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Sous-comité sur les villes

 

Délibérations du Sous-comité sur les villes

Fascicule 5 - Témoignages - séance de l'après-midi


ST. JOHN'S, TERRE-NEUVE-ET-LABRADOR,

le lundi 11 août 2008

Le Sous-comité sur les villes du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui, à 13h20, afin d'examiner, afin d'en faire rapport, des questions sociales touchant les grandes villes canadiennes.

Le sénateur Art Eggleton (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Bienvenue à cette séance du Sous-comité sur les villes du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie. Je préside ce comité en plus du sous-comité. Le comité, soit dit en passant, est celui qui a déposé le rapport intitulé De l'ombre à la lumière, sous la direction de l'ancien président, le sénateur Kirby.

Le sous-comité mène une étude sur les grandes villes canadiennes et se penche de prime abord sur la pauvreté, le logement et l'itinérance. Nous entreprenons cette étude en nous fondant sur les travaux antérieurs du Sénat, comme le rapport de 1971 préparé sous la direction du sénateur David Croll ou l'étude La pauvreté au Canada: le point critique menée par le sénateur Erminie Cohen en 1997. Parallèlement à nos travaux sur notre programme urbain — bref, sur les villes —, le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts travaille depuis un moment sur la pauvreté rurale; alors nous espérons pouvoir réunir beaucoup des opinions et des idées qui en découlent.

Notre sous-comité a tenu une série d'audiences à Ottawa. Beaucoup d'organismes et de gouvernements d'un océan à l'autre ont présenté des exposés, et cette information nous a permis de produire un rapport; je crois que vous l'avez en votre possession. Le rapport énumère 103 options liées à ce que nous avons entendu jusqu'à maintenant.

Aujourd'hui, nous entamons la prochaine étape du travail du sous-comité, qui consiste à parcourir tout le pays pour entendre d'autres témoignages liés à la pauvreté, au logement et à l'itinérance et, tout particulièrement, pour recueillir des commentaires au sujet des 103 options.

Ce matin, nous avons entendu le témoignage du ministre des Ressources humaines, du Travail et de l'Emploi de Terre-Neuve-et-Labrador, Shawn Skinner, ainsi que celui de fonctionnaires municipaux. La conseillère Shannie Duff s'est présentée au nom de la Ville de St.John's.

Cet après-midi, nous vous avons invités, plus d'une dizaine de représentants, à participer à une table ronde sur ces questions. Pendant la séance, nous tenons à encourager un dialogue ouvert et constructif concernant les mesures à prendre et ce qu'il faut faire à l'égard des enjeux et des options. Nous nous attendons non pas à des exposés, mais plutôt à un échange libre d'idées faisant fond sur les commentaires des autres participants. Nous passerons d'une personne à l'autre, et qui veut parler doit lever la main pour le signifier.

Nous allons diviser notre séance en trois. Premièrement, tenons une discussion générale sur la pauvreté, le logement et l'itinérance. Ensuite, axons notre discussion sur les systèmes d'aide à la pauvreté et du soutien du revenu, comme l'assurance-emploi, assistance sociale, l'aide sociale ou des idées au sujet du revenu annuel garanti. Dans la troisième et dernière partie, insistons surtout sur les questions liées au logement et à l'itinérance. Vous pouvez vous prononcer dans chacune des trois parties ou dans celle que vous voulez. Je ne saurais trop insister, toutefois, sur l'importance de formuler des commentaires brefs et directs, afin que nous puissions obtenir le plus d'information possible.

À la suite de la table ronde, nous offrirons à des membres du public qui ne sont pas à la table l'occasion de faire des exposés de cinq minutes. Nous avons quelques micros à l'arrière. Nous sommes surtout intéressés par le témoignage de personnes ayant vécu des expériences liées à la pauvreté et au manque de logements abordables ainsi qu'à l'itinérance. Les personnes qui sont intéressées à participer à la séance doivent s'inscrire à la table à l'extérieur de notre salle de réunion, et nous entendrons ces personnes — dans l'ordre, à partir du premier inscrit, dès que la table ronde sera terminée.

Je vais présenter tout le monde ici, afin que nous sachions qui sont toutes les personnes à la table. Barbara Reynolds est notre greffière. Brian O'Neal et Havi Echenberg sont nos deux attachés de recherche de la Bibliothèque du Parlement.

Le sénateur Marilyn Trenholme Counsell vient du Nouveau-Brunswick. Elle est beaucoup intéressée par l'apprentissage et la garde des jeunes enfants.

À côté d'elle, il y a Lana Payne, représentante de la Make Work Pay Coalition. Elle travaille en communications et en recherche au Fish, Food and Allied Workers Union. Elle signe aussi une chronique à la quinzaine sur des questions touchant le travail, la politique et la justice sociale dans The Telegram, à St.John's. Si je me trompe sur quelque chose, veuillez me le signaler au fur et à mesure.

Charmaine Davidge est directrice générale du St.John's Status of Women Council and Women's Centre. Elle a 20 ans d'expérience avec les groupes sans but lucratif, et ses travaux sont axés sur la justice sociale et la lutte contre la violence.

Heather Pollett est analyste des politiques à la division de Terre-Neuve-et-Labrador de l'Association canadienne pour la santé mentale. Diplômée de l'Université Memorial, elle travaille à l'ACSM depuis décembre 2006.

Nancy Healey est présidente-directrice générale du St.John's Board of Trade. Elle a plus de 15 ans d'expérience dans le domaine de la défense des droits et de l'élaboration de politiques pour le compte d'associations industrielles sans but lucratif; elle se consacre surtout au développement économique de la capitale et au développement de l'industrie touristique de la province. Le St.John's Board of Trade représente 750 entreprises qui emploient environ 20000 personnes.

Annette Johns est conseillère en service social pour la Newfoundland and Labrador Association of Social Workers. Elle s'intéressée à l'analyse et à l'élaboration de politiques sociales, à la réduction de la pauvreté, au développement communautaire, à la recherche et à l'enseignement du service social.

Egbert Walters est directeur général de la Community Food Sharing Association of Newfoundland and Labrador. Il a passé plus de 25 ans dans le secteur des services financiers avant de se joindre à l'association en 1992. Il a exercé différentes fonctions au sein du conseil d'administration de l'Association canadienne des banques alimentaires et est actuellement représentant de la province.

Ensuite, il y a le sénateur Jim Munson. La maison du sénateur Munson est en Ontario, mais son cœur est au Nouveau-Brunswick.

Eileen Joe est la coordonnatrice des refuges de Shanawdithit au Centre d'amitié autochtone de St.John's. Elle est originaire de Conne River. Elle a travaillé comme aide-enseignante avant d'obtenir un diplôme en animation des loisirs communautaires. Elle œuvre au sein de plusieurs comités locaux, y compris le Community Advisory Committee on Homelessness de St.John's

Barry Galloway représente la Coalition of Persons with Disabilities, COD. Il s'agit d'un organisme qui s'intéresse à toutes les personnes handicapées, à la promotion de leurs droits et à la sensibilisation du public au sujet de leurs besoins. Il est membre du conseil d'administration de l'Independent Living Resource Centre.

Barry Galloway, membre du conseil d'administration, Coalition of Persons with Disabilities et directeur général, Independent Living Resource Centre: En fait, je suis le directeur général de l'Independent Living Resource Centre.

Barbara Reynolds, greffière du comité: Je suis désolée, c'est mon erreur.

M.Galloway: Je suis membre du conseil d'administration de la coalition des personnes handicapées.

Le président: Penny Rowe est absente, mais je vais tout de même la mentionner. J'espère qu'elle sera ici bientôt. Elle est directrice générale du Community Services Council de Terre-Neuve-et-Labrador. Une grande partie de sa vie professionnelle est consacrée à la direction de programmes novateurs et de projets de recherche. Elle est directrice de la Values Added Community University Research Alliance et codirectrice du programme de recherche de la région atlantique sur l'économie sociale de l'Université Mount St.Vincent.

Kerri Collins est coordonnatrice de l'action sociale et de l'engagement des jeunes pour Choices for Youth, organisme qui a été mentionné quelques fois ce matin; nous avons donc bien hâte qu'elle témoigne. Il s'agit d'un organisme communautaire sans but lucratif à vocation caritative qui offre aux jeunes de la région métropolitaine de St.John des mesures de soutien visant à améliorer le logement et le mode de vie. L'organisme a été fondé en 1990 afin de combler un besoin — reconnu par les jeunes, la collectivité et le gouvernement — d'établir un programme axé sur la prise en main personnelle à l'intention des jeunes pour qui rester à la maison n'était pas une option.

Bridget Foster est directrice générale de l'Association for New Canadians, organisme d'établissement des immigrants situé à St.John's. Elle dirige l'organisme depuis presque 30 ans, et pendant cette période, elle a créé toute une gamme d'activités, de programmes et de partenariats.

Penny Rowe vient d'arriver, mais je l'ai déjà présentée.

Cette présentation met tout en contexte.

Le sénateur Jane Cordy vient de la Nouvelle-Écosse. Elle est pédagogue, donc elle s'intéresse beaucoup à l'éducation. Tous mes collègues sont généralement intéressés par ce sujet, mais le sont aussi de manière plus précise.

Nous avons déjà pris connaissance — et on en a beaucoup parlé ce matin, lorsque nous avons reçu le ministre Shawn Skinner — des efforts du gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador pour lutter contre la pauvreté à l'aide d'un programme visant à réduire la pauvreté. En fait, à ce que nous sachions, seulement deux provinces canadiennes ont un tel programme: cette dernière et le Québec. Un certain nombre de provinces semblent vouloir atteindre ce résultat, mais cette province semble très déterminée. Il y a un comité coordonnateur à l'échelon le plus élevé, et une coordination s'exerce aux échelons inférieurs au comité, ce qui pourrait être une bonne chose si elle fonctionne.

Je suis actif au sein du gouvernement depuis longtemps, et je constate qu'il est difficile de surmonter le cloisonnement qui existe et de créer des liens horizontaux rassemblant tous les aspects liés à des questions telles que la pauvreté, le logement et l'itinérance. Ces questions touchent de nombreux secteurs de compétence qui relèvent de différents ministères: le logement, l'éducation, les soins de santé et bien d'autres questions.

Peut-être pourriez-vous me dire si vous considérez que ce programme fonctionne. J'ai entendu parler de beaucoup de programmes, mais je n'ai toujours pas pris connaissance des résultats et j'ignore comment on les mesure. On affirme avoir l'intention de faire de Terre-Neuve-et-Labrador — province où il y a beaucoup de pauvreté, l'une des pires au moment où l'engagement a été pris, il y a quelques années — l'une des provinces où il y a le moins de pauvreté, ou certainement l'une des meilleures d'ici 2014, parce qu'elle aura pris le problème en main. J'ai aussi demandé comment on saura que les objectifs ont été atteints, comment on y parviendra et quelle sera la méthode de mesure. Je crois que l'on travaille toujours beaucoup sur ces questions.

Le sénateur Munson: Dans une optique précise, Shannie Duff a parlé du programme de logement. Il a déclaré qu'il ignorait à quel jeu jouait le gouvernement fédéral, mais qu'il n'aimait pas ça. Il m'a semblé qu'on a critiqué sévèrement le manque d'intervention du gouvernement fédéral ou la délégation de pouvoirs et fait valoir qu'il devrait y avoir une forme de programme de logement, non pas seulement à Terre-Neuve-et-Labrador, mais partout au pays. Ensuite, le ministre a parlé de la position inacceptable du gouvernement fédéral: il est absent; il ne participe pas aux démarches. Nous participons tous aux démarches. Le ministre a parlé du fait que le gouvernement fédéral les laissait en plan. De mon point de vue, j'aimerais connaître vos opinions, au sujet non seulement du gouvernement fédéral, mais aussi du gouvernement provincial, j'aimerais savoir si vous jugez que le gouvernement provincial joue son rôle autant qu'il le devrait, à votre avis. Le ministre et ses collaborateurs ont jeté les bases pour nous ce matin, et quiconque est prêt à le faire pourrait ajouter les morceaux manquants.

Le président: Au bout du compte, nous espérons pouvoir établir un ensemble de recommandations. Les recommandations seront en grande partie axées sur les efforts concertés entre les différents ordres de gouvernement — fédéral, provincial et municipal —, car nous croyons qu'il faut réfléchir et prêter attention aux questions de la pauvreté, du logement et de l'itinérance. Nos travaux visent à établir un ensemble de résolutions, de recommandations qui vont clore cette prochaine étape au début de l'an prochain, et nous travaillons actuellement sur les 103 idées. Est-ce que quelqu'un voudrait prendre le relais?

Egbert Walters, directeur général, Community Food Sharing Association of Newfoundland and Labrador: Notre réseau de banques alimentaires couvrant toute la province de Terre-Neuve-et-Labrador a vu une légère réduction de l'utilisation de ses services au fil des dernières années. Nous parlons probablement d'une réduction de 3 à 5p.100 par année. De notre point de vue, compte tenu de la stratégie de réduction de la pauvreté du gouvernement et des importantes retombées économiques de l'industrie côtière, surtout sur la côte Est, il y a quelque chose qui fonctionne. Je ne peux pas mettre le doigt sur la cause exacte, autre que le renforcement de l'économie, mais, de notre point de vue, nous voyons moins de pauvreté. Si nous regardons les chiffres des banques alimentaires à l'échelle de la province, il y a une diminution graduelle de ce type de pauvreté.

Le président: Pouvez-vous nous dire si d'autres voient la même chose dans les secteurs au sein desquels vous travaillez?

M.Galloway: Dans le cadre d'un projet, j'ai eu l'occasion de voyager partout dans la province, y compris au Labrador et dans de nombreuses collectivités. Vous avez parlé de la stratégie de réduction de la pauvreté. Notre organisme, l'Independent Living Resource Centre, a touché un financement triennal de 850000$ pour embaucher 10 personnes handicapées chaque année et leur offrir une formation à la vie autonome. Ils sont placés partout dans la province. L'un des volets du projet consistait à aller partout dans la province et à parler aux consommateurs, les personnes handicapées, pour connaître les obstacles auxquels ils se heurtent actuellement. Je suis récemment revenu de tournée, donc mon esprit est rempli de nouvelles idées.

Je peux vous dire que les personnes handicapées de la province vivent dans la pauvreté. Cela ne fait aucun doute: la plupart des personnes handicapées vivent dans la pauvreté. Oui, je crois que l'on fait de grands progrès grâce à la stratégie de réduction de la pauvreté, mais il reste encore beaucoup de chemin à faire avant d'atteindre les personnes handicapées.

Au Canada, plus de 500000 personnes vivent avec un handicap, et il n'y a pas de mesures de soutien pour les soutenir. J'ai entendu, partout dans la province, des histoires qui vous feraient vraiment dresser les cheveux sur la tête.

Je vais vous donner un exemple. Une femme a parlé de son mari qui a reçu un diagnostic de sclérose latérale amyotrophique, la SLA. Afin d'obtenir des services de soutien pour son mari mourant, la famille a dû se résoudre à le laisser partir. Il a quitté sa famille et est mort seul, afin qu'il puisse obtenir les services de soutien dont il avait besoin et que la famille ne soit pas accablée par le fardeau. Voilà le genre de choses que nous entendons. Il reste encore beaucoup de chemin à faire, surtout au chapitre du logement. Il n'y a à peu près pas de logements accessibles à l'extérieur de St.John's. C'est ridicule. Je sais que nous ne parlons pas de transport aujourd'hui, mais il s'agit d'un autre obstacle pour les personnes handicapées.

Je pourrais continuer encore longtemps, mais je suis certain que d'autres personnes ont quelque chose à ajouter. Je tiens à dire que la plupart des gens handicapés de notre province vivent dans la pauvreté. Notre centre a offert 25000 services l'année dernière, et, de ce nombre, je dirais que 20000 étaient axés sur la pauvreté.

Lana Payne, représentante, Make Work Pay Coalition: Il ne fait aucun doute que notre économie se porte mieux maintenant. Vous n'avez qu'à regarder les coffres du gouvernement provincial pour constater que quelque chose fonctionne bien. La plupart de cet argent, soit dit en passant, provient du secteur des hydrocarbures. La province a vu d'énormes excédents.

Je crois que la question qui s'impose maintenant est la suivante: l'augmentation du PIB dont parlait Egbert Walters est-elle partagée? Cette augmentation a-t-elle un impact sur le revenu des gens et sur leur capacité de subvenir à leurs besoins et à ceux de leur famille? Je ne suis pas certaine que ce soit encore le cas. Il faudra probablement attendre un moment avant que cette augmentation du PIB se traduise par des revenus réels pour les gens, et cela ne se produira que si nous prenons des mesures en ce sens, soit en améliorant les salaires et les avantages sociaux au travail ou en prenant d'autres mesures.

Terre-Neuve-et-Labrador affiche la plus haute prévalence de travail mal rémunéré dans le pays, comparativement à n'importe quelle autre province, et cela n'a pas changé au cours des dix dernières années. Presque le tiers des gens de notre province touchent moins de 10$ l'heure. En même temps, notre PIB s'est accru de façon substantielle au cours des dix dernières années. Nous sommes passés d'un PIB par habitant inférieur de 10000$ à la moyenne nationale à un PIB par habitant supérieur de 10000$ à la moyenne nationale. Il s'agit alors de déterminer dequelle façon l'on peut s'assurer du partage des richesses et faire en sorte que tout le monde profite de cette prospérité. Cela nécessite certains efforts.

La Stratégie de réduction de la pauvreté est un bon début pour assurer ce que j'appelle le salaire social, qui englobe le coût des services de garde et du logement: si l'on investit dans ces choses, le revenu ne sera pas aussi important. Il va sans dire que le revenu est important, mais la dépendance au revenu sera moindre si nous prenons des mesures axées sur les services de garde et les logements abordables, tout en s'assurant que les salaires continuent à refléter le coût de la vie. Je crois que le coût de l'essence, des aliments et tout cela est un fardeau démesuré pour ces personnes à faible revenu qui forment le tiers de notre population active. Et si l'on parle des femmes, le pourcentage est encore plus important: 40p.100 des femmes qui travaillent dans notre province gagnent moins de 10$ l'heure. Nous avons beaucoup de travail à faire.

Le président: Quel est le salaire minimum dans la province?

MmePayne: C'est 8$ l'heure maintenant. Grâce aux effortsde certaines personnes ici présentes, nous avons élaboré une stratégie en vue de parler avec notre gouvernement de l'établissement d'un calendrier pour augmenter le salaire minimum, de sorte que notre salaire minimum sera de 10$l'heure d'ici juillet 2010. Il s'agit d'une augmentation à partir d'un salaire de 6$ l'heure en 2005, alors elle représente une augmentation de 60p.100 sur une période de cinq ans.

Annette Johns, conseillère en service social, Newfoundland and Labrador Association of Social Workers: J'approuve les commentaires de Lana Payne. Nous parlons de certaines de ces choses dans notre organisme, à l'égard de la réduction de la pauvreté. L'égalité économique est le fondement d'une population saine, mais nous ne pouvons pas négliger les autres gradients de santé, comme l'a dit Lana, soit les services de garde, l'éducation et d'autres encore.

Quant à ce qui fonctionne et de ce qui ne fonctionne pas, j'ai un commentaire général à formuler. Nous applaudissons le gouvernement provincial pour sa stratégie de réduction de la pauvreté et son engagement à faire passer le salaire minimum à 10$ l'heure en 2010. Toutefois, d'un point de vue provincial et fédéral, un phénomène qui attire toujours mon attention, c'est la diminution du taux d'imposition. Beaucoup de gens voient cela comme une chose positive, mais nous sommes d'avis que, en général, la réduction du taux d'imposition profite davantage aux gens qui ont un revenu élevé qu'à ceux dont le revenu est faible.

Récemment, j'ai lu un rapport du ministère fédéral des Finances selon lequel les taux d'imposition ont été abaissés, il y a moins de financement et on accuse en fait d'un déficit. Que dit ce rapport en ce qui concerne les dépenses relatives aux programmes sociaux et les priorités? Nous avons tendance à penser que la prospérité devrait être partagée de façon équitable. Or, il nous arrive de tenir compte du principe d'équité, mais parfois, nous devons traiter les gens de façon injuste lorsqu'il s'agit de leur ascension vers l'égalité: par exemple, il existe une nuance entre le taux d'imposition et la réduction générale de l'impôt sur le revenu.

