Aller au contenu
CITI

Sous-comité sur les villes

 

Délibérations du Sous-comité sur les villes

Fascicule 6 - Témoignages du 13 août 2008 - séance de l'après-midi


HALIFAX, NOUVELLE-ÉCOSSE, le mercredi 13 août 2008

Le Sous-comité sur les villes du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui, à 13 h 20, pour examiner les questions d'actualité des grandes villes canadiennes et en faire rapport.

Le sénateur Art Eggleton (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bienvenue à la séance du Sous-comité sénatorial sur les villes, qui est ici dans le cadre d'une tournée pancanadienne. Nous abordons les questions touchant les villes canadiennes, et plus particulièrement, nous nous concentrons sur la pauvreté, le logement et l'itinérance au cours de la première partie de nos travaux.

Notre étude est fondée sur les travaux antérieurs effectués au Sénat sur la question de la pauvreté. Le rapport publié en 1971 sous la direction du sénateur Croll est à signaler, ainsi que le rapport de 1997 du sénateur Cohen, intitulé La pauvreté au Canada : le point critique. Je sais qu'il y a ici des gens qui viennent de St John's, ville natale du sénateur Cohen. Je me rappelle que M. Tom Gribbons, de l'organisme Collectivités dynamiques de Saint John a témoigné devant nous à l'occasion des audiences que nous avons tenues à Ottawa. Il nous a dit que le sénateur Cohen continue de travailler à Saint John, où elle consacre beaucoup de temps à soutenir bénévolement différents groupes dont l'objectif est de réduire la pauvreté dans les rues mêmes où elle a grandi. En fait, nous l'avons invitée à participer à la présente séance, et malheureusement, elle n'a pas pu venir, mais elle nous dit qu'elle suit les travaux du comité.

Je devrais signaler que notre étude et l'étude sur la pauvreté en milieu rural qu'effectue le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts sont complémentaires, alors nous essayons de mettre tout ça ensemble.

Nous avons tenu des audiences à Ottawa, comme je le disais il y a un instant, et nous avons publié un rapport intitulé Pauvreté, logement et sans-abrisme : Enjeux et options. Les 103 options définissent les problèmes auxquels nous sommes confrontés en ce qui a trait à la pauvreté, au logement et à l'itinérance.

Nous en sommes maintenant à l'étape suivante des travaux du comité. Nous faisons en ce moment une tournée de différentes villes canadiennes, et nous invitons des gens d'autres villes, comme aujourd'hui, afin d'approfondir notre examen des enjeux et d'entendre ce que les gens ont à dire au sujet de ces 103 options ou d'une partie de celles-ci.

Ce matin, nous avons entendu le témoignage des représentants de la province de la Nouvelle-Écosse ainsi que des dirigeants des municipalités de Halifax et de Charlottetown. Demain, nous allons entendre le témoignage des représentants des provinces du Nouveau-Brunswick et de l'Île-du-Prince-Édouard ainsi que d'autres dirigeants municipaux.

Cet après-midi, nous avons invité des représentants de différents groupes qui s'occupent des gens confrontés à des problèmes liés à la pauvreté, au logement et à l'itinérance. Nous souhaitons que la séance se déroule sous forme de dialogue ouvert et constructif sur les mesures qui pourraient être prises. Nous aimerions entendre ce que vous avez à dire quant au genre de choses que le gouvernement fédéral devrait faire selon vous. Les jeunes disent que les différents ordres de gouvernement doivent adopter une démarche de collaboration en ce qui concerne les stratégies de réduction de la pauvreté.

Je vais faire un tour de table. Je vais commencer par le maire adjoint de Wolfville, M. Wrye, s'il est prêt. Vous pouvez simplement vous présenter, s'il vous plaît, et nous expliquer un peu votre point de vue sur ces questions ou ce que votre organisation fait par rapport à la pauvreté, au logement et à l'itinérance.

Ensuite, nous allons préciser les choses un peu. Nous allons aborder la question de la pauvreté, et en particulier des programmes de soutien du revenu comme l'assurance-emploi et l'aide sociale ou le bien-être social et autres choses du genre, et nous allons discuter du fait que ces programmes fonctionnent ou non et de ce que le gouvernement pourrait faire. Ensuite, nous allons aborder à partir de là la question du logement et de l'itinérance, et ça devrait être tout pour notre programme aujourd'hui.

Je veux également mentionner aux gens qui sont peut-être assis derrière que nous invitons les gens qui auraient quelque chose à nous dire à prendre cinq minutes pour le faire. Tout ce que nous demandons, c'est que les intervenants s'inscrivent à la table qui se trouve à l'extérieur de la salle. Là-dessus, nous allons faire les présentations. Permettez-moi d'abord de vous présenter les membres du sous-comité.

M. Jim Munson est officiellement un sénateur de l'Ontario, mais il passe beaucoup de temps au Nouveau- Brunswick. Oui, il est clair qu'il revendique ses liens avec le Nouveau-Brunswick aujourd'hui. Les membres de notre comité sont nombreux à être passionnés pour un domaine en particulier, et vous allez voir que le sénateur Munson s'intéresse pour sa part aux gens qui ont un handicap, et plus particulièrement, aux personnes qui sont atteintes d'autisme. Le comité vient de publier un rapport sur l'autisme il n'y a pas très longtemps, et, bien sûr, notre comité a publié un important rapport sur la santé mentale intitulé De l'ombre à la lumière lorsque M. Michael Kirby en assurait la présidence. Le comité est depuis longtemps composé de gens qui font preuve de passion lorsqu'il s'agit d'agir en fonction de leurs convictions.

Le sénateur Jane Cordy vient de la MRH. Je ne savais pas ce que ces trois lettres signifiaient avant aujourd'hui, mais il s'agit de la municipalité régionale de Halifax, et, bien entendu, Mme Cordy, est un sénateur de la Nouvelle-Écosse et une éducatrice, ce qui fait qu'elle pose beaucoup de questions sur l'éducation. Le sénateur Hugh Segal vient de Kingston, en Ontario, et il pose beaucoup de questions sur toutes sortes de choses, et tout le passionne. Je m'appelle Art Eggleton. J'étais censé être le président sans passion du comité. Je préside à la fois le sous-comité et le comité principal auquel le sous-comité fait rapport, c'est-à-dire le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.

Robert Wrye, maire adjoint de Wolfville, président, Union of Nova Scotia Municipalities : Je suis maire adjoint de Wolfville et président de l'Union of Nova Scotia Municipalities.

Ce qui m'a frappé, lorsque j'ai commencé à lire le rapport, c'est que les premières observations qui y sont formulées concernent les compressions effectuées en 1993 dans le domaine du logement social et les répercussions de ces compressions sur les municipalités. Lorsque les compressions ont été effectuées, les municipalités ont dû commencer à offrir le genre de services que les gouvernements fédéral et provinciaux fournissaient auparavant.

Les municipalités sont l'ordre de gouvernement qui dispose du moins de ressources pour s'occuper du genre de problèmes dont elles se sont occupées. À mon avis, les réductions d'impôt consenties par le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux au cours des dernières années auraient pu être utilisées pour régler beaucoup des problèmes dont vous parlez dans votre rapport. Au lieu de cela, on a laissé les municipalités s'occuper de ces problèmes.

Une solution de rechange aurait consisté à offrir aux municipalités les ressources dont elles ont besoin pour fournir certains des services en question. L'observation qu'a formulée M. David Miller à la séance de la Fédération canadienne des municipalités m'a frappé, c'est-à-dire que la ville de Toronto est le plus grand propriétaire de la province.

L'autre chose que j'aimerais dire vient du rapport du Conseil national du bien-être social. John Murphy, qui préside le conseil, est un ami à moi. Il m'a donné plusieurs exemplaires du rapport, si quelqu'un en veut un. Le rapport contient quatre éléments importants qui, à mon avis, pourraient être très utiles ici. Le premier, c'est que nous avons besoin d'une stratégie nationale pour régler les problèmes. Ensuite, il faut que les gouvernements fédéral et provinciaux ainsi que les administrations municipales adoptent une démarche concertée, et cela suppose à mon avis que nous fassions autre chose à l'échelle des municipalités que de se laisser dire quoi faire par les autres ordres de gouvernement. Il faut que les municipalités participent pleinement au processus. Nous avons besoin d'une structure de reddition de comptes pour garantir l'obtention de résultats; il faut nous mettre d'accord sur un ensemble d'indicateurs que nous pourrions utiliser pour la planification, pour le suivi du changement et pour l'évaluation des progrès.

J'ai été passablement impressionné par le nombre de recommandations que vous avez formulées, mais ces quatre-là semblent englober une bonne partie de ce que vous visez dans différents domaines.

Le président : Il s'agit d'options pour l'instant; nous n'avons pas encore formulé de recommandations définitives. Nous avons dressé dans le rapport la liste des 103 options que nous ont inspirées les témoignages que nous avons entendus jusqu'à maintenant, mais nous espérons formuler nos recommandations au début de l'année prochaine.

Vince Calderhead, avocat-conseil principal à l'interne, Nova Scotia Legal Aid : Je m'appelle Vincent Calderhead. Je travaille comme avocat à Nova Scotia Legal Aid depuis plus de 22 ans. Je travaille exclusivement dans le domaine du droit des pauvres, ce qui ne dit peut-être rien aux gens, mais, essentiellement, il s'agit des questions liées au soutien du revenu, au logement et aux pensions.

