Délibérations du Sous-comité sur les villes
Fascicule 2 - Témoignages du 29 mai 2008
OTTAWA, le jeudi 29 mai 2008
Le Sous-comité sur les villes du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui à 10 h 45 pour étudier les questions d'actualité des grandes villes canadiennes.
Le sénateur Art Eggleton (président) occupe le fauteuil.
[Français]
Le président : Bienvenue au sous-comité sur les grandes villes. Aujourd'hui, nous examinons l'assurance-emploi et ses répercussions sur l'emploi et le revenu.
[Traduction]
Notre sous-comité prend appui sur des travaux concernant la pauvreté qui ont déjà été réalisés au Sénat. Même si nous abordons particulièrement aujourd'hui le sujet de l'assurance-emploi, cela entre dans le thème plus général de la pauvreté, du logement et de l'itinérance. Cependant, il y a de nombreuses sources d'information sur lesquelles nous pouvons nous appuyer. Le rapport de 1971 dirigé par le sénateur Croll en est une; le rapport de 1997 du sénateur Cohen intitulé La pauvreté au Canada : le point critique en est une autre.
Parallèlement, notre étude s'ajoute au travail du Comité permanent de l'agriculture et des forêts, présidé par le sénateur Fairbairn. À la demande du sénateur Segal, il traite du problème de la pauvreté rurale.
De plus, notre collègue, le sénateur Keon, s'attache à la santé de la population, et nous savons que la pauvreté entre en compte quand nous parlons des déterminants sociaux de la santé. Il y a beaucoup de choses qui se passent, et j'espère que tous ces efforts convergeront dans le cadre de l'élaboration de politiques gouvernementales.
Comme je l'ai dit, aujourd'hui, nous mettrons l'accent sur l'assurance-emploi. Nous entendrons quatre témoins. Nous demandons à chacun de vous de présenter un bref exposé de cinq à sept minutes.
Nous entendrons d'abord David Gray, professeur agrégé, Département des sciences économiques de l'Université d'Ottawa. Il a beaucoup écrit sur le sujet de l'assurance-emploi pour l'Institut C.D. Howe et d'autres revues spécialisées. Il s'est surtout penché sur la participation à la vie active et les effets du passage de l'assurance-chômage, qui est l'ancien régime, à l'assurance-emploi, en tenant particulièrement compte des mesures incitatives et dissuasives au travail.
Nous entendrons également Axel van den Berg, professeur au département de sociologie de l'Université McGill. Il a écrit sur les changements liés à l'emploi par suite du passage de l'assurance-chômage à l'assurance-emploi et a mis l'accent sur la qualité du travail avant et après ce changement. Il a également étudié l'assurance-emploi dans le contexte de l'équilibre entre la responsabilité individuelle et collective pour ce qui est de la gestion des risques, y compris les risques du chômage.
Nous entendrons aussi Carole Vincent, PhD, associée principale de recherche de la Société de recherche sociale appliquée (SRSA), qui a beaucoup écrit sur les problèmes liés au marché du travail et qui a particulièrement examiné les arguments pour et contre les primes selon l'expérience pour les employeurs. De plus, elle s'est récemment penchée sur les dispositions concernant les prestations parentales et de soignant du régime d'assurance-emploi.
Le quatrième participant à cette table ronde est Richard Shillington, associé supérieur d'Informetrica Limited et consultant pour Tristat Resources. Il a écrit sur les changements apportés à la couverture d'assurance-emploi depuis 1996 et sur la manière dont cette couverture est mesurée et décrite, ainsi que sur l'accès aux prestations spéciales dans le cadre du régime d'assurance-emploi.
Je vous souhaite la bienvenue à tous les quatre.
David Gray, professeur agrégé, Département des sciences économiques, Université d'Ottawa : J'aimerais parler un peu du contexte. Le régime, selon moi, répond actuellement bien aux besoins en matière de sécurité du revenu des travailleurs qui travaillent une partie de l'année. Par conséquent, le régime d'assurance-emploi, tel qu'il est actuellement structuré, permet de redistribuer l'argent des régions plus populeuses à celles qui le sont moins. Ce n'est pas le cas des prestations spéciales, mais c'est vrai pour les prestations régulières.
Comme vous formez le Sous-comité sur les villes, j'aimerais parler des chômeurs urbains. Il est facile de prouver qu'un grand nombre de travailleurs en chômage n'ont pas accès aux prestations d'assurance-emploi. Il semble qu'un grand nombre d'entre eux n'aient pas eu d'emploi au cours des 12 derniers mois.
Nous savons que le taux de couverture a énormément baissé dans de nombreuses parties du pays au cours des trois dernières décennies. Les chômeurs qui ne sont pas admissibles se trouvent dans les régions urbaines, là où les taux de chômage sont habituellement assez peu élevés.
Ce groupe que forment les chômeurs urbains ne comprend pas un grand nombre de travailleurs saisonniers, et c'est précisément ce type de travailleurs qui bénéficient le plus du régime d'assurance-emploi, tel qu'il est structuré. Par conséquent, le régime n'est pas conçu pour aider les travailleurs qui sont à la périphérie de la population active dans des endroits comme la Région du Grand Toronto.
De plus, ce groupe compte une part proportionnellement trop élevée de travailleurs qui ont été mis à pied de manière permanente, et ces derniers ne bénéficient pas beaucoup du régime d'assurance-emploi, tel qu'il est actuellement structuré.
En conséquence, je crois qu'il est important de déterminer pourquoi un si grand nombre de personnes au sein de ce groupe ont de la difficulté à obtenir des prestations d'assurance-emploi. Toutefois, je pense également que le défi fondamental en matière de politique consiste non pas tant à faire en sorte qu'il soit plus facile pour les gens de toucher des prestations, mais à faire en sorte que l'assurance-emploi ne soit pas nécessaire en limitant le nombre de mises à pied et de cessations d'emploi.
Le régime passif — la partie I de l'assurance-emploi — est un régime unitaire, c'est-à-dire qu'il s'applique généralement à tous de la même manière sous réserve de la modification visant les 53 régions administratives. Chaque région se caractérise par son taux de chômage local, et si ce taux est au-dessus de 10 p. 100, la région est considérée comme ayant un taux de chômage élevé, et son taux d'admissibilité est donc beaucoup plus élevé qu'il ne le serait autrement.
À mon avis, compte tenu de l'hétérogénéité accrue des travailleurs et des chômeurs, ainsi que de l'augmentation du nombre d'emplois dits atypiques, le régime d'assurance-emploi n'est pas une solution universelle, et on ne devrait pas tenter de l'appliquer à tous. Avec un système unitaire et une population active très complexe et hétérogène, avec des tendances en matière d'emploi et de chômage qui sont elles aussi hétérogènes, il est extrêmement difficile de concevoir un seul régime unitaire dont les paramètres peuvent être modifiés pour répondre aux besoins de ces divers groupes de travailleurs.
J'aimerais savoir pourquoi un si grand nombre de travailleurs qui sont à la périphérie de la population active, et je ne parle pas seulement des travailleurs immigrants — même s'il s'agit bien sûr d'un groupe important — ont tellement de difficulté à obtenir des prestations d'assurance-emploi dans des régions où le taux de chômage global n'est pas très élevé.
Pour une raison quelconque, ils sont tout simplement incapables d'accumuler un nombre suffisant d'heures de travail, et je suppose qu'un grand nombre d'entre eux travaillent de manière non officielle dans le cadre d'activités tout à fait légales, mais qui ne sont pas visées par la réglementation concernant le secteur non structuré. Ils ne cotisent donc pas au Régime de pensions du Canada, ni au régime d'assurance-emploi.
Il est extrêmement difficile de déterminer exactement ce qui se passe parce que les données ne sont pas accessibles. Les ensembles de données générés par Statistique Canada se fondent principalement sur les gens qui font partie du marché du travail structuré et dont les activités d'emploi sont visées par la réglementation.
Par conséquent, je crois que c'est pour cette raison qu'un grand nombre de personnes ne peuvent pas obtenir de prestations. Nous aurons besoin de nouvelles enquêtes conçues d'une manière entièrement différente afin de déterminer pourquoi les immigrants, par exemple, sont si peu nombreux à être admissibles aux prestations d'assurance-emploi. Les enquêtes actuelles ne nous permettent tout simplement pas de répondre à cette question.
En ce qui concerne les modifications stratégiques éventuelles, les deux paramètres qui pourraient être modifiés sont la période d'admissibilité, c'est-à-dire le nombre de semaines et d'heures d'emploi assurable qui sont nécessaires pour que la personne soit admissible et la durée de la période de prestations. Il est toujours tentant, et c'est comme ça que les projets pilotes fonctionnent, d'assouplir les exigences ou de prolonger les périodes d'admissibilité aux prestations.
Comme je le dis ici, il faut prendre garde de ne pas modifier le régime de sorte qu'il encourage les travailleurs de l'Ontario à trouver un emploi saisonnier. Ce serait une grave erreur d'uniformiser les exigences de manière à ce que, partout dans le pays, il faille accumuler 12 semaines d'emploi assurable et 40 semaines pour les prestations maximales parce que nous ne voulons pas que ce genre d'industries très saisonnières se crée en Ontario, au Québec et en Alberta. Je ne pense pas que nous voulons encourager l'utilisation répétée de l'assurance-emploi dans la plus grande partie du marché du travail canadien.
Pour ce qui est des conditions d'admissibilité et de la durée de la période de prestations, la conception de la partie 1 du régime d'assurance-emploi fait en sorte qu'il est difficile d'aider davantage des groupes précis de travailleurs.
Un exemple concret de cela est la prolongation récente de cinq semaines des prestations pour aider les victimes du « trou noir ». On voulait verser plus de prestations et rendre le régime plus généreux pour environ 30 000 de ces travailleurs, mais on a fini par prolonger la période de prestations pour environ 100 000 travailleurs. Par conséquent, il est très difficile d'aider de façon ciblée les groupes qui semblent avoir le plus besoin de toucher des prestations d'assurance-emploi plus généreuses.
Je suis en faveur de l'idée de verser des prestations supplémentaires aux travailleurs qui occupent leur emploi depuis longtemps et qui n'ont pas récemment présenté de nombreuses demandes d'assurance-emploi parce que les recherches montrent que ce sont eux qui ont le plus de difficulté à trouver un nouvel emploi. Une question d'équité peut être soulevée dans ces cas parce qu'il s'agit de travailleurs qui cotisent parfois au régime sans interruption depuis 30 ans et qui, très souvent, reçoivent des prestations d'assurance-emploi pendant 20 semaines, au plus.
Pour certains de ces travailleurs plus âgés, je suis en faveur de prolonger la période d'admissibilité aux prestations.
Je suis également en faveur d'aider les travailleurs à faible revenu dont les tendances en matière d'emploi sont stables et je suggère un rabais des cotisations d'assurance-emploi pour les travailleurs à faible revenu qui risquent peu de demander des prestations. Cette mesure ressemblerait à la prestation fiscale pour le revenu gagné.
Un tel rabais agirait également à titre de récompense pour les tendances en matière d'emploi stables parce que le régime, tel qu'il est actuellement conçu, récompense et favorise les gens qui travaillent une partie de l'année et dont les tendances en matière d'emploi sont instables.
Je mentionne ici que l'évaluation de l'expérience est une idée politique qui ne sera jamais mise en œuvre, et elle intéresse un bon nombre d'économistes, mais pas tous.
En ce qui concerne la partie II du régime d'assurance-emploi, je pense qu'il devrait y avoir des conditions d'admissibilité distinctes et uniformes pour les prestations visées par cette partie. La plupart des provinces ont conclu des ententes sur le développement du marché du travail avec Ressources humaines et Développement social Canada, RHDSC, mais il est toujours assez difficile d'être admis dans des programmes de perfectionnement des compétences, de formation professionnelle et de conseils en matière d'emploi. Par conséquent, je pense que presque tout le monde devrait avoir accès à certains des programmes prévus par la partie II du régime d'assurance-emploi.
Le président : J'aimerais que vous terminiez ce que vous avez à dire bientôt.
M. Gray : Il y a un certain nombre de réformes stratégiques possibles à l'extérieur du cadre du régime d'assurance-emploi. Les subventions particulières pour les travailleurs qui ont été mis à pied de manière permanente m'intéressent parce que, comme je l'ai déjà dit, les travailleurs qui ont beaucoup d'ancienneté et qui se font mettre à pied ont tendance à avoir beaucoup de difficulté à s'adapter à leur nouvelle situation. Ces travailleurs habitent, en majorité, en Ontario et au Québec. On pourrait donc verser des subventions d'adaptation aux travailleurs d'entreprises et d'industries particulières qui sont mis à pied.
