Délibérations du Comité
sénatorial spécial sur le
Vieillissement
Fascicule 10 - Témoignages du 16 mai 2008 - séance du matin
SHERBROOKE, Québec, le vendredi 16 mai 2008
Le Comité sénatorial spécial sur le vieillissement se réunit aujourd'hui, à 9 h 01, pour examiner les incidences du vieillissement de la société canadienne.
Le sénateur Sharon Carstairs (présidente) occupe le fauteuil.
[Français]
La présidente : Honorables sénateurs, Mesdames et Messieurs, membres du public, bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial spécial sur le vieillissement.
Notre comité examine les répercussions du vieillissement de la société canadienne. Les enjeux complexes du vieillissement préoccupent les gouvernements depuis de nombreuses années. Ils se font cependant plus pressants à mesure que le nombre des personnes âgées augmente du fait de l'allongement de l'espérance de vie et du vieillissement de la génération d'après-guerre.
Comme les programmes et les services publics destinés aux aînés sont essentiels à leur bien-être, il nous incombe en tant que parlementaires de veiller à la satisfaction sans faille de leurs besoins.
Nous sommes venus à Sherbrooke pour entendre divers intervenants nous parler des répercussions du vieillissement dans notre société et, plus particulièrement, nous dire ce qu'ils pensent de notre deuxième rapport provisoire déposé au Sénat le 11 mars dernier. Le rapport met l'accent sur le vieillissement actif, les travailleurs âgés, la retraite et la sécurité du revenu, le vieillissement en santé, le vieillissement à l'endroit de son choix et la distribution régionale des frais de santé liés au vieillissement.
Sherbrooke est le quatrième arrêt de notre tournée pancanadienne et nous avons hâte d'entendre les témoignages d'aujourd'hui, lesquels vont, j'en suis sûre, nous aider à élaborer un ensemble complet de recommandations pour notre rapport final.
Pour la première table ronde de la matinée, nous avons le plaisir d'accueillir de l'Université de Sherbrooke Dr Réjean Hébert et Dre Hélène Payette, et du Centre de recherche sur le vieillissement nous avons Dr Stephen Cunnane.
[Traduction]
Dr Réjean Hébert, Doyen de la Faculté de médecine et de sciences de la santé, Université de Sherbrooke, à titre personnel : Honorables sénateurs, je vous souhaite la plus chaleureuse bienvenue à Sherbrooke. Je suis très fier du fait que vous vous soyez arrêtés ici pour en savoir plus long sur notre travail, l'expertise de mes collègues sur le vieillissement et ce qu'elle peut apporter à votre comité.
Sherbrooke est un des plus grands centres de recherche sur le vieillissement au Canada, et c'est un centre caractérisé par une approche multidisciplinaire. Le Dr Cunnane vous en dira sans doute plus long à ce sujet. Certains de nos chercheurs travaillent dans le domaine des sciences sociales, et d'autres dans celui de la biologie, tandis que d'autres s'intéressent plutôt à l'organisation des services.
[Français]
J'ai été le premier directeur scientifique de l'Institut du vieillissement des instituts de recherche en santé du Canada (IRSC), et je suis depuis cinq ans le Doyen de la Faculté de médecine et des sciences de la santé de l'Université de Sherbrooke.
J'ai aussi coprésidé l'automne dernier une consultation publique que le gouvernement du Québec a mis en place sur les conditions de vie des aînés, qui a produit un rapport qu'il me fait plaisir de vous déposer, un rapport qui résume 4 000 personnes âgées que nous avons rencontrées dans 27 villes, et plus de 275 mémoires que nous avons reçus et analysés, et dont les conclusions vont dans le sens de votre rapport et je pense qu'elles pourront alimenter votre rapport.
Permettez-moi de faire un survol de ce rapport, qui comprend trois idées maîtresses :
La première, soutenir les aînés vulnérables et leurs proches, un thème que vous abordez également, dans lequel nous affirmons que la meilleure façon de répondre au vieillissement de la population est de consolider notre système de santé publique universel, qui est la meilleure façon de répondre aux besoins des personnes âgées. Je vous invite à affirmer cela clairement dans votre rapport, parce qu'un système privé n'est pas intéressé par les aînés, et tout système privé parallèle drainerait des ressources du système public et diminuerait l'accès aux services aux aînés. Je pense qu'il faut réaffirmer cette valeur extrêmement importante des Canadiens, d'avoir un système de santé public.
Nous mettons l'accent aussi, et nous l'avons entendu 4 000 fois, sur le maintien à domicile. Les aînés veulent rester à domicile et souhaitent recevoir les services là où ils habitent et non pas se déplacer vers des institutions pour recevoir les services. Il faut un changement important de l'approche de nos systèmes de santé pour donner les services au domicile. Il faut recentrer le système de santé autour du domicile des personnes parce que les personnes qui vivent avec des maladies chroniques et qui ont besoin de soins à long terme sont prépondérantes avec le vieillissement de la population et l'hôpital n'est pas le centre d'un tel système.
Il faut que le domicile soit le centre du système, ce qui nous oblige à examiner comment on traite les soins à domicile. Actuellement, il y a une zone grise au Canada où les soins à domicile ne sont pas nécessairement considérés comme étant médicalement nécessaires.
La Loi sur la santé du Canada a été conçue au siècle dernier et n'a pas prévu qu'il y aurait prépondérance des soins à domicile.
Il faut donc clarifier le statut des soins à domicile dans la couverture de notre système public de santé. La Commission Romanow a fait un pas dans cette direction, mais n'a reconnu que les soins à domicile post hospitaliers ou dans des situations particulières, pour les soins palliatifs, par exemple. Il faut élargir la notion de soins à domicile incluse dans la Loi sur la santé du Canada pour couvrir les soins à long terme qui sont les principaux soins à domicile qui sont reçus par les personnes âgées et leurs proches.
Cela nécessite un investissement majeur et massif dans les soins de santé à domicile. Vous savez qu'au Canada environ 4 à 5 p. 100 des dépenses de santé sont consacrés aux soins à domicile, ce qui est tout à fait insuffisant. Il faut faire un effort majeur pour mieux investir. Il faut mieux développer les soins médicaux de première ligne, mais aussi les soins infirmiers de première ligne, avoir une première ligne forte et, parce que le domicile est un carrefour beaucoup plus complexe que l'hôpital, il faut intégrer les services.
Vous avez ici à Sherbrooke une région qui a développé des services intégrés pour personnes âgées. J'ai le plaisir d'avoir dirigé une équipe de recherche qui s'appelle PRISMA (Programme de recherche sur l'intégration des services de maintien de l'autonomie), un groupe de recherche qui a développé et implanté un modèle de soins intégrés qui comporte un guichet unique, des tables de concertation pour que tous les acteurs, qu'ils soient du domaine public, privé ou bénévole, puissent s'entendre sur le panier de services à mettre en place. C'est un système qui comprend des gestionnaires de cas, un dossier clinique informatisé, une évaluation des outils d'évaluation communs.
PRISMA a été implanté avec succès dans la région et une étude a montré qu'un système intégré permet de diminuer la fréquence de perte d'autonomie, de diminuer les visites à l'urgence, d'améliorer la satisfaction et l'empowerment des personnes, et de ne pas ajouter de coûts supplémentaires, mais d'améliorer l'efficacité du système.
C'est un système qui est actuellement en implantation dans plusieurs autres régions du Québec et j'ai eu le plaisir de travailler avec plusieurs régions de l'Ontario, de la Colombie-Britannique, et très bientôt de la Nouvelle-Écosse, qui sont intéressées également par ce type de modèle d'intégration des services.
Le financement est à repenser. Vous évoquez dans votre document, en page 48, un Régime enregistré d'épargnes pour les soins chroniques. Je ne suis pas sûr que ce soit une voie dans laquelle on devrait s'engager. Je pense plutôt que le financement des services de maintien de l'autonomie doit demeurer un financement public qui est inclus dans le financement du système de santé. Je pense plutôt qu'il faut insister sur ce financement public et en assurer un niveau adéquat plutôt que de supporter ou favoriser des financements privés du type Régime enregistré d'épargnes pour ce type de service.
Il faut également soutenir les proches aidants, et vous invoquez le congé de compassion à la page 49 de votre document. Je pense qu'il faut élargir cette notion de congé de compassion pour l'appliquer également aux actions à long terme des proches aidants parce que c'est surtout dans ce type d'intervention que les proches aidants sont engagés envers les aînés. Il faudrait donc prévoir des congés de compassion sur de longues périodes, congé de temps partiel, par exemple, pour permettre aux proches aidants de ne pas être désavantagés économiquement lorsqu'ils interviennent auprès de leurs proches.
Vous évoquez en page 37 le travail des professionnels de la santé en gérontologie. C'est un problème d'attirer des médecins et des infirmières dans le domaine de la gérontologie. Je pense qu'il faut faire des efforts pour valoriser le travail auprès des aînés. Valoriser veut dire assurer qu'il y ait un salaire compétitif pour les médecins. Les médecins qui pratiquent auprès des personnes âgées n'ont pas le même revenu qu'un cardiologue, qu'un neurochirurgien ou qu'un radiologiste. Je pense que c'est un phénomène qui n'incite peut-être pas les jeunes étudiants à s'intéresser à une carrière auprès des personnes âgées. C'est la même chose pour les infirmières.
Il faut être capable de valoriser celles-ci par des conditions de travail, des conditions salariales qui permettent à ces personnels professionnels de la santé de trouver là une valorisation adéquate, et surtout insister sur la formation nécessaire.
On insiste beaucoup pour que les gens qui travaillent en soins intensifs, au bloc opératoire ou encore dans les centres d'hémodialyse aient une formation spécifique, mais actuellement n'importe qui peut travailler en gérontologie sans formation. On nie, par ce fait, les habiletés et les attitudes qui sont absolument essentielles et nécessaires pour intervenir auprès des aînés. Je pense qu'il faut insister sur la formation.
Le deuxième élément de la consultation était le renforcement de la place des aînés dans notre société, notamment au niveau du bénévolat, où les aînés ont un rôle extrêmement important. Vous amenez l'idée d'avoir un crédit d'impôt pour l'action bénévole. J'ai certaines réserves par rapport à un crédit d'impôt.
Tout d'abord, les crédits d'impôt ne sont pas le meilleur moyen pour soutenir la solidarité sociale. Ce sont des interventions fiscales qui ont été conçues pour les entreprises à l'origine et qui sont mal adaptées pour le soutien de la solidarité sociale. Ensuite, je pense que l'action bénévole, par définition, est bénévole. Ce qu'il faut, par contre, est que les dépenses associées au bénévolat, quand on pense que les gens utilisent leur voiture, par exemple, qu'ils sont obligés d'avoir des repas à l'extérieur, que ces dépenses puissent être déductibles d'impôt comme les dépenses d'un travail rémunéré.
Je pense que dans cette voie-là, si on est capable de dédommager les gens pour les dépenses encourues, on pourra favoriser le bénévolat.
Vous parlez de retraite progressive. C'est un incontournable. Je pense qu'il faut modifier la conception même de la retraite. Je dis souvent dans mes conférences que c'est Bismark, en 1872, qui a conçu la retraite à 65 ans parce que l'espérance de vie à cette époque était de 57 ans. Alors, la retraite était une prime de survie, en fait. Si on appliquait le même standard, il faudrait mettre la retraite à 87 ans maintenant.
Vous voyez tout de suite que la retraite mérite d'être repensée. Il faut permettre des retraites progressives. Il faut permettre que des gens, comme en Finlande, par exemple, puissent avoir des avantages à rester à l'emploi lorsqu'ils dépassent 60 ans, par des congés supplémentaires, des primes, et surtout ne pas pénaliser leur pension et leur régime de retraite.
Au municipal, vous entendrez parler de Villes amies des aînés cet après-midi. Vous le mentionnez dans votre document. Marie Beaulieu, qui a été très impliquée dans l'expérience de Sherbrooke, pourra partager avec vous ces aspects extrêmement importants.
Pour la sécurité financière, il y a une chose qui dépend du fédéral, c'est de rendre le Supplément de revenu garanti automatique. Comme vous savez, il y a 130 000 Canadiens et Canadiennes qui devraient recevoir le Supplément de revenu garanti et qui ne le reçoivent pas parce qu'il faut compléter des formulaires, il faut faire des démarches qui sont parfois difficiles pour des aînés. Je pense que si on rendait le Supplément de revenu garanti automatique, comme le remboursement de TPS, on permettrait à des gens d'au moins bénéficier de ce supplément de revenu.
Il faut bien réaliser que même le Supplément de revenu garanti donne un revenu annuel de 13 400 $, ce qui est insuffisant, ce qui est en dessous du seuil de la pauvreté. Je vous invite à recommander une bonification à ce Supplément garanti.
Finalement, le troisième grand thème de la consultation était la prévention, d'abord au niveau des stéréotypes et de l'image des personnes âgées. Vous l'abordez dans votre document, mais je vous ferai remarquer qu'à la page 2 de votre document, vous alimentez les stéréotypes, et je vous cite.
En fin du premier paragraphe, au niveau de la définition des aînés, vous mentionnez : « Parallèlement, la vieillesse se définit par la perte d'autonomie ou un mauvais état de santé. »
Je regrette, mais la vieillesse ne se définit pas par la perte d'autonomie. La perte d'autonomie est le lot d'une portion minoritaire des aînés, et je vous invite à corriger cette phrase dans votre document. En page 56 aussi où vous parlez des impacts du vieillissement de la population, l'impression qui se dégage est qu'on souscrit à la thèse du vieillissement catastrophique. Il y a une page et demie qui montre, avec données à l'appui, comment le vieillissement de la population va entraîner une augmentation importante des coûts de santé et va entraîner un fardeau sur le plan économique.
Il est vrai que vous avez trois phrases après qui donnent l'autre version, parce qu'il y a une autre version bien documentée. Je vous invite à équilibrer ces deux approches.
Il y a les partisans de l'approche catastrophique, mais il y a aussi des chercheurs extrêmement compétents qui ont montré que, non, le vieillissement de la population n'était pas une menace pour le système de santé. On ne pourra pas reprocher à M. Castonguay d'être un partisan d'une approche angélique, mais même le rapport Castonguay montre que le vieillissement de la population n'est responsable que de 1,3 p. 100 d'augmentation annuelle des dépenses de santé.
Je pense qu'il faut balancer, dans votre document, ces deux approches pour sortir de cette approche catastrophique qui est, à mon avis, un des stéréotypes les plus persistants dans notre société.
Vous parlez, avec raison, d'incitatifs fiscaux pour activités physiques et vous soulignez en page 17, de façon très juste, des discriminations sur l'âge qui sont présentes. On peut déduire de nos impôts des frais pour activités physiques des enfants, mais on ne peut pas le faire pour les aînés. Il faut, je pense, souscrire à cela.
Nous avons souligné la prévention des abus et négligence. Je vous invite à faire de même. Et également la prévention du suicide et des dépendances; dépendances aux médicaments et à l'alcool qui sont bien connues, mais aussi au jeu pathologique qui commence à être un problème. Quand je vois des casinos organiser des autobus d'aînés pour y venir jouer, je trouve qu'on a là une incitation à encourager la dépendance au jeu pathologique.
Je termine en vous disant que le Canada et le Québec, moi, j'en suis convaincu, sont prêts à élaborer une politique sur les aînés, une politique sur le vieillissement, qui nous permettrait d'avoir une vision de la société que l'on souhaite.
Je vous invite à ajouter dans les valeurs que vous évoquez en page 5 une autre valeur qui m'apparaît fondamentale, qui est la solidarité, qui est une valeur extrêmement importante pour les aînés et également pour l'intervention auprès des aînés. Une politique nous permettrait d'avoir un plan d'action qui transcende les gouvernements fédéral, provinciaux, municipaux, qui transcende les différents ministères et les différents secteurs de notre société, et qui nous permet de donner aux aînés la place qui leur revient dans la société, et qui permet à la société de mieux profiter de la sagesse des aînés, de leur expérience et de leur expertise.
[Traduction]
La présidente : J'aimerais vous signaler que nous avons récemment adopté une loi qui, sans être parfaite, contribuera grandement à la réalisation d'un de vos objectifs : Dorénavant, les personnes qui font une déclaration de revenus et qui ont droit au Supplément de revenu garanti, ou SRG, le recevront automatiquement. Elles n'auront plus besoin de remplir d'autres formulaires. C'est une nouvelle loi qui entrera en vigueur très bientôt et qui marque un véritable progrès.