Bridget Foster, directrice générale, Association for New Canadians: Je ne suis pas certaine de la pertinence de mon intervention à ce moment-ci, mais mon domaine d'expertise, si j'en ai un, est lié à l'immigration, aux nouveaux Canadiens. Sous le régime du programme canadien, je crois que nous accueillons 7300 personnes par année à l'échelle du pays, que l'État prévoit prendre en charge pendant au moins un an. On appelle ces personnes des réfugiés parrainés par le gouvernement, des RPG. Actuellement, à Terre-Neuve-et-Labrador, 155 personnes sont orientées vers la province chaque année. Une chose que l'on a pu remarquer au cours des dernières années, c'est que, par le passé, le programme de soutien du gouvernement fédéral destiné à ces personnes, qui dure un an, était conçu pour refléter parfaitement le programme provincial de soutien du revenu, voire l'améliorer un peu. Le programme fédéral a pris du retard, de sorte que le revenu prévu pour l'année — l'argent pour le loyer, l'alimentation et tout le reste — n'est pas au même niveau que le soutien du revenu provincial. Cette situation commence à causer de graves problèmes.

Par exemple, nous voyons de grandes familles, des familles de huit, qui viennent de l'Afghanistan, ainsi que des familles de peuples nomades, qui disposent d'un montant de 433$ pour le loyer. Il est difficile de trouver des propriétaires qui sont prêts à loger huit personnes pour une somme de 433$. Ils peuvent puiser dans leurs autres allocations pour se tirer d'affaires, mais je suis convaincue qu'il y a quelque chose qui cloche ici. Nous prenons l'initiative de poser un geste humanitaire en aidant ces gens, et nous nous empressons de leur dire que l'argent qu'ils touchent pour le loyer ne suffit pas réellement à le payer et qu'ils doivent donc puiser de l'argent ailleurs. Nous parlons de personnes qui, dans bien des cas, n'ont jamais fréquenté l'école et dont l'anglais n'est certainement pas la langue maternelle. La situation est difficile à expliquer, et c'est triste, car ils sont immédiatement jetés sur une pente descendante avant même qu'ils n'aient eu la chance de commencer.

Charmaine Davidge, directrice générale, St.John's Status of Women Council and Women's Centre: Je peux ajouter aux commentaires de Bridget Foster. Le gouvernement provincial améliore la façon dont il fait les choses pour lutter contre la pauvreté et l'itinérance. Le vrai problème, c'est que le gouvernement fédéral manque à ses responsabilités. Il fait un travail médiocre au chapitre des services de garde. Le logement social a été laissé de côté, et la charge de travail de la province augmente. Je crois que les gains découlant des efforts de la province seraient supérieurs si le gouvernement fédéral prenait sa part de responsabilité. Le dossier des services de garde, par exemple, est un fiasco total.

Le président: Je ne crois pas que vous entendrez beaucoup d'objections de notre part sur ces questions. J'aimerais entendre parler de certaines difficultés que doivent surmonter les jeunes. Au chapitre de l'itinérance, je crois comprendre que beaucoup de jeunes s'adonnent au squattage de divan. Sur le plan de l'éducation, il y a le problème de du décrochage au secondaire.

Kerri Collins, parlez-nous un peu de certains problèmes avec lesquels les jeunes sont aux prises, s'il vous plaît.

Kerri Collins, coordonnatrice, Choices for Youth: En ma qualité de coordonnatrice du programme d'action sociale, je peux vous dire que nous avons interagi avec plus de 8000 jeunes âgés de 16 à29 ans depuis la mise sur pied du programme. Je crois que nous sommes en activité depuis environ deux ans. Nous nous occupons en moyenne d'environ 45 jeunes chaque jour. Nous avons des expériences essentiellement semblables à celles relatés par Bridget Foster concernant le financement que son organisme reçoit du ministère provincial des Services à la jeunesse et de l'Éducation postsecondaire et du programme de soutien du revenu du ministère des Ressources humaines, du Travail et de l'Emploi.

La réalité du marché de l'habitation actuel à St.John's, c'est que nous avons de la difficulté à trouver un toit aux jeunes. Ce n'est pas quelque chose qu'ils ont les moyens de se payer. Nous parlons souvent aux jeunes de logements sécuritaires et abordables et, actuellement, cela n'existe pas. Ils peuvent trouver un logement. En général, les jeunes avec qui nous travaillons, au moyen des fonds qu'ils touchent du soutien du revenu, vivent dans des chambres meublées dans le secteur du centre-ville. Cette situation entraîne des complications. Pour les jeunes qui sont aux prises avec des problèmes de santé mentale et de dépendance et qui sont peu instruits et sans emploi, tous les facteurs sont en place pour que ces cycles se poursuivent. Rien ne s'améliore pour eux.

En réalité, lorsque nous regardons ces chiffres, lorsque nous parcourons les rues de St.John's et parlons de l'itinérance, je crois que l'itinérance est encore cachée. Les gens n'ont pas tendance à répondre que, oui, c'est un problème qui afflige la ville de St.John's. Si je dis que nous avons interagi ou été en communication avec plus de 8000 jeunes au cours des deux dernières années, alors, de toute évidence, c'est un problème pour les jeunes de notre ville et de notre province.

Lorsque le logement devient un problème chez les jeunes partout dans la province, à Terre-Neuve comme au Labrador, et ces jeunes n'ont nulle part où aller, on les envoie à St.John's, car les refuges sont là.

Le sénateur Cordy: Je vous remercie tous d'avoir examiné notre rapport et de nous avoir aidés à formuler nos recommandations. Certains d'entre vous ont déjà fait allusion aux défis qui incombent au gouvernement fédéral, et nous regarderons surtout la situation sous cet angle, car nous savons que, au cours des dernières années, les dépenses relatives aux programmes sociaux ont été réduites de façon importante.

Quant au financement de l'alphabétisation, on ne saurait parler d'aider les gens qui vivent dans la pauvreté sans aborder le sujet de l'instruction et de l'alphabétisation. Plusieurs d'entre vous ont déjà mentionné les services de garde; un montant de 100$ par mois, c'est bien beau, mais ça ne procure pas des places en garderie ni des choix pour les familles. Le Programme de contestation judiciaire du Canada a été éliminé, et, encore une fois, ce programme aidait les gens dans le besoin, les femmes et les minorités. Nous avons entendu parler des défis liés aux ententes en matière de logement, dont l'expiration, prévue pour mars 2009, arrive à grands pas. Votre ministre nous a parlé ce matin des défis, et nous avons déjà entendu parler du mal que vous avez à amener le gouvernement fédéral à participer. Mars 2009, c'est dans sept ou huit mois. Ce délai ne nous laisse pas une grande marge de manœuvre. Il est impossible de planifier des projets liés au logement sans être certain que le programme se poursuivra.

J'aimerais qu'Eileen Joe me dise une chose. Je siège à d'autres comités qui s'intéressent aux personnes âgées, et nous avons eu l'occasion de nous rendre dans plusieurs collectivités au Manitoba; nous avons examiné des foyers réservés aux personnes âgées et aux soins de longue durée. Nous avons visité une collectivité qui disposait de nouvelles installations de pointe. Il y avait des systèmes de sécurité pour les personnes âgées atteintes de démence; c'était merveilleux.

Ensuite, le lendemain, nous nous sommes rendus dans une collectivité autochtone à l'extérieur de Winnipeg, et le personnel de l'établissement de soins était absolument merveilleux, mais l'établissement lui-même était vieux et délabré; il y avait un contraste frappant entre ce dont disposait un groupe du Manitoba pour ses aînés et ce dont disposait un groupe d'Autochtones pour ses aînés; d'ailleurs les infirmières qui travaillaient dans la réserve gagnaient moins que celles qui travaillaient à l'extérieur de la réserve, 10 milles plus loin. Cela m'a paru totalement injuste.

Je sais que le logement est un problème répandu, d'un bout à l'autre de la province. Le logement sécuritaire et abordable est un problème dans tout le pays. Quelle est la situation pour les membres des collectivités autochtones et des Premières nations à Terre-Neuve-et-Labrador?

Eileen Joe, coordonnatrice des refuges de Shanawdithit, Centre d'amitié autochtone de St.John's: Oui, il y a un problème de logement chez les Autochtones qui vivent ici en ville. Notre refuge est petit, mais nous faisons notre possible pour intervenir auprès du plus grand nombre de personnes qui passent par nos portes. À l'heure actuelle notre refuge a beaucoup de clients, et des clients autochtones arrivent du Labrador; donc, il arrive souvent que nous n'ayons pas de place pour les Autochtones, et nous devons tenter de leur trouver un autre endroit où vivre, mais le problème existe, c'est certain.

Le sénateur Cordy: Le gouvernement fédéral affecte-t-il des fonds pour les Autochtones hors réserve qui déménagent dans des régions urbaines? Car c'est la situation en Nouvelle-Écosse, où j'habite. La population de la province reste la même, mais la plupart des gens déménagent en ville, à Halifax, alors la population des régions rurales diminue. La population des régions rurales a tendance à être peuplées par des personnes plus âgée. Je crois que le même phénomène se manifeste dans les collectivités autochtones.

MmeJoe: Un grand nombre des Autochtones itinérants que nous voyons à St.John's vivent de l'aide sociale. J'imagine quec'est ainsi qu'ils survivent. Ils ont beau se présenter à notre refuge, ils doivent tout de même obtenir l'approbation des services sociaux. Je crois qu'un grand nombre de personnes qui viennent à St.John vivent de l'aide sociale; ceux que l'on voit, en tout cas. Ce n'est pas pour dire que c'est le cas de tout le monde, mais c'est le cas de beaucoup d'entre eux.

Notre refuge n'est pas financé par le gouvernement; nous nerecevons aucun financement du gouvernement fédéral. J'ai préparé quelques notes avant de venir. Notre revenu est composé de la contribution quotidienne de clients qui demeurent à notre refuge. Si, à la fin de la journée, le refuge n'a pas reçu de clients, c'est à nous que revient la responsabilité de payer le personnel. Nos portes sont ouvertes 24 heures sur 24, sept jours sur sept. Le financement est un gros, gros problème.

Penny Rowe, directrice générale, Community Services Council of Newfoundland and Labrador: Sénateur, j'aimerais revenir à votre première question concernant l'efficacité de la stratégie de réduction de la pauvreté du gouvernement provincial, la façon dont elle sera mesurée et la perception de son impact. Si je regarde en arrière, depuis le temps que je travaille dans ce domaine, un des changements remarquables que je note, c'est que, en général, lepublic reconnaît aujourd'hui l'existence de la pauvreté. Il y a 15ou 20 ans seulement, beaucoup de gens ne croyaient pas que la pauvreté existait. Nous regardions les statistiques, mais les gens ne pouvaient pas observer de manifestation publique de la façon dont vivent les gens pauvres. Je crois que nous avons fait beaucoup de chemin. La stratégie de réduction de la pauvreté est importante à bien des égards, car elle sollicite tous les secteurs de la collectivité. Quand un gouvernement déclare qu'il veut vraiment faire un effort pour réduire le nombre de personnes qui vivent dans la pauvreté la population, au moins, a une ligne directrice, un objectif vers lequel elle peu tendre. Par contre, les gens qui participent aux discussions disent que les bénéfices n'ont pas encore touché tout le monde.

Les discussions des différents intervenants donnent certainement à penser que le pays n'a probablement pas encore bien cerné les différentes causes de la pauvreté. Dans un monde idéal, nous n'aurions peut-être pas besoin de le faire. Certaines personnes ne restent dans la pauvreté que brièvement, tandis que d'autres, comme les personnes handicapées, même lorsqu'elles commencent à toucher un meilleur revenu, demeureront pauvres, parce qu'elles doivent consacrer leur revenu à l'obtention de soins. Nous ne pouvons pas appliquer la même mesure à tout le monde et décider que les gens sous un certain seuil de revenu sont pauvres et les autres ne le sont pas. Je crois que nous devons comprendre qu'il existe des circonstances distinctes.

J'aimerais faire deux ou trois autres commentaires. Je parle maintenant, dans une certaine mesure, de notre travail dans le cadre de Collectivités dynamiques, dont vous avez probablement déjà entendu parler dans d'autres collectivités au Canada. Collectivités dynamiques est le reflet d'un effort visant à rassembler la collectivité pour qu'elle puisse cerner les problèmes et déterminer comment obtenir des résultats précis et apporter des changements dans la vie des gens. Un élément important de cette démarche consiste à tenter de réunir les gens qui vivent dans la pauvreté ou qui en ont fait l'expérience, le secteur des affaires, les gouvernements et les organismes communautaires afin que toute la collectivité puisse aborder ces problèmes globalement.

Quand on pense aux comités sénatoriaux, à ce qu'ils peuvent faire et à ce qu'ils ne peuvent pas faire ainsi qu'à la mesure dans laquelle ils peuvent exercer une influence, force est de reconnaître que les détails importent; mais parfois, le portrait d'ensemble est aussi important.

Nous devrions encourager le gouvernement fédéral à adopter une stratégie de réduction de la pauvreté et à étudier l'ensemble dela situation pour déterminer si l'argent doit être affecté à l'éducation de la petite enfance, au logement, aux néo-Canadiens ou aux jeunes. Si nous avons une stratégie, nous pourrons au moins voir où sont les lacunes et où il faut commencer à prendre des mesures. Sinon, les petits efforts resteront une goutte d'eau dans l'océan: ils n'empêcheront jamais les gens de passer entre les mailles du filet. J'encourage vivement le gouvernement fédéral à adopter une stratégie de réduction de la pauvreté.

Le président: Comment devons-nous poser le problème pour que le gouvernement fédéral y prête attention? Lorsque nous demandons au public, par le truchement de différents sondages d'opinion, quels problèmes sont prioritaires, la pauvreté n'apparaît habituellement même pas dans les choix.

MmeRowe: Dans certains cas, cette priorité gagne du terrain, mais cela est peut-être imputable à la manière dont ces sondages sont conçus. Les résultats peuvent être déconcertants, j'en conviens, et c'est pourquoi je crois que si nous posons cette question à Terre-Neuve-et-Labrador aujourd'hui, la réponse des gens reflétera peut-être une perception différente de la pauvreté et de son importance qu'il y a quelques années; je ne sais pas.

Le président: Est-ce que les gens comprennent mieux le problème? Y sont-ils davantage sensibilisés?

MmeRowe: Oui, je crois que les gens s'aperçoivent de plus en plus qu'il y a un problème. Je ne sais pas si tout le monde est de mon avis. Je vois que Lana Payne hoche la tête.

MmePayne: Oui, je crois qu'une stratégie de réduction de la pauvreté confère une certaine légitimité au problème, en ce sens que l'on reconnaît que nous avons un problème et qu'il faut s'en occuper.

Le président: Oui.

MmeRowe: Ce n'est pas quelque chose qui se fait à coup de programmes sociaux; nous devons plutôt regarder le contexte d'ensemble pour déterminer comment évolue la société.

Le président: Merci de votre commentaire.

J'aimerais poser une question à Nancy Healey, du St.John's Board of Trade. Les gens d'affaires qui connaissent du succès peuvent se révéler très habiles pour résoudre des problèmes; ils le sont certainement dans le cadre de leurs activités. Aux États-Unis, le gars qui a reçu du président des États-Unis le mandat de se charger du problème de l'itinérance a mobilisé des chefs d'entreprise autour d'un plan visant à réduire à néant l'itinérance dans un délai précis; cinq ans, ou quelque chose comme ça. Je ne sais pas dans quelle mesure il réussit, mais selon les premiers rapports, plusieurs collectivités obtiennent de très bons résultats lorsqu'elles sollicitent la participation du milieu des affaires. Qu'est-ce que le milieu des affaires peut accomplir ici pour surmonter ces problèmes?

Nancy Healey, présidente-directrice générale, St.John's Board of Trade: C'est une bonne question. Les gens d'affaires sont là pour exploiter leur entreprise, et c'est ce qu'ils font. Ils embauchent des personnes comme moi pour défendre leurs intérêts, car ils n'ont personne pour le faire auprès du gouvernement. Je représente beaucoup de petites entreprises qui n'ont pas de service des ressources humaines ni de marketing; ce sont de petites entreprises familiales, mais un effort coordonné est nécessaire, c'est certain.

À certains égards, Penny Rowe m'enlève les mots de la bouche. La Stratégie de réduction de la pauvreté pour la province est symbolique et aide à coordonner les efforts. Le document de discussion du comité traitait de la nécessité d'une stratégie à l'échelle fédérale. De nombreux efforts sont déployés par les différents ordres de gouvernement, même au sein du gouvernement fédéral, en vue de réduire la pauvreté. Toutefois, si nous concentrons nos énergies et adoptons une stratégie, nous pouvons accomplir beaucoup de choses.

Les chambres de commerce d'un océan à l'autre sont toujours intéressées par la manière dont on dépense l'argent des contribuables, et elles veulent que cet argent soit injecté là où il aura le plus gros impact. Nous vivons au Canada. Je ne sais pas où nous nous situons dans le palmarès onusien de la qualité de vie, des villes qui offrent la meilleure qualité de vie, mais je crois que nous avons perdu du terrain au cours des dernières années. Je crois que c'est important pour nous. J'aimerais être citoyenne d'un pays qui chérit et qui estime ses programmes sociaux, d'un pays qui veut être l'endroit du monde qui offre la meilleure qualité de vie. Un bon indicateur pour un pays, et pour nous tous, qui avons un rôle de protecteurs et de dirigeants dans notre collectivité ou notre pays, concerne ce que nous faisons pour aider les plus démunis de nos voisins. C'est une bonne indication de la vraie nature de notre société, de notre milieu d'affaires, de notre ville et de notre pays. Je crois que c'est important pour nous tous. Toutefois, nous devons parfois concerter ou coordonner nos efforts au moyen d'une stratégie établie par le gouvernement fédéral. Je ne sais pas si l'on peut arriver à ce résultat en nommant un ministre responsable de la pauvreté. Pour notre part, cela n'a pas été fait expressément, mais nous avons un ministre qui se charge de la stratégie ici à Terre-Neuve-et-Labrador, et cela aide à coordonner les efforts.

Le sénateur Munson: Si je peux ajouter à cela et à ce qu'a dit Penny Rowe, nous avons les 103 options. Évidemment, comme vous l'avez dit, en parlant de ce que les comités sénatoriaux peuvent faire et de l'influence qu'ils peuvent exercer, on obtient effectivement des résultats. Parfois, les gouvernements, peu importe leur allégeance politique, écoutent ce que nous avons à dire. La Commission canadienne pour la santé mentale en est unexemple. L'option 85 de notre rapport consiste à créer un ministère, à nommer un secrétaire d'État à la réduction de la pauvreté, au logement et à l'itinérance. L'option 86 consiste à nommer un commissaire à la pauvreté. Évidemment, il faut façonner ces 103 options pour en arriver à quelque chose de concret. Si nous insistions sur l'adoption de ces deux options, je me demande bien si des personnes ici présentes nous appuieraient? Je siège à ce comité depuis un an et demi, et j'ai participé à l'étude intitulée: Payer maintenant ou payer plus tard: les familles d'enfants autistes en crise. Pour chaque organisme d'aide aux autistes au pays, le terme «national» entre en jeu chaque fois, car les gouvernements ont tendance à diviser les groupes qui ne s'expriment pas avec une seule voix. Je travaille depuis peu à réunir tous ces organismes, les six ou sept groupes, mais ils reviennent toujours au fait qu'il doit exister des normes nationales quelconques pour lier le pays sur le plan social. Ces deux options s'inscrivent-elles dans votre raisonnement, ou, par exemple, l'option relative au commissaire aboutirait-elle seulement à un autre fonctionnaire qui écrit des rapports dans le vide?

MmeRowe: Avec le temps, nombre d'entre nous avons fini par comprendre qu'un ministre qui n'est pas à la tête d'un gros ministère est faible.

Je ne sais pas trop ce qu'un commissaire peut faire de plus qu'attirer l'attention. Si nous instaurions un poste de ministre responsable de la réduction de la pauvreté, du logement et de l'itinérance, je voudrais savoir si ce ministre disposerait d'un gros portefeuille et serait investi de pouvoir réels. J'aimerais aussi intégrer quelques commentaires additionnels au sujet de la petite enfance et de certains des autres secteurs où le gouvernement fédéral est habilité à injecter des fonds. Comme l'ont fait remarquer quelques autres personnes plus tôt, au bout du compte, si le gouvernement fédéral tourne le dos à certains de ces problèmes, les provinces se trouvent dans une situation très embêtante, car elles n'ont pas les ressources pour s'occuper de ces dossiers. Je dis cela car j'y crois, et non pas parce que j'ai l'impression que vous pourrez un jour faire quelque chose pour rétablir la situation.

