Délibérations du Sous-comité sur les villes
Fascicule 5 - Témoignages - séance du matin
ST. JOHN'S, TERRE-NEUVE-ET-LABRADOR,
le lundi 11 août 2008
Le Sous-comité sur les villes du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui, à 9 heures, pour examiner, afin d'en faire rapport, les questions d'actualité des grandes villes canadiennes.
Le sénateur Art Eggleton (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président: La séance du Sous-comité sur les villes du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie est ouverte. Tout d'abord, je salue tous ceux qui se sont présentés ici, en cette journée d'été.
Notre sous-comité mène une étude sur les grandes villes canadiennes qui portera principalement, dans un premier temps, sur la pauvreté, le logement et l'itinérance. Notre étude se fonde sur les travaux sur la pauvreté qui ont été effectués au Sénat dans le passé. Le rapport rédigé en 1971 sous la direction du sénateur David Crowe vient à l'esprit, de même que celui du sénateurCowan, publié en 1997 et intitulé La pauvreté au Canada: le point critique. Notre étude sert également de complément à l'étude sur la pauvreté en milieu rural réalisée récemment par le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts.
Notre sous-comité a mené des audiences et entendu des témoins à Ottawa. À la fin de juin, nous avons publié un premier rapport qui expose les principaux défis, les problèmes et les solutions en matière de pauvreté, de logement et d'itinérance.
La prochaine étape du travail du sous-comité, qui s'amorce aujourd'hui, consiste à se rendre dans un certain nombre de villes canadiennes choisies, d'un océan à l'autre, pour rencontrer les représentants des gouvernements provinciaux et municipaux, de même que diverses organisations et personnes, pour connaître leurs points de vue qui porteront, principalement, du moins nous l'espérons, sur les 103 options énoncées dans le rapport.
J'aimerais vous présenter le sénateur Munson, de l'Ontario, le sénateur Cordy, de la Nouvelle-Écosse et le sénateur Trenholme Counsell, du Nouveau-Brunswick. Sont également parmi nous aujourd'hui la greffière du sous-comité, Barbara Reynolds, de même que deux chercheurs de la Bibliothèque du Parlement, Brian O'Neal et Havi Echenberg. Ils ont tous effectué un travail considérable pour nous aider à nous préparer en vue de la réunion d'aujourd'hui.
Je suis très heureux d'accueillir l'honorable Shawn Skinner, ministre des Ressources humaines, du Travail et de l'Emploi et ministre responsable des personnes handicapées, de l'Agence des relations de travail et de la Société de logements de Terre-Neuve-et-Labrador. Il est également le ministre responsable de la Stratégie de réduction de la pauvreté, dont nous avons entendu parler quelque peu et à propos de laquelle nous avons hâte d'en apprendre davantage aujourd'hui. Le ministre Skinner a d'énormes responsabilités. Il est accompagné de Lynn Vivian-Book, sous-ministre adjointe, Revenu, Emploi et Services à la jeunesse, de Aisling Gogan, directrice de la Stratégie de réduction de la pauvreté, que nous avons déjà eu l'occasion d'entendre à Ottawa, et de Cynthia King, gestionnaire en matière de logement abordable à la Newfoundland and Labrador Housing Corporation. Bienvenue à tous.
L'honorable Shawn Skinner, député provincial, ministre des Ressources humaines, du Travail et de l'Emploi, gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador: Je vous remercie beaucoup de m'offrir la possibilité de témoigner devant votre comité et de l'intérêt que vous manifestez à l'égard de notre Stratégie de réduction de la pauvreté et de quelques autres activités que nous menons ici, à Terre-Neuve-et-Labrador.
Vous avez déjà reconnu les personnes qui m'accompagnent aujourd'hui et qui, comme vous l'avez souligné, ont témoigné devant vous le printemps dernier. À ce moment-là, elles vous ont exposé quelques détails concernant les structures, les buts et les objectifs de notre Stratégie de réduction de la pauvreté.
Je m'attacherai principalement à répondre à certaines des idées présentées dans votre rapport intitulé Pauvreté, logement et sans-abrisme: enjeux et options.
À Terre-Neuve-et-Labrador, la pauvreté en milieu urbain et la pauvreté en milieu rural sont des problèmes de taille. Compte tenu de la prospérité croissante, notre gouvernement travaille actuellement pour s'assurer que notre province ne soit pas touchée par le genre de pauvreté qui se manifeste dans les autres grands centres urbains. J'estime qu'il est crucial que nous agissions dès maintenant pour nous assurer que tous les résidents de notre province peuvent bénéficier de notre prospérité croissante.
Lorsque nous examinons les plus récentes données disponibles sur le seuil de faible revenu pour les régions métropolitaines de recensement, savoir les données de 2005, nous constatons que le taux de pauvreté à St.John's est semblable à ceux de Vancouver et de Montréal pour ce qui est du pourcentage de la population qui touche un revenu inférieur au seuil de faible revenu; toutefois, l'écart de pauvreté est nettement inférieur.
Votre rapport contient 103 options pour lutter contre la pauvreté. Cela rend compte de la complexité du problème de lapauvreté et de la difficulté d'en arriver à un consensus quant aux mesures à prendre pour venir à bout de ce problème. Bon nombre de partenaires et bien des engagements à long terme sont nécessaires pour atténuer et réduire la pauvreté de manière significative et durable, et plus particulièrement pour prévenir la pauvreté. Le gouvernement fédéral a un rôle important à jouer, et je m'attends à ce qu'il accroisse son engagement et son action en matière de pauvreté.
Le mois dernier, au cours des réunions du Conseil de la fédération, les premiers ministres ont annoncé que, l'an prochain, Terre-Neuve-et-Labrador sera l'hôte d'un colloque qui accueillera des concepteurs de politiques d'organismes communautaires et des experts, qui tenteront de cerner les façons les plus efficaces de s'attaquer aux obstacles et aux freins à l'emploi et d'améliorer l'intégration des services s'adressant aux groupes marginalisés et vulnérables. Ce colloque donnera aux participants l'occasion de mettre en commun les enseignements qu'ils ont tirés et les pratiques exemplaires qu'ils ont mises en œuvre pour tenter de venir à bout de la pauvreté.
Honorables sénateurs, 2008-2009 est une année charnière pour la Stratégie de réduction de la pauvreté de Terre- Neuve-et-Labrador, qui viendra à échéance. Nous entreprendrons une deuxième ronde de consultations exhaustives pour nous informer de ce qui fonctionne et de ce qui exige du travail supplémentaire, de même que pour planifier la prochaine phase de notre stratégie. En 2008-2009, nous publierons notre premier rapport d'étape et, en partenariat avec Statistique Canada, nous diffuserons notre mesure du panier de consommation de Terre-Neuve-et-Labrador. Nous sommes la première province du Canada à élaborer une mesure de la pauvreté fondée sur un panier de consommation à l'échelle provinciale. Il s'agira d'un puissant outil qui nous aidera à surveiller et suivre l'évolution de nos progrès, ainsi qu'à cibler nos initiatives.
La vision et l'engagement à long terme en ce qui a trait à une approche globale sont des éléments de notre stratégie qui sont d'une importance cruciale. En 2003, l'une de nos promesses électorales, renouvelée en 2007, était la suivante: d'ici 2014, faire passer Terre-Neuve-et-Labrador du statut de province la plus touchée par la pauvreté à celui de province la moins touchée par la pauvreté. Dans notre discours du Trône de 2005 et dans notre budget de 2005, notre gouvernement a pris l'engagement d'élaborer une stratégie détaillée de réduction de la pauvreté àl'échelle du gouvernement. Nous nous étions engagés à le faireenconsultation et en collaboration avec les groupes communautaires. Leur contribution a été essentielle.
Dès le départ, nous avons souligné clairement qu'il était nécessaire de porter une attention particulière aux liens entre la pauvreté et divers facteurs déterminants. Parmi les facteurs qu'il est important de comprendre à mesure que nous élaborons et mettons en œuvre des solutions, on compte notamment le sexe, l'éducation, le logement, l'emploi, la santé, le soutien social, le soutien financier et les mesures fiscales, de même que le lien qui existe entre la pauvreté qui touche les femmes et leur vulnérabilité accrue à la violence.
Les expériences menées dans d'autres pays et au Canada montrent clairement que nous ne parviendrons jamais à réduire de manière importante nos niveaux de pauvreté si nous n'adoptons pas une approche globale. Notre gouvernement a effectué des investissements considérables pour atteindre ses objectifs et considère la Stratégie de réduction de la pauvreté comme un processus dynamique sur la base duquel des progrès doivent être accomplis chaque année. À ce jour, notre investissement annuel total dans des nouvelles initiatives de soutien de notre Stratégie de réduction de la pauvreté dépasse 100 millions de dollars. Certainesdes initiatives que nous avons mises en œuvre sont particulièrement pertinentes quant aux questions qui sont soulevées dans votre document. L'un des secteurs d'intérêt a amélioré notre programme de soutien du revenu, tant sur le plan du renforcement de notre filet de sécurité sociale que sur celui de l'élimination des facteurs tendant à décourager les prestataires du soutien du revenu à retourner sur le marché du travail.
En 2006, nous avons augmenté de 5p.100 les taux de soutien du revenu puis, à compter de 2007, nous avons indexé les taux en fonction de l'indice des prix à la consommation. Nous avons augmenté notre aide supplémentaire, qui prend la forme d'allocations pour le logement, de prestations de maladie, d'indemnisation pour l'achat de lunettes ou de prothèses dentaires, d'allocations pour régimes alimentaires spéciaux, et ainsi de suite. Nous avons également éliminé le taux inférieur applicable aux personnes qui louaient un logement de parents. Fait également important, nous entreprendrons cette année une étude exhaustive des structures de taux de notre programme de soutien du revenu, de manière à ce que nous puissions examiner de manière holistique les prestations que nous versons et la mesure dans laquelle elles permettent de subvenir aux besoins fondamentaux. En outre, nous avons facilité l'accès à nos services en simplifiant notre processus de présentation de demande et en doublant le nombre de travailleurs sociaux de liaison pour nous assurer que les clients ayant des besoins complexes ont accès à la gamme complète de services offerts. Nous nous apprêtons à publier un guide en langage simple pour présenter les programmes et les services de notre gouvernement qui s'adressent plus particulièrement aux personnes à faible revenu.
Pour aider les personnes qui touchent un soutien du revenu à retourner sur le marché du travail, nous avons augmenté l'exemption de gains, simplifié le processus de déclaration du revenu d'emploi et mis en place une prestation accordée aux personnes qui commencent un emploi. Nous avons révisé notre formule de loyers établis en fonction du revenu pour les locataires de logements sociaux qui touchent un revenu d'emploi et nous nous sommes associés à la Metro Business Opportunities Corporation pour fournir une aide aux travailleurs indépendants qui touchent un soutien du revenu. De surcroît, nous offrons à présent la couverture des médicaments sur ordonnance aux travailleurs à faible revenu qui quittent le programme de soutien du revenu. Pour de nombreuses personnes qui bénéficiaient de ce programme, l'absence d'assurance-médicaments représentait le principal obstacle à un retour au travail. Nous avons également augmenté le salaire minimum; nous l'avons fait passer de 6$ à 8$ l'heure depuis notre élection en 2003 et, en consultation avec les milieux d'affaires et les syndicats, nous avons prévu l'augmenter jusqu'à 10$ l'heure d'ici le 1er juillet 2010.
De plus, nous sommes en train d'augmenter et de renforcer l'aide offerte aux personnes qui tentent d'intégrer le marché du travail et de trouver un emploi. Nous avons annoncé l'ouverture de 14 nouveaux centres d'emploi et de carrière qui seront répartis dans toutes les régions de notre province, tant en milieu urbain qu'en milieu rural. Nous avons renforcé notre capacité d'élaborer et de diffuser de l'information sur le marché du travail et sommes en train de négocier avec le gouvernement fédéral en vue de créer une entente sur le développement du marché du travail qui répond mieux aux besoins de notre province.
Notre gouvernement s'efforce de trouver des solutions aux problèmes qui se posent, notamment nos faibles niveaux d'alphabétisation, nos taux élevés de maladies chroniques et d'obésité, les défis en matière de santé mentale et de services de toxicomanie, de même que les services de soins de longue durée et de soutien communautaire. Grâce à notre Stratégie de réduction de la pauvreté, notre gouvernement a effectué d'importants investissements par le truchement de notre plan de bien-être, de notre programme d'éducation préscolaire et de garde d'enfants, de notre cadre stratégique en matière de santé mentale et de toxicomanie, de notre initiative de prévention de la violence et denotre stratégie sur le vieillissement en santé et les aînés.
Nous sommes en train d'élaborer un nouveau programme stratégique d'alphabétisation s'adressant aux adultes de la province. Cela nous obligera à examiner les programmes qui sont actuellement en place pour nous assurer qu'ils offrent une possibilité de réussite optimale aux apprenants adultes et qu'ils répondent à leurs besoins uniques et à leurs situations particulières dans l'ensemble des régions et des collectivités de la province.
Grâce à la Stratégie de réduction de la pauvreté, nous nous penchons également sur la nécessité de travailler à l'interne et en collaboration avec nos partenaires communautaires afin de coordonner davantage notre approche en matière de prestation de programmes et de services aux clients ayant des besoins complexes. Il arrive souvent que ces derniers soient des clients communs de divers services offerts par le gouvernement et les organismes communautaires, par exemple les services de santé, les services communautaires, les services juridiques, le système de soutien du revenu et le système de logements. Cette année, nous avons déterminé que la question des clients ayant des besoins complexes constituait une priorité et devait faire l'objet de recherches et de mesures plus poussées. Plus particulièrement, nous travaillons actuellement pour élaborer des politiques, des programmes et des services mieux coordonnés et qui répondent mieux aux besoins. Pour qu'il soit possible de mener à bien ce processus, la participation de nos partenaires communautaires est cruciale, étant donné que les personnes ayant des besoins complexes sont habituellement servies de manière plus efficace par les groupes communautaires.
Le logement et l'itinérance sont des problèmes qui soulèvent de plus en plus de préoccupations à St.John's et dans quelques autres régions de la province. Notre gouvernement est résolu à augmenter l'offre de logements abordables et travaille de concert avec des organismes communautaires, notamment le St.John's Community Advisory Committee on Homelessness, le St.John's Housing and Homelessness Network, les Stella Burry Community Services et divers autres centres de logement et refuges de la province. En 2008, on a affecté une somme supplémentaire de 1,4million de dollars à l'amélioration de l'accès au logement, particulièrement pour les aînés et les travailleurs à faible revenu, en s'employant à résoudre le problème de listes d'attente pour le programme de Terre-Neuve-et-Labrador et en modifiant la formule utilisée pour calculer le loyer en fonction du revenu de manière à abaisser le loyer des locataires de logements sans but lucratif.
J'estime qu'il est essentiel, pour une société saine, d'offrir du logement abordable de qualité. Par conséquent, notre gouvernement élabore actuellement une stratégie provinciale axée sur le logement pour orienter les mesures que nous prendrons pour faire face aux besoins prioritaires en matière de logement. Cette stratégie, élaborée en consultation avec nos intervenants du milieu communautaire, sera terminée cet automne. Il s'agit de l'une des quatre seules stratégies axées sur le logement au Canada.
Le gouvernement fédéral a offert de s'engager à court terme pour partager les coûts de quelques programmes, notamment leProgramme d'aide à la remise en état des logements, soit le PAREL, l'initiative en matière de logement abordable et les ententes relatives à la Fiducie pour le logement abordable. Le PAREL est un programme d'aide à la rénovation indispensable pour les propriétaires à faible revenu; ce programme est d'autant plus indispensable que notre province possède un taux élevé de propriétaires-occupants. Les principaux clients de ce programme sont les aînés qui touchent un revenu annuel moyen d'environ 11000$ dont le logement a approximativement 40 ans et doit être rénové ou adapté afin de faciliter l'accessibilité. De telles mesures témoignent du vieillissement sans précédent de la population et met en évidence les besoins croissants en matière d'accessibilité aux logements, en plus de rendre compte du soutien offert aux aînés pour les aider à continuer d'habiter leurs propres logements. Comme nous avons doublé la somme affectée au programme provincial de réparations que nous avons mis en œuvre, nous sommes actuellement en mesure d'aider 2 500 ménages chaque année. Le tiers du soutien offert à chaque ménage provient du gouvernement fédéral. Depuis les années 1990, les seuls nouveaux logements qui ont été créés l'ont été par le truchement de l'Initiative en matière de logement abordable, initiative dont les frais sont partagés par le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial, et des ententes relatives à la Fiducie pour le logement abordable, qui est le fruit d'une collaboration avec les organismes communautaires et le secteur privé. Malgré le succès de ces programmes et le besoin auquel ils répondent, l'engagement du gouvernement fédéral à leur égard est demeuré imprévisible; il est donc difficile d'adopter une démarche stable et à long terme pour s'attaquer à ces problèmes. Là encore, même si ces programmes se sont révélés fructueux, ils sont actuellement évalués à la demande du gouvernement fédéral, et leur avenir est, au mieux, incertain. C'est dommage.
Le logement supervisé est une nouvelle tendance positive dans notre province. Depuis 2005, des organismes communautaires de la province ont été en mesure de créer de nouveaux logements supervisés grâce au financement des programmes à frais partagés comme l'Initiative en matière de logement abordable, la Fiducie pour le logement abordable et le PAREL, et au moyen de la Stratégie des partenariats de lutte contre l'itinérance du gouvernement fédéral. Notre province s'est engagée à soutenir ces projets de manière continue en octroyant des fonds de fonctionnement. Les responsables de la stratégie provinciale en matière de logement formuleront des recommandations qui consolideront la collaboration interministérielle, dont dépend le succès de ces initiatives. Toutefois, la possibilité de créer de nouveaux logements supervisés à Terre-Neuve-et-Labrador sera limitée si le gouvernement fédéral n'offre aucun soutien pour le développement des immobilisations.
De plus, les besoins en matière de logement des Autochtones deTerre-Neuve-et-Labrador qui vivent hors réserve sont actuellement mesurés au moyen d'une évaluation des besoins. Tous les groupes autochtones de la province participent activement à cette étude, qui nous fournira des renseignements utiles pouvant orienter toutes les décisions de financement qui seront prises dans l'avenir. Cependant, j'estime que, pour répondre pleinement aux besoins actuels, le gouvernement fédéral doit s'engager à réinvestir dans le secteur du logement.
À partir des années 1950 jusqu'au début des années 1990, le gouvernement fédéral a partagé avec les provinces les frais liés à la création et à la gestion de logements sociaux, selon un partage de 75p.100 et 25p.100. Le dernier logement abordable a été construit au début des années 1990. En 1997, Terre-Neuve-et-Labrador a conclu une entente avec le gouvernement fédéral qui s'est traduite par le transfert au gouvernement provincial des responsabilités en matière de logement social. Ce transfert de responsabilité administrative a entraîné une diminution constante du financement du gouvernement fédéral, alors qu'il devait faire en sorte que nous puissions élaborer et assurer la pérennité des programmes et des services de façon à mieux répondre aux besoins de notre province. Il n'a jamais été question que le gouvernement fédéral se dérobe à ses responsabilités en matière de logement. Le gouvernement fédéral a un rôle important à jouer pour garantir qu'un nombre suffisant de logements abordables soit offert dans nos collectivités.