Certes, la question du SRG nous concerne toujours, mais je tenais à signaler cette avancée. Comme vous vous en doutez, je ne suis pas toujours d'accord avec le gouvernement actuel, mais je souscris entièrement à sa décision concernant le SRG.
[Français]
Dre Hélène Payette, professeure, Département de sciences de la santé communautaire, Faculté de médecine et des sciences de la santé, Université de Sherbrooke, à titre personnel : Madame la présidente, je remercie le comité de me recevoir ce matin. Je pense que le Dr Hébert a très bien mis la table pour que je vous parle maintenant d'un sujet qui me tient à cœur depuis plusieurs années, la nutrition, l'alimentation des personnes âgées.
J'ai remarqué que dans le rapport cet aspect était abordé de façon extrêmement succincte, alors que ce qu'on sait maintenant des résultats de la recherche qui est encore très jeune, l'alimentation des personnes touche toutes les sphères du vieillissement et peut avoir un impact majeur sur la qualité de ce vieillissement.
On sait que l'enfance et la vieillesse sont les deux phases de la vie les plus vulnérables pour l'intégrité des fonctions cognitives, pour l'efficacité du système immunitaire, pour la santé musculaire et osseuse, entre autres, et sont étroitement liées aux conditions de vie, à la quantité et à la qualité des apports alimentaires et aux habitudes comportementales comme l'exercice, par exemple, que vous abordez très bien dans votre rapport.
Nous savons tous le soin que nous portons à l'alimentation de nos nourrissons et de nos enfants pour leur assurer un capital santé. Par contre, l'importance de l'alimentation de nos aînés a été largement négligée jusqu'à ces dernières années, entre autres par manque de recherche dans ce domaine.
On connaît maintenant le rôle clé que joue l'alimentation dans la promotion de la qualité de vie, dans la prévention de la fragilité, des incapacités, dans l'aggravation des maladies chroniques et, globalement, le retardement du processus de vieillissement. Ce qui caractérise les centenaires en bonne santé que nous admirons tous est d'abord la qualité de leur nutrition, leur niveau d'activité et leur participation sociale.
Pourtant, malgré certaines actions, l'alimentation des personnes âgées demeure encore le parent pauvre des interventions et des politiques en matière de santé.
Les travaux de recherche récents nous montrent qu'il existe encore au Canada des personnes âgées à domicile qui souffrent de malnutrition protéinée énergétique, un syndrome que l'on observe en pays sous-développés, qu'il existe encore des personnes âgées qui perdent plus de 10 p. 100 de leur poids suite à une hospitalisation. Ces dénutritions ne sont pas sans conséquence. Elles entraînent la personne dans un cercle vicieux de fatigue, d'infections récurrentes, de fragilité et d'incapacité qui continuent à aggraver le déficit nutritionnel, un déficit qui est très difficile à inverser et qui exige un traitement long et soutenu.
Des recherches récentes ont montré qu'il faut deux fois plus de calories pour réalimenter une personne âgée après une dénutrition comparativement à une personne plus jeune. Alors, comme dans bien d'autres domaines, il vaut mieux prévenir que guérir.
Je souhaiterais donc faire quelques recommandations au comité qui permettraient à nos gouvernements d'épargner des montants considérables en soins et services aux personnes dont la santé et l'autonomie sont compromises faute d'avoir eu accès, tous les jours, à une alimentation saine et suffisante pour combler leurs besoins.
Dans le rapport, le comité évoque succinctement le rôle de l'alimentation dans la promotion d'une bonne santé et de la prévention des conditions chroniques que l'on retrouve fréquemment chez les personnes âgées. J'aimerais commenter les deux seules recommandations de ce rapport qui concernent l'alimentation.
D'abord, la recommandation 35 propose de lancer des campagnes d'information destinées aux aînés et à la population en général, visant une meilleure compréhension des conséquences négatives d'une mauvaise alimentation.
Je trouve cette recommandation un peu négative et je pense qu'on peut faire des recommandations beaucoup plus positives en regard de l'alimentation. Les personnes âgées sont très réceptives aux messages de santé publique et il faut, je pense, l'aborder de façon beaucoup plus positive que de dire d'éviter la mauvaise alimentation.
Je voudrais aussi attirer l'attention du comité relativement, justement, à ces campagnes d'information.
Des changements importants sont observés au cours du vieillissement, et ces changements nous obligent à revoir complètement nos approches de promotion et de prévention relatives à l'alimentation. La recherche sur la nutrition et le vieillissement est encore paradoxalement très jeune. Toutefois, on sait déjà que les stratégies de promotion et de prévention dans le domaine de l'alimentation doivent s'ajuster aux particularités de cette population, à défaut de quoi on pourrait plus nuire qu'aider.
Par exemple, des changements dans la proportion et la distribution du gras et du muscle impliquent la correction des critères de poids santé que l'on applique à la population adulte plus jeune.
Une recommandation d'atteindre à tout prix le poids santé et d'éviter à tout prix l'embonpoint, caractérisées par des critères extrapolés de populations de jeunes adultes pourrait nuire à plusieurs personnes âgées en leur faisant perdre du poids et, ainsi détériorer leur santé nutritionnelle inutilement.
De même, selon les connaissances actuelles, les besoins protéiniques des aînés seraient même supérieurs à ceux des jeunes adultes. Alors si on diminue trop la consommation totale d'aliments dans une journée, on attaque nécessairement la suffisance de l'apport en protéines du régime alimentaire. Cette insuffisance peut être catastrophique à plusieurs points de vue étant donné l'importance des protéines dans l'alimentation.
Le vieillissement est une étape vulnérable de la vie et où la présence de conditions chroniques pourrait donner lieu à plusieurs restrictions alimentaires. Il importe donc de peser consciencieusement dans nos messages les recommandations afin d'assurer un équilibre positif entre les bienfaits et les effets nuisibles. Je vous donne un exemple. Des études ont montré que la peur du cholestérol conduit malheureusement plusieurs aînés à exclure complètement les œufs de leur diète, qui étaient pourtant leur seule source de protéines.
Plusieurs interventions, comme un régime sans sel trop restrictif, peuvent amener une personne à diminuer considérablement ses apports alimentaires quotidiens et nuire à sa condition chronique plutôt que de l'aider.
Les messages de santé publique ne peuvent donc pas être simplement extrapolés des connaissances acquises auprès de populations plus jeunes. Ils doivent reposer sur les connaissances les plus récentes émanant de la recherche.
Finalement, les campagnes d'information devraient également cibler les adultes qui entourent les aînés pour qu'elles aient une meilleure compréhension des besoins et des particularités relatives à l'alimentation et qu'elles puissent éviter une certaine forme d'âgisme qui influence négativement la santé nutritionnelle des aînés. Comme, par exemple, l'idée qu'une personne âgée, moins elle mange mieux c'est, et plus elle est menue, mieux c'est.
Nous avons des exemples de maigreur extrême et d'insuffisance alimentaire qui nuisent énormément à l'autonomie des personnes.
En ce qui a trait à l'option 36, je suis tout à fait d'accord qu'une stratégie pour améliorer la santé buccale des personnes entraînera certainement une meilleure alimentation et une meilleure qualité de vie des aînés concernés. Toutefois, c'est loin d'être le seul facteur qui influence l'alimentation et la santé nutritionnelle des aînés.
Je voudrais donc apporter quelques options en complément.
Le rapport du comité soulève de façon très juste la précarité de la situation financière de plusieurs personnes âgées qui vivent chez elles dans la communauté. Il faut se rappeler que le premier poste budgétaire à souffrir quand les ressources sont rares est celui de l'alimentation.
Les personnes doivent d'abord assurer les coûts de leur logement, leur médication, leurs soins de santé. Il reste souvent très peu d'argent pour se procurer des aliments sains en quantité suffisante. De nombreuses personnes âgées malheureusement fréquentent maintenant les comptoirs alimentaires pour réussir à se procurer le minimum vital. Vous conviendrez avec moi que cette situation est inacceptable dans un pays d'abondance comme le nôtre.
Il faut assurer des revenus décents à toutes les personnes âgées pour qu'elles puissent se nourrir convenablement.
De plus, pour que les aînés puissent vivre à domicile, puisque c'est probablement le choix de la majorité des personnes, ils doivent avoir accès à une alimentation suffisante et adéquate, ce qui pourrait impliquer l'offre de services pour l'approvisionnement, la livraison et la préparation de repas.
Dans le cadre d'un programme national de soins à domicile, comme proposé par le comité, il faudra également intégrer un programme de dépistage des risques nutritionnels qui permettra d'identifier rapidement les personnes qui risquent de glisser rapidement vers un état de dénutrition difficilement réversible si on n'agit pas à temps.
Une intervention précoce pourra donc prévenir cette dénutrition en agissant sur des facteurs de risque individuels comme, par exemple, la santé buccale, qui est évoquée dans le rapport, ou bien d'autres facteurs, individuels ou environnementaux. Souvent, la personne n'a tout simplement plus la capacité de préparer ses repas et n'a pas d'aide pour effectuer cette préparation.
Toutefois, le dépistage est inutile si des mesures subséquentes pour assurer le suivi et le traitement des problèmes nutritionnels par des spécialistes ne sont pas mises en place et surveillées sur une base régulière. Au cours des dernières années, plusieurs guides, grilles et outils ont été développés et validés par des chercheurs canadiens pour dépister les risques nutritionnels. Ils ne sont malheureusement pas encore intégrés dans la pratique. Une des raisons principales de ce retard est la rareté des professionnels en nutrition dans les milieux de pratique communautaires.
Comme pour les médecins et les infirmières, il faut former plus de diététistes et ouvrir des postes de diététistes dans les milieux communautaires pour permettre le suivi des personnes en matière de nutrition.
Finalement, l'alimentation est aussi un geste social. Les organismes communautaires, comme les popotes roulantes et les cafétérias communautaires qui répondent à plusieurs besoins des personnes âgées en plus de leur assurer une alimentation de qualité sont essentiels et méritent d'être supportés.
Je voudrais aborder succinctement les personnes qui vivent dans les résidences pour personnes âgées et qui représentent un milieu de vie pour de nombreux aînés canadiens. On a observé des lacunes importantes en ce qui a trait à la qualité et à la quantité des repas servis dans certaines de ces résidences.
La qualité du service alimentaire offert dans ces résidences devrait devenir une condition essentielle à leur accréditation. En effet, comme pour les individus, le poste budgétaire sur lequel on rogne le plus pour dégager des profits est souvent l'alimentation. Il est de la responsabilité publique d'assurer le bien-être et la santé de nos aînés, même dans un milieu de vie privé.
Il faut se rappeler que dans ces institutions, les personnes âgées sont une clientèle captive et vulnérable étant donné la rareté des places disponibles dans le réseau. Dans ce secteur également, l'allocation de ressources professionnelles s'avère nécessaire pour assurer que les repas préparés dans ces résidences répondent aux normes de salubrité et qu'ils satisfassent les besoins énergétiques et nutritionnels des personnes qui y demeurent.
Je vais terminer avec un mot sur les centres d'hébergement et de soins de longue durée, où je crois on a oublié que le goût et l'odorat étaient les piliers de nos conduites alimentaires.
Des études ont montré l'importance capitale des sens dans l'appétit et la consommation alimentaire. Les CHSLD sont les milieux de vie des personnes qui y séjournent. Il ne s'agit plus d'un passage temporaire à l'hôpital. Toutefois, l'organisation du service alimentaire dans ces milieux est calquée sur le milieu hospitalier et souvent les repas sont préparés à l'extérieur de l'établissement.
Imaginez simplement la réception d'un plateau-repas qui a déjà pas mal voyagé avant d'arriver sur votre tablette, où tous les aliments sont tièdes et ne sentent à peu près plus rien. Ceci n'a pas un effet très stimulant sur l'appétit.
Des expérimentations de petites unités de soins possédant leur propre cuisine et leur salle à manger ont été menées dans plusieurs CHSLD au Canada et en Europe. Toutes ont montré l'amélioration de l'état nutritionnel des résidents, de leur vitalité et de leur sociabilité. Donc, ces services alimentaires développent non seulement la santé nutritionnelle des personnes, mais aussi tous les aspects sociaux.
De nouvelles constructions, comme récemment à Sherbrooke, ont misé sur ce type d'organisation du service alimentaire, notamment pour les personnes atteintes de démence. Il faudrait s'assurer que ce type d'aménagement devienne la norme de toute nouvelle construction, modification ou agrandissement d'un centre d'hébergement de longue durée.
Donner la chance aux personnes vivant dans un centre d'hébergement de profiter d'un environnement stimulant et convivial pour les repas répond à un besoin essentiel, celui de s'alimenter et du plaisir de s'alimenter sainement.
[Traduction]
La présidente : Merci, docteure Payette. Je dois vous dire que lundi, nous étions à Halifax. Nous nous trouvions dans un centre médical pour anciens combattants, le Camp Hill Veteran's Memorial Hospital, où les repas sont préparés dans deux cuisines différentes situées sur le même étage. Ça sentait le bacon partout, si bien que nous avons tous eu faim. Nous pouvons donc très bien comprendre ce que vous venez de dire.
[Français]
Dr Stephen Cunnane, directeur, Centre de recherche sur le vieillissement, à titre personnel : Madame la présidente et membres du comité, bonjour. Je voudrais profiter de ce milieu bilingue pour poursuivre dans ma langue maternelle, qui est l'anglais, afin d'être plus précis et mieux communiquer mon message.
[Traduction]
Merci de m'accueillir et merci aussi du travail que vous faites en sillonnant le Canada afin de mieux comprendre les conditions de vie de la population vieillissante et définir les bonnes priorités. J'espère pouvoir contribuer de façon utile à cette démarche.
Je suis directeur du Centre de recherche sur le vieillissement, poste que j'occupe depuis à peine un an. Le Dr Hébert est le fondateur du centre, dont il a été le directeur de recherche jusqu'en 2001, avant que Mme Payette ne lui succède. C'est grâce à eux que ce centre de recherche a pu se développer et se tailler une réputation nationale et internationale et j'espère poursuivre la tâche qu'ils ont entreprise.
J'ai apporté à votre intention deux exemplaires de notre rapport annuel de l'année dernière. Nous comptons 37 chercheurs, et dans une ville de 125 000 habitants comme Sherbrooke, c'est un exploit que de les rassembler tous dans un même milieu. Ces chercheurs sont diplômés de cinq facultés différentes, ce qui explique le terme « multidisciplinaire » employé par le Dr Hébert. En gros, nos chercheurs s'efforcent d'étudier absolument tous les aspects du vieillissement. Ils travaillent en collaboration avec douze départements et dans trois immeubles différents, ce qui peut causer certaines difficultés de logistique, même dans une petite ville.
Nous sommes en quelque sorte en train de définir l'éthique de la recherche sur le vieillissement. Nos spécialistes sont capables de monter des projets de recherche ou d'établir des collaborations sur des sujets aussi divers que l'ingénierie et des dispositifs informatiques pour aider les personnes âgées, particulièrement celles qui ont besoin de services de réadaptation, tout en élaborant les balises éthiques dont nous avons besoin aujourd'hui.
Notre travail ne porte pas strictement sur des aspects ou des services médicaux ni sur des recherches fondamentales au niveau cellulaire. Nous essayons d'avancer en même temps sur tous ces fronts.
Nous sommes un centre d'excellence de l'Université de Sherbrooke, ce qui nous vaut une certaine reconnaissance dans les milieux universitaires ainsi que certains avantages et certaines obligations. Cependant, je pense que nous nous démarquons parmi les recherches effectuées à l'université. L'appui au centre de recherche et la recherche sur le vieillissement en général sont une des priorités de l'Université de Sherbrooke.
Nous sommes l'un des 19 centres de recherche du Fonds de recherche en santé du Québec. Cela témoigne de la reconnaissance, à l'échelle provinciale, de l'importance de notre champ de travail, la recherche sur le vieillissement. On estime qu'il s'agit d'un domaine qui a absolument besoin de l'attention et des efforts ciblés que le centre de recherche peut offrir. Nous recevons des fonds provinciaux et fédéraux pour l'infrastructure, de même que diverses subventions pour les projets de recherche eux-mêmes.
Nous incarnons en quelque sorte une approche modèle pour la recherche sur le vieillissement en santé. C'est le message que Mme Payette voulait vous communiquer. Nous devons mettre l'accent sur le vieillissement en bonne santé. Le Dr Hébert a également voulu exprimer cette idée. Les gens veulent vieillir chez eux et pas entre les murs d'un hôpital, et pour le faire, ils doivent demeurer en bonne santé. Dans l'avenir, il faudra mettre l'accent sur les moyens à prendre pour vieillir en bonne santé. Nous travaillons dans cette optique et nous examinons les services nécessaires. Pour cela, il faut des recherches car le domaine est encore tout nouveau.