Le Canada fait face au défi énorme des sphères de compétence. Ce problème survient à l'échelon provincial, à l'échelon fédéral gouvernemental et à l'échelon municipal. Tout est si compartimenté, qu'il est difficile d'aborder un problème global, comme nous venons d'en discuter. On ne peut que s'attaquer aux problèmes qui relèvent de notre ministère ou organisme, et il faut non seulement du pouvoir, mais aussi de l'argent. Pour apporter des changements radicaux, il faut revoir notre façon de penser et peut-être aussi parler des questions de compétence, non pas entreles gouvernement fédéral et provinciaux, mais entre le gouvernement fédéral, les gouvernements provinciaux et les administrations municipales.

Le président: Ces commentaires nous sont très utiles. Je crois que j'ai éliminé assez d'options pour qu'il n'en reste que 101.

J'aimerais entendre deux autres personnes, mais je reviendrai à d'autres personnes par la suite. Nous passerons alors à la prochaine partie. Nous n'avons pas encore entendu Heather Pollett. Je suis intéressé par son point de vue sur les gens aux prises avec des troubles mentaux qui vivent dans la pauvreté. Je sais que, à Toronto, dans ma ville, beaucoup d'itinérants sont aux prises avec différents troubles à cet égard. Certains de ces troubles touchent la toxicomanie. Toutefois, beaucoup de personnes sont difficiles à loger et ont besoin qu'on leur offre des systèmes de soutien individuel particuliers et que l'on défende leurs intérêts. C'est un peu différent de l'itinérance en général. Cette réalité est moins visible. Je ne sais pas si les mêmes difficultés se présentent.

Heather Pollett, analyste des politiques, Santé mentale canadienne, Association canadienne pour la santé mentale — Terre-Neuve-et-Labrador: Beaucoup des gens atteints d'une maladie mentale, et surtout ceux souffrant d'une maladie grave et persistante, vivent dans la pauvreté. Bien sûr, cela leur rend difficile la tâche de trouver un logement. Bien souvent, comme vous l'avez dit, l'itinérance ici est caché. Les gens vivent avec des amis, avec des parents, des choses comme ça. Ils n'ont pas de logement à eux. Dans d'autres cas, ils font la navette entre la rue et l'hôpital Waterford, entre la rue et la prison, des choses comme ça. Loger des gens dans un hôpital ou une prison est beaucoup plus coûteux que leur offrir les services de soutien dont ils ont besoin pour vivre de façon autonome dans la collectivité.

De notre point de vue, de tous les obstacles auxquels les gens font face, le principal est probablement la stigmatisation, qui, d'abord et avant tout, dissuade les gens atteints de maladie mentale de même chercher à se faire soigner, dans bien des cas. Ensuite, bien sûr, si la personne obtient des soins pour ses troubles de santé mentale, c'est la recherche d'un emploi ou d'un logement qui peut poser problème, mais il y a là aussi des obstacles et des attitudes négatives aussi. Les gens qui sont aux prises avec la maladie mentale font face à beaucoup d'obstacles, mais la stigmatisation est l'un des plus gros, et, si l'on s'attaquait à ce problème, on serait déjà beaucoup plus avancé.

Le sénateur Trenholme Counsell: Je suis heureuse d'entendre tous vos témoignages.

Je travaille avec mes collègues depuis un moment à la préparation d'un rapport sur l'apprentissage et la garde des jeunes enfants au Canada, et je trouve intéressant et peut-être même encourageant d'entendre tant de gens faire allusion aux services de garde. Je voudrais demander à Charmaine Davidge de préciser sa déclaration selon laquelle le dossier des garderies était un fiasco, et je crois qu'elle parlait du gouvernement fédéral.

Pourquoi les gens — comme vous, les défenseurs et autres intervenants — ont-ils si peu réagi lorsque le régime fédéral-provincial-territorial de services de garde fondé sur les principes de qualité, d'universalité de l'accès et du développement, QUAD, a été aboli? Est-il possible que l'initiative dont vous parler puisse démarrer sous l'impulsion de la collectivité pour ensuite gagner la classe dirigeante?

Certaines personnes et certains partis politiques veulent voir de l'action sur ce front, et il est possible que certaines plates-formes électorales à venir abordent cette question. Je ne suis pas en mesure de me prononcer sur ce sujet. Y a-t-il des gens passionnés dans le pays, Terre-Neuve-et-Labrador — s'il y a des gens passionnés, c'est bien à Terre-Neuve-et- Labrador — qui sont prêts à exiger la participation du gouvernement fédéral, pas nécessairement au moyen du programme qui a été lancé en 2004 et annulé en 2006? Les provinces, une par une, et les territoires, peut-être dans une moindre mesure, commencent à comprendre le message, et elles prennent des mesures courageuses, parfois même téméraires, au chapitre des normes, des programmes, des nouvelles idées et des nouvelles initiatives. Pourquoi n'a-t-on pas protesté davantage, et pourrait-il y avoir un soulèvement populaire en faveur d'une participation fédérale?

MmeDavidge: Je ne suis pas prête à parler pour les autres, mais je viens du secteur des organismes sans but lucratif, et nous sommes sous-financés. Chaque jour, le personnel répond au téléphone, travaille en première ligne et offre des services directs, il est souvent trop débordé pour prendre une pause le midi et a l'habitude de faire des heures supplémentaires. Pour bien des raisons, nous sommes sous-financés. Actuellement, nous n'avons pas de financement de base du gouvernement fédéral, par exemple, et il existe beaucoup d'autres organismes qui sont sous-financés. Le choix est le suivant: servir la personne qui se trouve devant nous, ou refuser de la servir parce que notre budget a été affecté au lobby.

Le sénateur Trenholme Counsell: Oui.

MmeDavidge: Bien des groupes sans but lucratif sont soumis à des contraintes relatives à leurs activités de lobby.

Le sénateur Trenholme Counsell: Je sais, mais je voulais entendre la réaction de tout le monde à cette question.

Je connais bien Claudette Bradshaw, ex-députée du Nouveau-Brunswick, et peut-être que c'est aussi le cas de certains d'entre vous. Elle applaudirait votre propos, car elle affirme que les organismes sans but lucratif sont à bout de souffle. Ils sont fatigués, éreintés et pauvres; effectivement, c'est une réponse convaincante.

MmeDavidge: Le secteur sans but lucratif a beaucoup d'énergie.

Le sénateur Trenholme Counsell: Oui, bien sûr, l'énergie.

MmeDavidge: Toutefois, les journées sont trop courtes lorsqu'il y a beaucoup à faire.

Le sénateur Trenholme Counsell: Les gens se fatiguent.

Le président: Trois personnes souhaitent parler, et ensuite, je conclurai cette partie de la séance et nous passerons à la prochaine, mais ces volets se chevaucheront de toute façon.

M.Walters: J'ai trois commentaires. Lana Payne a parlé du logement. Nous nous apercevons que, à St.John's, le boom économique du secteur des hydrocarbures est à l'origine de la conjoncture actuelle sur le marché du logement. Le prix des logements grimpe, donc les personnes moins nanties ont de la difficulté à trouver un logement, car leur revenu est faible. Nous savons tous qu'un boum économique est un couteau à double tranchant. En plus des augmentations de prix, beaucoup d'unités dans le centre-ville de St.John's sont achetées et transformées en condos haut de gamme. Par conséquent, le logement social perd du terrain, tandis que les prix augmentent.

Mon autre commentaire est lié à ce qu'a mentionné Kerri Collins au sujet de l'éducation de nos jeunes, et c'est effectivement un problème. J'ai eu la chance d'assister il y a plusieurs mois à une table ronde au sujet des aînés, et j'y ai appris que plus de 130000personnes âgées au Canada sont admissibles au supplément de revenu garanti, mais ne le touchent pas. Le principal problème est en partie imputable au manque de compréhension, d'éducation, d'accès aux ordinateurs et d'alphabétisation.

Brièvement, le troisième commentaire que je veux glisser est lié à la question du pouvoir du milieu des affaires, question à laquelle Nancy Healey a répondu. De notre point de vue, c'est-à-dire du point de vue des banques alimentaires partout à Terre-Neuve-et-Labrador, le milieu des affaires joue un rôle important. Lorsque le secteur des hydrocarbures mène une campagne de collecte d'aliments, lorsque les syndicats, comme les Food and Allied Workers, les Travailleurs canadiens de l'automobile — et le Fonds de justice sociale offrent un programme, lorsque Downtown Development tient une grande parade du père Noël, et quand — comme c'était le cas cette semaine — McDonald et Tim Horton mènent une vaste campagne de collecte d'aliments, chaque composante du programme montre aux gens que la pauvreté existe dans notre région. Le manque d'aliments n'est que le symptôme d'un problème beaucoup plus vaste.

M.Galloway: J'ai trois commentaires. Je voulais commencer par la question qu'a soulevée Penny Rowe concernant la difficulté de travailler avec les différents ordres de gouvernement. Ce commentaire a été énoncé très clairement lorsque j'étais en tournée à Terre-Neuve-et-Labrador, et nous avons également été confrontés à cette difficulté. On pourrait presque croire qu'un ordre de gouvernement se complaît à jeter le blâme sur un autre pour les choses qui sont négligées, plutôt que de se retrousser les manches et de faire ce qu'il y a à faire.

Pour répondre au sénateur qui a demandé pourquoi les organismes sans but lucratif n'ont pas réagi aux changements liés aux services de garde et à ce genre de choses, je voudrais poursuivre le propos de Charmaine Davidge. Le secteur des organismes sans but lucratif est sous-financé. Le gouvernement fédéral et notre gouvernement ont dernièrement rendu la tâche difficile au secteur des organismes sans but lucratif, en particulier parce qu'ils refusent d'injecter des fonds dans un organisme qui s'adonne à des activités de promotion des droits. C'est un sujet tabou au gouvernement. C'est souvent ce en quoi consiste notre travail. J'ai quelques réserves par rapport à cette approche.

L'autre chose que j'ai à dire concerne les tierces parties, car, franchement, les personnes handicapées commencent en avoir assez que l'on rémunère des tierces parties pour qu'elles prennent les décisions en leur nom. On ne consulte pas directement les personnes handicapées. Les gouvernements et les professionnels des soins de santé prennent des décisions. Les gens parlent rarement, voire pas du tout, aux personnes handicapées directement.

J'ai entendu les personnes handicapées déclarer haut et fort qu'il n'y a pas d'appartements accessibles dans notre province. La période d'attente pour un appartement accessible est de un à trois ans, et il faut déménager à St.John's pour en profiter. Des gens de partout dans la province sont contraints à quitter la collectivité dans laquelle ils ont grandi s'ils veulent un appartement accessible. Ils doivent déménager à St.John's, puis ils doivent attendre encore trois ans pour trouver un logement. Les jeunes ne peuvent pas quitter leur maison et leurs parents, parce qu'il n'existe aucune mesure de soutien à leur intention. Nous avons parlé du financement et des mesures de soutien réservées aux personnes handicapées, comme les prestations d'invalidité du Régime de pensions du Canada. Il est possible de toucher du financement de cette façon, mais la province réduit en conséquence l'aide qu'elle consent. Ce genre d'incohérence sur le plan financier entre le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial rend la vie des personnes handicapées pratiquement impossible. Si les gouvernements fédéral et provinciaux ne se mettent pas d'accord sur deux ou trois choses, rien ne changera pour les personnes handicapées.

MmePayne: Pour ce qui est des services de garde, je crois que beaucoup de personnes ici présentes ont consacré quantité de temps à promouvoir les services de garde dans le cadre de leur travail. J'ignore combien de pages de journaux j'ai noircies sur le sujet des services de garde, probablement plus que sur n'importe quel autre sujet. Il suffit de travailler et d'être mère d'un enfant de sept ans pour devenir militante. Je crois que ce qui s'est produit avec les services de garde, c'est qu'on a coupé les ailes du mouvement de promotion des services de garde partout au pays en annulant les ententes. Dans notre propre province, je sais que cela a freiné notre élan. Nous avons perdu 53 millions de dollars en financement lorsque les ententes ont disparu. Il a fallu tout rebâtir et se résoudre à demander au gouvernement provincial de prendre la relève. Je crois que nous avons perçu le gouvernement fédéral — à la longue, peut-être — comme une perte de temps. Il demeurait insensible à tous les arguments sur l'apprentissage et les services de garde de la petite enfance, alors les personnes decemouvement ont recentré leurs efforts et ont ciblé les gouvernements provinciaux. C'est déplorable, car le gouvernement fédéral a clairement un rôle à jouer, comme l'a dit Penny Rowe, entre autres, dans l'apprentissage et les services de garde de la petite enfance. Je doute que le gouvernement actuel ne fasse jamais quoi que ce soit pour régler ce problème. Les gens ont adopté des stratégies relatives à ce qu'ils devaient faire et ont commencé à cibler leur gouvernement provincial pour combler l'écart.

Le président: J'aimerais qu'on passe au prochain volet, mais vous pouvez toujours soulever toute question que vous souhaitez; la discussion n'est pas limitée à ce volet. J'aimerais ajouter la question des mesures de soutien du revenu: un programme de réduction de la pauvreté n'est pas une simple question de mesures de soutien du revenu, mais cet élément fait l'objet d'un grand nombre d'options dans notre rapport. Par exemple, nous avons entendu parler de certaines imperfections du régime d'assurance-emploi; les mesures de soutien varient, par exemple, d'un endroit à l'autre du pays, entre les hommes et les femmes, etcetera. Certaines personnes croient que nous devrions revenir aux éléments fondamentaux d'un régime d'assurance, et que nous nous sommes trop éloignés de l'essentiel. Différentes régions du pays profitent plus ou moins du régime. Il y a toute la question du bien-être social et de l'assistance sociale qui ratent souvent leur cible, c'est-à-dire les personnes qui ont besoin d'aide. L'abandon des systèmes de bien-être au profit des mesures de soutien suffisantes dans le monde du travail; ce genre de transition est un gros problème. On a parlé de l'augmentation du salaire minimum et de la prestation fiscale canadienne pour enfants. Il y a aussi le revenu annuel garanti, question soulevée par le comité du sénateur Croll, qui a rédigé en 1970 le premier rapport sur la pauvreté. Certaines personnes se sont remises à en parler. Notre rapport expose quelques possibilités relatives à la conception de ce programme. Concernant les systèmes de soutien du revenu, qu'est-ce qui fonctionne, qu'est-ce qui ne fonctionne pas, est-ce que tout est brisé, est-ce que tout est mauvais? Penny Rowe, qu'en pensez-vous?

MmeRowe: Est-ce que je peux prendre une pause?

Le président: Après avoir répondu.

MmeRowe: D'aucuns affirmeraient qu'ils ne fonctionnent pas bien du tout, car ces mesures ne permettent pas aux gens d'avoir un revenu suffisant pour vivre correctement, mais c'est imputable à l'ensemble de mesures disparates dont nous sommes dotés. Nous avons fait beaucoup de chemin. Prenons les prestation pour la garde d'enfants et d'autres prestations et envisageons-les du point de vue de la pauvreté abjecte: le pays a quand même fait beaucoup de progrès. Je ne crois pas que le système est complètement brisé, pas du tout. Je crois que l'on a besoin de renforcer et d'améliorer beaucoup de choses, et il faut lui donner une meilleure cohésion.

Je crois que c'est Egbert Walters qui a dit que les gens ne savent même pas ce à quoi ils sont admissibles. Si nous prenons le supplément de revenu garanti, le SRG, un grand nombre de personnes âgées ne présentent pas de demande. Je sais, grâce à l'un de nos programmes, qui vise exclusivement à aider les gens à comprendre leurs droits dans le cadre du système de soutien social, du système de maintien du revenu ici à Terre-Neuve-et-Labrador, que les gens ne connaissent pas leurs droits. Le problème est-il causé par les programmes, la communication ou les personnes? Je l'ignore, mais je sais que les programmes ne sont pas utilisés à leur plein potentiel, donc je crois qu'il y a une lacune sur le plan de l'information. Comment rétablir la situation, je l'ignore.

Le président: Vous dites que nous avons fait des progrès, mais, en 1989, la Chambre des communes a adopté une motion selon laquelle la pauvreté infantile serait éliminée d'ici l'an 2000. Le taux de pauvreté infantile aujourd'hui est à peu près le même qu'il l'était en 1989, donc cette initiative a échoué.

MmeRowe: Oui, mais je poserais la question et j'y répondrais probablement en racontant une histoire.

Au milieu des années 1990, je me suis déplacée partout dans la province, et je suis allée dans beaucoup de petites collectivités, j'ai parlé à des jeunes, à des personnes âgées et à des personnes très âgées. J'ai été étonnée d'entendre tant de personnes âgées parler des pauvres petits enfants. Or, ces personnes auraient grandi dans de rudes circonstances dans de petites collectivités rurales de la province, et j'avais de la difficulté à comprendre comment ils pouvaient parler des pauvres petits enfants des années 1990 après ce qu'ils avaient vécu. J'ai finalement commencé à leur demander: «Pourquoi considérez-vous que les enfants sont si pauvres aujourd'hui par rapport à ce que vous avez dû vivre en grandissant, alors que vous n'aviez à peu près rien comparativement à ce que possèdent les gens aujourd'hui?» Leur réponse était claire: lorsqu'ils étaient petits, la responsabilité de leur père était limité à leur fournir un toit, réserver assez de poisson et de pommes de terre pour les nourrir et un peu de bois pour les tenir au chaud. C'était tout, tandis qu'aujourd'hui, s'il y a un problème, les gens sont toujours responsables de payer leur voiture, leur téléphone, leur câble, leur hypothèque et de s'occuper de leurs enfants. En d'autres mots, les gens n'ont plus besoin des mêmes choses, donc je ne crois pas que l'on puisse comparer les deux époques. Je sais que vous vous fiez probablement au seuil de faible revenu, au SFR, et à différentes mesures, mais le fait est que la pauvreté n'est pas le même problème qu'avant. Cela n'allège pas le problème; c'est toujours de la pauvreté, mais je crois qu'il faut prendre certaines choses en compte, et la question à laquelle voulaient en venir ces femmes touche l'inégalité. Lorsque certaines personnes sont très prospères tandis que d'autres ne le sont pas, l'écart est tout aussi pénible que la vraie pauvreté, le genre de pauvreté qu'ont vécu les gens en 1920 ou en 1930. Il faut mettre tout cela en perspective. Lorsque je dis que nous avons fait beaucoup de chemin, je le crois sincèrement. Je crois qu'il y a probablement plus de personnes qui terminent leurs études, plus de personnes qui vont à l'université et plus de personnes qui adoptent un meilleur mode de vie, mais il y a toujours des gens qui n'ont pas fait autant de chemin.

Le président: D'accord, je vous laisse reprendre votre souffle maintenant.

MmeFoster: Je me demande si nous pouvons tirer des leçons.

Il y a dix ans, peut-être plus longtemps, chaque organisme au pays qui s'occupait des immigrants — comme le mien — tentait par tous les moyens de faire valoir que des personnes arrivaient ici avec de bonnes compétences et n'arrivaient pas à trouver un emploi. On nous a ignoré complètement personne ne voulait nous entendre, et on nous disait de retourner d'où nous étions venus et de nous taire. Ensuite, on s'est rendu compte qu'il y avait au Canada une incroyable pénurie de main-d'œuvre d'un océan à l'autre. Sans les immigrants — et ce n'est pas parce que j'ai un parti pris —, nous n'avons aucune chance de combler la demande à venir. Je crois que chaque nouvel emploi d'ici 2012 sera confié à un immigrant. Puisque cette prise de conscience émanait de — j'imagine que c'est le gouvernement fédéral qui a pris cette initiative —, tout d'un coup, beaucoup d'argent et de ressources ont été dégagés pour que l'on prenne en main ce problème, de sorte que, maintenant, le ministère des Ressources humaines et du Développement social du Canada, RHDSC, et Citoyenneté et Immigration Canada disposent de gros budgets — selon ma définition, à tout le moins — pour s'attaquer à ce problème. Lorsque les gens vivent une situation d'itinérance ou de pauvreté, je crois que la survie devient leur seule motivation pour se lever le matin. Je me demande pourquoi nous ne pouvons pas envisager cela comme une façon d'aider les gens et peut-être d'accroître leur revenu, entre autres choses, afin qu'ils puissent croire à leur capacité d'occuper un emploi. Une telle mesure aurait des répercussions positives par ricochet, car il est actuellement impossible de trouver quelqu'un à St.John's pour peindre un mur ou tondre le gazon. Je suis convaincue que si certains jeunes étaient plus à l'aise dans leur situation ou voyaient une lueur au bout du tunnel, cela profiterait à l'ensemble de la collectivité.