Je suis l'un des 65 avocats du réseau d'aide juridique. Je suis à peu près le seul avocat de ce réseau à travailler exclusivement dans le domaine du droit des pauvres. Pour cette raison, mon mandat consiste à évaluer le travail que je fais, surtout à l'échelon provincial, c'est-à-dire presque exclusivement la procédure relative aux causes types, le fait de contester les décisions qui sont souvent défavorables à nos clients.

Je donne également un cours sur le droit des pauvres et les droits de la personne à la Dalhousie Law School. Dans le cadre de ce que mes enfants avaient l'habitude d'appeler mon autre emploi, je travaille auprès des groupes nationaux de lutte contre la pauvreté, les ONG qui défendent certaines causes devant la Cour suprême du Canada. C'est en partie un travail d'intervention, mais aussi de défense des droits de la personne à l'échelle internationale, à New York et à Genève auprès des organismes responsables des traités sur les droits de la personne, le travail consistant à vérifier que le Canada s'acquitte de ses obligations relativement aux droits de la personne définis à l'échelle internationale. Je fais beaucoup de travail dans ce domaine. Pour toutes sortes de raisons, je connais très bien la dynamique, le phénomène et l'histoire du partage des coûts entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux. C'est devenu un domaine ésotérique, mais j'imagine que c'est quelque chose d'essentiel aux délibérations du comité ou encore qu'il va le devenir. Voilà mon expérience.

Mon point de vue sur le problème, c'est que, comme je le dis, je travaille surtout à des causes types, mais pour différentes raisons, je dois aussi rencontrer des gens toutes les semaines. Comme c'est le mercredi que je reçois des gens, je viens de rencontrer huit ou neuf personnes qui m'ont fait part de tous les problèmes que vous pouvez imaginer et qui découlent de leur pauvreté. Chaque semaine, je rencontre des gens qui vivent dans des logements inadéquats, de gens qui, essentiellement, cherchent un logement supervisé et des gens qui n'ont pas suffisamment d'argent pour vivre. Ça fait maintenant 20 ou 25 ans que je vois ça, et les problèmes sont récurrents, et on ne fait rien de significatif à cet égard.

Enfin, ce que je dirais pour faire un survol en guise d'introduction n'est pas étonnant vu mon expérience dans le domaine juridique : je suis avocat et je m'occupe des droits de la personne, et pour moi, il faut aborder la question de la réduction de la pauvreté du point de vue des droits de la personne.

Plus précisément, je pense que le gouvernement fédéral doit adopter une démarche de réduction de la pauvreté axée sur les droits de la personne. Il peut et doit envisager une nouvelle époque de collaboration fédérale-provinciale — de partage des coûts — qui s'inscrirait dans le cadre des obligations du Canada en matière de droits de la personne aux termes du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.

Historiquement, l'un des principaux problèmes touchant les normes nationales a été le prétendu problème du Québec. J'ai participé à l'évaluation du Canada en 2006 à Genève, et il y avait beaucoup d'intervenants là-bas, près de 30 groupes du Canada, des ONG, et bon nombre venaient du Québec. Ce qui est significatif, c'est que, à l'issue du processus, les groupes venant du Québec en étaient arrivés à une entente, un consensus, et ils ont déclaré qu'ils seraient très heureux de participer à une nouvelle démarche avec le gouvernement fédéral, les provinces et les municipalités et qu'ils appuieraient cette nouvelle démarche. Ils étaient prêts à adopter une nouvelle démarche qui s'inscrirait dans le cadre non pas de normes nationales, mais bien de normes internationales. Ils étaient prêts à adopter ça. Ils étaient prêts à s'engager à cet égard. De cette façon, on n'aurait pas l'impression qu'Ottawa dicterait encore une fois la marche à suivre aux provinces. Ce serait plutôt comme si le gouvernement fédéral, les gouvernements provinciaux et les municipalités s'acquittaient de leurs obligations et se prévalaient de leurs droits, ce que nous avons déjà fait.

Pour terminer, je dirais que l'obligation constitutionnelle — et non seulement le pouvoir — de faire cela est prévue à l'article 36.1 de la Loi constitutionnelle de 1982, qui, comme les gens le savent, est un engagement conjoint du gouvernement fédéral et des gouvernements provinciaux — une obligation — à fournir des services publics essentiels d'une qualité raisonnable. Je dirais qu'il s'agit de la source, non seulement du pouvoir, mais également de l'obligation constitutionnelle du gouvernement fédéral à intervenir. Merci.

Joe Metlege, président, Investment Property Owners Association of Nova Scotia : Je ne sais pas si je vais être capable de suivre ça, mais je m'appelle Joe Metlege. Je suis le président de l'Investment Property Owners Association of Nova Scotia. Notre association a été créée en 1979. Il s'agit grosso modo de l'association des propriétaires de la Nouvelle- Écosse. Nous représentons environ 25 000 unités ici, en Nouvelle-Écosse, ou 40 p. 100 des logements locatifs.

Tout le monde ici a, j'en suis convaincu, l'intention de trouver une solution à ce problème de pauvreté, de logements abordables, mais nous devons surveiller de près ce qui va effectivement devenir réalité. Je suis ici pour confronter les idées avec la réalité. C'est une tâche très délicate et très difficile, puisqu'il s'agit d'une législation sociale qui touche le marché privé. C'est bien connu que le gouvernement n'est pas aussi efficace que le marché privé.

Je suis ici pour vous faire part du point de vue des propriétaires de logements locatifs. Ce à quoi nous sommes confrontés, c'est la réglementation municipale et la législation provinciale, qui font l'objet de discussions à huis clos avant d'être promulguées. La législation est adoptée sans qu'on sache quel va être l'effet sur les résidants qui administrent ces services et sur les propriétaires qui doivent appliquer ces solutions. Au bout du compte, nous devons trouver un équilibre et offrir à quiconque a besoin d'aide la possibilité d'obtenir l'aide nécessaire, mais on ne peut s'attendre à ce que ce soit au détriment du propriétaire de logements locatifs.

Je ne sais pas à quel point je vais être impopulaire lorsque j'aurai fini de dire ce que je suis en train de dire, mais c'est quelque chose que nous devons vraiment envisager objectivement, parce que, au bout du compte, le marché privé doit adopter ce qui est proposé et mis en place.

Je peux vous dire que nous sommes intéressés et que nous voulons bel et bien trouver une solution à ce problème. Nous avons tous des parents ou des amis qui se trouvent dans ce genre de situation. Nous ne sommes pas contre cette démarche ou contre le fait de trouver une solution; bien au contraire. Nous voulons trouver une solution, mais nous voulons que cette solution soit réaliste. Essentiellement, plus on impose de mesures législatives aux propriétaires de logements locatifs privés... Essentiellement, ma façon de voir cela, c'est que le gouvernement s'approprie les logements en partie. Que va offrir le gouvernement en compensation de ce qu'il prend? Prenez par exemple une personne qui possède un duplex. Elle loue l'un de ses appartements. Elle a besoin du revenu que lui procure cet appartement pour rembourser son hypothèse. Si la loi oblige cette personne à louer l'appartement à une personne qui a un revenu instable, qui n'a jamais travaillé, vous savez, le genre de locataire qui est un peu risqué, Dieu fasse que cette personne paie toujours son loyer. La dame, la personne âgée, peu importe, la personne qui possède le duplex et qui compte sur ce second revenu pour rembourser son hypothèque met maintenant en jeu son propre bien-être et son propre gagne-pain.

Je ne représente pas les multinationales possédant des milliers d'unités. Nous représentons les propriétaires de toutes sortes, des propriétaires de duplex aux propriétaires de milliers d'unités. Lorsque nous parlons de propriétaires, je veux simplement m'assurer que vous n'ayez pas en tête l'image de la société qui possède des milliers d'unités au pays et qui fait des millions et des millions de dollars. La majorité de nos membres possèdent dix unités ou moins, alors nous devons garder une perspective réaliste là-dessus. Ces propriétaires sont des gens qui ont besoin de chaque cent de leur revenu.

Le président : Lorsque nous aborderons la question du logement, nous devrons revenir là-dessus, parce qu'il faut que nous parlions de la collaboration entre les secteurs privé et public pour combler les besoins des gens en matière de logement.

Claredon Robicheau, ancien président, Nova Scotia League for Equal Opportunities : Je joue beaucoup de rôles différents, et bon nombre de ces rôles sont en lien avec la pauvreté.

Mon expérience, c'est 15 ans à la Banque Toronto-Dominion. Pendant toutes ces années, j'ai saisi des maisons parce que les propriétaires s'étaient acheté une BMW, un chalet et un trois roues. J'ai saisi la maison de couples dont le mari ou la femme avait le cancer, ce genre de chose. À toutes les étapes de la procédure bancaire, j'ai constaté l'existence de la pauvreté à différents niveaux et aussi que les gens vivaient au-dessus de leurs moyens, par ignorance.

Je fais partie de la Nova Scotia League for Equal Opportunities depuis 15 ans. Il s'agit d'une organisation provinciale de gens qui ont un handicap qui vivent en Nouvelle-Écosse. Je viens de siéger pendant deux ans au conseil national du Conseil des Canadiens avec déficiences, que vous connaissez tous, j'en suis sûr. Vous avez rencontré Marie White, de Terre-Neuve.