Les exigences financières liées au maintien du parc actuel de logements sociaux, qui compte plus de 5000 logements, constituent le plus grand défi en matière de logement que doit relever notre province. D'ici 2039, le gouvernement réalisera une économie de coût de plus de 20 milliards de dollars en réduisant ses dépenses en logement à l'échelle du pays. Les gouvernements provinciaux souhaitent que cette somme soit réinvestie dans le parc de logements sociaux pour assurer sa pérennité et garantir que les générations futures puissent en bénéficier.
De concert avec le ministre Solberg, j'assume la présidence du comité fédéral-provincial-territorial sur le logement. Je considère que le mandat qui a été confié à ce comité est d'une importance cruciale en ce qui a trait à la lutte contre la pauvreté au Canada. Le comité prévoit se réunir cet automne; toutefois, aucune rencontre officielle entre le ministre fédéral et les ministres provinciaux n'a eu lieu depuis 2005. Plus tôt cet été, devant l'insistance, voire le harcèlement des ministres provinciaux et territoriaux, le ministre Solberg a finalement accepté de rencontrer notre groupe pendant environ une heure. Cette rencontre n'a pas été fructueuse. Elle ne nous a pas permis d'aborder les problèmes de fond auxquels font face les provinces et les territoires en ce qui concerne les nombreux enjeux liés au logement dans l'ensemble du pays. Cette absence de volonté de discuter des problèmes s'est traduite par une incertitude quant à un engagement indispensable du gouvernement fédéral en matière de logement dans l'avenir. De même, nous n'avons pas réussi, malgré les efforts que nous avons déployés depuis mai 2006, à faire en sorte que le ministre Solberg assiste, à titre de coprésident fédéral, à la réunion fédérale-provinciale-territoriale des ministres responsables des services sociaux, responsabilités que j'assume conjointement avec mon collègue, M.Wiseman, ministre de la Santé et des Services communautaires. Le groupe des ministres responsables des services sociaux joue un rôle crucial en abordant les questions liées à l'invalidité, à l'aide à l'enfance et à la pauvreté dans son ensemble; toutefois, depuis 2006, le ministre fédéral décline nos invitations à assister à nos réunions.
Il y a de nombreuses autres questions que j'aimerais aborder, par exemple les personnes handicapées, les jeunes à risque et l'apprentissage et la garde des jeunes enfants, mais je suis conscient du fait que vous voulez passer la majeure partie de la matinée à poser des questions.
Je terminerai en insistant sur le fait que, pour faire face aux nombreux problèmes avec lesquels les villes canadiennes sont auxprises et qui sont énoncés dans votre rapport, nous devons tous mettre l'épaule à la roue: le gouvernement fédéral, les gouvernements provinciaux, les administrations municipales, lesmilieux d'affaires, les syndicats, les groupes communautaires, les personnes qui vivent dans la pauvreté et celles qui sont vulnérables à cet égard. Nous devons tous travailler ensemble pour élaborer une méthode coordonnée et intégrée en vue d'atténuer, de réduire et de prévenir la pauvreté au Canada.
Merci beaucoup.
Le président: Merci. Nous partageons tout à fait le point de vue que vous avez exprimé à la fin de votre intervention, selon lequel nous devons travailler ensemble. Nous avons également entendu la frustration exprimée par de nombreuses personnes de notre pays en ce qui concerne l'incertitude qui entoure l'avenir des programmes de logement à la fin de l'exercice financier à venir. Il est réjouissant de constater que vous êtes en position de coprésider le comité, mais je suis consterné d'apprendre que, à ce moment-ci, vous n'êtes pas parvenu à obtenir plus de succès que ceux qui vous ont précédé. Je souhaite assurément que vous soyez capable de réaliser des progrès à cet égard. L'incertitude entourant l'avenir des programmes, dans la mesure où ils ne seront pas simplement éliminés, a créé un climat de grande inquiétude dans le secteur du logement.
Vous nous avez présenté un programme très actif et ambitieux, qui aborde ces enjeux d'une manière globale. J'aimerais également savoir comment vous évaluez les résultats et savoir si les indicateurs que vous avez utilisés sont efficaces. Où en est votre évaluation à cet égard? Avez-vous publié un quelconque rapport à ce sujet, ou en êtes-vous encore aux stades préliminaires?
M.Skinner: Je vais laisser à MmeGogan le soin de vous donner de plus amples renseignements, mais je peux vous dire que nous avons constaté que quelques-unes des mesures normalisées que nous avons employées n'étaient pas appropriées aux fins de l'évaluation. Par conséquent, comme je l'ai mentionné précédemment, nous avons créé notre propre mesure du panier de consommation à Terre-Neuve-et-Labrador, en collaboration avec Statistique Canada, qui nous a aidé à adapter cet indice de mesure en fonction de ce que nous devions être capables de mesurer, afin d'en faire rapport.
Aisling Gogan, directrice, Stratégie de réduction de la pauvreté, ministère des Ressources humaines, du Travail et de l'Emploi, gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador: Aucun instrument de mesure ne permet de rendre compte de manière satisfaisante de toutes les facettes de la pauvreté. Nous avons examiné les données relatives au seuil de faible revenu, l'outil de mesure le plus commun. L'un des problèmes avec le SFR, problème que pose également la mesure du panier de consommation de RHDSC, réside dans le fait qu'il permet uniquement de rendre compte de ce qui se passe à l'échelle de la province. Ces mesures ne nous permettent pas de comprendre pourquoi nous réalisons des progrès dans certains secteurs alors que, dans d'autres, nous devons trouver d'autres manières d'agir.
L'une des innovations propres à la mesure du panier de consommation à Terre-Neuve-et-Labrador réside dans le fait que nous avons employé la méthodologie mise au point par RHDSC, mais que nous avons utilisé les données de l'impôt sur le revenu au lieu des données d'enquête. De cette manière, nous accédons directement à ce qui se passe dans la collectivité et pouvons identifier les personnes qui se situent sous le seuil de faible revenu, en fonction de leur capacité de se procurer le panier de consommation en question. Il s'agit d'un instrument de mesure, mais ce n'est pas le seul. Lorsque nous nous penchons sur les diverses initiatives que nous avons mises en œuvre, nous sommes capables d'en mesurer les progrès et de suivre leur évolution. Par exemple, nous pouvons déterminer combien de nos clients travaillent tout en touchant le supplément du revenu. Nous pouvons déterminer combien d'entre eux délaissent totalement le soutien du revenu et ont recours à des prestations comme celles accordées aux personnes qui commencent un emploi. Nous avons eu beaucoup de succès sur ce plan, et cela ne fait que commencer. Pendant la première année où nous avons offert des prestations aux personnes qui commençaient un emploi, nous avons observé une augmentation de 40p.100 du nombre de personnes qui abandonnaient chaque mois le soutien du revenu pour entrer sur le marché du travail.
Le président: Quarante pour cent des personnes quittent le programme.
MmeGogan: Le nombre de personnes qui l'ont quitté a augmenté de 40p.100 comparativement à l'année précédente.
Le ministre Skinner a mentionné que nous allions publier cette année notre premier rapport d'étape, qui mettra en évidence les mesures globales susmentionnées, notamment le seuil de faible revenu et la mesure du panier de consommation à Terre-Neuve-et-Labrador. Le rapport mettra également en lumière le genre de progrès que nous pouvons observer, par exemple, en ce qui a trait au nombre de personnes qui touchent le soutien du revenu. Nous nous sommes penchés sur le taux de réussite des études secondaires et sur d'autres sujets, en plus d'examiner le rapport publié par le Québec pour connaître les mesures qui ont été prises dans cette province. Nous jetons également un coup d'œil à ce qui se fait dans les autres pays. Nous avons consulté des modèles quiont donné de bons résultats en Irlande et au Royaume-Uni. Nous avons également tenté d'examiner des études de cas de divers type de familles. L'un des facteurs les plus importants consiste à adopter une approche holistique et à observer comment les différentes initiatives se complètent puisque, prises isolément, il est impossible de discerner leur effet combiné.
Il faut également tenir compte du fait que nous avons adopté une démarche fortement axée sur la prévention. Les résultats de certaines de nos initiatives ne seront donc pas visibles avant quelques décennies. Nous tentons également de trouver une manière de mesurer nos progrès en cours de route et d'évaluer l'incidence de nos mesures sur certains aspects comme les taux de réussite des études secondaires, les taux de fréquentation et l'accès aux études supérieures. Il s'agit d'indicateurs importants pour savoir si nous sommes sur la bonne voie. Dans le rapport d'étape que nous publierons au cours du présent exercice financier, nous nous penchons sur les principaux défis à relever pour nous assurer que nos initiatives préventives visent juste, et nous examinons les étapes que nous avons franchies pour nous assurer que nous sommes sur la bonne voie.
Le président: Je crois savoir que votre objectif consiste à passer du statut de province la plus touchée par la pauvreté à celui de province la moins touchée par la pauvreté d'ici 2014. Comment vous y prendrez-vous pour savoir que vous avez atteint votre objectif? Quel type d'évaluations effectuerez-vous pour le savoir?
M.Skinner: L'un des objectifs de notre deuxième ronde de consultations consiste à déterminer de quelle manière nous nous évaluerons. Nous sollicitons la contribution des groupes communautaires pour qu'ils nous disent quel type de facteurs nous devrions, selon eux, utiliser pour respecter une certaine norme. À l'origine, au cours de la consultation menée dans le cadre de la création de la Stratégie de réduction de la pauvreté, la définition de pauvreté et la manière dont on peut la mesurer a donné lieu à de nombreuses discussions. Les gens nous ont dit de passer à autre chose, de mettre en branle le processus et de trouver une solution à ces questions en cours de route. C'est ce que nous faisons. Nous n'avons pas la réponse complète à cette question très complexe.
Comme je l'ai dit, votre rapport contient 103recommandations. Chaque fois que je rencontre un groupe pour discuter de pauvreté, de nouvelles questions sont soulevées. La question de la pauvreté est comme un oignon: chaque couche que vous enlevez en découvre une autre. Par contre, nous sommes certains d'une chose: nous faisons des progrès; nous allons de l'avant avec la collectivité, et la deuxième ronde de consultations communautaires nous aidera à avancer encore un peu plus. Comme je l'ai indiqué précédemment, il s'agit d'un document en constante évolution; il s'affinera avec le temps et, à mesure que nous progressons, nous nous rapprocherons d'un consensus pour ce qui est de la façon dont nous devrions procéder pour nous évaluer.
Le président: Permettez-moi de vous poser des questions concernant l'engagement du gouvernement fédéral dans votre programme. Vous avez parlé brièvement du gouvernement fédéral et du logement sur le plan fédéral-provincial- territorial. Je veux me concentrer sur le programme que vous avez mis en œuvre à Terre-Neuve-et-Labrador, puisque vous l'avez mentionné dans votre plan d'action de 2006. Dans ce plan d'action, vous aviez cerné un certain nombre de secteurs que vous considériez comme prioritaires au regard de la consolidation d'une relation avec le gouvernement fédéral. Quels progrès ont été réalisés à cet égard. Dans quels secteurs le gouvernement fédéral a-t-il offert un soutien supplémentaire? Quels sont les secteurs qui ne fonctionnent pas?
M.Skinner: Je crois savoir que les provinces et les territoires mènent actuellement d'intenses discussions sur la manière dont ils peuvent travailler ensemble pour tenter de résoudre certains des problèmes auxquels ils sont en butte et relever les défis qu'ils ont en commun. Nous tentons de convaincre le gouvernement fédéral de prendre part à certaines de ces discussions. Parmi les programmes actuels, particulièrement dans le secteur du logement, ceux qui viennent à échéance en mars prochain ont donné quelques bons résultats. Lorsque le gouvernement fédéral prenait part aux discussions, nous avons été en mesure de nous mobiliser et d'obtenir des résultats. Cela ne fait aucun doute.
À mon avis, le problème tient au fait que le gouvernement fédéral ne participe pas aux discussions et ne fait pas partie du processus; il reste à l'écart, et nous ignorons donc tout de ses projets futurs. Cela crée un climat d'incertitude qui a une incidence sur certaines de nos activités.
Nous croyons que la participation du gouvernement fédéral nous permettrait d'accroître et d'améliorer nos chances de réussite. Hélas, à l'heure actuelle, le gouvernement n'est pas très coopératif. Le gouvernement nous laisse en plan dans la mesure où quelques-unes des ententes dont nous parlons sont sur le point d'arriver à échéance et qu'on ne nous a donné aucune indication quant à savoir si elles allaient être prorogées. Nous avons exercé d'énormes pressions, pour ainsi dire, sur le gouvernement fédéral et le ministre pour tenter de leur faire comprendre que nous estimions que cette question méritait d'être traitée avec plus de cohérence. Nous n'avons pas été en mesure d'observer de biens grands changements à cet égard. Le ministre nous a dit qu'il agirait avant que les ententes ne viennent à échéance, mais nous ne connaissons pas la nature des mesures qu'il entend prendre ni la voie qu'il entend suivre. Nous croyons que le gouvernement doit participer aux discussions; à ce jour, il ne l'a pas fait. Les provinces et les territoires réussissent à aller de l'avant, mais d'après ce que nous pouvons constater, la part du gouvernement fédéral dans ces progrès est minime.
Le président: Vous avez indiqué que le gouvernement fédéral ne participait pas d'une manière qui répond à vos attentes. Vous avez mentionné un certain nombre de programmes, notamment l'entente sur le développement du marché du travail, le programme de prêts aux étudiants, les programmes d'alphabétisation et des programmes visant les Autochtones. Êtes-vous en train de dire que le gouvernement fédéral n'a pas coopéré ni participé à ces programmes?
M.Skinner: Nous sommes actuellement en négociation en ce qui concerne l'entente relative au transfert des responsabilités et les nouvelles ententes sur le marché du travail. Sur ce plan, nous progressons, et j'oserais dire que les discussions vont bon train. Je ne veux pas vous donner la fausse impression qu'il n'y a aucune coopération. Le gouvernement fédéral coopère. Toutefois, j'estime qu'il devrait s'engager plus activement et qu'il devrait faire preuve de plus d'ouverture pour ce qui est de consultations avec la province.
Le président: On ne peut pas vraiment dire que le gouvernement est votre partenaire dans le cadre de ce programme.
M.Skinner: J'estime que le gouvernement pourrait agir davantage comme un partenaire.
Le sénateur Cordy: Monsieur le ministre, je salue le travail que vous et votre gouvernement accomplissez dans ce domaine. Vous avez élaboré une stratégie qui est en train d'être mise en œuvre, alors que, par le passé, les gouvernements qui se sont succédé, à l'échelle tant provinciale que fédérale, se sont contentés de faire part de leurs bonnes intentions.
J'aimerais que nous revenions à la question du rôle joué par le gouvernement fédéral. Au cours de votre exposé, vous avez évoqué la complexité de la question. Vous ne pouvez pas affirmer que la construction de logements permettra de résoudre le problème, ni affirmer que des mesures relatives à l'éducation constituent la solution au problème. La pauvreté est une question aux multiples facettes; chacune d'entre elles doit être prise en considération, compte tenu des liens qui les unissent les unes aux autres. Nous avons entendu cela à de nombreuses reprises, et vous l'avez répété ce matin.
Lorsque nous nous penchons sur les mesures prises par notre gouvernement fédéral, nous constatons des coupures dans le financement de l'alphabétisation, dans les programmes d'éducation préscolaires et de garde d'enfants et dans le programme de contestations judiciaires. Ces coupures ont eu assurément des répercussions importantes sur les travailleurs à faible revenu et les personnes les plus démunies. À l'heure actuelle, l'Initiative en matière de logement abordable et l'ensemble du programme en matière de logement fait l'objet d'une évaluation du gouvernement fédéral; les Canadiens de l'Atlantique sont toujours un peu nerveux lorsque de telles évaluations ont lieu, puisque l'histoire nous a appris que cela signifie habituellement que le financement de ces programmes sera non pas augmenté, mais abaissé.
Dans votre réponse aux commentaires du sénateur Eggleton ayant trait aux partenariats avec le gouvernement fédéral, vous avez indiqué que vous ne parveniez pas à rencontrer celui qui assume, conjointement avec vous, la présidence du comité. De fait, si vous n'êtes pas en mesure de le faire, cela représente un énorme défi pour vous.
Dans quelle mesure le gouvernement fédéral devrait-il jouer un rôle prépondérant en matière de pauvreté, question complexe s'il en est? Vous avez déterminé les résultats et établi votre mesure du panier de consommation, mais ces activités ne concernaient que la province de Terre-Neuve-et-Labrador. Quel rôle doit jouer le gouvernement fédéral? La pauvreté est un problème qui vise non pas seulement Terre-Neuve-et-Labrador, mais l'ensemble du pays.
M.Skinner: Je répète que le gouvernement fédéral a participé à certaines des activités que nous mettons en œuvre. J'ai mentionné l'entente sur le marché du travail. La mesure du panier de consommation à Terre-Neuve-et-Labrador a été élaborée en collaboration avec Statistique Canada. Grâce au ministère responsable des services fiscaux, certains de nos projets ont pu progresser. Pour être honnête, je dois dire que le gouvernement fédéral collabore sur certains plans.
Par contre, je veux m'assurer de mentionner certains faits pour contrebalancer ce que je viens de dire. Je citerai simplement en exemple mon poste de coprésident d'un comité en matière de logement. Quelques provinces se sont entendues pour ce qui est de la démarche à adopter pour résoudre la crise du logement, mais le gouvernement fédéral n'a pas pris part aux discussions, et ne nous a pas indiqué à quel moment il comptait le faire. Nous le lui avons demandé. Il n'a pas pu nous dire s'il le ferait dans trois mois, dans six mois ou dans neuf mois. À la fin janvier et en février, le gouvernement fédéral ne s'est pas présenté à la réunion fédérale-provinciale-territoriale qui avait lieu en Colombie-Britannique. Le ministre ne s'est pas présenté. Nous avons communiqué avec lui. Comme je l'ai mentionné, nous l'avons harcelé, et il a accepté de nous rencontrer en avril. La rencontre a eu lieu. Nous lui avons demandé de bien vouloir nous rencontrer à l'automne, étant donné qu'une réunion d'une heure n'était pas suffisante pour traiter du genre de questions qui étaient à l'ordre du jour. Nous voulions le rencontrer de nouveau à l'automne. Il n'a pris aucun engagement à cet égard.