Le sénateur Cordy: En matière de programmes de soutien du revenu, nous avons discuté de l'assistance sociale, mais nous nous penchons aussi sur les programmes en place au Canada. Les prestations d'assurance-emploi en seraient un exemple. L'une des choses que j'ai entendues, et je ne me souviens pas si c'était dans ce comité ou dans un autre comité auquel je siège, c'était la question de savoir si les prestations de maternité et les prestations parentales, les congés pour événements familiaux malheureux et les congés de maladie devraient faire partie du régime d'assurance-emploi. Si nous prenons, par exemple, les prestations de maternité et les prestations parentales, le Québec, parce qu'il dirige son propre programme, offre un programme de loin meilleur à celui des autres provinces et territoires du Canada. La province offre des choix aux parents dans ce domaine. Si l'on regarde les prestations de maternité et les prestations parentales, il est étonnant de constater que presque 50p.100 des gens ne sont pas admissibles aux prestations d'assurance-emploi. C'est peut-être parce qu'ils sont travailleurs autonomes ou n'ont pas accumulé le nombre d'heures exigé. En fait, les gens qui sont le plus susceptibles d'être admissibles à des prestations parentales et à des prestations de maternité sont ceux qui sont plus âgés et mieux instruits. Ceux qui en ont le plus besoin n'y sont pas admissibles. L'une des choses que j'ai lues dans la documentation sur ce sujet, c'est que ces programmes — les prestations de maternité et les prestations parentales, les congés pour événements familiaux malheureux et les congés de maladie — devraient être retirés du régime d'assurance-emploi et faire l'objet d'un programme distinct qui n'impose pas toutes ces restrictions relatives aux heures et ce genre de choses.

Je peux voir que Lana Payne a hâte d'aborder ce sujet. Je lui ai seulement ouvert la porte.

MmePayne: Tout d'abord, j'aimerais savoir où vous trouveriez les trois ou cinq milliards de dollars qui financeront ces programmes, si les fonds ne proviennent pas du Fonds d'assurance-emploi, car je crois qu'il faut y penser. Je doute que le gouvernement actuel — ou n'importe quel autre, d'ailleurs — ait envie d'établir un nouveau programme à ce chapitre. Ensuite, je crois que ces programmes ont leur place dans le régime d'assurance-emploi.

Le sénateur Cordy: C'était seulement une question, soit dit en passant. Je n'exprimais pas mes propres idées. Je cherchais seulement à obtenir des commentaires.

MmePayne: Tout d'abord, il faut accorder un certain mérite au regroupement des questions relatives aux enfants, au travail et à tout cela. Une nouvelle séparation causerait d'énormes problèmes. Voilà qui soulève tout un tollé. Les protestations entourant la question des soins de la petite enfance n'ont peut-être pas été à la hauteur de vos espérances, mais ce serait assurément la guerre si les prestations de maternité et les prestations parentales étaient retirées du régime d'assurance-emploi et remplacées, je crois, par des prestations moins avantageuses. Nous ne devrions pas jeter le bébé avec l'eau du bain; il faut arranger ce que nous avons déjà. Le régime d'assurance-emploi n'est pas horrible. Plusieurs d'améliorations y ont été apportées depuis 1996; on a apporté des changements jusqu'en 2004. Certains changements ont été mis en œuvre au moyen de projets pilotes, et d'autres, en vertu de modifications de la loi. Il y a encore beaucoup de travail à faire. Pourquoi ne pas arranger ce qui est déjà là au lieu de créer quelque chose de complètement nouveau? Je crois que le régime pourrait être arrangé, et il y a amplement d'argent pour le faire. Nous avons récemment radié un surplus de 54 millions de dollars de ce fonds, chose franchement scandaleuse; cet argent aurait pu servir à investir dans ce programme pour améliorer les prestations et la formation, augmenter les prestations de maternité et les prestations parentales ou autre chose. Nous avions tellement d'argent que nous aurions pu avoir le meilleur régime au monde. Il n'est pas trop tard pour le faire. Je crois que nous devons améliorer ce que nous avons.

Le président: Devrions-nous consacrer à des programmes de formation l'argent radié du Fonds d'assurance-emploi? Un petit pourcentage du Fonds d'assurance-emploi est destiné aux programmes de formation. Bien des personnes qui en ont besoin n'y sont pas admissibles.

MmePayne: C'est vrai.

Le président: Devrions-nous mettre en place un fonds distinct pour la formation ou devrions-nous, encore une fois, laisser cet aspect dans l'assurance-emploi?

MmePayne: Je crois qu'il y a deux choses que nous pouvons faire à l'égard de la formation. Premièrement, nous avions autrefois un fonds distinct. Le gouvernement fédéral avait l'habitude d'injecter environ un milliard de dollars dans des programmes de formation partout au pays qui ne s'inscrivaient pas dans le régime d'assurance-emploi, mais une fois tous ces changements mis en œuvre, dans les années 1990, la responsabilité incombait uniquement au régime d'assurance-emploi. Le programme tient en partie au fait qu'une personne doit être admissible aux prestations d'assurance-emploi pour accéder à ces fonds, ce qui exclut beaucoup de personnes qui auraient besoin d'une formation. Bien sûr, la formation est déléguée aux provinces par le truchement des négociations liées aux ententes sur le marché du travail. Pratiquement toutes les provinces ont conclu une entente. Je m'attends à ce que notre propre province le fasse aussi. Le problème, c'est qu'il s'agit d'une somme d'argent négligeable, et une fois qu'elle est dépensée dans l'année, nous n'avons plus rien. Dès qu'une province effectuera des restructurations économiques et aura besoin de mettre en place des programmes d'adaptation, l'argent sera rapidement dépensé. Je crois que cela a permis au gouvernement fédéral de tourner le dos à ses responsabilités relatives à la formation, à une stratégie à l'égard du marché du travail ou à l'une ou l'autre des choses dont parlait Bridget Foster: comment peut-on s'assurer que les immigrants trouvent un emploi, un bon emploi, et qu'ils s'intègrent au marché du travail? Toutes ces questions sont actuellement laissées entre les mains des gouvernements provinciaux. Je ne sais plus ce que fait le gouvernement fédéral, franchement, à l'égard de toutes ces questions.

Le sénateur Cordy: Le gouvernement fédéral, le gouvernement actuel, parle de retirer l'assurance-emploi — il n'en parle pas, il va le faire. Essentiellement, il va privatiser l'assurance-emploi. Je crois que cette démarche nous fera mal.

MmePayne: Pour que vous le sachiez, dans notre province, en vertu, entre autres, de l'entente sur le développement du marché du travail, nous touchons probablement environ 900 millions de dollars à un milliard de dollars en fonds d'assurance-emploi chaque année. Il s'agit d'un énorme programme de soutien du revenu, surtout pour les régions rurales, où la plupart des emplois sont saisonniers. Une telle démarche aurait un effet dévastateur. On peut simplement faire une croix sur les collectivités rurales si cela se produit. Je crois que l'assurance-emploi devrait être un régime d'assurance sociale: c'est pour cette raison qu'on l'a conçue. Elle ne devrait pas prendre la forme dont vous parlez; un régime d'assurance privé, où nous payons au fur et à mesure, comme nous le ferions avec une police d'assurance contre l'incendie. Cela éliminerait complètement le volet «distribution du revenu» de ce régime. Le régime ne serait plus en mesure de stabiliser les collectivités, ce qu'il a fait jusqu'à maintenant. Ce serait une catastrophe.

Le sénateur Cordy: Je suis d'accord avec vous.

Le sénateur Munson: Je suis curieux, également, à l'égard de ce qu'il faudrait faire pour une autre génération perdue; ces hommes et ces femmes entre l'âge de, disons, 50 et 64 ans. Je sais que nous ne voulons pas nécessairement établir un programme de protection «du berceau à la tombe» pour notre société, mais je crois que Penny Rowe a mentionné le fait qu'il existe effectivement des programmes. Quand une personne atteint l'âge de 65 ans, il y a des bonnes choses pour elle si elle sait que les programmes sont là, et il y a des prestations pour enfants, et les gens peuvent en tirer parti s'ils savent que ces mesures existent. Toutefois, une génération est à la dérive. J'ai dit au ministre ce matin que nous avons tous des amis qui travaillent jusqu'à l'âge de 60 ou 55 ans. Ensuite, quelqu'un décide qu'ils ne sont plus aptes à travailler, donc ils sont expulsés du marché du travail, qu'il s'agisse de travailleurs spécialisés ou pas. Ensuite, cette personne est sur la corde raide, elle vit avec ses parents à l'âge de 61 ou de 62 ans, ou elle touche des prestations d'aide sociale. Ensuite, tout d'un coup, à l'âge de 65 ans, ce pourquoi tout le monde a lutté se réalise. Est-ce que ce problème existe à Terre-Neuve-et-Labrador, ce phénomène où les gens, pendant cette période de 10 ou 15 ans, vivent dans l'ombre, dans un endroit où ils sont considérés comme des parias?

Le président: Est-ce que quelqu'un voudrait continuer sur cette question?

Le sénateur Munson: Ce phénomène est très courant à beaucoup d'endroits en Ontario. Que faisons-nous pour les gens qui sont...

Le président: Ils ne sont pas encore tout à fait admissibles à la Sécurité de la vieillesse ni au Supplément de revenu garanti, mais ils sont en fin de carrière et trouvent ça difficile.

MmeFoster: Convainquez-les de venir à St.John's. Je peux en embaucher quatre demain. Nous ne pouvons pas trouver de gens pour conduire nos camionnettes et faire des travaux d'entretien général et des choses comme ça.

Le sénateur Munson: Je voulais mettre cette question de l'avant pour un autre jour.

M.Walters: J'aimerais donner suite au commentaire de Penny Rowe au sujet de sa tournée dans les régions rurales de Terre-Neuve au cours de laquelle les personnes âgées parlaient lui parlaient des pauvres enfants. Nous avons tous déjà vu des passages de films illustrant les épreuves des années 1930, où des hommes en casque de tweed vêtus de longs manteaux de tweed allaient, la tête basse, faire la queue pour un bol de soupe. Nous ne voyons plus de telles choses. Nous voyons aujourd'hui des gens dans des soupes populaires et des banques alimentaires qui ne sont peut-être pas aussi bien vêtus que vous, mais aussi bien vêtus que moi. C'est ce que nous voyons. Il pourrait s'agir de votre voisin d'à-côté. C'est quelque chose.

Un homme m'a déjà dit qu'il avait grandi sur l'Île Fogo, dans la région de Tilting. Il ne se sentait pas pauvre, dans la mesure où tout le monde autour de lui était dans le même bateau, où tout le monde était pauvre. Ils avaient du poisson et des pommes de terre. Nous ne voyons pas vraiment ce phénomène à l'heure actuelle, mais nous sommes confrontés à ses répercussions.

Si nous parlons d'itinérance, certaines personnes à St.John's vous diront que ce phénomène n'existe pas dans leur ville. L'itinérance n'est pas visible, mais elle est là. Vous avez aussi mentionné ce point. Il faut faire quelque chose pour s'attaquer à tous ces problèmes, que l'initiative découle du gouvernement fédéral ou provincial ou de l'administration municipale. Il faut s'investir davantage dans l'étude de cette question.

M.Galloway: Pour ce qui est de l'idée d'un revenu garanti, en particulier pour les personnes handicapées, je crois que c'est un pas dans la bonne direction pour les personnes handicapées. Je ne dis pas que cette mesure serait le summum de ce qu'il faut accomplir, car je crois qu'il y a un risque que le revenu garanti devienne à la fois un seuil et un plafond pour les gens. Il faut une certaine souplesse. Au bout du compte, pour les problèmes complexes liés aux personnes handicapées, il faut aborder chaque chose sous la perspective du handicap. À Terre-Neuve-et-Labrador, par exemple, nous parlons de la disponibilité des emplois. Les personnes handicapées doivent avoir accès à leur collectivité, sinon, elles ne peuvent pas travailler. Parfois, les gens ne peuvent pas sortir de chez eux et n'ont pas accès à un moyen de transport pour se rendre au travail. Les services adaptés dont ils ont besoins sont si coûteux que, si la personne commence à travailler, chaque sou qu'elle gagne est consacré au paiement de ces services.

Une femme, par exemple, m'a dit qu'elle s'est fait offrir un emploi à 10$ l'heure. Elle a accepté l'emploi et a commencé à travailler. Dès ce moment-là, toutes les mesures de soutien ont été retirées. Elle débourse environ 9,37$ l'heure ou quelque chose comme ça, pour qu'un travailleur de soutien lui permette d'accomplir sa tâche. Essentiellement, elle a pu conserver 70centsl'heure; c'est le salaire qui lui resterait si elle gardait l'emploi. Elle a fini par devoir abandonner le poste, car il n'y avait aucune possibilité de l'indemniser de ses frais liés aux mesures de soutien.

Je crois qu'un revenu garanti serait une mesure positive pour les personnes handicapées. Je crains seulement que cela devienne un plafond. Il y a tant d'autres facteurs qui peuvent nuire à une personne handicapée que je ne voudrais pas voir une situation où la personne qui touche un revenu garanti est ensuite laissée à elle-même.

Le président: Il faut que des services de soutien soient en place aussi.

M.Galloway: Oui, je sais que, en Colombie-Britannique, on a deux niveaux pour les personnes handicapées, et si une personne est handicapée à un certain degré, oui, on paiera toutes ses dépenses, mais cela veut aussi dire que ces personnes n'ont pas la possibilité de suivre une formation pour trouver un emploi; on les considère comme des citoyens de second ordre.

Je ne sais pas si vous avez pris connaissance de la stratégie de vie autonome quinquennale instaurée récemment en Grande-Bretagne, il y a environ un an. Elle a été appuyée par le premier ministre. C'est un document exceptionnel. On y parle explicitement du fait que les personnes handicapées doivent être consultées sur tout. Elles doivent tenir les rênes de leur propre vie et prendre leurs propres décisions.

Je vous recommande vivement de jeter un coup d'œil à cette stratégie, car elle nous indique la voie de l'avenir pour les personnes handicapées.

MmePollett: J'aimerais faire un commentaire au sujet du soutien du revenu pour les personnes ayant une maladie mentale. Dans la province, de toutes les personnes qui ont un lien avec l'hôpital Waterford — l'établissement de soins de santé mentale de notre province —, qui utilise ses services et profite de ses programmes, de 40 à 50p.100 touchent un soutien du revenu. Ce nombre est élevé.

Selon les chiffres canadiens, 80 ou 90p.100 des personnes aux prises avec une maladie mentale grave et persistante sont au chômage, mais cela ne veut pas dire qu'elles ne peuvent pas travailler. Ce que je veux dire, c'est que beaucoup de personnes qui vivent du soutien du revenu peuvent travailler. Compte tenu du fait que notre province devient plus prospère et que nous avons de plus en plus de mal à trouver des personnes pour combler des postes, je crois qu'il faut prêter une attention particulière à ce problème. Des personnes ayant des maladies mentales pourraient occuper ces emplois. Des personnes souffrant de maladies mentales qui veulent travailler, peuvent le faire et ont les compétences, la passion et tout ce qu'il faut pour travailler ont besoin d'un emploi utile et bien rémunéré.

Il faut penser à offrir un soutien aux personnes ayant une maladie mentale et à les aider à faire la transition du soutien du revenu vers un travail utile. Il faut faire attention au type de travail que peuvent faire ces personnes, et ne pas penser que leurs capacités sont limitées. Certaines personnes pourraient avoir besoin de mesures de soutien. D'autres pourraient avoir besoin d'une certaine souplesse du milieu de travail.

Le président: Vous avez raison.

MmeFoster: Ne manquons jamais de respect aux personnes qui ont besoin de mesures de soutien ou d'autre choses. Ce problème me vient à l'esprit presque chaque semaine, lorsque je pense au programme fédéral de santé intérimaire à l'intention des immigrants, qui prend en charge les besoins en matière de médicaments et autres, et à la province, naturellement, qui est doté d'un programme ayant pour but d'aider les gens qui touchent un soutien du revenu. Je n'aurais jamais cru voir cela un jour — j'imagine que j'ai été assez chanceuse pour survivre et atteindre la soixantaine, alors je devrai peut-être chercher un autre emploi—, mais un prestataire du programme fédéral n'est admissible qu'à un appareil d'aide à l'audition. Si cette personne peut renoncer à ce programme et recourir au soutien du revenu provincial, elle peut obtenir deux appareils d'aide à l'audition.

Actuellement, la situation est la suivante: des gens veulent renoncer au soutien du revenu fédéral et recourir au programme provincial, car il offre plus d'options. Quelque chose ne va pas du tout. Soit une personne a besoin de deux appareils d'aide à l'audition, soit elle n'en a pas besoin. C'est comme si on leur disait qu'elles ne peuvent avoir qu'un seul dentier: celui du haut ou celui du bas.

M.Galloway: Mais c'est la réalité.

MmeFoster: Je crois que c'est horrible. On ne traite pas les gens avec dignité, loin de là.

Le président: C'est justement pour cette raison que le respect de la dignité et l'élimination de la stigmatisation sont des aspects importants de notre étude.

Nous avons parlé de personnes handicapées, et elles constituent une proportion importante de la charge de travail en matière d'assistance sociale ou d'aide sociale. Je ne sais pas quel est le pourcentage ici comparativement à celui de ma province, l'Ontario, mais le chiffre est élevé en Ontario. Si les personnes handicapées disposaient d'une certaine forme de revenu annuel garanti, la stigmatisation serait éliminée. Il serait fondé sur l'impôt sur le revenu et l'argent serait remboursable, ou le prestataire se trouverait dans une situation d'impôt négatif; l'argent lui serait remboursé s'il avait un faible revenu. Ce sont seulement certaines des mesures que nous avons examinées.

Le Caledon Institute of Social Policy a conçu tout un cadre pour définir la façon d'aborder différents programmes de soutien du revenu. Dans ce cadre, on pourrait intégrer les personnes ayant des handicaps graves à un programme de revenu annuel garanti, et les personnes qui pourraient participer à la population active, malgré un certain handicap, certains troubles, pourrait participer à des programmes de formation et ce genre de choses. Les chercheurs de l'institut proposent une nouvelle architecture.

MmeCollins: J'ai deux ou trois commentaires. Au sujet de l'itinérance cachée à St.John's, j'ai eu la chance de pouvoir faire des recherches, il y a quelques années, avant de mettre en marche notre programme d'action directe. J'ai eu l'occasion de me déplacer partout au pays pour étudier différents programmes en place dans les grands centres urbains, comme Vancouver, Toronto et Montréal.

Je crois que l'une des choses que nous constaterons au fur et à mesure que notre économie s'améliore, c'est que l'écart entre les riches et les pauvres s'accentuera. Je sais, par mon expérience professionnelle, que l'itinérance à St.John's est de plus en plus manifeste. Si vous regardez le cœur du centre-ville, le problème d'itinérance dans notre ville est on ne peut plus évident.

Pour ce qui est de mon deuxième commentaire, je sais que j'ai mentionné plus tôt que, au cours des deux dernières années, nous avons servi 8000 jeunes. Il nous a été donné de rencontrer à St.John's plus de 600 jeunes et de travailler avec eux pour surmonter certains des obstacles auxquels ils font face. Chez ces jeunes, 68p.100 ont décroché de l'école, et 73p.100 n'ont jamais occupé d'emploi. Je crois que ces chiffres sont très représentatifs de la population des jeunes. D'après ce que nous voyons, pour la majeure partie, ces jeunes n'ont pas pu grandir avec leur famille pour un certain nombre de raisons, ou, en grandissant, ils ont décidé de partir ou on leur a demandé de le faire. Lorsque nous commençons à travailler avec les jeunes, nous nous rendons compte que nombre d'entre eux bénéficient du programme de soutien du revenu qui s'inscrit dans les services aux jeunes. Nous voyons des variations à l'égard de la loi provinciale; certains jeunes sont admissibles à l'âge de 18 ans, et d'autres, à l'âge de 21ans. Pour eux, il s'agit d'un système à deux niveaux dès le départ. Ensuite, lorsqu'ils passent au système de soutien du revenu pour les adultes de RHTE, que ce soit à l'âge de 18 ans ou de 21 ans, lorsqu'ils cessent d'être admissibles au programme de service aux jeunes, le revenu qu'ils touchent baisse de façon importante. Nous travaillons avec eux, idéalement, jusqu'à ce qu'ils aient atteint l'âge de 21 ans, et nous leur offrons un soutien lorsqu'ils disposent d'un certain niveau de revenu. Ensuite, ils subissent une énorme diminution du soutien du revenu qu'ils touchent. Encore une fois, à l'instar des mesures de soutien à l'intention des personnes handicapées, une grande partie des mesures de soutien seront retirées, car aucun financement n'est en place.

Le président: Il faut établir des programmes de transition.

MmeCollins: Oui.