En fait, tout le domaine de la recherche sur le vieillissement est nouveau. Cette année, le centre de recherche fêtera son 12e anniversaire. En 1988, ce n'était qu'un petit groupe de trois ou quatre chercheurs dirigé par le Dr Hébert. Prenons le cas, par exemple, des recherches sur le cholestérol qui ont commencé au début des années 50. Nous ne savons toujours pas comment interpréter les taux élevés de cholestérol, ni comment le traiter ou s'il y a lieu de le traiter. Il est peut-être vrai que chez le jeune adulte, il faut le traiter lorsqu'il y a des taux élevés de cholestérol LDL, mais qu'en est-il des sujets âgés? Faut-il absolument traiter le cholestérol à 75 ans? La plupart des personnes de cet âge prennent des statines. Aujourd'hui, est-ce justifié ou non? Comme on le voit, il s'agit d'un champ de recherche tout jeune, d'où son importance.
Une des principales craintes qu'inspire le vieillissement de nos jours, mis à part le cancer, c'est la maladie d'Alzheimer, le déclin cognitif et la perte de mémoire. Tout le monde, particulièrement la génération du baby-boom, redoute ce diagnostic; et dès qu'une personne demande où sont ses clés, les autres membres de la famille s'inquiètent.
Que faisons-nous dans le domaine de la maladie d'Alzheimer, dont l'incidence s'accroît rapidement. Les statistiques de toutes sources montrent que l'incidence a grimpé en flèche au cours des 20 dernières années. Qu'allons-nous faire à ce sujet? Existe-t-il actuellement des traitements efficaces? D'après les études sur le sujet, la plupart des médecins estiment qu'une fois que la maladie d'Alzheimer a été diagnostiquée, il est trop tard. Nous devons soigner les gens qui sont atteints de cette maladie, mais nous devons également réfléchir aux moyens de la prévenir.
La maladie d'Alzheimer n'est pas d'origine génétique. Les gènes interviennent d'une façon quelconque, mais si elle est plus fréquente de nos jours c'est parce que notre mode de vie a changé au cours des 50 dernières années. C'est là un facteur sur lequel nous pouvons agir. Nous n'arriverons pas à éliminer la maladie d'Alzheimer, mais nous pouvons en influencer la fréquence ou l'évolution. Les facteurs qui déterminent le risque de cancer, de diabète, de crise cardiaque ou d'accident vasculaire cérébral déterminent aussi le risque d'avoir la maladie d'Alzheimer. Ils ne sont pas dans une catégorie à part. Les recommandations sont les mêmes quant au traitement ou à la prévention de la maladie d'Alzheimer. Cela a trait aux risques de diabète.
Le diabète est le principal obstacle au vieillissement en santé; c'est un facteur lié à tous les aspects du cancer, des maladies cardiaques et du fonctionnement cérébral chez la personne âgée. Le diabète de type 2, dit diabète de la maturité, apparaît lorsque l'insuline cesse d'être bien utilisée par l'organisme. C'est un problème qui commence pendant la vingtaine, la trentaine ou la quarantaine. Nous devons changer les mentalités, en commençant auprès des enfants d'âge scolaire.
Les attitudes se développent pendant l'enfance, et l'adolescence. Et à l'école secondaire, en fonction des types d'aliments offerts, du degré d'activité physique, du nombre de professeurs d'éducation physique dans les écoles, du nombre de pistes cyclables dans les villes, et ainsi de suite. Ottawa est une ville extraordinaire à cet égard, à cause des pistes cyclables qu'on y trouve et de la possibilité de patiner sur le canal, même si elles n'existent que pendant deux ou trois semaines. Cependant, chacun choisit son genre d'activité physique en son for intérieur. Il ne s'agit pas d'acheter un exerciseur de 2 000 $ et de s'en servir religieusement pendant trois semaines pour ensuite ne plus y toucher. Il faut prendre l'habitude de se rendre au travail à pied, de descendre du métro une station avant celle de son immeuble et d'adopter ces comportements à vie pour prévenir les maladies.
Nous n'avons pas toutes les réponses, mais nous devons intervenir à différents niveaux. Il faut étudier ce qui se passe au niveau cellulaire afin de mettre au point de nouveaux médicaments. Certaines personnes âgées ont besoin de traitements médicamenteux et nous n'avons pas nécessairement encore les meilleurs. Il y a donc des avancées à faire sur le plan médical et le plan pharmaceutique.
Il y a également des mesures de santé publique de base qui relèvent du sens commun en ce qui concerne l'activité physique, la nutrition — comme la Dre Payette l'a indiqué — et les services qui permettraient aux gens de continuer à vivre chez eux. Il faut concilier nos interventions sur différents fronts : instaurer les mesures de santé publique, améliorer nos recherches et notre compréhension de certains aspects fondamentaux du vieillissement, aider les gens à demeurer en bonne santé pendant toute leur vie si possible afin d'éviter le plus longtemps possible leur hospitalisation.
Voilà le message que je voulais vous livrer. Merci de votre attention.
Le sénateur Mercer : Je tiens à vous remercier tous les trois d'être venus. Docteur Hébert, vous avez parlé des soins à domicile. Dans tous les endroits que nous avons visités jusqu'à maintenant, cette question était au centre du débat. Nous nous sommes rendus à différents endroits. À votre avis, quelle province a actuellement le meilleur programme de soins à domicile au Canada? Nous avons besoin d'un modèle et nous souhaitons nous inspirer de la meilleure formule dans nos recommandations.
Je sais que dans ma province d'origine, la Nouvelle-Écosse, le programme de soins à domicile laisse à désirer. Je n'aime pas le dire, mais c'est un fait. Y a-t-il une ou deux provinces que nous devrions examiner de plus près?
Dr Hébert : Je n'en suis pas sûr. Ayant beaucoup parcouru le Canada au cours des 20 dernières années, je peux vous dire qu'aucune province n'a de programme exemplaire en matière de soins à domicile. C'est du reste un problème généralisé au Canada, probablement attribuable au fait que ces soins n'étaient pas considérés comme médicalement nécessaires aux termes de la Loi canadienne sur la santé. C'est pour cela qu'ils ont été négligés.
Comme je le disais, il faut maintenant nous concentrer sur les soins à domicile, car c'est là que sont les besoins. À l'heure actuelle, il y a dans chaque province du Canada de nombreux exemples de désadaptation des hôpitaux aux soins de longue durée parce que les salles d'urgence sont bondées; les lits sont occupés par des personnes qui ont besoin de soins de longue durée. Les hôpitaux ne devraient plus être le cœur du système.
Nous devons recentrer le système sur de solides services de soins de première ligne et de solides soins à domicile; il faut aussi bien intégrer tous les services. Il est très difficile de coordonner les soins à domicile parce que beaucoup d'organismes et de professionnels interviennent dans ce domaine. Il faut une meilleure coordination.
Nous avons besoin de modèles proprement canadiens. Les modèles de soins intégrés qui sont actuellement décrits dans la littérature nous viennent des États-Unis, où le système de santé est très différent. Par exemple, le modèle PACE des États-Unis, le programme global de soins pour les personnes âgées, a été repris en Alberta. Il y est devenu le modèle CHOICE (Comprehensive Home Option of Integrated Care for the frail Elderly), dans lequel une organisation prend en charge une clientèle donnée, modèle qui n'est pas bien adaptée à la réalité canadienne.
Pour être utile, un modèle doit intégrer tous les organismes présents sur un territoire donné et non être à part du régime de santé habituel. Le modèle PRISMA, c'est-à-dire Programme de recherche visant l'intégration des services pour le maintien de l'autonomie, constitue un changement systémique. Il englobe tous les acteurs intervenant dans les soins aux personnes âgées, avec un guichet unique et un gestionnaire de cas à qui il incombe d'évaluer les besoins des gens et de veiller à ce qu'ils reçoivent les bons services du bon organisme au bon moment.
Le gestionnaire de cas est un professionnel essentiel dans ce modèle. Nous ne devrions pas refaire plusieurs évaluations des personnes âgées, mais plutôt faire en sorte que tous les organismes se fondent sur une évaluation commune et communiquent bien entre eux. Le dossier de santé électronique est un instrument très utile pour faciliter cette coordination et il fonctionne bien dans le contexte canadien. Nous savons comment instaurer un tel système et nous savons qu'il ne comporte pas de frais supplémentaires, mais il faut investir maintenant pour pouvoir en profiter plus tard. Voilà l'essentiel de notre message. On ne pourra pas profiter de cette coordination sans investir au départ.
Nous devons considérer les soins à domicile comme faisant partie intégrante de notre régime de soins de santé et nous devons investir dans les soins à domicile. Si nous le faisons, cela allègera les pressions sur les hôpitaux et les établissements de soins de longue durée tout en améliorant la qualité de vie des gens; beaucoup d'études le démontrent. Et c'est ce que les gens veulent : Ils veulent rester chez eux et obtenir les services là où ils vivent, et non l'inverse.
C'est un message très puissant, et j'espère que votre rapport y fera une grande place, car c'est capital pour la viabilité de notre système de santé.
Le sénateur Mercer : Je crois que c'est dans cette direction que nous nous orienterons, sans pouvoir l'affirmer catégoriquement aujourd'hui.
Monsieur Cunnane, vous avez dit que vous avez 37 chercheurs, 5 centres et 12 départements dans différents campus. C'est un bilan très impressionnant, particulièrement pour une ville de cette taille.
L'Université de Sherbrooke entretient des relations privilégiées avec la faculté de médecine de l'Université de Moncton, au Nouveau-Brunswick.
Dr Cunnane : Oui, effectivement.
Le sénateur Mercer : Votre centre de recherche a-t-il aussi des liens privilégiés avec le reste de l'Université de Moncton? Les autres facultés prennent-elles part à vos recherches et profitent-elles de la qualité des travaux que vous effectuez à Sherbrooke?
Dr Cunnane : La réponse est non. Du moins c'est ce que je pensais; peut-être que je me trompe. De toute évidence, je me trompe. Je céderai la parole à la Dre Payette.
Dre Payette : Je pense qu'il n'existe pas d'organisation ou de collaboration systématique, mais j'ai été professeure auxiliaire à l'Université de Moncton pendant de nombreuses années. D'autres chercheurs du centre de recherche et de l'Université de Sherbrooke ont collaboré pendant un certain temps et continuent de le faire. Il existe un centre du vieillissement à l'Université de Moncton et nous traitons avec des membres du département des sciences sociales et du département de nutrition. J'ai supervisé de nombreux étudiants et je continue de collaborer avec eux. Je suis co- chercheure dans des projets à l'Université de Moncton.
Je pense que cela se fera. Il n'y a pas beaucoup de recherche qui est faite sur le vieillissement à l'Université de Moncton, mise à part celle effectuée par le département des sciences sociales, mais je pense que nous pouvons progresser et pourrons accroître cette collaboration à un moment donné.
Dr Hébert : Vous soulevez un très bon argument. Nous avons développé un campus à Moncton pour 24 étudiants de première année en médecine. J'étais là hier à l'occasion de ma visite annuelle afin de rencontrer les étudiants, les professeurs et l'administration de l'hôpital, et les choses se déroulent très bien. Nous entrons dans notre deuxième année aujourd'hui, donc nous comptons 48 étudiants, et les choses se déroulent très bien. Nous participons déjà à des stages cliniques au Nouveau-Brunswick et aussi à des programmes d'internat en médecine familiale depuis 15 ans maintenant.
Vous faites valoir un bon argument. Il est maintenant temps d'élargir cette participation à la recherche, et probablement que la recherche sur le vieillissement est un bon point de départ. Récemment, le gouvernement du Nouveau-Brunswick a annoncé la création d'une agence de recherche dans la province, qui permettra d'appuyer les projets et les centres de recherche. Je suis sûr que l'Université de Sherbrooke participera très activement à l'élaboration d'une telle initiative dans la province.
Le sénateur Mercer : Je tiens à ce que vous sachiez que ceux d'entre nous qui viennent des Maritimes apprécient vraiment le travail qu'effectue l'Université de Sherbrooke avec l'Université de Moncton. Il est très important que nous ayons des médecins formés chez nous qui travaillent en français à cause de la présence de la population acadienne dans les trois provinces des Maritimes. Cela sera très utile au fur et à mesure que les premiers diplômés sortiront des universités — et nous espérons qu'ils resteront dans la région atlantique du Canada.
C'est le genre de coopération dont devraient faire preuve les écoles pour régler les graves problèmes que nous connaissons partout au pays. Je tiens à m'assurer que vous sachiez que nous apprécions beaucoup cette initiative.
Dr Hébert : Pour l'instant, les étudiants francophones de la Nouvelle-Écosse, de l'Île-du-Prince-Édouard et de Terre- Neuve viennent à Sherbrooke pour y faire leur formation médicale. Nous accueillons trois ou quatre étudiants chaque année, et nous sommes en train de négocier à l'heure actuelle avec le gouvernement du Nouveau-Brunswick pour que les étudiants restent sur le campus de Moncton au lieu d'aller à Sherbrooke. Ce sera une très bonne chose d'assurer la formation des étudiants de la région atlantique dans les provinces de l'Atlantique.
La présidente : Dans mes discussions avec le Dr Hébert plus tôt, j'ai également appris qu'il y a des francophones de l'Ouest du Canada, le Manitoba inclus, qui suivent leur formation à l'Université de Sherbrooke, et qu'il y a des médecins à leur disposition pour leur permettre de suivre leur formation médicale en français.
Le sénateur Keon : La Loi canadienne sur la santé a grandement contribué à la société canadienne, mais la conséquence négative de cette loi, c'est qu'elle a obligé le payeur unique pendant très longtemps à payer uniquement les services assurés par les médecins ou les hôpitaux. Nous sommes graduellement en train de nous éloigner un peu de ce modèle.
Quoi qu'il en soit, j'ai passé ma vie professionnelle, 35 ans, à titre de PDG d'un établissement assez important, et à titre de médecin praticien. Je me suis rapidement rendu compte que nous ne faisions pas les choses correctement. J'ai tâché de convaincre les gouvernements au fil des ans d'apporter des changements sans beaucoup de succès, mais je pense que nous sommes sur le point d'y arriver.
J'aimerais faire une parenthèse. Au Sénat, à l'heure actuelle, je m'occupe d'une étude sur le cycle de la vie humaine, c'est-à-dire sur la santé des populations, qui porte entre autres sur le rôle parental, la santé maternelle, le développement du jeune enfant et les aînés. Je ne crois pas que nous réussirons à concrétiser nos idées à moins que les idées que vous avez tous les trois exprimées ce matin puissent être adoptées, c'est-à-dire que nous devons construire une infrastructure communautaire.
Cela est difficile, parce que les milieux dirigeants du secteur hospitalier sont si puissants. Lorsque l'on parle d'infrastructure communautaire, ils sautent sur cette idée et veulent s'occuper de la construction et ils disposent d'énormes budgets. Je le sais, parce que j'ai eu accès à un budget annuel de plus de 100 millions de dollars pendant des années. On pouvait faire pratiquement tout ce que l'on voulait avec cet argent, et c'est un énorme obstacle.
Je vous félicite d'avoir décidé de collaborer. Ce qui est vraiment intéressant à propos du travail que vous faites au Québec, c'est que vous êtes en avance sur les autres. Mon frère était médecin de famille et a travaillé dans des CLSC, les centres locaux de services communautaires, lorsqu'ils ont été mis sur pied la première fois. C'était à mon avis l'une des innovations des plus intéressantes que je n'avais jamais constatée en médecine, mais d'une façon ou d'une autre, ces centres n'ont pas fonctionné comme ils auraient dû. J'ignore ce qui s'est passé, mais cela n'a pas fonctionné. C'était une excellente idée d'intégrer les services sociaux et médicaux au niveau communautaire.
Si l'on veut que les mesures que vous préconisez ce matin se concrétisent, c'est-à-dire que pour permettre à un aîné de vivre une vie en santé, il faut que cette personne commence à planifier sa vie pendant son adolescence en prévision de sa vieillesse de sorte à mourir heureuse dans son propre lit à l'âge de 105 ans sans avoir eu le cancer, de maladie cardiaque, d'accident vasculaire cérébral, de diabète de type 2 et ainsi de suite, nous devrons modifier radicalement notre conception de la santé; et c'est la question que je vous pose.
Comment pouvons-nous inciter les gouvernements à modifier radicalement leur façon de penser et à investir dans les soins communautaires et à domicile, entre autres, mais aussi à investir dans la collectivité où il est possible de mettre en œuvre les idées que vous préconisez? J'aimerais connaître votre opinion à tous les trois.
