006, le nombre de spécialistes en gériatrie au Canada a presque doublé, passant de 111 à 204. Le nombre d'infirmiers et infirmières en gériatrie ou en soins de longue durée est demeuré relativement stable depuis 1995, à environ 26 p. 100. Le document d'information fournira de plus amples renseignements sur les ressources humaines en santé et leur impact sur le vieillissement.
Joe Ruggeri, professeur, Département d'économique, Université du Nouveau-Brunswick, à titre personnel : Je suis honoré d'avoir été invité à vous faire part des conclusions de mes recherches sur les répercussions financières du vieillissement de la population.
Le vieillissement de la population a des incidences importantes sur le rendement économique, la santé financière du pays et la notion d'équité dans les transferts fédéraux.
Du côté financier, le débat sur l'incidence du vieillissement démographique a été partial, car on s'est concentré sur le fardeau que les personnes âgées représentent supposément pour le système de soins de santé. On a souvent exagéré les dimensions de ce phénomène, tout en faisant fi des contributions que les aînés apportent à la société en général et aux coffres du gouvernement en particulier.
L'année dernière, j'ai terminé une étude détaillée sur les avantages financiers obtenus par les différents groupes d'âge en regard de leurs contributions. J'en suis venu à la conclusion générale qu'à l'échelle nationale, même avec des taux de croissance modérés, nous pourrons financer le système actuel de financement public des soins de santé au Canada; nous avons les moyens d'accroître la qualité des soins de santé si c'est ce que nous valorisons. De plus, nous pouvons réduire le fardeau qui pèse sur le système de soins de santé grâce à l'élaboration de politiques qui augmentent la qualité environnementale, améliorent les conditions en milieu de travail et réduisent la pauvreté.
Pour ce qui est du fédéralisme fiscal, sur lequel je vais surtout me pencher, il existe deux questions fondamentales : la pertinence de la contribution fédérale aux provinces et le degré d'équité interprovinciale dans les contributions fédérales. Je vais limiter mes observations à la seconde question.
Sur le plan de l'équité, il faut examiner deux questions. La première consiste à déterminer si les récents changements apportés au financement du Transfert canadien en matière de programmes sociaux, le TCPS — dont la portée sera élargie plus tard pour inclure le Transfert canadien en matière de santé, le TCS — répondent à des critères d'équité horizontale. La deuxième question consiste à déterminer s'il est justifié de demander un supplément spécial au TCPS, en fonction des différences interprovinciales dans la répartition par âge de la population.
En ce qui a trait à la première question, j'ai montré dans un récent document publié par le Caledon Institute of Social Policy que le principe d'équité a été bafoué dans le nouvel accord fiscal pour le TCPS, adopté dans le budget fédéral de 2007. Ce principe sera transgressé de nouveau lorsqu'on élargira la portée de ces accords pour inclure le TCS.
Passons maintenant à la deuxième question. Il importe de souligner que parmi les trois programmes nationaux au Canada — à savoir, les soins de santé, l'enseignement postsecondaire et les services sociaux — seul le premier touche toute la population. Qui plus est, les soins de santé constituent le seul programme national dont les coûts sont fortement influencés par le groupe des personnes âgées.
Les récentes estimations de l'Institut canadien d'information sur la santé montrent à quel point les dépenses gouvernementales par habitant au titre des soins de santé varient selon le groupe d'âge. Par exemple, en 2004, les coûts moyens des soins de santé engagés par le gouvernement du Nouveau-Brunswick pour une personne dans le groupe d'âge des 75 à 84 ans étaient supérieurs de presque sept fois au coût moyen pour une personne dans le groupe d'âge des 25 à 44 ans. Cela signifie que les coûts de santé par habitant dans chaque province sont influencés par la répartition par âge de la population de cette province. Nous devons donc examiner cette question province par province, et non pas seulement à l'échelle nationale.
Les estimations et les projections de Statistique Canada démontrent que la distribution de l'âge de la population, et en particulier la proportion de personnes âgées de plus de 65 ans, varie entre les provinces, et cet écart s'accentuera avec le temps.
En 2004, la proportion de la population âgée de 65 ans et plus au Nouveau-Brunswick était d'un peu moins de un point de pourcentage de plus que dans le reste du Canada dans son ensemble. Cet écart augmentera à 2,2 points de pourcentage en 2014 et à 5,1 points de pourcentage en 2030. En 2030, 28,2 p. 100 de la population du Nouveau- Brunswick aura plus de 65 ans, comparativement à 23,1 p. 100 de la population canadienne dans son ensemble.
C'est la combinaison de coûts différents de la santé par habitant, par groupe d'âge et la variation entre provinces dans la répartition de l'âge de la population qui remettent en question la validité des transferts égaux par habitant en matière de santé.
Les coûts supplémentaires des soins de santé au Nouveau-Brunswick, qu'entraîne la croissance plus rapide de la population qui vieillit, augmenteront avec le temps. Dans une dizaine d'années, ils seront d'importance et ce sera, à mon avis, la plus grande menace qui pèsera sur la viabilité à long terme du régime financier du Nouveau-Brunswick. Il en sera de même pour les provinces comme l'Île-du-Prince-Édouard et la Nouvelle-Écosse; cela aurait été aussi le cas de Terre-Neuve, mais peut-être la province aura-t-elle gagné suffisamment de poids financier d'ici là.
Les chiffres de mon document original ont été révisés à la lumière de renseignements récents obtenus de l'Institut canadien d'information sur la santé. Les résultats sont les mêmes. En 2004, la dépense réelle par habitant sur la santé du gouvernement du Nouveau-Brunswick, à l'exclusion de la dépense en capital, se chiffrait à 2 479 $. Si le Nouveau- Brunswick avait la même répartition de l'âge que le reste du pays, cela aurait été 2 380 $. Cela signifie que la plus grande proportion de population plus âgée au Nouveau-Brunswick a augmenté les frais de la province en matière de santé d'une moyenne de près de 100 $. Ce n'est pas beaucoup, et c'est pourquoi personne n'y fait très attention. Pourtant, la dépense différentielle par habitant augmente à 287 $ en 2014, et à plus de 1 000 $ en 2030.
Par conséquent, quand on multiplie ces valeurs par habitant par la population du Nouveau-Brunswick, on obtient le total de la différence des coûts que devra entièrement assumer le gouvernement de la province. En 2004, le coût supplémentaire, pour le gouvernement du Nouveau-Brunswick, que l'on peut attribuer à la plus grande proportion de population plus âgée, n'était que de 75 millions de dollars. En 2014 ce sera de 225 millions de dollars, et 782 millions de dollars en 2030.
J'ai calculé ces sommes pour chaque année de 2004 à 2030, en tenant compte d'un taux d'inflation de 2 p. 100, soit le même qui est généralement calculé dans les estimations des dépenses en santé. Sur toute la période de 2004 à 2030, le chiffre cumulatif de ce coût supplémentaire pour le gouvernement du Nouveau-Brunswick sera de 6 milliards de dollars, selon la valeur actuelle du dollar. Pour mettre les choses en perspective, ce montant est égal au budget total du gouvernement du Nouveau-Brunswick pour 2006-2007.
Pour terminer, l'inégalité des proportions de la population qui vieillit dans tout le Canada aura de sérieuses répercussions sur les budgets provinciaux, et aussi sur les disparités économiques et fiscales entre régions. Les iniquités qu'a créées la nouvelle formule proposée de répartition des paiements en espèces aux provinces ne feront qu'aggraver la situation.
J'ai trois recommandations à faire. Nous devons rétablir l'équité entre provinces dans la structure fondamentale du financement du Transfert canadien pour la santé, fondée sur le postulat des coûts égaux par habitant. Nous devons créer un supplément spécial et distinct pour les provinces dont la population accuse un vieillissement plus rapide. Enfin, nous devrions reconnaître que les dimensions du vieillissement de la population entre provinces vont bien au- delà du financement des soins de santé. Par conséquent, je suggère la création d'un groupe de travail mixte fédéral- provincial pour effectuer une étude approfondie des impacts économiques et fiscaux du vieillissement de la population et de ses effets sur le fédéralisme fiscal.
Le président : Merci beaucoup. J'aurais bien aimé que vous ayez pu assister la semaine dernière à une discussion que nous avons eue avec le ministère des Finances au sujet du financement par habitant. Ils semblent penser que tout va comme sur des roulettes.
Permettez-moi d'entamer notre période de questions cet après-midi avec le sénateur Keon.
Le sénateur Keon : Il y a tant de choses dont il faudrait parler, mais je commencerai avec M. Ruggeri. Comme l'a dit notre président, les gens du ministère des Finances nous ont dit la semaine dernière que les formules existent. Ils appliquent des formules dans les paiements de transfert et l'avoir financier pour compenser pour le genre de problèmes que vous venez de décrire. Si une province a des besoins plus grands à cause d'une population vieillissante, les paiements de transfert et les paiements de péréquation trouveront le moyen d'équilibrer tout cela.
Je n'en suis pas satisfait parce que j'ai l'impression qu'ils observent la situation de très haut, mais au niveau du sol, rien n'arrive. Est-ce que vous pourriez expliquer un peu vos recommandations? Vous suggérez un autre examen du sujet.
