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Sous-comité sur les villes

 

Délibérations du Sous-comité sur les villes

Fascicule 1 - Témoignages du 3 avril 2008


OTTAWA, le jeudi 3 avril 2008

Le Sous-comité sur les villes du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui à 11 h 12 pour étudier les questions d'actualité des grandes villes canadiennes.

Le sénateur Art Eggleton (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : La séance est ouverte. Bienvenue au Sous-comité sur les villes. Nous examinons aujourd'hui la pauvreté parmi les Autochtones vivant en milieu urbain.

[Traduction]

Notre sous-comité table sur le travail effectué au Sénat sur la question de la pauvreté, particulièrement sur le rapport de 1971 préparé sous la direction du sénateur David Croll et le rapport de 1997 du sénateur Cohen intitulé La pauvreté au Canada : le point critique. En même temps, notre étude est complémentaire au travail réalisé par le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts, présidé par le sénateur Fairbairn. À la demande du sénateur Segal, il se penche sur la question de la pauvreté rurale. Nous essayons donc de procéder de manière concertée.

Aujourd'hui, nous recevons trois groupes, qui auront chacun la parole cinq minutes. Mme Peters est professeure en géographie sociale urbaine à l'Université de la Saskatchewan. Ses travaux portent sur les Autochtones en milieu urbain. Elle a travaillé comme analyste politique au sein de la Commission royale sur les peuples autochtones et étudie depuis les modèles d'établissement des Autochtones en milieu urbain, de même que l'autonomie gouvernementale en milieu urbain.

M. Hanselmann a récemment été nommé directeur de la recherche de l'Association nationale des centres d'amitié. Il travaillait auparavant pour le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, le MAINC. Il est l'auteur de plusieurs études sur les Autochtones qui vivent dans les villes de l'Ouest canadien produites pour la Canada West Foundation. Il affiche un intérêt à l'égard du développement de la politique autochtone en milieu urbain.

Mme Steliga est directrice exécutive de la Lillooet Friendship Centre Society, qui est établie en Colombie- Britannique. Il y a 117 centres d'amitié au Canada, dont 24 en Colombie-Britannique. Ce centre offre un programme d'aide aux victimes, une banque alimentaire, un programme de repas et des services de traitement des dépendances.

Je vous souhaite la bienvenue à tous les trois.

Evelyn Peters, professeure, Département de géographie, Université de la Saskatchewan : Merci, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du sous-comité. Dans le cadre de mes travaux universitaires, j'étudie les données de recensement sur les Autochtones qui vivent en milieu urbain.

Il y a diverses idées contradictoires sur les Autochtones qui vivent dans les villes. D'une part, la documentation permet de croire que la migration des Autochtones vers les villes créerait des ghettos affligés par la pauvreté dans les zones urbaines et serait une source de défis pour les Autochtones comme les non-Autochtones. D'autre part, certains points de vue mettent aussi l'accent sur le progrès socioéconomique des Autochtones vivant en milieu urbain.

J'aimerais vous présenter brièvement quelques statistiques et me pencher sur les dimensions de la pauvreté des Autochtones en milieu urbain; la diversité entre les villes; la diversité au sein de la population autochtone urbaine; l'évolution avec le temps ainsi que les problèmes de concentration dans les grandes villes. Périodiquement dans les médias, les journalistes prétendent qu'on trouve ici des conditions semblables à celles des ghettos des grandes villes américaines, surtout dans les villes de l'Ouest.

J'aimerais mentionner quelques éléments avant de vous parler de statistiques. Il est important de ne pas prendre les statistiques au pied de la lettre. Elles témoignent d'une histoire de dépossession et de colonialisme. Il ne s'agit pas de pauvreté pure et simple; il s'agit de pauvreté dans un contexte historique particulier.

De plus, beaucoup d'Autochtones trouvent que le recensement présente toujours leurs faiblesses, plutôt que de souligner leurs forces. J'utilise les données de recensement en raison de leur étendue et de leur comparabilité au fil du temps, mais il faut reconnaître que l'utilisation de ces données est critiquée.

Prenons les tableaux qui figurent dans mon mémoire; je vais vous faire part de quelques observations sur ces tableaux. Le premier présente une compilation tirée du recensement de 2001. J'ai utilisé le recensement de 2001 parce que les données économiques de 2006 ne sont pas encore sorties. Le premier tableau compare des facteurs comme le revenu, la pauvreté, un bon revenu et le taux de chômage chez les Autochtones et les non-Autochtones.

Vous pouvez constater qu'il y a des différences considérables. Par exemple, le revenu moyen des Autochtones en milieu urbain correspond environ aux deux tiers de celui des non-Autochtones. En bas, le taux de chômage chez les Autochtones est d'environ 16 p. 100, alors que le taux de chômage chez les non-Autochtones est d'environ 7 p. 100. En somme, les chiffres sont différents.

Le tableau suivant est complexe, mais il illustre la situation dans différentes grandes villes. Je voulais faire ressortir que la situation des Autochtones diffère d'une ville à l'autre. Il y a toujours une pauvreté plus grande chez les Autochtones que chez les non-Autochtones, mais l'écart le plus grand s'observe dans les villes des Prairies, particulièrement Regina, Saskatoon, Winnipeg et Thunder Bay, même si Thunder Bay n'est pas habituellement considérée comme une ville des Prairies. Elle entre tout de même dans cette catégorie socioéconomique.

L'écart est généralement moindre dans les grandes villes comme Toronto, Ottawa et Montréal. Regardons de plus près le taux de chômage à Regina, Saskatoon, Winnipeg et Thunder Bay. L'écart entre les Autochtones et les non- Autochtones se creuse jusqu'à 15 p. 100. Le taux de chômage est donné au bas du tableau. Cet écart se compare à la différence de 3 à 5 p. 100 qui s'observe à Toronto, à Ottawa-Gatineau et à Montréal.

La pauvreté autochtone en milieu urbain varie d'une ville à l'autre, et il s'en dégage qu'il faut probablement adopter des politiques différentes.

Les tableaux 3 et 4 illustrent qu'il y a aussi une différence au sein la population autochtone urbaine elle-même. Le tableau 3 compare les années de 1991 à celle de 2001. Il montre que les taux de chômage ont diminué pendant cette décennie. Il y a plus de personnes qui obtiennent un diplôme universitaire, il y en a plus qui terminent leurs études secondaires et le nombre de personnes qui reçoivent des paiements de transfert du gouvernement diminue légèrement.

Certains chercheurs prétendent qu'on voit émerger une classe moyenne dans la population autochtone urbaine. Il importe de comprendre que toute la population autochtone n'est pas pauvre. Elle connaît aussi ses succès.

Par contre, il y a de véritables problèmes de pauvreté dans certains segments de la population. Le tableau 4 présente les statistiques tirées d'une étude que j'ai réalisée avec des étudiants de Prince Albert, dans le Nord de la Saskatchewan, dans le cadre de laquelle nous avons interrogé 123 membres des Premières nations. Ce sont des itinérants cachés. Leur moyenne d'âge est de 26 ans; leur revenu mensuel moyen, de moins de 400 $; 60 p. 100 d'entre eux reçoivent de l'aide sociale; plus de 15 p. 100 n'ont pas de revenu; seuls 15 p. 100 ont un emploi; moins du quart ont un diplôme d'études secondaires; enfin, presque la moitié a un problème d'alcoolisme ou de toxicomanie.

Au sein de la population autochtone, les besoins diffèrent : études postsecondaires, logement et traitement des dépendances. Ce sont des besoins humains de base.

Le tableau suivant est assez complexe, et je vais vous le résumer plutôt que de le vous présenter en détail. Quand on dit que les choses évoluent avec le temps, il faut examiner non seulement les changements dans la population autochtone, mais aussi les changements dans la population non autochtone. Vous voyez ici des tableaux croisés spéciaux de Statistique Canada. Je sais que je saute d'une source de données à l'autre, mais il est toujours difficile de trouver des données qu'on peut comparer dans le temps.

La troisième colonne à partir de la gauche montre qu'entre 1981 et 2000, la situation des Premières nations et des Métis ou des Autochtones en général dans les villes s'est nettement améliorée. La pauvreté a diminué légèrement. Le nombre de personnes qui touchent un bon revenu a augmenté de 2,6 p. 100. Le taux de chômage a diminué légèrement et le taux de participation a augmenté. Les Autochtones sont également plus nombreux dans les postes de gestion et de supervision ou les postes professionnels.

Les statistiques sur la population non autochtone s'améliorent elles aussi avec le temps. Si on les compare, il apparaît clairement que la situation de la population autochtone urbaine s'améliore, mais que l'écart se rétrécit parce que les choses s'améliorent aussi dans la population urbaine non autochtone. Le fait que cet écart tarde à se rétrécir est inquiétant.

Le dernier tableau est une tentative pour étudier les problèmes de concentration. Il compare les données de 2006, qui viennent de sortir, aux données de 1996. J'étudie surtout les villes des Prairies parce que c'est là où les populations autochtones sont les plus grandes, en nombre absolu et proportionnellement. C'est une des façons d'étudier le problème de la concentration.

Nous avons délimité le centre-ville ou les quartiers centraux en fonction de l'âge des bâtiments. C'est une formule classique pour les géographes afin de délimiter le centre-ville. J'ai étudié le pourcentage de personnes autochtones dans les centres-villes en 1996 et en 2006, de même que le pourcentage total d'Autochtones de la ville qui vivent au centre- ville. C'est une façon de déterminer où ils se concentrent.

La deuxième série de données, pour Edmonton, Saskatoon, Regina et Winnipeg, montre que le pourcentage des Autochtones qui vivent au centre-ville n'a presque pas augmenté entre 1996 et 2006. Il a même diminué légèrement à Edmonton et a augmenté légèrement à Saskatoon, à Regina et à Winnipeg, mais au moins 80 p. 100 des habitants du centre-ville ne sont pas Autochtones, et le nombre d'Autochtones n'a pas augmenté beaucoup.

Si l'on regarde le pourcentage d'Autochtones dans la population générale qui vivent dans la zone métropolitaine selon le recensement, il y a plus d'Autochtones qui vivent dans d'autres quartiers que le centre-ville, et là encore, les choses n'ont pas changé beaucoup.

Il faut faire très attention. Il est vrai que certains Autochtones vivent dans des quartiers très pauvres et des taudis. C'est très préoccupant. Cependant, il n'est pas vrai que ce qui s'observe dans les villes canadiennes ressemble à ce qui est arrivé dans les villes américaines où d'immenses ghettos sont apparus : de 70 à 80 secteurs de recensement composés presque entièrement de noirs ou d'hispanophones qui vivent dans une très grande pauvreté. Ce n'est pas ce qui s'observe dans les villes du Canada.

Cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas lieu de nous inquiéter des Autochtones qui vivent dans la pauvreté et dans des taudis. Cependant, il faut utiliser des modèles ou des solutions adaptées à la situation des Autochtones en milieu urbain et non importer des modèles d'autres pays.

Le président : Votre présentation fera certainement jaillir quelques questions. C'est au tour de M. Hanselmann.

Calvin Hanselmann, directeur de la recherche, Association nationale des centres d'amitié : Je vous remercie de m'avoir invité aujourd'hui. Je comparais en tant que directeur de la recherche de l'Association nationale des centres d'amitié, ou ANCA. J'ai passé la plus grande partie des 15 dernières années de ma vie à étudier les problèmes des Autochtones qui vivent en milieu urbain, principalement dans une perspective de recherche sur les politiques.

J'ai été invité à m'exprimer ici sur la pauvreté des Autochtones dans les grandes villes. Compte tenu du peu de temps dont nous disposons, j'aimerais aborder deux questions principales : les moyens que pourraient utiliser les gouvernements pour mieux coordonner leurs activités afin d'améliorer le sort des Autochtones qui vivent en milieu urbain et la nécessité d'une recherche plus importante et plus adaptée. J'espère que mes observations préliminaires et l'intervention des autres panélistes contribueront à une discussion instructive et fructueuse.

Je crois avoir compris que le sous-comité aimerait savoir comment les gouvernements pourraient améliorer la coordination des activités afin de réduire la pauvreté des Autochtones qui vivent en milieu urbain. Je vais aller droit au but : s'il s'agit de cet objectif, les centres d'amitié sont le meilleur investissement que les gouvernements ont fait et pourraient faire dans l'avenir pour coordonner leurs activités afin de réduire la pauvreté chez les Autochtones des milieux urbains.

En ville, les centres d'amitié autochtones forment l'infrastructure nationale de services la plus importante pour les Autochtones. Depuis des décennies, les centres d'amitié sont sur le terrain pour aider des milliers d'Autochtones à trouver leur chemin vers une plus grande autonomie, leur accomplissement et leur réussite à long terme.

Les centres d'amitié donnent à leurs visiteurs un accès à des programmes culturels, à une éducation, à une formation, à des conseils d'orientation sur l'emploi, à des programmes de santé et à d'autres services. Très peu d'Autochtones vivant en milieu urbain n'ont pas bénéficié des centres d'amitié.

Pour ce qui est de coordonner les activités afin d'améliorer les résultats, les gouvernements ont bien tiré parti de leurs investissements dans les centres d'amitié. Par exemple, en 2006-2007, à l'échelle nationale, les centres d'amitié ont mobilisé environ 16 millions de dollars afin d'exécuter plus de 1 200 programmes au nom des administrations fédérale, provinciales, territoriales, municipales et autochtones, pour une valeur totale de presque 90 millions de dollars. C'est le moyen de coordonner les activités et d'améliorer les résultats.

Cependant, le budget des centres d'amitié autochtones est pratiquement identique depuis 1996, ce qui signifie que depuis plus de 10 ans, ils ont été obligés de s'arranger pour fournir leurs services sans aucune augmentation de ce soutien financier. Imaginez un chef d'entreprise ou un directeur obligé de composer avec une augmentation des coûts sans pouvoir augmenter ses revenus pendant 10 ans.

Je recommande donc que le sous-comité recommande que le gouvernement du Canada travaille immédiatement avec l'Association nationale des centres d'amitié en vue de l'augmentation du budget du Programme des centres d'amitié autochtones dans le prochain budget fédéral, compte tenu de l'augmentation de la population, de l'inflation et de la croissance future.

Il est clair, pour quiconque s'intéresse aux questions urbaines et autochtones, que la croissance rapide de la population autochtone dans les réserves et à l'extérieur n'a pas entraîné une attention d'importance équivalente de la part des chercheurs universitaires et des décideurs. En outre, le travail effectué n'est pas toujours le fruit d'une collaboration avec les membres des communautés autochtones. Cela limite gravement son importance pratique et son acceptation.

Depuis des années, l'ANCA appelle le gouvernement, les chercheurs et d'autres parties à accorder plus d'attention à la recherche sur les politiques touchant les Autochtones en milieu urbain, mais nous n'avons pas vu le niveau d'activité nécessaire. C'est pourquoi l'ANCA a décidé de jouer un rôle de leadership dans ce domaine de recherche. Nous participons actuellement à deux grands projets.

Le premier, qui s'intitule « Faire connaître les besoins en programmes et en services des Autochtones vivant en milieu urbain : une approche géographique (Informing Program and Service Needs of Urban Aboriginal Peoples through a Geographic Approach), est un processus d'analyse axé sur les données relatives à la population autochtone de 117 collectivités où se trouve un centre d'amitié et sur 107 autres collectivités qui n'en ont pas même si on peut faire la preuve de ce besoin. Il s'agit de donner à l'ANCA une idée plus précise des besoins en services de la population autochtone des villes.

Le deuxième projet est le Réseau de savoirs sur les Autochtones en milieu urbain (Urban Aboriginal Knowledge Network). Ce projet vise à créer un réseau international de recherches sur les politiques centré sur les problèmes des Autochtones vivant en milieu urbain. Au Canada, le réseau prendra la forme de groupes de réflexion interconnectés réunissant des universitaires, des Autochtones, des dirigeants communautaires, des représentants du gouvernement et des intervenants du secteur public et du secteur privé. Ensemble, ils élaboreront un programme de recherche, valable socialement et rigoureux sur le plan de la recherche, qui se consacrera aux politiques visant les Autochtones en milieu urbain et aux questions de pratiques modèles. Le but ultime du réseau est d'améliorer le sort des Autochtones qui résident dans les villes.

Il est regrettable qu'il n'y ait personne au gouvernement du Canada pour mener cette recherche et qu'une organisation autochtone sous-financée se rende compte qu'elle est obligée de le faire. En assumant ce rôle de leadership et en s'efforçant de combler les lacunes en recherche, la grande difficulté que devra surmonter l'ANCA est le manque de ressources. Je recommande donc que le sous-comité recommande que le gouvernement du Canada fournisse un soutien financier à l'Association nationale des centres d'amitié pour faciliter la mise en œuvre d'un programme de recherche solide sur les politiques concernant les Autochtones qui résident en milieu urbain.

La pauvreté des Autochtones qui vivent en milieu urbain ne sera réduite que lorsque nous réfléchirons aux problèmes de la prestation des services destinés à cette population et uniquement si nous disposons au bon moment d'informations valables sur les collectivités où habitent les Autochtones. J'aimerais donc conclure en insistant sur deux points.

Premièrement, la nécessité pour le gouvernement fédéral d'investir davantage dans le Programme des centres d'amitié autochtones. Un programme renforcé contribuerait énormément à faciliter la coordination entre et dans les divers paliers de gouvernement en vue de s'attaquer aux problèmes des Autochtones en milieu urbain.

Deuxièmement, la nécessité pour le gouvernement du Canada et d'autres intervenants concernés de soutenir les activités de recherche de l'Association nationale des centres d'amitié. Les décideurs, dont vous faites partie, ne peuvent être bien informés sur ces enjeux importants que s'il existe une recherche rigoureuse, adaptée et inclusive.

Aucun observateur informé ne peut avancer que les gouvernements au Canada tiennent compte suffisamment et adéquatement des besoins de leurs citoyens autochtones vivant en milieu urbain. On pourrait en dire beaucoup plus long sur ces questions, et je suis sûr que votre étude contribuera au dialogue nécessaire à cet égard. Je suis également convaincu que vous, honorables sénateurs, userez de toute votre sagesse et ferez tout ce qui est en votre pouvoir pour redresser la situation.

Le président : Je vous remercie beaucoup de vos recommandations claires. Nous allons maintenant entendre Mme Steliga.

Kama Steliga, directrice générale, Lillooet Friendship Centre, Association nationale des centres d'amitié : Merci. Je fais moi aussi partie de l'exécutif de l'Association nationale des centres d'amitié. Je suis ici pour saisir humblement l'occasion de partager avec vous mon expérience sur le terrain et vous faire part de quelques initiatives du Centre d'amitié auxquelles j'ai eu l'occasion de participer en tant que membre de ma communauté.

Je me spécialise en développement communautaire et counseling clinique. J'ai participé à diverses initiatives locales, régionales et internationales sur le développement communautaire, les différences dans les niveaux de services de santé offerts à la population et le développement des services dans le même contexte.

Le Lillooet Friendship Centre célèbre son 30e anniversaire cette année. Nous sommes enchantés de regarder le chemin parcouru et de constater notre croissance et nos succès au fil du temps. Nous sommes le plus grand organisme de service social local de notre collectivité. Actuellement, nous offrons 24 programmes différents en matière d'emploi, de services à la famille et de soins de santé, de même que de loisirs, de culture et de développement communautaire.

Nous sommes l'employeur le troisième plus important de notre communauté. Nous recevons une base de revenu du Programme des centres d'amitié autochtones de 103 000 $, qui nous a permis d'amasser un budget de fonctionnement annuel d'un peu plus de 2 millions de dollars pour l'année prochaine. La contribution fédérale représente environ 25 p. 100 de notre revenu de base, mais l'essentiel de notre budget vient des administrations provinciale, municipales et autochtones, de même que de fondations et de commandites d'entreprises.

Comme on l'a indiqué, nous offrons un vaste éventail de services. Le développement communautaire de base est une valeur fondamentale du mouvement des centres d'amitié. Notre stratégie de réduction de la pauvreté s'enclenche dès qu'une personne met le pied dans l'un de nos bureaux ou au centre d'amitié. Je vais bientôt vous raconter une histoire qui illustre notre succès et met en évidence quelques lacunes caractéristiques de la pauvreté que vivent les Autochtones en milieu urbain.

Je vais vous parler de notre infrastructure et de nos ressources, non seulement comme organisme local, mais comme organisme provincial et national. Il est admis que le nombre d'Autochtones qui déménagent vers les centres urbains augmente et que notre population est en transition. Du coup, l'infrastructure qu'on trouve dans les bureaux associés aux centres d'amitié est vraiment puissante. Ma localité à deux heures de route de Kamloops, en Colombie- Britannique. Bon nombre de nos résidants ou des membres de notre collectivité déménagent de Lillooet à Kamloops. Nous sommes en mesure d'assurer une bonne continuité des services grâce à l'infrastructure de services existante et à notre collaboration avec les 24 autres centres de la province et les 117 centres des autres provinces du pays. Nos ressources, nos connaissances, notre expérience et l'excellence de nos services pour les Autochtones servent d'un bout à l'autre du Canada.