Il y a certaines choses que le gouvernement fédéral doit faire. Il peut faire preuve de leadership, et il en a assurément la possibilité; à titre de gouvernement le plus important du pays, il peut collaborer avec chaque province et chaque territoire et leur offrir l'aide demandée, mais d'abord et avant tout, nous voulons que le ministre entreprenne un dialogue avec nous. À mon avis, il est très dommage qu'un ministre fédéral s'abstienne de se présenter à une réunion fédérale-provinciale-territoriale pour discuter avec ses collègues de la crise à laquelle nous faisons face dans notre pays. Suivez-moi quelques minutes dans la rue, et je vous montrerai des personnes dont la situation pourrait être améliorée du simple fait que le gouvernement fédéral accepterait de s'asseoir avec nous et de collaborer. Cela est regrettable.
Le sénateur Cordy: Je conviens que cela est regrettable, et je crois que bon nombre de mes collègues n'auraient pas à aller très loin pour constater les effets de la pauvreté sur les gens.
À titre d'ancien enseignant, je dois parler d'éducation. Les enfants qui vivent dans la pauvreté ont de plus grands défis à relever, car il arrive souvent que leurs parents désirent les voir quitter l'école de manière à travailler et à apporter un soutien supplémentaire à la famille. Je parle non pas des droits de scolarité universitaires, mais simplement des frais nécessaires pour mener à bien des études secondaires. Au sein d'une famille pauvre, l'enfant peut être encouragé à quitter l'école, et il est fréquent que des adolescents le fassent par simple désir d'avoir de l'argent pour leur usage personnel.
Quelles mesures avez-vous prises pour abaisser le taux de décrochage et pour encourager les jeunes à rester à l'école? Sans une éducation adéquate, un jeune a peu de chance de rompre le cycle de la pauvreté.
M.Skinner: Je vais mentionner quelques initiatives. À l'heure actuelle, nous fournissons aux enfants tous les manuels scolaires dont ils auront besoin de la maternelle à la 12e année. Les parents ou les tuteurs n'ont plus à se soucier de cette dépense. Dans certaines de nos unités de logement, où l'on trouve habituellement les plus faibles taux d'achèvement des études secondaires, nous trouvons à présent des jeunes de 18 ou 19 ans qui poursuivent des études secondaires, et nous offrons des prestations financières par le truchement de l'organisme Newfoundland and Labrador Housing. Je crois qu'il s'agit d'une prestation mensuelle de 25$ offerte aux familles dont les enfants restent à l'école et tentent de terminer leurs études.
Je dois également mentionner le programme qui s'intitule Futures in Skilled Trades and Technology. Nous avons investi des sommes importantes dans ce programme. L'information sur le marché du travail dont nous disposons indique que les possibilités économiques qui se présentent dans notre province feront en sorte de créer une pénurie de gens de métiers qualifiés. En réaction à cette information, nous avons introduit ce programme dans les écoles secondaires. Les élèves ont ainsi l'occasion d'étudier les diverses possibilités de métier qui s'offrent à eux avant de prendre une décision quant à leurs études postsecondaires. Nous leur présentons une kyrielle de métiers et leur offrons la possibilité de réfléchir afin d'en choisir un qu'il leur plairait d'étudier au collège ou à l'université. Ils reçoivent également des renseignements concernant les possibilités d'emploi, le revenu et le type de carrière auquel ils peuvent s'attendre en choisissant l'un de ces métiers.
Nous avons mis en œuvre un projet pilote visant à rétablir les liens avec les jeunes à risque et ceux qui ont décroché. Comme vous le savez probablement, le taux de décrochage est élevé, et le niveau d'alphabétisation est bas. À la faveur de notre projet pilote, nous tentons de rétablir les liens avec ces jeunes et de les ramener dans le système scolaire, qu'il s'agisse du système d'enseignement régulier ou d'un système parallèle, pour nous assurer qu'ils ont la possibilité de terminer leurs études.
J'ai également évoqué notre nouveau plan d'alphabétisation. Ce plan vise les adultes, car ceux-ci ont également des problèmes en matière d'alphabétisation. Bon nombre des adultes de notre province qui ont dépassé l'âge normal pour faire des études connaissent des difficultés sur le marché du travail. Les employeurs se heurtent à des difficultés dans le cas d'employés dont le niveau d'alphabétisation est bas et qui ont de la difficulté à s'adapter aux nouvelles technologies. Nous travaillons donc également à mettre en œuvre notre plan d'alphabétisation des adultes.
Le sénateur Cordy: Il est intéressant de souligner que le taux de décrochage le plus élevé se trouve non pas à Terre- Neuve, mais en Alberta.
Je me pose simplement la question suivante: existe-t-il une façon de déterminer quels sont les enfants qui courent le plus grand risque d'abandonner les études. Souvent, ces enfants grandissent sans avoir de modèles auxquels ils peuvent s'identifier; dans leur entourage, ils n'ont vu personne obtenir son diplôme d'études secondaires ou poursuivre des études postsecondaires.
Votre programme contient-il une composante de mentorat pour les personnes qui risquent le plus d'abandonner les études?
MmeGogan: Nous nous sommes penchés sur cette question. Si vous jetez un coup d'œil aux statistiques globales, vous pourrezconstater que nous obtenons de très bons résultats comparativement aux autres provinces canadiennes. Dans l'ensemble, notre taux d'achèvement d'études secondaires est satisfaisant, mais dans certains coins de la province, ils sont plus bas. Ces taux d'achèvement peu élevés se trouvent dans les secteurs visés par notre programme de logement social. Dans certains quartiers, le taux d'achèvement d'études secondaires ne s'élève qu'à environ 50p.100, et ces quartiers sont situés dans la circonscription du ministre; il est donc bien au courant du problème. Les collectivités autochtones de notre province sont également touchées par des problèmes semblables. La question consiste à savoir comment s'y attaquer. Évidemment, l'absence de modèles de comportement représente l'une des difficultés auxquelles nous faisons face. Dans certaines familles, ni les parents ni les grands-parents n'ont vécu une expérience positive à l'école; il est donc difficile pour eux de soutenir leurs enfants ou leurs petits-enfants dans leurs études.
Le projet pilote mentionné par le ministre constitue l'un des moyens dont nous disposons pour tenter de résoudre ce problème, particulièrement dans les quartiers où se trouvent les logements sociaux et où, comme nous le savons, les problèmes se transmettent d'une génération à l'autre.
De manière globale, nous avons utilisé les ressources de notre ministère de l'Éducation pour tenter de contrôler la fréquentation de l'école aux niveaux inférieurs à l'échelle provinciale. Dans le cadre du système précédent, aucun contrôle n'était exercé sur cette information. Comme nous le savons, et comme pourraient vous le confirmer des enseignants et, malheureusement, des spécialistes en prénatalité, les études et les recherches montrent qu'il est possible d'identifier, dès la cinquième et la sixième années, les enfants qui courent de véritables risques de ne pas terminer leurs études secondaires simplement en consultant les taux de fréquentation de l'école. Un nouveau système visant à renforcer l'assiduité est en voie d'élaboration, et je crois qu'il sera mis en œuvre dès l'an prochain. Nous nous efforçons d'utiliser ces renseignements pour tenter d'intervenir auprès des enfants qui sont les plus à risque.
Grâce à la Stratégie de réduction de la pauvreté, nous avons également augmenté le financement du Community Youth Network et le nombre d'établissements de ce réseau. Des programmes d'aide aux devoirs et d'autres types de soutien sont offerts aux enfants. Les jeunes disposent d'endroits où ils aiment se rendre. Chaque centre communautaire est doté d'une télévision à grand écran et je crois qu'on y trouve souvent une table de billard. Cela les attire au centre communautaire, où des collations santé, de l'aide aux devoirs et plein d'autres choses leur sont offertes. Ce programme d'encadrement a donné lieu à d'incroyables exemples de réussite. L'encadrement par les pairs peut donner d'excellents résultats avec certains jeunes à risque. Ce programme est un énorme succès.
Toutes les collectivités veulent qu'un établissement du Community Youth Network s'installe sur leur territoire. Nous avons augmenté le budget affecté aux réseaux actuels et augmenté le nombre d'établissements qui sont membres de ce réseau. La Fondation Canadian Tire pour les familles nous a fourni du financement par le truchement de son programme Place au sport; de fait, nous croyons que les enfants qui participent à des activités parascolaires et sportives ont beaucoup plus de chances de tisser des liens avec leur collectivité et leur école et de poursuivre leurs études. Nous tentons d'amener les jeunes à participer activement à la vie de leur collectivité à la faveur d'une démarche holistique.
En outre, nous entreprenons une étude qui vise à explorer les solutions possibles pour retenir et attirer les jeunes ici, dans la province. Cette recherche est menée principalement par les Réseaux canadiens de recherche en politiques publiques. En fin de semaine, dans l'hôtel où nous nous trouvons, des jeunes ont reçu une formation d'animateurs pour la jeunesse. Ils se rendront à divers endroits de la province pour animer des ateliers et discuter avec les jeunes de leurs besoins. Nous avons toutes sortes de projets qui s'adressent aux enfants et aux jeunes.
Nous avons augmenté les subventions que nous versons aux écoles dans l'objectif d'éliminer les droits de scolarité. Nous avons constaté que le prix des manuels scolaires était trop élevé pour un père ou une mère de famille monoparentale et qu'il arrivait souvent que leurs enfants abandonnent les études à l'adolescence en raison des coûts associés aux études.
Notre marché du travail, qui se porte de mieux en mieux, offre de nombreux emplois dans le secteur tertiaire; il est très facile pour un jeune de trouver un emploi dans ce secteur. Dans certains cas, des étudiants qui sont sur la corde raide sont très attirés par ce type d'emploi et abandonnent les études pour travailler dans l'industrie des services. Il s'agit d'une solution très attirante pour eux, s'ils savent que le coût des manuels scolaires et les droits de scolarité sont trop élevés pour leurs parents.
Nous avons tenté d'éliminer la pression qui s'exerçait sur ces jeunes. Nous avons rencontré le comité consultatif sur la jeunesse de notre province pour tenter de trouver des moyens d'amener les jeunes à occuper d'autres types d'emplois que des emplois peu rémunérés et peu spécialisés. Il s'agit pour nous d'un nouveau défi à relever, et nous tentons de tirer profit de ce qui s'est fait dans les autres provinces. De toute évidence, nous ne voulons pas nous retrouver dans la même situation que l'Alberta, où le taux de décrochage augmente pendant que le marché du travail est en pleine ébullition.
Le sénateur Munson: Monsieur le ministre, vous avez employé le terme «inacceptable» pour qualifier l'attitude du gouvernement fédéral en matière de logement. Vous avez fait observer que le gouvernement fédéral se tenait à l'écart et avait laissé les provinces en plan. Vous avez déclaré que le gouvernement devait s'engager davantage. Vous nous avez dit qu'à cinq minutes de marche d'ici se trouvaient des personnes qui avaient besoin de l'aide du gouvernement fédéral. Pourriez-vous préciser quels sont ces problèmes qui se trouvent à cinq minutes d'ici et que la collaboration du gouvernement fédéral permettrait de résoudre de façon adéquate?
M.Skinner: Je faisais allusion à des problèmes de logement. Dans notre ville, il y a des personnes qui ne sont pas convenablement logées. Ces personnes ont besoin de nos services et sont sur une liste d'attente. Si le gouvernement s'engageait plus activement, c'est-à-dire s'il nous rencontrait et acceptait de verser un financement équivalant à celui que nous affectons à nos programmes de logement, nous serions en mesure de répondre dans des délais plus raisonnables aux besoins de ces personnes qui sont sur les listes d'attente. Ce que j'essaie de dire par cet exemple particulier, c'est que nous pourrions régler le problème des listes d'attente si nous avions accès à un financement supplémentaire qui nous permettrait de disposer des infrastructures et des services que nous devons offrir.
Le sénateur Munson: Vous voulez de l'argent.
M.Skinner: Oui, mais ce n'est pas seulement une question d'argent. Les ententes à frais partagés viennent à échéance en mars prochain. Ces ententes ont été très utiles pour nous permettre de relever certains des défis auxquels nous faisions face en ce qui a trait à notre parc de logements sociaux et aux personnes qui sont à la recherche d'un logement convenable, abordable et accessible. Comme je l'ai dit, ces ententes ont été couronnées de succès, mais le gouvernement fédéral veut étudier à nouveau nos résultats. Les provinces et les territoires ne comprennent pas pourquoi ces résultats doivent être étudiés jusqu'à plus soif. Elles fonctionnent, nous savons qu'elles fonctionnent, nous les avons vue fonctionner, nous avons obtenu des résultats, alors continuons dans cette voie.
Le sénateur Munson: Si le gouvernement fédéral ne se présente pas à la table de discussion, quelles en seront les répercussions à cinq minutes d'ici?
M.Skinner: Nous continuons à investir de l'argent, nous continuons à aller de l'avant et à faire du mieux que nous le pouvons. Nous avons augmenté les budgets affectés au logement; nous avons doublé les sommes affectées au programme provincial de réparation; au cours des deux dernières années, nous avons doublé le budget affecté à la modernisation et à l'amélioration. Nous continuons d'injecter des sommes dans ce secteur parce que nous devons protéger nos acquis. Dans la province, nous avons 5000 unités de logement social, mais nous avons toujours des listes d'attente.
Le sénateur Munson: Y a-t-il une différence entre la philosophie du gouvernement fédéral et celle des gouvernements provinciaux? De toute évidence, je ne peux pas parler au nom du gouvernement fédéral, mais peut- être qu'il veut se retirer du secteur et laisser les gouvernements provinciaux en assumer la responsabilité, prendre les décisions et investir les sommes, puisqu'ils connaissent mieux les problèmes à régler sur leur propre territoire.
M.Skinner: Je ne peux vous répondre avec certitude puisque le gouvernement fédéral ne discute pas avec nous, mais vous avez probablement raison sur toute la ligne. L'entente quant au transfert des responsabilités a été conclue en 1997; si nous l'avons bien comprise, il s'agissait d'une entente administrative selon laquelle nous serions responsables de mettre au point la combinaison appropriée de mesures pour répondre à nos besoins. Il n'était pas question que le gouvernement fédéral abandonne ses engagements financiers.
Le sénateur Munson: Dans votre déclaration préliminaire, vous avez évoqué les négociations avec le gouvernement fédéral en vue de créer une entente sur le développement du marché du travail. Quel était l'objet de négociation? Dans votre préambule, vous avez mentionné l'ouverture de 14 nouveaux centres d'emploi et de carrière. Qu'est-ce qui devait être négocié pour mieux répondre aux besoins de votre province?
M.Skinner: La négociation concernait une entente de cogestion fédérale-provinciale. Lorsque nous voulons utiliser les fonds qui sont disponibles pour répondre aux besoins de notre marché du travail, il arrive souvent que le gouvernement fédéral nous demande de répondre aux besoins du marché du travail canadien, besoins qui ne sont pas nécessairement présents ici, dans notre province. Nous aimerions parfois investir des sommes pour régler des problèmes propres à Terre-Neuve-et-Labrador. Il arrive parfois que les discussions quant à la manière dont nous devrions réagir à ces problèmes fassent naître des tensions; nous sommes également en butte à certaines subtilités techniques, savoir ces personnes qui travaillent auprès du gouvernement fédéral et qui nous disent que nous devrions faire les choses d'une telle façon, que nous devrions affecter les sommes à tel endroit et fournir des services dans tels secteurs. Il existe une pléthore de subtilités, mais pour l'essentiel, la négociation, si on peut l'appeler ainsi, porte sur le fait que nous voulons être en mesure de localiser et de personnaliser les mesures que nous prenons à l'égard de notre marché du travail par le truchement de ces ententes sur le marché du travail. Nous avons parfois l'impression que le fait d'avoir un coprésident fédéral à la table de négociation fait en sorte que cela ne se produit pas aussi souvent qu'il le faudrait, puisque le gouvernement fédéral voit les choses d'un point de vue national.
Le sénateur Munson: Le groupe des personnes âgées de 50 à 64ans semble être oublié. À Ottawa, j'ai posé des questions à ce sujet. J'ai posé ces questions au nom de plusieurs de mes amis qui, pour une raison ou pour une autre, qu'ils travaillent dans l'industrie des technologies de pointe, dans l'industrie pétrolière ou dans tout autre secteur, sont tout simplement mis à l'écart et oubliés lorsqu'ils atteignent l'âge de 55 ans. Si élevé que soit leur niveau d'instruction, personne ne veut les embaucher. Comment devrons-nous nous y prendre, à l'échelle tant provinciale que fédérale, pour faire face aux problèmes des personnes de ce groupe d'âge qui, depuis 2003, tombent sous le seuil de faible revenu? Avez-vous, à l'heure actuelle, une meilleure idée de la raison pour laquelle ce groupe d'âge est particulièrement touché?
M.Skinner: Il s'agit effectivement d'un gros problème. Il ne fait aucun doute qu'un grand nombre des personnes de ce groupe d'âge sont touchées, vous avez tout à fait raison de le souligner. Pour ce qui est de notre province, étant donné que notre économie dépend depuis toujours des industries du secteur primaire, un grand nombre de personnes âgées de 50 ans et plus se retrouvent à présent dans la situation où ils doivent effectuer une transition vers d'autres types d'emplois. Comment leur venir en aide? Nous les aidons en essayant d'analyser les possibilités qui se présenteront dans l'avenir et en tentant de les mettre en rapport avec l'ensemble de compétences que ces personnes possèdent. Dans de nombreux cas, il s'agit de personnes hautement qualifiées et possédant une vaste expérience, mais qui ne possèdent pas nécessairement les documents de reconnaissance professionnelle dont ils auraient besoin. Nous tentons de travailler avec les représentants des groupes de travailleurs et des groupes patronaux pour déceler les possibilités qui s'offrent à ces personnes de façon à les aider à effectuer la transition et à faire d'autres types de travail. Certains exemples nous proviennent de la péninsule Burin. D'anciens pêcheurs et travailleurs d'usine ont commencé à occuper un emploi dans l'une des entreprises manufacturières de la région. Seul un petit groupe de personnes a eu l'occasion d'effectuer la transition, mais ce n'est qu'un début. Il s'agit de dresser la liste des ensembles de compétences et des antécédents professionnels des travailleurs âgés et de tenter de les apparier aux besoins des employeurs.
Le sénateur Munson: Il semble que le gouvernement fédéral disposait d'un grand nombre de programmes semblables, mais il y a apparemment trop de personnes à aider dans un même marché. Prenons l'exemple des coiffeurs: il en existe une pléthore, qui ont tous leur certificat de reconnaissance professionnelle, mais ils sont tout simplement trop nombreux. J'imagine que nous devrions apprendre à traiter ce problème d'une autre façon.
En 2006, le gouvernement provincial a indiqué qu'il avait l'intention de collaborer avec le gouvernement fédéral pour élaborer un programme de soutien du revenu visant les personnes handicapées. Avez-vous fait des progrès à cet égard?
M.Skinner: Dans notre dernier budget, nous avons annoncé la création d'un bureau de la condition des personnes handicapées. Nous entreprendrons une tournée provinciale de consultations cet automne. À l'heure actuelle, le processus dedotation de ce bureau est en cours. Il s'agit apparemment d'une initiative très positive pour notre province. J'ai eu de nombreuses discussions officieuses avec des intervenants du milieu, des représentants des groupes de personnes handicapées et ainsi de suite. Ils sont très enthousiastes quant à la création de ce bureau, mais nous n'en sommes encore qu'aux stades préliminaires.