Finances Canada a un nouveau programme qui vise à venir en aide aux habitants de certaines villes où il n'y a qu'une usine ou une entreprise, et je ne crois pas qu'une grande partie de cet argent ait été dépensée. Je ne sais pas grand-chose sur ce programme ni sur sa manière de fonctionner. Ce n'est pas un programme de RHDSC, mais je m'intéresse aux programmes de cette nature.
Je ne parlerai pas des nouveaux immigrants qui ont beaucoup de difficulté à survivre dans le marché du travail d'aujourd'hui, mais j'aimerais renvoyer le comité aux travaux de mes collègues, Arthur Sweetman et Chris Worswick, qui en connaissent davantage que moi sur ce problème compliqué.
En ce qui concerne les ententes sur le développement du marché du travail, je dirai que, dans tout le monde industrialisé, on ne voit pas d'un bon œil les programmes de formation et de recyclage professionnels financés par l'État, car on ne croit pas qu'ils donnent lieu à de bons résultats. C'est ce que montrent certaines des recherches existantes et des évaluations non expérimentales. Il s'agit d'une situation inquiétante, mais je ne crois pas qu'on doit renoncer à ces programmes. Le défi consiste à tenter d'élaborer des programmes de formation et de recyclage professionnels et d'aide au déplacement plus efficaces.
Sur cette diapositive, j'affirme que les programmes de perfectionnement des compétences n'ont pas toujours les mêmes résultats. J'ai probablement exagéré. Ils semblent, dans l'ensemble, ne pas être très efficaces. Cela est vrai aux États-Unis, ainsi que dans certains pays de l'Europe de l'Ouest.
RHDSC a divers programmes ciblant les travailleurs âgés en chômage. J'ai hâte de savoir ce qui en résultera, mais nous ne le saurons pas avant environ deux ans.
Enfin, pour ce qui est des nouveaux programmes d'intervention sur le marché du travail qui sont mis en œuvre indépendamment du régime d'assurance-emploi, les études supérieures et la formation professionnelle semblent avoir des répercussions importantes. On réalise actuellement un grand nombre de recherches pour tenter de différencier les divers types de formation et d'enseignement, et cetera, et de déterminer quels programmes et types de formation semblent être les plus et les moins efficaces.
Je m'arrêterai ici.
Le président : Merci. Vous nous avez fourni des renseignements importants.
Axel van den Berg, professeur, Département de sociologie, Université McGill : Je présenterai quelque chose de complètement différent. Je n'ai pas toute une liste de recommandations à faire, comme mon collègue. Ma recherche porte sur un sujet plus large. Je travaille à une comparaison du cas canadien aux cas de pays nordiques, en particulier. Je m'intéresse à la question bien connue qui consiste à déterminer si les régimes d'assurance-emploi ou d'assurance chômage qui sont généreux mènent nécessairement à un manque de souplesse du marché du travail.
Les pays nordiques ont toujours prétendu qu'ils avaient évité les problèmes liés à un régime plus généreux en mettant davantage l'accent sur des politiques d'intervention sur le marché du travail.
Dans le cadre de ma recherche, j'ai, en partie, tenté de déterminer si cette allégation est justifiée et si le régime canadien pouvait être modifié de manière à ressembler davantage aux régimes des pays nordiques.
L'un des points majeurs à prendre en considération est que les pays nordiques, mêmes s'ils ont la réputation d'être sociodémocrates et de favoriser les travailleurs, ont toujours eu des régimes qui comportaient un élément essentiel de travail obligatoire. Ils ont toujours, à divers degrés, imposé des sanctions aux prestataires d'assurance-emploi qui ne respectent pas les conditions du régime. Ils ont beaucoup mis l'accent sur la nécessité de compenser la grande générosité de leurs niveaux de prestations et les périodes de prestations relativement longues — du moins par rapport au Canada, mais pas par rapport aux autres pays de l'Europe continentale — par un régime sévère qui catégorise les gens selon leur formation et les oblige d'accepter des emplois quand ils sont disponibles et ainsi de suite. Le Canada n'a pas été très sévère à cet égard.
Ces deux régimes ont des avantages et des inconvénients. Le régime canadien fonctionne généralement bien, comme M. Gray l'a mentionné. Notre taux de chômage chronique est très bas, ce qui est l'une des mesures importantes du manque de souplesse du marché du travail. Actuellement, notre taux vient au troisième rang parmi les plus bas dans toute l'OCDE, c'est-à-dire l'Organisation de coopération et de développement économiques; nous nous situons juste au-dessous des États-Unis en ce qui concerne le pourcentage de personnes en chômage qui le demeurent pendant un an ou plus. À cet égard, le régime fonctionne bien.
Dans les domaines du remplacement du revenu et des travailleurs en chômage, les résultats sont moins bons. À cet égard, nous sommes tout au bas de la liste. Nous avons très peu de mesures d'intervention pour aider les gens à trouver un nouvel emploi.
La réforme importante visant l'assurance-emploi qui a été mise en application en 1996-1997 a été accompagnée de grands discours sur le passage d'un régime passif, dans le cadre duquel les gens touchaient essentiellement des prestations sans avoir à satisfaire à pratiquement la moindre exigence, à un régime actif plus restrictif, qui permettrait censément des épargnes, lesquelles seraient utilisées pour mettre en œuvre des programmes d'intervention. Cependant, dans les faits, le montant d'argent qui a été investi dans des programmes d'intervention était minime par rapport au cas européen. Moins de 0,5 p. 100 de notre PIB, c'est-à-dire notre produit intérieur brut, est investi dans des mesures d'intervention, tandis que des pays comme le Danemark et la Suède investissent de 1,5 à 2 p. 100 de leur PIB dans de telles mesures.
Les résultats des pays nordiques sont encore plus impressionnants quand on les compare à ceux des pays de l'Europe continentale. La situation dans ces pays est terrible, comme la plupart d'entre vous le savez. Ils ont des taux de chômage chronique élevés, et de vastes segments de la population active potentielle sont essentiellement exclus de l'emploi régulier, particulièrement dans des pays comme la France, l'Espagne et l'Italie.
Les pays nordiques ont réussi à obtenir un taux d'emploi élevé — c'est-à-dire qu'une grande partie de la population active occupe effectivement un emploi — des taux élevés de participation à la vie active, des taux de chômage bas et des taux de chômage chronique moyens.
Leur taux de réussite est élevé, mais il est accompagné de coûts considérables. Ces derniers s'élèvent à environ 4 ou 5 p. 100 du PIB pour tout le régime d'assurance-emploi — tandis que nous dépensons peut-être 1,5 p. 100 de notre PIB sur les deux parties du régime d'assurance-emploi. Les coûts sont certainement élevés, et il y a de nombreux problèmes liés aux programmes d'intervention sur le marché du travail qu'ils mettent en œuvre.
Comme M. Gray l'a mentionné, ils sont bien sûr occupés à l'évaluation de l'efficacité de ces divers programmes. Les programmes de formation aboutissent généralement au bas de la pile. Il y a un consensus général dans la documentation selon lequel les programmes de formation organisés par le service public de l'emploi ont des résultats très variés. En revanche, on s'entend également de plus en plus sur la nécessité d'appliquer des règles d'admissibilité plus strictes et une surveillance plus étroite, et d'allouer plus de ressources aux conseils en matière d'emploi, notamment; ce consensus a été reflété dans une série de réformes mises en œuvre presque partout en Europe. Ces dernières semblent avoir eu des effets très positifs, selon toutes les mesures d'évaluation.
En ce qui a trait à la formation, je suis d'accord avec M. Gray quand il affirme que, même si les rapports d'évaluation ont, jusqu'à maintenant, montré des résultats variés, cela ne veut pas nécessairement dire que la formation n'est pas efficace. J'ai consulté des études plus détaillées qui ont été réalisées en Finlande et au Danemark, et toutes deux indiquent qu'il y avait une division très claire parmi les clients de ces programmes de formation. Si ma mémoire est bonne, en Finlande, la participation d'environ 40 p. 100 des travailleurs qui ont suivi une formation organisée par le service public de l'emploi représentait un gaspillage de ressources parce qu'on a montré qu'ils auraient trouvé les emplois qu'ils ont fini par accepter même s'ils n'avaient pas suivi la formation. Environ 20 p. 100 des participants étaient essentiellement — j'utiliserai un terme très peu diplomatique — des cas désespérés; cependant, les 40 p. 100 restants semblaient avoir bénéficié de ces programmes de formation.
Le message que j'en retire, c'est qu'on ne devrait pas abandonner l'idée d'offrir une formation par l'entremise de ces programmes, mais qu'on devrait faire plus attention dans le choix de la clientèle. Selon moi, il s'agit d'une perspective qui fait de plus en plus l'objet d'un consensus parmi les chercheurs dans ce domaine. Nous devrions appliquer nos politiques moins aveuglément. Dans le cas canadien, cela voudrait dire qu'on aurait à consacrer beaucoup plus de ressources aux conseils en matière d'emploi, au suivi et aux services généraux de recherche d'emploi.
Les conditions macroéconomiques sont très rarement prises en considération de manière adéquate parce que la documentation et les débats portent sur les politiques et non sur les conditions économiques. De plus, dans cette documentation et dans ces débats, on a tendance à tenter d'attribuer la plupart des résultats aux politiques ou, au contraire, à déclarer que les politiques n'ont aucun effet.
Il y a eu une succession de « modèles » européens réussis. Pendant un certain temps, c'était la Suède, puis, l'Allemagne et le Japon, puis, le Danemark, et maintenant, c'est la Hollande. Dans chacun de ces cas, vous constaterez que les services fournis par le service public de l'emploi sont extrêmement efficaces quand les conditions macroéconomiques sont bonnes. Autrement dit, l'efficacité d'un service public de l'emploi dépend de la disponibilité des emplois. C'est une situation entièrement différente en ce qui concerne l'élaboration des politiques. Modifier le régime d'assurance-emploi peut aider, mais seulement quand les conditions macroéconomiques sont favorables.
Carole Vincent, associée principale de recherche, Société de recherche sociale appliquée : Je vous remercie de m'avoir invitée à comparaître devant vous aujourd'hui et de me donner l'occasion de vous faire part de certaines des leçons que nous avons apprises dans le cadre de notre recherche sur les réalités complexes des tendances en matière d'emploi et de l'utilisation des prestations d'assurance-emploi.
J'espère que mon exposé contribuera à une meilleure compréhension de la mesure dans laquelle le régime d'assurance-emploi reflète les réalités actuelles du marché du travail, facilite le fonctionnement du marché du travail et fournit une assurance adéquate aux personnes qui cotisent au régime.
Le régime d'assurance-emploi verse, chaque année, des prestations qui s'élèvent à environ 10 milliards de dollars et fournit une aide financière mensuelle à des milliers de travailleurs qui se retrouvent sans emploi. Par le versement de prestations parentales, de maladie, de maternité et de soignant, l'assurance-emploi fournit également une aide aux travailleurs qui doivent temporairement arrêter de travailler pour des raisons personnelles et influe ainsi sur les décisions de vie de tous les Canadiens.
Au cours des dernières années, on a beaucoup discuté de la clientèle cible du régime et de la mesure dans laquelle il réussit à protéger cette clientèle. Comme, essentiellement, tous les travailleurs rémunérés doivent cotiser au régime, mais que le versement des prestations se limite à ceux qui satisfont aux critères d'admissibilité, un résultat d'intérêt particulier est la mesure dans laquelle les Canadiens en chômage ont accès aux prestations.
La proportion des chômeurs qui ont accès aux prestations en vertu des règles du régime est en décroissance depuis les réformes de 1996 — elle est autour de 40 p. 100, selon les dernières estimations de Statistique Canada. Cette proportion est probablement plus basse dans les villes où les taux de chômage régionaux sont bas et le nombre d'heures d'emploi minimal pour être admissible aux prestations est plus élevé.
Parmi le reste des travailleurs qui ne peuvent pas toucher de prestations d'assurance-emploi, une partie ne sont pas admissibles, même s'ils sont assurés dans le cadre du régime, parce qu'ils n'ont pas accumulé suffisamment d'heures pour toucher des prestations. Les travailleurs restants ne sont pas assurés dans le cadre du régime parce qu'ils n'ont jamais travaillé, qu'ils ont été en chômage pendant plus d'un an ou ont quitté leur dernier emploi pour des raisons qui ne sont pas considérées comme valides en vertu des règles du programme, ce qui comprend un retour aux études. Ils peuvent également ne pas être admissibles parce qu'ils n'ont pas cotisé au programme, ce qui est le cas, par exemple, des travailleurs autonomes.
Le régime d'assurance-emploi est un programme fondé sur les heures de travail, mais ces dernières ne sont pas toutes considérées comme égales. Les règles de l'assurance-emploi, qui sont assez complexes, donnent lieu à des divergences importantes — certains les considèrent comme des iniquités — relatives à la mesure dans laquelle les travailleurs qui cotisent au régime en tirent profit.