Le président: Permettez-moi de demander quelque chose à Nancy Healey. Lana Payne a parlé plus tôt de la progression des hausses du salaire minimum. Que pense le milieu des affaires du salaire minimum? À quel point les entreprises sont-elles réceptives ou non au plan du gouvernement actuel — parce que nous allons devoir répondre à cette question dans d'autres parties du pays. Ici, le gouvernement provincial a un plan, mais ce ne sont pas toutes les provinces qui en ont un, et c'est quelque chose qui préoccupe certaines des autres provinces. D'une part, elles entendent dire que nous devons majorer le salaire minimum pour que les gens puissent vivre décemment. D'autre part, il y a des gens qui nous disent que l'augmentation du salaire minimum peut avoir pour effet de ralentir l'économie.

MmeHealey: Dans la province, la rémunération hebdomadaire moyenne a augmenté de 18,9p.100 au cours des cinq ou six dernières années. Je vais vous trouver le chiffre exact que donne Statistique Canada. Pour ce qui est de faire passer le salaire minimum à 10$ l'heure, les salaires ont augmenté, peut-être pas aussi rapidement que certaines personnes le souhaiteraient, mais les gens ont vu leur salaire augmenter. La rémunération hebdomadaire moyenne est passée de 568$ en 2002à 675$ en 2007, ce qui veut dire qu'elle a augmenté de 18,9p.100. Cependant, hausser le salaire minimum n'est pas la seule façon de réduire la pauvreté, et il y a beaucoup d'études qui proposent d'autres moyens. Une autre chose importante, c'est de réduire les impôts que paient les gens dont le revenu est faible. La majoration du salaire minimum n'est pas le seul outil. Il faut faire plusieurs autres choses, notamment réduire les impôts et investir dans le domaine de l'éducation.

Je veux dire autre chose. Je ne suis pas contre les objectifs sociaux que nous cherchons à atteindre, mais je ne suis pas nécessairement d'accord avec l'idée que c'est le programme d'assurance-emploi qui va nous permettre d'atteindre tous ces objectifs. Il y a d'autres moyens d'atteindre certains de ces objectifs. Pour ce qui est du programme d'assurance- emploi, les employeurs cotisent 1,4 fois ce que les employés cotisent au régime. Lorsque toutes les cotisations prélevées sur les salaires sont réduites ou supprimées, l'argent retourne dans les poches des employés, et les entrepreneurs investissent dans leur entreprise et paient mieux leurs employés. Il faut tenir compte de toutes ces choses.

Pour ce qui est d'avoir recours au programme d'assurance-emploi, je ne conteste pas que nous accordons une valeur à ces programmes et que, comme société, nous devons les maintenir. Cependant, je ne suis pas nécessairement d'accord pour dire que le programme d'assurance-emploi est le bon programme à utiliser.

MmePayne: Il faut se rappeler, lorsque nous utilisons le revenu moyen, que l'autre chose que nous avons vu se produire dans notre province, c'est que les gens qui gagnent le plus sont ceux dont la situation s'est le plus améliorée au cours des quatre dernières années, ce qui fait que lorsque nous calculons les revenus moyens, il semble que la situation se soit améliorée pour tout le monde. Cependant, si nous séparons tout ça pour voir combien les gens gagnent, nous constatons que la situation n'a pas changé pour ce qui est de l'incidence du travail faiblement rémunéré. Dans notre province, celle-ci n'a pas changé depuis 30ans. Le tiers de notre main-d'œuvre gagne ce qui serait considéré comme étant un salaire peu élevé. Nous pouvons faire des moyennes tant que nous voulons, mais l'augmentation est surtout attribuable au fait que les gens qui gagnent le plus sont ceux dont la situation s'est le plus améliorée.

MmeJones: Je veux ajouter quelque chose là-dessus, sur l'écart économique qui s'élargit. Nous avons vu différentes choses se produire dans notre province récemment. Le prix d'une pinte de lait, par exemple, a augmenté de huit cents. Ça semble peu, mais, pour une personne qui essaie de nourrir une famille de quatre ou de cinq, ces coûts sont importants. J'ai un enfant de 15mois. Ce qui m'a frappée, lorsque je faisais les courses chez Wal-Mart, c'est que, lorsque je regardais ce que ça coûte de s'occuper d'un enfant, la nourriture pour mon bébé et tout le reste, je n'arrivais pas à imaginer comment les familles à faible revenu arrivent à composer avec cette augmentation. L'augmentation du salaire est l'un des facteurs, mais nous devons également envisager des politiques qui régissent le coût du carburant, le coût du logement et la sécurité du revenu. La sécurité alimentaire est un problème énorme. Nous devons aussi mettre toutes ces choses en contexte. Nous parlons de majorer le salaire minimum, ce qui est un excellent point de départ, mais, àmoins que nous n'envisagions tous ces facteurs, l'écart va continuer de s'élargir, parce que le revenu des gens va augmenter, mais le coût de la vie va augmenter en même temps, ce qui fait que les gens ne seront pas plus avancés. Nous devons garder ça en tête aussi.

Le sénateur Cordy: Je veux revenir à Kerri Collins et Choices for Youth. J'ai siégé au conseil d'administration de Phoenix House, qui dirige ce programme à Halifax. Qu'est-ce que Choices for Youth offre aux jeunes sans abri de votre collectivité, et comment vous y prenez-vous pour faire en sorte que les gens qui ont besoin d'aide en demandent? Est-ce que ce sont les jeunes qui, de leur propre initiative, viennent vous voir et vous dire qu'ils ont besoin d'aide parce qu'ils n'ont pas d'endroit où vivre? Est-ce que ce sont les travailleurs sociaux, les écoles ou toutes ces réponses? Comment le programme fonctionne-t-il?

MmeCollins: Choices for Youth offre plusieurs programmes différents. Nous avons un refuge pour jeunes hommes, neuf lits que des jeunes hommes de 16 à 29 ans peuvent utiliser en cas d'urgence. Nous avons un programme de logements supervisés, qui a été créé en réaction à la fermeture de Mount Cashel au début des années 1990, et dans le cadre duquel nous travaillons en gros auprès de 45 jeunes dans une structure fondée sur le modèle d'un service d'approche. En collaboration avec des propriétaires indépendants de la collectivité, nous aidons les jeunes à vivre defaçon autonome. Ces propriétaires ont conclu des ententes de prestation de services aux jeunes. Encore une fois, le problème, c'est qu'il y a une pénurie de logements. Il devient de plus en plus difficile de trouver des propriétaires qui sont prêts à aider les jeunes qui vivent de façon autonome dans la collectivité.

Le Outreach and Youth Engagement Program est le principal programme qui a été mis sur pied en réaction au fait qu'il y a dans la collectivité des jeunes qui n'ont de lien avec personne. Toute l'idée du centre de services aux jeunes sur Carter's Hill, au centre-ville, c'était de regrouper les organismes qui offrent des services aux jeunes de façon à ce que les jeunes qui s'y présentent puissent accéder à une multitude de programmes de soutien, afin de répondre à différents besoins.

Pour ce qui est du programme d'approche, c'est une vraie combinaison avec le fait d'aller dans la collectivité pour rencontrer les jeunes. Nous ne faisons pratiquement aucune publicité quant à nos activités, et malgré tout, nous offrons des services à 45 jeunes par jour en moyenne. Il s'agit d'un continuum d'aide dans le cadre duquel nous fournissons toutes sortes de choses, des choses fondamentales comme la nourriture, la lessive et des douches, jusqu'à l'échange de seringues et l'aiguillage vers des programmes de traitement pour toxicomanes, en passant par un service de transport vers l'unité de court séjour et d'évaluation psychiatrique de l'hôpital Waterford. Nous offrons ce dont la personne a besoin au moment où elle s'adresse à nous, et c'est quelque chose qui peut varier, en fonction du genre de crise que les jeunes vivent. Le programme est conçu pour permettre une adaptation aux besoins des jeunes.

Le sénateur Cordy: Ils doivent venir vous voir?

MmeCollins: Ils n'ont pas à venir nous voir. La plupart d'entre eux le font, mais, parfois, c'est un ami d'un ami qui dit qu'il s'inquiète au sujet d'un jeune, et nous sommes en mesure d'aller voir ce jeune, de lui demander comment il va et de lui expliquer ce que nous pouvons faire pour l'aider. Dans certains cas, les jeunes ne sont pas prêts et ne veulent pas d'aide à ce moment-là, mais, habituellement, tout ce que nous leur demandons lorsque nous les rencontrons, c'est leur prénom. Ensuite, au fur et à mesure que nous faisons connaissance et établissons un lien — et c'est surtout ça que nous faisons —, nous pouvons faire un travail extraordinaire auprès des jeunes à toutes sortes d'autres égards.

Le président: Vers le début de la séance, ce matin, le sénateur Munson a mentionné aux fonctionnaires provinciaux et municipaux qui étaient ici qu'on nous a fait part de certaines préoccupations au sujet des programmes de logements du gouvernement fédéral, parce que ceux-ci doivent tous être temporarisés à la fin du mois de mars prochain, c'est-à- dire à la fin de l'exercice en cours. Jusqu'à maintenant, le gouvernement fédéral n'a révélé ses intentions à personne. On nous a fait part, ce matin et au cours de séances antérieures à Ottawa, d'une très grande préoccupation à cet égard, surtout qu'il nous reste que peu de temps. Les programmes de logements ne sont pas quelque chose qu'on peut arrêter et relancer du jour au lendemain. Les dommages sont déjà faits, en ce sens que les gens ne sont pas sûrs de pouvoir planifier pour être en mesure de répondre aux besoins en matière de logements abordables. La question du logement et de l'itinérance fait également partie de notre mandat. Un certain nombre d'options qui figurent dans le document portent sur ces questions.

Que pensez-vous de ça? De quelle façon la question du logement et de l'itinérance touche-t-elle les collectivités auprès desquelles vous travaillez, et comment envisagez-vous la situation actuelle si le financement fédéral cesse après le 31 mars prochain? S'il n'y a plus de financement à partir de ce moment-là, quelle incidence cela va-t-il avoir sur les problèmes liés aux logements abordables et à l'itinérance à Terre-Neuve-et-Labrador?

M.Galloway: À l'heure actuelle, les personnes qui ont un handicap paient en moyenne 30p.100 de plus que les autres pour se loger, en raison des modifications qui doivent être apportées à leur logement pour leur permettre d'y avoir accès. Aucun des projets de construction de logements qui sont mis en œuvre à l'heure actuelle n'est axé sur la conception universelle. Je pense qu'une stratégie globale en matière de logement doit être appliquée pour permettre aux personnes qui ont un handicap de vivre de façon autonome, et je pense qu'il faut pour cela y intégrer la conception universelle.

Je discutais avec la greffière pendant la pause, et nous avons parlé du fait que ces adaptations profitent à tout le monde, surtout à une population qui vieillit: des choses simples comme des cadres de porte plus larges et des barres d'appui dans les salles de bain. Ce sont des choses simples à faire, mais elles doivent être intégrées à toute stratégie relative au logement.

L'autre chose que je veux mentionner, c'est que à l'heure actuelle, à Terre-Neuve-et-Labrador, les gens qui ont un handicap, et surtout les jeunes qui ont un handicap, sont souvent forcés de vivre dans des foyers pour personnes âgées et autres établissements du genre pour les aînés, parce que c'est seulement dans ce genre d'établissements qu'il y a de la place. Les jeunes qui ont un handicap ne devraient pas être obligés de vivre dans un foyer avec des personnes âgées si ce n'est pas ce qu'ils veulent, mais c'est souvent la seule possibilité qui s'offre à eux. Ce que j'ai entendu les gens dire, c'est: «Qu'est-ce que je peux faire», «Je ne peux pas rester dans la rue», ou encore «Je peux vivre ici, même si ce n'est pas idéal.» Dans bien des cas, les gens vivent dans des logements qui ne sont pas adaptés à leur situation, et c'est ça le choix. Ils n'ont nulle part où aller. Doivent-ils choisir de vivre dans un endroit qui n'est pas adapté ou vivre dans la rue? Les gens disent toujours qu'ils ont le choix. Ce choix est le seul qui s'offre réellement aux personnes qui ont un handicap.

L'autre chose que nous pensons, c'est qu'il faut mettre sur pied un système pour permettre aux personnes qui ont un handicap de devenir propriétaires. En Ontario, il y avait un programme intitulé Options for Homes. C'était un excellent programme, parce qu'il était pleinement intégré. Lorsqu'on construisait des condominiums, par exemple, il y en avait un certain nombre qui étaient réservés aux gens qui vivaient dans la pauvreté, et ainsi desuite, et ces gens bénéficiaient d'un prix réduit. Ces gens ne savaient pas si leurs voisins étaient médecins, avocats ou quelque chose d'autre. C'était bien. Je pense qu'il faut responsabiliser le secteur de la construction et que celui-ci doit appliquer l'idée de conception universelle.

MmeDavidge: Ce n'est pas seulement la question du manque de logement abordable. Barry a raison: il faut que le logement abordable soit adéquat. Par ailleurs, lorsqu'il s'agit de gens qui ont un handicap et dont les besoins en santé mentale sont complexes, il ne s'agit non seulement pour eux de trouver un logement abordable, mais également d'y demeurer. Il y a beaucoup de gens qui parviennent à trouver un logement, mais, s'ils n'ont pas l'aide de leur entourage dont ils ont besoin pour demeurer dans le logement qu'ils ont trouvé, souvent après que leur nom a été longtemps sur une liste d'attente, ils le perdent rapidement. C'est un élément important de la pauvreté. Si vous comprenez le concept de priorité au logement, le meilleur moyen pour le gens d'être indépendants et d'éviter la pauvreté ou d'en sortir, c'est d'avoir accès à un logement et de pouvoir compter sur le fait qu'ils y auront encore accès pendant les mois qui suivent. Nous travaillons beaucoup auprès des femmes, surtout, et les femmes sont davantage touchées par la pauvreté que les hommes.

Le logement est une question encore plus délicate pour beaucoup de femmes, parce qu'il y a peut-être des studios dans la région de St.John's, mais certaines femmes doivent les partager avec trois ou quatre hommes. Nous travaillons beaucoup à Marguerite's Place, qui est un ensemble de logements abordables réservés aux femmes où l'on a appliqué les principes de la conception universelle, mais où est également offert le soutien dont les femmes ont besoin pour vivre dans le confort et la sécurité. Cela leur permet d'examiner les différentes possibilités de logements qui s'offrent à elles si elles veulent s'installer ailleurs ou d'obtenir l'aide à l'emploi et les conseils dont elles ont besoin pour garder leurs logements. Ce n'est pas seulement une question de logement, et je pense que cela révèle la nécessité d'une stratégie en matière de logement. Nous parlons d'une stratégie de réduction de la pauvreté, mais nous avons aussi besoin d'une stratégie en matière de logement. Ce serait extrêmement utile pour beaucoup de gens qui travaillent auprès des itinérants que de pouvoir envisager l'avenir avec confiance, que de ne pas avoir à s'inquiéter de ne recevoir du financement et de l'aide que pendant une période limitée. Tout le monde a besoin de planifier à long terme. C'est facile de dire que les groupes voient les choses à court terme parce qu'ils n'envisagent pas l'avenir, mais c'est difficile de penser à l'avenir si l'absence de financement ne le permet pas.

Le président: Le logement supervisé est une chose offerte aux gens qui ont des problèmes de santé mentale.

MmePollett: Oui, je veux ajouter quelque chose à ce qu'ont dit Barry Galloway et Charmaine Davidge, c'est-à-dire au sujet de toute cette idée de choix. La position de la Société canadienne d'hypothèques et de logement, au sujet des logements réservés aux personnes qui ont des problèmes de santé mentale, c'est qu'elles peuvent choisir où elles veulent vivre. Je pense que cette idée est importante; le fait que ces gens soient confortablement installés chez eux et qu'ils obtiennent l'aide dont ils ont besoin pour l'être. Bien entendu, ça revient au fait que les gens qui ont un handicap ont droit à cela; la conception universelle et tout ça. Je pense qu'il est important que nous laissions les gens choisir où ils veulent vivre plutôt que de leur attribuer un logement et que nous leur offrions l'aide dont ils ont besoin pour pouvoir vivre à l'endroit de leur choix. Je sais que ce n'est pas possible dans tous les cas, mais je pense que, dans l'ensemble, il est important que nous gardions tous cela en tête.

MmeFoster: Une chose qui commence à poser problème, pour l'organisation à laquelle j'appartiens, c'est d'offrir des logements aux nouveaux arrivants. Comme Egbert Walters l'a mentionné, la période de forte croissance économique que St.John's est en train de vivre a pour effet que le nombre de logements vacants dont le loyer est abordable diminue rapidement. Dans bien des cas, nous sommes forcés de constater que les gens s'installent dans des logements qui ne sont pas adéquats, et, dans certains cas, qui ne sont même pas sécuritaires. Néanmoins, comme ce sont les seuls logements vacants, les gens n'ont pas le choix. S'ils se plaignent, il est probable que leur propriétaire va leur dire de partir. Je pense que c'est dommage, parce que ce n'est pas un bon départ pour les nouveaux arrivants et que ce n'est pas quelque chose de bon pour les gens d'ici. Je pense que les gens qui sont dans cette situation n'ont que peu de recours à l'heure actuelle. C'est une situation que personne ne veut vivre. Les journaux ont fait état récemment du cas d'un homme qui s'était plaint et qui avait reçu un avis d'expulsion la semaine suivante.

M.Galloway: C'était le jour suivant.

MmeFoster: Oui, alors vous savez de quoi je parle. C'est une forme de chantage. C'est déjà suffisamment grave que ces gens vivent dans des logements inadéquats et n'aient nulle part où aller. Ensuite, on leur dit soudainement qu'ils vont être expulsés parce qu'ils ont osé s'exprimer. Ce n'est pas une bonne chose, et je pense que nous devons intervenir à cet égard au Canada.

Le président: Ça touche peut-être la question des droits conférés par la loi et de protection des gens à cet égard.

MmeCollins: J'ai deux ou trois observations à faire au sujet du logement supervisé. Le sénateur Cordy a parlé plus tôt d'Eva's Phoenix à Toronto. Choices for Youth va mettre en œuvre un projet calqué sur celui-ci, parce que nous voyons beaucoup de jeunes qui viennent de familles d'accueil, de foyers de groupe et d'établissements correctionnels pour jeunes de la province et qui cherchent à vivre de façon autonome. En plus des problèmes que pose le fait de trouver des propriétaires privés prêts à héberger des jeunes dans la collectivité, beaucoup de ces jeunes auraient de la difficulté à garder leur logement, à l'âge de 16 ou de 17 ans. Ce sont des jeunes qui n'ont jamais été autonomes. Nous avons constaté qu'ils ont de la difficulté à garder leur logement. Nous voyons souvent des jeunes qui déménagent en moyenne 5,3 fois par année, alors le fait de garder leur logement dans la collectivité pose problème. L'un des projets auxquels nous travaillons consiste à envisager un modèle de logement communautaire où des gens aideraient les jeunes de 16 à 24 ans à acquérir, pendant la période de transition, les compétences dont ils ont besoin pour être capables de vivre de façon autonome dans la collectivité.

Une autre initiative à laquelle nous travaillons depuis un certain temps, c'est un partenariat avec la Société d'habitation de Terre-Neuve-et-Labrador, ou SHTNL, dans le cadre duquel les représentants de la Société nous ont donné la responsabilité de certaines unités de logement dans la collectivité. Nous n'avons pas de loyer à payer pour ces logements. Nous avons deux unités de logement différentes pour les jeunes monoparentaux. Il n'y a pas de personnel sur place. Les locataires vivent de façon autonome dans la collectivité, mais, sur le modèle d'un service d'approche, nous offrons du soutien à ces jeunes et à leurs enfants qui vivent dans ces unités de logement. Nous avons une autre unité de logement de la SHTNL où du personnel s'occupe de trois jeunes qui ont des besoins complexes en santé mentale. Nous avons fait les démarches nécessaires pour collaborer avec le gouvernement provincial, avec le ministère de la Santé et avec le ministère des Ressources humaines, du Travail et de l'Emploi, par rapport au financement. En ce moment, nous appelons ça un modèle de gestion des cas des jeunes qui ont des besoins complexes et à qui rien d'autre ne s'offre dans la collectivité. C'est semblable au programme de soutien communautaire de Stella Burry, sauf que les gens qui appartiennent au groupe cible sont plus jeunes, ce sont des jeunes de 16 à 24 ans, et il s'agit de les aider à obtenir l'aide dont ils ont besoin. À l'heure actuelle, ils se trouvent pour la plupart dans des hôpitaux ou dans des établissements correctionnels parce qu'ils ne sont pas en mesure de garder un logement dans la collectivité sans cette aide.