L'un des rôles du centre d'amitié est de mettre en oeuvre une stratégie d'aide aux Autochtones en milieu urbain de Lillooet. Nous facilitons les relations et les partenariats avec de nouveaux collaborateurs. Nous arrivons à travailler avec beaucoup de collaborateurs qui ne seraient pas intervenus sinon, grâce à notre travail avec les Premières nations et nos districts municipaux et régionaux, dans le cadre de différents événements et projets. Nous rassemblons les ministères provinciaux et fédéral ainsi que les Premières nations afin de créer ensemble des services qui répondent véritablement à nos besoins uniques et comblent le manque de services. Le centre d'amitié joue un rôle clé dans cette réussite, dans notre collectivité comme dans beaucoup d'autres.

L'histoire que je vais vous raconter pourrait arriver n'importe où. C'est probablement une expérience commune pour les organisations de services, mais elle fait ressortir l'occasion que peuvent saisir les membres de la collectivité, surtout en situation de crise, quand ils entrent dans un centre d'amitié et se prévalent de nos services. Nous offrons un vaste éventail des services complémentaires visant à combler divers besoins, donc nous pouvons assurer une continuité et permettre aux personnes qui s'adressent à notre centre de vivre une expérience en toute sécurité qui leur permet d'établir des relations.

Imaginons une femme dans une relation violente. Quelqu'un appelle la GRC. Le dossier est transmis à notre programme d'aide aux victimes. La femme et ses enfants sont forcés de quitter leur foyer pour fuir cette situation et ils sont mis en contact avec notre programme d'aide aux victimes. À partir de là, la femme entre au centre d'amitié. Il est fort probable qu'elle soit prise en charge par notre programme de lutte contre la violence faite aux femmes, le programme Stopping Violence Against Women, qui s'attaque aux problèmes sociaux et internes auxquels elle peut être confrontée dans sa relation et dans sa vie personnelle.

Ses enfants peuvent être pris en charge par notre programme d'aide préscolaire et notre centre de la famille. Nous avons également un centre pour les jeunes, de sorte que ses enfants peuvent tout de suite profiter d'autres services d'aide, dont des activités culturelles et de loisir gratuites, et elle peut y participer avec ses enfants.

Les activités et les services culturels sont très stimulants. Nous n'essayons pas d'inclure la culture dans ce que nous faisons. À la place, nous essayons d'inclure ce que nous faisons dans la culture. Nous agissons en immersion dans les valeurs et l'identité intrinsèque que beaucoup de nos membres déménagés en région urbaine ont perdues de vue.

La femme qui participe au programme de lutte contre la violence faite aux femmes peut aussi suivre des thérapies individuelles et de groupe. Nous offrons des services d'emploi et de formation, donc elle peut s'en prévaloir pour acquérir des compétences en vue de trouver un emploi. Les enfants peuvent quant à eux profiter d'autres programmes plus particuliers, comme des programmes pour les enfants qui ont été témoins de violence. Nous avons des outils pour lutter contre ces problèmes fondamentaux.

Certains membres de notre personnel et beaucoup de bénévoles ont d'abord été nos clients. Ils sont arrivés au centre d'amitié en crise et se sont investis dans un environnement sûr et encourageant. Ils y ont acquis des outils et des compétences et à leur tour, se portent bénévoles pour redonner ce qu'ils ont reçu afin de repasser le flambeau.

Nous avons des programmes de logement, des programmes alimentaires, des programmes d'aide à la réintégration du milieu du travail et divers autres programmes, toujours dans la même infrastructure sûre au sein de la collectivité. C'est un immense succès dans notre collectivité, surtout sur les plans de la culture et de la sécurité.

Nous reconnaissons que le besoin va en augmentant parce que de plus en plus de personnes adhèrent à nos programmes de lutte contre les dépendances. Nous accueillons de plus en plus d'itinérants, donc nous ciblons l'itinérance cachée, particulièrement chez les jeunes. Il y a quelques années, nous avons accueilli quelques jeunes qui allaient d'un endroit à l'autre mais n'avaient plus d'endroit où aller. Il est devenu impérieux dans la collectivité de remédier à ce problème. La solution doit comporter différentes facettes, et notre centre d'amitié réussit à créer un service valable et extrêmement utile dans notre collectivité.

Le président : Voulez-vous conclure? Nous pouvons lire vos recommandations dans votre mémoire.

Mme Steliga : Vous avez le mémoire. Nous faisons quelques recommandations. Vous remarquerez qu'elles préconisent différents outils pour lutter contre la pauvreté, notamment les programmes d'aide préscolaire et de lutte contre l'itinérance. Nous misons particulièrement sur l'excellence des centres d'amitié. Ils font une véritable différence sur le terrain, et nous nous demandons comment nous pouvons en tirer parti.

Le président : Merci. Je vais vous poser des questions quelque peu axées sur vos exposés, mais vous pourrez tous vous exprimer sur ce que vous voulez, à votre guise. Je vais poser toutes mes questions à chacun d'entre vous.

Madame Peters, nos attachés de recherche nous ont remis une série de statistiques. Cinquante-quatre pour cent de la population autochtone vit maintenant en zone urbaine. Elle se compose surtout de jeunes et se concentre dans les villes de l'Ouest. Les Autochtones des villes ont tendance à s'en sortir mieux que leurs homologues des réserves, selon divers indicateurs socioéconomiques. Le Conseil canadien de développement social a constaté que les Autochtones vivant en milieu urbain étaient deux fois plus susceptibles que leurs homologues non autochtones de vivre dans la pauvreté. Une autre étude a montré que plus de la moitié des ménages autochtones des villes vivaient sous le seuil de faible revenu. L'incidence de la pauvreté dans les populations autochtones urbaines est particulièrement marquée dans les centres urbains de l'Ouest, comme vous l'avez souligné.

Ces statistiques ne brossent pas nécessairement un portrait très différent de celui que vous nous avez présenté. Cependant, vous nous avez présenté un tableau légèrement différent en ajoutant qu'il y avait aussi de belles réussites. Nous sommes heureux de le savoir.

Ces statistiques sont-elles compatibles avec les vôtres?

Dans le contexte des villes, vous avez abordé en particulier la question des centres-villes. À Toronto, d'où je viens, une grande partie de la pauvreté s'observe surtout dans ce qu'on appelait les banlieues. Elles font maintenant partie de la ville, mais ce sont des quartiers qui ne sont pas habituellement considérés comme le centre-ville. En avez-vous tenu compte?

Monsieur Hanselmann, vous avez affirmé sans équivoque que vous considériez les centres d'amitié comme le meilleur investissement des gouvernements. Je suis ravi de l'entendre. Vous soulignez que le financement n'a pas augmenté depuis 1996. Vous pointez donc du doigt deux gouvernements de deux allégeances politiques différentes.

Cependant, il y a plusieurs autres programmes. Il y a la Stratégie de développement des ressources humaines autochtones, la SDRHA; le Conseil pour le développement des ressources humaines autochtones et la Stratégie pour les Autochtones vivant en milieu urbain. Que pensez-vous de ces programmes?

L'Entente de partenariat de Winnipeg, à laquelle participent les trois ordres de gouvernement, a été signée en 2005. Elle ne vise pas exclusivement la communauté autochtone de Winnipeg, mais elle est axée en grande partie là-dessus. Est-ce un bon modèle?

Enfin, madame Steliga, dans vos recommandations, vous avez parlé du principe de Jordan. Pourriez-vous nous dire de quoi il s'agit?

Mme Peters : Je souligne à la fois le succès et l'insuccès parce que mes collègues autochtones de l'Université de la Saskatchewan en ont assez d'entendre les gens dire que tous les Autochtones sont pauvres et vivent dans des quartiers défavorisés des centres-villes. Je pense qu'il est important d'avoir un équilibre.

En revanche, je conviens que les statistiques révèlent que les Autochtones sont nettement plus démunis que le reste de la population. La raison pour laquelle j'insiste autant sur la réussite, c'est qu'il faut non seulement adopter des stratégies visant à faire face à la pauvreté chez les Autochtones, mais aussi répondre aux autres besoins, y compris ceux en matière d'éducation.

Le grand public croit que tous les Autochtones sont inscrits à des études postsecondaires financées, mais ce n'est pas le cas. Seules les Premières nations associées à une bande peuvent avoir accès au financement de leurs études. C'est un problème qui doit être réglé, de même que la mise en place de programmes de lutte contre la pauvreté.

Je sais que ce n'était pas exactement votre question, mais j'aimerais renchérir sur quelques-unes des observations qu'ont faites mes collègues relativement à la lutte contre la pauvreté. Lorsque nous examinons les données, nous constatons que les emplois au sein du gouvernement et d'organismes communautaires aident les gens à se sortir de la pauvreté.

Mme Steliga a affirmé que les employés du centre d'amitié sont souvent des personnes qui ont fait appel au centre pour obtenir de l'aide et qui, finalement, ont trouvé un emploi. C'est une bonne façon d'encourager les gens à occuper un poste bien rémunéré. Toutefois, le problème avec de nombreux organismes communautaires, comme les centres d'amitié, c'est qu'ils sont sous-financés, et qu'ils ne peuvent jamais compter sur leur financement d'une année à l'autre.

Je suis d'accord avec mes collègues au sujet du travail des centres d'amitié. Il est essentiel que ces centres soient indépendants du statut. Leurs programmes ne sont pas uniquement offerts aux membres des Premières nations ou aux Métis. C'est particulièrement important dans les villes de l'Ouest. Ces centres desservent tous les Autochtones, peu importe leur statut légal.

En ce qui a trait à la pauvreté dans les banlieues, à partir de données provenant du recensement de 2001, j'ai mené une étude sur les régions où se concentre la pauvreté. Les géographes estiment que 40 p. 100 des familles ou des personnes qui habitent ces régions vivent sous le seuil de la pauvreté. Encore une fois, les Autochtones sont largement surreprésentés dans ces secteurs de recensement par rapport à leur représentation au sein de la population de la ville. Ces secteurs sont des quartiers qui comptent entre 3 000 et 5 000 habitants.

Par exemple, il y a des secteurs de recensement très défavorisés à Saskatoon. Les Autochtones représentent 10 p. 100 de la population de Saskatoon. La proportion des Autochtones dans ces secteurs de recensement est d'environ 25 p. 100. Toutefois, même dans les régions de grande pauvreté, ils ne constituent pas toute la population de ces secteurs de recensement, pas plus que toute la population défavorisée.