Qui sont ceux qui cotisent au programme, mais qui ne travaillent pas pendant suffisamment d'heures pour toucher des prestations? Comme vous le savez probablement, les femmes représentent une partie disproportionnée de ces travailleurs rémunérés. Les jeunes constituent un autre groupe important.
Qui sont les travailleurs qui cotisent au programme et touchent effectivement une grande part des prestations d'assurance-emploi? Ce sont les travailleurs dont les tendances en matière d'emploi et les horaires de travail sont le plus conformes aux règles de l'assurance-emploi concernant l'admissibilité et le calcul des prestations.
Une part de plus en plus importante des personnes qui touchent des prestations régulières d'assurance-emploi sont des travailleurs qui vivent des interruptions d'emploi prévisibles, souvent saisonnières et répétitives. Au cours des cinq dernières années, la proportion des demandes de prestations régulières présentées par des prestataires fréquents a augmenté pour s'approcher des 40 p. 100.
Les demandes fréquentes sont souvent associées à l'emploi saisonnier. La proportion des demandes saisonnières est demeurée stable au cours des dernières années malgré des améliorations importantes des conditions économiques et malgré le fait que l'économie canadienne dépend de moins en moins des industries saisonnières traditionnelles.
L'utilisation fréquente de l'assurance-emploi peut être due au fait que certains travailleurs se sont familiarisés avec le programme et ont appris comment tirer profit de ses règles et de ses dispositions. Notre recherche a montré que, dans de nombreux cas, l'utilisation de l'assurance-emploi par les travailleurs est un symptôme de la difficulté qu'ils ont à trouver un travail stable ou plus valorisant à cause d'un manque de compétences adéquates, d'une reconnaissance inadéquate de leurs compétences, d'un niveau d'études insuffisant ou du manque de perspectives d'emploi dans leur région. Les travailleurs plus âgés, ceux qui ont un niveau d'études peu élevé et ceux qui habitent dans des régions où il y a peu de perspectives d'emploi sont les plus susceptibles de rester pris dans l'engrenage de l'assurance-emploi.
En conséquence, quand on élabore des politiques qui visent strictement à limiter l'utilisation fréquente de l'assurance-emploi par certains travailleurs, on fait fausse route. Les politiques devraient plutôt viser à éliminer les barrières à l'emploi auxquelles se butent les travailleurs qui ne sont pas bien outillés pour réaliser pleinement leur potentiel dans le marché du travail, qu'ils dépendent de l'assurance-emploi ou non.
Effectivement, notre recherche indique que, si certains travailleurs qui ont de la difficulté à trouver un emploi plus sûr sont capables de trouver des emplois qui leur permettent d'être admissibles aux prestations d'assurance-emploi, il y a un nombre beaucoup plus important de travailleurs qui ont le même problème, mais qui sont incapables de travailler pendant un nombre suffisant d'heures pour être admissibles aux prestations. Notre recherche met également l'accent sur la nécessité d'aller au-delà des mesures traditionnelles du travail saisonnier pour refléter les nombreuses situations diverses des travailleurs qui vivent des périodes régulières de chômage annuellement.
Nous avons également déterminé que les travailleurs dont les tendances en matière d'emploi semblent être saisonnières, mais qui ne demandent pas de prestations d'assurance-emploi, n'ont pas nécessairement plus de succès sur le marché du travail. Ils sont très susceptibles de travailler dans le cadre de plusieurs emplois et de travailler à temps partiel s'ils trouvent un autre emploi. Ils habitent dans toutes les régions du pays, y compris dans les villes où il y a de meilleures perspectives d'emploi, lesquelles ne leur ont pas nécessairement permis de trouver un emploi stable. Un grand nombre d'entre eux sont des femmes.
L'utilisation de l'assurance-emploi est également un problème qui est lié à l'entreprise. Il y a des éléments probants qui montrent clairement que les entreprises permettent de comprendre, en partie, le recours fréquent à l'assurance-emploi. Notre recherche confirme qu'un nombre important d'entreprises reçoivent régulièrement des subventions par l'entremise du régime d'assurance-emploi, car le montant de prestations que touchent leurs employés est plus élevé que leurs cotisations au régime. Notre recherche montre également que les pratiques en matière de ressources humaines et d'autres caractéristiques des entreprises sont deux fois plus importantes que l'industrie ou l'emplacement de l'entreprise quand il s'agit de déterminer pourquoi elles profitent plus souvent que les autres de l'assurance-emploi.
En conclusion, le régime d'assurance-emploi a évolué au cours de la dernière décennie, et sa nature ne correspond pas nécessairement à ce à quoi l'on s'attendrait d'un régime d'assurance. La réforme de 1996 comprenait l'introduction de ce qu'on appelle les prestations de la partie II du régime, qui fournit une aide directe aux chômeurs par l'entremise de diverses prestations d'emploi et mesures de soutien qui visent à venir en aide aux groupes désavantagés afin qu'ils réalisent leur plein potentiel dans le marché du travail canadien. Par la bonification des prestations parentales et les prestations de soignant plus récentes, le régime d'assurance-emploi vient de plus en plus souvent en aide à des travailleurs qui vivent des périodes de chômage pour des raisons qui sont, dans une certaine mesure, prévisibles, prévues et volontaires. Même si ces prestations visent à aider les travailleurs qui doivent trouver un équilibre entre le travail et leurs responsabilités familiales, elles peuvent être considérées comme des mesures qui ne sont pas conformes à la raison d'être d'un régime d'assurance.
Ces mesures qui s'éloignent des principes d'assurance peuvent refléter une transformation importante de valeurs qui pourrait donner lieu à d'autres réformes en matière d'assurance-emploi. Il est toutefois toujours important de se demander s'il y a de meilleurs moyens d'améliorer la sécurité du revenu des Canadiens.
Les mesures qui visent à promouvoir la participation à la population active doivent faire davantage que d'obliger les gens à travailler et devraient viser à les sortir de la pauvreté. Le travail peut faire partie de la solution, mais souvent, ce n'est pas suffisant. Les mesures comme la prestation fiscale pour le revenu gagné pour les travailleurs à faible revenu sont également nécessaires pour garantir que les efforts de travail sont récompensés et que les familles ne vivent pas dans la pauvreté. À ces types de mesures doivent s'ajouter des programmes qui aident les travailleurs à faible revenu à trouver des emplois plus sûrs et mieux rémunérés.
Richard Shillington, associé principal, Informetrica Limited : Je vous remercie de l'occasion qui m'est offerte de vous parler de l'assurance-emploi. Malheureusement, dans le temps disponible, je n'ai pas pu préparer un mémoire officiel, mais j'espère que vous trouverez mes remarques utiles.
Je fais des recherches sur l'assurance-emploi depuis la Commission Forget, en 1986. Plus récemment, j'ai fourni un témoignage d'expert sur les défis juridiques liés aux modifications apportées au régime d'assurance-emploi en 1996.
Selon moi, on abuse beaucoup du régime d'assurance-emploi depuis un certain nombre d'années. Ce dernier réussit de moins en moins à réaliser son objectif initial, qui consiste à fournir un soutien du revenu temporaire aux chômeurs, parce que ses fonds sont utilisés pour divers autres objectifs. L'assurance-emploi a été restreinte parce que les gouvernements craignent que les chômeurs en abusent. Ce sont plutôt les gouvernements qui ont abusé du régime.
Les mesures suivantes constituent certains des assauts majeurs qu'a subis le régime d'assurance-emploi : la fin des prestations pour les départs volontaires; la fin de la responsabilité fédérale relative aux prestations dans les régions à taux de chômage élevé — on appelait ces dernières les prestations de prolongation fondée sur le taux de chômage régional, et elles étaient versées par le gouvernement fédéral; le passage du calcul des semaines au calcul des heures en 1996, qui a contribué à marginaliser davantage les employés les plus marginalisés et la réduction du maximum de la rémunération assurable qui, au fil du temps, a réduit la valeur de l'assurance-emploi pour les Canadiens à revenu moyen.
Les cotisations à l'assurance-emploi constituent une forme très régressive de taxation. Ces cotisations servent maintenant à couvrir les coûts de la formation. En fait, dans le cadre de cette structure, comme je suis travailleur autonome, je ne contribue pas du tout à la formation qui est offerte par l'entremise du régime d'assurance-emploi. Je suis exonéré de cette taxe.
Comme vous le savez très bien, l'excédent de l'assurance-emploi est actuellement utilisé à des fins qui ne touchent pas l'assurance-emploi au lieu d'autres formes d'augmentations de taxes. Un excédent d'assurance-emploi est à coup sûr une forme plus régressive de taxation que les autres solutions qui auraient pu être adoptées.
Le fait d'ajouter des prestations sociales, comme les prestations parentales, de maternité et de soignant aux prestations d'assurance-emploi rend trouble la frontière entre les prestations familiales et d'assurance-emploi.
Les prestations de maternité ne sont versées qu'à la moitié des nouvelles mères. Elles ne sont pas disponibles pour les travailleuses autonomes, sauf au Québec. Environ la moitié des nouvelles mères qui ne touchent pas de prestations de maternité ont travaillé au cours de la dernière année, mais elles n'ont pas travaillé dans la mesure et des manières requises par le régime d'assurance-emploi.
En vertu du régime d'assurance-emploi, les nouvelles mères ne peuvent pas travailler à temps partiel pendant qu'elles touchent des prestations de maternité. Le régime d'assurance parentale québécois pour les travailleurs autonomes comprend un taux de remplacement et un maximum de rémunération assurable plus élevés, fournit une souplesse dans la durée et la forme de prestations de maternité, et a donné lieu à des niveaux de prestations et à un nombre de prestataires beaucoup plus élevés, particulièrement chez les hommes. Les travailleurs qui occupent un emploi précaire sont moins susceptibles d'être admissibles à l'assurance-emploi.
Je vais décrire le programme de prestations de maternité prévu par le régime d'assurance-emploi. Si vous avez été malade ou en chômage au cours de la dernière année, vous toucherez des prestations de maternité pendant une période moins longue. Vous devez laisser s'écouler un délai de carence de deux semaines, ce qui peut être considéré comme raisonnable dans un régime d'assurance, mais qui n'a aucun sens dans le cadre d'un régime de prestations de maternité. En fait, le régime de prestations de maternité que la fonction publique a elle-même négocié ne comprend pas un délai de carence de deux semaines. Il y a un taux de remplacement du revenu de 55 p. 100. Le revenu ne comprenait pas les pourboires, par exemple; ils ne comprenait que la rémunération. Le montant de prestations maximales est d'environ 413 $ par semaine.
Le régime de prestations de maternité de la fonction publique comprend un taux de remplacement du revenu de 93 p. 100, et il n'y a pas de limite en ce qui concerne le montant de prestations. Vous ne pouvez pas gagner de l'argent pendant que vous touchez des prestations de maternité dans le cadre du régime de l'assurance-emploi.
Les conséquences régionales des règles du régime d'assurance-emploi concernant l'admissibilité et les prestations qui favorisent les régions à taux de chômage élevé sont désavantageuses pour les jeunes, particulièrement dans les grandes villes.
Par exemple, selon mes estimations, les travailleurs de Toronto versent environ 19 p. 100 de toutes les cotisations à la caisse d'assurance-emploi, mais les Torontois ne touchent qu'environ 10 p. 100 des prestations. Les cotisations des travailleurs ontariens s'élèvent à 41 p. 100, mais ces derniers ne touchent qu'environ 28 p. 100 des prestations.
On a beaucoup parlé de ce que les techniciens appellent le ratio PC, que l'on calcule en divisant le nombre de prestataires par le taux de chômage. Par le passé, ce ratio a dépassé les 80 p. 100; présentement, il est légèrement supérieur à 40 p. 100 en Ontario et à 28 p. 100 à Toronto. Chez les jeunes, ce ratio est de 22 p. 100 en Ontario et de 10 p. 100 à Toronto.
Si vous êtes un jeune à Toronto, vos chances de toucher des prestations d'assurance-emploi équivalent environ à 10 p. 100. Il s'agit d'une conséquence logique des règles qui ont été mises en place.
Certaines personnes affirment que le ratio PC ne constitue pas une bonne mesure de la couverture parce que certains des gens qui sont compris dans le dénominateur, c'est-à-dire les chômeurs, n'ont pas cotisé au régime et n'étaient donc jamais ciblés par le régime. On pourrait se demander pourquoi nous avons un régime qui ne vise pas à venir en aide aux chômeurs.
Il y a quelques années, j'ai réalisé une recherche pour un ministère du gouvernement et j'ai calculé un nouveau ratio — ceux qui touchaient des prestations régulières en tant que proportion des chômeurs qui avaient cotisé au régime d'assurance-emploi au cours de l'année précédente. Quel est le ratio quand le numérateur représente les prestataires réguliers et que le dénominateur représente les chômeurs qui ont travaillé et qui ont cotisé au régime au cours de l'année précédente?