Les personnes qui ont un handicap sont 50 fois plus susceptibles de vivre dans la pauvreté que les autres, et ce n'est pas seulement à cause du revenu; c'est aussi à cause des aides techniques, du logement, et de toute la gamme des outils technologiques. Je m'en tirerais bien mieux si je vivais au Manitoba, au Québec ou en Saskatchewan. Pourquoi, pour un citoyen canadien, y a-t-il tous ces services là-bas, mais pas ici, en Nouvelle-Écosse ou dans les Maritimes, et même en Alberta, pour tout dire, dans certains cas?

Une autre chose que j'ai faite, c'est de travailler récemment pendant six mois à la Stratégie de réduction de la pauvreté de la Nouvelle-Écosse. De l'excellent travail a été fait avant nous par un excellent groupe de la municipalité régionale de Halifax, notamment la société pour les sans-abri et Community Action on Homelessness.

À part ça, je m'intéresse de près à la durée et à l'ampleur de la pauvreté. Il y a toute une différence entre quelqu'un qui doit avoir recours aux services sociaux pendant une année ou deux et quelqu'un qui doit compter sur ceux-ci pendant 10 ou 20 ans pour des motifs de santé. C'est un outil de mesure et un contexte tout à fait différents.

Je veux parler du seuil de faible revenu ou SFR. Nous avons été très étonnés de constater l'hiver dernier qu'une personne qui gagne 12 000 ou 13 000 $ par année paie de l'impôt sur le revenu. Ça nous dépasse totalement que ces grandes entreprises profitent de déductions et de réductions d'impôt. Au bout du compte, si vous gagnez moins de 25 000 $, il devrait y avoir un seuil en deçà duquel vous n'avez pas à payer d'impôt fédéral ou d'impôt provincial.

L'Association canadienne de la dystrophie musculaire, l'Association canadienne des paraplégiques, l'Institut national canadien des aveugles et les gens qui oeuvrent dans le domaine de la SEP et de l'autisme sont confrontés au fardeau financier de programmes qui n'existent pas ou qui sont financés artificiellement. Nous ne travaillons pas ensemble, mais je pense que la pauvreté devrait constituer une base qui devrait nous permettre de collaborer pour améliorer la qualité de vie au pays à un coût acceptable.

Une des plus importantes répercussions auxquelles je fais face — et c'est une confrontation avec la réalité — c'est : de qui est-ce l'affaire? Le gouvernement fédéral, les gouvernements provinciaux, les municipalités? Vous savez, c'est l'affaire de tous, mais personne ne veut s'en occuper, pas même les organismes interministériels. Vous savez, qui possède les logements, qui possède les moyens de transport? C'est interrelié, et je suis sûr, madame Streatch, que ce matin, dans l'exposé que vous avez fait au nom de votre ministère, vous avez parlé de la toile et des fils et de la façon de mettre tout cela ensemble. Au bout du compte, personne ne veut s'en occuper, et nous devons mettre au point une stratégie qui sera adoptée et dans le cadre de laquelle le gouvernement fédéral, les gouvernements provinciaux et les municipalités pourront faire leur part.

Au bout du compte, la prudence, c'est le mot dur de récupération, et les mesures accordées en fonction des moyens, c'est très dur aussi, parce que vous pouvez prendre quelque chose à quelqu'un et donner à quelqu'un d'autre, et c'est récupéré, même l'augmentation du salaire minimum. Votre loyer va augmenter parce que vous êtes au taux de 30 p. 100.

Même au Conseil des Canadiens avec déficiences, nous envisageons quelque chose comme un minimum de 13 000 $ et un salaire versé à tout le monde. Je pense qu'il y a en Saskatchewan un programme qui fonctionne très bien, qui se situe à ce niveau, en fait, et qui est rajusté chaque mois pour assurer un revenu minimum.

Pour terminer, je suis en faveur de l'isolation, et ce qui arrive avec le logement, c'est que plutôt que de prendre l'argent pour acheter du gaz ou de l'huile pour remplir la citerne, peut-être devrions-nous isoler certaines de ces maisons, et les écologistes seraient peut-être avec nous dans ce cas. Merci.

Claudia Jahn, directrice de programme, Community Action on Homelessness : Je suis directrice de programme à Community Action on Homelessness ici, à Halifax. Nous sommes l'organisme communautaire qui applique un modèle de prestation des services avec Service Canada, la Stratégie des partenariats de lutte contre l'itinérance. Nous travaillons en étroite collaboration avec tous les organismes communautaires, les refuges et les fournisseurs de services de la MRH pour essayer de trouver une solution au problème de l'itinérance.

Tous les deux ans, nous élaborons un plan communautaire dans lequel nous établissons les priorités pour la ville et déterminons comment nous allons dépenser les fonds alloués. Nous recevons en moyenne 3,2 millions de dollars par période de deux ans, que nous distribuons aux refuges ou que nous utilisons, depuis peu, pour élaborer de nouveaux programmes de renforcement des capacités et d'amélioration de l'employabilité des groupes marginalisés.

Notre principale préoccupation, c'est le fait que tous ces programmes de financement sont des programmes à court terme. Comme je l'ai dit déjà, il ne s'agit que de deux ans, ce qui fait qu'il est difficile pour nous d'élaborer un plan stratégique. Grâce aux données que nous avons recueillies et au travail que nous avons fait depuis 1999, nous sommes bien placés pour élaborer un plan stratégique pour les 10 années à venir, dans le but de régler le problème d'itinérance à Halifax. Nous pourrions élaborer un plan qui pourrait être appliqué avec succès, parce que notre ville n'est pas très grande et que nous connaissons le problème. C'est tout de même un problème énorme, mais, si nous nous comparons à d'autres villes et à d'autres pays qui l'ont déjà réglé, c'est un problème qu'il est possible de maîtriser. Nous ne sommes pas en mesure de le faire parce que les programmes ne durent que deux ans. Certains programmes fédéraux et provinciaux qui pourraient fonctionner ensemble n'ont pas les mêmes échéances, ce qui fait que la planification stratégique est très difficile. C'est la principale préoccupation de notre organisation.

Un autre problème, c'est la croissance de la population d'itinérants dans notre ville, phénomène qui est lié de près à la hausse des coûts de l'énergie. Le fait que l'accès à une unité de logement abordable est réduit est certainement attribuable aux changements apportés à la gestion des logements. Je pense qu'on vous a dit qu'il y a de plus en plus de projets de condominiums autour de la ville. Nous perdons des unités de logement abordable beaucoup plus rapidement qu'on en construit de nouvelles, puisque nous n'avons pas de programme de logement social.

Notre recommandation à cet égard — non seulement celle de Community Action on Homelessness, mais également celle de l'Affordable Housing Association of Nova Scotia — qui est fondée sur un rapport de Steve Pomeroy, qui travaille à Ottawa, c'est d'envisager le marché du logement dans la MRH. Il est essentiel de soutenir et de renforcer le secteur des organisations sans but lucratif pour qu'elles soient en mesure de faire l'acquisition d'unités et de logements et de s'assurer que ceux-ci demeurent abordables pendant très, très longtemps. Aucun programme fédéral relatif aux logements ne peut garantir cela.

Comme nous le savons, en Nouvelle-Écosse, le plus récent programme de logements locatifs abordables exige des propriétaires qu'ils fassent en sorte que les unités demeurent abordables, c'est-à-dire que le loyer soit fondé sur le marché, ce qui dépasse les moyens des clients. Ce serait des loyers abordables pendant 15 ans au maximum, et nous savons que c'est le mandat de toutes les organisations sans but lucratif de la province et de tout le pays que de maintenir les loyers à un niveau abordable pendant très, très longtemps. Nous sommes donc d'avis qu'il s'agit de la façon la plus raisonnable de soutenir vraiment les organisations sans but lucratif, et nous pensons donc que ce serait le moyen le plus efficace d'assurer la durabilité des unités de logement abordable. Merci.

Barbara Clow, directrice générale, Atlantic Centre of Excellence for Women's Health : Je suis directrice générale du Atlantic Centre of Excellence for Women's Health, qui est une organisation financée dans le cadre d'un programme de contribution auquel participent Santé Canada et le Bureau pour la santé des femmes et l'analyse comparative entre les sexes. Nous faisons partie d'un programme de centres, de groupes de travail et d'initiatives dans l'ensemble du Canada. Notre centre a pour mandat de faire des travaux de recherche en sciences sociales et d'offrir des conseils stratégiques relativement aux femmes qui vivent dans les Maritimes. Je suis directrice générale du centre depuis six ans.

Permettez-moi de vous dire dès le départ que le simple fait que le mot « femmes » se trouve dans le nom de notre organisation et que nous nous concentrions sur l'analyse comparative entre les sexes ne signifie pas que nous détestons les hommes, que nous ne les aimons pas, parce que parfois, les gens présument que c'est tout ce que nous avons en tête. Nous sommes vraiment engagés à examiner les problèmes auxquels les femmes font face, parce que, peu importe la sous-population que vous examinez, peu importe quelle population du pays vous examinez, si vous étudiez la situation des femmes au sein de cette population ou sous-population, elles s'en tirent toujours moins bien que les hommes du même groupe.