Dr Hébert : C'est une très bonne question.
Au cours des 10 ou 15 dernières années, j'ai constaté que le discours au sujet du vieillissement se tient de plus en plus souvent dans la sphère publique qu'auparavant, et c'est une très bonne chose. La génération du baby boom vieillit, et ce sera un phénomène très important parce que cette génération a été associée au développement social du pays et au développement de tous les services de santé dont nous profitons. Je suis sûr qu'elle continuera à demander de bons services, l'accès aux services, à des soins à domicile, et ainsi de suite.
Je suis persuadé que la nouvelle génération de personnes âgées sera plus efficace pour ce qui est de convaincre les politiciens et le gouvernement qu'il s'agit d'un domaine important.
L'autre phénomène que je constate à l'heure actuelle, c'est que les hôpitaux se rendent compte que si les services de soins communautaires et de soins primaires sont meilleurs, ils feront l'objet de moins de pression, et cela leur sera bénéfique. Cela permettra aux hôpitaux de se concentrer sur leur objectif principal, à savoir de dispenser des soins de courte durée, des soins technologiques et de ne pas être débordés par les demandes de personnes qui ont besoin de soins primaires ou de soins de longue durée.
Il sera très important que le PDG d'un hôpital adopte cette mentalité parce que d'après ce que je constate ici à Sherbrooke, par exemple, la PDG de l'hôpital universitaire appuie solidement le développement des soins primaires et des soins communautaires dans la région parce qu'elle se rend compte qu'il est très important que l'hôpital universitaire mette l'accent sur son objectif principal.
Des commissions comme la vôtre et comme la nôtre ont un rôle très important à jouer pour stimuler le débat et le tenir sur la place publique. Je vous en félicite. Je suis très heureux que vous ayez pris un engagement en ce sens. Nous devons convaincre les politiciens et les gouvernements que c'est la voie à suivre.
Docteur Keon, comme vous le savez, c'est un peu comme traiter une fièvre avec de l'aspirine sans traiter l'infection. Investir dans des hôpitaux parce qu'ils sont débordés par les soins d'urgence et que les lits sont occupés par des personnes qui ont besoin de soins de longue durée, cela équivaut à traiter la fièvre mais pas l'infection. Si nous ne traitons pas la cause en améliorant les soins communautaires et les soins primaires, nous ne réglerons jamais le problème des hôpitaux. C'est un enjeu important pour assurer la durabilité de notre système de soins de santé.
Dre Payette : La recherche joue un rôle très important à cet égard parce qu'elle fournit des données factuelles qui permettent de déterminer clairement ce qui est important, quels sont les problèmes, comme l'étude PRISMA ou d'autres études longitudinales sur la santé des populations. Nous sommes en train d'effectuer une étude longitudinale sur la nutrition et le vieillissement à Sherbrooke et à Montréal. Ces études, comme l'Étude longitudinale canadienne sur le vieillissement, ELCV, qui se fait pratiquement sur le terrain maintenant, fourniront des données factuelles qui permettront également de sensibiliser la population plus âgée au fait que nous nous intéressons à elle.
J'ai pu le constater auprès de la cohorte que nous avons suivie pendant quatre ans. Ces personnes s'intéressent beaucoup à connaître les possibilités qui existent pour elles en matière de services de santé et de services sociaux. Ce transfert de connaissances qui est créé grâce aux études sur la santé des populations peut contribuer à mobiliser les gens pour qu'ils demandent de meilleurs services et de meilleurs soins.
Dr Cunnane : Je pense que vous avez posé le défi du siècle, dans un certain sens, docteur Keon. Mon point de vue correspond à ceux de la Dre Payette et du Dr Hébert.
Nous devons travailler de façon parallèle; nous devons faire plus de recherche. C'est comme la recherche sur le diabète ou le cancer ou toute autre importante maladie dégénérative, en ce sens que nous pouvons dire qu'il y a toujours de nouveaux renseignements dont nous avons besoin avant d'agir, mais qu'il existe certaines mesures que nous pouvons prendre dès maintenant.
Selon moi, la recherche qui pourrait porter sur les conditions qui permettent de vieillir en santé pourrait se faire dans des collectivités modèles où nous pourrions mettre sur pied un projet pilote sur une base communautaire. Nous aurions probablement besoin d'une population de 50 000 ou de 100 000 personnes pour le faire. Cependant, sommes-nous prêts à investir dans un modèle pour mettre à l'épreuve les idées que nous avons? Nous avons suffisamment d'information pour réagir maintenant. Nous n'avons pas toutes les réponses, mais nous n'aurons jamais toutes les réponses. Nous continuerons à faire de la recherche pour améliorer les services et l'accès aux soins à domicile, mais pourquoi ne pas investir dans un réseau national de collectivités modèles où nous mettons à l'essai une idée?
Cela ressemblerait aux projets environnementaux, si vous voulez. Nous ne devrions pas attendre des élections et que le gouvernement change notre mentalité — de toute évidence, les gouvernements doivent investir dans des mesures qui relèvent du domaine de la santé; c'est un mandat provincial. Nous avons les éléments fondamentaux d'une communauté modèle, à Moncton peut-être, ou à Granby, au Québec. Je ne possède pas les compétences me permettant de déterminer la façon de mettre en œuvre ce genre de projet, mais je pense que nous sommes arrivés à ce stade. C'est ce que je proposerais.
Le sénateur Keon : C'est une notion extrêmement intéressante. J'ai observé les gouvernements qui se sont succédé au fil des ans au niveau fédéral, et ils craignent de contrarier les provinces. Par conséquent, ils disent que la santé relève de la compétence des provinces. Or, les provinces sont acculées à la faillite à cause de leurs systèmes de soins de santé, et certaines doivent consacrer près de la moitié de leur budget au système de soins de santé. Elles n'ont aucune marge de manœuvre. Il ne se produira rien à ce niveau-là parce qu'elles n'ont pas d'argent. C'est le gouvernement fédéral qui a l'argent.
Le rôle du gouvernement fédéral est d'assurer le bien-être de l'ensemble des Canadiens, à mon avis. Sa responsabilité est d'assurer le financement, les incitatifs et l'organisation qui favoriseront le changement. Par exemple, nous n'arriverons jamais à sortir de la situation dans laquelle nous nous trouvons à l'heure actuelle et où l'ensemble des fonds est destiné aux hôpitaux et aux professions médicales plutôt qu'à la population générale et à des établissements communautaires de services médicaux et sociaux dont nous avons besoin pour vieillir en santé, comme les soins à domicile et le travail social.
Comment nos comités sénatoriaux peuvent-ils inciter le gouvernement fédéral à faire sa part et à exercer ses responsabilités, à faire preuve de leadership pour apporter les changements qui s'imposent dans le domaine de la santé au Canada? Comment pouvons-nous encourager le gouvernement fédéral à offrir le financement qui permettra le changement, qui permettra à des aînés en santé de vivre chez eux, et cetera, ce qui suppose un énorme changement à apporter à l'infrastructure, comme vous l'avez tous dit?
Dr Cunnane : Je n'ai pas de boule de cristal, mais j'aimerais faire allusion à un exemple particulier sur la façon dont le changement s'est produit en situation de gouvernement minoritaire, un changement qui a influé sur la santé des Canadiens dans une situation de gouvernement minoritaire il y a quatre ou cinq ans.
Paul Martin a été premier ministre pendant un certain temps, et la question des gras trans préoccupait beaucoup les Canadiens. Si je me souviens bien, un député néo-démocrate du Manitoba, dont le nom m'échappe, a utilisé à un certain point cet enjeu comme moyen de pression, je suppose, et les règles ont été modifiées à propos de la teneur en gras trans dans l'alimentation canadienne.
Les renseignements scientifiques n'ont pas changé du jour au lendemain au moment où ce processus a été entamé. Qu'est-ce qui a changé? Cela a été l'occasion de travailler et de négocier au sein du système parlementaire que nous avons, et particulièrement dans le contexte d'un gouvernement minoritaire.
Nous nous trouvons dans cette situation aujourd'hui, et les cartes sont peut-être alignées différemment. Quoi qu'il en soit, les situations de gouvernement minoritaire sont peut-être l'occasion d'essayer d'exercer des pressions afin d'adopter une approche multipartite, ce qui serait impossible dans une situation de gouvernement majoritaire fort où on pourrait peut-être ne pas tenir compte de certaines des pressions provenant de tous les côtés.
Les gens qui se trouvent dans notre situation ont l'obligation d'exercer des pressions sur le gouvernement directement sur la Colline du Parlement, comme nous l'avons fait dans le cas de l'exode des cerveaux au fil des ans, ce qui a donné lieu au Programme de chaires de recherche du Canada, entre autres. Ce programme a été le résultat des pressions exercées par les scientifiques et les professeurs, et c'est ce que nous devons faire. Cela fait partie de nos obligations.
Dr Hébert : Je suis très déçu ces jours-ci, particulièrement en ce qui concerne le gouvernement du Québec, qui se plaint depuis 10 ans maintenant du déséquilibre fiscal et du fait que c'est la province qui paye les dépenses et que c'est le gouvernement fédéral qui touche les recettes. Au cours des deux dernières années, le gouvernement fédéral a diminué la taxe sur les produits et services, la TPS, de 2 points de pourcentage, et la province n'a pas profité de l'occasion pour investir ces recettes fiscales afin d'améliorer les services destinés à la population.
C'est scandaleux, parce que cela représente 2,5 milliards de dollars pour la province. Avec 2,5 milliards de dollars, on peut considérablement améliorer les soins à domicile et les soins de santé. Cependant, ils n'ont pas saisi l'occasion de redresser le déséquilibre fiscal. Un autre exemple, c'est le transfert relatif à la santé que certaines provinces utilisent pour diminuer les impôts au lieu d'investir dans la santé. C'est un grave problème.
Je ne sais pas, l'idée peut paraître étrange, mais peut-être que nous pourrions réserver une part du transfert en matière de santé aux soins à domicile, afin d'obliger la province à investir dans les soins à domicile dont les Canadiens ont besoin. L'idée est peut-être étrange, mais je suis sûr que vos analystes pourraient se pencher là-dessus pour voir ce que vous pourriez proposer dans votre document.
La présidente : J'ai trouvé très intéressant que, avant que l'Accord sur la santé ne soit signé en 2004, toutes les provinces, y compris le Québec, avaient donné leur accord à un programme national d'assurance-médicaments. Dans ce cas-là, c'est le gouvernement fédéral qui a décidé de ne pas instituer de programme national d'assurance- médicaments.
J'ai l'impression que les provinces ne veulent peut-être pas que tout le pouvoir repose entre les mains du gouvernement fédéral, et cela se comprend; après tout, c'est quelque chose dont la mise en œuvre relève de leurs compétences selon la Constitution. Cela dit, le gouvernement fédéral pourrait trouver des moyens d'acheminer des fonds fédéraux aux provinces pour des programmes en particulier, y compris les soins à domicile.
[Français]
Le sénateur Chaput : J'aimerais d'abord dire à quel point j'ai aimé vos présentations. Je suis une francophone du Manitoba et nous nous sommes toujours tournés, comme francophones, vers le Québec pour regarder ce que vous faisiez parce qu'à nos yeux, vous êtes avant-gardistes.
Je sais que le Collège universitaire de Saint-Boniface a un programme de formation à distance avec le Québec dans le domaine de la santé.
Si l'accent était mis sur la santé au Canada et sur la capacité de la personne vieillissante, en partant avec cette prémisse de base, nous pourrions considérer le domicile de la personne comme étant le noyau. Si c'était le cas, si j'ai bien compris, il faudrait clarifier le statut de la Loi sur la santé au Canada qui, je pense, met plutôt l'accent sur la guérison après un séjour à l'hôpital.
Si c'était le cas, en clarifiant le statut de la loi, on pourrait apporter les soins à domicile comme étant une priorité. Si c'était une recommandation, est-ce que vous verriez le fédéral prendre un rôle très actif en termes des soins à domicile? Quels changements aurions-nous besoin de faire et quel serait le rôle du fédéral?
Dr Hébert : Je crois que le rôle du fédéral d'abord serait d'inclure dans la législation sur la santé du Canada les soins à domicile. Ce serait déjà un très grand pas. On enverrait le message à toutes les provinces et territoires que les soins à domicile doivent faire partie de la couverture de services.
Je ne crois pas que ce soit le rôle du fédéral d'organiser les soins, de donner les soins, d'être instrumental dans l'organisation des services, mais le rôle des provinces. Par contre, les transferts fiscaux vers les provinces, à mon avis, devraient identifier les soins à domicile comme un champ spécifique de financement.
Je pense que toutes les provinces sont prêtes à le faire. Vous donneriez ainsi à nos provinces une arme, un outil pour dire : « je ne peux pas investir dans l'hôpital, j'ai de l'argent pour investir à domicile ». Donc, vous donnez un outil aux provinces pour se justifier par rapport à la main mise ou à l'empire hospitalier. Je pense que c'est peut-être une voie à explorer.
Le sénateur Chaput : Est-ce que vous verriez une norme nationale?
Dr Hébert : Non, pas une norme nationale. Je suis un de ceux qui pensent qu'on doit laisser aux provinces le soin d'organiser les services. Il peut y avoir des objectifs ou des orientations stratégiques nationales comme les soins à domicile, comme les soins à long terme, mais je ne crois pas qu'il doit y avoir de norme nationale. Il y a 13 systèmes de santé différents au Canada et je pense que c'est une richesse. Tout en satisfaisant les objectifs nationaux et les valeurs des orientations nationales, on va laisser les provinces ajuster la répartition des services par rapport à leur organisation de services.
Le sénateur Chaput : J'aurais une question pour Mme Payette. En termes des soins à domicile, est-ce que vous pourriez y voir une composante d'une diététiste, une personne qui s'y connaît, une équipe volante, je ne sais pas, une composante qui apprendrait justement aux familles, aux écoles tout au long de la vie? Est-ce que cela pourrait être intégré dans ces soins?
Dre Payette : Je pense que c'est essentiel que ce soit intégré dans ce programme de soins de service à domicile. Et c'est ce que j'évoquais, la rareté des postes de professionnels en nutrition dans la communauté, dans les organisations communautaires. Même dans notre système actuel de CLSC, les postes de nutritionnistes sont très, très rares. Ces personnes sont prioritairement affectées aux petits bébés, aux enfants, aux femmes enceintes et si elles ont quelques heures par semaine, un peu aux personnes âgées.
Alors, je pense qu'il faut vraiment revoir l'importance de ces services et avoir un suivi régulier, que l'alimentation soit un des aspects de l'évaluation globale de la personne et de ses besoins; qu'il y ait un système très rigoureux de mis en place d'organisation de tous les services, incluant les services alimentaires dans un programme de soins à domicile.
J'ai eu à plusieurs reprises l'occasion de constater que l'accès à l'alimentation et la difficulté de préparer étaient souvent les raisons pour lesquelles les personnes changeaient de milieu de vie et décidaient d'aller en résidence. Pour moi, c'est absolument honteux que ce service qui est tout simple ne puisse pas être offert alors qu'on a plusieurs autres services. On a des services de livraison de repas. Il pourrait y avoir des services d'aide à la préparation de repas qui puissent aider ces personnes à rester chez elle. Je pense que dans un programme de soins à domicile, c'est essentiel d'avoir cet aspect.
Vous savez, on ne se rend pas compte quand on n'a pas d'incapacité ou qu'on n'a pas de difficulté relativement à cela, mais on mange trois fois par jour. On aime bien manger et avoir des aliments sains. On mange trois fois par jour et il faut aller faire l'épicerie au moins une fois par semaine.
Toutes ces activités qui sont reliées à l'alimentation peuvent devenir très problématiques quand la personne commence à être fragile, quand l'hiver, les trottoirs sont trop glacés pour sortir. C'est vraiment un des domaines qui est le plus affecté et rapidement chez la personne qui se fragilise.
Donc, pour moi, oui, c'est essentiel.
[Traduction]
La présidente : Permettez-moi d'intervenir brièvement à ce sujet. Vous avez parlé dans vos remarques des lignes directrices. Pensez-vous qu'il faudrait modifier le Guide alimentaire canadien afin qu'il y soit expressément question des personnes de plus de 65 ans, ou de je ne sais trop quel âge?
Dre Payette : Je suis heureuse que vous posiez la question. Je voulais en parler dans mon exposé, mais j'ai pensé que je n'aurais pas le temps de le faire.