D'après les données recueillies en 2006, il n'y a qu'un seul secteur situé à l'intérieur d'une grande aire métropolitaine de recensement où plus de la moitié de la population est autochtone. Celui-ci se trouve à Winnipeg, et 60 p. 100 de la population est autochtone.

Cela ne signifie pas qu'il n'y a pas de pauvreté ni que les mauvaises conditions de logement des Autochtones vivant dans des quartiers défavorisés ne sont pas un problème. Cependant, la situation n'est pas aussi désespérée qu'aux États-Unis. J'espère avoir répondu à votre question.

M. Hanselmann : Vous avez demandé s'il existait d'autres programmes fédéraux dans les centres urbains destinés à répondre aux besoins des Autochtones. Vous avez parlé de la SDRHA, de la SAMU et du Conseil des ressources humaines autochtones.

À ma connaissance, le Conseil des ressources humaines autochtones n'est pas un programme en soi. Il fait partie de la SDRHA, lancée il y a une dizaine d'années. Par conséquent, je ne vais pas m'attarder sur le conseil en tant que tel, mais plutôt vous décrire brièvement les autres initiatives.

Dans le cadre de mes recherches sur le terrain, j'ai rencontré des Autochtones vivant en milieu urbain; des fournisseurs de services; des représentants des gouvernements fédéral et provinciaux et de l'administration municipale; des représentants du gouvernement des Premières nations; et des représentants des Métis. Comme je l'ai indiqué dans mon exposé, cette étude remonte à environ 15 ans et m'a permis de tirer quelques conclusions importantes, notamment qu'il faut collaborer et communiquer avec les ministères du gouvernement, dans le cadre de politiques et de programmes.

La Stratégie de développement des ressources humaines autochtones serait un exemple du manque de collaboration avec le gouvernement fédéral, dans un premier temps. Le gouvernement ne s'est pas prévalu des infrastructures déjà existantes dans les villes, comme les centres d'amitié, et en a plutôt créé de nouvelles pour offrir le programme.

Cela semble un peu aberrant. Comme je l'ai dit dans ma déclaration, les centres d'amitié ont réussi à tirer parti des fonds affectés au Programme des centres d'amitié autochtones en adhérant à des programmes fédéraux, provinciaux, territoriaux et municipaux dans le but de mieux répondre aux besoins de la population autochtone qu'ils desservent. Mme Steliga en a parlé également.

D'après ce que j'ai vu plus récemment, je dirais que Ressources humaines et Développement social Canada doit en être arrivé à une conclusion semblable puisqu'il revoit la SDRHA afin de pouvoir tirer avantage des infrastructures existantes — les centres d'amitié — en leur permettant de participer au processus de soumission.

La Stratégie pour les Autochtones vivant en milieu urbain, dont vous avez parlé, se limite à 12 ou 14 villes. Son budget est restreint. Encore une fois, dans une large mesure, on n'a pas utilisé les infrastructures existantes. Lorsqu'on a conçu cette stratégie, on a mis à profit les leçons apprises dans le cadre du Programme Autochtones sans-abri en milieu urbain et de l'Initiative des centres urbains pour jeunes Autochtones. On a mis en place de nouvelles infrastructures, entre autres, dans le but de créer un comité local pour guider la mise sur pied de programmes adaptés à une collectivité ou une ville donnée.

Les infrastructures étaient déjà présentes dans chacune des villes visées par la stratégie, et celles-ci étaient les centres d'amitié. Ceux-ci sont gérés par un conseil bénévole, et ce sont des citoyens autochtones qui y travaillent. Comme vous pouvez le constater, on a manqué une occasion de profiter des programmes déjà établis dans ces villes.

Le président : Madame Steliga, souhaitiez-vous intervenir?

Mme Steliga : Je reconnais que certaines de vos questions s'adressaient à chacun de nous. J'aimerais d'abord revenir sur les autres questions qui ont été posées, puis je répondrai ensuite à la question qui m'a directement été adressée.

J'aimerais parler des centres d'amitié indépendants du statut des Autochtones. Il n'y a pas de doute que nous venons en aide à tous les Autochtones, sans tenir compte de leur statut ou de leur identité. Nous aidons également les citadins non autochtones. Le Lillooet Friendship Center est la plus grande organisation de service sociaux, toutes catégories confondues, qui desserve tous les membres de la collectivité, peu importe qu'ils soient autochtones ou non. C'est donc une occasion de bâtir un héritage où nous travaillons ensemble pour accroître la compréhension interculturelle et réduire le racisme au sein de notre communauté et dans l'ensemble du pays.

L'autre chose que j'aimerais ajouter, c'est qu'il y aura toujours des données et des statistiques. Il faut être conscient de la façon dont nous interprétons ces données. Nous parlons sans cesse des secteurs de recensement, qui sont des collectivités comptant entre 3 000 et 5 000 habitants. Je ne conteste pas cela, mais d'après mon expérience, les collectivités se définissent souvent d'elles-mêmes. C'est comme essayer de reproduire une image en prenant des morceaux de cinq casse-tête différents. Si nous prenons des petites communautés à l'intérieur de collectivités, ou des secteurs défavorisés, des ghettos, des projets ou peu importe comment vous les appelez, nous voyons les mêmes choses au sein de nos communautés autochtones. Les secteurs du recensement représentent une grande sous-communauté, et cela peut parfois fausser les données. Par conséquent, je pense qu'il faut être conscient de la perspective dans laquelle nous abordons ces données. C'est pourquoi j'appuie les recherches sur les questions entourant les Autochtones en milieu urbain.

Nous saluons certainement le principe de Jordan et nous nous sommes réjouis de son adoption en décembre dernier. Il était très important que ce principe soit bien accueilli et encouragé. Toutefois, le problème, c'est que son libellé ne précise pas son application. À l'heure actuelle, c'est un principe. Il y a plusieurs enfants autochtones au pays dont la santé est menacée parce que les gouvernements sont trop occupés à se disputer quant à la responsabilité de payer la facture des services.

Le principe de Jordan garantit que le gouvernement fera passer les besoins des enfants d'abord, et qu'aucun conflit de compétence ne sera réglé au détriment des enfants. Toutefois, on n'a pas encore formulé de libellé ou de politique visant à mettre ce principe en application. Par conséquent, nous recommandons aux gouvernements d'établir comment ils entendent régler ces questions, à l'échelle provinciale, fédérale et forcément des Premières nations; qui prendra les devants; et ce qu'ils comptent faire pour s'assurer d'accorder la priorité à la santé des enfants et des adolescents afin que celle-ci ne soit pas compromise par des questions de financement politique.

Le président : Merci. Je pourrais vous en parler longuement, mais je vais laisser mes collègues prendre le relais.

Le sénateur Keon : Je vais commencer par parler des centres d'amitié. J'ai passé quelque temps à celui situé sur la rue Hastings, à Vancouver. Il n'y a pas de doute qu'on y fait un travail remarquable.

Je m'intéresse particulièrement à la santé de la population. Pour avoir un impact sur la santé de la population, il faut non seulement s'occuper des services de santé, mais aussi de la santé publique, de la prévention et de la l'ensemble de la structure sociale qui comprend notamment le logement, la nourriture, l'eau et l'éducation.

Nous nous sommes rendus à Cuba pour voir comment on s'y prenait là-bas pour veiller à la santé de la population. Les polycliniques cubaines, qui sont axées sur un vaste éventail de questions de santé, donnent d'excellents résultats.

Madame Steliga et monsieur Hanselmann, pouvez-vous envisager un moyen d'intégrer ces centres d'amitié aux centres de santé et de services sociaux communautaires qui couvrent toutes ces questions? De plus, le modèle du centre d'amitié peut-il être intégré et élargi? Je ne veux pas dire assimilé. Je pense que vous devez préserver ce que vous avez, n'empêche qu'il pourrait être intégré au reste, à mon avis. Si cela est possible, pourrait-on l'appliquer aux populations métisses et inuites?

Mme Steliga : Vous avez parlé d'intégration et non pas d'assimilation. Voulez-vous dire « intégré » dans le sens d'un centre unique qui offre tous les services au sein de la communauté?

Le sénateur Keon : Absolument.

Mme Steliga : Je pense que ce que vous décrivez existe déjà dans de nombreuses communautés où il y a un centre d'amitié. Une approche axée sur la santé de la population est essentielle. Nous pouvons l'appeler autrement, mais c'est essentiellement une approche axée sur la santé. L'intégration est donc possible, non seulement au sein de la communauté, mais aussi, d'après mon expérience, au sein du système.

Plusieurs de nos projets touchent tous les secteurs parce que nous sommes conscients du fait que tous ces systèmes doivent être présents au moment de l'élaboration. Nos activités consistent à cerner les problèmes avant qu'ils ne s'aggravent plutôt que de faire face à la crise. Je crois que c'est ce qu'on fait dans la plupart des communautés, mais c'est certainement une occasion de miser là-dessus.

À mon avis, la viabilité économique d'une collectivité tient à sa santé. Si nous nous penchons sur ces déterminants de la santé de la population, c'est ainsi que nous allons avancer. C'est certainement quelque chose qui est possible. Dans certaines collectivités où cela pourrait être plus difficile — où il y a de nombreux problèmes —, je pense que nous pouvons adapter le modèle afin de nous pencher sur les besoins propres à chaque communauté.

Les autres pays partout dans le monde se tournent vers le modèle du centre d'amitié. Comme c'est un modèle très représentatif, il a fait l'objet de plusieurs discussions internationales.

Le sénateur Keon : J'aimerais poursuivre dans cette direction, madame Peters, car ce qu'il est essentiel de faire, dans le cadre d'une approche axée sur la santé de la population, c'est d'établir une banque de données qui nous permet d'analyser et d'évaluer les progrès de façon continue. J'ai posé la question au directeur de l'Institut canadien d'information sur la santé, l'ICIS, et pas plus tard qu'hier, j'en ai parlé à des employés de Statistiques Canada qui ont créé d'énormes banques de données globales.

Leur perception est que oui, cela peut se faire. Si nous prenons, par exemple, le modèle décrit par Mme Steliga, et que nous l'intégrons et l'élargissons de façon à obtenir le modèle communautaire qui réunit toutes les composantes de la santé de la population, il est possible d'y établir une banque de données.

Qu'en pensez-vous?

Mme Peters : Par banque de données, voulez-vous dire quelque chose qui est comparable au fil du temps?