Lorsqu'on parle des Autochtones, des gens de couleur, des nouveaux arrivants, des Blancs, de n'importe quel groupe, les femmes au sein du groupe sont toujours plus susceptibles de vivre dans la pauvreté, plus susceptibles de s'occuper de leurs enfants avec des ressources limitées, plus susceptibles d'être sans abri ou mal logées, plus susceptibles d'être victimes de violence conjugale, d'être mal nourries, et ainsi de suite.

Nous avons des initiatives qui portent sur les enfants qui vivent dans la pauvreté, et le Canada s'est engagé, sur le plan international, à éliminer la pauvreté chez les enfants. Je dois dire que cette façon de dire les choses me rend folle, parce que les enfants ne vivent pas dans la pauvreté; ce sont les familles qui vivent dans la pauvreté. Beaucoup des familles qui vivent dans la pauvreté ou de celles dont la pauvreté est la plus grande sont les familles de mères monoparentales.

C'est dans la région de l'Atlantique que le nombre de femmes qui vivent dans la pauvreté et qui s'occupent seules de leurs enfants est le plus élevé au pays. C'est aussi chez nous que les écarts de salaire entre les hommes et les femmes sont les plus grands, ce qui veut dire que les femmes de la région, ainsi que d'autres régions du pays vivent dans la pauvreté non seulement parce qu'elles n'arrivent pas à décrocher de bons emplois, mais elles vivent également dans la pauvreté parce qu'elles n'obtiennent pas le même salaire que les hommes qui font le même travail qu'elles.

Nous avons une loi sur l'équité salariale, mais nous savons qu'il y a beaucoup de façons de la contourner, comme en témoigne la récente décision de la Cour suprême de ne pas accorder l'équité salariale à des travailleurs de Terre-Neuve. Je pense que ces choses s'appliquent également aux femmes qui ont un handicap et qui, souvent, doivent non seulement s'occuper d'elles-mêmes, mais aussi d'autres personnes. Nous l'oublions parfois.

Lorsque j'ai lu le rapport, j'ai été très heureuse de voir qu'on y reconnaissait clairement qu'il en était ainsi, que les femmes gèrent les familles. De bien des façons — ce n'est pas dans le rapport —, mais, de mon point de vue, elles sont à de nombreux égards le cœur et l'élément stable de la collectivité. À mon sens, si nous pouvons axer certaines initiatives sur les femmes, nous allons aider la prochaine génération et les collectivités dans l'ensemble.

Ce qui me préoccupe, c'est que, de ces 103 options, il n'y en a aucune qui énonce directement le fait que les femmes sont très désavantagées. Peut-être devons-nous ajouter une petite note sous bon nombre de ces options pour dire que ces initiatives doivent être axées sur les femmes. Nous devons reconnaître le fait que ces initiatives, par exemple restructurer simplement le programme d'assurance-emploi sans voir ce que cela signifie pour les hommes et les femmes à différents endroits et dans différentes situations sociales, ne vont nous mener nulle part.

Je veux dire... la prestation de compassion est un exemple typique. C'était une excellente idée, de prime abord, que d'offrir un soutien du revenu aux gens qui s'occupent d'un parent sur le point de mourir. Cependant, nous savons que les gens qui le font n'obtiennent pas ces prestations, parce qu'il s'agit surtout de femmes, dont beaucoup occupent un emploi saisonnier ou occasionnel, ou encore sont travailleuses autonomes et ne sont pas admissibles aux prestations. Ce que j'espère, c'est que nous allons en arriver à un point où toute stratégie que nous allons décider d'adopter va comporter une analyse des répercussions potentielles sur les hommes, les femmes et les collectivités, plutôt que de faire comme si une seule solution allait convenir à tout le monde.

William Buckland, vice-président, Affordable Housing Association of Nova Scotia : Je m'appelle Bill Buckland. Je suis vice-président de l'Affordable Housing Association of Nova Scotia. De plus, je représente la Nouvelle-Écosse au conseil d'administration de l'Association canadienne d'habitation et de rénovation urbaine. J'administre également la Seton Foundation, fournisseur sans but lucratif de l'île du Cap-Breton qui existe depuis 32 ans. Nous avons construit et rénové environ 350 maisons unifamiliales dans le cadre de l'ancien programme de l'article 56.1 du gouvernement fédéral pour les fournisseurs sans but lucratif.

J'aimerais profiter de l'occasion pour remercier le sous-comité sénatorial de l'invitation qui m'a été faite de représenter l'Association canadienne d'habitation et de rénovation urbaine, ou ACHRU, et d'en parler de façon positive, ainsi que les nombreuses familles à qui la Seton Foundation a fourni un toit dans le cadre des programmes de logement du gouvernement fédéral.

Il est clair que le fait d'avoir une maison a contribué à la santé physique et psychologique des résidants, et que cela leur a permis d'avoir une meilleure éducation et un meilleur revenu. La plupart des enfants qui vivent dans une maison Seton sont en sécurité et ont une bonne estime d'eux-mêmes. Ils vivent dans un milieu stable et enrichissant. Ils réussissent bien à l'école, ils sont en santé, et surtout, ils ne vont pas se retrouver en établissement ni avoir à recourir aux services sociaux.

Le processus de travail avec la Seton Foundation dans le cadre des programmes soutenus par le gouvernement fédéral a permis à de nombreuses familles de sortir du cycle de la pauvreté au cours des 30 dernières années. Les dépenses effectuées dans le domaine du logement social ont eu pour effet de réduire d'autres coûts sociaux, et les grands gagnants sont les enfants et la société qu'ils vont un jour diriger. Les adultes qui ont été des enfants des maisons Seton et qui sont aujourd'hui des membres productifs et actifs de leur collectivité sont là pour témoigner de l'efficacité du logement social sur le plan des coûts.

J'ai lu le rapport provisoire, et je dois appuyer votre recommandation selon laquelle nous avons besoin d'une stratégie nationale en matière de logement et celle selon laquelle le gouvernement fédéral devrait consacrer une partie de son financement aux programmes de logement, notamment pour prolonger et stabiliser le PAREL.

Pour citer Tom Carter : « Une politique en matière de logement est une bonne politique sociale. » À la Seton Foundation, nous pensons que la société finit toujours par payer le coût du logement des pauvres. La question est la suivante : voulons-nous les loger dans les prisons, les hôpitaux et autres établissements ou préférons-nous payer pour de bons logements qui permettent aux gens de s'épanouir et de devenir de bons citoyens?

Belinda Allen, coordonnatrice de projet de recherche, Human Development Council : Je suis coordonnatrice de projet de recherche au sein du Human Development Council de Saint John, au Nouveau-Brunswick. Nous jouons deux rôles. Nous sommes le conseil de planification social de la région du Grand Saint John. Nous jouons un rôle de fournisseur d'information dans le cadre duquel nous aiguillons les citoyens vers les services qui s'offrent à eux. Nous jouons également un rôle proactif qui consiste à élaborer des solutions pour régler les problèmes qui touchent notre collectivité. Nous avons tous les mêmes problèmes de pauvreté, de logement et d'itinérance qui nous affectent tous autant.

J'ai passé les 11 derniers mois à travailler au dossier de l'itinérance. J'ai été embauchée dans le cadre de la Stratégie des partenariats de lutte contre l'itinérance, et j'ai effectué une étude sur le problème de l'itinérance à Saint John, sur les lacunes à cet égard et sur ce que nous devions faire pour l'avenir. Je suis en train d'appliquer certaines de ces recommandations. Nous avons créé un comité directeur et l'avons chargé d'examiner ces problèmes et de voir ce que nous pouvons faire pour nos collectivités.

J'ai lu le rapport, et je l'ai trouvé très intéressant. Beaucoup des choses qui figurent dans ce rapport sont des choses dont nous discutons, et c'est agréable de voir des choses concrètes. La Stratégie des partenariats de lutte contre l'itinérance doit prendre fin en mars 2009. Après cette date, il y a beaucoup d'organisations qui ne savent pas ce qu'elles vont faire, parce qu'elles dépendent de ce financement. C'est comme pour les ententes relatives au logement abordable conclues entre le Canada et les provinces, qui doivent prendre fin en 2009. Il y a des choses de ce genre que nous aimerions voir se poursuivre et être appuyées de façon qu'elles continuent de fonctionner.

Lisa Wetmore, coordonnatrice de projet, Urban Core Support Network Saint John Inc. : Je représente le Urban Core Support Network Saint John Inc., organisation de composition diverse qui travaille à la réduction de la pauvreté à tous les niveaux possibles ou presque. Nous effectuons du travail de première ligne dans les domaines de l'éducation, de la sensibilisation, de la recherche et de la promotion de la réduction de la pauvreté. Notre groupe a une mission et une vision, et c'est que les gens qui vivent dans la pauvreté sont très importants et que le travail que nous faisons est axé sur eux. Dans bien des cas, ce sont les femmes qui sont pauvres, alors nous avons fait surtout des projets visant les femmes, dont un récent projet d'habilitation et d'intégration au marché du travail.

Dans le passé, nous avons également travaillé à la question du niveau de revenu et du niveau d'aide sociale; nous avons fait des recherches là-dessus et nous avons élaboré des solutions qui pourraient régler les problèmes dans la région du Nouveau-Brunswick. Au fur et à mesure que notre travail avançait, nous avons constaté l'existence de plusieurs éléments dissuasifs inhérents au régime d'aide sociale en vigueur. Nous avons donc fait des recherches et proposé des solutions dans le cadre de recommandations que nous avons présentées à la province et aux municipalités dans le but de faire adopter certains de ces changements, notamment le supplément au revenu de travail pour les personnes dont le revenu est faible.