Oui, bien sûr. À l'heure actuelle, le Guide alimentaire canadien ne comprend pas vraiment de recommandations ou de lignes directrices visant expressément les personnes âgées. Comme je l'ai déjà indiqué, il y a des parties du guide où les recommandations pourraient être rajustées, il y en a d'autres où des nuances pourraient être ajoutées et, dans certains cas, les recommandations pourraient être changées du tout au tout.
Je songe, par exemple, au poids optimal. Depuis 10 ans, nous avons constaté — nous ne savons pas trop pourquoi, mais c'est un fait — que tous ceux qui sont en surpoids par rapport au critère de l'indice de masse corporelle vivent plus longtemps ou sont en meilleure santé, et ils se tirent mieux d'affaire que les autres. Les gens sont toujours heureux de m'entendre dire cela.
Les avertissements sérieux que nous entendons de nos jours au sujet de l'obésité sont fondés; il y a effectivement un problème d'obésité. Au fur et à mesure que les gens vieillissent, ils deviennent très sensibles aux messages sur la santé publique. Bien souvent, les gens vont limiter leur consommation d'aliments à la suite de ces avertissements, car on leur dit qu'ils pourront ainsi éviter toutes ces maladies. Il faut toutefois être très prudent quand il s'agit de transmettre des messages de santé publique, et nous devons certainement réviser les lignes directrices alimentaires et les adapter aux personnes vieillissantes.
La dernière version du Guide alimentaire canadien comprend des recommandations qui visent tout particulièrement les aînés, mais cela ne suffit pas. C'est que nos connaissances sont encore incomplètes; il faudrait plus de recherche pour pouvoir transmettre un message plus clair. Il peut également être très dangereux pour la qualité de vie et la santé des gens de leur transmettre un message erroné.
Dr Cunnane : Je suis d'accord avec Mme Payette, mais je crois qu'il faut aussi en arriver à un certain équilibre. Nous avons tendance à « surmédicaliser » le traitement des maladies et à oublier quelque peu le volet santé publique. Il nous faut transmettre un message au sujet de la nutrition et de la prévention, et il faut améliorer le Guide alimentaire canadien pour qu'il soit applicable à tous les groupes d'âge. Nous avons également bureaucratisé la nutrition. De nos jours, il faut regarder l'étiquette pour savoir exactement ce que nous mangeons. En fait, les aliments les plus sains sont ceux qui n'ont pas d'étiquettes.
Il y a le message en ce qui concerne les améliorations à apporter au guide alimentaire, mais il y a aussi le message que nous avons, du moins au Québec — et c'est peut-être vrai à l'échelle nationale — au sujet de la formule 5-30 : cinq portions de fruits et légumes et 30 minutes d'exercice par jour. Faisons en sorte de simplifier ce que nous pouvons simplifier et d'améliorer la recherche et les lignes directrices, mais ne rendons pas le message trop complexe parce que les gens ne le comprendront pas; en fait, il n'est pas nécessaire de le rendre plus complexe.
Le sénateur Cools : Je tiens à vous remercier tous les trois d'être venus témoigner devant nous. Ce faisant, je tiens aussi à vous remercier pour le travail que vous faites en tant que spécialistes dans ce domaine qui est nouveau et qui répond à un véritable besoin.
Je profite également de l'occasion pour remercier le Dr Keon. Le Dr Keon est un être humain bien spécial, qui a consacré une bonne partie de sa vie à la pratique de la médecine, dans un domaine très spécialisé. Bien des gens ne savent pas qu'il est tout aussi dévoué en tant que sénateur et qu'il apporte au Sénat la très grande connaissance qu'il a du régime des soins de santé. Je tenais simplement à vous remercier pour cela, docteur Keon.
Je me demande si vous pourriez nous en dire un petit peu plus au sujet des éléments liés à la nutrition, comme la nécessité d'accroître la consommation de protéines parmi la population vieillissante. Vous avez dit que l'alimentation est la composante la plus rentable des centres d'accueil — je n'en avais pas la moindre idée. Je me demande si vous pourriez, très rapidement, nous en dire un peu plus à ce sujet.
En outre, un de vous a parlé du nombre croissant de personnes qui souffrent d'Alzheimer et de diabète de type 2 de nos jours.
Dre Payette : Je vais commencer par les protéines. La dose de protéines recommandée pour les adultes est de 0,8 gramme par kilogramme de masse corporelle. La recherche nous montre toutefois que cette dose n'est pas suffisante pour les personnes âgées, qui se mettent graduellement à puiser dans leur protéine musculaire pour avoir la quantité de protéines nécessaire pour la formation des tissus et le reste.
Nombreux sont ceux qui ne mangent même pas 0,8 gramme de protéine par kilogramme de poids par jour. Les lignes directrices n'ont même pas encore été rajustées en ce sens, mais j'espère qu'elles le seront d'ici quelques années, au fur et à mesure que les recherches se multiplieront et que nous comprendrons qu'il faut augmenter la dose recommandée de protéine.
Nous devons être conscients du fait que, au fur et à mesure qu'une personne réduit sa prise alimentaire, la quantité d'aliments qu'elle ingère, il se peut qu'elle ne consomme pas assez de calories et qu'elle doive utiliser les protéines comme source d'énergie. Or, les protéines devraient servir, non pas à donner de l'énergie, mais à la formation des tissus. Le problème est encore plus grave quand la personne ne consomme pas assez de calories, comme c'est bien souvent le cas, car les protéines qu'elles consomment sont utilisées comme source d'énergie. Il n'arrive pas souvent qu'on parle des protéines comme étant un problème pour notre population, parce que nous avons tous les aliments dont nous avons besoin pour avoir assez de protéines, mais c'est un problème pour les personnes plus âgées.
Pour ce qui est de l'alimentation offerte aux personnes vivant dans des résidences, les recherches montrent que la qualité et la quantité de ces aliments sont insuffisantes. Premièrement, cela s'explique par le fait qu'on s'imagine que les personnes âgées ne mangent pas tellement; deuxièmement, les aliments coûtent très cher, si bien que les résidences privées qui doivent réaliser un bénéfice se servent de ce poste budgétaire pour abaisser leurs coûts.
C'est quelque chose qui se produit plus souvent qu'on ne le voudrait.
Dr Cunnane : Vous avez posé une question au sujet de l'Alzheimer et du diabète de type 2. En parliez-vous dans le contexte d'un accroissement du nombre de cas de diabète?
Le sénateur Cools : Vous nous avez dit que le nombre de cas était à la hausse, et je me demandais si vous pourriez nous en dire un petit peu plus à ce sujet.
Dr Cunnane : La maladie d'Alzheimer est une maladie complexe, et je ne veux pas vous donner l'impression que nous avons des solutions instantanées. Le principal facteur de risque non génétique est le diabète qui se déclenche à l'âge adulte. C'est là un phénomène qu'on ne constatait pas parmi les Autochtones de l'Amérique du Nord il y a 50 ans. De nos jours, c'est de loin le plus gros problème avec lequel la population autochtone du Canada est aux prises.
C'est une question de mode de vie. Nous avons des susceptibilités qui sont différentes sur le plan génétique; les gens de différentes origines ont des risques innés différents. Cependant, nous nous exposons ensuite à ces risques et c'est pourquoi les résultats se font sentir différemment dans certains groupes de la population.
Le diabète de type 2 est lié au mode de vie; c'est une question d'activité et d'alimentation — le fait d'avoir un excès de poids et de faire peu d'activités physiques. Je suis personnellement d'avis que l'activité physique est l'élément qui pourrait changer le risque de diabète, plus que de changer ce que l'on mange. C'est mon point de vue. Tout le monde n'est pas d'accord avec cela, mais nous devrions certainement faire quelque chose pour promouvoir l'activité physique, pour une foule de raisons, en plus du diabète.
Par conséquent, si on a aujourd'hui un problème avec la maladie d'Alzheimer et le diabète, si l'on se projette 20 ans ou 30 ans dans l'avenir, compte tenu du risque que courent nos adolescents, et même nos enfants qui souffrent aujourd'hui d'obésité, nous avons un problème à l'horizon. C'est un Titanic dont il faut absolument changer le cap, parce que l'iceberg n'est pas très loin.
La présidente : Comme vous le savez, une étude intéressante a été faite dans une collectivité autochtone où l'on a changé le régime alimentaire pour revenir au régime antérieur comportant beaucoup de protéines de poisson gras et de gibier, et tout à coup, le taux de diabète a diminué. Cela vient alimenter le débat.
Dr Hébert : Je veux soulever rapidement un point sur les soins palliatifs. Les soins palliatifs sont vus comme des soins dispensés aux gens relativement jeunes qui se meurent d'un cancer. Nous devrions probablement changer cette perspective pour se tourner plutôt vers les soins dispensés de la vie, parce que les personnes âgées meurent habituellement du cancer, mais aussi de démence et de maladies cardiovasculaires. Nous devrions favoriser les soins au terme de la vie parmi les vieillards. J'espère que le document élargira la notion de soins palliatifs afin d'encourager les personnes âgées à rechercher ces services dispensés aux mourants.
La présidente : Merci, docteur Hébert.
Comme vous le savez, chers collègues, les soins palliatifs sont une cause qui me tient à cœur, mais en outre, c'est dans le cadre de ce dossier que j'ai rencontré pour la première fois le Dr Hébert, et voilà pourquoi nous sommes à Sherbrooke aujourd'hui.
Je tiens à remercier le Dr Hébert, la Dre Payette et le Dr Cunnane de leurs excellents exposés de ce matin. Je sais que vos idées seront reflétées dans notre rapport final que nous espérons déposer le 30 septembre, parce que le 1er octobre est le Jour international des personnes âgées et nous avons pensé que ce serait bien que nous puissions déposer notre rapport au Sénat ce jour-là.
[Français]
Honorables sénateurs, passons maintenant à notre deuxième table ronde. Nous avons le plaisir d'accueillir, de l'Association estrienne pour l'information et la formation aux aînées et aux aînés, Mme Sylvie Morin, et de l'Agence Continuum inc., Mme Hélène Gravel.
Hélène Gravel, présidente, Agence Continuum inc. : Madame la présidente, merci beaucoup de nous accueillir ici ce matin. L'Agence Continuum est une agence privée de recrutement, mais avec une spécialité de retour à l'emploi des personnes préretraitées et retraitées.
La raison d'être de l'agence est née d'une constatation quand même assez évidente : d'une part évidemment, le vieillissement de la population, mais aussi la pénurie de main-d'œuvre, et aussi le fait qu'on savait pertinemment que nos entreprises allaient avoir besoin de main-d'œuvre qualifiée, compétente, et que le bassin des préretraités et retraités, selon moi, répondait très bien à ces critères.
En même temps, je vous avoue qu'on est en fonction depuis deux ans et cela nous a évidemment amenés à rencontrer plusieurs retraités qui ont œuvré toute leur vie dans plusieurs secteurs d'activités. Il y a un fil conducteur là-dedans qui est, d'une part, qu'après une prise de retraite d'un an ou deux, et là je vous parle de gens qui sont âgés entre 52 et 70 ans, on avait de grands rêves pour la retraite. On se disait qu'on allait pouvoir voyager, faire les activités qu'on n'a jamais fait. Au bout de deux ans, ces gens-là constatent qu'ils s'ennuient, et l'estime d'eux-mêmes a considérablement baissé.
Il ne faut pas oublier qu'on est face à des gens qui, toute leur vie, se sont identifiés à ce qu'ils faisaient et non pas nécessairement à ce qu'ils étaient. Donc, on fait face à énormément de détresse parmi certains de nos candidats qui se disent : « Qu'est-ce que je vais faire maintenant pour le reste de ma vie »?
Vous le savez, on vit de plus en plus vieux, on gagne une année maintenant tous les quatre ans, et cette période-là, d'inactivité professionnelle à leurs yeux, leur pèse de plus en plus.
De plus en plus, la société est intéressée à réengager des gens un peu plus âgés. Ce sont de formidables ressources humaines, des gens excessivement compétents, pour qui la fiabilité est exemplaire. Si on peut comparer, par exemple, à ce qu'on retrouve dans la génération « Y » actuellement, c'est complètement différent. Mais il ne faut pas se le cacher, il y a plusieurs personnes pour qui on a beaucoup plus de misère à trouver un emploi conséquent.
Ce qu'on a choisi de faire est de sortir un peu des sentiers battus et d'innover. On a essayé d'analyser les besoins de la population et d'offrir des services qui pourraient être comblés par ces gens-là. On offre deux services, qui sont très simples. D'abord, on offre le service de chauffeurs privés. Manifestement, ce sont des retraités plus souvent masculins, mais on a des femmes aussi, qui peuvent combler leur ennui en rendant service à des gens qui ont besoin de se déplacer, par exemple, pour aller voir le médecin. On a donc les personnes retraitées, chauffeurs, et on a beaucoup de policiers retraités qui travaillent pour nous. C'est donc rassurant pour notre clientèle et c'est fort pratique pour des gens qui malheureusement n'ont pas de famille qui peut les amener dans leur lieu de rendez-vous. Le service de chauffeur sert également pour des congrès et pour tout ce qui est voyage professionnel. On va reconduire beaucoup de professionnels, de professeurs d'université, par exemple, à l'aéroport.
L'autre service est ce qu'on appelle des nounous à domicile. On a une banque de retraités, plus souvent des femmes, qui viennent aider les jeunes familles. On sait que les jeunes familles sont essoufflées, et on veut aussi augmenter le taux de natalité, alors on se dit, comment peut-on faire pour les aider? Souvent les grands-parents ne sont pas à proximité. Je vous avouerai qu'actuellement on est en pénurie de nounous, parce que la demande est exponentielle. Ce sont tellement de belles histoires que l'on voit au quotidien quand on réussit à faire le match parfait. Ce sont souvent des femmes âgées qui malheureusement, vous le savez, vivent sous le seuil de la pauvreté. En tout cas, ici dans la région, c'est réellement un problème. On vient aider des jeunes familles, avec l'apport d'une personne responsable, de 20 à 40 heures/semaine, et on vient aider une personne qui en a grandement besoin monétairement, avec un salaire de 10 $ l'heure.
Je vous avouerai que les demandes tant pour les chauffeurs que pour les nounous, qui représentent une petite partie de ce que l'on fait, sont en croissance. Je pense que ces services répondent à un réel besoin et que la société va devoir y faire face. On devra être plus créatif pour essayer de marier ces deux générations, c'est-à-dire les besoins des jeunes pour les encourager à faire, notamment, plus d'enfants, mais aussi pour aider les gens plus âgés à se sentir utiles, et travailler sur l'estime d'eux-mêmes.
On a d'autres projets qui font référence au bénévolat. On a lancé, l'année dernière, un projet qui s'appelle Transfert de passion. Vous savez ici que le taux de décrochage scolaire est de l'ordre de 34 p. 100. On a une banque de professeurs retraités de l'Université de Sherbrooke, — et je vous avouerai qu'on ne fait pas d'argent avec cela même si on est une entreprise privée — qui vont faire des conférences dans les écoles secondaires pour dire aux jeunes de ne pas lâcher, et de transmettre une passion pour une matière.
À titre d'exemple, j'ai un professeur de chimie qui va parler à une classe de chimie et qui dit, « Moi, ce qui m'a donné les guts de terminer mes études et d'aller un peu plus loin c'est telle chose ». Alors, c'est une expérience de vie, ce n'est pas juste académique, au contraire ils deviennent des modèles. On essaie de la ranimer la petite flamme dans les yeux de ces jeunes-là, qui ont un grand besoin de modèles.
Le taux de succès jusqu'à présent est fort intéressant, et ce mentorat, entre des professeurs bénévoles et des jeunes, est exceptionnel. Il y a souvent des jeunes qui nous disent, « Wow! Un prof d'université avec son PhD prend la peine de s'asseoir avec moi et de me parler comme un égal ». Cela, on l'entend souvent.
Encore une fois, il y a l'estime de soi des professeurs retraités qui ont besoin de se sentir utiles qui entre en ligne de compte, mais aussi la hausse de l'estime de soi pour un jeune qui souvent est laissé pour compte.
L'autre projet, le dernier né de l'agence, je ne l'ai pas indiqué dans le mémoire parce qu'en principe, il va être lancé en septembre, c'est une clinique d'orientation médicale bénévole composée de médecins retraités. Quand on essaie de combler des lacunes, vous le savez comme moi, les problématiques du réseau de la santé sont généralisées, ce n'est pas juste au Québec, c'est partout au Canada. Est-ce qu'il y a quelque chose qu'on peut faire qui viendrait combler, justement, encore une fois l'ennui de certains de nos retraités et les besoins de la société?