Le sénateur Keon : Non, je parle d'établir électroniquement tous les paramètres que nous voulons mesurer à l'échelle locale, sur le terrain, et qui peuvent influencer la santé de la population — que pouvons-nous faire sur les plans du logement, de l'approvisionnement en nourriture et en eau potable, de la santé maternelle et de l'éducation préscolaire? La liste est longue.

Mme Peters : Je pense que c'est possible. Toutefois, cela nécessite un réel engagement de la part des différents responsables de la collecte de données, et beaucoup de travail pour s'assurer qu'ils mesurent la même chose. Je sais qu'en Colombie-Britannique, on a intégré des données relatives à la santé et au recensement. Cela coûte très cher.

Je ne crois pas que nous ayons besoin de ces données. Nous en avons suffisamment pour conclure qu'il y a des besoins à combler. Je suis d'accord avec Mme Steliga pour dire que les secteurs de recensement cachent peut-être des zones de pauvreté. Oui, il y a certains secteurs de dénombrement ou de petites communautés, qui comptent entre 300 et 500 habitants, aux prises avec une grande pauvreté. Je sais que je ne réponds pas à votre question, mais je ne suis pas certaine que les données soient si essentielles.

Sachez que la situation au Canada est loin de ressembler à celle des États-Unis. On n'a qu'à voir les ghettos américains pour savoir qu'il n'y a pas grand-chose à faire. Je ne pense pas que la situation au Canada soit aussi désespérée. Il y a visiblement un problème de pauvreté chez les Autochtones vivant en milieu urbain, mais c'est un problème que nous pouvons régler.

Une des raisons pour lesquelles j'ai parlé de la réussite, c'est qu'au sein de la population autochtone, on a la capacité de composer avec le problème et de créer certains modèles et approches efficaces. La difficulté qui se pose, c'est le manque de financement et la prévisibilité de ce financement. Je ne crois pas que ce soit un problème de données.

Le sénateur Keon : Si nous ne disposons pas de données, nous ne savons pas si nous progressons.

Mme Peters : Oui, cela prend des données pour évaluer les progrès. C'est tout un défi, car même si nous posons la même question à différents recensements, les gens ne donnent pas la même réponse. Toutefois, je conviens qu'il doit y avoir une plus grande volonté de la part des organismes fédéraux et provinciaux pour créer une banque de données, de sorte que l'efficacité des programmes soit évaluée au fil du temps.

Certaines études laissent croire que les services offerts par les organismes autochtones sont plus efficaces. Toutefois, ce ne sont que quelques études de cas, et nous devons considérer la situation dans son ensemble pour voir comment vont les choses et quels programmes et approches donnent de bons résultats.

Le président : Je dois revenir sur une question du sénateur Keon. D'après ce que j'ai compris, les centres d'amitié sont établis au sein de communautés des Premières nations. Est-ce que l'on tient compte des cultures inuites ou métisses?

Mme Steliga : Les centres d'amitié sont indépendants du statut. Ils ne sont pas pan-autochtones. Le statut nous importe peu, en ce sens que nous desservons — et c'est principalement notre mandat — les Premières nations, les Métis, les Inuits, les non-inscrits — soit de nombreuses identités et cultures. Je viens de la Colombie-Britannique, où il y a plus de 200 Premières nations distinctes et un grand nombre de différentes bases linguistiques.

Nous respectons le territoire où nous résidons comme une base culturelle, mais nous reconnaissons aussi que même si nous sommes sur un territoire de la Nation St'at'imc, et que de nombreux membres de cette nation ont accès à notre centre, nous acceptons également les membres des communautés cries, métisses, ojibwa et mohawk. Tout le monde est accepté; c'est donc une occasion d'offrir des services à tous, peu importe leur statut, de miser sur ce que nous pouvons et de soutenir leur identité culturelle.

Le président : Est-ce ainsi partout au pays? Est-on sensible aux réalités culturelles?

M. Hanselmann : Oui. Je suis entièrement d'accord avec Mme Steliga. La raison pour laquelle il y a cette sensibilité, et c'est d'ailleurs l'une des forces du mouvement des centres d'amitié, c'est que les centres sont gérés par la collectivité.

Vous avez posé une question au sujet des Premières nations, des Métis et des Inuits. Il y a des centres d'amitié au Canada qui sont en grande partie métis, car ils reflètent la communauté principalement métisse, et les services qui y sont offerts sont le reflet de la culture et de l'identité métisses. D'autres centres sont surtout inuits.

Si vous, honorables sénateurs, veniez à un centre d'amitié dans le Nord du Canada, dans une région principalement habitée par des Premières nations ou des Métis, vous constateriez que les centres ont des similitudes, mais aussi des différences qui reflètent la réalité de la situation dans cette collectivité. Ce qui constitue leur force? Un modèle global adapté aux besoins de chaque localité.

Le sénateur Munson : J'ai trois questions à vous poser.

La première porte sur le racisme. Les chiffres que nous voyons sont alarmants, et les gens semblent toujours dire qu'il y a des problèmes de toxicomanie, des personnes qui abandonnent leur famille, des familles décimées, et cetera. Je me demande comment vous vous y prenez pour changer les mentalités dans ces petites communautés et centres d'amitié. Lorsque deux personnes postulent auprès du même employeur avec la même expérience et que l'une d'entre elles est autochtone, qui obtient le poste? Est-ce une situation courante, si oui, comment y remédiez-vous?

En deuxième lieu, j'aimerais parler du budget qui n'a pas augmenté depuis 10 ans. Qui, dans la bureaucratie ou l'environnement politique, prend les décisions à ce chapitre? Dix ans sans augmentation — que peut-on faire? Comment arrivez-vous à mener vos activités adéquatement avec un budget qui n'a pas été augmenté au cours des dix dernières années?

Ma troisième question concerne la création d'un bureau national de la santé des enfants et des jeunes doté d'un conseiller permanent. J'aimerais que vous m'en disiez davantage sur cette recommandation. Étant donné que vous accueillez également des personnes non autochtones dans vos centres d'amitié, ce bureau national ferait-il appel à des non-Autochtones pour régler ces problèmes?

M. Hanselmann : Merci, sénateur, pour vos questions. Je vais prendre la parole en premier, si vous me le permettez.

En ce qui concerne le budget, le Programme des centres d'amitié autochtones relève du ministère du Patrimoine canadien. Je ne voudrais pas me montrer trop critique, mais le fait est qu'on n'a jamais augmenté le budget en 10 ans. Il faudrait demander aux employés du ministère pourquoi ils n'ont pas fait valoir au Cabinet la nécessité d'accroître le financement des Premières nations.

Si vous examiniez le rapport du ministère du Patrimoine canadien concernant ses plans et ses priorités pour le dernier exercice, vous verriez qu'une analyse de rentabilisation aux fins de l'augmentation des fonds affectés au Programme des centres d'amitié autochtones figurait parmi leurs priorités. J'inviterais donc les honorables sénateurs à communiquer avec les employés du ministère pour savoir où ils en sont avec ce dossier.

Quant au racisme et à la façon de travailler à changer les mentalités, je l'ai déjà écrit par le passé, et je le crois encore, les secteurs privé et public doivent travailler ensemble à sensibiliser le public sur les réalités et difficultés auxquelles sont confrontés les Autochtones vivant dans nos centres urbains. Étant donné que le racisme est principalement causé par l'ignorance et le manque de compréhension, attribuable à un manque de connaissances, la sensibilisation du public contribuerait à le faire diminuer.

Ce sont les deux questions auxquelles je suis en mesure en répondre. Je vais laisser aux autres témoins le soin de poursuivre.

Le sénateur Munson : J'aimerais obtenir une réponse à propos du bureau national de la santé des enfants et des jeunes. Je me suis rendu au centre d'amitié d'Ottawa, situé tout près du Parlement, et j'ai pu voir ce qu'on y faisait dans les quartiers de Hintonburg et de Mechanicsville, qui présentent de fortes caractéristiques. Vous avez raison lorsque vous dites qu'on y accueille tous ceux qui habitent le voisinage, et pas seulement les Autochtones.

Je suis étonné que vous n'ayez pas suffisamment d'argent pour accomplir le travail. Je vous saurais gré d'aborder cette question et la proposition de créer un bureau national de la santé des enfants et des jeunes, s'il vous plaît.

Mme Steliga : Je vais parler brièvement du racisme du point de vue du développement communautaire. C'est une question de relations individuelles et de travail sur le terrain. Plus il y a de contacts entre les gens, plus ils se sentent concernés et en sécurité, et plus ils ont d'occasions d'en apprendre sur nos différences, nos similarités et notre caractère unique. Les organisations qui travaillent sur le terrain rassemblent les gens pour assurer la sécurité et créer des initiatives auxquelles les gens peuvent prendre part, et c'est à partir de là qu'on commence à s'attaquer aux problèmes liés au racisme.

Le racisme semble maintenant se manifester en cachette; ça se passe derrière des portes closes, de différentes façons subtiles et déguisées. Si nous tissons des relations sur le terrain et travaillons en vue de faire régner la paix, les centres d'amitié peuvent alors jouer un rôle en raison de leur caractère inclusif, non seulement de nation à nation, mais aussi certainement d'Autochtone à non-Autochtone.

Le sénateur Munson : Qu'entendez-vous par « en cachette »?

Mme Steliga : En cachette, derrière des portes closes? C'est le message subtil qui est évoqué à la table familiale. Les messages sont envoyés de manière déguisée, pas ouvertement comme c'était le cas auparavant.

Le sénateur Munson : Ils sont murmurés.

Mme Steliga : Il y a une vieille croyance en matière de développement communautaire selon laquelle si on veut se faire une idée de la communauté, on n'a qu'à passer un peu de temps à l'école secondaire locale. Souvent, les comportements à l'état brut des élèves du secondaire reflètent exactement ce qui se passe de manière déguisée dans une communauté. Tout repose sur les relations et cette sorte de paix individualisée.

Pour ce qui est du bureau national de la santé des enfants et des jeunes, je viens de la Colombie-Britannique, où nous avons un bureau provincial et un conseiller provincial pour l'enfance et la jeunesse. Nous avons reconnu qu'un certain nombre de problèmes touchant la communauté peuvent souvent être examinés, traités et discutés du point de vue des enfants et des jeunes. C'est une occasion d'évaluer les besoins de la population croissante, car les jeunes constituent le segment de la population qui enregistre la plus forte croissance au Canada, en général, et certainement au sein de la population autochtone. La possibilité d'avoir un bureau spécial contribuerait davantage à s'attaquer aux problèmes liés aux enfants, aux jeunes et aux familles. Je comprends le point de vue de la santé des populations et je suis reconnaissante de disposer d'occasions d'examiner les problèmes de santé chez les Autochtones et les non- Autochtones.