Le sénateur Munson: Je veux poser à Eileen Joe une question au sujet du logement, et c'est une question qui n'a pas encore été posée aujourd'hui. Nous avons parlé de la stigmatisation, de la santé mentale et ainsi de suite. Je veux aborder le sujet du racisme et des questions qui touchent les gens qui restent à votre refuge pendant un certain temps. Essayez-vous d'aider ces personnes à trouver ce genre de logement, et est-ce qu'elles sont confrontées àun autre obstacle, à une autre porte où on leur dit — peut-être pas directement — non, vous n'êtes pas bien les bienvenus ici? Est-ce que c'est un problème?

MmeJoe: Non, lorsque nous avons des clients autochtones, nous essayons de leur trouver un logement avec l'aide du ministère des Services sociaux. Je n'ai ni entendu parler ni été témoin de quoi que ce soit en rapport avec le racisme. C'est une chose à laquelle je suis attentive, et personne ne m'a jamais rien dit à ce sujet. Tous les clients autochtones qui se présentent à notre refuge ont probablement déjà vécu dans la collectivité, et ils connaissent les problèmes de logement. Ils veulent simplement demeurer au refuge, et nous ne pouvons pas leur permettre de rester pendant longtemps, puisque la plupart de nos clients n'y font qu'un court séjour.

Je ne sais pas, pour ce qui est du racisme, mais j'imagine qu'ils savent où ils doivent s'installer, par rapport aux conditions de vie dans une unité de logement. Ils savent qu'ils ne doivent pas vivre dans un logement qui n'est pas bien entretenu.

MmeCollins: Je sais, pour avoir entendu les jeunes avec qui je travaille le dire, c'est probablement plutôt quelque chose qui ressemble à de la discrimination. Beaucoup de jeunes qui bénéficient de notre programme d'approche et qui cherchent un logement sont victimes de discrimination soit parce qu'ils sont jeunes soit parce qu'ils touchent des prestations de soutien du revenu. Beaucoup de portes leur sont claquées au nez soit parce qu'ils ont un lien avec Choices for Youth, soit parce qu'ils sont jeunes. Il y a un préjugé qui joue contre les jeunes qui veulent louer une propriété ou qui touchent des prestations de soutien du revenu. Les gens ont donc beaucoup d'idées préconçues à leur égard, et les portes sont fermées pour les jeunes qui veulent trouver un logement.

Le sénateur Munson: Je pense que j'aurais dû utiliser le terme «discrimination». La discrimination existe, mais vous n'en êtes pas témoin; vous sentez seulement qu'elle existe.

MmeCollins: Pour vous donner un exemple, j'ai fait une visite avec une jeune femme que j'ai connue dans le cadre de notre programme d'approche. Elle a été aiguillée par différents organismes de la collectivité; le refuge pour jeunes femmes et les services pour toxicomanes et les services de santé mentale. Elle a beaucoup de problèmes. Elle est venue nous demander de l'aide pour se trouver un logement. J'ai fait de mon mieux, compte tenu de la complexité de ses besoins. Vu les problèmes de lecture et d'écriture et des problèmes d'apprentissage qu'elle a, elle a réussi à prendre rendez-vous avec deux ou trois propriétaires pour visiter des appartements. Pour ce qui est du transport, j'y suis allée avec elle. Au premier rendez-vous, le propriétaire m'a vue en premier, et je pense qu'il a présumé que c'était moi qui étais intéressée à louer l'appartement. Ensuite, lorsque la jeune femme a fait le tour du véhicule et s'est présentée, l'attitude des propriétaires — leur langage corporel, leur expression et la façon dont ils s'adressaient à elle — était différente de celle qu'ils adoptaient avec moi. Si j'avais voulu cet appartement, je suis sûre que je l'aurais eu, mais pour elle, c'était tout à coup impossible, alors j'ai moi-même été témoin de discrimination.

M.Galloway: Pour ce qui est de la discrimination, sénateur Munson, je veux reprendre ce que Kerri Collins disait. C'est quelque chose que j'ai entendu de la part de personnes qui ont un handicap aussi. Dans bien des cas, les gens cherchent une chambre dans une pension, parce que c'est la seule chose qu'ils peuvent se permettre, ou encore un studio ou quelque chose du genre. Cependant, il arrive souvent que le propriétaire dise que le logement n'est plus à louer lorsqu'il voit que le locataire éventuel a un handicap, parce que nous avons entendu dire que les propriétaires cherchent des gens qui ne sont pas là pendant la journée. Si c'est un locataire qui a un handicap et qui ne peut peut-être pas travailler, il va être là tout le temps, et les propriétaires ne veulent pas de ce genre de locataires. C'est une préoccupation, et c'est une importante discrimination dont sont victimes les personnes qui ont un handicap.

J'ai géré le projet d'Eva's Phoenix à Toronto, alors je sais que ce que Choices for Youth fait est incroyable, et je pense que ça doit être appliqué. Eileen Joe a parlé des séjours de durée limitée dans les refuges. Si vous voulez que les gens sortent du réseau des refuges et se trouvent un logement, il faut faire quelque chose au-delà de ça. Les gens doivent pouvoir demeurer dans un refuge pendant plus longtemps si c'est nécessaire. Il faut qu'il y ait une espèce de plan de transition pour permettre aux gens de bien s'établir dans la collectivité, de façon qu'ils n'aient pas constamment à retourner vivre dans un refuge.

MmeJoe: Même si j'ai dit que les gens veulent rester pendant plus longtemps, tout ça revient aux services sociaux. Les services sociaux ne les autorisent pas à rester. Ils doivent partir, et ils louent donc le logement qu'ils peuvent trouver. Dans bien des cas, ils ne trouvent pas de logement adéquat, mais ils n'ont pas le choix, parce que les services sociaux ne les autorisent pas à rester au refuge, et ils doivent partir.

MmeCollins: L'un des problèmes de notre refuge, c'est qu'une seule personne y travaille. La situation des jeunes qui y viennent étant de plus en plus complexe, il devient de plus en plus difficile de répondre à ces jeunes dans le cadre d'un modèle d'organisation à un seul employé et les soutenir de la façon dont ils ont besoin d'être soutenus sans compromettre la sécurité de ce seul employé et des autres jeunes qui séjournent au refuge.

Je pense que c'est Charmaine Davidge qui a parlé plus tôt de l'énergie positive qui anime le milieu des organisations sans but lucratif de St.John's. Je suis d'avis que les organisations sans but lucratif de la ville font un excellent travail et qu'il y règne une énergie positive extraordinaire. Je pense que l'énergie négative vient du manque de financement, du manque de ressources humaines et du fait qu'une seule personne essaie de faire ce que trois ou quatre personnes devraient faire. Je crois que ce qui nous manque, c'est le soutien financier dont les programmes et les organisations qui font un excellent travail ont besoin pour continuer de faire ce travail et de bien le faire.

Le sénateur Trenholme Counsell: A-t-on tenté d'appliquer de nouveaux modèles pour les jeunes? Je pense à l'autre extrémité du spectre, où il y a tant de passions et tant d'investissements dans les logements pour personnes âgées. La différence, c'est que les aînés ont un revenu stable, quoique faible, grâce aux pensions et aux autres mesures de soutien dont ils bénéficient. Je pense qu'il faudrait concevoir des unités — du moins dans le cadre d'un projet pilote — où le logement, les services d'éducation et les services sociaux seraient combinés. Existe-t-il un modèle du genre à Terre- Neuve-et-Labrador, où on semble faire davantage de choses qu'ailleurs dans ce domaine? Je ne parle pas d'un refuge. Selon moi, un refuge, c'est pour une nuit ou peut-être quelques nuits. Je parle de quelque chose d'ambitieux, d'une chose dont l'image serait beaucoup plus positive. Ce serait probablement des chambres partagées ou même un dortoir, mais ce serait quand même un établissement qui aurait une image plus positive que celle du refuge, et où, on peut l'espérer, la qualité de vie serait meilleure. Existerait-il des ressources financières pour ce genre de projet?

MmeCollins: Il y a un nouveau projet auquel nous travaillons. Nous avons embauché dix jeunes que nous avons chargés de rénover un immeuble que Choices for Youth a acheté. Les jeunes vont rénover l'immeuble pour en faire une coopérative d'unités de logement temporaires. Il va y avoir des appartements séparés, ce qui fait que ça va pratiquement être un immeuble d'appartements, un peu comme Eva's Phoenix à Toronto.

L'autre chose intéressante, dans ce projet, à part le fait d'offrir une formation professionnelle aux jeunes pour leur permettre d'acquérir les compétences nécessaires pour entrer sur le marché du travail, c'est qu'un programme pour les jeunes intitulé IPromise sera également offert sur place. On a probablement déjà parlé de ce programme plus tôt aujourd'hui, c'est-à-dire du programme d'enseignement des mathématiques, de la lecture et de l'écriture. Ce programme va aider les jeunes à réussir leurs études, pour qu'ils puissent atteindre leurs objectifs.

Le sénateur Trenholme Counsell: Croyez-vous qu'il y aura d'autres projets du genre, si celui dont vous parlez est un succès? Le voyez-vous comme un modèle pouvant être appliqué ailleurs?

MmeCollins: Tout à fait. Nous nous inspirons du travail que les gens d'Eva's Phoenix ont fait à Toronto. C'est de là que l'idée nous est venue. Nous avons appliqué leur modèle à St.John's. Je pense qu'il y a assurément place à l'expansion de ce modèle.

MmeJohns: Je veux dire quatre choses au sujet des recommandations formulées à l'intention du gouvernement fédéral. Nous avons besoin d'un engagement à renouveler le financement des initiatives en matière de logement. Nous avons besoin d'un engagement à créer davantage de logements supervisés, et notamment à mettre au point des normes pour ce qui est de l'allocation et à soutenir des organisations communautaires comme Choices for Youth, qui fait un travail extraordinaire sur le terrain. Dans la perspective du renforcement des capacités communautaires et des forces des collectivités, ce serait une bonne idée que le gouvernement fédéral investisse davantage dans ces programmes communautaires, afin que les organisations n'aient plus à se battre à chaque projet et à chaque demande de financement. S'il y avait un financement de base, cet excellent travail pourrait toujours continuer de se faire, parce que c'est la source de créativité qui est là. Les solutions viennent de la collectivité. Par ailleurs, le financement du gouvernement fédéral contribuerait à ce qu'on n'envisage pas le logement supervisé et l'éducation à part.

Kerri Collins a soulevé ce point lorsqu'elle parlait du projet auquel son organisation travaille. Ce qui se passe, c'est que les jeunes qui éprouvent des difficultés dans le système scolaire général qui va de la maternelle à la 12e année et qui n'arrivent pas à réussir dans ce système sont souvent ceux qui par la suite ont de la difficulté à trouver un logement, qui vivent dans la rue, qui déménagent souvent, qui n'arrivent pas à trouver de travail, et ainsi de suite. Nous devons mettre au point des stratégies en ce qui concerne l'enseignement en dehors du système. Certaines organisations communautaires offrent cet enseignement et font un excellent travail auprès des jeunes qui, pour une raison ou une autre, ne sont pas capables de réussir dans le système qui va de la maternelle à la douzième année.

Le sénateur Cordy: Je m'interroge au sujet des changements, par exemple les changements touchant les normes en matière de logement, surtout les logements pour personnes handicapées. J'ai assisté à une conférence sur les personnes âgées, et les intervenants ont parlé des caractéristiques qui font qu'un appartement ou un logement pour personnes âgées est sécuritaire. On a dit à cette conférence que ces suggestions s'appliquaient non seulement aux personnes âgées et aux personnes qui ont un handicap, mais également au reste de la population.

Je suis plus âgée que la plupart d'entre vous, mais je me rappelle que, dans le temps, le défi, c'était de convaincre les gouvernements que la construction de rampes d'accès devait devenir la norme pour les édifices publics. Ça a fait beaucoup de bruit à l'époque, et on a dit que ça ne fonctionnerait pas. Une autre chose importante, c'était les rampes d'accès au trottoir aux intersections. Il fallait qu'il y ait des rampes d'accès pour que les gens qui sont en fauteuil roulant ou ceux qui ont de la difficulté à se déplacer puissent traverser la rue plus facilement. Encore une fois, à l'époque, les gens ont réagi en se demandant comment il allait être possible de réaliser tout cela et en disant que ça allait coûter cher. Néanmoins, ça c'est fait, et, aujourd'hui nous n'y pensons plus, en fait. Ces choses ont été mises en place partout, et elles font partie des codes du bâtiment et des projets de construction lorsque les gouvernements construisent de nouvelles rues, de nouveaux trottoirs, et ainsi de suite. C'est automatique.

Je me demande s'il est possible de faire en sorte qu'il devienne naturel pour les gens du secteur de la construction et pour les gouvernements d'intégrer ces choses aux maisons et aux appartements au moment de la construction, s'il peut devenir naturel de mettre ces choses en place. Avez-vous quelque chose à dire là-dessus?

M.Galloway: Vous avez mis le doigt dessus. C'est exactement ça, la conception universelle. Ça va être utile à tous; c'est la raison pour laquelle on qualifie cette conception d'universelle. Cela va profiter à tous: la population vieillissante, les personnes qui ont un handicap, tout le monde.

Encore une fois, je vais citer le cas de la Grande-Bretagne. Il y a là-bas une politique qui prévoit, par exemple, que tous les nouveaux édifices doivent comporter au moins une entrée au rez-de-chaussée. Il faut qu'il soit possible d'entrer dans l'édifice sans passer par un escalier. Les gens qui ont un handicap apprécient cette politique, parce que, pendant longtemps, nous avons été obligés de passer par la porte arrière, quand c'était possible, ou d'utiliser le monte-charge ou quelque chose d'autre.

Les gens pensent souvent que nous sommes déraisonnables parce qu'on essaie d'obtenir un accès à un édifice pour les personnes handicapées. Ça revient au cas de Rosa Parks. Nous ne voulons plus être forcés de nous asseoir à l'arrière de l'autobus. Nous voulons être traités de la même façon que les autres citoyens du Canada. Malheureusement, ce n'est pas possible pour les personnes qui ont un handicap. Je pense que vous êtes tout à fait sur la bonne voie. Il s'agit de voir les choses du point de vue des personnes handicapées, d'avoir recours à la conception universelle et de responsabiliser les gens. Vous avez parlé du secteur de la construction. J'ai rencontré un certain nombre de gens de ce secteur. Si on ne les oblige pas à faire ce genre de chose, ils ne le feront pas.

Le président: Si nous avons épuisé la partie de la question qui concerne le logement et l'itinérance, permettez-moi de ramener tout ça ensemble et de revenir au portrait global de la pauvreté, du logement et de l'itinérance. Permettez-moi de vous demander si quelqu'un veut essayer de répondre à cette question. Il y a tant d'éléments dans toute cette question, tant de choses que nous pourrions faire.

Le comité sénatorial est une entité fédérale. Ce que nous voulons, c'est de pouvoir formuler des recommandations portant sur une démarche de collaboration entre tous les ordres de gouvernement et le milieu communautaire. Cependant, nous savons également que le gouvernement fédéral ne va pas mettre sur pied des programmes détaillés et touchant le travail sur le terrain. Il va envisager les choses de façon générale — la redistribution du revenu ou peut-être une stratégie nationale en matière de logement —, mais la mise en œuvre va se faire en grande partie à l'échelon local et à l'échelon provincial, comme il se doit. Quelle est la chose la plus importante, ou encore les deux choses les plus importantes que le gouvernement fédéral devrait faire, de ce point de vue général? Quelqu'un veut-il s'attaquer à cette question?

MmePayne: Les choix que le gouvernement fédéral a faits laissent à désirer à de nombreux égard. Je pense qu'Annette Johns l'a dit plus tôt, mais il semble que nous sommes engagés dans une voie où les politiques publiques se résument à des réductions d'impôt et où nous n'envisageons rien d'autre. Je pense qu'un rapport publié récemment précisait que, depuis 2006, il y a eu des réductions d'impôt de 200 milliards de dollars, une bonne partie de ces réductions d'impôt visant les entreprises privées. Oui, la réduction de la TPS est incluse dans ce chiffre. Ce qui se passe, c'est que le gouvernement fédéral est en train de perdre la capacité budgétaire de régler l'un ou l'autre de ces problèmes. Je pense que nous sommes tous confrontés à ce grave problème, comme défenseurs de la cause sociale, lorsque nous cherchons des moyens de corriger la situation.

Je sais que j'énonce l'évidence, mais nous vivons dans l'un des pays les plus riches du monde, ce qui n'empêche pas que nous sommes en train de parler de pauvreté, d'itinérance et du fait d'être capable de nourrir nos citoyens. Le fait même que nous tenions cette discussion dans un pays comme le nôtre est déplorable. Pouvez-vous imaginer ce que ce serait si nous consacrions ne serait-ce que 1p.100 de ces recettes fiscales au logement? Je pense que ces deux milliards de dollars nous permettraient de faire pas mal de choses. Nous aurions pu consacrer une autre tranche de 1p.100 aux personnes qui ont un handicap. Pouvez-vous imaginer les programmes que nous aurions pu mettre sur pied?

Je pense que nos priorités sont si mal choisies en ce moment à l'échelle nationale que nous n'arrivons même pas, au gouvernement fédéral, à voir ce que nous pourrions faire et ce que nous pourrions bâtir. Nous avons perdu de vue le fait que le rôle du gouvernement fédéral est de bâtir le pays et de s'assurer qu'aucun citoyen n'est laissé pour compte. Le comité pourrait faire une déclaration au sujet du rôle que le pays devrait jouer pour s'assurer que personne n'ait à se présenter ici la main tendue en disant: «S'il vous plaît, investissez dans le logement, investissez là-dedans et cessez de jouer ce jeu idiot qui consiste à remettre des milliards de dollars aux entreprises en réduction d'impôt, par exemple, qui profitent surtout au secteur du pétrole et du gaz et qui auraient pu être utiles à d'autres, même dans le secteur de l'entreprise privée, où il y a probablement des besoins plus pressants.» Les priorités sont vraiment mal choisies.

Le président: Je pense que nous sommes d'accord là-dessus. Même les deux cents de la TPS, qui ont réduit les recettes du gouvernement fédéral de dix milliards de dollars, auraient pu être mieux utilisés. Je crois que tous les économistes du pays sont d'avis que cet argent aurait pu être mieux utilisé si on avait offert des réductions de l'impôt aux gens dont le revenu est faible.

Le sénateur Munson: Kerri Collins a parlé d'énergie négative et positive. Je ne sais pas si on va voir ça ici, mais au sein de certains groupes auprès desquels je travaille, dans le domaine de l'autisme et des Jeux olympiques spéciaux, les gens affirment discrètement qu'ils sont totalement vidés, épuisés. En raison de leur dévouement, les autres leur disent qu'ils font un excellent travail, qu'ils doivent continuer. Cependant, les gens sont réticents à se porter bénévoles ou à participer. Ils disent: «Vous vous débrouillez bien.»

Je pense que vous avez mentionné brièvement le fait que deux ou trois personnes de plus qui auraient le genre de moyens financiers dont nous parlons dans toutes ces choses arriveraient à soulager cet épuisement, qui touche tout le pays. Les gens veulent faire de bonnes choses pour le bien commun, mais je sens que c'est en train de devenir frustrant, fatigant et ennuyant. Je le mentionne pour que ça figure au compte rendu.

MmeJohns: À certains égards, les gouvernements se sont attaqués à la pauvreté au cas par cas, et, au mieux, ils ont envisagé différents programmes et ont financé telle ou telle chose en prenant les fonds ailleurs. Il est clair que cette approche ne fonctionne pas d'un point de vue global. Nous avons besoin que le gouvernement prenne certains engagements. Le gouvernement fédéral doit s'engager à mettre en œuvre une stratégie de réduction de la pauvreté.

Voilà le message que j'aimerais faire passer: nous avons besoin d'une stratégie de réduction de la pauvreté à l'échelon national qui s'assortit d'un engagement. Inutile d'élaborer une stratégie pour revenir ensuite à la vieille habitude de financer les projets au cas par cas et de prendre des mesures de peu d'envergure. L'orientation que le gouvernement doit se donner, c'est celle d'un engagement et d'un financement véritables. Nous devons pouvoir envisager d'autres options. Nous savons que les réductions d'impôt font qu'il y a moins de financement pour les programmes sociaux. Nous devons trouver des façons différentes d'intervenir. Je pense que les Canadiens sont prêts à vivre ce genre de changement et qu'ils le sont depuis plusieurs années. Tout ce dont nous avons besoin, c'est d'un engagement de la part du gouvernement.