C'est une clinique médicale composée de médecins retraités bénévoles. Vous devriez voir jusqu'à quel point on a de belles ressources et des gens qui sont généreux, des médecins qui travaillent bénévolement de 8 à 20 heures par semaine.
Les raisons pour lesquelles ils le font? D'une part, ils n'ont pas besoin d'argent, c'est la première chose. Ils veulent se retrouver en groupe, ils s'ennuient de leurs collègues. Ce sont des gens qui ont travaillé comme des fous toute leur vie et ils ont besoin de donner. La raison même de leurs études était au départ de soigner, de guérir. Ce qu'ils nous disent dans les dernières années est : « On n'a tellement pas eu le temps de s'asseoir avec notre patient et maintenant si on a le goût de passer une heure, pouvez-vous s'il vous plaît nous laisser passer une heure avec eux? »
C'est d'essayer de combler des besoins et de profiter de cette manne exceptionnelle d'expertise, de bonté et de générosité qui s'appelle les personnes retraitées et préretraitées.
Sylvie Morin, coordonnatrice, Association estrienne pour l'information et la formation aux aînées et aînés : Madame la présidente, bonjour. Je suis coordonnatrice pour l'Association estrienne pour l'information et la formation pour contrer les abus faits aux aînés (AEIFA). C'est un organisme communautaire qui existe depuis 15 ans ici dans la région de l'Estrie. On est aussi un organisme régional, et nous couvrons un vaste territoire comprenant 88 municipalités avec Sherbrooke et ses sept MRC, ce qui nous donne un bassin de 300 000 habitants.
Dans les cinq dernières années, nous avons accompli plus d'un millier d'interventions. Quand on pense que dans chacune des interventions, il va y avoir en interaction quatre à cinq personnes. Dans un processus d'intervention avec les aînés, on va parler entre 4 000 et 5 000 personnes qui ont été rencontrées par l'AEIFA au cours des dernières années.
De plus, on siège à plusieurs tables de concertation et on donne de la formation dans les écoles.
Nous, on sait qu'il y a de l'espoir. Dans notre effort de sensibiliser et d'informer les aînés pour contrer la maltraitance, nous sommes à même de constater une évolution. Mieux informés, les aînés parlent davantage de leur situation.
L'AEIFA rencontre les aînés afin de les sensibiliser, et on le fait par le biais de différentes rencontres. On va dans les centres de jour, dans les salons des aînés, dans les résidences pour personnes aînées et les clubs d'âge d'or, et ce, en plus des interventions directes qui ont lieu au bureau ou chez les personnes.
D'ailleurs, à ce compte-là, on calcule qu'on a rencontré en moyenne environ 30 000 aînés pour les sensibiliser au cours des dernières années.
Enfin, on a aussi formé plusieurs bénévoles comme agents multiplicateurs pour contrer la maltraitance.
Si on se situe depuis le début de l'année 2008, on a en moyenne par semaine deux à trois appels de personnes nous sollicitant de l'aide pour des problèmes relatifs à la maltraitance.
Le type d'intervention le plus fréquemment rencontré est souvent le type familial, c'est-à-dire que cela va toucher beaucoup le fils, petit-fils, fille, conjoint, frère, sœur, et le cœur des problématiques que nous allons souvent retrouver est au niveau de l'argent.
Aussi, l'AEIFA s'implique auprès des écoles afin de donner de la formation, toujours en lien avec la maltraitance. À titre d'exemple, on parle beaucoup à des aînés, mais il y a aussi une base, à titre d'exemple, les préposés aux bénéficiaires sont les gens de première ligne qui se retrouvent aux centres de jour, au niveau des hôpitaux.
Pour nous, c'est très important, car il a été démontré dans une étude, qu'en moyenne, entre 15 et 18 p. 100 des futurs diplômés ont subi eux-mêmes de la maltraitance ou de la violence et peuvent être aussi porteurs de différentes problématiques. La porte d'entrée, aussi, via ces formations-là est souvent par le biais d'un « Tens ». Un « Tens », c'est au niveau de la formation des adultes, quelqu'un qui veut retourner à l'école, passer un examen et s'il est réussi, les gens n'ont pas à traverser le Secondaire I, II, III.
Pour l'AEIFA, l'intervention avec la clientèle des aînés est différente. Pourquoi est-ce différent? Parce que c'est important la mise en confiance, et que les aînés se sentent accueillis dans leur dénonciation. Le savoir-être est primordial lors d'une intervention avec une personne aînée. La personne aînée ne veut pas prendre de notre temps. Ils ont toujours peur de déranger.
C'est donc très important de laisser la place et de ne pas bousculer dans le temps, et de respecter ce que la personne désire comme aide et comme soutien. Ils ont très peur de la police et des lois. Il faut aller voir les aînés régulièrement afin qu'ils puissent se sentir à l'aise et entrer en contact avec un organisme ou une personne de façon récurrente.
Il est important de leur souligner aussi que le silence donne de l'emprise à l'abuseur. Chaque fois que je vais en rencontre dans les centres, j'insiste énormément là-dessus.
Enfin, nous constatons qu'une moyenne de 10 à 15 heures est généralement nécessaire afin d'aider et de bien outiller les personnes qui demandent de l'aide. Le sentiment d'être soutenu et de pouvoir reprendre un certain contrôle de leur situation a un effet extrêmement positif sur eux.
Comme vous pouvez le constater, pour l'AEIFA, la maltraitance est au cœur de nos préoccupations. Pour nous, à la lecture du rapport, on dénote une certaine faiblesse, car on avait l'impression qu'il n'y avait pas beaucoup d'information ou d'importance donnée à la maltraitance.
Selon l'AEIFA, le gouvernement canadien par son rôle d'encadrement pourrait mettre davantage de l'avant des règlements, des lois, des programmes, des politiques, pour faciliter la prévention, la sensibilisation, la détection et enfin, surtout, l'intervention, toujours pour contrer la maltraitance.
Le programme Nouveaux Horizons est selon nous un bon moyen d'aider les organismes qui oeuvrent auprès de la clientèle aînée, mais idéalement la création d'un programme qui serait récurrent et qui permettrait aux organismes reconnus par le milieu de poursuivre son travail pour contrer la maltraitance et surtout pour ne pas perdre l'expertise acquise au fil des années.
Ainsi, cela permettrait aux organismes d'investir beaucoup moins de temps dans la recherche de financement et surtout de diminuer les inquiétudes monétaires à savoir s'il y aura des argents disponibles l'année suivante.
[Traduction]
La présidente : Madame Gravel, je voudrais en savoir un peu plus sur cette clinique d'orientation médicale. J'ai vu un reportage à ce sujet à la télévision nationale. Je me demandais si c'était le même programme parce que je dois admettre que je n'ai pas entendu où cela se situait. Il y a des médecins qui ne donnent pas d'ordonnances et ne font pas d'opérations; tout ce qu'ils font, c'est de rencontrer les patients pour discuter avec eux de leurs problèmes et les orienter vers une personne compétente, le cas échéant. Est-ce ainsi que ce programme fonctionne?
[Français]
Mme Gravel : Ce qu'on nous dit, c'est que la problématique majeure est de mettre le bon patient au bon endroit pour essayer de sauver du temps, et de ne pas nécessairement les envoyer à l'urgence, comme spontanément on a tendance à faire.
Dans cas-ci, et je vous avouerai que le projet est en constante évolution. Ce qu'on a choisi de faire, avec le Collège des médecins du Québec, c'est à l'intérieur du projet de ne payer que la cotisation pour médecins retraités, ce qui leur permet de donner des prescriptions, oui, mais c'est plus du renouvellement. Par exemple, si vous n'avez pas accès à votre médecin rapidement et vous en avez besoin, il n'y a aucun problème.
Effectivement, à la base, c'est de la référence. Donc, il va poser un diagnostic, c'est obligatoire, il l'a fait pendant 30, 40 ans. Par contre, il n'y aura pas de chirurgies mineures qui vont se faire à la clinique. Ce qu'on va faire c'est d'abord d'évaluer l'urgence du cas du patient.
Dans un premier temps, si vous avez besoin de voir un spécialiste, l'avantage de ces médecins est qu'ils ont un réseau. Ici en Estrie, il y a entre 25 et 30 p. 100 de gens qui n'ont pas de médecin de famille. Cette clinique, dans un premier temps, est spécifiquement faite pour ces gens-là. Ce n'est pas là pour prendre la place de quelqu'un d'autre, mais c'est vraiment pour essayer, d'une part, de désengorger le réseau dans son ensemble et aussi de permettre à des gens, qui sont souvent démunis, il ne faut pas se le cacher, d'avoir accès à une expertise médicale rapidement, et aussi d'avoir des gens qui vont prendre le temps de les écouter.
Évidemment, l'idée du centre d'orientation médicale est venue de deux constatations : je trouvais cela aberrant d'entendre des médecins dire « je m'ennuie », et deuxièmement, des médecins de famille nous disaient : « Nous, on voit le même patient cinq, six fois par année et même si on lui dit que tout va bien, tout est sous contrôle, il veut venir me voir pour se faire rassurer encore une fois ». Finalement, les médecins retraités sont des gens qui dans des cas d'urgence on pourrait voir à leur place. Finalement, les gens ont besoin de parler avec une personne qui a une expertise médicale.
Par la suite, à partir du moment où l'urgence aura été signalée ou non, les médecins bénévoles, par le réseau qu'ils entretiennent, seront en mesure, lorsque vraiment quelqu'un est en détresse profonde, d'appeler un spécialiste au besoin et de le référer directement. Souvent, ce sera de lui dire, « Prends deux aspirines, va chez vous et repose toi », ce qui vient, entre autres, désengorger les urgences.
[Traduction]
La présidente : Cela me rappelle la fois que je suis allée à l'urgence, quand j'étais une jeune mère, avec un enfant qui souffrait d'asthme, qui n'arrivait pas à respirer; j'ai demandé à une autre mère qui se trouvait là de quoi souffrait son enfant, et elle m'a dit qu'elle avait une écharde au doigt. J'ai eu envie d'amener l'enfant à l'écart de sa mère, de lui enlever l'écharde et de renvoyer les deux à la maison. Je ne pouvais évidemment pas le faire car je n'étais pas médecin. Cependant, cela nous ramène à une question très urgente, à savoir le triage que l'on fait dans les hôpitaux, où l'on a souvent besoin de quelqu'un pour évaluer la gravité du problème et décider si la personne doit être vue immédiatement par un médecin.
En guise de question supplémentaire, au sujet de votre programme de conducteurs, qui paye ces conducteurs?
[Français]
Mme Gravel : Le client. J'ai toujours dit que les meilleures solutions sont souvent issues de choses simples.
Juste pour revenir sur ce que vous disiez tout à l'heure quand vous avez vu la dame et l'enfant avec une écharde dans le doigt, lorsqu'on est une jeune mère, par exemple, une des choses qu'on aime savoir est que, dans notre quartier il y a un médecin à proximité. Si vous le croisez et vous avez une inquiétude, spontanément vous allez lui demander « Pensez- vous que cela est grave? ».
Le centre d'orientation de bénévoles vient canaliser ces forces-là et les rendre plus accessibles à l'ensemble de la population. C'est être un peu imaginatif et ne jamais perdre de vue, peu importe ce qu'on va faire dans les prochaines années, qu'il existe un bassin de gens ultra compétents qui vont vivre de plus en plus vieux et qui ne demandent que cela, en termes d'estime d'eux-mêmes, de redonner. Parfois, ils ont besoin d'être rémunérés et parfois, ce n'est pas nécessaire.
Vous savez dans le cas des médecins, je reviens là-dessus, à un moment donné on leur a dit, on pourrait demander de hausser la subvention et vous payer. Ils ne veulent pas. C'est magnifique. Tout ne se résout pas par l'argent.
Pour les chauffeurs, on avait déterminé qu'il y avait un besoin au sein de la population. Ce qu'on encourage aussi, c'est le covoiturage. On aime bien, par exemple, à l'Université de Sherbrooke, mettre trois clients dans la même voiture plutôt qu'ils prennent chacun leur voiture lorsqu'ils vont à la même réunion.
C'est le client qui paye. Il y a une marge bénéficiaire pour l'agence et les chauffeurs sont payés 10 $ l'heure.
Même chose pour les nounous. Les familles nous appellent pour trouver la bonne personne. Ce ne sont pas de gros frais. Je vous avouerai que ce n'est pas avec cela qu'on fait beaucoup d'argent. Heureusement, on fait d'autres choses. C'est ce qui fait en sorte que notre équipe fasse toujours ces petits projets avec le sourire. Cela est important aussi pour l'efficacité de nos ressources humaines.
Il faut toujours essayer de déterminer ce qui manque dans notre société, dans notre environnement, et comment ces gens compétents, qui sont exceptionnels et qui s'ennuient, pourraient venir combler ce besoin.
Je vous avouerai qu'une mentalité comme celle-là est en constante évolution. Je pense que non seulement on rend des services à notre communauté et on vient améliorer la qualité de vie des gens, mais on vient aussi améliorer la qualité de vie de nos aînés. Ils se sentent utiles.
C'est de toujours essayer de se projeter dans l'avenir : comment vais-je me sentir dans 20 ou 30 ans? Qu'est-ce qui me motive à me lever le matin?
Je pense que cela a un impact sur la santé en général des gens. J'en parlais longuement avec M. Hébert et c'est évident, quand on se sent utile et qu'on a plaisir à se lever le matin, notre santé est nettement meilleure.
[Traduction]
La présidente : Madame Morin, vous avez fait une déclaration, et je ne suis pas en désaccord avec vous, parce que je pense que vous avez absolument raison, mais je vous invite à nous donner un peu plus de détails. Vous avez dit que cet argent était au cœur du problème relativement aux cas d'abus. Pourriez-vous nous en dire plus long là-dessus?
[Français]
Mme Morin : Souvent quand je vais rencontrer des aînés et qu'on commence à parler des types de maltraitance et de quelle façon cela arrive. En ce qui a trait à l'espérance de vie, on sait que maintenant les gens peuvent espérer vivre jusqu'à 82 ans.
En ce qui concerne un premier facteur, on sait que la mentalité des aînés face à l'héritage, j'en parle souvent dans les ateliers, le fameux héritage où les gens se sentent d'une certaine façon redevables aux enfants. Mais comme les enfants arrivent à 50 et 60 ans, il s'exerce de plus en plus de pression envers les aînés pour soutirer des sous.
Un deuxième facteur qui est aussi important c'est la problématique avec soit le fils ou la fille qui a des problèmes de jeux ou des problèmes d'argent, et qui va très régulièrement entretenir une relation avec son parent, mais une relation toujours monétaire. Nous voyons des histoires d'horreur concernant des parents âgés de 70, 75 ans, dont l'enfant a presque tout dilapidé l'héritage, et cela s'est fait souvent par pression.
Cela est vraiment au cœur de la maltraitance. Souvent l'aîné ne réalise même pas qu'il est en situation de maltraitance, parce que pour lui, comme j'expliquais tout à l'heure, l'héritage, cela fait partie de la famille, donc cela devient complexe.
[Traduction]
Le sénateur Keon : Madame Gravel, j'ai trouvé votre exposé extrêmement intéressant car il évoque le potentiel des relations entre le privé et le public.
J'ai été amené à l'aéroport dans une limousine conduite par une femme âgée qui m'a dit qu'elle faisait cela pour se désennuyer. Elle n'a pas besoin d'argent. Elle avait assez d'argent pour acheter la limousine et elle m'a dit que cela la payait suffisamment pour rentabiliser son activité. Cette femme consacre une grande partie de son temps à conduire bénévolement des gens en direction et en provenance des hôpitaux.
J'ai trouvé que c'était une magnifique occasion de tirer profit de cette richesse et de cette énergie humaine.
Fait-on des efforts pour établir des réseaux? Les grandes organisations nationales ne sont pas nécessairement aussi bonnes tout le temps. Ce qui se fait de bien est généralement fait au niveau communautaire.
Votre organisation fait-elle partie d'un quelconque réseau dans le cadre duquel on pourrait promouvoir ce type d'activités pour tirer profit des ressources humaines chez les personnes âgées?
[Français]
Mme Gravel : Dès le départ, je le répète, je suis une entreprise privée. On fait du recrutement de main-d'œuvre « at large ».
On travaille déjà avec des regroupements de retraités de la Sûreté du Québec un peu partout à travers le Québec pour le service de chauffeurs. Le service de nounous, cela s'en vient. Je pense que ce sont des besoins de base nécessaires un peu partout.