Un autre volet de l'organisation avec lequel j'ai entretenu un lien plus étroit ces derniers temps, c'est celui qui se penche sur le lien entre la pauvreté et la santé, qui, bien entendu, est un lien assez fort, malheureusement. Nous avons financé récemment un projet portant sur les maladies chroniques chez les personnes dont le revenu est faible. Ça a été un projet assez novateur et créatif, et ces qualités du projet ont été reconnues à l'échelle nationale. Le projet s'intitule Dodging Diabetes, et il offre une perspective importante sur le lien entre la pauvreté et la santé. Dans le cadre de ce projet, on a analysé les déterminants sociaux économiques de la santé, sachant que la pauvreté, l'éducation, le revenu, tous ces déterminants sociaux et économiques sont les facteurs qui ont les répercussions les plus importantes sur la santé des gens. La question, c'est de savoir comment nous pouvons espérer contrer certains de ces déterminants socio- économiques et permettre aux gens dont le revenu est faible de vivre en santé et avec dignité.

Le président : Y a-t-il une recommandation en particulier que le gouvernement fédéral devrait envisager selon vous?

Qu'est-ce qui viendrait le plus en aide aux gens à qui vous offrez vos services? Quelle serait la chose ou les deux choses que vous aimeriez que le gouvernement fédéral fasse?

Mme Wetmore : J'aimerais que le gouvernement fédéral fasse quelque chose au sujet de l'obstacle, du mur, en fait, du bien-être social, qui empêche les gens dont le revenu dépend de l'aide gouvernementale de commencer à travailler. Je mettrais aussi là-dedans les déterminants sociaux économiques de la santé. Ce n'est pas uniquement une question sociale; c'est aussi une question de santé.

Le président : Le Dr Keon préside un sous-comité sur les déterminants sociaux de la santé des populations. C'est une autre bonne étude qui pourrait être utile.

Clair Smith, directeur général, Centraide de l'Île-du-Prince-Édouard : J'étais heureux d'apprendre qu'il était ici.

Je suis directeur général de Centraide de l'Île-du-Prince-Édouard. Ce qui nous distingue, c'est que nous sommes responsables de toute la province. Évidemment, la population de celle-ci est de 140 000 personnes, et, pour cette raison, nous sommes obligés d'essayer de fournir nos services dans toute l'île.

Je suis à ce bureau de Centraide depuis 10 ans maintenant, et lorsque je suis arrivé là-bas, l'organisation était aux prises avec beaucoup de problèmes liés à la façon d'offrir le meilleur service possible à la collectivité et au fait que 24 organismes membres recevaient un soutien financier annuel, en fonction de l'endroit où ils étaient, du moment et ainsi de suite.

Comme ce genre d'approche causait beaucoup d'insatisfaction, Centraide de l'Île-du-Prince-Édouard a adopté un programme intitulé Priority Programming qui permet à l'organisme de s'occuper de ces priorités dans la collectivité. Pour jouer ce genre de rôle, il faut cependant connaître les besoins prioritaires des membres des collectivités.

Chaque année, nous effectuons une évaluation des besoins des collectivités dans les 29 circonscriptions de l'Île-du- Prince-Édouard en communiquant avec les gens — les enfants, les jeunes, les familles, les personnes âgées ou les personnes qui ont un handicap —, et nous déterminons leurs besoins prioritaires à partir de ce qu'ils nous disent. À partir de cette information, nous organisons ensuite des consultations communautaires dans tous les comtés de l'île, et nous invitons le public, les organisations sans but lucratif et les représentants du gouvernement à participer à ces consultations pour parler de ce que nous avons déterminé comme étant les besoins prioritaires. Les intervenants nous disent ce qui pourrait améliorer le programme selon eux et quelles sont les ressources communautaires qui pourraient être utilisées pour obtenir les résultats. Nous invitons ensuite les organismes communautaires et sans but lucratif à nous présenter des lettres d'intention dans lesquelles ils nous expliquent comment ils s'y prendraient pour répondre à un besoin prioritaire donné de cette population. Nous déterminons ensuite dans le cadre d'une évaluation anonyme quels programmes nous soutiendrions.

Au début, j'étais un peu sceptique quant à ce qui allait sortir de la première étude. À l'Île-du-Prince-Édouard, si vous posez la question à un nombre quelconque d'organismes sans but lucratif, en fonction de leur intérêt, ils vous parleraient de différents besoins prioritaires de la collectivité.

Le besoin le plus important qui est ressorti de la première enquête sur les familles que nous avons effectuée à l'Île- du-Prince-Édouard, c'était les conseils financiers. On peut se demander ce que les conseils financiers ont à voir avec le besoin. Évidemment, les problèmes financiers sont à la base de tous les problèmes sociaux qui touchent la famille. C'est l'un des programmes dont nous allions nous occuper. Fournir ce genre de soutien en conseillant les familles quant à la façon de gérer la vie quotidienne en fonction du revenu qu'elle touche et du crédit qu'elles ont accumulé au fil des ans.

Voilà un exemple de programmes dont nous nous sommes occupés, ce qui n'aurait probablement pas été le cas. J'ai l'impression que, bien souvent, nous essayons très fort de trouver des réponses à la question, tout en ne connaissant pas la question elle-même. Bien souvent, nous nous lançons dans toutes les directions et échafaudons de grands plans, mais tant que nous ne saurons pas quel est le problème en réalité, je ne pense pas que nous allons vraiment régler beaucoup de choses.

Les contrats ne durent que trois ans au maximum, puis on évalue de nouveau cette population pour déterminer ses besoins prioritaires. Nous pensons que, même si nous ne travaillons pas directement auprès du client, c'est-à-dire du bénéficiaire d'un programme ou d'un service, nous offrons aux organismes un service qui leur permet de mieux répondre aux besoins prioritaires de la collectivité.

Miia Suokonautio, directrice des programmes, Phoenix Youth Programs : Merci de me recevoir, et merci de cette invitation que vous m'avez lancée à la dernière minute. Je suis directrice des programmes à Phoenix Youth Programs, ici, à Halifax.

Je vais simplement vous parler un peu de Phoenix Youth Programs ainsi que de mon expérience, puis j'aimerais répondre à certaines de vos questions au sujet du rapport et de toute option ou recommandation à l'intention des gouvernements en général et du gouvernement fédéral en particulier.

Phoenix Youth Programs est un organisme sans but lucratif de Halifax. Nous avons huit bureaux et environ 75 employés. Notre mandat consiste à travailler auprès des jeunes itinérants ou de jeunes qui risquent de devenir itinérants. Nous travaillons auprès des jeunes de 16 à 24 ans. La beauté de notre programme, c'est que nous offrons un continuum de services. Nous touchons à tout, de la prévention, ce qui inclut le travail auprès des jeunes du premier cycle du secondaire et une équipe clinique de travailleurs sociaux, jusqu'à des centres de services en personne, en passant par un centre d'apprentissage et d'emploi et un refuge d'urgence. Notre refuge est le seul refuge pour jeunes à Halifax. Nous avons 20 lits réservés aux jeunes, des logements pour un séjour à moyen terme et des logements supervisés pour un séjour à long terme. Bon nombre des options dont il est question dans le rapport et qui concernent le logement sont en fait des choses dont nous nous occupons, en plus de la prévention.

Nous avons environ 75 employés, ce qui vous donne une idée de la portée de nos activités. Notre organisation participe activement aussi à de nombreux débats sur les politiques sociales, surtout à l'échelle provinciale. Nous avons joué un rôle actif auprès du ministère des Services communautaires, du ministère de la Justice, de la municipalité et aussi dans certains domaines où il y a un recoupement avec les activités du gouvernement fédéral, surtout en ce qui concerne les services liés à l'emploi qu'offre Service Canada.

Je jouais un autre rôle avant de travailler à Phoenix Youth Programs. J'ai vécu à Toronto pendant un bout de temps, et j'ai travaillé à la modernisation des prestations de sécurité du revenu offertes aux adultes en âge de travailler, ce qui était une initiative de la Toronto City Summit Alliance. J'étais du côté de St. Chris, ce qui fait que j'ai eu l'avantage important de pouvoir écouter les débats entre le Caledon Institute, John Stapleton et Richard Shillington.

J'avais un parti pris, lorsque j'ai lu le rapport, quant aux personnes que j'aime parce qu'elles ont porté telle eau de Cologne à telle réunion, mais j'ai aussi travaillé avec David Hulchanski du Centre for Urban and Community Studies. Encore une fois, à St. Chris, nous examinions la question de l'embourgeoisement de l'ouest du centre-ville, ce qui a beaucoup à voir avec la détérioration du parc de logements là-bas, surtout à Parkdale. Je sais que c'est aussi un problème ici, à Halifax, et je comprends les observations de M. Metlege quant au fait que les logements soient abordables et à ce que cela coûte aux propriétaires qui doivent maintenir les choses à un niveau acceptable, et personne d'entre nous n'accepterait que les logements soient en mauvais état.