Il n'est plus de 40 p. 100; il est de 48 p. 100. Cela représente une légère augmentation. Seulement 19 p. 100 des jeunes chômeurs qui ont cotisé au régime au cours de l'année précédente touchent des prestations. Chez les jeunes femmes, ce ratio s'élève à 28 p. 100.
Vous comprendrez pourquoi les règles de 1996 ciblaient particulièrement les travailleurs à temps partiel. Pour les femmes qui travaillent à temps partiel, le ratio s'élève à 27 p. 100.
Quand l'on compare les prestations qui étaient versées au début des années 90 à celles qui sont versées maintenant, les taux de prestations généraux ont diminué d'environ un tiers si l'on tient compte de l'inflation. Chez les Canadiens à faible revenu, ils ont diminué de la moitié. Pour des raisons qui m'échappent, on a privé les membres les plus vulnérables de la société des prestations.
Actuellement, des prestations régulières représentent le plus étroitement ce que l'assurance-emploi est censée faire — fournir le remplacement du revenu. Au début des années 80, ces prestations représentaient 86 p. 100 des prestations versées. Maintenant, l'assurance-emploi représente 58 p. 100 des prestations versées.
Environ 90 p. 100 des cotisations étaient utilisées pour verser des prestations du revenu. Maintenant, ce taux est inférieur à la moitié.
Les prestations d'assurance-emploi régulières représentaient un peu plus de 2 p. 100 de la rémunération versée au Canada — c'était, dans un sens, ce que l'on assurait. Elles représentent maintenant 1,2 p. 100 de ce montant, à l'échelle nationale, et environ 0,7 p. 100, en Ontario.
En conclusion, je crois qu'on doit explorer la possibilité de retirer les prestations spéciales pour la grossesse du régime d'assurance-emploi, car, selon moi, elles ne sont pas versées de manière appropriée parce qu'elles sont liées à des problèmes relatifs au marché du travail. Elles devraient faire partie d'un régime qui serait financé un peu comme le RPC, c'est-à-dire qu'on y cotiserait selon notre rémunération annuelle. C'est un peu ce qui se passe au Québec.
Si l'on décidait de faire cela, je pense qu'on devrait également retirer les prestations de soignant du régime d'assurance-emploi et les inclure dans un régime semblable.
J'ajouterais également que les prestations d'invalidité n'ont pas leur place au sein du RPC. Ce programme serait mieux administré dans le cadre d'un régime de sécurité sociale financé, comme le RPC, qui ne serait pas lié aux questions de la participation à la population active.
Le président : Je vous remercie tous.
Vous avez montré avec éloquence que le régime actuel a beaucoup de défauts, liés à des iniquités, et à un manque d'efficacités et d'efficiences. Vous avez expliqué les raisons pour cela dans un contexte général et fourni des idées sur les manières de régler ces problèmes.
Je poserai une question sur chacun de ces défauts.
J'ai, devant les yeux, un tableau qui représente le pourcentage de chômeurs qui touchent des prestations régulières d'assurance-emploi par grande ville. Vous l'avez probablement déjà vu. Il indique des statistiques semblables à celles que M. Shillington nous a fournies.
Au bas du tableau, il est indiqué que 20,7 p. 100 des chômeurs d'Ottawa reçoivent des prestations d'assurance-emploi. Toronto n'est pas loin derrière, à 22,3 p. 100. Tout en haut, il y a St. John's, où 51,5 p. 100 des chômeurs touchent des prestations. C'est une différence énorme.
Les régions à taux de chômage élevé constituent un facteur dont on doit tenir compte, mais entre 20,7 p. 100 et 51,5 p. 100, il y a une différence extrême. St. John's fera bientôt partie d'une province « nantie ». Par conséquent, je ne crois pas que cette différence soit justifiée. Calgary, où l'on ne s'attendrait pas à voir un taux de chômage élevé, compte un pourcentage plus élevé de prestataires d'assurance-emploi qu'Ottawa ou Toronto, par exemple.
Comment explique-t-on cela et comment peut-on éliminer ces iniquités, reflétées par les statistiques?
M. Gray : Est-ce que je peux deviner? Plus tôt, j'ai dit que nous ne connaissons pas la réponse à cette question.
Cependant, je pense que cela est grandement lié aux gens qui travaillent dans le cadre d'emplois non officiels. Dans une ville comme Calgary, il devrait être possible d'accumuler un nombre suffisant d'heures d'emploi assurable pour être admissible aux prestations. C'est 35 fois 20. Il vous faut donc 700 heures d'emploi assurable pour être admissible aux prestations à Calgary. Ça ne semble pas être une barrière impossible à surmonter dans le marché du travail d'aujourd'hui.
Selon moi, cette situation est due au fait qu'il y a beaucoup de nouveaux arrivants au Canada et de gens dont les tendances en matière d'emploi sont précaires, qui travaillent irrégulièrement ou, peut-être, pour plusieurs employeurs et qui n'ont pas d'emploi stable. Statistique Canada et RHDSC n'ont donc pas de dossiers sur eux dans leurs banques de données.
Le travail est fait, et les emplois existent, mais il ne s'agit tout simplement pas d'emplois assurables. C'est ce que je pense.
Le président : Il y a beaucoup moins de prestations d'assurance-emploi qui sont versées à Calgary qu'à St. John's. Certains de ces facteurs ne s'appliquent-ils pas à St. John's?
M. Gray : Le taux de chômage à St. John's est maintenant au-dessous de 10 p. 100. Ce n'est donc plus une région au taux d'admissibilité élevé, et il ne sera plus aussi facile de toucher des prestations.
Nous avons besoin d'une enquête qui comprendra un échantillon représentatif des types de personnes qui ne sont pas couvertes. Nous ne pourrons pas répondre à cette question en réalisant des études de cas ici et là. Nous devons constituer un échantillon représentatif de personnes qui ne sont pas admissibles et déterminer pourquoi elles ne le sont pas. La difficulté inhérente liée à cette question est que nous ne savons pas pourquoi nous n'en savons pas davantage actuellement.
M. van den Berg : J'ai commencé des travaux pour tenter de comparer les chômeurs et les personnes qui ne touchaient pas de prestations pendant les années 1990. Cette période correspond à la mise en œuvre de la réforme majeure, et j'ai voulu déterminer s'il y avait des différences entre la situation avant et après cette réforme.
Je devrais mentionner que, même si nous semblons tous être obsédés par la réforme de 1996-1997, la diminution du ratio prestations/chômage a, dans les faits, eu lieu avant cette réforme. Il n'y a presque pas eu de changement après la réforme. Le passage du calcul des semaines au calcul des heures n'est pas le grand coupable. Il y a d'autres raisons. D'autres restrictions qui ont été mises en œuvre beaucoup plus tôt sont, en partie, à blâmer pour la diminution du ratio PC, c'est-à-dire des prestations/chômeurs. J'ai étudié la rémunération en m'appuyant sur un ensemble de données de Statistique Canada appelé l'Enquête sur la dynamique du travail et du revenu. J'ai constaté que les travailleurs qui ne touchent pas de prestations et qui se déclarent en chômage ont beaucoup plus de difficulté que ceux qui en ont touché. Quand on examine le revenu familial, il n'y a presque pas de différence entre les deux. Il y a beaucoup de choses qui entrent en jeu. Ce qui est important, c'est que, quand on tient compte du revenu familial, les erreurs-types, c'est-à-dire la répartition est beaucoup plus large. Il y a des catégories de familles qui souffrent beaucoup de ne pas toucher de prestations d'assurance-emploi et il y en a d'autres qui ne souffrent pas. Comme M. Gray l'a dit, nous devons passer tout cela au peigne fin afin de déterminer exactement ce qui se passe. Il y a définitivement une catégorie de personnes qui se déclarent en chômage et qui ont tout de même un revenu familial convenable. Il y a une autre catégorie de personnes qui ont des problèmes parce qu'elles ne sont pas protégées par l'assurance-emploi.
Le président : Les statistiques montrent que de moins en moins de personnes sont admissibles aux prestations d'assurance-emploi partout dans le pays. Dans l'ensemble, le pourcentage de personnes admissibles est environ 40 p. 100, et il était d'environ 50 p. 100 avant la réforme.
M. van den Berg : Il s'approchait des 80 p. 100.
Le président : Savons-nous un tant soit peu comment les gens se débrouillent dans ces circonstances? Vous dites qu'il y a des facteurs de compensation, mais les gens ont-ils beaucoup plus de problèmes? Avez-vous de l'information qui indique que plus de gens souffrent en raison de la réforme? Avons-nous des données objectives à cet effet?
M. van den Berg : Nous venions tout juste de commencer à déterminer qui souffrait et qui ne semblait pas souffrir. Il y a clairement des familles au sein desquelles d'autres membres compensent l'absence de prestations touchées par le chômeur. Même si nous n'avons toujours pas de données objectives, il y a probablement des familles dont un seul membre travaille et pour lesquelles aucune compensation n'est possible, et, dans ces cas, le problème est très grave. Nous n'avons pas les chiffres exacts.
Le président : Nous tentons d'aller de l'avant en abordant les solutions à certains de ces problèmes. Monsieur van den Berg, vous avez parlé des pays nordiques et du fait qu'ils tentent de promouvoir de manière plus active le recyclage professionnel et l'intégration des gens dans de nouveaux emplois. Nous étions censés faire ça, mais n'avons encore rien fait. Il s'agit d'un élément important du problème. Vous avez également dit que les coûts de telles mesures étaient considérables par rapport à ce que nous investissons actuellement. Vous êtes tous arrivés avec des recommandations différentes. Comment devrait-on assumer les coûts de tels programmes? Devraient-ils faire partie du taux qui sera recommandé par un organisme indépendant, lequel vient d'être établi en vertu de la loi budgétaire actuelle? Est-ce une bonne solution ou devrait-on les retirer d'autres sources de taxation dans le Trésor public?
Mme Vincent : Je ne pense pas qu'ils devraient venir de la Caisse de l'assurance-emploi. La question de l'utilisation de l'assurance-emploi est importante, mais le problème principal consiste à garantir que tous les groupes peuvent participer à la population active. Actuellement, nous avons l'un des taux de chômage les moins élevés en 30 ans, mais il y a toujours des groupes désavantagés particuliers qui ne participent pas à la population active. Certains d'entre eux pourraient bénéficier du recyclage professionnel : les Autochtones, les nouveaux immigrants, les jeunes qui n'ont pas beaucoup d'expérience et les travailleurs âgés qui sont déplacés. Tous ces travailleurs bénéficieraient d'une aide plus grande pour trouver un emploi plus sûr. Il n'y a aucune raison pour que les fonds consacrés à proviennent de la Caisse de l'assurance-emploi parce qu'elles pourraient être financées par les recettes fiscales générales.
M. Shillington : Je répondrais à quelques-unes de vos questions. Le tableau contenant le ratio PC provient de mon rapport. À Statistique Canada, il y a des données qu'on peut obtenir si l'on a une carte de crédit avec une limite de crédit suffisante; ces données permettent de comprendre l'Enquête sur la couverture de la population par l'assurance-emploi. J'ai publié certaines de ces données. L'une des choses que nous avons incluses dans notre rapport était une hypothèse sur les raisons pour lesquelles ce taux varierait selon la proportion d'immigrants en raison des conditions d'admissibilité rigoureuses pour l'assurance-emploi. Cela aura des conséquences disproportionnées sur les immigrants, ce qui pourrait expliquer la situation de St. John's par rapport à celle de Toronto.
Vous avez posé une question au sujet des répercussions sur diverses personnes. Vos chercheurs vont reconnaître le tableau. J'ai fait une comparaison des prestations d'assurance-emploi moyennes selon le revenu en 1991 et en 2002 et j'ai constaté que plus vous êtes pauvres, plus vous êtes perdants. Le régime est conçu ainsi. Il était absolument prévisible que les répercussions de l'élimination des départs volontaires et des changements de 1996 sur les populations vulnérables qui sont les plus susceptibles de travailler à temps partiel seraient considérables.
En ce qui concerne le financement, je ne suis pas obligé de payer la formation, ce qui fait en quelque sorte mon affaire étant donné mon âge, mais je ne suis pas, non plus, admissible à de la formation. Il existe peut-être des programmes de formation utiles pour le travailleur autonome, mais, il serait étrange de les financer grâce à la Caisse de l'assurance-emploi. Ne serait-il pas mieux pour vous de financer la formation grâce à la source d'imposition la plus progressive? Pourquoi la financer grâce à une source d'imposition régressive, sauf s'il y a des considérations politiques malheureuses qui vous y obligent?
Le président : Cela se passe tout le temps.