M. Ruggeri : Oui. Les programmes que nous avons partent du principe de paiements égaux par habitant. La péréquation n'est qu'un paiement égal par habitant, et n'est pas directement liée aux soins de santé. Si les coûts des soins de santé sont plus élevés au Nouveau-Brunswick, ce serait à cause du vieillissement de la population. La péréquation n'en tient pas compte, parce que pour eux, l'âge n'est pas pris en compte dans ce programme. Ce n'est pas vraiment ce que vise la péréquation, elle n'est pas prévue pour cela. Le Transfert canadien pour la santé a été créé d'une manière, avant ce budget, à en tenir en compte, ou du moins à régler la question des coûts égaux.
Les deux programmes partent de l'hypothèse de base du coût par habitant dans tout le pays. C'est pourquoi il faut un supplément distinct. La manière dont l'équité a été assurée dans ce programme, c'est en combinant les transferts en espèces et la valeur des points d'impôt, soit la valeur totale des ressources acquises par la province à compter de 1977, avec le financement du programme d'établissement et, plus tard en 1995, afin que chaque province reçoive un transfert égal par habitant du total des ressources, ce qui est une combinaison des deux.
Cependant, dans le budget de 2007, le système a été modifié de manière que le montant en espèces est égal, mais les points fiscaux ne le sont pas parce qu'il n'y a pas de péréquation au plus haut niveau, comme c'était le cas auparavant. Le système que nous avons maintenant, et quand il sera prolongé jusqu'en 2014-15 et intégré au Transfert canadien pour la santé, versera plus de ressources par habitant, globalement, aux provinces qui subissent le moins de pressions au plan de la santé. Ce sera donc l'Alberta et l'Ontario, dont la population en moyenne sera nettement plus jeune que dans les régions de l'Atlantique, et même au Québec.
Le sénateur Keon : Monsieur Lee, peut-être pourriez-vous commencer, mais j'aimerais que tous les témoins puissent répondre à ce qui suit. Il a déjà été question de la différence entre le Canada et le Japon, et c'est très curieux. Je me demande si elle n'a pas quelque chose à voir avec la philosophie de la fin de vie qui, comme vous nous l'avez dit, est coûteuse en soins de santé, que ce soit la première année de vie ou la fin de la vie. Pour une raison ou une autre, les Japonais ne voient pas d'augmentation des coûts pendant la dernière année de vie des personnes âgées.
Je n'ai jamais vu ni entendu parler de données portant précisément sur la situation en fin de vie, en ce qui concerne le vieillissement — laissons de côté la première année de vie et parlons du vieillissement. Voici là une fabuleuse occasion de faire des interventions utiles. Le sénateur Carstairs, avec son travail sur les soins palliatifs et autres, y a largement contribué. Nous arrivons à un point, au Canada, où les gens veulent mourir chez eux plutôt qu'à l'hôpital, dans le confort plutôt que branchés à toutes sortes d'appareils coûteux.
Monsieur Lee, savez-vous s'il existe une banque de données qui pourrait nous exposer précisément les événements fondamentaux de la fin de la vie en faisant la part entre l'effet de ceci sur l'augmentation des coûts des soins de santé et la population vieillissante?
M. Lee : Dans les références que j'ai données dans mon document se trouvent quelques études qui portent sur le sujet. Je vous en exposerai volontiers tous les détails sordides si vous le voulez.
Hogan et Pollak ont fait une étude en 2001. Ils ont réparti la population entre les personnes âgées de plus et de moins de 65 ans, et encore en deux groupes, soit ceux qui vivaient leurs dernières années et ceux qui allaient continuer. Ils ont constaté un effet pur du vieillissement. Le coût double, en gros, pour le groupe d'âge de plus de 65 ans comparativement à celui de moins de 65 ans quand ces gens n'en sont pas à leur dernière année de vie. Cependant, ils ont trouvé que tant pour les groupes d'âge de plus que de moins de 65 ans, il y a une augmentation phénoménale des coûts pendant la dernière année de vie. Pour le groupe des personnes de moins de 65 ans qui ne vivent pas leur dernière année, c'est environ 368 $ par habitant par année. Pour le groupe des personnes de plus de 65 ans qui ne vivent pas leur dernière année, ce chiffre passe à 670 $ environ. Pour tous les groupes, dans la dernière année de vie, les chiffres diffèrent entre les hommes et les femmes, mais c'est de l'ordre de 30 000 à 50 000 $ par habitant par année. Ce sont là des constatations très importantes qui intègrent des données empiriques à la question que vous posez.
Une autre étude a été faite par Kim McGrail et ses collègues, qui se sont aussi intéressés à la question dans le contexte de la dépense en soins de longue durée et de courte durée, en s'appuyant sur des microdonnées. Ils sont arrivés à des conclusions similaires, c'est-à-dire que la plus grande partie de ce qui arrive se passe pendant la dernière année de vie. La ventilation que nous observons, en terme de moyenne de dépenses par habitant selon les différents groupes d'âge, peut être expliquée, en grande partie — du moins la mesure dans laquelle les personnes âgées de plus de 85 ans se démarquent des groupes âgés de moins de 65 ans — par ce facteur de fin de vie et, simplement, les données démographiques de ce qui arrive dans ce groupe d'âge particulier.
Le sénateur Keon : Docteur Evans, avant de répondre, permettez-moi de préciser un peu ma question. Est-ce que vous connaissez des études qui comparent cette dernière année de vie chez les personnes âgées et les événements de fin de vie, pendant cette dernière année au Canada, avec le Japon?
M. Evans : Comparativement au Japon, non je ne le sais pas. Je suis un peu au courant de la dernière étude dont a parlé M. Lee, parce qu'elle a été effectuée dans notre centre. Kim McGrail est une collègue. Il y a plusieurs facteurs importants qu'il ne faut pas oublier quand on parle de ces chiffres. La grande composante du coût, pendant cette dernière année de vie, est constituée des soins de longue durée en institution. Une fois qu'on commence à parler de gens de plus de 85 ans, on parle d'une forte proportion de personnes qui vivent dans des établissements de soins de longue durée. Si quelqu'un passe un an ou deux dans un tel établissement, dans un lit, avant de mourir, ce qui est souvent le cas — certains reviennent dans la communauté, mais la plupart, non — cela crée une énorme surcharge des coûts pendant la dernière année.
Les coûts ne sont pas mentionnés dans l'image que donne la télévision des mesures héroïques qui sont prises pour garder des gens en vie 24 heures de plus. Les coûts de cette dernière année de vie, particulièrement pour les personnes très âgées, sont reliés à certaines formes de soins en institution.
Je peux parler d'après mon expérience personnelle de gens qui veulent mourir chez eux. Ces deux dernières années, j'ai perdu ma mère et ma belle-mère, qui ont pu mourir chez elles, exactement comme elles le souhaitaient, grâce à un soutien efficace et de grande qualité qu'elles ont reçu de la communauté à Ottawa et Victoria. Elles ont eu, dans la mesure où une mort peut être bonne, de bonnes morts. Le fait de passer deux ans — c'est long, mais cela arrive — dans un cadre institutionnel ne fait pas une bonne mort, mais cela génère d'énormes coûts.
Quant aux soins palliatifs, en ma qualité de membre de la commission royale en Colombie-Britannique, il y a quelque 20 ans, maintenant, nous avons eu l'occasion de parler à bien des gens qui dirigeaient des programmes de soins palliatifs sur le terrain, et nous avons constaté que le terme comportait une multitude de sens. Cela allait du concept classique des soins palliatifs, que les Zorzas ont lancé avec le décès de leur fille, où un cadre est créé qui reproduit autant que possible celui du domicile. C'est chez soi, si possible; si ça ne l'est pas, c'est dans un cadre semblable à chez soi, et les lourdes interventions de pointe sont supprimées.
Il y a eu un ou deux programmes exemplaires de ce genre, où quelqu'un pouvait se dire oui, je pourrais, moi aussi, mourir ici — mais peut-être pas aujourd'hui.
D'aucuns ont qualifié les soins palliatifs de simple ajout d'une espèce de service de soutien psychologique pour les patients des services de soins réguliers ou de soins intensifs. Autrement dit, le concept des soins palliatifs n'était pas passé et était un moyen d'ajouter d'autres services au processus de la mort.
Je m'inquiète des propos de M. Lee, quand il parle d'enrichissement des services avec le temps. Il ne fait pas de doute que nous faisons plus aux personnes âgées et pour les personnes âgées, qu'elles soient ou non en train de vivre cette dernière année. Ces courbes d'utilisation par âge sont en hausse sur tous les plans, à part celui du nombre de lits pour les patients hospitalisés. Il se passe bien d'autres choses.
Cependant, ce sur quoi j'aimerais insister, en ce qui concerne la comparaison entre Vancouver, Toronto et Halifax, relativement aux soins cardiologiques, c'est qu'on ne sait pas encore exactement si ce qui se passe est avantageux pour le patient. Les études plus détaillées effectuées aux États-Unis sur ces variations géographiques et cliniques démontrent que dans ce contexte — on ne sait pas si c'est aussi vrai au Canada — l'offre plus intensive de services est associée à un plus haut taux de mortalité, au lieu de plus bas, après ajustement à l'état du patient.