On dirait que j'ai un million de fonctions. J'ai aussi travaillé à Centraide du Grand Toronto et au programme Action for Neighbourhood Change de cet organisme, et c'était aussi une initiative complète. C'est quelque chose de nouveau. C'est un peu controversé, mais il s'agit de déterminer la meilleure façon d'aborder les problèmes des quartiers où les besoins sont élevés et où il y a très peu de services.

Voilà donc un peu qui je suis. Je veux répéter ce que j'ai entendu ici aujourd'hui. Je suis sûre que vous avez déjà dit beaucoup de choses que vous allez m'entendre dire aujourd'hui et que vous avez déjà entendu auparavant. Je comprends par ailleurs que le rapport contient beaucoup d'options et que ce ne sont pas des recommandations. Comme je sais que vous allez produire les recommandations à un moment donné, je vais simplement appuyer certaines de ces options en particulier.

La première chose qui, selon moi, n'est peut-être pas une omission flagrante dans le rapport, mais qui est encore une omission, c'est la question des jeunes. Quels sont les besoins en particulier des jeunes de 16 à 24 ans, des jeunes de 16 à 30 ans? C'est fonction de la personne qui définit la catégorie. Des jeunes sont classés avec les adultes ou avec les familles à faible revenu avec enfants. À Phoenix Youth Programs, nous voyons beaucoup de jeunes qui sont autonomes et qui n'ont aucun soutien familial ou qu'en ont jamais eu, qui fait qu'ils grandissent sans qu'on s'occupe d'eux, qu'ils sortent du système de justice pénale ou peu importe leur situation.

Il y aurait un certain nombre de sous-titres précis sous le titre « jeunes », l'admissibilité aux prestations d'assurance- emploi étant évidemment l'un de ceux-ci. Il est très difficile d'obtenir des prestations d'assurance-emploi. Lorsqu'il est question du salaire minimum, on fait une espèce d'observation sarcastique : « Eh bien, en Nouvelle-Écosse, 80 p. 100 des travailleurs qui touchent le salaire minimum ont moins de 25 ans, alors ce n'est pas vraiment un problème, puisque 64 p. 100 d'entre eux vivent chez leurs parents. » Le problème, cependant, c'est que cela touche surtout un petit groupe de jeunes qui ne peuvent pas compter sur leurs parents, qui ne sont pas admissibles à l'assurance-emploi et dont le revenu d'emploi n'est généralement pas suffisant.

Nous pourrions parler éternellement de la question de l'aide sociale en Nouvelle-Écosse. En Nouvelle-Écosse, chez les jeunes de 16 à 18 ans, l'aide sociale est versée d'une façon particulière qui fait que, encore une fois, c'est un stigmate qui leur pose bien des problèmes par rapport au marché du logement.

Récemment, ici, dans la MRH, un consultant du conseil scolaire a publié un certain nombre de recommandations et examiné les problèmes que le conseil scolaire devaient régler. Parmi ces recommandations, il y avait quelque chose d'extraordinaire, et c'était d'avoir des garderies dans les écoles pour que les étudiants qui ont des enfants — et il y en a beaucoup, beaucoup à Phoenix Youth Programs — puissent continuer à fréquenter l'école. C'est une solution très simple, en fait. Ce n'est pas très compliqué. C'est tout à fait sensé à mes yeux.

L'autre chose dont je voulais parler en ce qui a trait au rapport, c'est que ce serait bien d'insister davantage sur la prévention. Si nous prenons l'exemple des jeunes, nous pouvons envisager des mesures de soutien plus ciblées, plus de logements et plus de logements supervisés. Ils ont peut-être de la difficulté à conserver leur logement. Nous constatons qu'il existe des tendances à expulser les jeunes.

La troisième chose, en ce qui concerne le rapport, c'est une meilleure collaboration. Je pense que M. Calderhead m'a parlé lui aussi. Il faudrait vraiment qu'il y ait une meilleure collaboration entre les différents ministères et les différents ordres de gouvernement. Je pense que Mme Jahn a également fait quelque chose d'essentiel par rapport à ça. Lorsqu'il est question des taux effectifs marginaux d'imposition, il est évident que c'est le résultat d'un manque de collaboration. C'est un problème général qui se pose tout le temps, qui est difficile à régler et qui est très important.

Je pense qu'on insiste un peu trop sur l'emploi. On parle beaucoup de faire en sorte que les gens puissent réintégrer le marché du travail sans penser que beaucoup de gens ne pourront jamais réintégrer le marché du travail, ou encore travaillent déjà, mais ne gagneront jamais suffisamment d'argent.

Le rapport aborde certains types de handicap, mais il n'aborde pas vraiment la question litigieuse de la santé mentale et des dépendances. La question des dépendances n'est traitée nulle part dans le rapport, et je sais que c'est un gros problème.

Ma dernière observation a en fait à voir avec le simple fait d'examiner le problème du logement à l'échelle nationale. À Phoenix Youth Programs, il y a trois volets relatifs au logement. Lorsque les jeunes ont accès à des logements ordinaires, ils nous échappent.

Le président : Nous allons revenir à vous, mais, lorsque nous parlerons du soutien du revenu, je veux vous entendre parler de vos préjugés au sujet du Caledon Institute et de John Stapleton.

Nos chercheurs m'ont fourni de l'information selon laquelle c'est à Saint John que le taux de pauvreté est le plus élevé chez les chefs de famille monoparentale. Il s'agit d'une région métropolitaine. D'après les données les plus récentes, tout près de six familles monoparentales sur dix ont un revenu inférieur au seuil de faible revenu. Il s'agit en général de mères monoparentales avec enfants, et le taux de pauvreté infantile à Saint John est un des plus élevés au pays, une triste situation que Winnipeg et Montréal partagent avec Saint John. Pourquoi en est-il ainsi? Que fait-on pour vous aider à sortir de cette catégorie particulière?

Mme Wetmore : C'est un chiffre qui ne change pas, et l'explication de ce qui a engendré cette situation comporte de nombreuses facettes. L'un des problèmes, en ce qui concerne ce chiffre, c'est que, dans certains des cas, il s'agit d'une situation de dépendance envers l'aide sociale qui est générationnelle et intergénérationnelle.

Pour ce qui est du nombre élevé de familles monoparentales, je ne suis pas sûre qu'il y a suffisamment d'initiatives d'éducation et de protection. Certains de nos jeunes sont devenus de jeunes chefs de familles monoparentales. Nous offrons des mesures de soutien, mais il est clair que nous devons en offrir davantage. Je ne peux pas vraiment expliquer la cause de ce phénomène.

Mme Allen : Il est vrai que nous avons l'un des taux de grossesse à l'adolescence les plus élevés, et c'est de ça que découle le nombre élevé de familles monoparentales. Ce n'est en aucun cas la seule cause, mais c'est l'un des problèmes qui se pose. La pauvreté est très concentrée dans certains quartiers précis, et Mme Wetmore a dit que c'était un phénomène générationnel. Des gens pauvres sont essentiellement « ghettoïsés » dans des logements sociaux à un endroit, au milieu de la ville, ce qui fait que c'est leur expérience et c'est ce qu'ils connaissent, et, malheureusement, le cycle n'est pas rompu.

Des mesures sont prises qui, je l'espère, vont donner des résultats positifs. Même s'ils demeurent élevés, les chiffres ont baissé un peu. Nous avons un foyer pour les adolescentes enceintes ou qui s'occupent de leurs enfants, où elles peuvent poursuivre leurs études, se remettre d'aplomb et ensuite faire la transition vers une maison de seconde étape. Je pense que ça fait partie du processus, mais il y a encore beaucoup de travail à faire.

Mme Wetmore : Nous devons aussi tenir compte du fait que notre parc de logements est l'un des plus vieux du pays, ce qui rend la situation encore plus complexe et très difficile lorsqu'il s'agit de la pauvreté chez les familles monoparentales et des logements inabordables.

Le président : Nous devions recevoir un représentant de la Business Community Anti-Poverty Initiative, mais, malheureusement, cette personne a dû se désister à la dernière minute. Comment les choses se passent-elles de ce côté? D'après ce que j'ai compris, les dirigeants d'entreprise et de la collectivité donnent un coup de main dans ce domaine. C'est rare qu'on voie cette catégorie de gens participer précisément à une initiative de lutte contre la pauvreté. Parlez- nous un peu de ça et dites-nous comment ça fonctionne. Est-ce que ça fonctionne bien à Saint John?

Mme Allen : Ça fonctionne très bien. C'est extraordinaire que des dirigeants d'entreprise fassent quelque chose, parce que ce sont souvent des gens qu'on écoute un peu plus que l'on écoute certains d'entre nous. Ils ont fait beaucoup de travail dans le cadre du projet dont je parlais, le projet qui vise les adolescentes enceintes et qui ont des enfants en bas âge. Ils ont dirigé la campagne de financement et nous ont aidés à trouver un local. Nous avons un centre de ressources pour les adolescents où les jeunes peuvent se présenter sans rendez-vous et où ils peuvent passer du temps lorsqu'ils ont besoin d'être ailleurs qu'à la maison, et il y a aussi un endroit pour les jeunes itinérants. Les gens d'affaires ont contribué à la campagne de financement de ce projet également. Leur façon de jouer le rôle de porte- parole a pour effet de promouvoir la défense de la cause et de susciter la participation de gens qui n'auraient pas nécessairement pris l'initiative d'agir sans eux.

Le président : Est-ce qu'il s'agit d'une initiative du milieu des affaires?