Le sénateur Munson: Ce bureau se préoccupera autant des personnes atteintes d'une déficience intellectuelle que d'une incapacité physique.
M.Skinner: C'est exact.
Le sénateur Munson: Certains de nos témoins ont évoqué la consolidation du lien entre les droits de la personne et la réduction de la pauvreté. En 2006, vous avez annoncé votre intention d'amender le Code des droits de la personne pour y inclure des dispositions visant à prévenir la discrimination fondée sur la source du revenu, par exemple le soutien du revenu. Avez-vous apporté cette modification? Le cas échéant, quelle a été son incidence?
M.Skinner: Oui, la modification a été apportée et en ce qui concerne son incidence, je céderai la parole à MmeGogan, qui formulera quelques commentaires.
MmeGogan: L'un des problèmes, à l'heure actuelle, c'est que notre marché de l'habitation est saturé et que les taux d'inoccupation à St.John's et dans quelques autres collectivités sont très bas. Même avant que nous nous retrouvions dans cette situation, nous entendions des gens se plaindre du fait que certains propriétaires pratiquaient de la discrimination en refusant de louer un logement à une personne qui touchait du soutien du revenu ou recevait des prêts étudiants. Notre Code des droits de la personne contient à présent des dispositions selon lesquelles il est interdit de pratiquer une discrimination fondée sur la source du revenu. Il s'agit d'un recours offert aux personnes qui sont victimes de discrimination, et les propriétaires de logement sont au courant de cette modification.
Le sénateur Munson: D'autres provinces ont-elles procédé à ce genre de modification, ou s'agit-il d'une première?
MmeGogan: Je ne sais pas trop quoi répondre à cette question. Je crois savoir que vous rencontrerez des représentants de groupes communautaires cet après-midi. Il serait assurément utile de leur demander leur point de vue quant à l'ampleur des répercussions de cette modification. J'ai entendu quelques personnes formuler des commentaires positifs à propos de la modification, de ses conséquences et de ce qu'elle représente. Elle a eu une importance non seulement symbolique, mais également pratique. Je suis persuadée que certaines des personnes qui se trouvent dans la salle pourront, cet après-midi, vous fournir de plus amples renseignements en ce qui a trait aux conséquences pratiques de cette modification.
Le sénateur Munson: Il me semble que cette modification aurait une plus grande incidence si elle était d'envergure nationale et si chaque province emboîtait le pas.
Le président: Je pense que nous devrions nous pencher là-dessus. Je crois que l'Ontario s'apprêtait à prendre cette voie. Peut-être d'autres provinces l'ont-elles fait à des degrés variables, je ne saurais le dire. Nous devons nous pencher sur cette question.
MmeGogan: Je suis certaine que des fonctionnaires de notre ministère de la Justice pourraient répondre à cette question. Pour ma part, je ne peux y répondre, mais nous pourrions assurément obtenir la réponse pour vous.
Le sénateur Trenholme Counsell: Monsieur le ministre, j'aimerais spécialement vous remercier de nous avoir si généreusement accordé de votre temps ce matin, et je souhaite également remercier tous les spécialistes autour de la table; vos témoignages sont très rassurants.
Nous nous tournons de plus en plus vers Terre-Neuve-et-Labrador pour trouver des solutions, car c'est une province très dynamique et progressiste qui a obtenu de belles réussites. Je suis médecin et je me souviens que votre province a été un précurseur dans le domaine de la télémédecine, grâce à au moins l'un de vos médecins exceptionnels.
Je trouve plutôt stimulant de venir ici, tant pour constater vos progrès économiques considérables et votre enthousiasme que pour tirer parti de votre savoir-faire.
Nous sommes ici pour envisager ces questions dans une perspective urbaine, et, à vous écouter, je me demande si la pauvreté s'observe surtout dans la ville de St.John's, qui fait l'objet de notre étude, ou si elle se manifeste principalement en milieu rural et dans les petites collectivités?
Je m'interroge simplement sur la comparaison entre les villes et les milieux ruraux à Terre-Neuve-et-Labrador pour ce qui est du phénomène de la pauvreté. Par ailleurs, on sait que le sexe est l'un des principaux déterminants de la pauvreté. On connaît l'expression «À l'ouest, jeune homme», et peut-être que de moins en moins de vos jeunes hommes partent vers l'ouest. Je sais que de nombreux jeunes Néo-Brunswickois vont vers l'ouest, mais nous n'entendons pas «À l'ouest, jeune femme».
J'aimerais que vous nous donniez plus de détails sur la question de la pauvreté chez les femmes dans votre province. Si nous avons le temps, j'aimerais évidemment en entendre davantage sur votre programme d'éducation préscolaire et de garde d'enfants, car cesont certainement mes chevaux de bataille, en plus de l'alphabétisation.
Pourriez-vous nous donner quelques renseignements sur vos centres pour les jeunes? Offrent-ils des services après les heures de classe?
M.Skinner: En ce qui concerne la pauvreté en ville comparée à la pauvreté en milieu rural, j'ai fait mention de la mesure du panier de consommation de Terre-Neuve-et-Labrador. Nous ne l'avons pas encore rendue publique, mais nous y travaillons. Nous le ferons sous peu. Il est très important pour nous d'être capables de savoir, à l'échelon de la collectivité, voire à l'échelon d'un quartier, où frappe la pauvreté ou quelles sont les personnes qui ne peuvent se permettre d'acheter ce panier de biens et services, si c'est de cette façon que nous définissons la pauvreté. Grâce à notre collaboration avec Statistique Canada, nous sommes plus aptes à cibler certaines zones géographiques, qu'il s'agisse de collectivités, de municipalités ou de quartiers. Tout le monde croit que la ville de St.John's est très prospère. Regardez autour de vous: il y a des chantiers de construction partout, les choses vont bon train, mais, avec la mesure du panier de consommation, je peux vous prouver qu'il y a des groupes de personnes dans cette ville qui sont très, très démunies, car elles ne peuvent subvenir à leurs besoins.
Cette situation ne se retrouve pas seulement en ville, elle s'observe partout dans la province, en milieu tant urbain que rural, mais nous pouvons très précisément déterminer où se situent les poches de pauvreté grâce au travail que nous avons accompli avec Statistique Canada et à l'utilisation des données relatives à l'impôt sur le revenu plutôt que des données d'enquête. C'est une mesure beaucoup plus exacte, elle est concrète, et nous pouvons procéder à toutes sortes d'analyses à la lumière de cette information.
Ce problème ne s'observe pas seulement en ville; la pauvreté existe ailleurs dans la province. Nous avons vécu un important exode de travailleurs qui a en partie contribué à cette pauvreté. Nombre de jeunes hommes et femmes ont quitté la province, et beaucoup ne reviendront pas. Par conséquent, il reste surtout des gens âgés, qui ne peuvent plus compter sur l'assise économique que leur procuraient les jeunes auparavant. Il arrive que cet argent prenne le chemin de la province, mais ce n'est pas toujours le cas.
Le sénateur Trenholme Counsell: À mesure que vous avancez dans ce dossier, monsieur le ministre, qu'est-ce qui vous préoccupe le plus: la pauvreté dans cette ville — et, dans une moindre mesure, peut-être en raison de leur taille plus modeste, celle que l'on retrouve dans d'autres municipalités — ou la pauvreté en milieu rural? Pour vous, quelle est la question la plus urgente?
M.Skinner: Je vous dirais que, à cette étape-ci, nous ne faisons pas de distinction entre la pauvreté urbaine et la pauvreté rurale. Nous tentons de lutter contre la pauvreté à l'échelle de la province et d'élaborer nos initiatives dans cette optique.
MmeGogan: La pauvreté prend de plus en plus un visage urbain au Canada, et c'est le cas ici, à Terre-Neuve-et- Labrador, mais dans une moindre mesure que dans le reste du Canada. Nous sommes très préoccupés par la pauvreté tant urbaine que rurale et nous tentons de lutter contre ces deux formes de pauvreté. Je pense que l'autre problème réside dans le fait que, parfois, une situation peut sembler acceptable alors que, en réalité, elle ne l'est pas. Par exemple, si l'on se fie à une mesure telle que le SFR, tout semble aller pour le mieux dans nos collectivités rurales, car très peu de personnes se situent sous le seuil de la pauvreté. Toutefois, si on y regarde de plus près, on remarque qu'un tel résultat tient au fait que tous les jeunes ont déserté les régions, et que toutes les personnes qui restent touchent des prestations du RPC et de la SV, bref, tout ce qui leur permet de se maintenir au-dessus du seuil de la pauvreté. Si vous constatez que très peu de personnes se situent en deçà d'un seuil quelconque dans une collectivité, vous vous dites que c'est une excellente nouvelle. Mais si vous vous penchez vraiment sur ce qui se passe, vous verrez que la situation s'explique par le fait que la collectivité s'est vidée. Il ne reste que les aînés, tous les jeunes sont partis, alors ce n'est pas vraiment une bonne nouvelle. C'est ce qui s'est produit dans la péninsule Northern et dans d'autres régions. L'ampleur de cet exode nous préoccupe.
Pour ce qui est de nos initiatives, nous essayons toujours de tenir compte de la différence entre la pauvreté urbaine et la pauvreté rurale, car nous voulons lutter contre ces deux formes de pauvreté et non privilégier une plus que l'autre. Chacune de ces formes est associée à des problèmes spécifiques, et nous devons être certains que nos initiatives couvrent ces deux visages de la pauvreté. Parfois, une même solution s'applique aux deux; parfois non. Nos régions rurales affichent un taux très élevé de propriété du domicile, voire le plus élevé du pays. Le taux est très élevé dans toute la province, même dans les centres urbains, mais il est très, très élevé dans les collectivités rurales.
En ce qui concerne les logements par exemple, nous faisons face à toutes sortes de difficultés. Il y a beaucoup de vieilles maisons qui ont besoin de réparations, et nous devons aider les propriétaires à conserver et à entretenir leur maison. Ce problème se posait à St.John's et dans d'autres municipalités. Il y a également une pénurie de logements. Nous devons faire en sorte que nos initiatives ciblent tous les problèmes qui se présentent, et ce n'est pas une mince affaire.
La question du sexe constitue un autre aspect. Vous avez parlé du lien entre le sexe et le phénomène de l'exode. Jusqu'à maintenant, il y a certainement eu beaucoup plus d'hommes que de femmes qui ont quitté la province. Tant que ce sont des jeunes qui partent, cet exode n'a qu'une incidence relative, mais lorsqu'il s'agit d'hommes d'âge mûr, les conséquences sont plus graves. Dans certains cas, ces hommes laissent leur famille derrière, ce qui crée de nombreux problèmes sociaux.
Comme l'a fait remarquer le ministre Skinner, il arrive que l'argent gagné à l'extérieur de la province soit envoyé à la famille restée ici, mais ce n'est pas toujours le cas. Parfois, les femmes croient qu'elles recevront de l'argent, mais ce n'est pas ce qui se produit. Cela constitue certainement un problème.
La relation entre le sexe et la pauvreté est très complexe. Par exemple, il y a presque autant de femmes que d'hommes qui se situent en deçà du SFR. Toutefois, la pauvreté est beaucoup plus grave chez les femmes que chez les hommes, car il y a beaucoup plus de femmes aux prises avec ce qui est souvent qualifié de «grande pauvreté» dans la documentation, dans la mesure où lerevenu de ces femmes est de plus de 50p.100 inférieur à n'importe quel seuil servant à mesurer la pauvreté. On ne peut simplement se contenter d'examiner les données d'ensemble, car la vulnérabilité des femmes peut être occultée.
L'autre question que nous tentons toujours d'examiner est le lien qui existe entre la vulnérabilité des femmes à la violence et la pauvreté, et il s'agit d'une relation très complexe en raison de sa réciprocité. Les femmes se retrouvent prisonnières de relations violentes parce qu'elles sont pauvres, ou elles sont parfois obligées de choisir entre une situation de pauvreté et une situation de violence. Nous tentons de remédier à ce problème au moyen de notre stratégie de réduction de la pauvreté et de notre initiative deprévention de la violence, qui nous permettent de prévoir des options pour ces femmes afin qu'elles et leurs enfants n'aient pas à choisir entre la violence et la pauvreté.
Le sénateur Trenholme Counsell: Tous ces renseignements nous sont très utiles. Vos propos concernant la gravité de la pauvreté et l'état de vulnérabilité qui y est associé sont, selon moi, très importants; il ne faut pas les oublier.
MmeGogan: Nous tentons de faire en sorte que les femmes aient accès à des emplois dans des domaines non traditionnels, surtout compte tenu de ce qui se passe actuellement sur notre marché du travail. Les femmes ont beaucoup de difficultés à obtenir des emplois bien rémunérés dans le secteur du pétrole et du gaz. Nous avons mis en place un certain nombre d'initiatives. Dans notre évaluation environnementale, nous avons fourni une définition très large de l'environnement pour que les facteurs socioéconomiques soient pris en compte, et nos dispositions législatives en matière d'évaluation environnementale obligent les entreprises à mettre en place un programme d'emploi qui comprend des initiatives favorisant la formation et l'embauche de femmes. Ces ententes ressemblent à certaines des ententes qu'ont signées les Autochtones. Nous avons adopté toutes sortes d'initiatives, compte tenu de la complexité de cette question, et nous tentons particulièrement d'adopter une approche préventive. De même, le programme sur les métiers et la technologie qu'offrent les écoles secondaires, et dont le ministre a fait mention, a été conçu de façon à inciter tant les filles que les garçons à se diriger vers les métiers.
Lynn Vivian-Book, sous-ministre adjointe, Revenu, emploi et services à la jeunesse, ministère des Ressources humaines, du Travail et de l'Emploi, gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador: Je peux vous expliquer brièvement en quoi consiste le programme d'éducation préscolaire et de garde d'enfants, lequel a été conçu sur plusieurs années. Le programme vise à faciliter l'accès aux services de garde, de sorte qu'il offre des prestations aux familles. La subvention s'appuie sur un revenu de 27 500$. Certaines familles peuvent être admissibles à la pleine prestation.
Le recrutement et la rétention des éducateurs de la petite enfance est un autre aspect très important du programme, notamment en ce qui concerne les options de formation et le besoin accru d'éducateurs qualifiés. Nous avons mis plusieurs initiatives en place à cet égard, dont une formation supplémentaire aux éducateurs et un programme encourageant l'obtention de titres de compétence. Donc, si vous allez chercher une formation de niveau 1, vous pouvez obtenir une subvention d'environ 2000$ pour votre année d'études, et cette subvention augmente si vous suivez une formation de niveau 2 ou de niveau3. Grâce à cette mesure, nous avons constaté une augmentation du nombre de personnes qui se dirigent vers le domaine de l'éducation de la petite enfance.
Nous travaillons également à diversifier les options en matière de garde d'enfants. Dans la province, à l'heure actuelle, les modèles de services de garde en milieu rural et en milieu familial sont assez limités, de sorte qu'il y a eu des investissements supplémentaires dans des projets communautaires. Plusieurs centres de ressources pour les familles se sont employés à élargir leur rôle pour offrir des services de garde accrédités, et il y a eu d'autres projets de ce genre. La plupart des services de garde d'enfants offerts dans cette province sont privés. Par conséquent, il n'est guère surprenant que la plupart des garderies se trouvent dans les centres urbains. On essaie donc de trouver des modèles de services de garde dans les milieux ruraux.
Le programme vise également à faciliter l'accès des enfants handicapés aux services de garderie et à remédier au manque de soutien et de formation des fournisseurs de services de garderie pour que ceux-ci puissent accueillir ces enfants dans leurs établissements. Certaines mesures ont donc été mises en place à cet égard. Enfin, le programme comporte un volet axé sur le perfectionnement et l'amélioration de la qualité des services de garde.
Donc, au cours des dernières années, nous avons mis l'accent sur ces aspects, et chaque investissement nous a permis de consolider notre programme. Le programme d'éducation de la petite enfance et de garde d'enfants est très étroitement lié à l'initiative de réduction de la pauvreté et au plan de bien-être. Étant donné que, comme nous l'avons mentionné, la pauvreté est une question très complexe et très large, nous tentons de faire en sorte que les initiatives et les programmes se complètent à mesure que nous avançons.
Le Community Youth Network a perpétué le succès du modèle du centre de ressources pour les femmes dont les services s'adressent aux enfants, de la conception jusqu'à l'âge de 6 ans. S'appuyant sur ce modèle, la province a entrepris de créer un réseau ciblant les jeunes de 12 à 18 ans. Nous avons donc conçu un milieu qui soutient les jeunes grâce à un personnel approprié qui a la capacité d'évaluer les besoins et qui offre des programmes et des services flexibles. Ces services peuvent varier d'une région à l'autre de la province, mais le réseau comporte toujours un noyau, qu'il s'agisse d'un organisme communautaire comme un club de jeunes garçons ou de jeunes filles, d'un centre communautaire ou d'une école. Ce noyau est formé de personnel, de bénévoles et de mentors adultes. Les services dispensés sont axés sur la santé, l'éducation, l'emploi, les activités récréatives et un amalgame de ces domaines. Les groupes de toute la province se réunissent pour mettre en commun leurs idées en ce qui a trait aux types de programmes à offrir. Il ne s'agit pas seulement de programmes parascolaires, et les activités varient selon les besoins qu'ont les jeunes, notamment à l'été et la fin de semaine, et diffèrent beaucoup d'une région à l'autre. Ce réseau est une grande réussite.
Le sénateur Trenholme Counsell: Est-ce que la plupart de ces centres n'ouvrent qu'après la classe, car vous avez fait allusion aux devoirs?
MmeVivian-Book: Plusieurs d'entre eux offrent des programmes d'aide aux devoirs, mais ils disposent d'un personnel à temps plein. Monsieur le ministre, vous avez visité nombre de ces centres. Ils ne sont pas seulement ouverts après la classe, n'est-ce pas?
M.Skinner: Non, beaucoup d'entre eux sont ouverts toute la journée. Ils peuvent organiser diverses activités, mais ils mettent l'accent sur les programmes offerts après l'école. Ils sont ouverts le vendredi soir, la fin de semaine, ce genre de choses, de sorte qu'ils ne sont pas seulement ouverts après les heures de classe. Il est question de beaucoup plus que cela.
Le sénateur Trenholme Counsell: Savez-vous si d'autres provinces ont mis en place des réseaux semblables pour la jeunesse? Je crois qu'il s'agit d'une initiative très importante. Le concept m'est nouveau.
Cynthia King, gestionnaire du logement abordable, Newfoundland and Labrador Housing Corporation: Je ne suis pas certaine si on retrouve des centres semblables dans d'autres provinces. Je voudrais seulement ajouter quelques détails à cet égard. Le Community Youth Network représente l'une des façons de soutenir les quartiers à faible revenu.