Le terme « enrichissement » employé en toute innocence, est porteur du sous-entendu que c'est, en fait, bon pour la population. La réponse à cela, c'est oui, bien souvent, c'est vrai; et bien souvent ça ne l'est pas. Nous devons nous efforcer de faire la part des choses. Le sénateur Keon se rappelle certainement de certaines données que j'ai présentées à Ottawa il y a près d'un mois, extraites du rapport des Instituts canadiens de recherche en santé et de la Fondation des maladies du cœur du Canada, qui illustraient cette réalité de façon très convaincante.
Le sénateur Keon : Monsieur Berthelot, y a-t-il quoi que ce soit, dans les données de l'ICIS, qui fasse la lumière sur le problème que j'ai soulevé? Est-ce que nous confondons le vieillissement avec la fin de vie, d'un point de vue médico- économique?
M. Berthelot : Nous venons de terminer une étude portant sur la fin de la vie dans quatre provinces de l'Ouest, mais nous nous sommes concentrés sur les personnes qui mouraient. Nous n'avions pas de groupe de contrôle, et je pense qu'il faudrait l'envisager.
C'est surtout une répétition de ce que d'autres témoins ont dit, c'est-à-dire qu'il y a nettement une augmentation des coûts en fin de vie. Cette augmentation semble plus importante pour les personnes en phase terminale que pour ceux qui meurent subitement. Nous avons étudié la proportion des gens qui mouraient à l'hôpital, et les coûts variaient énormément. Deux tiers des patients en phase terminale mouraient à l'hôpital; de ceux qui souffraient d'une insuffisance des organes, c'était 60 p. 100; pour les morts subites, c'était 30 p. 100. La nature des maladies dont les gens souffrent fait une différence.
Nous devons aussi reconnaître qu'avec le vieillissement viennent les troubles chroniques qui, en soit, engendrent des coûts. Je ne connais aucune étude qui ait porté sur l'incidence de la fin de vie précisément, et qui la supprime avec le vieillissement. Cependant, nous savons que le vieillissement est aussi lié à l'arthrite, qui engendre la nécessité du remplacement de la hanche et du genou; il est lié aux maladies cardiaques et au cancer. Évidemment, les gens ne meurent pas nécessairement quand ils reçoivent un diagnostic de maladie, alors il y a aussi le coût accru du diabète et d'autres troubles chroniques.
Nous pensons toujours au Japon parce que c'est un contre-exemple. Toutefois, si nous regardions la dépense actuelle, en 2004, et la proportion des aînés, l'Italie, le Japon et l'Allemagne sont très proches au plan de la proportion d'aînés. L'Italie est sous le Canada pour le PIB, et l'Allemagne est juste un peu plus haut. Même dans les pays de culture plus occidentale, nous observons un énorme écart dans la part du produit intérieur brut consacrée à la santé ou aux soins de santé. Ce n'est pas qu'un phénomène japonais; ils sont peut-être l'exemple le plus extrême, mais nous le constatons dans d'autres pays industrialisés.
Le président : Monsieur Ruggeri, vous avez parlé de quelque chose de très intéressant. Je dois dire que je suis porté à reconnaître qu'il y a un déficit par habitant; que si la population de certaines provinces vieillissait plus rapidement que d'autres et la même somme par habitant était attribuée aux programmes pour les aînées — sans tenir compte des programmes de soins de santé, qui manifestement en seraient une grande partie — les mêmes anomalies, en tous points, dont vous avez parlé, seraient créées.
Nous avons reçu ici des représentants du ministère des Finances, qui ont non seulement soulevé l'argument de la péréquation, mais ont dit aussi que s'il y a une population d'aînés, il y aura moins d'enfants dans les écoles primaires. On pourrait épargner sur le budget de l'éducation et verser la différence dans celui des aînés.
Je ne suis pas d'accord avec cet argument, mais j'ai été intéressé par votre suggestion de faire non seulement une, mais bien deux choses. Vous disiez que nous devrions résoudre le problème de la répartition par habitant, mais nous devrions aussi avoir un programme de supplément. Est-ce que vous pourriez, s'il vous plaît, expliquer ce que vous entendez par ces deux suggestions?
M. Ruggeri : La structure fondamentale des programmes avec lesquels nous devons composer, avec le fédéralisme fiscal — qui est, en fait, la péréquation et la combinaison du Transfert canadien en matière de programmes sociaux avec le Transfert canadien pour la santé qui, auparavant, était un montant forfaitaire jusqu'à il y a deux ou trois ans — devrait rester la même, pour que le but et les responsabilités soient clairs. Nous pouvons voir où va l'argent.
Ces programmes ont pris beaucoup de temps à être conçus. Ils sont tous du côté du revenu et ont été conçus en partant de l'hypothèse que les coûts par habitant que le gouvernement fédéral assume pour les provinces sont égaux dans tout le pays. Cette composante devrait rester parce que c'est l'hypothèse de base, et elle facilite la comparaison de l'équité des mesures qu'applique le gouvernement fédéral.
En péréquation, la subvention est calculée par habitant. La formule a changé d'une manière qui, maintenant, pénalise les plus petites provinces — particulièrement le Nouveau-Brunswick et l'Île-du-Prince-Édouard. C'est un changement qui a été fait dans la structure, mais le principe fondamental reste.
En ce qui concerne les soins de santé, si nous regardions cette composante c'est, en gros, le même principe. On part du principe que les coûts par habitant sont égaux, et ensuite on maintient l'équité sur ce plan. Auparavant, c'est ainsi qu'on faisait pour toutes les composantes, y compris l'éducation postsecondaire et les services sociaux.
Maintenant que c'est divisé, à la suite d'un changement apporté cette année au budget, nous perdons de vue le principe de l'équité. Je n'ai pas de copies de ce document avec moi. Il n'est qu'en anglais et a été publié il y a deux ou trois mois par l'institut où je fais les calculs. Il démontre comment, en 2006, chaque province recevait exactement le même montant par habitant combiné au montant des impôts, mais maintenant c'est changé. Bien sûr, cet écart ne fera que grandir avec le temps.
La première chose, c'est que nous devrions rétablir l'équité et l'intégrer dans le programme de base. En ce qui concerne cette autre hypothèse, selon laquelle il y aura plus d'aînés et moins d'étudiants, une étude a été effectuée en 2000 à l'Université d'Ottawa, qui a été publiée dans le Canadian Tax Journal. L'ICIS, à l'époque, a examiné cet aspect pour déterminer si l'un neutralisait l'autre. Ils ont constaté que l'incidence n'était pas très grande. C'est parce que le coût par habitant d'un élève de l'école primaire pourrait être un peu moins que celui d'un élève de l'école secondaire, mais pas dans la même mesure que le coût par habitant des soins de santé en fonction de l'âge. Il n'y a pas de fonds fédéraux pour cela, de toute façon. Pour le gouvernement fédéral, ce n'est qu'avec l'éducation postsecondaire, et il n'y a pas tellement de différence entre le coût par élève au Nouveau-Brunswick et en Alberta.
Par conséquent, c'est l'énorme écart de l'âge par coût et la bien plus grande disparité dans la répartition de l'âge de la population qui créent ce problème. Ce devrait être un programme distinct pour que nous puissions savoir qu'il est lié à un problème particulier qui a un début et une fin.
Ce problème de population ne durera pas éternellement. Nous avons déjà entendu qu'après 2030, il ne sera pas si grave. Il n'est pas nécessaire de restructurer un programme pour un problème temporaire, mais il faut plutôt composer avec ceci séparément pour savoir qu'est-ce que nous réglons.
Le président : Merci. C'était très instructif.
[Français]
Le sénateur Chaput : Monsieur Berthelot, vous nous avez donné quelques statistiques en fonction de l'âge. À titre d'exemple, vous avez indiqué qu'il coûte 6 000 $ par personne entre 65 ans et 74 ans, en frais reliés à la santé. Même si le nombre de Canadiens âgés entre 65 et 74 a augmenté, les coûts pour les services de santé pour cette catégorie d'âge n'ont pas augmenté. Est-ce bien ce que vous avez dit?
M. Berthelot : Ce n'est pas tout à fait ce que j'ai dit. Je parlais de l'ensemble des personnes âgées de 65 ans et plus. Ce que j'ai dit, c'est que l'augmentation de la population est de 6,5 p. 100 par rapport à la population canadienne, alors que l'augmentation des coûts associés aux personnes âgées de 65 ans et plus est de 1,4 p. 100 seulement. Par conséquent, on constate un vieillissement de la population et un plus grand nombre de personnes âgées de 65 ans et plus.
On s'aperçoit également que l'ensemble des coûts — pour le système public et non pour l'ensemble du système de soins de santé — pour les services offerts par les gouvernements provinciaux et territoriaux ont augmenté moins rapidement que la proportion de la population de 65 ans et plus.
Le sénateur Chaput : Êtes-vous allé aussi loin afin d'identifier les facteurs à savoir quelle en est la cause?
M. Berthelot : Nous n'avons pas identifié tous les facteurs. Comme le disait M. Evans, plusieurs facteurs expliquent l'augmentation des coûts de la santé : entre autres, la technologie, le fait qu'on offre plus de services et le taux d'inflation. Ces facteurs jouent un rôle.