On parle vraiment de stratégies d'entreprise. Cela fait partie des aspirations à moyen terme. Même chose lorsqu'on a parlé des centres d'orientation bénévole, pour lesquels l'entreprise ne reçoit aucun sou, et cela c'est important. C'est plus mon côté social, qui est quand même assez développé.
C'est sûr que les téléphones sonnent pour qu'on ait cliniques médicales d'orientation bénévole un peu partout.
La réponse à votre question c'est oui, on y voit l'intérêt et j'y vois personnellement l'intérêt.
Pour revenir au service de chauffeurs, c'est vrai qu'il y a de plus en plus de gens qui vont reconduire, soit bénévolement ou avec rémunération. Par contre, je vois une autre problématique là-dedans. Plusieurs personnes qui travaillent maintenant pour moi le faisaient au noir, et je ne pense pas que comme société on puisse se permettre d'encourager cela. En tout cas, cela ne fait pas partie de mes valeurs à moi. Maintenant, c'est un service qui est organisé et qui est déclaré. C'est important de le mentionner aussi.
Je n'ai pas réinventé la roue. Les services de chauffeurs, il y en a depuis toujours. Les gens qui le font et qui se font rémunérer en dessous de la table, il y en aura toujours, et même chose pour les nounous. Dans les deux cas, ce sont des services qui sont organisés et déclarés, alors j'y vois un autre impact positif.
[Traduction]
Le sénateur Keon : Madame Morin, il me semble encore une fois que la mise en réseau pourrait être extraordinairement utile pour le pays dans le type d'activités que vous menez et que d'autres pourraient en bénéficier énormément.
Pensez-vous qu'il est nécessaire de faciliter la mise en réseau? Par exemple, au moyen d'un centre d'échange des connaissances qui pourrait être provincial ou peut-être que les villes pourraient mettre sur pied un centre d'échange des connaissances susceptible d'être mis en réseau avec d'autres centres semblables, de manière que l'information que vous possédez soit diffusée.
Encore une fois, il semble qu'il y a tellement de potentiel de faire ce que vous faites dans d'autres domaines.
Devrions-nous préconiser une aide pour créer un programme d'échange de connaissances d'un bout à l'autre du pays dans le cadre d'un réseau?
[Français]
Mme Morin : Pour nous, c'est évident, parce que l'organisme a été précurseur en ce qui concerne la maltraitance. Comme je vous mentionnais initialement, on est là depuis 15 ans et on sait que cela existe et qu'on a développé une expertise aussi au niveau de l'intervention, de l'information et de la sensibilisation.
Qu'il y ait dans différentes villes un organisme qui pourrait ressembler au nôtre, qui serait établi et qui permettrait aussi de communiquer et d'échanger entre nous, il est évident que ce serait très aidant; autant pour l'organisme que pour tous les gens qui ne sont pas touchés. Les gens ne passent pas tous par les CLSC, ne passent pas tous par les hôpitaux.
Nous, on réussit à susciter l'intérêt, je dirais, par la sensibilisation, par l'information. Plus on est sur le terrain, plus on se rend compte de l'importance d'un organisme comme le nôtre. C'est évident qu'un tel organisme pourrait se retrouver dans d'autres villes.
[Traduction]
Le sénateur Mercer : Madame Gravel, il me semble que votre agence est tout à fait unique dans un domaine qui est en pleine croissance et je vous en félicite.
Nous avons surtout parlé de praticiens de la santé et ensuite de professeurs, de chauffeurs et de puéricultrices.
Avez-vous été en mesure de cerner la demande pour d'autres personnes âgées qui sont à la retraite ou sur le point de prendre leur retraite? Cette demande est-elle exclusivement locale, dans les cantons de l'Est, ou bien y a-t-il des possibilités ailleurs, que ce soit Montréal ou Québec, ou même à l'extérieur du Québec ou à l'étranger?
[Français]
Mme Gravel : Je vais vous avouer que ce qu'on appelle l'entraide générationnelle, a avantage à être exercé partout à travers le pays, pas juste dans une région donnée.
C'est vrai qu'on est la première et la seule agence de recrutement privée à avoir un créneau de spécialité pour les préretraités et retraités. Au départ, on me disait que cela ne fonctionnerait pas, qu'on ne serait pas capable de faire les frais. Au contraire. C'est vrai qu'on a diversifié un peu nos activités. Ce dont je vous ai parlé ce matin était dans le cadre de projets spéciaux.
J'ai la chance de faire partie du comité consultatif des employés de 45 ans et plus du gouvernement du Québec. Ce qu'on remarque, et qui est dommage de constater, et c'est simplement pour une raison de manque de main-d'œuvre, nos entreprises se tournent de plus en plus vers leur main-d'œuvre actuelle. Elles essaient d'avoir un phénomène de rétention auprès de leurs employés actuels, mais ils se tournent de plus en plus vers les employés un peu plus âgés pour recruter de la main-d'œuvre. Actuellement, et je le vis au quotidien, on a de la misère à recruter une main-d'œuvre en général.
Donc, il a fallu faire beaucoup de travail de sensibilisation auprès de nos entreprises pour dire, écoutez, une main- d'œuvre de 55 ans et plus c'est encore fort utile pendant de nombreuses années. Au départ, malheureusement nos entreprises pensent encore que la manne des jeunes bien éduqués et bien formés abonde, et c'est complètement faux.
Souvent, malheureusement, avant de réagir, il faut avoir le nez collé contre le mur. Ce qu'on essaie de faire afin de les sensibiliser, est de dire qu'il faut se réveiller maintenant.
Aujourd'hui, on place des ingénieurs qui ont pris leur retraite il y a deux ans, qui travaillent dans des cabinets. On place beaucoup de gestionnaires, ce qui est très apprécié. Ce sont des gens, par exemple, qui ont œuvré toute leur vie en gestion et qui vont être consultants ou engagés par une entreprise comme gestionnaires et comme membres rémunérés de conseils d'administration, ce qui nous est souvent demandé, de combler des postes au sein de conseils d'administration, de certaines personnes retraitées qui ont un bagage d'expériences exceptionnelles.
Vous connaissez tous Rona l'Entrepôt, qui a été un précurseur en termes d'entreprises qui ont engagé des personnes retraitées. C'est sûr que c'est un de nos clients et on fait affaire avec eux.
Je vous avouerai que les choses ont beaucoup évolué depuis deux ans, et maintenant la demande est dans tous les secteurs d'activités. Je n'ai pas besoin de vous dire que les infirmières retraitées, on se met à genoux pour les ramener dans le système. C'est dommage, mais c'est comme cela.
Maintenant c'est vraiment dans tous les secteurs d'activités, mais encore faut-il qu'on comprenne bien les conditions que ces gens-là vont être prêts à mettre. Ils ne veulent plus avoir la pression qu'ils ont supportée pendant leurs jeunes années. Ils veulent le faire de façon différente. Ils veulent se sentir bien intégrés à l'intérieur de leur nouveau milieu de travail. C'est pour cela que dans l'ensemble des secteurs d'activités tout ce qui est inhérent à la gestion des ressources humaines et à la qualité de vie au travail, on en parle beaucoup dans le réseau de la santé, mais il va falloir qu'on en parle partout. Cela fait partie du nerf de la guerre, et cela va nous permettre de bien intégrer les gens un peu plus âgés dans tous les secteurs d'activités.
C'est sûr qu'à mes yeux, l'avenir de notre pays et notre capacité de passer à travers les 20 prochaines années qui vont être charnières en termes de pénurie de main-d'œuvre passent par cette entraide générationnelle. Aussi, encore une fois, j'y reviens tout le temps, on ne peut pas laisser chez eux des gens de 55, 60, 65 et 70 ans qui sont en bonne santé et qui ont le goût de donner. Il en va de leur estime d'eux-mêmes et aussi de notre santé collective.
Je pense que dans le futur, toutes les initiatives que le gouvernement pourra prendre pour encourager les gens qui ont le goût de le faire ... en fait, souvent ce qui manque est que quand on a lancé l'agence, les gens nous disaient, « J'avais le goût de faire quelque chose, mais je ne savais pas quoi ». C'est sûr qu'on va prendre le temps de leur dire « Qu'est-ce qui vous ferait triper pour les prochaines années de votre vie? » Ce n'est pas nécessairement quelque chose qu'ils ont fait toute leur vie, cela peut être totalement différent. Je connais des gens qui ont été avocats qui ont le goût d'être peintres. On va vous aider à l'être.
Parmi les nounous, il y a beaucoup d'enseignantes, il y a des infirmières. Elles n'ont plus le goût de faire la même chose, elles ont juste le goût de faire quelque chose. Donc, ce lien est facile à implanter partout au Canada. Il s'agit de trouver un endroit qui va être l'arrimage entre l'entreprise, donc, le client, et ces gens-là qui ont le goût de redonner. Et je pense que c'est réellement ce qu'il faudrait implanter un peu partout, parce que c'est l'avenir, à mon avis, et ces gens- là ont le goût de donner pendant encore de nombreuses années.
[Traduction]
Le sénateur Mercer : L'Agence canadienne de développement international, l'ACDI, œuvre aux quatre coins du monde et les Québécois, grâce aux liens que nous entretenons par l'intermédiaire de la francophonie avec tant de pays francophones, y participent intensément.
Avez-vous pu travailler avec l'ACDI en offrant les services de gens qui possèdent une compétence particulière recherchée par l'agence pour travailler dans des pays en développement?
[Français]
Mme Gravel : Pas avec l'ACDI. Ce que l'on fait actuellement, il y a plusieurs de nos ingénieurs retraités qui travaillent pour des cabinets privés qui vont, par exemple, en Algérie. Donc, de l'international, on en fait, mais pas de façon publique, de façon privée. Tout est en fonction du changement de la mentalité chez vous. Je vous écoutais quand vous disiez que l'ACDI le fait dans certains autres pays, mais il y a des pays qui ont des exemples à nous donner à ce niveau-là. Je pense qu'il est temps d'être prophètes à l'intérieur même de notre propre pays, parce qu'on a besoin de ces gens-là chez nous aussi.
[Traduction]
Le sénateur Mercer : Madame Morin, le travail que vous accomplissez est capital. Nous avons rappelé l'existence de la maltraitance dans bien d'autres collectivités.
Avez-vous pu mobiliser l'attention d'autres personnes pour repérer les cas de maltraitance dans votre collectivité? Comme vous l'avez dit, il arrive que la maltraitance ne soit pas révélée. Vous avez dit que le silence donnait du pouvoir à l'auteur des mauvais traitements, et je pense que vous avez raison.
Dans d'autres collectivités, on a sollicité l'aide des habitants pour repérer les cas de maltraitance. Avez-vous pu en faire autant? Y a-t-il eu des programmes de formation pour apprendre à reconnaître les cas de maltraitance des personnes âgées?
[Français]
Mme Morin : Oui, c'est sûr que c'est notre premier élément parce que quand on parle d'intervention, je dirais plus que les trois quarts des interventions qu'on fait le sont parce que, justement, il y a eu initialement du dépistage de fait.
Comment se fait le dépistage? Un peu comme je le mentionnais tout à l'heure, en formant de bénévoles. Chaque année il y a des bénévoles comme agents multiplicateurs, qui sont formés justement pour être capables de voir et de dépister ceux qui pourraient être susceptibles de vivre la maltraitance.
Toutes les semaines, on est présents dans des centres de jour. On va rencontrer les aînés, on va leur parler et on donne des ateliers qui vont généralement durer une heure, mais souvent cela va déborder parce que, justement, avec le contact et la confiance qui s'établissent entre l'organisme ou les gens qui vont sur le terrain, c'est très régulier de recevoir des téléphones par la suite et de voir les gens en parler.
Ce qui fait aussi la force dans la dénonciation est que lorsqu'on rencontre des aînés en groupe, le fait d'échanger ensemble va souvent laisser place à « Ah oui, c'est vrai, je vis cela aussi » et là il va se faire des échanges.
De là l'importance d'être terrain, d'y aller pour les voir, et pas seulement une fois. Et cela demande beaucoup de temps, beaucoup d'énergie, mais c'est important.
[Traduction]
Le sénateur Mercer : On nous a dit à quel point il était important que ceux qui s'occupent de personnes âgées soient vigilants afin de déceler les cas de maltraitance. On nous a dit que certaines banques ont donné à leur personnel une formation à cet égard.
Cela est-il le cas dans les banques et les caisses populaires au Québec? Sont-elles conscientes de la responsabilité qui leur incombe de déceler toute activité hors de l'ordinaire sur les comptes en banque des personnes âgées, ce qui pourrait être une manifestation d'abus financier?
[Français]
Mme Morin : Quand on parle de l'Estrie, il y a sept MRC. Dans chacune des MRC, cette année il y a eu du travail de terrain. Il y en a quelques-unes qui ont déjà des tables régionales de formées sur la maltraitance. Ces tables sont souvent composées de gens des caisses populaires et de policiers. Il y a des rencontres établies. Je peux vous dire que c'est en progression. Il y a des tables qui sont déjà bien organisées cette année, mais il y a encore du travail de sensibilisation à faire de ce côté-là.
Comme vous le mentionniez, c'est un soutien énorme de la part des caisses, parce que ce sont les gens de première ligne qui sont au courant s'il y a des montants qui disparaissent de façon récurrente. Selon nous, il y a encore du travail à faire de ce côté-là, pour continuer à se concerter et à travailler.
Je dis qu'il y a du travail à faire, mais il y en a aussi beaucoup de fait. La formation des tables concertation est quand même un travail de longue haleine.
[Traduction]
Le sénateur Mercer : Madame Morin, vous avez dit que vous pensez que notre rapport ne développait pas assez la notion de dépistage et de prévention de la maltraitance. Je peux vous assurer qu'après nos visites d'un bout à l'autre du pays, cet aspect a pris plus d'importance dans nos priorités car on nous a dit que le problème existait dans toutes les collectivités.
Espérons que notre rapport final vous permettra de conclure que vos observations et celles d'autres témoins à cet égard ont porté leurs fruits.
Le sénateur Cools : Madame Gravel, si je ne m'abuse — et c'est tout nouveau pour moi — votre organisation est une compagnie à but lucratif qui essentiellement fait du travail communautaire. C'est peut-être très courant. Pouvez-vous nous en dire davantage sur votre organisation? Comment êtes-vous rentable? La tendance va-t-elle en s'accentuant?
[Français]
Mme Gravel : J'ose l'espérer, mais peut-être que je vous dirais que j'ai eu la chance, dans les dernières années, d'avoir deux emplois qui étaient totalement différents, mais qui m'ont permis de bien connaître les deux mondes. J'ai tout d'abord été directrice générale du Regroupement des organismes communautaires de l'Estrie et tout de suite après, directrice générale de la Chambre de commerce de Sherbrooke.
Pour moi, la création de richesse et les services équitables vont de paire. On ne peut pas travailler en silo, il faut travailler ensemble.
Je vous avouerai que la compagnie va très bien. On fait des profits. Ce n'est pas avec l'aspect retraité, préretraité, que je fais de l'argent. Cela représente à peu près 5 à 10 p. 100 de mon chiffre d'affaires. Mon comptable me dit de mettre cela de côté, et ma réponse est non, parce que j'y crois. J'y crois comme femme d'affaires parce que c'est une occasion d'affaires intéressante et c'est un peu visionnaire, donc je pense qu'on y arrive. J'y crois aussi parce que, comme je le disais tout à l'heure, et c'est pareil pour mon équipe, on a tellement de plaisir à travailler et qu'on voit rapidement les résultats du travail accompli.
Au début de mon petit exposé, j'expliquais comment c'était né. C'est né de deux choses très claires. C'est une occasion d'affaires. Quand on essaie de lancer en affaires, il faut que l'idée à la base soit inspirée par ce qui se passe dans la communauté : pénurie de main-d'œuvre, vieillissement de la population, le bassin de population disponible et compétent. Pour moi, l'équation se faisait relativement facilement.
À partir du moment où la compagnie a été lancée, cela a donné lieu à la création de plusieurs petits projets, qui prennent de l'expansion. Je disais tout à l'heure « Transfert de passion » avec les professeurs retraités, mais aussi tout ce qu'on fait avec nos médecins retraités, mais c'est toujours la même base.
C'est tellement simple quand on y pense. Peu importe le secteur d'activités dans lequel ces gens-là ont œuvré, il ne faut jamais perdre de vue que lorsqu'on les met à contribution pour aider, que ce soit monétairement, parce qu'ils en ont besoin, ou bénévolement, parce qu'ils en ont aussi besoin, tout le monde est gagnant. Je pense personnellement que c'est la voie de l'avenir.