Le sénateur Munson : Merci.

Mme Peters : J'aimerais faire quelques commentaires sur la question du racisme. Je suis d'accord avec M. Hanselmann sur la nécessité de sensibiliser la population. Les organisations autochtones ne peuvent le faire à elles seules. Elles ont besoin d'être épaulées. En Saskatchewan, bien des gens sur la scène publique croient que les Autochtones vivant en milieu urbain ne paient pas de taxes, ce qui est une cause du ressentiment constant à leur égard, même si c'est tout simplement faux. Il faut absolument sensibiliser les gens.

Par ailleurs, pour ce qui est des relations, des recherches sur les non-Autochtones, les immigrants et les groupes minoritaires ont démontré que la collaboration entre ces groupes est efficace pour réduire le racisme. Ils commencent à se connaître et à comprendre qu'ils sont pareils à certains égards et qu'ils ont beaucoup plus en commun qu'ils ne le croyaient. L'établissement de relations constitue un élément important des efforts pour lutter contre le racisme.

Le sénateur Trenholme Counsell : Je suis totalement captivée par ces déclarations de ce matin, et je remercie chacun de vous pour tout ce que vous nous apprenez et offrez au comité.

Je vais me concentrer sur les enfants et les jeunes. Même si d'autres voudront peut-être prendre part à cette petite discussion, je vais adresser mes questions à Mme Steliga. En parlant de la Lillooet Friendship Centre Society, vous avez mentionné les enfants d'abord. Mes pensées se sont arrêtées là-dessus, car je me suis interrogée sur le Programme d'aide préscolaire aux Autochtones des réserves. Est-ce un autre nom pour le programme? Je suis à la fois intéressée et très préoccupée par le programme. J'aimerais beaucoup entendre vos commentaires à tous les trois à cet égard.

D'après votre expérience et votre lien direct avec les familles, en particulier les enfants et les jeunes, existe-il quoi que ce soit pour assurer un véritable suivi au Programme d'aide préscolaire aux Autochtones des réserves? Je posais habituellement cette question au Nouveau-Brunswick quand nous avons eu les initiatives pour la petite enfance. Qu'est-ce qui se passe après, année après année? C'est une question aussi difficile pour nos provinces que pour n'importe quelle autre région au Canada.

Je veux également poser une question précise sur une recommandation de la Dre Leitch. J'ai lu son rapport. Il est exhaustif et c'est un bon rapport, dans l'ensemble. Toutefois, le Programme d'aide préscolaire aux Autochtones a été relégué à une annexe sous la rubrique « Développement de la petite enfance ». Elle a recommandé que l'on rejoigne jusqu'à 25 p. 100 des enfants autochtones d'ici cinq ans. C'est un objectif très facile et qui ne me comble pas. Si notre objectif en tant que nation, c'est de rejoindre peut-être jusqu'à 25 p. 100 des enfants autochtones d'ici cinq ans, nous continuerons d'échouer. Que fait-on des quelque 75 p. 100 restants?

Vous dites qu'à l'heure actuelle, seulement 10 p. 100 des enfants dans les milieux urbains ont accès au programme. Je me demande si l'on en rejoint 10 p. 100 dans l'ensemble. Vous ne le savez peut-être pas. J'imagine que desservir seulement 4 500 enfants à ce stade-ci, c'est bon. Je ne veux pas dire que c'est un échec lamentable, mais c'est un départ très lent.

J'ai parlé à quelques-uns de mes collègues au Sénat au sujet des communautés visées par le programme. Sa philosophie est excellente. Je ne vois rien de plus important, surtout si un suivi est assuré dans les écoles élémentaires, intermédiaires et secondaires.

Toutefois, je veux savoir comment vous avez réagi à l'objectif. Vous l'intégrez à votre recommandation, mais j'imagine que vous l'avez fait parce que c'était aussi l'objectif énoncé dans son rapport. Vos trois premières recommandations sont tirées du rapport de la Dre Leitch, même si je suis persuadée que vous les appuyez.

J'aimerais discuter du Programme d'aide préscolaire aux Autochtones. Si nous voulons améliorer la santé, l'espoir, l'emploi et le logement, il faut commencer par les enfants et leurs familles.

Mme Steliga : Absolument. Je tiens à préciser que le programme « Kids First » du Lillooet Friendship Centre n'est pas une initiative du Programme d'aide préscolaire aux Autochtones. C'en est presque une, mais il n'est pas financé par le programme. Nous appuyons le modèle et y croyons. Il n'y a que quelques communautés de cette nation qui bénéficient du programme.

Je peux seulement parler de celui en Colombie-Britannique. Nous n'avons que quelques Programmes d'aide préscolaire aux Autochtones hors réserve et aucun programme n'est créé à moins qu'il y en ait un qui cesse d'exister. Il est difficile d'entendre qu'une communauté se réjouit de mettre sur pied un Programme d'aide préscolaire quand on sait qu'une autre a perdu le sien.

Notre programme « Kids First » est financé par la province et conçu sur le modèle du Programme d'aide préscolaire. Il est indispensable et contribue à l'acquisition de compétences de base chez les enfants.

Je vois aussi l'incidence qu'il a sur les familles. En raison de son niveau de participation, le programme permet à bien des jeunes mères, des pères, des fournisseurs de soins, des membres de la famille élargie de renforcer leurs capacités et leurs compétences. Par conséquent, le programme a une portée encore plus grande.

L'objectif de 25 p. 100 reflète la recommandation énoncée dans le rapport de la Dre Leitch. Je crois sincèrement que ce n'est pas approprié pour ce genre de problèmes et les changements durables que l'on envisage pour l'avenir. Ce pourcentage n'est pas adéquat.

Je ne connais pas le chiffre exact d'enfants que l'on rejoint hors réserve. C'est à peu près 10 p. 100 à l'échelle nationale. Je suis aussi curieuse de savoir quels programmes semblables au Programme d'aide préscolaire sont financés actuellement dans d'autres provinces ou territoires comme le nôtre à Lillooet, pour connaître quel est réellement le niveau d'accès.

Le sénateur Trenholme Counsell : Vous avez dit que pour qu'un Programme d'aide préscolaire soit lancé, un autre doit cesser d'exister. C'est une image terrible de la manière dont nous nous occupons de cette triste situation qui touche nos enfants et nos jeunes.

Savez-vous s'il y a eu une augmentation au fil des ans? Le Programme d'aide préscolaire aux Autochtones a-t-il commencé aux alentours de 1995?

Mme Steliga : Il a commencé au début des années 1990. D'après notre expérience et d'après ce que je sais de la situation en Colombie-Britannique, le nombre de programmes a plafonné, et il n'y a pas eu de hausse. Je reconnais que c'est un programme fédéral, mais je peux seulement me reporter directement à notre expérience en Colombie- Britannique.

Le sénateur Trenholme Counsell : Dans les centres ou les communautés qui ont eu la chance d'obtenir un Programme d'aide préscolaire aux Autochtones, y a-t-il des efforts organisés ou un plan pour suivre ces enfants afin de veiller à ce qu'ils ne perdent pas les bienfaits, quels qu'ils soient, que le programme leur a apportés une fois qu'ils cessent d'y participer?

Mme Steliga : Officiellement, non. Je crois que de nombreuses discussions ont cours actuellement pour reconnaître le manque pour les six à douze ans. Un certain nombre d'initiatives fédérales différentes, comme le Programme d'aide préscolaire, sont destinées aux enfants autochtones plus jeunes, et l'Initiative des centres urbains polyvalents pour les jeunes Autochtones s'adresse aux jeunes de 12 ans et plus, mais il n'y a rien pour les six à douze ans.

Il y a eu des discussions et des efforts de lobbying pour envisager des services pour ce groupe d'âge. Je crois que c'est l'élément crucial pour mesurer le succès des Programmes d'aide préscolaire. Nous avons observé des progrès relativement à des programmes d'alphabétisation des Autochtones et des projets pilotes qui contribuent à cerner certains de ces problèmes et à en mesurer le succès. J'ignore s'il existe un processus officiel pour examiner les répercussions. Ce sont purement des conjectures et des données empiriques.

Le sénateur Trenholme Counsell : J'ai eu le bonheur de visiter le centre du Programme d'aide préscolaire aux Autochtones d'Eagle's Nest dans le centre-ville de Vancouver. C'était magnifique — la culture personnifiée d'une façon exemplaire. J'aurais voulu que tous les enfants puissent y avoir accès. Connaissez-vous ce centre particulier?

Mme Steliga : J'y suis allée une fois.

Le sénateur Trenholme Counsell : Le centre est petit, mais formidable. J'ai été fascinée par toutes les formes de la culture. Tout ce qu'ils font renforce la culture, la langue et la musique.

Le sénateur Cordy : Merci à vous trois. Vos exposés étaient excellents.

Les centres d'amitié devraient-ils relever du ministère du Patrimoine canadien? Le Programme des centres d'amitié autochtones a-t-il sa place à ce ministère?

Madame Steliga, vous avez dit dans la documentation que nous avons reçue qu'il n'y a pas mieux pour réduire la pauvreté que de créer de meilleurs emplois en plus grand nombre. J'en conviens, pas seulement du point de vue de l'économie, mais aussi du point de vue de la famille. Si les familles sont capables de subvenir aux besoins de leurs membres, tout le monde se sent alors bien dans sa peau.

Madame Peters, vos statistiques proviennent principalement de l'Ouest. Je sais qu'en Nouvelle-Écosse, l'Agence de promotion économique du Canada atlantique a fait beaucoup en matière de développement économique pour les peuples autochtones.

Il y a un boom économique en Alberta. En Nouvelle-Écosse, on reçoit des dépliants par la poste, et il y a périodiquement des salons de l'emploi pour encourager les Néo-Écossais à déménager dans l'Ouest. Ce boom économique en Alberta et celui qui s'amorce en Saskatchewan ont-ils un effet positif sur les peuples autochtones? Les Autochtones bénéficient-ils du boom économique de l'Ouest? C'est ma deuxième question.

Monsieur Hanselmann, vous avez parlé de la nécessité de la coopération, de la coordination et de la communication, les trois C. Avons-nous ces trois C quand nous traitons avec le gouvernement fédéral, la bureaucratie et les ministères de la Santé et du Patrimoine?