En ce qui a trait aux facteurs spécifiques aux personnes âgées, les études de Statistique Canada ont révélé que les personnes âgées aujourd'hui sont plus en santé que les personnes âgées d'il y a 30 ans. Y a-t-il un lien direct? Je ne pourrais vous le dire.
Le sénateur Chaput : Est-ce que les facteurs qui font en sorte que la personne âgée est aujourd'hui plus en santé pourraient également faire en sorte que les coûts reliés au domaine de la santé n'augmenteront pas de façon aussi drastique après 2010?
M. Berthelot : Le système de soins de santé, depuis les 30 dernières années, est en constante évolution. Au milieu des années 1990, on a constaté une réduction des dépenses en santé au Canada. Le pourcentage de dépenses en santé par rapport au PIB s'est stabilisé et a même diminué.
Le système est en constante évolution. Est-ce uniquement la santé des gens qui déterminera l'ensemble des ressources qui y sont consacrées? Je crois que le cadre est beaucoup plus large. Au cours des dix dernières années, nous avons remarqué une réduction des taux d'hospitalisation. On fait de plus en plus de chirurgies d'un jour, il y a le virage ambulatoire, on offre plus de soins à domicile. Bref, le système se réforme en soi, ce qui affecte les dépenses en santé. Le pourcentage de l'ensemble des dépenses consacrées aux hôpitaux a réduit sensiblement au cours des dernières années. Le taux était de 75 p. 100 en 1975, on parle aujourd'hui de 28 p. 100.
Le système est en constante transformation et cela a un impact sur les dépenses en santé de tous les groupes d'âge.
[Traduction]
Le président : Monsieur Evans, vous venez de nous fournir le meilleur vocabulaire que nous ayons entendu jusqu'à maintenant. En ce qui concerne le fardeau que constituent les aînés pour notre société, est-ce que l'un de vous s'est penché sur les contributions des aînés à l'impôt qui pourraient neutraliser l'énorme fardeau que, paraît-il, ils font peser sur leur système? Vous avez tous expliqué le mythe du fardeau, alors passons aux aspects positifs.
M. Ruggeri : C'est exactement ce que j'ai fait dans ce livret que j'ai fait circuler au comité. Je m'inquiétais de ce mythe, parce que dans deux mois, je vais faire partie de ce groupe dit de « briseurs de budget ».
Le président : Certains d'entre nous en sommes déjà membres.
M. Ruggeri : Le concept me mettait mal à l'aise, alors j'ai décidé de présenter des arguments. J'ai divisé le total de la population canadienne en trois groupes distincts : l'un est appelé « à charge », bien que seuls les plus jeunes soient réellement à charge; l'un est composé des membres de la population active; et le troisième se compose des personnes âgées de plus de 65 ans — que l'on considère à tort comme étant à charge, parce qu'en ce qui me concerne, mes enfants dépendent plus de moi que moi d'eux.
J'ai pris les chiffres des dépenses des gouvernements fédéral et provinciaux et j'ai calculé le montant de l'impôt qui peut être assigné à chaque groupe. Les enfants à charge étaient assignés à leurs parents, et d'autres étaient assignés aux personnes âgées de plus de 64 ans. Je n'ai pas compté toutes les prestations versées à la société dans son ensemble, ni les avantages constitués par les héritages et les legs. En outre, je n'ai pas non plus compté le potentiel futur des personnes âgées de plus 65 ans qui continueront de travailler une fois que les provinces auront éliminé l'âge de la retraite obligatoire. Même sans tout cela, les aînés recevraient un bénéfice net, mais celui-ci n'augmenterait pas avec le temps.
L'un des facteurs qui n'est pas reconnu, c'est que de plus en plus de gens âgés de plus de 65 ans auront un patrimoine ou un revenu croissant parce qu'un plus grand nombre d'entre eux toucheront des prestations du RPC, des prestations de régimes privés, et un plus grand nombre d'entre eux auront d'énormes sommes imposables dans un REER. Avec les changements de l'âge de 69 à 71 ans, les aînés pourront se permettre de jouer pendant deux ans de plus, mais après 70 ans, ils commencent à tirer sur leur épargne et font partie du flux des revenus.
Par conséquent, même quand on s'en tient strictement à l'aspect fiscal, le fardeau des aînés par habitant n'augmentera pas. De fait, le fardeau des jeunes par habitant augmentera plus rapidement que le fardeau par habitant des personnes âgées de plus de 65 ans.
Le président : J'aime bien.
M. Evans : Est-ce que vous êtes sûr que vous voulez que je vous réponde? Je viens de passer le jalon des 65 ans à la fin du mois dernier, alors j'ai un peu d'avance sur vous, monsieur Ruggeri. Je vais démontrer pourquoi l'économie est reconnue comme la science lugubre. Bien que je ne remette pas vos calculs en question, je mets en doute ce qu'ils laissent conclure.
Je compte travailler encore un certain temps, et j'espère que cela comptera comme une contribution. Quand ce sera terminé, ce qui ne saurait trop tarder, je compterai sur mon régime de pension privé, mon RPC et toute cette source de ma richesse, qui constitueront mon revenu. Si je suis frappé par un camion le lendemain du jour où je cesserai de travailler, cette richesse ne s'évanouira pas. Ce ne sera plus moi qui en profiterai, mais elle existera encore. Les droits du régime de pension privé reviendront aux autres membres de notre groupe, le RPC sera un fardeau moins lourd pour Sa Majesté, et cetera. Autrement dit, je touche de la richesse, mais je ne produis pas de richesse en soi.
Par conséquent, le fait de calculer les avantages que je génère après que j'aie renoncé aux gains du marché est, à mon avis, une erreur conceptuelle. Le pays serait bien mieux loti si je mourais le lendemain du jour où j'arrête de travailler. Ce sont les faits bruts.
Je ne voudrais pas laisser entendre que le meilleur moyen d'améliorer la situation fiscale du Canada serait de créer un programme non volontaire d'euthanasie pour les personnes âgées de plus de 70 ans. Je voudrais néanmoins vous inciter vivement à ne pas vous concentrer sur la contribution que nous apportons au moyen des impôts sur des richesses accumulées préalablement parce que ces richesses et ces impôts resteraient, que nous vivions ou non. La contribution que nous faisons, c'est qui nous sommes.
J'aime à penser que ma famille, qui compte maintenant plusieurs petits-enfants, préfère que je vive plutôt que le contraire. La contribution que nous faisons n'est pas d'ordre fiscal. Si vous concentrez votre attention sur ces chiffres, ce peut être de bonne politique — je n'ai jamais eu de compétence en politique, et les personnes qui sont autour de cette table en savent beaucoup plus que moi sur le sujet. En termes de fondement conceptuel réel d'une analyse économique, toutefois, c'est erroné.
Le président : Nous avons lancé un débat. Je laisse la parole à M. Ruggeri.
M. Ruggeri : Je suis d'accord avec la moitié de vos propos, c'est-à-dire que je suis d'accord que les contributions que font les gens âgés de plus 65 ans sont plus d'ordre non financier. Si nous laissons cela de côté, vous et moi aurons la durée de vie moyenne, quelle qu'elle soit, et le gouvernement encaissera des bénéfices sur ce que nous avons accumulé. Par conséquent, nous allons payer notre part. C'est pourquoi je crois que, conceptuellement, rien n'est erroné.
Avec ce que nous avons accumulé en une vie de travail, nous allons payer notre part et c'est pourquoi nous ne devrions pas être considérés comme un fardeau. Tout ce que nous faisons en plus est une contribution nette à notre société.
M. Evans : Ce n'est pas que je ne suis pas d'accord avec cela. Nous savons tous deux comment fonctionnent les chiffres. Ce que je dis c'est que oui, tous ces avantages fiscaux et ces économies que nous avons accumulées — dont certaines n'étaient pas doublées d'avantages fiscaux, aussi — tout y est; nous allons vivre de ces sommes et c'est ce qui nous servira à payer notre part. Je ne remets pas cela en question. Ce sur quoi j'insiste, c'est que toute cette richesse accumulée serait encore là et profiterait à quelqu'un d'autre si nous n'étions pas là. Je suis sûr que vous êtes d'accord.
M. Ruggeri : Oui, mais en moyenne, quand nous faisons le calcul pour le pays dans l'ensemble, nous regardons le fardeau fiscal et nous nous demandons si nous pourrons nous permettre des soins de santé, et cetera.; nous devons nous fonder sur les hypothèses relativement à la moyenne des gens qui ont été faites avec ces projections relatives à la population.
M. Evans : Bien sûr.
M. Ruggeri : Si nous avons une telle moyenne de personnes d'un certain âge dans le futur, et nous regardons leurs revenus et leurs richesses, c'est ce qui arrivera en réalité. La durée de la vie de chacun de nous ne changera pas grand- chose à ces chiffres. Le point fondamental c'est que, dans l'ensemble, la population des Canadiens âgés de 65 ans et plus maintenant, ainsi que chaque groupe à partir de maintenant dans les 30 ou 40 prochaines années, va devoir payer sa part. Ils ne constituent pas ce fardeau dont on a parlé. Vous l'avez dit dès le début.