[Traduction]
Le sénateur Cools : C'est très intéressant et je vous souhaite bon succès.
Madame Morin, je connais très bien toute la question de la violence dans la famille. Je suis tout à fait au courant des méthodes d'intervention et de soulagement.
Je voudrais que vous m'en disiez davantage sur vos stratégies et vos interventions. Quel est le nombre de cas où vous intervenez pour résoudre les problèmes et soulager la situation? Dans combien de cas devez-vous faire intervenir les dispositions du Code criminel, aller jusqu'à une poursuite pénale, ce qui pour les personnes âgées peut être dévastateur?
Il y a trois ou quatre ans, il y a eu un cas d'échange de gifles entre deux personnes âgées, mari et femme. Un policier zélé est intervenu et il a fait intenter des poursuites. Bien entendu, étant donné leur âge, les intéressés étaient aux abois. Heureusement, le juge qui a entendu l'affaire les a réprimandés comme s'ils étaient deux enfants. Il leur a fait remarquer qu'ils étaient beaucoup trop âgés pour ce genre de comportement et il a rendu un non-lieu. Les choses se sont arrêtées là car il leur a inculqué la crainte de Dieu.
Je voudrais plus de renseignements sur vos interventions. Avez-vous des données sur les victimes et les assaillants? Savez-vous quelle est la fréquence des attaques entre époux, de la part d'un membre de la famille, de la part d'un tiers?
Surtout, je voudrais savoir s'il arrive souvent qu'on ait recours à l'inexorable Code criminel?
Ce sont là des décisions conscientes que doivent prendre les gens qui travaillent dans ce secteur. Il y a bien des années, je faisais un travail en première ligne et j'hésitais toujours à invoquer les dispositions du Code criminel pour intenter des poursuites, et à révéler l'existence d'une telle situation, à moins qu'elle ne fût extrêmement grave.
À l'époque, je trouvais que ma façon de faire donnait des résultats, surtout quand on parvient à ouvrir un dialogue entre les gens. D'autres conseillers ont d'autres façons de faire. J'en ai connu pour qui il importait peu d'aider le couple ou la famille et qui tenaient absolument à intenter des poursuites. C'est ce qu'ils souhaitaient. Je suis sûr que vous êtes consciente des répercussions néfastes sur la famille bien des années après de telles poursuites.
Si vous n'avez pas de données là-dessus, je comprendrai car très souvent quand on est en première ligne, on n'a pas le temps de recueillir des données. Je voudrais savoir si vous préconisez cette façon de faire.
[Français]
Mme Morin : J'ai envie de donner un exemple de la façon dont on intervient dans une situation d'abus; c'est une histoire qui est arrivée il n'y a pas vraiment longtemps, une dame de 52 ans qui appelle et qui pleurait énormément, et qui me disait : « J'ai trahi ma famille. Ce que je suis en train de faire n'a pas de bon sens, tout ce dont j'ai envie c'est de me suicider, et j'ai envie de tuer mon frère ». C'était la première entrée en matière sur l'appel. Ma réaction a été vraiment de mettre la dame en confiance et de l'accueillir dans ce qu'elle vivait, et de prendre les premiers éléments qu'elle me donnait. Il s'agissait d'une situation entre frères et sœurs, et d'un frère dans la famille qui abusait ses parents de façon vraiment intensive. Et de là l'appel à l'aide de la personne. Mais pour la personne, il n'était absolument pas question qu'il y ait un lien avec la police, qu'il y ait quoi que ce soit qui était judiciarisé. À ce moment-là, j'ai invité la personne en question à venir nous rencontrer et qu'il n'était pas question qu'on fasse des démarches sans le consentement de qui que ce soit dans la famille. La dame est venue me rencontrer avec sa sœur, parce qu'elle lui avait dit qu'elle avait demandé de l'aide. On a eu cinq à six rencontres ensemble, et avec la famille. On n'est pas intervenu auprès du frère, ni auprès des parents, parce que ce n'était pas leur demande. Par contre, tous les outils et tout le pouvoir que ces gens-là ont eus dans l'explication, dans la sensibilisation, et quand je lui expliquais que quand elle disait « Je veux tuer mon frère pour ce qu'il fait à mes parents », j'expliquais que c'était le comportement qu'elle voulait tuer et non ce qui se passait. Et cela a fait beaucoup, beaucoup de sens et tout au long des rencontres, on s'est donné des outils, par exemple, la procuration.
Je pense que cette intervention a porté fruit parce que cette dame m'a rappelée dernièrement pour me dire combien cela avait été aidant.
Pour faire suite, non, on n'est pas allé avec le processus, mais on sait combien cela a été important pour eux dans leur milieu familial.
C'est peut-être l'exemple que je pourrais vous donner en rapport avec votre questionnement.
[Traduction]
Le sénateur Cools : Vous venez de dire une chose extrêmement importante car les relations humaines dans ces cas-là sont très intimes, très étroites et les intéressés sont très vulnérables. Il faut donc les aborder avec la plus grande délicatesse. Il faut faire prendre conscience de ce comportement agressif et de l'interrelation car très souvent ce n'est pas à cause de lui ou à cause d'elle mais plutôt à cause des deux ensembles. Par conséquent, je trouve très encourageante votre façon de faire car à mon avis c'est celle qui de loin donne les meilleurs résultats et celle qui est la plus efficace.
Madame la présidente, au cas où cela nous aurait échappé, aux États-Unis, la Dre Susan Steinmetz est une des sommités en matière de maltraitance physique des personnes âgées. Elle faisait partie du groupe d'origine qui travaillait avec le Dr Murray Sraus à l'Université du New Hampshire.
Si nous décidons un jour de faire une étude approfondie de cette question, nous pourrions songer au Dr Steinmetz, si toutefois elle œuvre encore dans ce domaine.
Grâce à mes activités professionnelles au fil des ans, je sais de quoi vous parlez. Je me souviens du cas d'un mari qui avait défoncé quelques portes pour littéralement pénétrer dans le refuge. Je ne me suis pas démontée.
Le lendemain, je lui ai téléphoné et il m'a dit : « Je m'attendais à votre appel. Je vous ai vue à la télévision ». J'ai répondu : « Je vous attends pour vous parler car nous avons certaines choses à nous dire, y compris ce que vous allez faire pour réparer la porte ».
La situation était intéressante car sa femme craignait que j'intente de redoutables poursuites. La situation était très délicate. Le mari s'est donc présenté et s'est assis pour me parler; en évoquant sa frustration, il pleurait à chaudes larmes. En fin de conversation, au moment où il partait, je lui ai rappelé l'histoire de la porte. Il m'a dit de ne pas m'inquiéter qu'il la réparerait lui-même. Ce qu'il a fait en achetant une nouvelle porte, la peignant et l'installant.
Tout dépend de la façon dont nous abordons ces problèmes. Très souvent dans les relations intimes, les gens comprennent très mal la raison pour laquelle ils ressentent ce qu'ils ressentent et pourquoi ils réagissent comme ils le font.
Je trouve votre façon de voir les choses encourageante. Merci.
[Français]
Le sénateur Chaput : Je suis désolée, j'étais absente lors de vos présentations. Vous avez peut-être déjà répondu à mes questions.
Madame Gravel, vous êtes à but lucratif. Avez-vous accès à de l'aide ou des subventions de paliers de gouvernements, que ce soit fédéral, provincial ou municipal?
Mme Gravel : Pas du tout. Par contre, justement avec l'ampleur que prennent nos actions en ce moment, je pense que je n'aurai pas de choix que d'aller en chercher. Manifestement, c'est un créneau qu'on veut continuer à développer. Ce sont des services qu'on veut continuer à développer.
C'est sûr qu'éventuellement, étant donné qu'on a de plus en plus de demandes de la part de nos candidats et aussi de la part de nos clients, il va falloir trouver des façons, particulièrement pour le service de nounous, parce que pour le reste les entreprises privées sont capables de payer. Ne serait-ce que pour les jeunes familles qui ont besoin d'aide, trouver une mesure incitative, faire quelque chose qui pourrait nous aider à continuer à offrir ce service dans le futur, et tous les autres, notamment celui des médecins bénévoles, c'est évident.
Le sénateur Chaput : Avez-vous une clientèle cible?
Mme Gravel : La clientèle des candidats ou la clientèle des ...
Le sénateur Chaput : De vos services.
Mme Gravel : La réponse est non, dans le sens qu'on est les seuls à se positionner avec un créneau où l'on va aider les gens préretraités et retraités à retrouver un emploi s'ils le veulent. Pour le reste, nos clients sont de tout acabit, autant dans le secteur institutionnel que dans l'entreprise privée.
J'aimerais ajouter que les différents paliers de gouvernement pourraient faire quelque chose ce qui concerne l'aspect fiscal. Il y a plusieurs de nos retraités qui retournent travailler et qui sont pénalisés sur le régime de retraite. Je pense que dans le futur on n'aura pas le choix de se pencher là-dessus de façon assidue.
Le sénateur Chaput : Quand vous dites vous pencher sur cette question-là, est-ce qu'il y a déjà une recommandation qui vous vient à l'idée à titre d'exemple?
Mme Gravel : Je n'ai rien de précis. On sait particulièrement que nos personnes retraitées ont eu des salaires pas très élevés toute leur vie et quand elles décident de retourner travailler parce qu'elles en ont besoin, dans certains cas elles sont pénalisées lorsqu'elles vont déclarer un revenu supplémentaire, et souvent c'est très petit, c'est minime.
Je ne peux pas vous donner de proportion, mais je pense qu'il va falloir les aider à ce qu'ils se sentent encourager non seulement de la part des entreprises qui vont leur ouvrir les portes, mais aussi de la part du gouvernement qui, fiscalement, pourrait voir une façon d'alléger leur fardeau fiscal.
Je pense qu'on en vient à cela indirectement. Si on veut encourager les gens à retourner travailler, et je pense qu'on n'aura pas le choix de le faire, il va falloir qu'il y ait de tels incitatifs, parce qu'il y en a plusieurs qui ont le goût de retourner travailler, mais qui ne le font pas parce qu'ils disent que cela va leur coûter trop cher. C'est tout.
Le sénateur Chaput : D'après votre expérience, quel a été le plus grand défi de mettre sur pied et de faire fonctionner une entreprise comme la vôtre?
Mme Gravel : Bonne question. Vous savez, tout ce qui est nouveau, je dirais qu'il y a toujours d'une part ... il n'y a pas eu de résistance au changement dans ce cas-ci parce que je dirais jusqu'à un certain point, les gens disaient c'est presque vertueux pour une entreprise privée d'agir de cette façon-là. Mais je ne suis pas naïve à ce point-là. Je sais pertinemment que c'est un créneau porteur d'avenir, économiquement parlant aussi.
Donc, pour une femme d'affaires comme moi, comme je vous dis, c'est une niche qui représente à peu près 10 p. 100 de mon chiffre d'affaires, mais qui grossit de mois en mois, parce que d'une part, la pénurie de main-d'œuvre est croissante, mais d'autre part, et heureusement, les entreprises considèrent de plus en plus que c'est une main-d'œuvre de qualité et qu'il faut soit la conserver ou soit l'engager.
Le sénateur Chaput : Si vous quittiez demain matin, est-ce qu'il y a une autre personne qui pourrait faire le même genre de travail? Est-ce qu'il y aurait une relève?
Mme Gravel : Ma vie se passe à essayer de trouver de la relève!
On en parle beaucoup. J'ai la chance d'avoir une vitrine quand même assez vaste sur ce qu'on fait. Je regarde l'ensemble des agences de recrutement et de plus en plus, elles vont se dire, « Ce n'est peut-être pas bête ». Elles vont avoir une ouverture beaucoup plus grande.
Il y a une chose qu'il faut que je vous dise aussi. Dans le privé, ce qu'on cherche dans un premier temps, c'est de faire de l'argent rapidement. Concernant mes concurrents du secteur du recrutement, ce que nos candidats plus âgés nous disaient est qu'ils vont porter leur c.v. dans une agence de recrutement et ils leur disent « C'est dommage, il n'y a pas de place pour vous ». Moi, c'est l'inverse.
C'était de monter cette banque-là d'expertises exceptionnelles et de faire aussi la sensibilisation publique, et dire aux entreprises, « Regardez jusqu'à quel point on a de la main-d'œuvre qualifiée ».
Je vous donnerais en exemple les secrétaires qui sont âgées de 50 ans et plus. On fait beaucoup d'impartition avec ces gens-là. L'impartition c'est que cela demeure mes employés, c'est moi qui les paye, mais je dirais, qu'on les loue à différents clients. Les secrétaires de 50 ans et plus ont une qualité de la langue française exceptionnelle. Ce sont des gens qui ont pris la peine de se recycler en informatiques, et ce sont des gens qui, par leur expérience, s'intègrent facilement dans un nouveau milieu. C'est donc la plus belle ressource pour nos entreprises actuellement, et ces gens-là sont en demande vous ne pouvez pas vous imaginer comment.
On parle des secrétaires, maintenant il faut capitaliser sur tous les ordres professionnels et tous les secteurs d'activités. Je suis convaincue que d'ici deux ans, les compétences que les entreprises voudront aller chercher, ce sera des compétences qui sont issues de gens de 50 ans et plus.
Le sénateur Chaput : Dans votre cas, vous êtes présentement totalement indépendante parce que vous ne tombez pas dans le piège de recevoir des subventions du gouvernement, si je peux l'appeler ainsi. Vous êtes totalement indépendante.
Mme Gravel : Tout à fait.
Le sénateur Chaput : Mais si, à un moment donné, vous êtes obligée d'aller un peu plus loin pour continuer à offrir ces services, à titre d'exemple, avoir accès à des crédits d'impôt, est-ce que ce serait bien pour votre entreprise?
Mme Gravel : Oui, définitivement.
Quand on essaie quelque chose de nouveau, on tâte le terrain et on ne sait jamais comment les gens vont répondre à un nouveau. Dans ce cas-ci, on sait pertinemment que cela prend de l'ampleur et, un peu comme monsieur le disait tout à l'heure, je pense que cela a tout avantage à être éparpillé partout à travers le pays, pour toutes sortes de raisons, économiques et sociales. C'est sûr qu'à un moment donné une entreprise privée qui s'est donné une mission sociale, et ce ne sont pas toutes les entreprises privées qui l'ont fait, lorsqu'on se rend compte que le service qu'on offre fait du sens, c'est sûr qu'à un moment donné on a besoin d'aide pour lui assurer une pérennité.
Le sénateur Chaput : Une question brève pour Madame Morin.
Pour votre association, vous dites « pour l'information et la formation des aînés ». Dans votre expérience, Madame, quelle est la façon qui a le plus de résultats pour informer les aînés? On sait que quand la personne avance en âge, l'information qui la rejoint le plus facilement n'est pas nécessairement l'information qui rejoindrait la jeunesse.
Qu'est-ce qui est le plus efficace pour rejoindre la clientèle que vous servez, en termes d'information pour justement les préparer à faire face à ce qui pourrait leur arriver?
Mme Morin : Comme je l'ai mentionné tout à l'heure, au niveau de l'information, c'est d'aller rencontrer les gens. C'est vraiment la présence, et pas seulement une fois. Il faut vraiment y aller de façon récurrente pour qu'ils nous connaissent. Quand on rencontre des groupes, quand les gens échangent entre eux, qu'on laisse place à ces échanges, c'est assez extraordinaire les confidences qui se font en groupe. C'est extrêmement important. On n'est pas juste allé au niveau des résidences. Pensons seulement aux pharmacies, combien de personnes aînées sont dans les pharmacies.
On avait fait un projet où pendant deux ou trois fins de semaine, on donnait de l'information, des dépliants, pour rejoindre la clientèle des aînés.
C'est d'être sur le terrain, c'est d'être présent. Plus les aînés entendent parler de nous, plus c'est efficace. On le voit aussi par le retour des appels et dans les interventions par la suite.
Le sénateur Chaput : Annuellement, combien de gens rejoignez-vous?
Mme Morin : Annuellement, cela fait drôle à dire, quand on parle de la pointe de l'iceberg, on réalise que plus on en parle, plus on a des téléphones, plus on rejoint des gens. Je vous dirais que facilement dans une année on va rejoindre, dépendamment avec les salons et les MRC, au moins 4 000 à 5 000 personnes pour notre région. Et là, on parle simplement de notre source.
[Traduction]
La présidente : Je tiens à remercier Mmes Gravel et Morin de leur exposé. Toutes les deux, vous fournissez manifestement un service capital à votre collectivité. J'espère que d'autres collectivités ailleurs au Canada prendront exemple sur vous.
La séance est levée.