Depuis environ 20 ans, Newfoundland and Labrador Housing oriente ses activités sur le développement social dans les quartiers. Le ministre Skinner a mentionné plus tôt qu'il y a des poches de pauvreté dans les grands centres, et la plupart de ces poches correspondent à des quartiers où se trouvent des logements sociaux habités par des personnes à faible revenu.
Il y a environ 25 ans, nous avons constaté qu'il n'était tout simplement pas suffisant de se limiter à fournir un logement à une personne; il faut également tenir compte de l'ensemble de ses besoins. Chaque année, nous donnons 100000$ à huit centres communautaires de notre province. Ceux qui se trouvent dans nos quartiers sont membres du Community Youth Network. Nos centres communautaires offrent des services qui soutiennent les personnes à toutes les étapes de leur vie, depuis la petite enfance, et probablement dès la conception. Évidemment, la jeunesse fait partie des étapes de la vie. Nos centres offrent des programmes et des services après l'école, en soirée et la fin de semaine. Les preuves de la réussite de nos centres communautaires sont presque toutes anecdotiques. Même après 20 ans, nous n'avons aucune donnée concernant le nombre de personnes qui ont bénéficié de ces services ou le taux de réussite. Toutefois, nous avons des preuves empiriques tirées de l'expérience des jeunes. Certains nous ont déclaré: «Sans le soutien du directeur du centre communautaire et le fait que je pouvais m'y rendre pour faire mes devoirs, je n'aurais pas terminé mon secondaire», ou «Je serais devenu un vendeur de drogues», ou bien «J'aurais fini par abandonner l'école.» Un certain nombre d'étudiants universitaires trouvent que ces centres constituent le meilleur endroit pour étudier, et ils jouent le rôle de mentors pour les jeunes de leurs quartiers. Le taux de réussite est très élevé pour ce qui est du programme social. Malheureusement, nous n'avons pas été en mesure d'obtenir des chiffres, mais ce n'est pas le genre de choses qu'on peut quantifier. Je voulais seulement donner un aperçu des mesures que nous avons prises dans la province pour aider les jeunes à rester à l'école et des approches semblables.
Le sénateur Trenholme Counsell: Je ne voulais pas donner l'impression que j'ignorais qu'il existait des centres pour les jeunes; c'est plutôt le concept du réseau qui m'était étranger. Il me semble que vous avez vraiment réalisé des progrès et que le réseau est la clé.
Le président: La façon dont se manifeste l'itinérance à Terre-Neuve-et-Labrador semble quelque peu différente comparativement à d'autres endroits au Canada. Dans ma ville natale de Toronto, le problème est très apparent, mais je crois savoir que, ici, l'itinérance est plus sournoise, en ce sens que les personnes itinérantes ont plutôt tendance à dormir chez les uns et chez les autres sur un divan. Pouvez-vous nous décrire comment ce phénomène s'observe ici et les mesures que vous avez mises en place pour y remédier?
MmeKing: Vous avez raison. Dans notre province, la pauvreté n'est pas aussi flagrante que dans les grandes villes canadiennes où on voit des personnes dormir dans des sacs de couchage sur le trottoir. Dans notre province, on retrouve plutôt des personnes qui ne parviennent pas à trouver un logement abordable adéquat et qui habitent dans un logement surpeuplé. Elles cohabitent avec des membres de leur famille; des familles multiples partagent le même toit. En outre, nombre de jeunes vivent «d'un divan à l'autre»: ils n'ont pas d'adresse fixe et sedéplacent constamment d'un endroit à un autre. Dans les collectivités du Nord, il y a énormément de familles nombreuses qui cohabitent dans un logement surpeuplé. Les signes de la pauvreté ne sont pas aussi évidents, mais beaucoup de gens ont encore besoin d'un logement abordable adéquat. Bon nombre vivent dans des conditions malsaines et dorment dans des refuges ou d'autres endroits du genre. Certaines personnes habitent dans des studios qui sont vraiment insalubres et peu sûrs et dont la porte ne se verrouille pas; ces personnes craignent donc pour leur vie et ont peur qu'un feu ou un autre incident semblable se produise. Les femmes, en particulier, habitent dans des studios où les conditions de vie sont très peu sécuritaires, et, on se dit que, à tout le moins, ces endroits sont abordables, mais ils ne sont pas convenables et ne permettent pas aux femmes de vivre en sécurité.
Le président: Que comptez-vous faire pour corriger la situation?
MmeKing: Grâce au programme de logement abordable et à l'aide du gouvernement fédéral, nous sommes en train de construire 500 nouvelles unités de logement abordables. Il s'agit surtout de logements comprenant une ou deux chambres à coucher. Évidemment, puisque le gouvernement fédéral ne s'est pas engagé à poursuivre les investissements en ce sens, ce genre de programmes sera abandonné.
Le président: Comment faites-vous pour connaître la situation de ces personnes si tout se passe à votre insu?
MmeKing: Grâce au réseau de refuges. Il y a une façon pour les travailleurs de refuge de recenser les cas: le SISA, soit le Système d'information sur les personnes et les familles sans abri. Il s'agit d'un système fédéral créé dans le cadre de la Stratégie des partenariats de lutte contre l'itinérance. Je sais que les refuges de notre province conservent ces statistiques et données. Lorsque vous allez rencontrer les travailleurs de ces refuges, peut-être pourront-ils vous donner d'autres détails sur ce système d'information.
MmeGogan: L'une de nos autres initiatives — et elle se rapporte à la mesure du panier de consommation à Terre- Neuve-et-Labrador — consiste à trouver des façons d'aider les personnes à risque d'itinérance. Nous essayons de trouver un nom plus approprié à la mesure que nous avons élaborée, mais nous pouvons, entre autres, évaluer le pourcentage du revenu qu'une personne consacre au logement pour mesurer son risque d'itinérance, et, comme l'a mentionné Cynthia, nous recourons à d'autres mesures pour obtenir un juste portrait de sa situation. Je sais que l'un des organismes dont les représentants viendront témoigner cet après-midi travaille de près avec les jeunes, comme le font les centres communautaires; cet organisme connaît les jeunes qui vivent d'un divan à l'autre, faute d'adresse fixe. Nous pouvons envisager le problème selon ces deux perspectives.
Le sénateur Cordy: Je vous félicite pour votre programme de garde des enfants, car il s'agit bel et bien d'un programme, compte tenu de toutes les différentes possibilités dont vous avez discuté. Vous avez parlé des titres de compétence des travailleurs, ce qui est extrêmement important, et du maintien en poste de ces travailleurs. Les travailleurs en garderie délaissent souvent ce domaine en raison des faibles salaires qui y sont offerts. Vous avez parlé des options qui existent pour la garde des enfants en milieu rural. Je vous félicite pour votre programme, qui se compare avantageusement au programme fédéral. Les familles qui bénéficient du programme fédéral de garde des enfants reçoivent par la poste une prestation mensuelle. Ce programme prévoyait également l'augmentation des places en garderie, mais, en fait, aucune n'a été créée depuis sa mise en œuvre. J'applaudis à l'exhaustivité et à l'universalité de votre programme.
J'ai également été frappée de constater que vous procédez actuellement à une simplification du processus de demande, étant donné que nous avons entendu maintes et maintes fois qu'il faut un doctorat ou un diplôme en comptabilité pour remplir les formulaires des programmes fédéraux. J'ai également été étonnée d'apprendre que vous avez augmenté l'exemption de gains pour les personnes qui vivent de l'aide sociale ou qui touchent un soutien du revenu. Je siège également à un comité qui se penche sur des questions relatives aux aînés, et nous avons entendu à maintes reprises que les aînés devraient avoir le droit de gagner un certain montant d'argent avant de voir leurs prestations de la SVet du SRG réduites. Je me demandais comment vous aviez procédé pour permettre à ces personnes de gagner davantage d'argent, car, évidemment, si elles veulent se sortir de ce cercle vicieux, elles devraient pouvoir, selon moi, toucher un peu plus d'argent pour s'affranchir de la pauvreté. Quels sont les moyens que vous avez proposés? Dans quelle mesure votre ministre des Finances les a-t-il acceptés? Quel montant les gens peuvent-ils gagner avant d'être pénalisés? Que doivent-ils faire pour déterminer le montant qu'ils peuvent conserver? Peut-être que vous pourriez me l'expliquer, car je crois qu'il s'agit d'une très bonne idée.
M.Skinner: À l'origine, les gens pouvaient conserver un montant de leurs gains équivalant à un taux fixe qui, je crois, était de 10p.100. Pour l'année budgétaire en cours, le taux est de 20p.100. Je présume que, si nous avons procédé ainsi, ou si le gouvernement a accepté une telle augmentation, c'est simplement parce que les personnes qui touchaient un soutien du revenu et qui commençaient à travailler et à gagner un certain montant d'argent finissaient par vouloir travailler davantage et être plus actives sur le marché du travail. Les gens qui reçoivent un soutien du revenu ne se complaisent pas dans leur situation, contrairement à ce que certaines personnes peuvent penser. Ils ne souhaitent pas vivre de cette façon; ils sont victimes des circonstances. Ils n'ont pas volontairement choisi d'en arriver là. En ayant l'occasion d'avoir un revenu stable grâce à un programme de soutien du revenu, de faire la transition vers le marché du travail pour gagner un peu d'argent, de se reprendre en main et de participer à toutes sortes d'activités grâce à leur revenu d'emploi, les gens parviennent à s'affranchir du soutien du revenu. Dans notre province, le nombre de personnes qui dépendent du soutien du revenu diminue sans cesse. Évidemment, cette mesure n'explique pas à elle seule ce déclin, mais, selon nous, elle en est l'un des facteurs.
Pour ce qui est de la façon dont nous avons réussi à vendre cette idée au ministre des Finances, il suffisait simplement de lui expliquer que l'investissement que nous faisons en permettant à ces personnes de continuer à recevoir un soutien du revenu tout en conservant d'autres sources de revenu rapporterait à long terme. Au bout du compte, ces personnes renoncent au soutien du revenu ou, dans certains cas, dépendent moins de ce programme en raison de l'argent qu'elles gagnent.
Le sénateur Cordy: Je crois que c'est une excellente idée. Grâce à cela, les gens reprennent confiance en eux-mêmes.
Le sénateur Munson: Dans une vie antérieure, j'ai fait un reportage sur Davis Inlet, au Labrador; on y comparait les conditions de vie à celles qui prévalent dans les pays du tiers monde. Je vous demande ceci par simple curiosité, car, en 2006, vous avez précisé que votre province ne recueillait pas de renseignements sur la pauvreté chez les Autochtones. Avez-vous été en mesure de faire des progrès à cet égard au moyen d'une approche collaborative? Le gouvernement fédéral vous a-t-il offert son aide? Je vous le demande par simple curiosité, car je ne suis pas allé là-bas depuis un certain temps. Les choses ont-elles beaucoup changé?
M.Skinner: Je peux parler en particulier de la question du logement parce que j'ai consacré beaucoup de temps aux accords ou ententes en matière de logement. Il y a beaucoup d'activités de consultation, et les choses progressent dans les collectivités autochtones. Le gouvernement fédéral participe à certaines des ententes qui ont été signées, mais là encore, elles arrivent à échéance. Certains progrès sont déjà palpables, mais nous avons encore beaucoup de travail à faire. Notre stratégie de réduction dela pauvreté ainsi que la mesure du panier de consommation de Terre-Neuve-et- Labrador vont nous permettre de cerner les difficultés auxquelles nous ferons face dans les collectivités autochtones, car ces mesures nous donnent l'occasion d'évaluer la situation à l'échelon local, mais nous avons encore du travail à faire à cet égard. Nous réalisons des progrès, mais notre stratégie de réduction de la pauvreté s'échelonne sur dix ans, de sorte qu'il reste certains éléments à mettre en place dans ce dossier.
MmeGogan: Toujours sur la question des Autochtones dans notre province, nous avons également fait progresser la situation des femmes autochtones. La province soutient un certain nombre de tribunes, et il se tient maintenant un congrès annuel des femmes autochtones, et, grâce à ces activités, nous pouvons entendre les questions qui préoccupent les Autochtones et leurs collectivités et envisager des moyens de collaborer avec eux pour régler les problèmes qui se posent dans leurs collectivités. Nos activités de consultation visent à assurer la participation des Autochtones aux discussions portant sur les façons de collaborer avec eux. Comme vous pouvez le comprendre, il est très difficile de définir les relations, le rôle du gouvernement fédéral, notre rôle ainsi que le rôle des institutions autochtones dans le contexte des accords sur les revendications territoriales et des autres changements qui surviennent dans la province. À certains égards, il est difficile pour l'instant de nous engager dans des démarches officielles. Certes, lorsque nous élaborons nos initiatives, nous faisons toujours en sorte qu'elles soient accessibles et adaptées aux besoins des Autochtones.
Le président: Merci. La séance de ce matin a été très productive et très utile. Monsieur le ministre, et tous ceux qui vous accompagnent, nous vous sommes reconnaissants du temps que vous nous avez accordé. C'est un bon début, mais il y a d'autres témoins à entendre. Nous poursuivrons avec des représentants de la Ville, nous accueillerons cet après- midi des représentants d'organismes communautaires et, demain, après la visite qui est prévue, nous nous envolerons pour Halifax, où nous poursuivrons nos audiences.
M.Skinner: Au nom des autres personnes qui m'accompagnent, j'aimerais vous remercier tous de votre intérêt et de vos questions. Nous sommes ravis d'avoir eu l'occasion de nous exprimer.
Le président: Je vous souhaite bonne chance et bonne continuation dans votre excellent travail.
Nous sommes heureux d'accueillir nos prochains témoins, car nous tentons d'obtenir davantage de renseignements et de commentaires, particulièrement sur le rapport intitulé Pauvreté, logement et sans-abrisme: Enjeux et options, que nous avons rédigé après avoir entendu à Ottawa le témoignage de divers groupes de partout au pays. Maintenant, c'est à notre tour de parcourir le pays pour entendre d'autres avis et constater de nos propres yeux certaines des situations qui nous préoccupent en matière de logement, d'itinérance et de pauvreté.
Laissez-moi vous présenter la conseillère Shannie Duff, qui possède une vaste expérience, compte tenu de sa carrière sur la scène municipale. Je me souviens du temps où je faisais partie d'une administration municipale. Elle occupe un poste de conseillère, elle a déjà été maire et députée provinciale, et elle se consacre à la défense du patrimoine architectural. Elle est également l'une des instigatrices de la préservation des quartiers du centre-ville. Elle a toujours souligné l'importance de la préservation du patrimoine architectural, de la création de logements abordables et d'un aménagement urbain intelligent. M.David Blackmore, directeur des Immeubles et des biens et gestionnaire du Centre des opérations d'urgence à la Ville de St.John's, accompagne MmeDuff.
Shannie Duff, conseillère, Ville de St.John's: Il est agréable de vous rencontrer dans l'exercice de vos nouvelles fonctions. Je vous ai connu d'abord comme maire de Toronto, mais j'ai suivi votre carrière au sein de divers ministères et je suis très heureuse que vous soyez tous venus à St.John's dans le cadre de vos activités de consultation.
La Ville de St.John's salue l'initiative des membres du sous-comité sur les villes qui vise à examiner les questions sociales se rapportant aux grandes villes canadiennes pour en faire rapport, et, en particulier, elle les félicite d'avoir accordé la priorité aux questions de la pauvreté, du logement et de l'itinérance, qui sont la pierre angulaire du renforcement des capacités sociales.
Le logement adéquat et abordable est considéré comme un facteur de stabilisation qui facilite les choses lorsqu'il est question de s'attaquer aux questions de la pauvreté, de la santé et du bien-être social. C'est un droit fondamental. Si nous acceptons qu'il s'agit d'une exigence fondamentale, alors nous devons accepter le principe selon lequel le gouvernement a la responsabilité de fournir un logement sûr et adéquat aux personnes dans le besoin.
Terre-Neuve-et-Labrador est sur le point de connaître une croissance économique considérable. Je suis persuadée que vous êtes au courant du fait que notre premier ministre a laissé entendre — non sans un peu de fierté — que nous allons peut-être verser cette année des paiements de péréquation à l'Ontario. J'espère que cette nouvelle prospérité nous permettra pour la première fois depuis des années de faire des investissements massifs dans les soins de santé, l'éducation, les infrastructures publiques et d'autres services publics. Cette croissance économique bénéficiera à divers secteurs de notre société, mais bon nombre de personnes craignent une diminution de leur pouvoir d'achat et l'incapacité des municipalités et des fournisseurs de services sans but lucratif de répondre aux besoins des membres les plus vulnérables de la collectivité en raison de la hausse du coût du logement et des biens de première nécessité. À St.John's, le coût du logement a déjà commencé à augmenter. Il est essentiel que les différents ordres de gouvernement offrent un soutien continu pour que la hausse du coût du logement n'aggrave pas la situation des personnes dont la situation économique est précaire.
Les municipalités, et particulièrement les petites municipalités, doivent fournir des services de base à leurs citoyens. La VilledeSt.John's, bien qu'elle ne soit pas une grande ville comparativement à de nombreuses villes du pays, offre nombre des commodités et des agréments que l'on retrouve dans les grands centres. La ville est limitée, tant par sa population que par son accès restreint aux sources de revenus autres que l'impôt foncier régressif, dans sa capacité de dispenser des services à la hauteur des exigences d'une société moderne.
La Ville de St.John's est privilégiée, dans la mesure où les services tels que les services de police, les soins de santé et les services sociaux sont dispensés à l'échelon provincial par Terre-Neuve-et-Labrador, quoique certains craignent que la tendance actuelle du gouvernement à se décharger de certaines responsabilités finissent par obliger les municipalités à assurer la prestation de ces services.
La Ville de St.John's, bien qu'elle dispose de peu de ressources pour s'occuper directement du problème de la pauvreté, joue un rôle actif à ce chapitre, car elle tente de s'attaquer aux conséquences de la pauvreté par la prestation de services.
Comme d'autres municipalités, la Ville de St.John's s'est attachée à rendre certains services, tels que les activités récréatives et les services de base, accessibles aux personnes à revenu fixe ou limité grâce à des programmes subventionnés et à la gestion fiscale. La ville octroie également des bourses et des subventions à un grand nombre d'organismes sans but lucratif qui offrent des services de soutien direct aux personnes dans le besoin.
De plus, la ville contribue directement à des projets d'habitation mis en œuvre par des organismes sans but lucratif en dispensant ceux-ci de droits d'aménagement et de frais de permis, et, dans certains cas, elle participe directement aux contrats d'exploitation. En outre, la ville soutient également les organismes de logement sans but lucratif en leur donnant des terrains excédentaires pour qu'ils fournissent des services de logement ou de soutien.
Nous accordons des subventions à des groupes communautaires et à des associations de locataires. Nous dirigeons un certain nombre de centres communautaires dans des quartiers résidentiels à faible revenu, et nous collaborons avec la Newfoundland and Labrador Housing Corporation, organisme de logement provincial, en vue d'offrir des subventions aux associations de locataires pour qu'elles puissent fournir directement les services nécessaires.