M. Shillington : Je comprends. Cependant, l'assurance-emploi devrait seulement s'appliquer aux prestations régulières qui servent de remplacement du revenu, et l'on pourrait créer un fonds pour financer la formation. Les prestations de maternité et de soignant, et les autres formes de prestations, devraient être financées de manière beaucoup plus large, et pourraient être contributives, comme un fonds du RPC. On pourrait alléguer que ces prestations devraient être financées par les recettes générales. La source d'imposition la plus progressive est la meilleure solution. C'est une question dont on pourrait débattre. Pourquoi financer la formation à l'aide d'une source d'imposition régressive?
M. Gray : Je suis d'accord avec M. Shillington sur presque toute la ligne. Les recettes générales consolidées devraient être utilisées pour un grand nombre de ces avantages. La seule raison pour laquelle les prestations de maternité ont été financées dans le cadre de l'assurance-emploi étaient la commodité administrative. La superstructure administrative était en place et permettait de retirer les cotisations des travailleurs de leurs chèques de paie. Les raisons étaient donc purement administratives, car il fallait recueillir l'argent et distribuer les prestations. Apparemment, quand ils ont créé le programme, cela semblait la manière la plus facile de le faire. Il n'est pas sensé de financer les prestations de paternité ou de soignant dans le cadre de l'assurance-emploi. RHDC pourrait toujours être responsable, mais la superstructure ou le cadre administratif devrait être différent.
Le président : Ce sont de bons arguments. Nous traitons des questions plus larges de la pauvreté, du logement et de l'itinérance, mais l'assurance-emploi entre dans cette catégorie. En ce qui concerne ce qui devrait faire partie de l'assurance-emploi et ce qui ne le devrait pas, ce sont de bons arguments.
M. van den Berg : J'ai quelques hypothèses à poser en réponse à votre question précédente sur la raison pour laquelle les ratios PC relativement élevés de Calgary et de St. John's se distinguent de ceux de diverses autres villes. À Calgary, il est facile d'accumuler le nombre d'heures nécessaires pour être admissible parce qu'il y a beaucoup d'emplois. Quand on est en chômage, on est admissible aux prestations d'assurance-emploi. Jusqu'à tout récemment, à St. John's, la période pendant laquelle vous pouviez toucher des prestations d'assurance-emploi était plus longue parce que le taux de chômage était au-dessus de la moyenne. La situation de ces deux villes était donc complètement différente, mais leurs ratios PC étaient semblables.
Le président : C'est peut-être entre autres parce qu'il y a plus de jeunes ou d'immigrants qui, d'après ce que vous avez dit, font partie des groupes défavorisés en ce qui concerne l'assurance-emploi à Toronto.
M. van den Berg : C'est vrai, à Toronto. J'aimerais seulement formuler un autre commentaire au sujet de votre dernière question.
Si votre question était vraiment une façon détournée de demander où nous allons trouver l'argent, je vous répondrais que rien n'est gratuit. Il faudra payer d'une façon ou d'une autre.
J'aimerais aussi, par la même occasion, mentionner que le fait d'accorder une grande importance aux politiques actives d'aide à l'emploi, comme le font généralement les pays nordiques, comporte de nombreux avantages dont on ne tient habituellement pas compte. Nous serons confrontés à un grave problème à cause des travailleurs âgés qui ne sont plus aptes à l'emploi. Le secteur privé n'acceptera pas de leur offrir une formation puisque ce n'est pas un bon investissement. Ce serait là une occasion pour un bureau d'emploi public d'être efficace.
Dans les pays nordiques, le taux de chômage est faible chez les travailleurs peu spécialisés — les travailleurs qui n'ont pas de diplôme d'études secondaires. Dans ces pays, l'écart entre les travailleurs qui n'ont pas de diplôme d'études secondaires et ceux qui ont un diplôme d'études postsecondaires est beaucoup moins important qu'au Canada, et un peu moins important qu'aux États-Unis. Ces avantages fondamentaux sont difficiles à quantifier, mais peuvent jouer un grand rôle à long terme.
Le président : C'est un aspect important de la question. Je m'adresserai maintenant à mon collègue, le sénateur Keon, qui est le vice-président de notre comité principal, le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie. Il est originaire de l'Ontario — d'ici même, d'Ottawa, qui se trouve tout au bas du graphique dont j'ai parlé il y a quelques minutes. Le sénateur Keon est aussi président d'un autre sous-comité sur la santé des populations dont l'un des principaux déterminants est la pauvreté — l'un des grands déterminants sociaux. Il connaît donc très bien le sujet lui aussi.
Le sénateur Keon : Il me semble qu'on entend constamment les mêmes choses à propos des divers programmes qui existent, du filet de sécurité sociale et des énormes trous entre les programmes. En ce qui concerne l'assurance-emploi, que vous avez très bien ciblé ce matin, vous dites que le fait que certaines régions reçoivent du financement vous semble inapproprié.
Je crois comprendre que vous trouvez inapproprié que le gouvernement pige dans ce fonds quand il manque d'argent, ou même quand il n'en manque pas. Je pense toutefois qu'il y a tellement d'argent en cause dans ce cas qu'il va de soi que la situation se poursuivra indéfiniment. Je ne vois pas de solution au principal problème que vous soulevez dans vos recommandations. Le principal problème, c'est qu'il n'y a pas de façon sûre, pour le citoyen malchanceux qui est dans la dèche, d'explorer les formes d'aide publique et d'obtenir assez d'argent pour survivre.
Je blaguais avec vous officieusement, avant la rencontre, et je disais que même Houdini ne pourrait pas se dépêtrer du filet de sécurité sociale du Canada. Je ne poserai pas la question ce matin, parce que je ne cesse de la répéter et que mon président n'en peut plus de m'entendre demander pourquoi nous continuons à tenter de rafistoler des centaines de programmes plutôt que de mettre sur pied un revenu minimum garanti et un revenu familial garanti.
Quand notre comité rédigera son rapport, je pourrai accorder une grande place à vos remarques concernant le recours abusif au programme, mais il reste que vous n'avez pas dit si, à votre avis, le programme a trop d'argent ou non. Si tout le monde utilise le programme de façon abusive, c'est parce qu'il a trop d'argent. Pourtant, il ne remplit pas ses obligations. Pourquoi donc?
Le président : D'accord, répondez à la question.
M. Shillington : Je vais commencer. Je suis courageux.
Nous pourrions parler longtemps du revenu annuel garanti, et je me suis occupé de divers aspects de cette question par le passé. Au cours des sept ou huit dernières années, une grande part de mes recherches portait sur cette question complexe. J'ai travaillé au projet du groupe de travail sur la MSRAAT, la Modernisation de la sécurité du revenu des adultes en âge de travailler, à Toronto, concernant le fait que les gens ont de la difficulté à comprendre à quelles prestations ils ont droit; certains d'entre vous avez certainement déjà entendu parler de ce projet. Certains d'entre vous savez peut-être que je me suis déjà occupé, par le passé, du problème lié au fait que les aînés ne réclament pas les prestations auxquelles ils ont droit : 300 000 aînés ont droit au supplément de revenu garanti, mais n'en font pas la demande.
J'aimerais mettre qui que ce soit au défi de nous dire, en cinq minutes, qui est admissible à la sécurité de la vieillesse au Canada, par exemple — de décrire exactement combien d'années il faut avoir passées dans quels pays, et les conditions qu'il faut respecter. C'est pratiquement impossible.
Une exemption de 3 500 $ vient d'être ajoutée au supplément de revenu garanti pour les aînés. J'ai passé à peu près la moitié de mon temps au cours des cinq dernières années à faire des recherches sur cette question, et j'ai découvert qu'il ne s'agissait pas du revenu auquel je pensais — que c'était autre chose. Et je suis censé être un spécialiste de ces questions.
L'assurance-emploi — encore une fois, je mets quiconque au défi de me dire combien d'heures d'emploi une personne doit avoir accumulées au cours de la dernière année pour être admissible. Nous pouvons créer un exemple fictif pour une personne qui vit dans une ville en particulier. Cela dépendrait du nombre d'heures de travail qu'elle a accumulées au cours de la dernière et de l'avant-dernière années, ainsi que des exigences pour les personnes qui deviennent membres de la population active. À combien de semaines de prestations aurait droit cette personne? Cela dépend : a-t-elle reçu des prestations l'an dernier ou a-t-elle reçu des prestations de maternité à un moment ou à un autre au cours des cinq dernières années? Qu'elle ait eu un bébé ou reçu des prestations de maternité n'importe pas, ce qui me semble étrange.
La sécurité de la vieillesse devrait être le programme le plus facile à comprendre : vous devez avoir 65 ans et être canadien, quel que soit le sens de ce terme. Pourtant, avec tous ces programmes, c'est pratiquement impossible de comprendre. Une employée est venue me voir et m'a demandé : « Quelle est l'exemption de gain pour le SRG? Je n'arrive pas à la trouver sur le site Web. » Je lui ai répondu : « Eh bien, si ce n'est pas le sur le site Web, c'est dans la Loi. » Elle a consulté la Loi mais n'a rien trouvé. Je lui ai dit : « Ce sont ces mots ici. C'est tout. »
Je suis un grand défenseur de la clarté et de la transparence. La simplicité est préférable puisque, plus un programme est complexe, plus il faut un certain niveau d'instruction et d'alphabétisation pour réussir à obtenir les prestations autorisées.
Mme Vincent : Je reconnais que les choses sont complexes. Les règles du programme d'assurance-emploi sont complexes, mais certains travailleurs les comprennent très bien. Ils n'utilisent pas le régime de façon abusive parce que le régime est là pour les aider. Le programme d'assurance-emploi correspond à certains types d'emploi et profite aux travailleurs qui occupent un de ces emplois. Ces travailleurs n'utilisent pas le régime de façon abusive : le régime est là pour eux. Ils en comprennent très bien les règles.
Ils comprennent des règles complexes, comme les règles qui régissent le fait de travailler tout en recevant des prestations. M. Gray a fait des travaux à ce sujet. Nous savons que les prestataires de l'assurance-emploi appliquent cette règle sans arrêt puisqu'ils la comprennent bien.
Je crois que les programmes sont complexes parce que la vie est complexe, tout comme le monde du travail et les types d'emploi. Les programmes tentent de couvrir certaines situations — pas seulement le programme d'assurance-emploi, mais aussi les programmes d'aide sociale et tous les programmes de la sécurité du revenu, comme la Prestation fiscale canadienne pour enfants offerte aux familles, et ainsi de suite. Les programmes tentent de couvrir l'étendue de la complexité.
Est-ce que ces problèmes pourraient être réglés grâce à un programme de revenu annuel garanti? Je ne dispose d'aucun élément qui me permette de dire que j'appuie un tel programme ou que je m'y oppose, mais je pense que la complexité reflète la complexité des situations que vivent les gens, que ce soit sur le marché du travail ou dans la vie en général.
M. van den Berg : Je crois que la discussion s'en va dans deux sens opposés. D'une part, nous disons que la grande hétérogénéité des situations fait en sorte qu'il est impossible qu'un seul programme règle tous les problèmes. D'autre part, nous aimerions que le programme soit plus simple.
Ces deux aspects peuvent sembler incompatibles, mais l'une des caractéristiques du régime canadien qui m'étonne toujours quand je compare le Canada à d'autres pays, c'est le fait que nous tentons de régler bien des problèmes par des décisions administratives. Des économistes affinent les nouveaux instruments de façon à découvrir ou créer des incitatifs précis pour des travailleurs en particulier, et ce, grâce à une organisation de nature administrative.
Nous n'avons pas encore vraiment abordé la question de la prestation de services. Il est possible qu'un système relativement simple permette une prestation de services qui tient compte de la complexité de la clientèle. Il peut aussi y avoir un système complexe dans le cadre duquel la clientèle passe d'un service à un autre grâce à la prestation de services. Nous ne nous sommes pas beaucoup occupés de ces possibilités. Nous n'avons pas beaucoup d'expérience à ce sujet.
Notre travail s'appuie essentiellement sur les vieux modèles sur lesquels reposent nos services administratifs actuels. Il s'agit d'une grande faiblesse du système canadien.
M. Gray : J'aimerais en savoir plus sur le revenu annuel garanti. Je pensais qu'on avait conclu, il y a quelques années, qu'il s'agissait d'un projet voué à l'échec parce qu'il aurait été un important obstacle au travail.
Si on devait décider d'adopter un programme de nature davantage universelle, comme celui dont on a parlé, il faudrait forcément s'attendre à ce que la protection sociale offerte à certains segments de notre main-d'œuvre diminue.
Pendant mes recherches pour la rédaction de ma thèse, je me souviens d'avoir lu au sujet du réseau de protection sociale de la France. Un auteur faisait une analogie avec une énorme cathédrale française qui serait entourée de tous les côtés par des chapelles. Certains groupes de travailleurs d'élite disposaient de régimes de retraite spéciaux et de programmes d'assurance-chômage spéciaux, entre autres.