Ce que je veux dire, c'est que le pays a dépensé des milliards de dollars sur des gens comme nous, pour l'éducation, et cetera. Il a dépensé des milliards de dollars pour les soins de santé et pour nous garder en santé. Les personnes âgées de plus de 65 ans veulent pouvoir continuer de contribuer, mais dans un cadre différent, plutôt que d'être considérées comme un fardeau. Le fait qu'ils soient perçus comme tels soulève la question de savoir comment réduire ce fardeau au lieu de comment on peut optimiser leur contribution. C'est là où je veux en venir.
M. Evans : Il y a très peu de différence entre nous. Je voudrais seulement dire une chose, et c'est que les sommes que nous — vous, moi et tous ceux qui ont plus de 65 ans — espérons continuer de tirer de notre richesse accumulée ne sont pas comptées dans le produit intérieur brut.
Le sénateur Keon : J'ai une question des plus fascinantes. Quels seraient les avantages pour le Canada si MM. Evans et Ruggeri continuaient de faire exactement ce qu'ils font jusqu'à l'âge de 75 ans?
Le président : Il paraît que ni vous ni moi ne devrions prendre notre retraite; vous devriez continuer de travailler ces dix prochaines années.
M. Evans : L'Université de la Colombie-Britannique serait ravie que je travaille dix années de plus. Cependant, le problème que cela me pose, c'est qu'elle proposerait de cesser de me payer.
M. Ruggeri : C'est exactement la même situation au Nouveau-Brunswick.
Le président : Messieurs, je tiens à vous présenter mes sincères remerciements. Ceci a été très instructif. Nous avons eu un excellent dialogue, et obtenu de nouveaux renseignements. Nous avons aussi confirmé ce que nous pensions savoir et, c'est un fait, nous le savions. De nouvelles idées nous ont été exposées aujourd'hui, qui, je pense, sauront se retrouver dans le rapport final, à moins bien entendu, qu'il y ait une autre prorogation ou dissolution de la Chambre pour une campagne électorale. Merci beaucoup.
Honorables sénateurs, nous allons maintenant entendre notre deuxième témoin cet après-midi. Mme Gillis comparaît pour l'Agence de la santé publique du Canada. Bienvenue au Sénat. Commençons par vos observations préliminaires, et nous vous poserons des questions ensuite.
Margaret Gillis, directrice, Division du vieillissement et des aînés/Bureau du secteur bénévole, Agence de la santé publique du Canada : Bon après-midi. L'Agence de la santé publique du Canada est très heureuse d'exposer ses points de vue au Comité sénatorial spécial sur le vieillissement. Le travail de l'agence est axé sur la promotion de la santé, de la prévention et des maladies chroniques et les maladies infectieuses, la prévention des blessures et la préparation aux situations d'urgence. L'agence travaille dans quatre principaux domaines, en ce qui concerne les aînés : le vieillissement actif, la préparation aux situations d'urgence, la santé mentale et la prévention des chutes.
Vous avez demandé de l'information sur trois aspects précis, à savoir les aînés et les situations d'urgence, les projets des Villes amies des aînés et des Collectivités rurales et éloignées amies des aînés et, enfin, Le vieillissement en santé au Canada : Une nouvelle vision. J'aborderai tout d'abord la question des aînés et des situations d'urgence.
Depuis deux ans, l'agence collabore avec ses partenaires canadiens et internationaux en ce qui concerne la question des aînés et la préparation en cas d'urgence. Nos activités visent principalement à établir des partenariats et à mettre en place des outils, des lignes directrices et des stratégies, afin de veiller à ce que les renseignements touchant les aînés et la situation d'urgence soient largement diffusés et intégrés à la gestion des urgences.
Les catastrophes naturelles ou créées par l'homme, telles que le spectre d'une pandémie, les ouragans, les tremblements de terre et les conflits armés, nous ont fait prendre conscience du fait que les gouvernements et le secteur non gouvernemental doivent répondre aux besoins liés à la planification d'urgence des populations vulnérables, notamment les aînés — ou plus précisément les aînés vulnérables.
Bien entendu, les aînés ne forment pas un groupe homogène, ils ont des besoins, des défis, des capacités et des contributions variés. Les catastrophes antérieures nous révèlent que les personnes âgées sont plus vulnérables aux conséquences de ces sinistres. Il est donc crucial que les responsables de la planification en cas d'urgence, les dispensateurs de soins auprès des aînés et les aînés eux-mêmes comprennent les facteurs qui créent ces vulnérabilités aux catastrophes.
La vulnérabilité ne tient pas seulement qu'à l'âge — nous l'avons beaucoup entendu dire des témoins qui m'ont précédée. Elle découle plutôt de divers facteurs sanitaires, sociaux et économiques qui, au fil du vieillissement, peuvent entraîner des risques pour les aînés et nuire à leur capacité de se préparer, de réagir et de récupérer en cas de catastrophes.
Vous demandez donc d'où vient notre intérêt pour les aînés et les situations d'urgence. Il y a eu en fait deux facteurs déclencheurs, à savoir un document et une conférence.
En 2002, des représentants du monde entier se sont réunis à Madrid dans le cadre de la deuxième Assemblée mondiale sur le vieillissement. L'assemblée a principalement débouché sur l'adoption du plan d'action international de Madrid sur le vieillissement. Trois thèmes stratégiques étaient définis dans le plan d'action : soutenir le développement dans un monde vieillissant; promouvoir la santé et le bien-être des personnes âgées et assurer des environnements stimulants et positifs pour tous les âges.
Le plan d'action comporte des recommandations précises qui visent à reconnaître les aînés non seulement en tant que groupe vulnérable en cas d'urgence, mais également à titre de dispensateurs de soins de premier recours, dans de nombreux cas, et de participants à la réadaptation et à la reconstruction. Nombre d'activités sont en cours en ce qui concerne la préparation en cas d'urgence et les aînés font écho aux recommandations issues de l'assemblée de Madrid, notamment le partage des pratiques exemplaires et l'élaboration de lignes directrices.
L'autre facteur déclencheur a trait au Colloque présidentiel sur le tsunami de 2004 et les aînés, tenu dans le cadre du Congrès mondial de l'Association internationale de gérontologie, en juin 2005. Le colloque a révélé que les aînés constituent souvent un groupe de faible priorité lorsqu'il s'agit de répartir les services de secours, et que peu d'organismes internationaux élaborent des programmes expressément adaptés aux besoins des aînés.
En février 2006, compte tenu de ces deux événements, l'Agence de la santé publique a organisé une réunion à Toronto, à laquelle participaient des représentants d'un réseau étendu d'intervenants. La réunion visait à faciliter le partage de connaissances entre les représentants d'organisations internationales, des gouvernements provinciaux et territoriaux et des organismes non gouvernementaux.
Les participants ont exprimé la nécessité d'organiser un atelier plus général de manière à fournir une plateforme en vue d'accroître la sensibilisation, déficiente, à l'échelle internationale. La réunion a ainsi débouché sur l'atelier de Winnipeg en février 2006. Par une température de moins 40 degrés Celsius, nous avons réuni une centaine de braves intervenants dans le cadre d'un colloque.
Le Colloque international de Winnipeg aura une incidence positive sur les aînés sur deux plans importants. Premièrement, les conseils éclairés recueillis auprès des participants du monde entier faciliteront l'intégration des aînés à toutes les facettes des politiques et des pratiques actuelles en matière de planification d'urgence. Deuxièmement, le colloque a permis d'engager un dialogue important entre les spécialistes des domaines de la gérontologie, de la gestion des urgences et des soins de santé, et avec les aînés, afin de réaliser une vision commune des conséquences des catastrophes sur les personnes âgées partout dans le monde et des mesures nécessaires afin d'intégrer les besoins et les contributions des aînés aux politiques et aux pratiques liées à la préparation en cas d'urgence.
Notre objectif principal était de mobiliser les réseaux en vue d'influer sur la modification des politiques et des pratiques en matière de planification d'urgence. À cette fin, nous avions structuré les programmes de manière à ce que les participants réalisent tout d'abord une vision commune des éléments probants actuels et de l'état des activités touchant les aînés et la planification d'urgence au Canada et à l'échelle internationale.
En ce qui concerne les prochaines étapes, nous savons que la collaboration constituera un facteur clé de réussite auprès de tous les ordres de gouvernement, des organismes non gouvernementaux, des médias, du secteur privé, des milieux universitaires et des aînés. Ces derniers doivent participer à part entière aux démarches.
L'agence a donc établi deux comités directeurs, l'un national, l'autre international, qui coordonneront les prochaines étapes et maintiendront la cadence des démarches engagées. Sur la recommandation d'Alexandre Sidorenko, chef du Programme de l'ONU sur le vieillissement, le Canada examinera la question de la préparation en cas d'urgence et des aînés dans le cadre d'une réunion de la Commission des Nations Unies pour le développement social, en février 2008. Des préparatifs sont également en cours en vue du deuxième colloque international sur les mesures d'urgence et les aînés qui aura lieu à Halifax, du 18 au 21 mars 2008. Les travaux porteront sur l'élaboration d'une trousse d'outils et de pratiques exemplaires, sur la rédaction de messages clés et sur le renforcement des réseaux et des partenariats.