La Ville de St.John's a été l'une des premières municipalités à s'associer avec le gouvernement du Canada pour la mise en œuvre du Programme d'amélioration des quartiers et du Programme d'aide à la remise en état des logements. Nous avons également profité du financement versé dans le cadre de programmes de logement social pour construire plus de 400 logements abordables. Nous sommes toujours propriétaires de plus de 400logements subventionnés dont nous assurons également l'exploitation.
Le plan d'aménagement de la ville favorise une concentration de la population dans le centre urbain et l'insertion d'immeubles d'habitation dans des quartiers établis, et la remise en état et la préservation des vieux quartiers de la ville pour maintenir les immeubles existants. Le Service des immeubles et des biens veille activement à l'application de normes et de règles foncières minimales pour protéger les résidants et les quartiers des propriétaires négligents.
Notre dernière initiative, qui s'est tout juste concrétisée l'an dernier, a été de commander un rapport exhaustif sur le logement abordable dans notre ville, à savoir une étude sur les besoins et la demande à prévoir au cours des 10 à 15 prochaines années. Afin d'aider la Ville dans la mise en œuvre des éléments du rapport et d'améliorer la coordination et la communication entre les intervenants du secteur de l'habitation, la ville a créé un comité d'action sur le logement abordable. Il est formé de membres issus des trois ordres de gouvernement, du secteur privé ainsi que d'organismes sans but lucratif, et je crois que cela est tout à fait compatible avec le plan d'action de la Fédération canadienne des municipalités.
Si on s'arrête simplement à vos options, que vous nous avez demandé de commenter, vous désignez le logement comme un facteur de stabilisation qui facilite les démarches quand vient le temps de résoudre les problèmes liés à la pauvreté, à la santé et au bien-être social, et nous sommes totalement d'accord avec vous sur ce concept. Nous convenons également qu'il s'agit d'une exigence fondamentale, de sorte que le gouvernement est responsable d'aider à offrir des logements sûrs et adéquats aux personnes dans le besoin.
Tout au long du rapport, vous faites ressortir le besoin de faire participer tous les acteurs, qu'il s'agisse des utilisateurs de services de logement et de soutien du revenu, des fournisseurs de services, des organismes de logement, des ONG, du secteur privé, des municipalités et de structures gouvernementales multi-ministérielles. Il se dégage un message très clair du rapport.
Nous devons féliciter la province de Terre-Neuve-et-Labrador pour son approche proactive, à savoir la création d'une stratégie de réduction de la pauvreté qui reflète le besoin de réunir tant le savoir collectif des organismes indépendants qui offrent des services de logement et de soutien aux personnes dans le besoin que les ministères du gouvernement qui, jusqu'à maintenant, ont fonctionné indépendamment de ses partenaires.
La Ville de St.John's a montré qu'elle était un partenaire bien disposé pour ce qui est de la prestation de services à ses citoyens, et elle reconnaît la valeur des organisations non gouvernementales et du secteur privé dans la prestation de services de logement et de soutien. Toutefois, les municipalités, aidées de leurs partenaires sur le terrain, ne peuvent y parvenir seules. Le gouvernement fédéral doit continuer à soutenir le logement abordable en renouvelant ses programmes de logement, et il a le devoir d'entretenir le parc de logements qu'il a créé avec ses partenaires au fil des années.
En ce qui concerne l'option 69, de nombreux gestionnaires de parcs de logements sans but lucratif et coopératifs arrivent au terme de leur entente de financement, et nombre d'entre eux peinent à entretenir les immeubles. Sans l'apport de fonds pour l'entretien, nombre de ces logements abordables vont continuer d'être un fardeau pour les fournisseurs et risquent de se dégrader et d'entraîner des pertes d'argent.
La remise en état des parcs de logements existants et le renouvellement des ententes sont nécessaires si le gouvernement veut éviter la perte de logements abordables qui sont très utiles. Nombre des ententes actuelles peuvent être modifiées de façon à augmenter l'offre de nouveaux logements.
Pour ce qui est de l'option 58, des programmes tels que le Programme d'aide à la remise en état des logements et leProgramme de suppléments de loyer ont permis à des Canadiens de demeurer dans leur maison ou d'habiter dans des logements privés décents. Il ne faudrait pas abandonner de tels programmes au moment où nous tentons de trouver des solutions à de nouveaux problèmes, car ils ont fait leurs preuves auprès de larges segments de la population.
La question de l'itinérance et sa corrélation avec les problèmes de santé et de société ont entraîné de nouvelles exigences pour les organismes de service. Les fournisseurs de logements et de soins de santé et les municipalités qui agissent sur le terrain, soit ceux qui côtoient de près ces problèmes, ont eu le temps de se concentrer sur les besoins, malgré le peu de ressources dont ils disposaient, et bon nombre d'entre eux forcent l'admiration pour avoir réussi à offrir tant avec si peu.
Le comité a demandé que nous commentions plus particulièrement les options 92 et 94. L'option 92 traite des ententes multipartites entre le gouvernement fédéral, lesgouvernements provinciaux ou territoriaux et les administrations municipales. Des ententes de cette nature existent entre les différents ordres de gouvernement depuis nombre d'années; dans certains cas, elles ont donné de bons résultats, tandis que, dans d'autres, on examine leur viabilité. L'Entente sur le développement urbain, l'EDU, est un outil éprouvé pour ce qui est d'aborder des questions précises, de réunir les parties pour mener des projets prioritaires et de définir les rôles et les responsabilités. Toutefois, une telle entente doit être durable si nous voulons éviter les problèmes et poursuivre sur notre lancée. Les Ententes de développement urbain, qui se renouvellent aux cinq ans, nous permettent de réorienter nos efforts et de nous réorganiser après cinq ans, de sorte que nous pouvons nous adapter à l'évolution des préoccupations. Toutefois, elles ne comprennent pas les engagements financiers à long terme essentiels aux projets d'habitation durables.
L'option 94 constitue un autre excellent modèle de coopération intergouvernementale, pourvu que les ONG et les organismes de soutien soient bien représentés à l'échelon local. Toutefois, si l'on choisissait un tel modèle, il faudrait faire attention que les nombreuses exigences et responsabilités qui incombent aux municipalités et qui peuvent rejaillir sur la FCM ne relèguent les questions de la pauvreté, du logement et de l'itinérance au second plan. Si ce modèle est envisagé, toutes les parties devraient convenir d'affecter les ressources aux questions prioritaires et agir indépendamment d'un comité représentant les affaires intergouvernementales.
On ne nous a pas demandé de commenter l'option 102, qui porte sur une stratégie nationale de réduction de la pauvreté. Il faudrait sérieusement prendre en considération cette option, car elle englobe un vaste éventail de questions concernant les membres de la population les plus à risque. Une approche collaborative est nécessaire pour aborder les multiples facettes des questions soulevées dans ce rapport. Si les municipalités envisagent de jouer un rôle accru dans la prestation des services sociaux aux citoyens, elles auront besoin du savoir-faire des personnes qui travaillent sur le terrain. De plus, elles auront besoin de l'entier appui des gouvernements provinciaux et fédéral, dont une source de financement destinée à la mise en œuvre de nouveaux programmes, à l'amélioration ou à la réorganisation des programmes existants et à l'entretien des infrastructures vieillissantes.
Le rapport fait ressortir le fait qu'aucun groupe ne peut travailler indépendamment des autres et qu'une approche collaborative s'impose pour régler ces questions. En outre, le rapport révèle clairement que les problèmes associés à la pauvreté, au logement et à l'itinérance sont d'ordre mondial, et, de ce fait, nous devons réellement privilégier les programmes sociaux. Sans l'appui du gouvernement, une municipalité ne peut remédier à ces problèmes qui nuisent à la qualité de la vie de ses citoyens.
Pour en venir à bout, les municipalités doivent participer aux programmes et collaborer avec le gouvernement et les fournisseurs de services. La Ville de St.John's a montré sa volonté d'être partenaire actif dans la prestation de services de logement. Toutefois, comme le comité l'a entendu, les municipalités, à l'instar des ONG, n'ont pas la capacité de faire cavalier seul.
Le président: Votre exposé était excellent, et je vous remercie de vos commentaires très précis concernant certaines de nos options. Ils nous seront très utiles. Je suis habitué d'entendre vos propos concernant le besoin de ressources et de collaboration. C'est un vieux refrain, mais il est très à propos dans ces domaines, comme dans bien d'autres d'ailleurs.
En ce qui concerne la collaboration, vous avez louangé la stratégie de réduction de la pauvreté de la province. Dans quelle mesure participez-vous à cette stratégie? Il y a un comité du Cabinet, et il y a d'autres comités aux échelons inférieurs. M.Skinner était ici plus tôt en sa qualité de président. Dans quelle mesure collaborez-vous au travail qui s'accomplit dans ce domaine?
MmeDuff: Nous avons été invités à présenter un document à l'occasion d'une table ronde lorsque le gouvernement en était à l'élaboration de la stratégie. Lorsque nous avons réalisé notre étude sur le logement et formé notre comité, le gouvernement était prêt à choisir des représentants du ministère de la Santé et des Services sociaux et de la Newfoundland and Labrador Housing Corporation qui siégeraient à ce comité. Le comité représente l'un des moyens grâce auquel nous avons l'intention de collaborer, mais, pendant des années, rien ne s'est produit, comme vous n'êtes sûrement pas sans le savoir, et ni la province ni la municipalité ne peut se permettre qu'il y ait un chevauchement ou que des choses passent entre les mailles du filet. Je dirais que c'est seulement depuis les 10 dernières années qu'on assiste à une bonne collaboration, qu'il y a des échanges et que le processus s'améliore. Le ministre Skinner est un ancien conseiller municipal, et il connaît ce genre de problème.
Le président: Il a reçu une bonne formation.
MmeDuff: C'est toujours un atout lorsque vous occupez divers postes dans votre carrière. Vous pouvez alors vous faire une bonne idée de certaines situations. À l'heure actuelle, nous collaborons très bien. À l'échelon de la municipalité, nous pouvons faire beaucoup de choses. Nous ne disposons pas des ressources pour fournir un soutien du revenu considérable aux personnes à faible revenu, mais nous avons un pouvoir de réglementation et, grâce à notre plan d'urbanisme et au zonage, nous pouvons faciliter la construction de nouveaux logements sociaux. Il y a de réelles préoccupations concernant le maintien de certains programmes ou l'absence de discussions à cet égard, et nous nous soucions de l'aspect de la durabilité. Rien ne sert de construire des immeubles si nous n'avons pas les ressources pour les entretenir. C'est ce que nous avons constaté avec l'un de nos immeubles. Nous avons perdu deux ascenseurs en une seule année et, par conséquent, nous n'avons pu réparer le toit d'un autre immeuble. Il n'y a aucun financement pour assurer l'entretien et la durabilité des immeubles. J'imagine que, d'une certaine façon, nous essayons de convaincre le gouvernement fédéral de ne pas se retirer. Il y a quelques années, il était un très bon partenaire, puis il a fait marche arrière. Cette question est importante, tant pour les personnes très vulnérables qui vivent en marge de la société et qui ont besoin de soutien que pour l'économie du pays et de notre ville, de même que pour l'image du Canada. Le Canada doit faire en sorte que chaque personne dispose d'un logement décent, car, autrement, les conséquences sur le réseau de la santé, sur le système juridique et sur toute autre institution peuvent être considérables. Donc, si nous le pouvions, nous aimerions continuer d'accorder la priorité au logement abordable.
Le président: Vous avez soulevé le fait que le gouvernement fédéral ne s'est pas encore prononcé concernant l'avenir des programmes de logement, et ces programmes arriveront à terme à la fin de l'exercice, de sorte que, en ce moment, les gens sont en proie à une grande incertitude. Comment les organismes delogement et les ONG, qui encouragent la construction de logements sociaux, font-ils pour avancer si tout est au point mort?
MmeDuff: Ils sont très préoccupés, et la Ville de St.John's est très chanceuse que des ONG reconnues à l'échelle nationale accomplissent un travail formidable, dans la mesure où elles aiguillent des personnes vers des groupes en particulier, qu'il s'agisse de femmes itinérantes ou de personnes sortant d'un établissement pénitentiaire ou d'un établissement de santé mentale. Ces organismes travaillent très dur et sont très dévoués. Toutefois, on craint qu'ils soient ralentis dans leurs activités. Nous sommes actuellement en train d'élaborer un certain nombre de projets et d'initiatives. Cette masse de savoir-faire, de dévouement et de collaboration qui s'est constituée au cours des dernières années est mise en péril. Cela provoque une grande incertitude et revient selon moi à sous-estimer le travail que les ONG ont réalisé. La ville a également cette impression. M.Blackmore pourrait également vous entretenir de cela. Nous ne pouvons nous permettre de nous enliser, car, en matière d'itinérance, de logement et de pauvreté, la situation est loin de s'être améliorée; il se pourrait même qu'elle se soit aggravée. Je crois qu'il est urgent que le gouvernement agisse, nous fasse part de ses intentions et, espérons-le, réalise ce que nous demandons.
David Blackmore, directeur, gestion des immeubles et des biens, Ville de St.John's: La plupart de nos responsabilités se rapportent à des aspects très concrets, comme le fait d'assurer la durabilité des infrastructures et le maintien des propriétés pour que nous puissions continuer à offrir les services. Nous collaborons avec nombre d'ONG, et elles comptent en fait des clients parmi nos locataires. Les ONG transmettent des connaissances pratiques et offrent de la formation professionnelle et des subventions que nous ne pouvons accorder. Nous manquons de ressources, et nous ne pouvons fonctionner sans elles. L'entretien futur de notre parc de logement constituera un fardeau tant pour nous que pour les autres fournisseurs de services de soutien. Si les ententes en matière de logement ne sont pas renouvelées, nous nous demandons comment nous pourrons nous en tirer.
Le président: Permettez-moi de vous poser quelques questions sur la situation du logement dans votre ville. Je suis d'accord avec vous en ce qui concerne les ressources, et vous n'avez aucune influence sur ce genre de choses, mais, à l'échelon municipal, vous avez l'avantage de disposer de beaucoup de connaissances pratiques. Vous connaissez et vous comprenez les besoins de la collectivité, et vous savez où il y aurait place à l'amélioration.
Je crois savoir que les logements sociaux offrent un toit à des familles, mais qu'on manque de logements destinés à des personnes seules, particulièrement les femmes de 55 à 64 ans. Y a-t-il des initiatives visant à corriger le tir qui vous permettent de répondre aux besoins en logement des grandes familles et des personnes seules?
MmeDuff: Je crois que c'est à ce chapitre qu'il y a eu le changement le plus important et que le travail des ONG est le plus formidable, car les ONG ciblent les groupes qui ont des besoins spéciaux. Certaines d'entre elles offrent des places en refuge, tandis que d'autres offrent des places en transition ou à plus long terme. En plus d'un toit, ces ONG offrent des services de soutien, qu'il s'agisse de formation ou de counselling, bref, tous les services qui sont nécessaires. Nous ne pouvons dispenser de tels services, car nous ne sommes pas un organisme social et nous n'avons pas la responsabilité de dispenser des services de santé ou des services sociaux. Nous pouvons leur fournir de l'aide à l'égard des immeubles et de l'entretien et nous pouvons collaborer avec elles, mais nous avons besoin des ONG parce qu'elles offrent des services spécialisés, et, puisqu'elles travaillent sur le terrain, elles sont souvent les premières à voir venir les choses. Elles ont été les premières à constater que nous avions besoin d'un refuge capable d'accueillir les personnes atteintes du sida. Elles tentent actuellement de préparer le terrain, car le gouvernement parle encore de désinstitutionnaliser certaines des personnes atteintes de maladies mentales. J'espère que, cette fois-ci, cette démarche se fera de façon sensée et qu'on pensera d'offrir des services de soutien communautaires, car, la dernière fois, les résultats ont été désastreux, bon nombre de ces personnes s'étant retrouvées dans des maisons de chambres où l'on n'offrait aucun soin adéquat.
Si nous collaborons avec des ONG comme l'Association canadienne pour la santé mentale et que le gouvernement travaille de concert avec nous, nous aurons une bonne solution. Nous constatons les difficultés qu'éprouvent les hommes et les femmes seuls, les jeunes à risque, les personnes atteintes de troubles mentaux, les personnes qui présentent un handicap quelconque; ces gens ne vont pas bénéficier de l'essor économique qui va peut-être améliorer la situation d'une grande partie de la collectivité. Au contraire, il y aura un nombre accru de personnes qui auront besoin de logements, à moins que nous soyons alertes et que nous trouvions une solution avant que ces besoins ne se fassent sentir.
Le président: Pour terminer, j'aimerais vous poser une question sur l'itinérance, et elle ressemble à une question que j'ai posée ce matin à des responsables provinciaux. Je crois savoir que l'itinérance est un phénomène beaucoup plus sournois ici. À Toronto, évidemment, cela est très flagrant, comme dans nombre de grandes villes, mais, ici, les personnes ont plus tendance à passer d'un divan à l'autre ou à partager leur logement qu'à se retrouver dans la rue. Comment peut-on régler une telle situation? Vous ne disposez peut-être pas des ressources, mais vous avez les connaissances.
MmeDuff: En fait, il y a des aspects de l'itinérance qui sont un peu plus visibles. On voit parfois des jeunes dormir sur un banc de parc ou dans l'entrée des magasins, même si cela ne se produit pas autant qu'à Vancouver ou à Toronto. C'est peut-être l'un des avantages que procure un climat rigoureux, mais on doit résoudre ce problème en allant rencontrer les personnes sur le terrain. Ce n'est pas une démarche facile. On ne peut les aborder en leur disant qu'on construit un refuge et qu'on les y emmène tous. Vous devez également être prêt à leur offrir des services de soutien, et, lorsque je dis qu'il faut les rencontrer sur le terrain, vous devez le faire sans jugement et vous devez vous montrer très sensible aux raisons les ayant menés à l'itinérance, car il y a différentes raisons.
La municipalité tente de travailler avec des groupes comme Choices for Youth, qui a fait ses preuves et s'est montré apte à cerner le problème et à mettre des services de soutien en place, et cet organisme n'utilise pas une approche coercitive, il ne s'agit pas de la police, il ne fait pas la morale, rien de cela. Cet organisme travaille sur plusieurs paliers. Il se rend sur le terrain, mais il dispose également de centres d'accueil, et, lorsque les jeunes sont prêts, ils les font passer à l'étape suivante.
Je ne crois pas qu'il y ait de solution facile à la question de l'itinérance, car cette question comporte une multiplicité d'aspects. Il y a autant d'aspects que de raisons ayant mené des personnes à l'itinérance.
Le président: Oui, il faut beaucoup de soutien individuel et de travail de sensibilisation.
MmeDuff: Je crois qu'une grande partie du problème est liée aux questions de santé mentale. C'est un enjeu de taille, et il faut intervenir à grande échelle, bien au-delà des refuges; c'est pourquoi la communication et la collaboration sont si importantes. On doit savoir quelles sont les ressources et les besoins, et comment les associer de manière judicieuse.
Le sénateur Cordy: Qu'entendez-vous exactement par insertion d'immeuble?