Mme Wetmore : Je ne suis pas sûre.

Mme Allen : Je pense que c'est le cas.

Le président : De toute façon, ça fonctionne.

Mme Allen : Oui, ça fonctionne très bien.

Le président : Vous pensez donc que c'est une bonne idée de faire participer les dirigeants d'entreprise à ce genre de choses.

Le sénateur Munson : Je suis dépassé par la quantité d'informations qu'on nous a communiquées ici et à Saint John au cours des deux derniers jours, et j'aimerais aborder deux questions.

J'aimerais débattre avec Joe Metlege de la question de la participation du secteur privé. J'aimerais savoir ce que vous pensez de ce que Joe a dit au sujet de ce genre de participation. J'aimerais entendre ce débat, parce que le comité essaie de trouver de nouvelles idées, des idées novatrices à ce sujet. C'est une question que j'aimerais voir approfondir. Barbara Clow a parlé des femmes et de l'équité salariale, et aucune de nos options ne porte là-dessus. Eh bien, il va y en avoir maintenant, je peux vous l'assurer.

Je siège au Comité sénatorial permanent des droits de la personne, et j'ai vécu en Chine pendant cinq ans. J'ai travaillé dans le domaine des droits de la personne un peu partout, et pour une raison ou pour une autre, les droits de la personne ne figurent pas au programme ici, au Canada, les droits des enfants, les droits qui découlent de la charte et les droits des personnes qui ont un handicap. Nous aimons signer des documents et nous sentir bien par rapport à certaines choses, puis nous déclarons que nous sommes un grand pays.

J'ai simplement pensé que je voulais lancer ces différents éléments, parce qu'à notre époque, je trouve frappant qu'il y ait toutes ces façons de contourner la loi dont vous avez parlé par rapport à l'équité salariale. Comment est-ce que ça peut être adopté? Comment se fait-il, à notre époque, qu'on admette cette situation sans que 50 000 femmes ne montent au Parlement pour dire qu'il faut que cette situation insensée cesse.

Ce sont quelques-unes des choses que j'aimerais lancer par rapport aux droits de la personne et à la façon dont il est possible, en fait, d'emprunter cette voie; les gens ont droit à ce dont il a été question par rapport à Phoenix Youth Programs, aux jeunes et à tout le reste. Je lance ça comme une question ouverte.

Le président : Puis-je demander à Barbara Clow et à Vince Calderhead de dire ce qu'ils pensent de ce qui, selon moi, constitue vos deux idées principales?

M. Calderhead : En ce qui concerne les droits de la personne, et plus particulièrement les engagements que nous avons pris sur la scène internationale dans ce domaine, les plus importants seraient le droit à un niveau de vie acceptable, le droit au logement et le droit à la santé. Ce sont les engagements que nous prenons envers les autres pays lorsque nous nous rendons à Genève et que nous disons aux comités d'experts de l'ONU, qui sont des organismes créés par traité, lorsque nous leur disons, donc : « Oui, nous appliquons ces droits. Nous les respectons. »

Par la suite, ces comités entendent le témoignage d'ONG qui ne sont pas très différentes de celles représentées ici aujourd'hui, et celles-ci leur disent : « Eh bien, voici les chiffres qui montrent que la situation est très mauvaise dans le domaine du logement, et elle empire, et elle empire surtout pour les personnes qui ont un handicap, pour les femmes », et ainsi de suite.

Les comités publient ensuite leurs observations finales, comme on les appelle, et, si votre question est : « Que se passe-t-il ensuite? », les observations finales des organismes créés par traité sont publiées, et les personnes présentes font de leur mieux pour les faire connaître aux Canadiens. Le gouvernement, pour sa part, ne fait plus ou moins rien.

Après 15 ans à prendre part au processus, la plus récente évaluation du Canada a eu lieu en 2006. Le principal point négatif soulevé par le Comité des droits économiques, sociaux et culturels de l'ONU, c'est que ses observations finales de 1998 n'avaient pas du tout été abordées. En fait, les choses ont empiré. Il y avait ce que le comité a appelé une « régression », ce qui est un énorme problème du point de vue juridique et des droits de la personne à l'échelle internationale. Le silence assourdissant d'Ottawa est déconcertant, et le mandat semble en faire fi et espérer qu'on n'en entendra plus parler une fois le cycle médiatique terminé. C'est un très gros problème.

Les gens trouvent souvent l'autre aspect un peu choquant, sinon déconcertant. Bon nombre des avocats qui représentent le Canada et les provinces lorsqu'ils s'adressent aux organismes créés par traité et leur disent qu'ils respectent le droit à un niveau de vie acceptable, et défendent leur cause de façon convaincante, sont les mêmes qui travaillent avec les avocats ou leur donnent des directives dans les affaires constitutionnelles de grande importance, les causes fondées sur la Charte, et qui demandent aux tribunaux d'éviter les interprétations de la Charte liées à la protection des droits humains fondamentaux, comme le droit à un niveau de vie acceptable.

Ce que nous entendons souvent dire, c'est que nos représentants juridiques se rendent à Genève et disent : « Oui, ces droits sont protégés », par exemple, « dans la Charte des droits. » Ensuite, beaucoup de ces mêmes avocats s'adressent aux tribunaux du Canada et disent aux juges : « Vous ne devriez jamais envisager d'interpréter la Charte des droits de façon à garantir un niveau de vie acceptable. » C'est évidemment deux poids, deux mesures, et c'est choquant.

C'est l'un des problèmes qui existent, mais, de façon plus générale, c'est une absence totale de suivi de la part des organismes créés par traité, qui ne pensent pas à dire : « Eh bien, d'accord, quelle est la liste de choses à faire qu'on nous a fournie et quel est notre plan de match pour effectuer un suivi là-dessus? » Je veux dire... c'est tout à fait dépassé à notre époque.

Mme Clow : Je pense que c'est vrai qu'il y a un silence assourdissant autour de beaucoup de ces questions et que beaucoup des lois qui sont adoptées ou des débats qui ont lieu au Parlement sur telle ou telle question ne s'inscrivent pas dans le cadre des droits de la personne. Nous savons que ça pourrait être le cas et que ça devrait l'être.

Vince parlait de la différence entre ce que nous disons, ce que nous signons et ce que nous faisons par la suite. Ensuite, il y a aussi ce que dit la loi et ce que les tribunaux décident. Fait intéressant, le problème de l'affaire de l'équité salariale à Terre-Neuve-et-Labrador, c'est que la décision était fondée sur le fardeau financier. Il serait trop difficile pour le gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador de faire un versement aux femmes pour régler la question de l'équité salariale, et ça a donc été la principale échappatoire. Mais dites-moi que le gouvernement de Terre-Neuve-et- Labrador ne pourrait pas faire ce versement aujourd'hui. Cependant, il n'y a aucun recours, puisque la décision qui a été prise est finale; c'est terminé. Le système de défense est si cher pour les gens ordinaires; comment les femmes pourraient-elles rouvrir la cause?

Je réfléchissais récemment au fait qu'il est très intéressant que, selon certaines de nos lois, il y a des choses qui sont considérées comme étant des crimes haineux, et si vous utilisez certains mots en public au sujet de groupes ethniques ou des Autochtones, on peut vous poursuivre. Cependant, ça ne semble pas toucher les femmes, et nos parlementaires ne nous donnent pas nécessairement le bon exemple par leur façon de voir les femmes et d'en parler. Je veux dire... Il n'y a qu'à penser à la malheureuse affaire Peter MacKay-Belinda Stronach; c'est tout simplement choquant, à mes yeux, que ces choses n'aient pas été contestées. À mon sens, c'est vraiment un problème systémique de nos institutions et un manque de rectitude, mais il faut que des gens prennent vraiment les devants et fassent quelque chose à cet égard.

Vous nous avez demandé de réagir aux observations de Joe, et je le félicite d'avoir eu le courage d'assister à la présente séance, parce que je suis sûre qu'il était extrêmement nerveux. Je pense que c'est un point de vue important dans le débat. Une majorité écrasante d'employeurs du pays est formée de propriétaires de petites entreprises. Ce serait très difficile pour eux si le salaire minimum était haussé de 25 p. 100. Si le gouvernement le fait, alors il y a les mesures de récupération. Dans ce cas, à qui vient-on en aide? Ces initiatives doivent être concertées de façon qu'on ne règle pas le problème de la pauvreté et de l'itinérance aux dépens d'un seul groupe. Le gouvernement est responsable non pas parce que nous voulons le laisser régler le problème, mais parce que le gouvernement, c'est nous. Le gouvernement utilise mon argent pour me payer, comme il se trouve, mais il utilise mon argent.

Le président : Je suppose que nous pourrions dire la même chose, dans ce cas.

Mme Clow : Je veux que cet argent soit utilisé compte tenu des différents intérêts.

Le sénateur Munson : Joe a fait une déclaration, et j'aimerais entendre ce que les autres ont à dire quant à l'emplacement des logements — et aussi par rapport à notre recommandation — qui doivent être créés par le secteur privé et les ONG qui veulent vivre sur la même rue, dans le même immeuble que le groupe de Joe construit. J'aimerais bien le savoir de toute façon; peut-être n'avons-nous pas le temps d'en parler aujourd'hui, mais j'aimerais savoir où se trouve l'équilibre par rapport aux logements.