Je dis parfois que la protection sociale, au Canada, est offerte « sur un plateau d'argent », pour ainsi dire. Ces groupes savent très bien qui ils sont, et ils dénonceront à grands cris l'adoption d'un système de sécurité du revenu plus universel et plus large.
Le sénateur Keon : Vous avez bien raison. De tous les témoins qui se sont présentés devant nous à ce sujet, un seul a dit : « Je crois qu'un revenu familial ou un revenu annuel garanti serait la solution idéale. » Tous les autres ont dit que c'était une solution vouée à l'échec. Ce que vous dites va aussi dans ce sens.
M. Gray : Je suis disposé à me répéter.
Le sénateur Keon : J'aimerais que vous quatre tiriez la conclusion suivante : quand il est question de l'assurance-emploi qui n'offre rien de nouveau en matière de prestations de maternité, et d'autres choses du même genre, ne dites pas qu'il faudrait créer davantage de nouveaux programmes. Je crois qu'il y a déjà beaucoup trop de programmes.
Il faut regrouper les programmes, à tout le moins les programmes relationnels. Il faut aussi mettre en place, au sein du système, des navigateurs en mesure d'aider les gens à se retrouver dans le système. Ce n'est pas une question, c'est une affirmation. Je vous laisse y réfléchir dans le cadre du présent processus afin que vous nous aidiez à trouver des solutions utiles.
Le président : J'aimerais ajouter que le mois prochain, le vendredi 13 plus précisément, nous organiserons une table ronde d'une demi-journée sur le sujet du revenu annuel garanti. Je dirais que ce sera un « dépoussiérage ». En tout cas, nous en discuterons. La séance sera diffusée, même si ce sera probablement en différé. Quoi qu'il en soit, la séance sera diffusée sur le Web. Je vous invite tous à y participer ou, simplement, à y assister.
Croyez-moi : le débat devrait être animé.
Le sénateur Cordy : J'aimerais revenir au commentaire que vient tout juste de formuler le sénateur Keon. Je me suis renseignée un peu sur les prestations parentales et de maternité, et j'ai été renversée de découvrir qu'environ 50 p. 100 des nouvelles mères sont admissibles aux prestations.
Monsieur Shillington, vous avez dit que cela ne devrait peut-être pas relever du mandat de l'assurance-emploi. Vous pourriez peut-être nous en dire plus à ce sujet, et j'aimerais aussi connaître le point de vue des autres témoins.
Voici certaines choses que j'ai découvertes : 50 p. 100 des nouvelles mères ne reçoivent pas de prestations; celles qui en reçoivent sont généralement parmi les plus vieilles et les plus instruites, et possèdent un emploi très bien rémunéré; et celles qui y sont admissibles font partie de la moitié des femmes pour lesquelles il est important que la famille ne perde pas le second revenu en entier. Par contre, les femmes qui détiennent un emploi peu rémunéré et qui n'ont pas un haut niveau d'instruction ne sont pas admissibles à des prestations de maternité.
Cela me pousse à établir un lien avec ce qu'un d'entre vous a dit plus tôt. Je crois que M. Shillington a dit qu'une personne devait avoir accumulé 600 heures pour être admissible à des prestations parentales ou de maternité. Ce programme a été conçu pour que des personnes ne fassent pas que passer d'un emploi à un autre. Toutefois, à mon avis, les prestations de maternité sont une tout autre chose.
Pourquoi appliquons-nous le délai de carence de deux semaines? Je crois que M. Shillington a soulevé cette question. Ce n'est pas comme si la personne avait perdu son emploi. Il s'agit de prestations de maternité. Les prestations parentales ou de maternité ne sont pas assez souples : c'est tout ou rien. Ou vous avez droit aux prestations, ou vous n'avez droit à rien du tout.
Il y a très peu de pères qui se prévalent du congé parental; ce sont surtout des mères. Si le régime était plus souple, les gens pourraient envisager de recevoir des prestations parentales ou de maternité pendant quatre mois puis décider de recommencer à temps partiel tout en continuant à recevoir des prestations. Plutôt que de les recevoir pendant 20 semaines de plus, ils pourraient recevoir 50 p. 100 du montant pendant 40 semaines, mais avoir aussi le droit de travailler.
C'est le manque de souplesse qui me dérange.
Il y a aussi le fait que les prestations d'assurance-emploi couvrent 55 p. 100 du revenu admissible. Est-ce vraiment pertinent dans le cas d'un congé parental ou de maternité? Ce chiffre de 55 p. 100 a été fixé pour que les gens n'aient pas envie de se retrouver au chômage et pour les inciter à trouver du travail. Ce n'est pas pertinent dans le cas des prestations de congé parental.
Quelqu'un a mentionné que ces congés devraient peut-être relever du RPC ou de Revenu Canada en général. Ma question comporte de nombreux volets, mais je me suis rendu compte, au fil de mes lectures à ce sujet pendant les dernières semaines, qu'il est très contrariant de voir que les personnes qui en ont le plus besoin — les parents seuls ou ceux qui ont un faible revenu — sont ceux qui risquent d'avoir le plus de difficulté à obtenir des prestations.
Mme Vincent : Vous soulevez des points importants. Je suis d'accord avec ce que vous avez dit. Tout le monde semble s'entendre pour dire que ces prestations ne devraient pas faire partie du programme d'assurance-emploi. Comme vous l'avez dit, bon nombre des règles qui s'appliquent au programme d'assurance-emploi s'appliquent aussi à ces prestations spéciales. Cela n'a aucun sens en ce qui concerne les congés parentaux ou de maternité.
Comme l'a dit M. Gray, on a trouvé pratique de garder cette façon de faire parce que la structure est déjà en place. On a aussi jugé que cela permettait à des personnes qui n'auraient jamais demandé de prestations régulières d'assurance-emploi, mais qui cotisent au programme, d'obtenir des prestations. Chaque année, ces personnes cotisent au programme, mais ne reçoivent jamais de prestations. Enfin, les personnes qui ont un emploi stable peuvent recevoir des prestations. Le mari ou la femme reçoit des prestations d'un programme auquel il ou elle a cotisé toute sa vie. Ils ne perdront jamais leur emploi. Je crois qu'on a jugé qu'il s'agissait d'un autre élément pratique. Cela permettait à des personnes qui n'auraient jamais demandé de prestations régulières de recevoir une partie de l'argent versé.
Je suis d'accord avec vous à propos des règles d'admissibilité. Le délai de carence — c'est évident — n'a aucun sens. Le nombre d'heures requises est de 600, quel que soit l'endroit où vit la personne. Pourquoi une personne qui vit dans une région où le taux de chômage est élevé n'est-elle pas admissible à des prestations de maternité avec 420 heures d'emploi assurable si elle est admissible à des prestations d'assurance-emploi en tout temps à condition d'avoir accumulé 420 heures? Vous soulevez des points importants.
Le programme québécois de congé parental a fait des choix intéressants, et un programme national de prestations de maternité pourrait s'en inspirer.
Le sénateur Munson : Je voulais poser une question à ce sujet à la suite de la question du sénateur Cordy. Depuis combien de temps ce programme est-il en vigueur au Québec, à quel point est-il souple, et pourquoi les autres provinces n'ont-elles pas sérieusement envisagé et adopté un programme du même type?
M. Shillington : Il y a quelques mois, j'ai terminé un projet d'une année pour une association professionnelle composée essentiellement de travailleuses autonomes. Elles m'ont demandé quel serait le coût si le programme d'assurance-emploi devait offrir des prestations de maternité aux travailleuses autonomes, et combien il en coûterait pour adopter le Régime québécois d'assurance parentale, le RQAP, à l'échelle nationale. Je me suis attardé à la question. Le programme a pris effet en janvier 2006. Le nombre de demandes a connu une importante augmentation. Le régime comprend aussi des prestations de paternité, une première. Il offre des prestations de maternité à la mère, des prestations parentales qui peuvent être partagées par le père et la mère, et des prestations de paternité auxquelles seul le père est admissible, ce qui est digne de mention. Comme les taux de remplacement et les prestations maximales sont plus élevés, que la rémunération assurable est plus élevée, les hommes peuvent plus facilement se prévaloir de leurs droits puisque leur salaire est habituellement plus élevé. La baisse de salaire est moins importante s'ils reçoivent des prestations, ce qui est intéressant.
J'aimerais aussi, pour répondre à la question, vous raconter une petite histoire. J'ai rencontré un député qui m'a demandé comment nous pourrions améliorer l'efficacité des prestations d'assurance-emploi. J'ai parlé de ce que fait le Québec, qui offre une plus grande souplesse et qui permet de choisir entre la durée des prestations et leur montant, ce qui signifie qu'une personne peut obtenir 60 p. 100 du montant pendant une certaine période ou 75 p. 100 du même montant pendant une période plus courte. Je disais que nous pourrions faire de même à l'échelle fédérale. Puis je me suis souvenu qu'il y a des règles concernant la rémunération et l'assurance-emploi : si vous gagnez un montant équivalent à plus de 25 p. 100 de vos prestations, le gouvernement réduit vos prestations d'une somme équivalente à l'argent que vous avez gagné en plus. J'ai fini par téléphoner à RHDSC et par trouver une personne qui comprenait les règles. Quelles sont les règles de récupération dans le cas des prestations de maternité et de paternité? Selon la règle dans le cas des prestations de maternité, pour chaque dollar de rémunération, les prestations sont réduites d'un dollar, et ce à partir du premier dollar. Vous ne pouvez absolument pas gagner un sou et le garder, ce qui ne semble vraiment pas souple. Dans le cas des prestations parentales, la règle habituelle s'applique : 25 p. 100, puis une récupération de 100 p. 100. Il n'y a pas de souplesse.
Puis, au milieu de la conversation, la question suivante a surgi : « Mais vous, vous obtenez un remplacement de 93 p. 100, et vous pouvez obtenir un supplément de rémunération qui vient s'ajouter à vos prestations de maternité pour que le montant que vous recevez corresponde à 90 p. 100 de votre salaire. Pourquoi ce supplément n'est-il pas récupéré? »
Le président : Quelle a été la réponse?
M. Shillington : « Ce n'est pas une rémunération. » Ça m'a fait rire. Il m'a demandé pourquoi je riais. Je lui ai dit : « C'est un autre exemple de cas où les règles semblent étrangement vous être plus favorables qu'à nous. » Votre employeur peut vous offrir un supplément de rémunération sans salaire et sans que vous travailliez, et vous pouvez le garder, mais si vous devez travailler pour l'obtenir, vous n'avez pas le droit de le garder. Je suis sûr que quelqu'un, à Ottawa, pourrait nous expliquer le raisonnement derrière tout ça.
Le sénateur Cordy : Qui donc?
M. Shillington : Un député.
Le président : Le sénateur Trenholme Counsell doit partir, et elle sera la prochaine à pouvoir poser une question. Je me demandais si nous pourrions la laisser poser une question.
Le sénateur Trenholme Counsell : Je vous ai écouté avec beaucoup d'intérêt. Je viens de Beauséjour, une région où l'assurance-emploi joue un rôle important. Je n'irais pas jusqu'à dire qu'une grande part de la population en profite, mais l'une de nos principales industries est l'industrie de la pêche. Si vous vous rendez dans les provinces de l'Atlantique et en Gaspésie ainsi que dans d'autres régions du Québec, vous constaterez que les gens ont tous les mêmes préoccupations.
Quand j'entends parler de recours « abusif », cela me met en colère. Je veux vous remercier, madame Vincent, d'avoir fait la distinction entre le fait d'abuser du système et celui d'utiliser un système qui est là pour aider. Je crois que vous avez expliqué les choses très clairement.
Je sais que nous avons parlé, ce matin, d'industries en particulier, que ce soit l'industrie forestière, le tourisme ou la restauration rapide, mais nous n'avons pas parlé des pêches. Je crois qu'il serait injuste de ne pas mentionner le caractère unique des pêches. Je pense surtout aux femmes, mais aussi à bon nombre d'aide-pêcheurs, qui dépendent certainement du régime. On a déjà envisagé d'offrir du recyclage à ces gens afin qu'ils mettent à niveau leurs compétences, mais, pour l'instant, la technologie n'est pas en mesure de remplacer les personnes qui font le travail manuel. Je pense qu'il est important que nous nous attardions, dans le cadre de notre discussion, aujourd'hui, à la question de l'industrie des pêches.