MmeDuff: Dans le centre-ville — je ne sais pas si vous avez eu l'occasion de vous y rendre —, il y avait de nombreux problèmes. Les immeubles du centre-ville étaient très délabrés, mais il y avait un équilibre, une cohésion de l'architecture, de sorte que, lorsque des immeubles ont disparu à la suite d'un feu ou d'une démolition, la ville s'est servi de sa participation à un programme de logements sans but lucratif pour remplacer ces immeubles par d'autres qui s'harmonisaient au reste du quartier. Personne n'aurait pu dire qu'il s'agissait d'un projet de logements sociaux; le nouvel immeuble s'intégrait parfaitement au quartier. C'est comme une dent que l'on remplace. Cette insertion d'immeubles a été très réussie, car le résultat est très harmonieux. Par le passé, on avait tendance à construire d'énormes immeubles, et, étant donné que, en construisant un immeuble au côté d'un autre en construction, on évite des protestations du genre «pas dans ma cour», les promoteurs ont continué de procéder de cette façon, tant et si bien que nous avons dû imposer un moratoire sur ce type de construction. Les problèmes sociaux devenaient apparents, et c'est ce qui se produit lorsqu'il y a une importante concentration de personnes aux prises avec des difficultés. Nous avons conjugué le besoin de logements et notre désir d'encadrer l'aménagement des quartiers déjà établis, et nous avons conçu un programme qui fonctionne extraordinairement bien. En vous promenant dans les rues de St.John's, vous ne pourriez faire la différence entre les maisons dont la construction a été subventionnée et les autres.
Le sénateur Cordy: Une telle mesure réduit-elle la stigmatisation de ces populations?
MmeDuff: Oui, beaucoup.
Le sénateur Cordy: Grâce à cela, ne croyez-vous pas que les gens ont également davantage le sentiment d'habiter dans un quartier? Je viens de Halifax; je comprends donc ce que vous voulez dire. Par exemple, à Halifax, dans Uniacke Square, les gens qui habitent dans des immeubles qui ont été insérés ont-ils davantage l'impression de faire partie d'un quartier?
MmeDuff: Oui, et parce que le quartier leur offre bon nombre de services: les résidents fréquentent les magasins, les églises et les écoles qui s'y trouvent. Cette mesure a permis au centre-ville de survivre et de garder les gens près des services plutôt que de les installer en périphérie, où ils devraient disposer d'un moyen de transport pour se rendre à destination. Il est plus facile d'habiter dans un quartier établi, car tous les services sont à votre portée.
Le sénateur Cordy: Vous avez également parlé des subventions accordées à des centres gérés par des organismes communautaires, et, il y a quelques années, j'étais ici et j'ai visité un centre. Je ne suis pas certaine que c'était le genre de centre que vous subventionnez. Le centre accueillait des personnes atteintes de troubles mentaux, et c'était un endroit merveilleux.
MmeDuff: Il s'agissait probablement du Pottle Centre.
Le sénateur Cordy: Est-ce le type de centre auquel vous faisiez allusion?
MmeDuff: Nous allouons effectivement des subventions au Pottle Centre, mais je parlais des centres qui ont été créés dans les quartiers où l'on retrouve une concentration de familles à faible revenu. Parmi les plus importants que j'ai mentionnés, certains se rapportaient à des projets de Newfoundland and Labrador Housing, et le gouvernement a mis les centres sur pied, parfois en convertissant trois ou quatre logements pour aménager un centre offrant des services de garderie, des services aux nouvelles mères, des banques de vêtements et des installations récréatives pour les jeunes. Nous avons commencé par encourager les activités récréatives, mais, maintenant, nous allons encore plus loin, car nous accordons directement des subventions à ces organismes pour qu'ils puissent offrir leurs services et nous créons même nos propres centres dans les quartiers qui n'étaient pas servis par Newfoundland and Labrador Housing, mais où il y avait une concentration de familles à faible revenu. Nous partons du principe selon lequel si les gens ont un endroit où se rassembler, nous tenterons de laisser les locataires et les citoyens en assurer la gestion. Nous fournissons les ressources, et parfois le personnel, et nous les aidons à organiser les activités, mais ces centres sont dirigés par les associations de locataires ou par les groupes communautaires, et nous trouvons simplement que cette méthode est plus efficace que si nous nous ingérions dans leurs affaires en prétendant savoir ce dont ils ont besoin.
Le sénateur Cordy: Les services de garderie dont vous parlez sont-ils réservés aux femmes — et je dis «femmes» parce que, dans bien des cas, ce sont elles qui ont recours à ces services — qui utilisent les installations du centre, ou sont-ils également offerts aux femmes qui auraient un rendez-vous chez le médecin?
MmeDuff: Ils sont offerts dans les deux cas.
Le sénateur Cordy: Je me demandais également dans quel groupe d'âge le besoin d'un logement sécuritaire et abordable se faisait le plus sentir. Nous avons parlé du squattage de divan, phénomène qu'on retrouve surtout chez les jeunes. J'ai également entendu dire — dans d'autres régions et non à St.John's — qu'il arrivait que des aînés doivent attendre deux ans avant d'obtenir un logement sécuritaire et abordable et que, pendant ce temps, ils habitaient dans des endroits où ils n'y étaient peut-être pas en sécurité.
Est-ce qu'un tel besoin se fait sentir dans tous les groupes, ou avez-vous réalisé des études pour déterminer quels groupes d'âge ou segments de la population ont le plus besoin d'un logement abordable ou d'un logement, tout court?
MmeDuff: Notre étude sur les logements abordables visait, entre autres, à tenter de cerner les besoins et à prévoir leur évolution, car le profil démographique de notre ville évolue aussi. Ce sont les jeunes à risque qui ont les besoins les plus pressants. Certains groupes éprouvent plus de difficulté à trouver un logement en raison de leur réputation ou de la stigmatisation, de problèmes réels ou prétendus. Les logements pour personnes âgées ne suscitent pas une vive opposition. Les aînés ont plutôt du mal à trouver des logements abordables. Les personnes atteintes du sida, celles qui souffrent de maladies mentales, les hommes seuls parfois et les gens qui sortent du système carcéral ont tous beaucoup de difficulté à trouver un logement, et, heureusement, la plupart d'entre eux reçoivent un excellent soutien ou sont aidés par des groupes de défense, mais il n'en demeure pas moins que ces personnes peinent à trouver un logement.
L'un des organismes qui œuvrent à St.John's, Stella Burry, ouvrira un établissement sous peu. Il s'agit non pas d'une maison de transition, mais bien de studios destinés à des hommes seuls, car il y a un très grand besoin pour ce type de logement. Nous venons tout juste d'ouvrir un autre établissement, et lorsque je dis «nous», je parle de ces organismes, pour les jeunes à risque. Ils fournissent une aide précieuse, mais ils font tout juste commencer à répondre aux besoins qui ont été décelés. Je crois que la situation va empirer à mesure que les logements deviendront de moins en moins abordables pour les personnes à faible revenu ou à revenu fixe, et nous assistons déjà à un tel scénario. Le coût du logement a commencé à augmenter. Je ne sais pas si nous vivrons la même situation qu'à Fort McMurray, j'espère que non, mais il faut toujours se préparer à une crise semblable plutôt que de se démener une fois qu'elle vous frappe de plein fouet.
Le sénateur Cordy: Nous allons rendre visite à l'organisme Stella Burry demain. C'est un organisme extraordinaire, et il fait un travail incroyable.
MmeDuff: C'est un organisme formidable, et, étant donné qu'il a si bonne réputation, nous avons été en mesure d'ouvrir un nombre considérable d'établissements dans des quartiers établis. Nous aurions rencontré beaucoup d'opposition, n'eût été du fait que les gens savaient que, si l'organisme Stella Burry ouvrait un établissement, celui-ci serait bien géré. Notre ville n'échappe pas au syndrome «pas dans ma cour».
Le sénateur Cordy: Vous en avez parlé, le ministre en a fait mention et d'autres avant vous l'ont souligné: les ententes relatives au logement social conclues avec le gouvernement fédéral arrivent à échéance. Le ministre Skinner a déclaré que de rencontrer le ministre fédéral relevait de l'exploit. Son équipe a réussi à s'entretenir avec lui pendant une heure et, en plus, le ministre est coprésident du comité fédéral-provincial-territorial, et, pourtant, son équipe a beaucoup de difficulté à faire en sorte que le gouvernement fédéral discute de ce qu'il adviendra des ententes. Vous en avez parlé ce matin. Les municipalités, pour leur part, ont les deux pieds sur terre: elles sont au courant de ce qui se passe, et elles sont probablement plus au courant des besoins de leurs résidents que les autres ordres de gouvernement. Si l'on ne renouvelle pas les ententes en matière de logement social, si on ne prend aucune mesure rapidement pour résoudre ce problème, que le gouvernement poursuive dans la même direction ou apporte des changements, on est en proie à l'incertitude, et on ne peut faire aucune planification à long terme sans ces ententes. Cela me rend toujours un peu nerveuse. Le gouvernement fédéral passe les programmes fédéraux d'habitation au crible, et cela nous rend un peu nerveux dans les provinces atlantiques, car un tel examen débouche souvent sur l'abandon de ces programmes. Est-ce que l'omission du gouvernement fédéral de vous informer à cet égard nuit à votre planification à long terme?
MmeDuff: On ne peut vraiment faire de la planification à long terme tant qu'on ignore quelles seront les ressources à notre disposition, et je suis tout à fait d'accord avec le ministre. Je n'ai pas entendu ses commentaires, mais j'ai discuté assez souvent avec lui pour connaître ses préoccupations. Je crois qu'il a parfaitement raison. Je suis persuadée que le gouvernement fédéral proposera quelque chose, et j'ignore pourquoi il hésite exactement, mais jusqu'à ce qu'il se décide, nous prenons du retard. Nous sommes conscients qu'il n'aura pas mis toute sa stratégie en place pour le 31 mars 2009. Je crois que, d'une certaine façon, il a le devoir de poursuivre le programme existant ou de prévoir une certaine forme de transition. Autrement, nous perdrons nos acquis. Si l'on tient compte des personnes qui ont besoin d'un logement abordable, je crois que cela serait inadmissible.
Le sénateur Cordy: Je suis d'accord avec vous, car le fait que le gouvernement vous laisse dans l'ignorance à sept mois de l'échéance des ententes est vraiment...
MmeDuff: Cela ressemble à un jeu — j'ignore lequel —, et je n'aime pas ça.
Le sénateur Cordy: Je suis d'accord avec vous.
Le sénateur Munson: J'aurais souhaité qu'il y ait un journaliste ici pour entendre ce que vous venez de dire.
MmeDuff: J'imagine que je suis chanceuse qu'il n'y en ait pas.
Le sénateur Munson: On ne sait jamais. Ce genre de déclarations est normalement rapporté. Vous avez affirmé que la situation s'aggraverait. À quoi peut-on s'attendre?
MmeDuff: Il y aura davantage de personnes qui ne pourront plus payer le logement qu'elles peuvent peut-être aujourd'hui se permettre. Lorsque le prix des logements subit une hausse et que la demande augmente chez les mieux nantis, on assiste à un embourgeoisement des quartiers. C'est une bonne chose pour notre assiette fiscale. Cela semble très bien, mais, si les personnes qui présentent une déficience mentale n'ont aucune solution de rechange, bon nombre de celles-ci seront prises au dépourvu. Si nous ne sommes pas prêts à leur offrir des logements appropriés et abordables, où iront-elles? Vont-elles s'ajouter aux personnes qui passent d'un divan à l'autre? Vont-elles se retrouver dans des maisons de chambres privées qui ne sont aucunement adaptées à ce genre de clients? C'est ce que je veux dire lorsque j'affirme que la situation va s'aggraver. Nombre de personnes qui se logent de façon atypique se retrouveront sans logement. Je ne veux pas qu'un tel scénario se produise. On peut l'éviter si les organismes et les ordres de gouvernement prennent les mesures nécessaires.
Le sénateur Munson: Le sénateur Kirby est président d'un comité qui a mis en lumière les problèmes de santé mentale et dont les travaux ont donné lieu à la création de la Commission de la santé mentale du Canada. Des personnes atteintes de maladies mentales errent dans les rues d'Ottawa et d'autres villes canadiennes.
Je n'aime pas utiliser le mot «sans-abri», mais, dans votre ville, y a-t-il des itinérants qui n'ont accès à aucun soutien ni soins adéquats, et, le cas échéant, se comptent-ils par centaines? J'aimerais simplement savoir comment vous abordez cette question, comment les ONG s'occupent d'eux et, enfin, comment les gouvernements s'y prennent pour s'attaquer à ce problème très délicat et concret?
MmeDuff: Je crois que le ministère de la Santé et des Services sociaux, qui est directement responsable de ces personnes — qui sont ses clients — et qui connaît leur identité et leurs allées et venues, serait probablement mieux placé pour répondre à cette question. Si vous vous promenez sur la rue Water, vous les verrez, et je pourrais vous présenter nombre d'entre eux. Ce sont souvent des gens qui font de multiples séjours dans des établissements de santé mentale et qui, lorsqu'ils n'y sont pas, habitent dans des maisons de chambres où, pour quelque raison que ce soit — parce qu'ils ne veulent pas habiter là, n'acceptent pas les conditions associées à la vie dans cet endroit ou, peut-être, ne disposent pas d'un bon réseau de soutien —, se retrouvent dans la rue. Ils vont quêter ou faire autre chose. Certains sont repérés par des organismes comme le Pottle Centre, qui, je le répète, est un organisme sans but lucratif qui accomplit un travail extraordinaire. Encore une fois, il s'agit d'aller rencontrer ces personnes sur le terrain et de leur permettre d'avoir un peu de réconfort et de socialiser.
Il y a également un autre établissement appelé Gathering Place, qui est dirigé par les sœurs de la Miséricorde. Cet établissement s'adresse précisément aux personnes qui sortent des maisons de chambres, lesquelles, à l'exception d'un lit et d'un repas, n'ont rien d'autre à leur offrir. À cet endroit, elles peuvent obtenir un bon repas, prendre un bain, se détendre dans une salle, parler à un intervenant ou profiter d'un moment de tranquillité. Il y a des établissements du genre qui ouvrent leurs portes, mais je crois que la capacité de ce type d'organisme sera mise à rude épreuve, à moins que l'on se prépare en vue de la désinstitutionnalisation qui s'en vient; cela fait partie du plan.
Le sénateur Munson: Le sénateur Cordy a posé quelques questions que j'allais moi-même vous poser. Toutefois, la question des déficiences pique toujours ma curiosité. Croyez-vous être dotés à St.John's d'un programme assez bon pour offrir des logements adaptés aux personnes qui présentent des déficiences intellectuelles ou physiques?
MmeDuff: Non, ce n'est pas le cas. Nous croyons qu'il s'agit d'une grave lacune. Il n'y a pas assez de logements adaptés aux besoins des personnes handicapées particuliers. Nous devons en créer davantage ou adapter certains des logements existants. Les ONG qui défendent les droits de ces personnes ont clairement révélé cette lacune, et nous en avions également fait état dans notre étude.
Le sénateur Munson: Dans votre déclaration, vous avez dit: «La Ville de St.John's est privilégiée, dans la mesure où les services tels que les services de police, les soins de santé et lesservices sociaux sont dispensés à l'échelon provincial par Terre-Neuve-et-Labrador, quoique certains craignent que la tendance actuelle du gouvernement à se décharger de certaines responsabilités finissent par obliger les municipalités à assurer la prestation de ces services.»
Madame Duff, les municipalités sont aux premières lignes en ce qui concerne toutes ces questions. Si les gouvernements provincial et fédéral vous accordaient le financement nécessaire, ne seriez-vous pas aux premières lignes pour dispenser, à l'exception peut-être des services de police, les soins de santé et les services sociaux?
MmeDuff: Nous n'aurions pas les ressources nécessaires. Si vous prenez l'impôt foncier, qui, vous le savez, est régressif, il s'agit d'un outil très peu efficace si vous souhaitez répartir les revenus. Si nous avions la responsabilité de dispenser ces services sans disposer des ressources pour le faire, cela ne ferait qu'aggraver la situation. Il faudrait un accord financier très différent entre les gouvernements fédéral et provincial et les municipalités pour que celles-ci soient en mesure d'être un partenaire adéquat à cet égard. Nous ne sommes pas en mesure de le faire avec les ressources financières dont nous disposons actuellement.
Le sénateur Munson: Comme plusieurs villes dans le pays, j'imagine.
MmeDuff: Comme la plupart des villes dans le pays, je crois.
Le sénateur Trenholme Counsell: MmeDuff et M.Blackmore, je vous remercie de votre présence. J'ai été très impressionnée par vos déclarations. Lorsque j'entends le mot «doit», cela est très convaincant: «Le gouvernement fédéral doit continuer à soutenir le logement abordable.» Dans l'éventualité où vous ne recevriez pas le financement nécessaire, seriez-vous vraiment dans une situation précaire? Vous le savez, les ententes arrivent à échéance, alors, seriez-vous dans une situation désespérée si vous perdiez le soutien du gouvernement?
Ensuite, je remarque qu'il se dégage une réelle inquiétude de vos propos, dans la mesure où vous anticipez une augmentation des besoins dans l'avenir. Je crois que je suis une éternelle optimiste, car j'ai espoir que, si on améliore les programmes et les services en matière de santé mentale, les personnes atteintes de maladies mentales bénéficieront d'un soutien adéquat. Nous savons que la plupart des personnes atteintes de maladies mentales peuvent avoir une vie productive si elles reçoivent les soins dont elles ont besoin et participent à des programmes qui leur sont essentiels, comme des programmes de réadaptation, et qu'elles prennent des médicaments. Il en est de même pour les enfants qui présentent des troubles d'apprentissage, dont une grande partie, une fois adultes, aboutissent dans des établissements carcéraux.
Puisque, selon moi, Terre-Neuve-et-Labrador est une province où la population est très optimiste, avez-vous espoir que dans 20, 30 ou 40 ans, le nombre de personnes aux prises avec ce genre de problèmes va diminuer s'il se produit une évolution de la société dans laquelle nous vivons?
Je me demande simplement si vous avez au moins une lueur d'espoir lorsque vous dites que la situation va s'aggraver. Je crois vous avoir entendu dire que les choses allaient empirer.
MmeDuff: Le pouvoir d'achat de ces personnes va certainement diminuer. Si aucun service de soutien communautaire ni programme de soutien au logement n'est mis en place à l'avance, nous allons frapper un mur. Espérons que ce ne sera pas le cas. Je crois que les ressources du gouvernement fédéral seront certainement nécessaires pour appuyer la province, les municipalités et les ONG dans leur travail.