Le président: Une autre façon de poser la question, c'est de dire: qu'est-ce que le gouvernement fédéral pourrait faire pour faciliter le travail que vous effectuez auprès des gens que vous essayez de servir? Abordez les choses de ce point de vue-là aussi, si vous voulez.

MmeFoster: J'aimerais que le gouvernement fédéral vienne voir ce que certains d'entre nous font. C'est difficile parfois, et je comprends dans une certaine mesure, mais je traite avec Citoyenneté et Immigration. Lorsqu'on se trouve au 200, rue Kent, il est difficile d'imaginer ce qui se passe ici au sein d'une famille de 12 ou de huit. Je pense que nous avons reculé. On n'est plus aussi intéressé qu'avant, on ne participe plus autant et on ne veut plus autant avoir une connaissance directe de ce qui se passe. Je ne sais pas si nous sommes pris dans une situation où peut-être Ottawa n'est pas content de Terre-Neuve. Je ne sais pas si c'est la raison, mais il semble y avoir un peu de désintéressement. Il y a une diminution remarquable du nombre de fois où j'ai dû servir le thé à des ministres, récemment.

Le président: C'est peut-être un conflit de personnalités.

MmeFoster: Je ne pense pas, parce que je deviens plus gentille en vieillissant.

Le président: Je ne parlais pas de vous.

MmeFoster: L'autre chose que je veux dire — et je ne m'attends pas à ce que tout le monde soit d'accord avec moi —, c'est que si le Canada continue d'admettre 7300 ou 7500personnes à titre de réfugiés au sens de la Convention de Genève, des gens qui ont besoin de protection et qui ne peuvent demeurer dans leur pays d'origine, et ainsi de suite, alors il ne faut pas les faire venir ici s'ils doivent ensuite vivre dans la pauvreté et venir s'ajouter à ce groupe de gens. Je suis contente de voir qu'il y a deux ou trois choses positives à dire sur le Royaume-Uni, pour une fois — je vous en remercie; j'ai parfois l'impression que nous ne sommes plus dans le coup —, mais dans certains cas, c'est bête de faire des économies de bout de chandelle. Si nous faisons venir des gens au pays, il faut investir suffisamment d'argent dans les programmes de façon que ces gens puissent se remettre sur la voie du travail, qu'ils puissent contribuer et avoir un sentiment d'appartenance à la collectivité, à la province ou peu importe. Si c'était le cas, ils seraient un fardeau beaucoup moins important pour le système de santé et pour toutes sortes de services de soutien. Si nous faisons venir des gens, il faut faire en sorte qu'ils puissent vivre décemment.

Le président: Nous devons régler le problème des titres de compétence dans bien des cas.

MmeFoster: Tout ça fait partie du problème. Cependant, ce qu'il faut éviter de faire dès le départ, c'est de faire venir des gens et de leur donner 433$ pour le loyer, parce que c'est insuffisant.

Le président: En parlant du gouvernement, le premier ministre doit être ici demain.

MmeFoster: Oui, il est à Renews en ce moment. J'ai de bons amis qui vivent là-bas, Lana Payne en a aussi, et il y a une assez grosse falaise à cet endroit.

Le président: Quelqu'un d'autre veut aborder la question des priorités du gouvernement fédéral dans sa région ou en général?

MmePollett: Du point de vue de la santé mentale, le gouvernement fédéral pourrait me rendre la tâche plus facile en pensant comme nous. Dans notre cadre national de soutien, notre modèle de soutien et de rétablissement dans la collectivité porte le nom de modèle axé sur les ressources communautaires. Dans ce modèle, il y a une personne au centre, puis des choses comme des mesures de soutien et des services de traitement en santé mentale et pour la famille et les amis. À l'extérieur de ce groupe, en périphérie, il y a quatre éléments clés du fondement du rétablissement dans la collectivité pour les personnes qui ont des problèmes de santé mentale. Ces quatre éléments sont le travail, l'éducation et les deux dont nous avons parlé ici aujourd'hui, c'est-à-dire le revenu et le logement. Ces choses devraient être vues comme étant des droits fondamentaux. Ce sont des choses qui sont nécessaires non seulement pour les gens qui ont des problèmes de santé mentale et qui cherchent à se rétablir dans la collectivité, mais ce sont également des droits fondamentaux pour tous les citoyens du pays.

Je sais que tout le monde, ou à tout le moins la plupart des gens qui sont ici aujourd'hui, n'envisage pas ces questions séparément. Nous sommes tous à même de voir qu'il y a beaucoup de déterminants sociaux de la santé. Ce sont des problèmes complexes, et ils sont tous liés les uns aux autres. J'ai lu quelque part l'autre jour que nos maisons, nos foyers et nos logements sont des endroits où tous les déterminants sociaux de la santé font sentir leur effet, ce qui fait que le logement a un rôle important à jouer pour que les autres parties de notre vie puissent s'emboîter et que nous puissions réussir notre vie dans la collectivité. Je veux affirmer que nous avons besoin de ces choses fondamentales pour vivre, pour nous rétablir et pour réussir.

Le président: Avons-nous terminé?

Nous allons maintenant permettre aux gens de venir au micro et de prendre la parole pendant cinq minutes. Peut- être pouvons-nous entendre ce qu'ont à dire vos clients et les gens avec qui vous travaillez. Ce serait bien, aussi, d'entendre le témoignage direct de gens qui ont vécu des difficultés liées à la pauvreté, au logement et à l'itinérance.

J'espère que vous pouvez rester, mais permettez-moi de vous remercier tous dès maintenant de votre participation et de la contribution que vous avez apportée, à la fois en nous faisant part de votre point de vue personnel sur les choses que vous et vos différentes organisations faites et du point de vue plus général des façons de régler les problèmes dont nous avons parlé. L'étude en cours est un travail très important pour notre comité, et nous aimerions présenter une série de recommandations pertinentes au gouvernement au début de l'année prochaine qui, nous l'espérons, auront une incidence positive sur la vie des gens. Comme Lana Payne, je pense, l'a dit, c'est une honte qu'il y ait tant de gens qui vivent des situations si difficiles dans un pays aussi riche que le nôtre.

Il y a beaucoup de place à la table, alors que les intervenants s'assoient s'ils en ont envie. Nous allons écouter une personne à la fois.

Derek Winsor, directeur de programme, Bridges to Hope: Merci beaucoup. Je m'appelle Derek Winsor, et je dirige un groupe d'ici qui s'appelle Bridges to Hope Food Aid Centre. Egbert Walters vous a probablement parlé des différentes banques alimentaires, entre autres, et nous faisons partie de cette organisation, mais ce n'est pas tout. Je fais également partie du milieu des affaires de la collectivité, et je suis membre du conseil d'administration du district scolaire de l'est dela province. Pour ce qui est de la pauvreté et de ce genre de question, mon expérience commence à être assez grande.

J'ai appris hier, en lisant le journal, que la présente audience allait avoir lieu. Je n'avais pas vu d'avis avant, et c'est probablement parce que notre organisation est en pleine restructuration, mais je voulais saisir l'occasion qui m'est offerte aujourd'hui de vous donner — et j'ai entendu la fin du dernier exposé — une idée de ce qui se passe dans la rue.

Notre organisation existe depuis 1989 sous forme de banque alimentaire, mais nous souhaitons maintenant renverser la tendance qui fait que les gens vont aux banques alimentaires, ou aux dépenses, comme nous les voyons ici à Terre-Neuve, où il y avait autrefois des dépenses dans les maisons. À l'époque, votre voisin venait emprunter quelque chose dans votre dépense, puis c'était vous qui empruntiez quelque chose dans la sienne. C'est la philosophie de notre organisation, pour que les gens ne soient pas mal à l'aise de venir nous voir.

J'ai apporté un exemplaire du texte d'un exposé qui a été rédigé pour notre assemblée annuelle de l'année dernière, et j'aimerais vous le laisser; comme ça, vous aurez un peu plus d'information.

Mon but, en venant ici aujourd'hui, c'était de dire que régler le problème de la pauvreté n'est pas une tâche facile et de demander: quel est le rôle du gouvernement fédéral à cet égard? J'y ai réfléchi, et je dois dire que je n'ai pas la réponse, mais j'ai jeté un coup d'œil sur des données statistiques que notre organisation recueille. En juillet 2007, nous avons offert nos services à 466 personnes — enfants et adultes confondus —, et en juillet 2008, nous avons servi 785 personnes, ce qui veut dire qu'il y a eu une augmentation de 70p.100. Le pays, la province et la ville traversent la période la plus prospère de leur histoire, et, malgré tout, il y a un écart très important par rapport à la pauvreté et au fait qu'il y a des gens pour qui la nourriture et le chauffage manquent. On veut toujours savoir pourquoi ce genre de chose se produit. Je n'ai pas la réponse, mais j'ai quelques idées.

Je pense que le problème, c'est que nos politiques ne sont pas élaborées au niveau où elles devraient l'être. Nos décideurs, qui occupent les hauts rangs du gouvernement, n'ont aucune idée de ce qui se passe dans la rue. J'aimerais voir des sous-ministres adjoints du gouvernement fédéral et de la province venir faire mon travail pendant une journée. Je pense que cela modifierait la façon que les responsables des politiques du pays concevraient lapolitique visant à régler ce problème particulier qui est celui dela pauvreté. Venez voir ces 319 personnes de plus qui se sont adressées à notre organisation parce qu'elles n'avaient pas suffisamment à manger. Venez rencontrer cette femme, qui parce qu'elle n'a pas pu payer son compte d'électricité, a vu ses prestations d'aide sociale réduites, ce qui fait qu'elle et ses enfants ont dû se débrouiller avec 19,95$ pendant deux semaines. J'aimerais voir un ministre, un sous-ministre et tous les bureaucrates de tous les niveaux du gouvernement qui sont chargés des politiques prendre conscience de l'effet que leurs actions ont sur les personnes. Tous les politiciens du pays montent sur une plate-forme lorsque des élections s'en viennent et ils cherchent à obtenir ce vote de plus, parce que chacun des votes qu'ils obtiennent leur permet de se rapprocher de la majorité. Cependant, ce vote de plus ne fait aucune différence une fois qu'ils ont obtenu leur siège, ou à tout le moins est-ce l'impression qui se dégage. Lorsque vient le moment d'élaborer cette politique, ça ne semble plus compter. Je donne peut-être l'impression que je m'emporte, mais je veux remettre une dose de réalité là-dedans. J'ai la réputation d'être direct, alors tout peut sortir de ma bouche. La raison pour laquelle je suis ici aujourd'hui, c'est pour vous communiquer cette information.

Notre rapport contient des renseignements précieux, et j'espère que vous pourrez prendre le temps de consulter. Oui, c'est un rapport qui ne vise que notre organisation, et ce n'est qu'un petit échantillon, mais, d'après les conversations que j'ai eues, la situation est semblable partout au pays.

J'ai eu l'occasion de participer aux réunions de l'Association canadienne des commissions/conseils scolaires qui se sont tenues à Regina pendant la première semaine de juillet, et j'ai pu constater moi-même que les problèmes auxquels nous sommes confrontés à St.John's ne sont en rien différents de ceux auxquels les gens sont confrontés à Regina. En Saskatchewan, il y a cet écart de pauvreté parce que la province vit une période de forte croissance économique aussi. Le gouvernement fédéral doit faire preuve de leadership dans les orientations stratégiques qu'il se donne dans ce domaine pour que les provinces puissent faire la même chose.

Terre-Neuve-et-Labrador a fait du bon travail jusqu'à maintenant, et la province a mis en place une excellente stratégie de réduction de la pauvreté. Celle-ci n'est pas parfaite, non. Est-ce qu'elle peut donner des résultats? Oui. Est- ce que le gouvernement fédéral offre un soutien qui peut contribuer à ce qu'elle donne des résultats? Oui, je pense que le soutien est là. Devrait-il y avoir un soutien? Oui.

Le principal problème, pour des organisations comme la nôtre, c'est celui de la poursuite des activités, parce que nous sommes toujours aux prises avec cette importante difficulté qui est le coût de nos activités. Récemment, notre organisation qui, auparavant, était établie dans une église, a fait l'acquisition d'un édifice, ou a acquis la capacité d'être propriétaire d'un édifice et de continuer de faire ce que nous voulons faire pour régler le problème de la pauvreté.

Nous croyons que l'éducation est une chose importante. Nous pensons qu'il vaut mieux montrer à quelqu'un comment cuisiner plutôt que de demander à quelqu'un d'autre de cuisiner pour cette personne, parce que nous croyons que c'est plus productif. Comment le gouvernement fédéral peut-il régler ce problème?

J'ai lu ce rapport pour la première fois ce matin, ou plutôt je l'ai feuilleté. Je ne peux pas dire que je l'ai lu en entier, mais il porte sur l'assurance-chômage, le logement, la santé, l'éducation, et ainsi de suite. D'excellentes options ont été présentées. J'espère que vous allez pouvoir les appliquer, et que le gouvernement fédéral va les appliquer, de façon positive pour que la personne qui est venue me voir la semaine dernière et qui n'a que 19,95$ pour vivre parce qu'elle n'a pas d'éducation... que les politiques et les recommandations, quelles qu'elles soient, vont avoir un effet positif sur cette personne. Cette question me passionne. C'est la raison pour laquelle je fais partie du conseil d'administration scolaire. Je pense que l'éducation est une chose importante, et je crois que nous arriverons à éliminer la pauvreté au pays si nous offrons une éducation de la meilleure qualité possible à tous les enfants, et si nous offrons aux adultes qui n'ont pas pu fréquenter l'école l'éducation dont ils ont besoin pour bien vivre.

Un dernier chiffre qu'il est important de connaître concerne les travailleurs pauvres. Le rapport parle de ce groupe. L'augmentation la plus importante dont nous sommes témoins dans la collectivité à l'heure actuelle, c'est celle qui concerne les gens qui gagnent le salaire minimum et qui ne sont en mesure que de travailler 25 ou 30 heures par semaine, ce qui fait qu'ils n'arrivent pas à joindre les deux bouts. Ce sont ces gens qui viennent nous voir. Ils viennent nous voir parce que, en novembre 2007, un litre d'huile à chauffage coûtait 73 cents dans la province. Maintenant, le litre coûte 1,27$. Les fournisseurs ne font pas de livraison en deçà de 200$. Avant, les gens se faisaient livrer pour 100$ d'huile, une demi-citerne. Où vont-ils trouver ces 100$ de plus dont ils ont besoin, puisqu'ils ne les ont pas? Tous les politiciens et tous les bureaucrates, du haut au bas de l'échelle, doivent être en mesure de comprendre ces problèmes, parce que c'est facile de devenir habitués au confort — je suis direct — lorsqu'on touche un gros salaire et qu'on pense qu'on fait ce qui convient pour la personne. Cependant, il est impossible de savoir si on fait la bonne chose si on ne pose pas la question aux gens concernés.

Le président: Merci de votre précieuse contribution. Chers collègues, avez-vous des questions à poser à M.Winsor?

Le sénateur Trenholme Counsell: Merci beaucoup. Vos paroles nous sont allées droit au cœur. C'est fantastique que vous ayez pris le temps de venir ici aujourd'hui. Je suis d'accord avec tout ce que vous avez dit. C'est très touchant.

Il est évident que vous vous dévouez à l'éducation, je suis d'accord avec vous. Je crois que la meilleure solution, c'est l'éducation; tous les types de programmes d'éducation, à tous les niveaux, et ainsi de suite. Vous siégez au conseil scolaire, et je me demande ce qui se passe dans vos écoles du côté des programmes de petit déjeuner, entre autres. Est-ce que ça fonctionne bien ici? Est-ce que le besoin augmente? D'après ce que vous avez dit, j'imagine qu'il augmente, mais j'aimerais que vous nous parliez un peu de ce genre de chose. À l'échelle du pays, il y a le programme Déjeuner pour apprendre et quelques autres initiatives, mais j'aimerais que vous me parliez un peu de la façon dont les choses se passent ici.

M.Winsor: Ça varie en fonction des régions. Dans certaines écoles situées en milieu urbain, il y a le School Lunch Program. C'est une organisation indépendante qui exécute ce programme, et les gens de cette organisation servent des dîners dans les écoles. Leur capacité de le faire est fonction des installations qui existent dans chacune des écoles, et celles-ci varient. D'autres écoles offrent leur propre programme de déjeuner aux élèves. On essaie de travailler ensemble là-dessus, mais le programme n'existe pas dans toutes les écoles. C'est surtout dans les secteurs défavorisés de la ville ou dans certaines régions rurales, mais ça existe.

Le sénateur Trenholme Counsell: Il y a des gens qui sont cyniques au sujet de ces programmes de déjeuner. Ils pensent qu'il y a beaucoup d'enfants qui pourraient très bien déjeuner chez eux qui vont manger à l'école parce que c'est facile et que c'est offert. Croyez-vous que ce genre de programme devrait être plus facile d'accès pour plus de gens — je ne sais pas si on peut dire plus universel — et offert plus généralement qu'en ce moment? Est-ce ça fait une différence, à votre avis?

M.Winsor: Je pense que les programmes qui sont mis sur pied, peu importe leur nature, ne devraient jamais être discriminatoires, et les gens qui en bénéficient n'ont donc pas à être des clients des services sociaux. Il y a beaucoup de parents qui se chicanent avec leurs enfants le matin parce que les jeunes enfants ne veulent pas manger, mais à 9 heures moins dix, les enfants peuvent être prêts à manger un yogourt ou quelque chose d'autre à l'école. Je pense que ça devrait leur être offert si ça peut leur permettre d'avoir l'énergie dont ils ont besoin pour la journée. Il y a toutes sortes de raisons pour lesquelles les enfants refusent de manger le matin, des problèmes de pauvreté et aussi de comportement, mais nous devons travailler à régler ces problèmes également. J'espère que ça répond à votre question.

L'une des raisons pour lesquelles je fais ce que je fais, c'est que nous avons aussi un programme de paniers de Noël, comme beaucoup d'autres villes du pays. Pour tout vous dire, une dame est venue me voir il y a deux Noëls pour s'inscrire au programme. Elle avait toujours été une personne forte dans sa collectivité. Elle venait d'une région rurale de Terre-Neuve et avait dû venir s'installer à St.John's pour des raisons de santé. Elle suivait un traitement de chimiothérapie et s'était retrouvée sur l'aide sociale à cause de ça. Elle s'est présentée à nous comme un membre fidèle de son église, et elle avait toujours offert son aide lorsque le temps était venu de faire les paniers de Noël. Elle s'est excusée de venir nous demander de l'aide. Nous ne refusons jamais d'aider qui que ce soit, peu importe la raison, mais cette dame s'est excusée lorsqu'elle est venue me voir. Au bout du compte, c'est parce qu'elle était à St.John's et qu'elle ne pouvait pas rentrer chez elle. Sa fille et sa petite-fille allaient venir la voir, et elle voulait préparer un souper de Noël parce que les médecins lui avaient dit que ça allait être son dernier Noël. Mesdames et messieurs, je peux vous dire que si j'avais eu des actions de Kleenex à ce moment-là, j'aurais contribué à l'augmentation de leur valeur, parce que ça m'a brisé le cœur d'écouter cette histoire, et ça me brise le cœur de la raconter, mais c'est la raison pour laquelle je fais ce que je fais.

Le président: Merci de faire ce que vous faites, et, s'il vous plaît, continuez.

M.Winsor: Merci.

Le président: S'il vous plaît, laissez-nous un exemplaire de votre exposé et du vidéo. Ce serait super.

M.Winsor: J'espère que la version électronique fonctionne. Je ne suis pas très bon pour faire des CD.

Le président: Merci, monsieur Winsor.

J'ai les noms de deux autres personnes: Lorraine Best et John Eddy. Je peux vous permettre de parler séparément ou ensemble. Vous allez avoir dix minutes si vous le faites ensemble, alors ne vous inquiétez pas, je ne vais pas vous donner moins de temps. Vous êtes tous les deux du Seniors Resource Centre of Newfoundland and Labrador.

Lorraine Best, à titre personnel: Est-ce que ça fonctionne? Je veux qu'on m'entende.

Le président: Oui, ça fonctionne.

MmeBest: Je suis membre du Aging Issues Network of Newfoundland and Labrador. Je suis également bénévole au Seniors Resource Centre, et je suis une personne âgée. Je n'ai pas 65 ans; je suis beaucoup plus vieille que ça. Vous pensez peut-être que non, mais c'est vrai.

Le Aging Issues Network était financé par l'Agence de la santé publique du Canada, et le financement passait alors par le SeniorsResource Centre. Nous avons commencé en 2004, et leréseau est maintenant provincial. Il compte 100 membres, et 30organisations et groupes de personnes âgées y sont représentés.