M. Gray : L'industrie des pêches est vraiment lourdement subventionnée par le régime d'assurance-emploi. En fait, elle dispose même de son propre programme spécial au sein du régime. L'industrie est habituellement située dans des régions où le taux de chômage est élevé, ce qui signifie que les travailleurs de cette région géographique sont admissibles à des prestations de prolongation après avoir cotisé pendant seulement, disons, 420 heures et, en plus, les travailleurs des pêches ont accès à un fonds spécial. Ils sont les seuls travailleurs autonomes de tout le pays à être couverts par le régime. Les critères qui permettent de déterminer s'ils sont admissibles ne sont pas les mêmes. Leur admissibilité dépend non pas du nombre d'heures d'emploi assurable, mais plutôt de la quantité de poissons pêchés ou de la valeur de leurs prises.
Le sénateur Trenholme Counsell : Vous parlez des pêcheurs qui vont en mer pour pêcher et qui embauchent d'autres personnes. Je parle des gens qui travaillent dans les usines de pêche.
M. Gray : Les travailleurs des pêches, oui.
Le sénateur Trenholme Counsell : Vous avez raison de souligner qu'il s'agit d'une catégorie à part. Je parle des gens qui travaillent dans les usines de pêche, sans qui, jusqu'à maintenant, l'industrie ne pourrait survivre.
M. Gray : Ils ne pourraient survivre compte tenu du nombre de semaines pendant lesquelles il y a du travail — deux mois par année, ou quelque chose comme ça?
Le sénateur Trenholme Counsell : Je crois que c'est maintenant 14 semaines; je devrais le savoir.
M. Gray : Ils peuvent être admissibles après 12 semaines — 420 heures.
Le sénateur Trenholme Counsell : Dans certaines régions, sauf si les pêcheurs se rendent dans une autre région pour pêcher une espèce en particulier, la pêche dure six, huit ou dix semaines, selon l'espèce et selon l'époque où ces espèces sont prêtes à être pêchées. Comme vous le savez, de nombreux autres facteurs entrent aussi en ligne de compte, comme les saisons, par exemple. Les activités sont vraiment limitées dans le temps. Les gens doivent parfois déménager dans une autre partie des Maritimes pour pêcher autre chose.
Mme Vincent : De toute évidence, ces types de travailleurs sont subventionnés par l'entremise de l'assurance-emploi. Ils reçoivent bien plus que ce qu'ils ont investi dans le programme. C'est, encore une fois, l'un des objectifs du régime d'assurance-emploi. Le régime d'assurance-emploi vise, entre autres, la répartition des revenus à l'échelle régionale. Il s'agit de l'une des caractéristiques actuelles du programme. On peut discuter de sa légitimité, mais il s'agit de sa forme actuelle et, selon les règles de l'assurance-emploi, certaines industries et certaines régions sont subventionnées par les autres travailleurs ou les autres cotisants au régime.
M. Gray : Quelques recherches ont été effectuées concernant d'autres pays qui dépendent grandement de la pêche, comme l'Islande, la Norvège et quelques autres, et ils ont trouvé d'autres façons de régler le problème.
Le Canada est le seul pays qui verse, au bout du compte, des prestations d'assurance-emploi pendant 40 ou 45 semaines par année. Je connais une étude qui portait sur ce que font l'Islande, la Norvège et d'autres pays de pêcheurs avec les industries saisonnières. Ces pays disposent d'autres moyens pour garantir la sécurité du revenu sans avoir recours à l'assurance-emploi.
Le sénateur Trenholme Counsell : Merci.
Le sénateur Cordy : J'aimerais que nous abordions maintenant la question générale de la formation. Dans quelle mesure réussissons-nous à examiner et à évaluer l'efficacité de la formation offerte? À quel point les gens formés sont-ils susceptibles de trouver un emploi? Je parle non pas d'un emploi n'importe où au pays, mais bien d'un emploi dans une région en particulier. Je viens de Nouvelle-Écosse. Une personne qui a 48 ou 50 ans est beaucoup moins susceptible d'accepter de déménager en Alberta qu'une personne qui a 25 ans.
J'ai entendu parler d'une petite ville, en Nouvelle-Écosse, où l'usine de pêche a fermé ses portes, et où on a offert de la formation à un certain nombre de femmes, 20 ou 25 femmes, afin qu'elles deviennent coiffeuses. Il y a peut-être un important besoin de coiffeuses au Canada, mais dans une petite ville de 2 000 personnes, il n'y a pas de travail pour 25 coiffeuses. Toutes ces femmes ont reçu une formation, et les gens de cette région ont les plus belles coiffures au Canada.
Nous devons faire preuve de bon sens quand il est question de formation. J'ai parfois l'impression, quand je vois la formation offerte aux gens, qu'on leur offre de la formation qui ne fera que les maintenir dans des emplois peu rémunérés. Nous devrions peut-être investir dans la formation — faire un effort maintenant pour en profiter plus tard — afin que, à la fin de la formation, les gens aient accès à un emploi qui ne les laissera pas en marge et qui leur donnera accès à un domaine où ils ne risquent pas d'avoir besoin de l'assurance-emploi? Je crois que c'est M. Gray qui a dit : « Mettons sur pied des programmes qui rendront les prestations d'assurance-emploi superflues. » Je crois que ce serait un très bon objectif.
Si nous devons offrir des programmes de formation, faisons donc en sorte que les gens soient moins susceptibles d'avoir besoin des prestations d'assurance-emploi dans l'avenir. Il y a aussi un deuxième volet à ma question, et c'est le fait qu'il faut effectuer des évaluations.
M. van den Berg : Il faut évidemment que les emplois existent, et ils ne viennent pas avec la formation.
Le sénateur Cordy : C'est exact.
M. van den Berg : On mentionne souvent le type d'erreurs dont vous parlez dans la documentation. Pendant longtemps, d'autres pays dont les programmes de formation étaient hautement centralisés ont commis les mêmes types d'erreurs, et, ce sur quoi tout le monde s'entend, c'est que les seuls programmes de formation qui fonctionnent, dans la mesure où ils fonctionnent, sont les programmes qui sont étroitement liés au marché du travail local, qui font participer les employeurs, et qui prévoient une collaboration entre le bureau de placement et les employeurs. Il faut faire participer les employeurs sinon la formation risque de ne pas servir à grand-chose.
M. Gray : J'aimerais dire que RHDSC fait d'importants efforts pour évaluer les ententes sur le développement du marché du travail. Les prestations d'emploi et les mesures d'aide à l'emploi font toutes l'objet d'une évaluation quinquennale, et les évaluations non expérimentales sont très complexes à réaliser parce que vous devez trouver une personne possédant exactement les mêmes caractéristiques que la personne formée — la personne visée par le programme — mis à part qu'elle n'a pas suivi la formation — personne qui joue le rôle de personne-témoin. C'est très difficile de trouver une personne qui correspond exactement à la personne formée afin de pouvoir comparer les résultats et déterminer si le programme a été efficace. Je crois que le gouvernement s'en sort du mieux qu'il peut pour évaluer l'efficacité des programmes.
Le président : Merci.
Mme Vincent : J'aimerais partir de ce que vient de dire M. Gray, qui a parlé précisément du travail que nous faisons à RHDSC, et ajouter quelque chose. Nous évaluons les programmes de cette façon, à l'aide d'un groupe témoin et d'un groupe étudié. Nous évaluons actuellement ces méthodes d'évaluation.
Vous avez parlé d'un groupe de femmes qui a reçu une formation en coiffure, mais il y a encore beaucoup de chemin à parcourir avant que l'on reconnaisse les compétences que les gens possèdent déjà et ce que l'on appelle les compétences générales ou les compétences essentielles. Il faudrait peut-être une meilleure compréhension des compétences transférables à d'autres emplois.
Il peut y avoir des emplois. Les employeurs disent qu'ils font face à une pénurie de main-d'œuvre et que c'est l'un de leur plus grand problème. Il y a des emplois. Peut-être qu'on a l'impression que certaines personnes ne peuvent pas occuper ces emplois, mais, si l'on évaluait un peu mieux leurs compétences actuelles et si on les améliorait, elles pourraient peut-être répondre aux besoins des employeurs. Il faut faire d'autres recherches à ce sujet, et c'est ce que nous faisons.
Le sénateur Munson : Mes questions seront très simples, et j'ai apprécié ce que vous avez dit, monsieur Shillington, à propos de la SV, la sécurité de la vieillesse. Je connais plutôt bien une personne âgée de 64 ans. Quelqu'un m'a dit : « Assure-toi que la personne présente dès maintenant sa demande de prestations de la SV. » On se demande ce que les gens feront pendant les 12 prochains mois s'il faut présenter sa demande de SV un an à l'avance. Est-ce que le SCRS, le Service canadien du renseignement de sécurité, procède à une vérification? Doit-on remonter dans le temps et procéder à une vérification de tous les dossiers de la personne? Doit-elle prêter serment d'allégeance au drapeau? J'aurais pensé, comme vous l'avez dit, que le gouvernement fédéral adopterait un processus automatique et agirait de façon proactive afin de s'acquitter d'une tâche qui devrait être toute simple : vous avez 65 ans donc vous avez droit à la SV, peu importe qui vous êtes, n'est-ce pas? Enfin; je trouve la situation absurde. Je me sens plus léger maintenant que je me suis vidé le cœur.
Vous nous avez fourni des statistiques, mais nous aimons, au comité, recevoir des témoins qui ont fait l'expérience de ce dont nous parlons. Quand nous avons étudié l'autisme, nous avons reçu des groupes d'autistes. Nous avons appris beaucoup auprès de personnes dans la trentaine qui nous ont donné de nouvelles idées que nous avons intégrées à notre rapport et que nous avons transmises aux gouvernements afin qu'ils changent leurs attitudes et leur façon de penser à ce sujet.
S'il y avait un seul changement concret à apporter au programme dans sa forme actuelle, et que nous pourrions mentionner dans notre rapport — quelque chose de simple —, qu'est-ce que ce serait? Nous connaissons déjà les données statistiques.
M. Shillington : J'éliminerais la règle du départ volontaire. Les personnes qui quittent volontairement leur emploi sont pénalisées en ce qui concerne les prestations. Leur délai de carence est plus long. Elles ne sont pas traitées comme les autres. Le régime ne couvre pas les départs volontaires. Le rapport de force entre l'employeur et l'employé est donc en faveur de l'employeur, et vous pourrez constater que le salaire réel n'a à peu près pas augmenté depuis 25 ans.
Un geste aussi simple permettrait aussi aux gens de ne pas continuer à occuper des emplois qu'ils aimeraient quitter, mais qu'ils ne peuvent pas quitter. Évidemment, pour certaines personnes qui quittent leur emploi, le relevé d'emploi mentionne qu'ils ont été mis à pied. En fait, la règle actuelle encourage — je ne trouve pas le bon terme, mais vous savez ce que je veux dire.
Le sénateur Cordy : De fausses déclarations.
M. Shillington : Vous avez vu la une du Globe and Mail. Le salaire moyen a connu une augmentation moyenne de 53 $ au cours des 25 dernières années. J'ai donné une conférence la semaine dernière à la Fédération canadienne des étudiantes et étudiants. Les gens âgés de 25 à 29 ans qui travaillent à temps plein, toute l'année, et qui possèdent un diplôme universitaire ont vu leur salaire moyen diminuer de 15 p. 100. Les 53 p. 100 cachent le fait que cette génération est plus instruite qu'il y a 25 ans et, d'une certaine façon, plus âgée. En fait, les salaires ont diminué, et cette diminution est en partie attribuable au rapport de force relatif entre employés et employeurs. Le taux de couverture a commencé à diminuer en 1993. Cela correspond à l'adoption de la règle sur le départ volontaire. Il n'y a qu'à faire un plus un.
Mme Vincent : J'aimerais formuler un commentaire concernant le fait qu'il faille présenter une demande de SV un an à l'avance. Une personne qui a besoin de services de garde subventionnés de qualité pour son enfant doit présenter une demande avant la naissance de l'enfant, ou même avant d'envisager d'avoir un enfant. C'est un long délai.
Je ne sais pas s'il s'agit de la recommandation, mais j'aimerais appuyer ce que vous avez dit, monsieur Shillington, surtout à une époque où nous favorisons le recyclage ou la reconnaissance des nouvelles compétences. À cause du vieillissement de la main-d'œuvre, c'est maintenant une bonne idée de quitter son emploi pour retourner aux études ou pour se recycler dans le but d'obtenir un meilleur emploi.
C'est certainement une solution à envisager. Je ne sais pas s'il s'agit de la plus importante faille du régime d'assurance-emploi. Je ne pense pas que ce le soit. Je pense que la plus grande faille du régime d'assurance-emploi, c'est peut-être qu'un grand nombre de personnes y cotisent, mais ne reçoivent pas de prestations. Je crois qu'il faudrait remédier à cette situation.
Monsieur Gray, vous avez mentionné la possibilité d'offrir un remboursement des cotisations à l'assurance-emploi aux personnes qui ne peuvent jamais recevoir de prestations. Je crois que cela devrait demeurer une solution marginale. Elle est valable, en principe, mais je ne pense pas qu'elle aurait une grande incidence sur la décision.