Par ailleurs, nous sommes heureux d'apprendre que le Comité permanent inter-organisation des Nations Unies a autorisé l'Organisation mondiale de la santé et l'organisme Help the Aged International à coprésider un processus d'une durée de 18 mois, en vue d'élaborer des lignes directrices à l'égard des personnes âgées en cas d'urgence. L'Organisation mondiale de la santé nous a informés que le leadership et le soutien du Canada à l'égard des questions touchant les aînés avaient joué un rôle dans la décision du comité de l'ONU de promouvoir cette question.
Je vais maintenant parler des Villes amies des aînés. En 2006, un partenariat a été établi entre l'OMS et l'Agence de la santé publique du Canada, relativement au projet axé sur le renforcement du vieillissement actif en santé. Le projet visait notamment à élaborer une trousse d'outils axée sur la convivialité à l'égard des aînés à l'intention des villes de plusieurs pays, trousse qui servirait de guide d'intervention en vue d'accroître la convivialité des collectivités à l'égard des aînés à l'échelle mondiale.
Le projet des Villes amies des aînés de l'OMS touchait 33 villes dans 22 pays. Le Canada a non seulement contribué au financement du projet, mais il a également participé activement à l'initiative. Quatre villes canadiennes, à savoir Saanich, en Colombie-Britannique, Portage-la-Prairie, au Manitoba, Sherbrooke au Québec et Halifax en Nouvelle- Écosse faisaient partie des 33 centres urbains dans lesquels des groupes d'étude avaient été mis sur pied.
Le Projet des villes-amies des aînés s'est révélé fructueux à l'échelle nationale et internationale. Le 1er octobre 2007, le Canada a organisé un événement international à la Maison du Canada, à Londres, afin de souligner la Journée internationale des personnes âgées. Lors de l'événement, le ministre de la Santé a reçu le prix international de l'organisme Help the Aged U.K., en reconnaissance du leadership du Canada en ce qui a trait aux questions de santé qui touchent les aînés.
La cérémonie a été rehaussée du lancement officiel du Guide des villes-amies des aînés de l'Organisation mondiale de la santé. Le lancement a permis au ministre de la Santé d'annoncer que le gouvernement fédéral contribuait financièrement à la deuxième étape du projet, qui vise à mettre en œuvre le Guide des villes-amies des aînés de l'OMS et à appuyer la viabilité des projets locaux et l'établissement d'un réseau de collectivités locales amies des aînés à l'étranger et au Canada.
Outre la participation de villes canadiennes au projet mondial des villes-amies des aînés de l'OMS, nous avons étendu la portée du projet afin d'examiner la réalité des aînés dans nos collectivités rurales et éloignées de moins de 5 000 habitants.
En septembre 2006, les ministres fédéraux-provinciaux-territoriaux (FPT) responsables des aînés ont approuvé l'Initiative des collectivités rurales et éloignées amies des aînés. L'initiative est coordonnée par le groupe de travail FPT sur le vieillissement en santé et le bien-être (coprésidé par le Manitoba et par l'Agence de la santé publique du Canada).
L'initiative a suscité un vif intérêt dans l'ensemble du Canada. Nous espérions initialement obtenir la participation de trois collectivités. En fin de compte, dix communautés de huit territoires et provinces participent au projet. Nous prévoyons publier un guide des collectivités rurales et éloignées amies des aînés au début de l'hiver, et nous espérons qu'il sera diffusé vers le début de l'hiver, car il vient tout juste d'être approuvé par les ministres FPT responsables des aînés.
Nous croyons que l'Initiative FPT des collectivités rurales et éloignées amies des aînés et le Projet des villes-amies des aînés de l'OMS permettront aux compétences intéressées de définir les obstacles, de même que des solutions possibles, les pratiques exemplaires et les interventions nécessaires afin de faire valoir le vieillissement en santé au sein de leurs collectivités.
Par ailleurs, l'agence examine des façons d'intervenir au Canada, par le biais du réseau FPT ou d'ententes bilatérales, afin de poursuivre l'élan engagé dans ce secteur. Nous constatons un intérêt croissant à l'égard de la collaboration de la part de nos partenaires nationaux, notamment les provinces et les territoires, les Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC) et les ONG; en plus de partenaires qui s'intéressent à nos travaux depuis le début.
Enfin, vous avez demandé des renseignements au sujet du rapport intitulé Le vieillissement en santé au Canada : une nouvelle vision, un investissement vital. Lors de leur neuvième réunion, en septembre 2006, les ministres FPT responsables des aînés ont approuvé ce rapport ainsi que le document d'information Des faits aux gestes. Le rapport adopte une vision du vieillissement en santé qui valorise et appuie la contribution des aînés, fait valoir la diversité, rejette l'âgisme, réduit les inégalités et permet aux Canadiens âgés de faire des choix sains qui améliorent leur qualité de vie.
Le rapport et sa vision reposent sur le Cadre de planification relative au vieillissement de la population canadienne, réalisé en 2002 par les ministres FPT responsables des aînés, en particulier sur les éléments fondamentaux liés à la santé, au bien-être et à la sécurité, et ils reconnaissent l'importance primordiale de milieux axés sur le soutien.
Les milieux axés sur le soutien constituent le mécanisme clé qui permet aux gouvernements de cibler leur démarche, d'établir un rythme et de constater les résultats du point de vue de la promotion du vieillissement en santé. L'agence, de concert avec les provinces et les territoires, les ONG, les chercheurs et le secteur privé, appuiera la création de collectivités amies des aînés et la promotion du vieillissement en santé au Canada.
Encore une fois, je vous remercie de m'avoir offert l'occasion de vous exposer mon point de vue et je vous offre tous mes vœux de succès dans le cadre de vos initiatives.
Le président : C'est nous qui vous remercions. J'ai été quelque peu amusé d'entendre que vous avez tenu votre conférence par un temps de moins 40 degrés à Winnipeg, parce que j'ai fait la même chose pour notre conférence sur les soins palliatifs. J'avoue que c'était un excellent moyen de faciliter la concentration parce que nul ne voulait sortir.
Mme Gillis : C'était drôle parce que tous les Canadiens sont demeurés à l'intérieur alors que tous les participants venus d'Inde et de Jamaïque sont sortis.
Le président : Ils voulaient voir comment c'était.
Mme Gillis : Justement.
Le président : Je vais entamer la période des questions cet après-midi en cédant la parole en premier au sénateur Cordy.
Le sénateur Cordy : Vous nous avez donné un aperçu du dossier d'un point de vue fédéral. J'aimerais voir comment cela filtre vers la base. Auparavant, j'étais membre du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense. Nous avons fait la tournée de toutes les provinces en vue de déterminer combien elles recevaient en réalité. Malheureusement, elles ne recevaient pas, semble-t-il, autant que le croyait Ottawa.
Comment faire en sorte que les plans élaborés au niveau fédéral de concert avec plusieurs intéressés se rendent jusqu'aux provinces et aux municipalités? Ce sont les travailleurs de première ligne, par exemple les policiers ou les militaires, qui en ont besoin.
Mme Gillis : Êtes-vous en train de m'interroger au sujet des plans d'intervention d'urgence ou des villes amies des aînés?
Le sénateur Cordy : Je parle de protection civile.
Mme Gillis : Dans le cadre des sous-groupes internationaux et nationaux, nous avons fait participer des intervenants de première ligne des provinces à la protection civile. Nous travaillons avec certains fonctionnaires provinciaux et avec la Croix-Rouge canadienne. Nous avons des partenaires qui participent en tant que principaux intéressés. Nous savions que nous pouvions parler entre nous, au sein de la communauté des personnes âgées, sans avoir des liens de collaboration. Toutefois, la participation de ces fonctionnaires provinciaux à l'élaboration des lignes directrices et du travail que nous sommes en train de faire faciliterait la diffusion vers la base. Sur la scène internationale, nous avons vu le mouvement au sein de l'Organisation mondiale de la santé et des Nations Unies en vue d'adopter nos renseignements sur les personnes âgées.
Sur la scène nationale, nous obtenons aussi des réactions favorables de nos partenaires, en ce qui concerne à la fois la protection civile et les personnes âgées.
Cela étant dit, il reste beaucoup de travail à faire.
Le sénateur Cordy : En ce qui concerne plus particulièrement les aînés, leurs besoins ne sont peut-être pas différents du reste de la population au sein d'une municipalité donnée. Identifie-t-on les aînés dans le cadre du plan, tant à l'échelle nationale que dans les municipalités, pour que les services des incendies ou d'urgence d'une municipalité sachent qu'un aîné, peut-être incapable de se déplacer, a besoin de secours?
Mme Gillis : C'est l'un des objectifs que nous tenons à réaliser. Je ne suis pas sûre que c'est le cas actuellement au sein de toutes les collectivités. Un des domaines identifiés dans nos travaux est l'importance de repérer les immeubles où se trouvent un grand nombre d'aînés. Dans la plupart des collectivités, les résidences-services sont déjà identifiées par les planificateurs des interventions d'urgence, mais il reste encore du travail à faire pour cerner toutes les populations vulnérables d'une collectivité.