Avant d'entrer sur la scène municipale, j'étais infirmière et travailleuse sociale, et je me souviens très bien de ce qui est advenu de l'optimisme à l'égard de la désinstitutionnalisation de certaines des personnes traitées dans notre hôpital psychiatrique. On désigne maintenant cet hôpital autrement. Je crois qu'il s'agit aujourd'hui de l'hôpital pour les maladies mentales et les troubles nerveux. Toujours est-il que cette démarche, qui se voulait émancipatrice et humaine, s'est révélée très problématique, car on a omis d'assortir la désinstitutionnalisation de services de soutien. Ce que je tente de faire valoir, c'est que de tels services doivent être d'abord mis en place. Il faut prévoir des logements adéquats et abordables où ces personnes pourront vivre dans la dignité. Autrement, leur situation pourrait s'aggraver, et je suis d'accord avec vous lorsque vous dites que l'idéal serait que chaque personne qui peut vivre dans la collectivité, que ce soit avec d'autres ou seule, devrait avoir droit à un tel logement et devrait être aidée dans ses démarches. Cela ne peut se produire comme par magie. Il faut des ressources et une planification, et ce sont ces deux aspects qui me préoccupent.
La situation actuelle est grave, car il n'y a aucun engagement à l'égard de la continuation des programmes. Je ne comprends tout simplement pas pourquoi le gouvernement s'abstient d'entamer des discussions avec ses partenaires qui œuvrent sur le terrain.
Ce n'est pas seulement notre problème, celui de la province ou celui du gouvernement fédéral; cela nous concerne tous, et nous devons tous y travailler. En somme, nous ne pouvons faire cavalier seul. Même si nous constatons le problème et avons les meilleures intentions du monde, nous ne pouvons y parvenir sans l'aide du gouvernement fédéral.
Le sénateur Trenholme Counsell: En ce qui concerne la situation du logement, est-ce que St.John's se développe en périphérie? Quel est actuellement le prix moyen d'une maison à St.John's?
MmeDuff: Cela varie selon les catégories. Une maison de plain-pied comprenant trois chambres à coucher située dans un nouveau lotissement, qui aurait coûté environ 139000$ il y a cinq ans, se vend actuellement aux alentours de 200000$. C'est dans cette catégorie que les prix ont d'abord grimpé. Récemment, la valeur marchande de certaines propriétés a dépassé le million de dollars, du jamais vu ici dans la catégorie des propriétés luxueuses. Il n'y a pas de mal à cela. Si vous pouvez vous le permettre, vous pouvez faire ce qu'il vous plaît. C'est dans la catégorie des maisons pour accédants à la propriété et des maisons abordables que les choses vont vraiment se gâter.
Le sénateur Trenholme Counsell: Est-ce que, ici, la situation s'apparente à celle qui prévaut dans les grandes villes, en ce sens que, généralement, les gens doivent avoir deux revenus pour se permettre d'acheter une maison?
MmeDuff: Je vous dirais que oui. David a probablement la réponse.
M.Blackmore: C'est le cas.
Le sénateur Trenholme Counsell: La question de la garde des enfants prend alors tout son sens. Est-ce une pierre d'achoppement pour les jeunes familles? Sont-elles en mesure de trouver un arrangement?
M.Blackmore: Je présume que les familles prennent des dispositions, mais, certes, si vous travaillez et que vous avez desenfants, la garde des enfants peut être une source de préoccupations. Il faut trouver un équilibre entre son revenu et le coût des services de garde, et, pour certaines personnes, il est plus avantageux de demeurer à la maison que d'aller travailler.
Le sénateur Trenholme Counsell: Quel est le taux de natalité de Terre-Neuve-et-Labrador comparé aux autres provinces?
MmeDuff: Je crois que nous occupons l'avant-dernier rang dans le pays, devant le Québec, qui auparavant affichait le taux le plus élevé, mais ces choses ne sont pas toutes aussi simples qu'elles en ont l'air. Beaucoup de nos jeunes gens instruits qui auraient fondé des familles ont quitté la province pour aller trouver du travail en Alberta ou en Ontario, étant donné que nous étions en plein marasme économique. Je crois que certains d'entre eux vont revenir s'établir ici. Je l'espère sincèrement. Nous avons donc perdu ces jeunes qui auraient donné naissance à une nouvelle génération, ce qui explique en partie la dégringolade de notre taux de natalité. Les Terre-Neuviens continuent d'avoir des enfants, mais ils se sont établis ailleurs que dans notre province.
Le sénateur Trenholme Counsell: Ce sont tous des facteurs qui contribuent à votre situation sociale actuelle.
MmeDuff: Oui, et ce n'est pas si simple. La question du logement est l'un des facteurs, et c'est celle que nous examinons aujourd'hui, mais tous ces facteurs sont interreliés.
Le président: Lorsque nous parlons du logement social, nous pensons, la plupart du temps, aux logements locatifs et aux coopératives d'habitation, mais, comme il est mentionné dans l'option 60, certaines des personnes que nous avons accueillies nous ont parlé de l'accession à la propriété pour les personnes à faible revenu et de l'adoption d'incitatifs fiscaux à l'intention du secteur privé. Croyez-vous que des mesures semblables auraient une incidence ici? Croyez-vous qu'il pourrait s'agir d'outils utiles favorisant l'offre de logements abordables et l'accès à la propriété?
MmeDuff: Je crois que de telles mesures auraient une incidence, mais je dois avouer que je ne suis pas très impartiale lorsqu'il est question de l'organisme Habitat pour l'humanité. Nous tentons de faciliter l'accès à la propriété des travailleurs à faible revenu. Nous recourons à divers outils, mais l'accès à la propriété, lorsqu'il s'agit d'une option viable, permet aux personnes de s'affranchir de la pauvreté et d'acquérir un certain avoir. Cette méthode fonctionne très bien, du moins celle préconisée par Habitat pour l'humanité. Nous avons construit 30 maisons et nous avons constaté une augmentation de l'estime de soi des familles qui en sont propriétaires. Je crois qu'il vaut certainement la peine de considérer cette option, mais j'estime qu'il ne s'agit pas d'une panacée permettant de répondre à toutes les exigences en matière de logement abordable.
Le président: Mettons de côté pour l'instant l'organisme sans but lucratif Habitat pour l'humanité. Existe-il des groupes du secteur privé qui pourraient être intéressés à fournir des services de logement moyennant des incitatifs fiscaux?
M.Blackmore: Les constructeurs d'habitation feraient certainement valoir qu'ils construisent déjà des logements abordables dans la collectivité, et, à St.John's, le taux d'accès à la propriété s'établit à 80p.100.
C'est une chose de rendre l'accès à la propriété abordable, mais, si vous soutenez des travailleurs à faible revenu, vous devez prendre en considération qu'ils devront entretenir leur maison au fil du temps, et je ne sais pas s'ils ont en fait les ressources pour yparvenir. À l'heure actuelle, la plupart des familles qui accèdent à la propriété comprennent deux travailleurs. Je ne sais pas si nous sommes rendus au point où des travailleurs à faible revenu peuvent accéder à la propriété autrement que par le soutien de l'organisme Habitat pour l'humanité.
MmeDuff: Il y a eu ce que je j'appellerais des logements locatifs abordables offerts par le secteur privé. Nombre de nos logements locatifs abordables ont été convertis en copropriétés au cours des 15 dernières années et, pendant longtemps, il ne s'estconstruit à St.John's aucun nouveau logement locatif, à l'exception de quelques rares logements au sous-sol. Les personnes qui n'ont pas nécessairement besoin d'aide sociale pouvaient se loger de façon adéquate dans ce genre d'endroit, mais ce qui s'est produit sur le marché était quelque peu préoccupant, car les logements abordables font partie du continuum entre l'accès direct à la propriété et l'aide au logement locatif. Il y a un grand vide entre les deux.
Le président: Dans votre déclaration, vous avez mentionné le PAREL et certains des autres programmes, et combien ils étaient importants dans le domaine du logement abordable. Vous avez notamment parlé du supplément au loyer. Est-ce que cette mesure fait aussi partie de la solution, ou avez-vous seulement besoin de construire davantage de logements abordables?
MmeDuff: Ces deux aspects sont importants, mais le supplément au loyer a certainement un rôle à jouer. Cette mesure s'est révélée particulièrement utile en ce qui concerne le logement pour personnes âgées. Nous avons mis en place d'excellentes initiatives pour soutenir les locataires. Je crois qu'il y a de nombreux outils. Je ne dirais pas qu'il faut en privilégier un plus qu'un autre.
Le président: Pour terminer, j'aimerais vous poser une question au sujet des jeunes à risque. Cette question comporte divers aspects qui, j'en suis persuadé, relèvent en grande partie du gouvernement provincial, mais la qualité de vie dans votre ville s'en ressent lorsqu'il y a des jeunes à risque et, évidemment, ces jeunes n'ont également pas une très bonne qualité de vie. À St.John's, le taux de pauvreté est beaucoup plus élevé que la moyenne nationale. Selon Statistique Canada — et il s'agit du pourcentage de la population qui se situe en deçà du SFR après impôt —, il est de 16,1p.100 ici. La moyenne nationale est d'environ 10,5p.100. Toronto affiche un taux de 18,4p.100. Toutes les grandes villes ont un taux de pauvreté plus élevé que la moyenne nationale, et, à Toronto, ce que nous retrouvons, ce sont des poches de pauvreté, des quartiers — et je crois que nous avons déterminé qu'il y en avait 13 — où les résidents sont aux prises avec des difficultés particulières. Qu'en est-il ici, et qu'en est-il particulièrement des jeunes à risque, des jeunes qui abandonnent l'école et qui finissent par devenir vulnérables? Donnez-nous quelques explications concernant cette situation et les solutions qui pourraient être adoptées.
MmeDuff: D'abord, je ne suis pas spécialiste de ce domaine. Vous allez peut-être rencontrer des représentants d'un groupe appelé Choices for Youth. Ils seraient beaucoup mieux placés que moi pour vous entretenir de ce sujet. Nous collaborons avec cet organisme et nous tentons de le soutenir, car nous savons qu'il fait un excellent travail. Les problèmes que vivent nos jeunes à risque sont en partie liés à la drogue, et, si vous écoutez les membres de la Force constabulaire royale de Terre-Neuve et des organismes au service des jeunes, ils vous diront que la situation s'aggrave. Certains de ces problèmes sont évidemment attribuables au fait que ces jeunes sont issus de familles dysfonctionnelles et à ce genre de situations, mais je ne pourrais vous répondre clairement à ce sujet. Allez-vous rencontrer des membres de Choices for Youth?
Le président: Nous les accueillerons cet après-midi.
MmeDuff: Il s'agit d'un organisme de première ligne qui réalise un travail incroyable.
Le président: Y a-t-il des quartiers à St.John's où la pauvreté est particulièrement présente?
MmeDuff: Il y en a. Certains d'entre eux sont constitués d'anciens projets d'habitations à loyer modique. Dans les années de l'après-guerre, il y a eu une explosion de logements abordables. Certains de ces quartiers ont été formés à cette période où l'on avait tendance à regrouper en grand nombre les logements sociaux ou subventionnés. Nous collaborons avec les organismes et les centres communautaires pour tenter de résoudre certains des problèmes. Il y a d'autres quartiers où les problèmes liés à la drogue sont bien présents, ce genre de choses. Je ne dirais pas que la situation est aussi grave ici qu'elle l'est dans des villes comme Toronto, Calgary ou Vancouver. Comme nous sommes une petite collectivité, nos résidents ont encore un profond sentiment de solidarité. Nous sommes chanceux à cet égard. J'espère que ce sentiment ne va pas se perdre si nous n'obtenons pas tout ce qu'on nous a promis. Parfois, la prospérité peut être une lame à double tranchant.
M.Blackmore: En ce qui concerne les quartiers, il est certain qu'ils ne sont pas aussi mal en point qu'ils l'ont déjà été. Je travaille pour la ville depuis 30 ans, et il y a eu une époque où les propriétaires négligents abondaient, mais ce temps est révolu, et on voit maintenant beaucoup moins de taudis qu'avant. Toutefois, c'est dans les vieux quartiers qu'on a tendance à avoir des problèmes, c'est-à-dire où les parcs de logements sont de moindre qualité. Nous avons parlé de programmes comme le PAREL. Au début des années 1980, le PAREL a joué un rôle très important dans l'amélioration de la qualité des quartiers, et si vous améliorez la qualité d'un quartier, vous améliorez la qualité de vie. Toutefois, en ce qui concerne le PAREL propriétaire-occupant et le PAREL locatif, le financement ne va plus dans ces quartiers comme c'était le cas auparavant, ce qui constitue certainement un obstacle. Certains des propriétaires qui habitent dans ces vieux quartiers ont encore de la difficulté à entretenir leur propriété.
Je dois composer avec les deux côtés de cette question, car je suis également la personne qui les oblige à entretenir leurs propriétés; je dois faire appliquer la réglementation. Nous devons également nous occuper des problèmes que vivent les propriétaires. Nous voyons des propriétaires acheter des propriétés inférieures aux normes pour ensuite les louer jusqu'à ce qu'ils se fassent prendre. Ils doivent alors rénover ces propriétés. Malheureusement, beaucoup de personnes qui habitent dans les logements locatifs vivent d'autres problèmes; nombre d'entre elles ont recours à des services en santé mentale. Je suis heureux de constater que la stratégie de réduction de la pauvreté de la province vise à réunir les ministères pour qu'ils travaillent ensemble à résoudre ces questions. Pendant de nombreuses années, il y a eu un manque de cohésion: on remettait des chèques à des personnes pour qu'elles achètent un logement dans la ville, mais on omettait de mettre des services de soutien en place. Dans certains cas, on a augmenté le supplément au loyer des personnes plutôt que de leur offrir des services de soutien. Je suis heureux de constater que nous nous penchons maintenant sur ces questions.
Le président: L'entente sur le développement urbain est l'un des instruments qui permettent à une ville de s'attaquer à des problèmes qui lui sont spécifiques. Il s'agit d'une entente tripartite, et nous tentons de trouver des initiatives réunissant les divers ordres de gouvernement pour résoudre certains de ces problèmes. Je sais que Vancouver et Winnipeg ont signé de telles ententes. Avez-vous envisagé d'utiliser un instrument semblable? Serait-il d'une quelconque utilité pour faire face à l'une ou l'autre de ces questions, qu'elle se rapporte à une zone géographique en particulier ou à une politique générale?
MmeDuff: Je crois qu'une telle entente serait utile. Je ne crois pas que nous envisageons de recourir à cette forme d'instrument pour l'instant. Vous ne l'avez mentionnée que brièvement dans votre rapport. Je ne la connais peut-être pas autant que je devrais, mais, en principe, je l'approuve. Nous aimerions discuter davantage de la façon dont cette entente serait mise en œuvre à l'échelon local.
Le sénateur Cordy: J'aimerais simplement revenir à vos commentaires concernant le peu de logements qui ont été construits à St.John's. Je présume que nous pouvons affirmer que la pénurie de logements sociaux est un problème d'envergure nationale. En fait, le recensement de 2006 a révélé qu'il y avait 39000 logements locatifs de moins dans le pays qu'en 2001. Il s'agit d'un nombre considérable, car on pourrait penser que, en fait, le nombre serait en hausse. Dans les années 1970, on a mis en place des mesures pour inciter les constructeurs à construire des logements, surtout pour les personnes à faible revenu. Certains promoteurs nous ont dit qu'il faudrait remettre de telles mesures en vigueur. Des mesures favorisant la construction de logements locatifs seraient-elles efficaces? À Halifax, la construction de nouvelles habitations en copropriété pose le même problème, et, dans bien des cas, ces unités coûtent plus de 200000$, de sorte que les personnes à faible revenu devraient fournir une mise de fonds considérable. Par conséquent, un pourcentage élevé de personnes ne peuvent tout simplement pas se permettre d'acheter un logement à un prix aussi élevé. Serait-il utile de remettre en vigueur certains des programmes qui existaient dans les années 1970, ou une variante de ces programmes qui permettraient aux promoteurs de recevoir de l'argent pour construire des logements sociaux?
M.Blackmore: Sans une certaine forme d'incitatifs, le secteur privé ne serait pas porté à construire des logements sociaux. Évidemment, en construisant des habitations en copropriété, le promoteur cède les risques à l'acheteur. Il encaisse les profits et passe à un autre projet. Sans une certaine forme de mesures incitatives, les promoteurs ne se remettront pas à construire des immeubles à logements comme ils le faisaient autrefois.
Le sénateur Cordy: Avec les habitations en copropriété, le promoteur touche immédiatement son argent; il n'a pas à attendre 20 ans pour que cela se produise.
MmeDuff, lorsque vous avez parlé du manque de logements sociaux, vous avez fait allusion à une sorte de vide dans le continuum. Qu'en est-il des petits salariés? Ils subviennent aux besoins de leur famille, travaillent à temps plein, ne font aucune dépense excessive, mais ils n'ont pas la mise de fonds de 30000$ pour acheter une maison ou une copropriété. Vous avez parlé plus tôt de la lame à double tranchant. L'économie de St.John's connaît certainement un essor, nous en entendons parler, nous le constatons, et le taux d'inoccupation est extrêmement bas, mais si vous faites partie de la catégorie de travailleurs à faible revenu, peu importe si l'économie est prospère ou non, vous restez pauvres. Vous n'avez tout simplement pas les ressources, quelle que soit la situation économique du pays. Quels sont les programmes qui s'offrent aux petits salariés souvent abandonnés à leur sort? Souvent, leur revenu est trop élevé pour qu'ils puissent être admissibles aux programmes, mais il ne l'est pas assez pour qu'ils puissent accéder à la propriété.
MmeDuff: Je ne crois pas qu'il y ait de nombreux programmes à leur disposition. Le seul que je connais est Habitat pour l'humanité, qui s'adresse directement aux travailleurs à faible revenu. Ce groupe se retrouve presque dans une situation précaire lorsque le prix du logement bondit, mais que les revenus n'augmentent pas. Les travailleurs de l'industrie des services, les personnes à revenu fixe, les retraités et les personnes vulnérables au chômage parviennent peut-être actuellement à joindre les deux bouts, mais ils seront probablement exclus du marché de l'habitation et auront besoin de logements sociaux à mesure que le prix du logement augmentera. Cette situation se produit déjà.
Le sénateur Cordy: De façon plus personnelle, avez-vous été nommée membre de l'Ordre du Canada pour votre travail auprès des personnes dans le besoin?
MmeDuff: J'ai reçu cette récompense en raison de mon travail communautaire, mais je participe à beaucoup d'activités et je suis engagée depuis longtemps, en partie auprès d'Habitat pour l'humanité. On m'a aussi récompensée parce que je me suis portée à la défense des quartiers du centre-ville au cours d'une carrière longue et des plus variée. J'étais très heureuse d'obtenir cette récompense.
Le président: Je vous remercie beaucoup d'être venue faire entendre votre point de vue. Nous avons obtenu plus tôt celui dela province, et maintenant, nous avons eu celui de la Ville, de sorte que nous avons pu examiner la question selon une perspective municipale. Nous allons accueillir les groupes communautaires cet après-midi, ce qui nous permettra d'obtenir le portrait global dont nous avons besoin concernant nos questions et nos options.
MmeDuff: Je vous remercie de votre intérêt à l'égard de ces questions et de la situation dans les villes du Canada.
La séance est levée.