Le rapport porte principalement sur le logement. Je veux aborder deux ou trois choses, la première étant le revenu. Nous avons constaté que c'est le facteur économique qui constitue l'obstacle le plus important au fait d'offrir des logements adéquats aux aînés. En général, le revenu des personnes âgées a augmenté, mais il y a encore un problème de pauvreté. En 2000, 46p.100 des femmes célibataires et 31p.100 des hommes célibataires étaient pauvres. Comme le nombre de personnes âgées a augmenté, en chiffres absolus, le nombre d'aînés qui vivent dans la pauvreté a augmenté d'environ 1,2 million d'hommes et de femmes. La plupart des aînés — 93p.100 — vivent dans un logement acheté ou loué par eux ou par un membre de leur famille.

Sur le plan du sexe, le nombre de ménages de personnes âgées ayant des problèmes d'accès en raison du manque d'argent a augmenté, trois femmes âgées sur quatre vivant seules à Terre-Neuve-et-Labrador.

Je ne vais pas passer en revue tout le rapport, parce que je n'ai pas le temps, alors je vais parler de certaines parties de celui-ci.

Pour ce qui est du milieu social, les aînés ont besoin d'avoir un sentiment d'appartenance à leur collectivité pour demeurer en santé. Ils ont besoin du soutien de leur famille, de leurs amis et de la collectivité pour gérer certaines situations difficiles et pour avoir le sentiment qu'ils ont une certaine emprise sur leur vie.

En février 2006, nous avons organisé un atelier sur les questions liées au vieillissement à St.John's, et les trois priorités suivantes ont été établies à l'issue de cet atelier: le logement supervisé abordable, le logement subventionné abordable et accessible et un programme provincial d'entretien et de rénovation des maisons.

Comme je l'ai dit, je suis bénévole au Seniors Resource Centre. Ça fait 14 ans maintenant. Je m'occupe de la ligne d'information. Lorsqu'une dame âgée me téléphone et me dit que de l'eau lui coule sur le visage lorsqu'elle se réveille le matin, c'est qu'elle est sans abri. C'est aussi de la violence envers une personne âgée. Lorsque des aînés ont des problèmes respiratoires à cause de la moisissure et de l'humidité dans leur appartement — et je connais des gens dont c'est le cas — c'est le problème de la pauvreté, du fait d'être sans abri et de la violence envers les aînés. Je travaille beaucoup dans le domaine de la violence envers les aînés; c'est ma principale préoccupation. Il y a beaucoup d'aînés aujourd'hui qui doivent faire un choix entre la nourriture, les médicaments et un toit, parce qu'ils n'ont pas suffisamment d'argent pour se permettre tout ça. Ils sont nombreux à aller au centre commercial pendant l'hiver pour se tenir au chaud.

Le thème principal des recherches universitaires et en matière de politique, c'est le fait de vieillir chez soi, ce que la SCHL définit comme étant un processus qui permet aux personnes âgées de vieillir dans le milieu familier et confortable qui est leur propre maison. C'est ce que nous voulons. Nous voulons rester chez nous, mais nous avons besoin de soutien. Nous avons besoin d'argent pour arriver à le faire.

La capacité de payer pose un défi pour ce qui est d'offrir des logements adéquats aux aînés. En général, le revenu des personnes âgées a augmenté, mais il y a encore un problème de pauvreté. Le nombre de ménages de personnes âgées ayant des problèmes d'accès en raison du manque d'argent a augmenté, trois femmes âgées sur quatre vivant seules à Terre-Neuve-et-Labrador. En général, les femmes vivent plus longtemps que les hommes dans la province. Ça semble être la tendance, non? Les femmes sont beaucoup plus nombreuses que les hommes à demeurer dans la fourchette de revenu inférieure, et elles sont peu nombreuses à atteindre la fourchette supérieure.

Qu'est-ce qui a été fait et qu'est-ce qui fonctionne? D'après les données du recensement de 2001, 84p.100 des aînés de Terre-Neuve-et-Labrador possèdent leur propre maison, comparativement à 71p.100 des aînés de l'ensemble du Canada. Dans la province, 93p.100 des aînés vivent dans la collectivité, c'est-à-dire ailleurs qu'en établissement. Cependant, le fait que beaucoup d'aînés possèdent leur maison ne signifie pas que les logements offerts aux aînés sont abordables, ni qu'il s'agit de logements supervisés ou encore que ces logements répondent bien à leurs besoins.

Pour ce qui est de l'entretien et des rénovations, on a annoncé en 1998 la mise sur pied du Provincial Home Repair Program — j'imagine que vous connaissez ce programme — afin d'aider les gens à rénover leur domicile ou à le rendre plus accessible. Ce programme remplace le Programme d'aide à la remise en état des logements, ou PAREL et le programme Logement adapté: aînés autonomes, ou LAAA de la SCHL. Le Provincial Home Repair Program offre une aide financière aux nouveaux propriétaires, afin de leur permettre d'effectuer les rénovations nécessaires pour qu'ils puissent continuer de vivre à la maison, mais la priorité est accordée aux rénovations auxquelles il faut procéder immédiatement.

Je pense à un homme qui m'a téléphoné vraiment, vraiment souvent et qui a attendu environ cinq ans pour faire réparer ses robinets. Il faisait de l'arthrite et n'arrivait pas à tourner les poignées. Évidemment, dans les régions rurales, la demande est plus forte pour le programme de rénovation des maisons. J'ai vérifié auprès de Newfoundland and Labrador Housing. Des 4000 personnes dont le nom figure sur la liste d'attente du programme de rénovation des maisons de l'organisation, de 1000 à 2000 sont des personnes âgées, et 99p.100 de ces personnes âgées vivent en milieu rural. Le temps d'attente est important: de deux ans et demi à trois ans pour des rénovations ordinaires. Le Provincial Home Repair Program est financé au tiers par le gouvernement fédéral et aux deux tiers par la province, mais le gouvernement fédéral doit se retirer du programme en mars 2009, et rien n'indique qu'on prévoit prolonger le programme. On m'a demandé de le dire haut et fort.

Le président: Nous l'avons entendu dire déjà aujourd'hui; nous le savons. Oui, c'est vrai. Le gouvernement fédéral n'a fait aucune annonce, dans un sens ou dans l'autre. Le programme est dans les limbes.

MmeBest: J'ai vérifié l'information aujourd'hui parce que je n'étais pas sûre.

Qu'est-ce qui devrait être fait, selon nous? Il faut créer des logements et des services qui assurent dignité et respect aux aînés. D'après l'Association canadienne pour la santé mentale, le fait de vieillir chez soi est essentiel à la santé et à l'autonomie des personnes âgées. Connaissez-vous tous cette expression, vieillir chez soi? La plupart des gens âgés veulent avoir le choix de pouvoir vivre chez eux, dans un milieu qui leur est familier, entourés de voisins qu'ils connaissent, et avec un accès aux services et aux transports. Je possède une maison, et je touche un bon revenu, mais ça devient de plus en plus difficile. L'an dernier, j'ai dû débourser 650$ par mois pour l'huile de chauffage. Je ne sais pas combien que ça va coûter cette année. Ça devient de plus en plus difficile pour tout le monde. Pour vieillir chez soi, il faut que l'entretien et la rénovation des maisons soient abordables et accessibles, et il faut que cela se combine au soutien communautaire dans des collectivités accueillantes pour les personnes âgées.

Bref, encore une fois, nous nous occupons principalement des mesures de soutien dont nous avons besoin pour demeurer à la maison et de la création de différentes options en matière de logement et de soutien communautaire. Il faut que nous ayons plusieurs options. Nous devons montrer qu'il y a d'autres options, mis à part le fait d'être capable de s'occuper de soi-même ou de s'installer dans un foyer de soins infirmiers. Ce ne sont pas toutes les personnes âgées qui vivent dans des foyers de soins infirmiers, comme certaines personnes le pensent. La plupart d'entre nous vivons dans la collectivité. Il faut créer des logements abordables, accessibles et supervisés pour les personnes âgées dans le cadre des projets de construction de logements, et l'accès au soutien à la maison doit être accru, c'est ce qui manque dans la province. Nous ne recevrons plus de financement de la part du gouvernement fédéral à partir de 2009, et nous ne recevons aucun financement de sa part pour les grands projets de construction de logements pour personnes âgées.

Avez-vous quelque chose à ajouter?

John Eddy, à titre personnel: Je veux simplement dire un mot ou deux au sujet du logement abordable. Comme comité, nous aimons disposer d'unités de logement abordables. Ce que nous aimerions avoir, c'est quelque chose en ville, un complexe qui forme une sorte de village pour personnes âgées. Je ne sais pas si quelqu'un parmi vous connaît Masonic Park ou Glenwood, St.Luke's. Il s'agit de complexes de logements pour personnes âgées. Ma femme et moi avons présenté une demande pour une maison à deux chambres à coucher à Masonic Park. Il y a là-bas un immeuble d'appartements, des maisons et des appartements, mais nous voulons une maison à deux chambres à coucher. Nous nous sommes inscrits sur la liste en septembre 2001. J'ai téléphoné avant de venir, et nous allons probablement attendre encore un an ou deux avant de pouvoir accéder à la maison que nous voulons. Il y a un besoin pour ce genre de complexes.

Au centre, nous avons dit que si le gouvernement fédéral, le gouvernement provincial ou la municipalité et une organisation sans but lucratif décidaient de participer — s'il s'agissait d'une organisation sans but lucratif plutôt que d'une entreprise privée, les loyers seraient un peu moins élevés —, c'est ce que nous aimerions voir se produire. Comme Lorraine l'a dit, le financement doit cesser en 2009, alors nous aimerions voir ce financement se poursuivre. Le gouvernement provincial possède trois terrains inutilisés en ville, soit les sites de trois hôpitaux qui ont été fermés et qui vont être démolis. Peut-être le gouvernement fédéral, le gouvernement provincial et la municipalité peuvent-ils se réunir et conclure une entente quelconque afin de voir s'il serait possible de créer de nouveaux complexes-villages pour personnes âgées en ville, parce que la ville offre tout ce dont ils ont besoin aux personnes âgées, des centres commerciaux jusqu'aux hôpitaux, entre autres.

MmeBest: Je veux dire quelque chose. Ça n'a peut-être rien à voir avec vous, mais toutes sortes de complexes pour personnes âgées privés sont construits par des particuliers avec des fonds fournis par le gouvernement provincial, mais ces endroits sont inabordables pour les personnes âgées. S'ils touchent 1 100$ ou 1 200$ par mois, ce qui est le cas de bien des aînés, comment peuvent-ils payer un loyer de 700$ par mois?

D'après ce que je comprends — et corrigez-moi si je me trompe, parce que j'aimerais savoir —, lorsque le gouvernement fédéral a financé de grands projets comme ceux dont je parle, il est intervenu dans la construction de ceux-ci. Vous vous rappelez que nous avons parlé de ça?

M.Eddy: Oui.

MmeBest: Cette réunion à laquelle nous avons participé?

M.Eddy: Oui.

Le président: De façon générale, le gouvernement fédéral fournit le financement, mais c'est la province qui conclut les ententes et qui s'occupe de ce genre de détail.

MmeBest: D'accord.

Le président: Je ne sais pas si le gouvernement fédéral participerait, par l'intermédiaire de la SCHL.

MmeBest: Ils ne décident en rien du type d'édifice qui est construit?

Le président: Ils décident si ça va être des logements pour personnes âgées ou quelque chose d'autre. C'est en fonction du budget dans le cadre duquel le financement est versé. Cependant, pour ce qui est de déterminer les détails de la conception et d'autres choses du genre, c'est généralement quelque chose qui se fait à l'échelle locale ou à l'échelle des organisations sans but lucratif, des municipalités ou de la province.

MmeBest: À mon sens, si le gouvernement fournit l'argent, il devrait pouvoir déterminer certains éléments du projet. Comment pouvons-nous payer ce genre de loyers?

Le sénateur Cordy: Merci de vos observations. Je siège également à un comité qui étudie la question du vieillissement, et c'est le sénateur Carstairs qui le préside. Vous avez parlé plus tôt du fait que nous voyons parfois les aînés de façon stéréotypée et oublions, je pense, que Mick Jagger est une personne âgée; il a eu 65 ans récemment.

MmeBest: Il a cependant beaucoup d'argent.

Le sénateur Cordy: Oui, vous avez raison, il a beaucoup d'argent. Avouez que ce serait extraordinaire si nous avions tous autant d'argent que lui. Comme nous entretenons des stéréotypes, je pense que nous devons parfois rappeler aux gens que certaines choses des plus extraordinaires se sont produites pendant la vieillesse de certaines personnes.

Je pense que ce que vous avez dit au sujet du fait de vieillir chez soi est extrêmement important, et à cet autre comité, nous avons entendu cela à de nombreuses reprises. Je pense que l'un des enjeux, c'est que les coûts sont beaucoup moindres pour les gouvernements si les aînés peuvent rester chez eux plus longtemps.

MmeBest: Certainement.

Le sénateur Cordy: La personne âgée est plus heureuse, et le coût est moindre pour le système.

Vous avez fait une excellente observation lorsque vous avez dit que nous devons mettre des systèmes de soutien en place et que cela inclut les rénovations des maisons des personnes âgées qui vivent dans leur propre maison. Je viens de la Nouvelle-Écosse. Dans les Maritimes, une forte proportion de gens possèdent leur propre maison, parce que, dans bien des cas, elle leur a été léguée, surtout dans les régions rurales. Néanmoins, il faut rénover les maisons pour que le milieu soit sécuritaire pour les gens qui y vivent.

MmeBest: C'est exact.

Le sénateur Cordy: Vous avez donné de bons exemples tout à l'heure. Nous devons offrir de l'argent pour ce genre de choses. Lorsque je réfléchis au fait que les ententes en matière de logement conclues avec le gouvernement fédéral prennent fin en mars 2009, ça me fait peur. Jusqu'à maintenant, le défi consiste à faire en sorte que les représentants du gouvernement fédéral discutent avec les gens. Il semble qu'ils n'ont nullement le désir de le faire, et mars 2009, c'est bientôt.

MmeBest: Exactement.

Le sénateur Cordy: C'est difficile pour le gouvernement provincial et pour les municipalités de commencer à planifier n'importe quel type de projets de logement s'ils ne sont pas sûrs d'obtenir le financement.

J'ai une question à vous poser. Comme nous parlons des systèmes de soutien, je veux vous parler du fait que j'ai parrainé, au Sénat, un projet de loi du ministre des Anciens Combattants lorsque M.Chrétien était premier ministre, et ce projet de loi portait sur le Projet pour l'autonomie des anciens combattants. Il s'agit d'un programme qui s'adresse aux soldats qui ont servi à l'étranger, et c'est un programme extraordinaire qui permet aux gens de demeurer chez eux. Le programme a été créé il y a bien des années parce qu'il n'y avait pas suffisamment de places à l'hôpital pour les anciens combattants, alors on a lancé ce programme pour permettre aux gens de demeurer chez eux jusqu'à ce qu'une place se libère à l'hôpital. Par la suite, lorsque les places ont commencé à se libérer à l'hôpital, les gens ont dit: «Oubliez ça, j'adore ça comment ça se passe en ce moment, j'aime beaucoup avoir la possibilité de vieillir chez moi, et tout ce dont j'ai besoin, c'est d'un système de soutien pour pouvoir y demeurer plus longtemps.» Ce que nous avons entendu dire, c'est que ce modèle devrait être appliqué à tous les aînés du Canada, et non seulement aux anciens combattants. Connaissez-vous le programme en question? Que penseriez-vous d'un programme pour l'autonomie des personnes âgées qui leur permettrait de demeurer chez eux en toute sécurité? Les maisons des personnes âgées doivent être sécuritaires, et le Programme pour l'autonomie des anciens combattants contribue à la sécurité des gens qui y participent grâce à des choses comme l'enlèvement de la neige, l'entretien ménager et les rénovations.

MmeBest: Je ne sais pas s'il s'agit du même programme, mais des membres de la famille d'anciens combattants m'ont appelée pour demander du soutien et de l'aide. Cependant, le soutien est offert en fonction du revenu, et certaines personnes n'y ont pas accès. C'est peut-être d'un autre programme que vous parlez, mais je sais que cela s'est produit et que certaines personnes ont reçu très peu de soutien à domicile en raison de leurs moyens financiers.

Le président: Seriez-vous heureuse si un programme du genre, mais élargi, était offert aux personnes âgées?

MmeBest: Eh bien, oui. J'ai reçu deux personnes cet après-midi, un fils et une fille. La fille vient de la Nouvelle- Écosse, et elle était ici en visite. Ils essaient d'organiser quelque chose pour le moment où ça deviendra nécessaire pour leur mère. Leur mère ne veut rien faire en ce moment, même si elle a 85 ans. Je ne l'en blâme pas. D'une manière ou d'une autre, elle a été étonnée et déçue lorsqu'elle a constaté qu'aucun soutien à domicile n'est offert à Terre-Neuve-et- Labrador. Venez-vous de...

Le sénateur Cordy: Je viens de la Nouvelle-Écosse.

MmeBest: Elle a dit que c'était une chose qui existe là-bas pour les personnes âgées.

Le sénateur Trenholme Counsell: J'ai adoré votre exposé. J'ai ri parce que nous parlions des gens qui ont de l'aide pour couper leur gazon et de ceux d'entre nous qui n'en ont pas.

MmeBest: Ça ne me dérange pas que vous riiez, ma chère. C'est très bien; c'est bon pour nous de rire.

Le sénateur Trenholme Counsell: Non, je ne riais pas de vous; je riais parce que je pensais au fait d'obtenir de l'aide. J'ai besoin d'aide pour couper mon gazon, et il ne fait aucun doute que je suis une personne âgée.

Je voulais poser les questions que le sénateur Cordy a posées au sujet du soutien à domicile. Peut-être pouvez-vous nous parler un peu de ce qui est offert à Terre-Neuve-et-Labrador à titre d'exemple, puisque nous nous trouvons dans votre jolie province?

Par ailleurs, j'ai entendu dire que la forte augmentation du prix de l'essence avait un effet négatif sur les services de repas à domicile. On ne trouve personne pour livrer les repas. Si c'est vrai, c'est terrible, parce que je pense qu'il s'agit d'un excellent programme. Tant de gens ont trouvé ce programme utile dans les collectivités que je connais le mieux. Le sénateur Cordy a posé beaucoup des questions que je voulais poser, mais peut-être pouvez-vous nous dire combien coûtent les mesures de soutien à domicile pour les personnes âgées, par exemple le fait qu'une personne vienne les aider, que ce soit pour prendre un bain, allermagasiner ou quoi que ce soit d'autre, et, deuxièmement, peut-être pouvez-vous nous dire ce qu'il en est des services de repas à domicile.

MmeBest: Je ne suis pas au courant pour ce qui est des repas à domicile. Je n'en ai pas entendu parler, mais ça ne m'étonnerait pas que ce soit ce qui se produise. Pour ce qui est du soutien à domicile, c'est en fonction des moyens financiers des gens. C'est en fonction des moyens financiers, et chacun se trouve dans une situation différente, alors je ne sais pas combien les gens en reçoivent ou de combien d'heures il s'agit. Ça dépend de la quantité d'argent que le gouvernement fournit et des besoins du client — je déteste le mot «client» — les besoins de la personne. Ça passe par le ministère de la Santé et des Services communautaires, et c'est au cas par cas. On évalue la situation des gens, mais il y a de moins en moins de soutien à domicile ici. Lorsque les personnes âgées touchent 1 100$ ou 1 200$ par mois, combien peuvent-ils débourser pour le soutien à domicile?

Le président: Vous aviez un document devant vous pendant votre exposé. Pouvez-vous nous en fournir un exemplaire?

MmeBest: Certainement, je vais leur demander lorsque je retournerai là-bas.

Le président: C'est pour que nous ayons quelque chose pour le compte rendu.

MmeBest: Oui, je vais le faire.

Le président: Vous avez dit des choses très intéressantes, vous nous avez fourni des chiffres et aussi des renseignements précieux.

MmeBest: Certaines des choses que j'ai dites, les exemples, entre autres, ne figurent pas dans le rapport. Ce sont des renseignements que j'ai obtenus en travaillant à la ligne d'information.

Le président: D'accord.

MmeBest: Je peux les inclure.

Le président: Pouvez-vous faire une photocopie et nous la faire parvenir?

MmeBest: Oui, mais où dois-je l'envoyer?

Le président: La greffière va vous remettre une carte.

MmeBest: D'accord.

Le président: Voilà qui conclut notre programme d'aujourd'hui. Merci à vous deux d'être venues.

La séance est levée.


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