Le sénateur Cordy : Je conviens avec vous que les établissements qui offrent des services ou les maisons pour personnes âgées d'une collectivité ont été repérés. Ce sont les aînés qui vivent seuls dans leur maison ou avec un autre membre de la famille qui sont les plus à risque.
Mme Gillis : C'est ce qui motive nos travaux, parce que nous avons observé en Louisiane que les aînés qui vivent au sein de la collectivité n'avaient pas été repérés. Une partie de nos travaux vise à élargir le processus.
Le sénateur Cordy : L'idée de communiquer le plan à la collectivité est importante. J'ai entendu quelqu'un parler des communications relativement à une catastrophe survenue en France. Le plus grand problème n'était pas les décès directement causés par l'explosion, mais le fait que tous ont emprunté la même route pour sortir de la ville. Les véhicules d'urgence étaient incapables d'atteindre les personnes en détresse.
Mme Gillis : Cet exemple ne vise pas que les aînés. C'est là la responsabilité des intervenants locaux.
Une source de motivation pour nos travaux a été l'après-11 septembre à New York. Les planificateurs de la ville avaient une entente avec la société de protection des animaux selon laquelle, en cas de catastrophe, on pourrait aller d'urgence dans d'autres territoires. Toutefois, les planificateurs urbains n'avaient pas de pareilles ententes avec bon nombre des dispensateurs de soins. Quand le site a été identifié comme étant la scène d'un crime, ils ont coupé tous les moyens de transport vers le sud de l'île Manhattan. Certaines personnes ont été obligées de quitter le lit pour jusqu'à sept jours sans aide, ignorant souvent ce qui s'était produit — le ciel s'était noirci, et il n'y avait plus de service téléphonique.
Plusieurs recommandations ont suivi, recommandations que nous avons adaptées à nos travaux sur les aînés. Nous tenons à faire en sorte que les groupes d'intervention d'urgence parlent avec les groupes communautaires qui offrent l'aide aux populations vulnérables en cas d'urgence.
Le sénateur Cordy : Ce serait vrai également pour les communications. À Halifax, après l'ouragan Juan, une grande partie de la population a été privée d'électricité pendant plusieurs semaines. La météo était superbe, de sorte que cela a eu moins d'impact.
Avez-vous en place des plans visant particulièrement les aînés étant donné qu'ils sont moins susceptibles d'avoir, comme un ado, un cellulaire et d'autres moyens de communication.
Mme Gillis : Pas particulièrement, bien que j'aimerais, avec votre permission, vous expliquer où nous en sommes actuellement, de sorte que vous comprendrez pourquoi je ne réponds pas directement.
Les importants documents d'orientation sont rédigés. Un document d'orientation à l'intention des gouvernements et des ONG traite du genre de question dont vous parlez. À Halifax, l'étape suivante est de distribuer au sein des collectivités des trousses d'information spécifiques. Dans ces trousses, on trouvera de l'information au sujet des questions que vous abordez actuellement, c'est-à-dire à la façon dont on repère les aînés et qu'on leur transmet l'information dont ils ont besoin.
Le meilleur exemple dans le monde occidental des interventions auprès des aînés et en cas de situation d'urgence est probablement l'État de la Floride. Des ouragans y frappent régulièrement. Si vous vous rappelez l'été pendant lequel l'ouragan Katrina a frappé, il y en a eu quatre ou cinq autres qui ont touché la Floride et, pourtant, il n'y a pas eu de pertes de vie comme ce qui s'est produit avec Katrina dans les États du golfe.
L'État a élaboré plusieurs plans fondés sur des pratiques exemplaires qu'il présente à nos conférences. Nous nous tournons vers la Floride pour savoir quoi faire au sujet des aînés qui vivent dans les tours d'habitation, par exemple. Quand il n'y a pas d'électricité, l'ascenseur ne fonctionne pas et il faut utiliser l'escalier. Souvent, ces personnes sont incapables d'utiliser l'escalier, de sorte que nous devons faire en sorte que ces aînés ont de l'eau et de quoi se nourrir. Les Floridiens ont beaucoup fait dans ce domaine et ils en ont partagé le fruit avec le Canada et le monde entier.
Le sénateur Cordy : Quand un plan est élaboré relativement aux aînés — ou même des plans globaux de protection civile —, l'évaluation en fait-elle partie?
Mme Gillis : Oui. Nous n'avons pas encore atteint le stade de l'évaluation dans le document d'orientation auquel nous travaillons actuellement. Quant aux pratiques exemplaires, le deuxième atelier qui aura lieu à Halifax en traitera, et beaucoup d'entre elles comportent des programmes d'évaluation intégrés, par exemple, après le 11 septembre ou l'ouragan Katrina. Nous nous servirons de ces programmes.
Nous avons du travail à faire pour faire progresser le dossier à mesure que nous mettons tout en œuvre directement au sein de la collectivité.
Le sénateur Keon : En ce qui concerne le programme des villes-amies des aînés, les trousses d'information et les contacts établis avec d'autres pays par l'intermédiaire de l'Organisation mondiale de la santé, y a-t-il jumelage de certaines villes que vous avez mentionnées au Canada et à l'étranger?
Mme Gillis : Il va falloir que nous vous engagions comme spécialiste de la politique parce que c'est l'une des questions dont nous sommes en train de discuter. Cette discussion fait suite à une discussion que nous avons eue avec une de nos ONG partenaires comme étant l'éventuelle étape suivante.
Nous avons rendu public le guide sur les villes-amies des aînés le 1er octobre. Il comporte une liste de contrôle du genre de mesures que doivent mettre en place les villes pour être conviviales à l'égard des aînés. Nous en sommes à cette étape. Avec un peu de chance, nous passerons à la phase de la mise en œuvre au cours de l'année prochaine ou de l'année suivante. Il est intéressant de voir que vous faites la même suggestion que l'ONG.
Le sénateur Keon : Il serait suprêmement intéressant d'examiner certaines des innovations en matière de logement qui ont vu le jour en Europe et en Grande-Bretagne. Nous pourrions en apprendre beaucoup d'un pareil exercice.
Mme Gillis : Effectivement. Il y a beaucoup d'enjeux du même genre quand il est question de s'adapter aux aînés, et nous avons beaucoup à apprendre tant des pays développés que de ceux qui sont en développement pour chacune des huit listes de contrôle.
Le sénateur Keon : Avez-vous presque achevé la rédaction de tous vos documents d'orientation en matière de protection civile?
Mme Gillis : Ils sont presque terminés et seront rendus publics à la réunion du Comité social, aux Nations Unies, qui doit se tenir du 11 au 14 février 2008.
Le sénateur Keon : Je suis probablement un peu injuste parce que j'ai fait partie du comité chargé de l'après-crise du SRAS et je connais fort bien Dr David Butler-Jones. Toutefois, j'ignore où vous vous situez au juste dans la chaîne hiérarchique en matière de protection civile. C'était là un énorme problème lorsque la crise du SRAS a frappé. En réalité, c'était le chef de l'Armée canadienne qui prenait vraiment les décisions. Bien qu'il ait délégué son pouvoir à divers ministres de la Santé, c'était lui qui, sur le plan juridique, était en charge. Savez-vous s'il y a eu des changements dans ce domaine depuis lors?
Mme Gillis : Je ne m'y connais pas autant pour ce qui est de la première ligne d'intervention, parce que je travaille du côté de la promotion de la santé. Ce n'est pas à moi qu'il faut poser la question, car mon travail consiste à faire progresser les dossiers qui intéressent les aînés. Je suis sûre que nous pourrions transmettre la question à l'Agence de la santé publique du Canada et que nous pourrions demander à un intervenant de première ligne du niveau national de vous répondre.
Le sénateur Keon : Je ne veux pas que vous transmettiez cette question parce que je les harcèle déjà suffisamment comme cela.
Toutefois, il serait utile d'en savoir davantage au sujet du concept de jumelage et de savoir que vous êtes sur le point d'organiser une discussion sur les pays avec lesquels le Canada devrait faire du jumelage en Europe et ailleurs.
Mme Gillis : Ce serait un point intéressant à soumettre à l'Organisation mondiale de la santé parce que plusieurs villes et pays développés et en développement participent au projet, de sorte que les questions débordent du contexte canadien. Si nous le voulions, nous pourrions envisager de le faire au Canada. Je vais transmettre votre observation à mes supérieurs parce que c'est la deuxième fois que nous entendons une pareille suggestion.
Quand nous avons examiné l'idée de faire participer certaines villes, Udaipur, en Inde, était intéressée et est devenue l'une de celles qui a participé aux travaux sur les villes-amies des aînés. La première question posée par un des fonctionnaires municipaux était de savoir avec qui il pouvait se jumeler.
Le sénateur Chaput : Bien que j'en aie peut-être sauté des bouts, je n'ai rien entendu au sujet d'administrations municipales qui auraient des partenariats avec vous.
Mme Gillis : Elles en ont, en fait.
Le sénateur Chaput : À quel niveau s'engagent-elles?