M. Gray : Ce n'est pas un rapport radical.
Mme Vincent : Je n'ai pas parlé beaucoup du rôle que jouent les entreprises. Certaines entreprises sont constamment subventionnées par l'assurance-emploi.
On pourrait entre autres s'attarder aux comportements qu'encourage le régime d'assurance-emploi chez les entreprises si nous ne modifions pas ce régime. À l'heure actuelle, une disposition du régime prévoit que les cotisations payées par les entreprises offrant des prestations d'invalidité à court terme à leurs employés sont moins élevées. Nous récompensons certaines pratiques des entreprises en matière de ressources humaines parce qu'elles offrent un programme d'assurance privée qui fait en sorte que leurs employés dépendent moins de l'assurance-emploi.
C'est l'un des aspects à examiner : les pratiques en matière de ressources humaines que l'on peut favoriser chez les entreprises grâce à l'assurance-emploi. Il peut s'agir, par exemple, de formation en milieu de travail si nous estimons qu'il s'agit d'une pratique à encourager pour que les employés dépendent moins de l'assurance-emploi.
M. Gray : Je vais vous parler d'une idée qui n'est pas du tout la mienne. Je crois qu'elle a été mentionnée dans le cadre de la commission Forget et de la commission Macdonald; il s'agit de mettre sur pied un régime complètement distinct pour les travailleurs saisonniers et ceux qui présentent fréquemment des demandes de prestations d'assurance-emploi. Je ne crois pas que les travailleurs occasionnels et ceux qui ne présentent à peu près jamais de demande doivent être couverts par le même régime que ceux qui présentent une demande presque chaque année. Nous devrions mettre sur pied un programme spécial conçu pour offrir aux travailleurs saisonniers un supplément de revenu.
M. van den Berg : Je plaiderais en faveur d'une amélioration de la prestation de services. Si les règles étaient appliquées adéquatement, je crois que la prestation de services pourrait devenir une véritable médiation entre le « client » et l'organisme offrant les services : je pense qu'on parviendrait à expliquer les règles complexes, d'une part, et à conseiller les clients et à assurer un suivi afin qu'ils profitent des avantages auxquels ils ont droit, et non de ceux qui n'ont pas été conçus pour eux. Je crois qu'il y a beaucoup à faire à ce sujet.
M. Shillington : Le commentaire sur la prestation de services, ainsi que votre commentaire, sénateur, me rappelle quelque chose. Je crois que le président était présent quand un représentant de Service Canada a expliqué pourquoi, quand une personne présente une demande de prestations de la Sécurité de la vieillesse, on ne lui dit pas qu'elle est admissible au RPC. Cette personne a expliqué pourquoi à deux ou trois reprises. J'ai fait des travaux sur le problème de la participation aux prestations et sur le fait que certaines personnes admissibles au Régime de pensions du Canada, au SRG et à la SV ne reçoivent pas de prestations. Selon cette personne, la bureaucratie fait en sorte que, quand une personne téléphone à Service Canada pour obtenir de l'information sur la sécurité de la vieillesse, on ne lui parle pas des prestations du Régime de pensions du Canada.
Le président : Monsieur Shillington, j'ai mentionné cette affaire brièvement un peu plus tôt parce que vous avez parlé d'utiliser les excédents au lieu des autres recettes fiscales fédérales et, comme j'ai déjà fait partie du gouvernement, je sais de quoi je parle. Je sais où vous voulez en venir.
La nouvelle entité qui doit être créée était censée mettre fin à tout cela? La nouvelle entité ne créera pas la politique régissant les changements apportés aux prestations. C'est un peu comme un groupe qui s'occupe de revenus de placements, mais qui fixerait lui-même le taux de rendement, et c'est là l'aspect important. L'entité est censée fixer le taux en fonction de ses besoins et dans le but de garantir la viabilité du fonds. Pensez-vous que cette mesure mettra fin à l'usage abusif de l'excédent de l'assurance-emploi?
M. Shillington : Le mécanisme mettra fin aux recours abusifs, mais on ne pourra pas mettre fin au désir d'utiliser, si je peux dire, de l'argent facile. Le fonds de l'assurance-emploi était de l'argent facile, et c'est pourquoi on puise dans ce fonds pour les prestations de maternité. C'est une façon de faire non partisane.
Le président : À moins qu'il y ait autre chose, nous arrivons à la fin de la partie officielle de la rencontre. Je vais lever la séance officiellement dans une minute, mais M. Shillington voudrait ajouter quelque chose.
M. Shillington : Je pensais aux commentaires du sénateur Keon sur la complexité. Ça m'a rappelé une section de mon site web sur laquelle on critique divers sujets.
Je suis renversé de voir à quel point, quand nous offrons des prestations destinées aux personnes ayant un faible revenu, nous, en tant que société, ajoutons une série de conditions afin de nous assurer que seules les personnes qui en ont vraiment besoin en profitent. Nous avons donc des remboursements fiscaux, des récupérations fiscales, des règles concernant l'actif et le revenu, et une bureaucratie dont le travail est de s'assurer que seules les personnes qui en ont vraiment besoin reçoivent des prestations.
Pour tous ces programmes, il existe un programme parallèle destiné à des gens comme nous et qui n'est pas offert en fonction des besoins et qui est donc, par conséquent, beaucoup plus simple. Je vais donner un exemple pour illustrer mon point de vue.
Prenons l'exemple des services de garde pour enfants. Si vous voulez profiter d'un service de garde subventionné en Ontario, votre revenu et votre actif ne doivent pas dépasser un certain niveau. Si je me souviens bien, 5 000 $ dans un fonds de bourses d'études pouvait vous rendre inadmissible jusqu'à tout récemment. Les règles viennent tout juste de changer, mais cette disposition existe encore dans d'autres provinces. Vous ne pourrez pas avoir accès à un service de garde situé à un endroit qui vous convient. Vous devrez peut-être traverser la ville parce que c'est là que se trouve le service subventionné le plus près. C'est comme ça que nous procédons pour offrir des services aux personnes ayant un faible revenu.
Si vous faites partie de la classe moyenne, vous payez les frais de garde, et ceux-ci sont déductibles. Le régime fiscal vous remet 40 p. 100 du montant que vous avez payé pour les frais de garde d'enfants.
Les gens qui ont un revenu élevé ont non seulement accès à cette déduction, mais ils peuvent aussi déduire une partie des frais engagés chaque semaine pour un camp d'été. S'ils ne déduisent pas les frais de la gardienne comme frais de garde d'enfants, ils devraient discuter avec leur comptable. Il semble qu'il y a constamment de la tension.
Au sujet des médicaments d'ordonnance, j'ai fait, au cours des dix dernières années, beaucoup de recherche sur l'accès à la couverture assurée par un régime d'assurance-médicaments. J'hésite toutefois à parler devant le sénateur Keon parce que je suis certain qu'il me le dira si j'ai tort.
Avec les programmes provinciaux, comme le Programme de médicaments Trillium en Ontario, plus votre revenu est élevé, plus votre franchise est élevée. Cependant, si vous êtes un aîné, une franchise s'applique et bien des questions administratives se posent concernant les médicaments couverts ou non par le régime public.
Si vous êtes assez chanceux pour être couvert par le régime d'assurance-santé d'un employeur, vous n'avez pas de problèmes administratifs tant que le médicament est efficace et disponible. Nous avons recours au régime fiscal pour subventionner le régime d'assurance-médicaments pour les Canadiens bien nantis sans aucune limite. Plus le revenu est élevé, plus la subvention est élevée, et plus vous êtes chanceux. La subvention augmente en même temps que le revenu. Le programme pour les personnes ayant un faible revenu, à l'opposé, comporte toutes ces règles.
J'ai un dernier commentaire, je suis sûr que le président a vu l'article dans le Toronto Star il y a quelques mois concernant le fait que le maire actuel s'est mis en colère quand il a découvert ce qui suit : il voulait offrir un programme de mentorat à de jeunes adultes, mais leurs parents leur ont interdit de participer au programme de mentorat parce qu'ils vivaient dans des logements subventionnés et que cela aurait fait augmenter leur loyer.
C'est le système que nous avons conçu. Nous avons conçu le système de cette façon — un critique figure sur mon site Web — entre autres parce que les personnes qui ont conçu le système, et j'en fais partie, n'utilisent pas ces régimes et n'en font donc pas l'expérience personnellement. Il faut que les gens qui utilisent ces régimes soient présents au moment de leur conception afin qu'ils nous racontent comment ça se passe quand on présente une demande d'assurance-emploi. Je n'ai jamais reçu d'assurance-emploi de ma vie. Y a-t-il quelqu'un ici qui en a déjà reçu? Nous sommes les spécialistes.
Le sénateur Munson : Est-ce qu'il n'y a pas aussi la question occulte des hommes et des femmes de 55 à 65 ans, des gens qui ont travaillé toute leur vie et qui sont renvoyés de leur emploi dans le secteur de la haute technologie ou dans n'importe quel secteur — je ne dis pas mis à pied; je déteste ce terme. Ils n'ont plus d'emploi, mais ils doivent se rendre jusqu'à la ligne d'arrivée, jusqu'à 65 ans, pour obtenir des prestations de la SV et du Régime de pensions du Canada. J'ai vu des gens pauvres dans cette situation. Ils ont traversé ce labyrinthe et ils ont maintenant retrouvé un peu de dignité. Ces gens vivent dans des résidences pour personnes âgées parce que c'est le seul endroit où ils peuvent aller pour vivre compte tenu de ce qui leur est arrivé.
M. Gray : Je suis content que vous abordiez la question, sénateur Munson, parce que je fais actuellement des recherches à ce sujet. Je vais présenter un article à la rencontre de l'Association canadienne d'économique la semaine prochaine à Vancouver; l'article traite des sources de revenus et de la configuration des revenus des personnes qui ont perdu leur emploi entre 45 et 65 ans, et de ce qu'elles font en attendant de recevoir leur revenu de retraite, ainsi que des diverses sources de revenu auxquelles elles ont ou n'ont pas accès pendant cette période de 20 ans.
Le sénateur Munson : Je vais attendre ce document. Merci.
Le président : L'Institut Caledon propose une variante du revenu annuel garanti. Si vous ne connaissez pas cette proposition, vous ne devriez peut-être pas formuler de commentaires. C'est un régime à trois volets. Le volet 1 prévoit un soutien à court terme pour les adultes aptes au travail. Cette catégorie inclut l'assurance-emploi. Elle inclut aussi un type de régime temporaire fondé sur le revenu qui permet d'offrir un supplément aux personnes au chômage. Je suppose que ce régime s'adresse aux personnes qui ne sont pas admissibles à des prestations d'assurance-emploi, comme celles qui sont congédiées ou qui quittent volontairement leur emploi. Le volet 1 s'adresse donc aux adultes aptes au travail. Le volet 2 offre une aide à moyen terme aux adultes aptes au travail et serait exécuté par les gouvernements des provinces ou des territoires. Il s'agirait de régimes d'aide à l'emploi, un peu comme les régimes que M. van den Berg proposait d'utiliser pour améliorer la situation. Il s'agirait de mesures proactives visant à aider les gens à redevenir aptes au travail.
Le volet 3 offrirait une aide à long terme aux adultes qui ne peuvent pas être aptes au travail, comme les personnes invalides, par exemple. C'est là que le revenu de base, un peu comme le revenu annuel garanti, entre en ligne de compte. Que pensez-vous de ce type de régime?
M. Gray : À prime abord, je dirais que c'est un régime qui est peut-être bien fondé. Je sais que l'Australie ne distingue pas vraiment l'aide sociale de l'assurance-emploi. Ce pays offre essentiellement un régime universel. Je ne crois pas qu'il ait un lien quelconque avec la sécurité de la vieillesse. Il n'a peut-être pas de lien non plus avec l'assurance-invalidité ou avec l'indemnisation des accidentés du travail, mais l'aide sociale et l'assurance-emploi ont été regroupées en un seul programme. M. van den Berg pourrait en parler.
Votre question concernait l'Institut Caledon et sa proposition, qui semblait comporter deux ou trois volets. Ce serait donc un programme beaucoup plus large que celui que nous possédons actuellement.
Le président : Il s'agit d'un programme de réduction de la pauvreté.
M. Gray : Ce ne serait pas tout à fait un revenu annuel garanti, mais ce serait tout de même un régime beaucoup plus universel que celui que nous offrons actuellement.
M. van den Berg : Je ne connais pas le programme; je ne peux donc pas commenter.
M. Gray : J'ai entendu parler de l'Institut Caledon, mais je devrais d'abord me renseigner à ce sujet. La proposition semble intéressante.
Le président : Je vous remercie d'avoir participé aux discussions. Votre participation nous a été très utile.
La séance est levée.