Par ailleurs, y a-t-il une bonne relation de travail entre les provinces, le gouvernement fédéral et les municipalités pour faire en sorte que les programmes soient gérés adéquatement? Mme Steliga a mentionné que des enfants restent en mauvaise santé parce qu'on ne sait pas qui devra payer. Y a-t-il d'autres situations de ce genre?

Ces choses-là ne devraient pas arriver. On devrait s'inquiéter des questions de compétence plus tard, mais il faut faire le travail. Les ministères fédéraux et les différents paliers de gouvernement discutent-ils suffisamment pour faire en sorte qu'il n'y ait que de bons résultats? Si nous avons des problèmes, pouvons-nous les régler en collaborant et en communiquant?

Ma dernière question porte sur l'une de vos recommandations, madame Steliga, et sur votre commentaire à propos de l'avantage du centre d'amitié. Je crois que les initiatives sur le terrain donnent de meilleurs résultats que les gros appareils bureaucratiques. Travailler avec les personnes concernées, c'est ce qui fonctionne le mieux.

Vous avez parlé de l'élaboration d'un accord bilatéral. J'aimerais que vous nous donniez des détails à ce sujet. Si nous recommandions un accord bilatéral, que dirions-nous? En quoi consisterait-il? Comment un tel accord serait-il avantageux?

Le président : J'ai compté quatre questions au moins. Vous pouvez y répondre dans l'ordre que vous voulez, chers témoins.

Le sénateur Cordy : Il y en a quatre.

M. Hanselmann : Votre première question porte sur l'endroit où devrait être logé le Programme des centres d'amitié autochtones. Notre conseil se penche actuellement sur cette question. Comme membres du personnel, nous soumettons au conseil une note à cet égard. Ce n'était pas formulé exactement de cette manière, mais ça revient essentiellement au même. Le conseil a pris cette note en considération et n'a pas encore pris de décision à cet égard.

Il est intéressant de constater que ceux qui sont plus informés et plus expérimentés que moi dans le domaine n'en sont pas encore arrivés à une décision.

Le sénateur Cordy : Pourriez-vous nous prévenir quand la décision sera prise?

M. Hanselmann : Je m'engage à le faire. Si l'Association nationale des centres d'amitié m'autorise à vous faire part de sa décision lorsqu'elle sera prise, alors je le ferai.

Pour ce qui est de traiter de la question ici avec les honorables sénateurs, le programme a été créé initialement au Secrétariat d'État quand il existait. Ceux qui connaissent les rouages du gouvernement au fil des décennies pourraient décrire ce ministère comme étant la boîte de Pétri du gouvernement fédéral; c'était là où les nouvelles idées étaient logées temporairement pour évaluer si elles étaient bonnes. Le cas échéant, le premier ministre et le greffier du Conseil privé décidaient qui en aurait la responsabilité de manière plus permanente.

Malheureusement, ce concept a disparu un moment donné et, quand le Secrétariat d'État a été supprimé lors d'un remaniement de l'appareil gouvernemental il y a quelques années, ses programmes ont été transférés à différents ministères. Il semble qu'on ne prenait pas en considération s'ils étaient compatibles.

Comme je l'ai dit, quand notre conseil arrivera à une conclusion à cet égard, nous vous communiquerons cette décision si nous le pouvons.

Y a-t-il une coopération, une coordination et une communication? Non, tout simplement pas.

Je l'ai réclamé il y a cinq ans dans une série d'études que j'ai effectuées pour le compte de la Canada West Foundation. À l'époque, je faisais observer le manque flagrant de coopération, de communication et de coordination non seulement entre les paliers fédéral, provincial et municipal, mais aussi chez les peuples autochtones. À l'époque, en interrogeant des fonctionnaires, j'ai constaté que certains d'entre eux ignoraient ce que d'autres fonctionnaires offraient au même client dans la même ville. Il y a clairement un manque de communication là.

Je ne pense pas que nous soyons beaucoup plus avancés que nous l'étions à l'époque. Existe-t-il une bonne relation de travail entre le fédéral, les provinces et les municipalités? Je crois que ce qu'il manque dans cette question, c'est « et les peuples autochtones », et je pense qu'il est impératif que les Autochtones soient à la table lors des discussions intergouvernementales sur la prestation des services dans les centres urbains.

Dans les endroits où la Stratégie pour les Autochtones vivant en milieu urbain est appliquée, le gouvernement du Canada déploie un effort concerté pour établir ces liens. Dans les endroits où la stratégie n'existe pas ou n'existait pas à une certaine époque, les résidants de ces communautés ont souvent fait le travail eux-mêmes.

Calgary, où j'ai déjà habité, est l'un de mes exemples préférés. Le gouvernement provincial de l'Alberta et les communautés autochtones et l'administration municipale de Calgary se sont réunis et, sous la direction des communautés autochtones, sont parvenus à une entente sur ce qu'ils devaient faire et comment ils voulaient le faire.

Le gouvernement fédéral est arrivé le dernier à la table. Il faut toutefois reconnaître que les fonctionnaires fédéraux sur le terrain, à Calgary, sont arrivés avec la bonne mentalité, et c'est tout à leur honneur : le gouvernement fédéral n'est pas là pour prendre le contrôle, fixer le déroulement des choses et donner des ordres, mais pour travailler en tant que partenaire.

Dans ces exemples où nous avons des partenariats fédéraux, provinciaux, municipaux et autochtones, je crois qu'il existe bel et bien une communication. Malheureusement, ces cas sont rares.

J'ai une certaine expérience en relations intergouvernementales. Par conséquent, quand il est question de discussions fédérales-provinciales-municipales, je vous encourage fortement à y inclure les Autochtones. Est-ce le cas? La réponse en un mot, c'est non.

Entre 2004 et l'automne 2005, le gouvernement du Canada a choisi de se retirer du forum existant, c'est-à-dire le processus fédéral-provincial-territorial-autochtone, FPTA, qui comprenait des ministres fédéraux, provinciaux et territoriaux ainsi que des dirigeants d'organisations autochtones. Dans le processus FPTA, des réunions avaient lieu au niveau des ministres et des dirigeants nationaux. Toutefois, fait plus important pour ce qui était d'examiner les besoins et les questions, ceux qui travaillaient sous la direction de ces ministres et de ces dirigeants se rencontraient souvent et avaient un dialogue continu.

À ma connaissance, aucune réunion FPTA sur les questions autochtones ne s'est tenue depuis le début de 2005. Que l'on me corrige si je me trompe. Ce processus a été remplacé. La décision a été prise à Ottawa, sous le prétexte que ce n'était pas assez bon et qu'on pouvait faire mieux. Cette décision a été prise, en grande partie, sans consulter les provinces, les territoires et les principaux dirigeants autochtones.

Il faut faire plus d'efforts dans ce domaine. Je crois avoir essayé de répondre à toutes vos questions, et je vous en remercie. Merci de m'avoir écouté pendant mon long discours sur les relations fédérales-provinciales-municipales- autochtones.

Le président : Les autres témoins souhaitent-ils répondre à l'une ou l'autre de ces questions?

Mme Peters : Juste brièvement, le boom économique a-t-il un effet positif sur les Autochtones qui vivent en milieu urbain? Je sais qu'il existe des statistiques sur la main-d'œuvre dans l'Ouest, mais je ne les ai pas consultées récemment. Nous aurons une meilleure idée lorsque les données du recensement de 2006 sur les Autochtones en milieu urbain seront rendues publiques.

Je sais que, depuis toujours, un boom économique entraîne aussi une hausse des coûts de logement; c'est un fait établi à Calgary et en Alberta. On observe une baisse des taux de chômage chez les Autochtones, mais j'ignore si c'est parce qu'ils sont plus nombreux à occuper un emploi ou parce qu'ils sont plus nombreux à retourner dans les réserves, dans les collectivités rurales, faute de pouvoir payer leur loyer. À ce stade-ci, je ne connais pas vraiment la réponse.

Quant à savoir qui devrait administrer le Programme des centres d'amitié autochtones, j'aimerais souligner que les ministres et les ministères fédéraux et provinciaux débattent depuis presque un demi-siècle la question de savoir qui est chargé des affaires autochtones. La Commission royale a proposé de résoudre cette question. Il faut la résoudre une bonne fois pour toutes et, comme l'a dit M. Hanselmann, il faut la résoudre avec l'apport des peuples autochtones. Cinquante ans de débat, ça commence à être trop long.

Le sénateur Cordy : Même pour le gouvernement.

Mme Peters : Même pour le gouvernement, en effet.

Mme Steliga : J'aimerais parler de la croissance de l'emploi et de l'accord bilatéral.

Je ne me base certainement pas sur des données statistiques, mais sur les expériences pratiques au jour le jour et sur les modèles qui s'en dégagent. D'après ce que j'en retiens, je crois que nous assistons à un boom économique en Colombie-Britannique. Les Jeux olympiques de 2010 présentent de nombreuses occasions.

En Colombie-Britannique, on constate une pénurie de la main-d'œuvre qualifiée. Il y a quelques années, nous avons participé à un projet d'analyse des capacités —exactement comme un projet de cartographie — pour faire l'inventaire des capacités d'emploi dans notre région, dans la communauté autochtone. Nous avons examiné les possibilités qui existaient en prévision des Jeux olympiques de 2010, c'est-à-dire ce que nous pouvions viser et ce sur quoi nous pouvions nous appuyer.

Du point de vue de l'emploi, il est certainement admis qu'on n'a pas encore largement exploité le potentiel de la population autochtone en tant qu'abondante main-d'œuvre qualifiée pour notre pays. Avec les bons débouchés et le bon soutien, une population autochtone qualifiée pourrait combler bon nombre des besoins prévus.

Quant à la pauvreté, ce n'est pas seulement le chômage qui est en cause, mais aussi le sous-emploi. Plusieurs personnes occupent des emplois saisonniers ou à temps partiel au salaire minimum, particulièrement dans la région où je vis et où il y a une forte population autochtone. Ces gens ont quand même besoin de services et ils cherchent à en obtenir dans toutes nos régions parce qu'ils ne peuvent pas absorber la hausse des coûts associée au boom économique, notamment les coûts de logement.

Pour ce qui est d'un accord bilatéral, les centres d'amitié constituent un organisme de services. Nous sommes apolitiques; nous ne cherchons pas à être représentés sur la scène politique. Nous n'avons pas de statut représentatif pour les Autochtones vivant en milieu urbain. Nous ne sommes pas l'organisme politique élu pour les citadins autochtones.

Nous avons une vaste expérience; nous avons des connaissances; nous avons des possibilités de faire entendre la voix autochtone urbaine dans les débats. Toutefois, nous sommes souvent écartés de ces discussions parce que nous ne sommes pas un gouvernement représentatif.