Mme Gillis : Toutes les administrations municipales qui participent à l'étude internationale de l'Organisation mondiale de la santé étaient nos partenaires. Certains maires de villes canadiennes et étrangères ont pris part au lancement à la Maison du Canada, à Londres, le 1er octobre. Nous avons travaillé de concert avec des administrations municipales, et les résultats de ces travaux sur les villes amies des aînés étaient des plus intéressants. Jusqu'ici, la Colombie-Britannique et le Manitoba ont adopté le concept des collectivités désormais amies des aînés, comme on les appelle. Nous aurons des guides des villes et des collectivités rurales et éloignées qui serviront à dresser les plans de vieillissement en santé. La Nouvelle-Écosse envisage de faire plus de travaux en les utilisant comme pivots, et le Québec commence à examiner la façon dont il souhaite poursuivre ses travaux. On a manifesté pas mal d'intérêt. De plus, nous avons entendu d'autres provinces se dire intéressées à aller de l'avant, et des municipalités que nous rejoignons par l'intermédiaire des provinces manifestent aussi de l'intérêt. Certains organismes municipaux ont travaillé en partenariat avec nous au début des travaux.
Le sénateur Chaput : Les guides pourraient-ils être différents selon qu'il s'agit d'une collectivité rurale ou d'une collectivité urbaine?
Mme Gillis : Voilà une excellente question. Fait plutôt intéressant, nous nous attendions à de plus grands écarts dans le genre de réactions que nous avons eues des aînés des pays en développement et des pays développés et entre les collectivités éloignées et rurales et les villes. En fait, il y a moins de différence qu'on aurait pu le croire entre les pays développés et ceux qui sont en développement. Bon nombre des mêmes problèmes, comme le manque de transport, le logement et l'humeur maussade des chauffeurs d'autobus, sont universels. Nous avons relevé de nombreuses similitudes.
De la même façon, les collectivités rurales éloignées et les villes ont exprimé le même genre de préoccupations. Naturellement, les questions d'accès sont souvent mises en relief dans les collectivités rurales. Nous commençons à observer en grande partie ce que vous avez constaté en comité : nos collectivités rurales perdent leurs jeunes. Il y q a beaucoup de personnes âgées vivant dans les collectivités rurales, et les réseaux traditionnels de soutien que sont les enfants se trouvent maintenant à Toronto, à Winnipeg ou ailleurs. L'information commence à voir le jour, et les difficultés d'accès aux soins de santé ressortent plus nettement que ce qu'on pourrait observer dans les villes.
Le sénateur Chaput : Y a-t-il un lien?
Mme Gillis : Oui.
Le président : En fonction de quels éléments pourriez-vous déclarer une ville amie des aînés?
Mme Gillis : Nous avons repéré huit déterminants de la santé comme base. Si je peux vous ramener en arrière quelques instants, je vous rappelle comment le travail s'est fait au début — je crois vous l'avoir expliqué durant mon témoignage devant votre comité il y a un an environ.
Nous avons posé aux aînés huit questions directes sur les déterminants de la santé, notamment les espaces extérieurs, les immeubles, le transport, le logement, la participation à la vie sociale, le respect et l'inclusion, la participation à la vie municipale et l'emploi, ainsi que les services communautaires et services de santé. Nous avons travaillé avec des universités, des gériatres et des gérontologues en vue d'élaborer des questions scientifiques. Dans les grandes villes, nous avons discuté avec huit groupes différents aux profils démographiques distincts. Nous avons parlé à des notables et à des dispensateurs de soins. Nous leur avons posé une série de questions sur les huit déterminants de la santé. Les aînés nous ont communiqué eux-mêmes ce dont ils avaient besoin dans leur ville pour vieillir en santé.
Pour en revenir à votre question, nous avons posé des questions précises, de sorte que, en fonction de ces déterminants de la santé, nous avons obtenu un portrait global des villes amies des aînés. Nous avons donc établi une liste de contrôle et l'avons communiquée aux villes qui avaient participé à nos travaux en tant que guide. Ensuite, elles examinent leurs collectivités respectives afin de déterminer où sont leurs faiblesses et leurs points forts. Nous nous en servons comme principes directeurs pour rendre ces villes plus conviviales à l'égard des aînés. La phrase sacrée qui revient constamment est qu'un bon design est toujours valable : si nous concevons bien les installations pour les aînés, nous aurons alors, en règle générale, des installations bien conçues pour les enfants. Leur adaptation à l'âge ne vaut pas seulement pour les aînés, mais également pour d'autres membres de la collectivité.
Le président : Est-ce que tout cela s'accompagne d'argent?
Mme Gillis : Oui, il y a des fonds. Le Canada a été si bien reconnu pour son travail parce qu'il a financé de nombreux pays en développement. Bien que le montant ne soit pas très important, il a suffi pour tout faire. Les études sur l'adaptation à l'âge et sur les collectivités rurales et éloignées ont été financées par les provinces et par l'Agence de la santé publique du Canada — ce n'est pas venu du fonds commun FPT. Nous sommes actuellement en train d'examiner d'autres façons d'aller de l'avant.
Dans le passé, nous nous sommes servis du fonds destiné à la santé de la population à l'ASPC pour financer les travaux. Nous examinerons une variante de cette formule à mesure que nous irons de l'avant et comment nous procéderons à la mise en œuvre. Comme je l'ai mentionné, de nombreuses collectivités s'intéressent beaucoup à ce que nous faisons et elles souhaitent participer au projet.
Le président : Quel genre de coordination assurez-vous auprès d'autres ministères?
Mme Gillis : Nous passons directement par Ressources humaines et Développement social Canada, soit RHDSC, premier responsable des personnes âgées au sein du gouvernement du Canada. Nous travaillons de concert avec ce ministère à informer d'autres ministères. À ce stade-ci, nous avons travaillé plus étroitement, toutefois, avec les provinces et les municipalités. Ce fut là l'essentiel de notre travail.
Le président : Ma question déborde un peu du cadre de vos observations d'aujourd'hui, mais un domaine très préoccupant est l'accès des personnes âgées aux soins de santé, plus particulièrement à des médecins et à des infirmières spécialisés dans le genre de soins dont elles ont besoin. Nous avons entendu dire que le nombre de gérontologues avait doublé, mais nous savons que le nombre au départ était si faible que cela revenait à passer de 10 à 20. Il y a encore une énorme pénurie de gérontologues, et le nombre d'infirmières n'a pas changé du tout. Quel genre de travail effectue votre agence, si elle en fait, pour attirer plus de médecins en gérontologie?
Mme Gillis : Je fais appel à votre bienveillance, parce que le nouvel emploi que j'occupe depuis aujourd'hui seulement porte directement sur cette question. Je n'ai eu qu'une séance d'information de cinq minutes. Je ne suis donc pas sûre que je suis prête à répondre à cette question. Peut-être le serai-je dans quelques semaines.
Fait plutôt intéressant du point de vue de l'Agence de la santé publique du Canada, certaines de ces préoccupations ont fait surface durant les discussions sur les villes-amies des aînés quand on a mentionné l'accès aux soins de santé, tant dans les collectivités rurales et éloignées que dans les villes amies des aînés. C'était intéressant parce que la préoccupation ne porte pas tant sur les gérontologues que sur les soins primaires. La seconde partie de votre question devrait peut-être porter sur le nombre de gérontologues dont nous avons besoin et sur l'information qu'ont les fournisseurs de première ligne dans le domaine de la santé au sujet des personnes âgées, que ce soit des infirmiers, des ergothérapeutes ou des médecins, ou encore toute l'équipe pluridisciplinaire. Il y a deux volets à cette question.
Le président : Si je puis me permettre un petit conseil, lorsque j'ai commencé à travailler en soins palliatifs, une étude fascinante est venue d'Edmonton et une autre de McGill selon lesquelles le médecin moyen recevait une heure de formation durant ses quatre années d'études en médecine sur les soins palliatifs, y compris sur la gestion de la douleur. J'ai décidé que, pour être tout à fait franc, il fallait que cela change.
À compter de juin prochain, aucun étudiant de médecine ne pourra obtenir son diplôme de premier cycle s'il n'a pas suivi un programme d'études de base en soins palliatifs. Nous y sommes parvenus en versant au Collège des médecins et des chirurgiens 1,25 million de dollars, un faible montant, somme toute, mais il a permis d'élaborer un programme d'études et de l'implanter dans les écoles de médecine. La gérontologie sera la prochaine cible. Si les médecins, à leur sortie de l'université, ont appris à traiter avec des personnes âgées, il n'y aura plus de cas où les aînés ne peuvent se trouver de médecin de famille parce qu'au décès ou à la prise de la retraite de leur gérontologue ou médecin de famille, les médecins plus jeunes refusent de les prendre en charge. Une des raisons expliquant ce phénomène est qu'ils ne savent strictement rien des aînés.
Mme Gillis : Le problème ne fera que s'amplifier avec le vieillissement de la population. C'est là une question que je devrai suivre de près dans mon nouvel emploi.
Le président : Je vous remercie beaucoup de l'exposé que vous nous avez fait cet après-midi. Nous vous en sommes très reconnaissants.
Chers collègues, j'aimerais que nous nous réunissions à huis clos pour quelques minutes.
Le comité poursuit ses travaux à huis clos.