Les gouvernements des Premières nations et le gouvernement fédéral peuvent travailler ensemble pour en arriver à des décisions stratégiques, mais comme nous sommes un organisme de services, nous ne participons pas à ces discussions. Pourtant, nous estimons que notre expérience et notre travail pourraient éclairer leurs décisions stratégiques.

C'est l'avantage des centres d'amitié. Grâce à un accord bilatéral avec le gouvernement fédéral, nous avons une occasion assurée de faire entendre cette voix pour que les responsables puissent tenir compte de l'expérience urbaine au moment de prendre ces décisions stratégiques. Bon nombre de ces intervenants n'ont pas les mêmes expériences de ces 50 ou 60 années. Voilà donc, en partie, l'avantage et la raison pour laquelle on recommande d'entériner cette relation, ce rôle et cette voix dans un accord.

Le sénateur Munson : Le Congrès des Peuples Autochtones accepte-t-il l'idée de conclure un accord bilatéral?

Mme Steglia : Sur ce point, je crois qu'il est important que les centres d'amitié partout au pays reconnaissent notre leadership autochtone. Nous ne cherchons pas un statut représentatif ni n'avons l'intention de le faire dans l'avenir; nous sommes des fournisseurs de services. Pour nous, le plus important, c'est de faire entendre sa voix; ce n'est pas une question de représentation politique.

J'ignore la position du Congrès des Peuples Autochtones sur l'idée d'un accord particulier.

Le président : Permettez-moi de revenir à la question que j'ai posée au début, c'est-à-dire l'Entente de partenariat de Winnipeg. Je comprends que vous n'avez pas beaucoup d'expérience en la matière, mais j'aimerais qu'on jette un coup d'œil au modèle.

L'idée, c'est d'amener les trois niveaux de gouvernement ainsi que les gens de la communauté à participer à la conception et à l'exécution d'une entente sur un projet donné. Le projet peut couvrir n'importe quel domaine, sans nécessairement être lié aux Autochtones. C'est un modèle qui vise à rassembler les efforts intergouvernementaux, de pair avec la communauté, bien entendu.

Même si le modèle ne se limite pas aux questions autochtones, dans l'entente de Winnipeg de 2005, on semble s'être concentré principalement sur les questions autochtones. Est-ce un modèle approprié, c'est-à-dire l'idée de rassembler les trois ordres de gouvernement et la communauté en vue de concevoir un plan pour ensuite l'exécuter?

Mme Steglia : Je ne suis pas au courant de cette entente.

Mme Peters : C'est une entente assez récente. Nous ne sommes pas tout à fait sûrs de la façon dont elle fonctionnera en principe. Pour autant que je sache, ce modèle a permis à des groupes autochtones de participer d'une manière importante au processus décisionnel relatif à la conception de l'entente. Aux yeux des décideurs qui s'occupent de questions concernant les Autochtones en milieu urbain, le modèle semble présenter de nombreuses possibilités.

M. Hanselmann : Au lieu de considérer l'Entente de partenariat de Winnipeg comme un modèle à imiter et à transférer à d'autres municipalités et collectivités, je propose que les membres du comité essaient de déterminer quelles idées à la base de cette entente sont transférables — c'est-à-dire, quels sont les principes sous-jacents.

Comme vous le dites, monsieur le président, lorsque vous parlez de rassembler les représentants fédéraux, provinciaux, municipaux et autochtones autour d'une table, vous êtes en train de parler d'une idée. Il existe plusieurs modèles qui se basent sur cette idée. La Stratégie pour les Autochtones vivant en milieu urbain en est un exemple, et durant sa phase de programme pilote, elle avait été intégrée à l'Entente de partenariat de Winnipeg. Dans le même ordre d'idées, mentionnons aussi une entente fédérale-provinciale-municipale pour la Ville de Saskatoon où l'on a essayé d'emprunter une approche un peu plus universelle que ne l'exigeaient les circonstances.

Pour moi, le point le plus important sur lequel je veux attirer votre attention, ce n'est pas l'idée de dire que telle méthode étant la meilleure pratique, on devrait l'appliquer partout. Il faut plutôt mener d'autres analyses pour déterminer quelles sont les idées derrière un programme ou une initiative qui donne de bons résultats, pour repérer les « pratiques prometteuses », c'est-à-dire les idées qui portent fruit dans le but de les offrir aux communautés pour qu'elles les adaptent selon leurs besoins.

Cela me ramène à l'appel que j'ai lancé tout à l'heure afin d'appuyer les centres d'amitié parce qu'ils incarnent bon nombre des idées qui fonctionnent. Ce sont des centres de services à guichet unique qui ne font aucune distinction du statut, qui sont régis par les Autochtones et qui sont ouverts aux Autochtones. Les centres d'amitié incarnent beaucoup de bonnes idées, et c'est en partie la raison pour laquelle ils constituent un investissement approprié pour le gouvernement.

Le sénateur Munson : J'aimerais revenir au ministère du Patrimoine canadien et à la question du financement et de la formation. Il s'agit d'une partie importante de notre rapport. L'analyse de cas qu'on nous a présentée montre qu'il n'y a eu aucune hausse de financement au cours des dix dernières années; autrement dit, vous travaillez avec des montants en dollars de 1997. Comment faites-vous pour garder votre personnel? Comment encouragez-vous les gens à travailler pour la communauté dans le contexte des centres d'amitié? L'argent n'est pas toujours une source de motivation, mais les gens doivent gagner leur vie. C'est sûrement difficile de fonctionner avec un budget vieux de dix ans.

Au niveau local et national, comment encouragez-vous les gens à venir au centre d'amitié quand quelqu'un, au gouvernement, vous a fermé les portes?

Mme Steliga : Il est important d'ajouter que non seulement nous travaillons avec le financement de 1996, mais que juste auparavant, le gouvernement avait baissé le financement d'environ 20 p. 100. Depuis cette réduction, notre financement n'a pas augmenté.

À force de passer du temps avec des travailleurs sociaux, vous entendrez souvent des phrases comme celles-ci : « Nous ne sommes pas ici pour le salaire »; « Ce n'est pas uniquement l'argent qui compte »; « Nous aimons aider les autres ».

Je travaille au centre depuis 18 ans. J'ai déjà travaillé pour un ministère provincial, un district scolaire et plusieurs autres organismes et secteurs. Je suis restée au centre d'amitié pendant 18 ans parce que j'aime mon travail. Mon travail, c'est ma passion parce que je suis en mesure de redonner à ma communauté et au mouvement lui-même. J'ai eu recours ou j'ai participé à des centres d'amitié bien avant ma carrière professionnelle, et maintenant j'ai l'occasion de vraiment redonner.

Le mouvement des centres d'amitié, dans son ensemble, appuie ses employés de différentes façons. Nous misons sur le travail passionné des gens, et l'argent n'y est certainement pas la source de motivation. Nous reconnaissons notre rôle de formation des capacités. Nous attirons sans cesse beaucoup de gens formidables qui viennent acquérir une formation chez nous pour ensuite partir vers d'autres organismes. À l'heure actuelle, nous sommes en concurrence avec le ministère du Développement des enfants et de la famille de la Colombie-Britannique pour embaucher des travailleurs sociaux autochtones, mais nous n'arrivons pas à le concurrencer. Même si nous sommes financés, il n'y a aucune parité parce que nous ne pouvons pas offrir les mêmes possibilités que celles offertes par le ministère à ses employés.

J'ai assisté à une rencontre sur le leadership en Colombie-Britannique. Nous avons parlé au sujet des centres d'amitié, et quelqu'un a posé à la centaine de chefs qui étaient présents la question suivante : « Tous ceux qui ont déjà eu affaire à un centre d'amitié, soit à titre d'employés ou de clients, peuvent-ils se lever? » Seulement deux personnes dans toute la salle sont restées assises. Bon nombre de ces chefs avaient déjà travaillé dans un centre d'amitié ou avaient déjà participé à un camp d'été financé par un centre d'amitié. Je me souviens d'avoir dit : « Wouah! » C'était vraiment touchant. Pouvoir s'impliquer et donner en retour à ce type de travail, c'est très gratifiant.

C'est notre pierre d'assise. Sur le plan des bénévoles, de nombreuses femmes participent au mouvement des centres d'amitié. C'est cette valeur fondamentale qui nous fait grandir, mais nous avons besoin de ressources. Nous avons atteint notre limite maximale pour pouvoir continuer le travail que nous faisons. C'est difficile.

Le sénateur Munson : Pouvez-vous parler brièvement du niveau national?

M. Hanselmann : C'est peut-être encore pire que vous ne l'imaginez. Le financement a été maintenu au niveau de 1996. Les salaires dans le cadre du Programme des centres d'amitié autochtones sont basés sur le modèle de prestation de services de 1976. Le financement n'est pas en retard de dix ans, mais de trente ans.

Le sénateur Munson : Je vous remercie de vos observations parce qu'elles reflètent ce que nous avons entendu aujourd'hui. Nous pouvons parler d'espoir, mais la réalité, c'est qu'il faut de l'argent pour faire le travail, outre l'espoir et le dévouement. Je vous suis reconnaissant de vos réponses.

Mme Peters : La Commission royale sur les peuples autochtones a également recommandé des niveaux de financement plus fiables et plus élevés pour les centres d'amitié.

Le président : Je pense que nous devrions chercher à comprendre pourquoi ce budget a été gelé pendant dix ans, ce qui est incroyable, et réduit d'environ 20 p. 100 juste auparavant. En rétrospective, on dispose de beaucoup moins d'argent aujourd'hui pour quelque chose qui a eu tant de succès, d'après ce que nous venons d'entendre.

Mme Steliga : Monsieur le président, puis-je revenir brièvement à la question du sénateur Keon?

Vous avez parlé d'une perspective axée sur la santé des populations et d'une base de données nationale. J'aimerais mentionner que le centre d'amitié dispose d'une base de données nationale. À l'heure actuelle, nous utilisons les résultats du programme, et il peut s'avérer intéressant d'examiner la question au niveau des résultats en matière de santé de la population. L'infrastructure et la base de données sont en place pour 117 centres dans l'ensemble du Canada. C'est peut-être possible de commencer par là l'analyse des résultats.

Le sénateur Keon : Je ferai le suivi avec vous. Je sais que certaines collectivités autochtones ont des bases de données et que l'infrastructure de base peut être étendue. Je vous en reparlerai plus en détail.

Le président : Je remercie les témoins. Vous avez tous fait des observations des plus instructives et des plus utiles.

La séance est levée.


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