Le président : Si nous pouvions obtenir les observations générales, parce que, pour ce qui est des questions précises relatives au logement, nous allons devoir revenir là-dessus plus tard au cours de la séance. Le tour de Joe viendra.

Le sénateur Segal : Avec votre permission, monsieur le président, je veux provoquer et dire que nous faisons tous partie sans le savoir de la cause d'un problème de pauvreté plus important.

Nous sommes très bons, au Canada, pour parler de ce problème. Nous sommes probablement les meilleurs au monde pour ce qui est de produire de longs rapports détaillés sur ce problème. Nous sommes excellents lorsqu'il s'agit d'appeler les gouvernements à se concerter.

J'ai travaillé au gouvernement provincial et au gouvernement fédéral. Les gouvernements n'arrivent pas à assurer une coordination entre les bureaux, alors imaginez entre les gouvernements. À qui essayons-nous de faire croire quoi que ce soit? Nous connaissons bien la nature du problème. Je pense que le problème qui s'est posé — et ça concerne tous les partis politiques; je ne parle pas précisément d'un parti —, c'est que tous les gouvernements évitent la question fondamentale. Nous le faisons parce que vous savez ce qu'ont dit des Canadiens à l'étranger. « Tout va toujours bien lorsque les Canadiens se réunissent. » Non? Nous ne parlons jamais des choses déplaisantes. Nous ne voulons jamais qu'il y ait de confrontation. Ce n'est tout simplement pas dans notre nature. L'une des grandes forces de notre pays, c'est que nous ne nous confrontons pas les uns les autres en nous lançant des vérités probantes, dures et terribles. Mais la vérité probante, dure et terrible, c'est que la proportion de gens pauvres au sein de la population en général n'a pas changé depuis 25 ans. La situation ne s'est certainement pas améliorée si nous pensons qu'une amélioration, ce serait qu'il y ait une proportion moins élevée de gens pauvres. Ce n'est pas ce qui se passe.

Tout ce que mes collègues ici présents ont dit au sujet des différents éléments du problème est tout à fait exact. Les femmes seules qui font vivre leur famille portent le fardeau plus que le reste de la population et sont très surreprésentées.

M. Buckland a dit que nous sommes forcés d'héberger les pauvres, que nous le voulions ou non, que ce soit dans des logements adéquats ou dans des prisons, dans des hôpitaux psychiatriques ou dans d'autres établissements, ou encore dans les rues, mais c'est un coût que nous sommes forcés d'assumer. Je reformulerais ce qu'il a dit en disant que les pauvres sont vraiment surreprésentés dans nos prisons. De 12 à 15 p. 100 de la population vit sous le seuil du faible revenu, mais dans nos prisons, ce pourcentage de gens commence par un neuf, et non par un un.

Nos Premières nations — en milieu urbain ou en milieu rural; il y a une petite différence entre les deux — sont vraiment surreprésentées dans nos prisons. Elles le sont parce que les membres de ce groupe sont intrinsèquement pauvres. Je dis ça non pas parce que j'ai une solution simple à proposer, mais plutôt parce que j'aimerais discuter avec vous qui faites un travail de première ligne convaincant et important et que j'aimerais profiter de vos conseils. L'un des défis que nous avons à relever, c'est de nous décider à faire face aux différents éléments des causes de la pauvreté. Allons-nous rassembler nos énergies pour faire face à la dure réalité, c'est à dire que les gens sont pauvres parce qu'ils n'ont pas suffisamment d'argent?

Nous savons que, si on investit davantage dans l'éducation, les gens qui profitent de ces investissements sont moins susceptibles de se retrouver dans la pauvreté. Nous savons que, si on investit dans l'éducation, ces mêmes personnes, les bénéficiaires de ces investissements, sont moins susceptibles de tomber malades prématurément ou de devenir dépendants du système de soins de santé. Ils vivent plus longtemps et en meilleure santé s'ils sont mieux éduqués.

Devrions-nous continuer d'examiner tous ces facteurs individuels? Devrions-nous nous éloigner de la question fondamentale suivante : pourquoi les gens pauvres n'ont-ils pas suffisamment d'argent pour payer leur loyer? Les collègues de Joe ne souhaitent pas qu'on adopte de nouvelles règles qui vont avoir pour effet qu'il sera encore plus difficile pour les petits propriétaires de demander un loyer raisonnable.

Je dirais — et Joe ne sera peut-être pas d'accord avec moi —, que si les gens avaient ce dont ils ont besoin pour vivre dans la dignité, pour préserver leur estime de soi et pour être capables de payer un loyer au prix du marché, ce serait plus avantageux pour son association, très sincèrement, que si nous lui imposons toutes sortes de règlements quant à ce qu'elle doit construire et pour qui.

Que quiconque a envie d'intervenir le fasse. J'ai siégé au comité du Toronto Summit Group dont Miia Suokonautio a fait mention. Le comité a conclu que le problème tient au fait que les adultes n'ont pas un revenu suffisant, que les mesures de soutien du revenu sont loin d'être ce qu'elles devraient être et que nous devons agir très rapidement dans ce domaine.

Il y a un autre modèle. Je ne me rappelle plus qui a parlé des résultats en matière de santé; Lisa peut-être. En Europe, le soutien du revenu est beaucoup plus important, et les gens ont des vacances beaucoup plus longues. Devinez quoi? Ils vivent plus longtemps; ils sont plus en santé. Ils ne sont pas embourbés dans cette idée américaine selon laquelle l'aide sociale est essentiellement une intervention minimaliste auprès des gens qui, pour quelque raison morale, ne sont pas en mesure de gagner ce qu'ils devraient gagner. La façon de fonctionner de nos systèmes attribue en quelque sorte la faute aux pauvres. Ce n'est peut-être pas ce que nous avions en tête. Ce n'est peut-être pas ce que les dirigeants des collectivités croient, mais c'est ainsi que le système fonctionne. Vous n'avez qu'à discuter avec une mère célibataire pour le constater. J'ai eu l'occasion d'en rencontrer beaucoup hier soir et de discuter avec elles de ce à quoi elles sont confrontées devant un bureau du soutien du revenu — il ne faut pas les appeler « agents de l'aide sociale » — devant les agents du soutien du revenu, ici-même, dans cette province extraordinaire, qui, je crois, fait de gros efforts pour faire avancer le dossier.

Le président : D'accord, sénateur.

Le sénateur Segal : Pour reprendre l'expression utilisée ce matin, j'en viens à la question.

Le président : Il y a une question?

Le sénateur Segal : L'un des termes utilisés ce matin était celui d'agent d'examen de l'admissibilité, n'est-ce pas? Je ne blâme pas le fonctionnaire, il faisait simplement son travail, mais nous savons ce qu'est un agent d'examen de l'admissibilité, et nous savons à quel point il est dégradant pour une personne de se retrouver devant lui.

Ma question est la suivante : avons-nous le courage d'aller au delà du rôle restreint qu'on nous donne? Nos rôles sont importants et reflètent nos obligations à l'égard de l'organisme pour lequel nous travaillons. J'adresse cette question aux sénateurs et aux invités ici présents qui, en fait, sont nos vrais patrons, les gens pour qui nous travaillons tous. Devrions-nous prendre du recul et dire que nous avons besoin d'une solution axée beaucoup plus sur les éléments fondamentaux?

Si nous retournons en arrière et nous songeons à l'avènement des soins de santé universels, aucun premier ministre provincial, à l'exception de Tommy Douglas, n'était chaud à l'idée, mais une fois qu'il a commencé à exercer des pressions politiques sur tous les autres, il y a eu un effet d'entraînement irrésistible. Des conservateurs — comme Bob Stanfield ici en Nouvelle-Écosse — étaient en faveur des soins de santé universels. Il n'aurait pas eu cette idée, il y a eu un entraînement incroyable au sein de la classe politique, et je pose la question : quelqu'un ici croit-il que nous pouvons continuer à manœuvrer comme nous le faisons à l'heure actuelle — chacun de son côté — dans nos silos, et réaliser des progrès importants? Sinon, que peut-on faire pour corriger la situation?

Le président : C'est la plus longue phrase que j'aie jamais entendue. Je vais demander aux gens s'ils souhaitent répondre directement à votre question, mais votre propos concerne principalement les mesures de soutien du revenu. C'est une bonne façon d'introduire la prochaine composante de la discussion. Soit dit en passant, cette discussion prendra la forme d'une discussion ouverte. Je ne vais pas faire de tour de table, donc vous pouvez décider de participer ou de vous en abstenir. L'autre chose, c'est que vous pouvez parler en votre nom. Vous n'avez pas besoin de parler au nom de votre organisme. Nous n'attribuons pas à votre organisme les propos que vous tiendrez dans le cadre de cette discussion. Ce sera une discussion libre. Dès que nous aurons terminé la partie relative au soutien du revenu, nous nous lancerons dans la section sur le logement et l'itinérance. Pour l'instant, j'aimerais que l'on conclue cette partie de la séance.

M. Metlege : Je crois que vos commentaires sont très intelligents, et j'aurais tendance à être d'accord avec vous. Ils reflètent quelque chose que j'avais écrit devant moi, mais que je ne voulais pas aborder, car, maintenant, nous commençons vraiment à entrer dans le vif du sujet si nous abordons cette question. Je m'oppose aux prestations d'aide sociale. Je n'approuve pas du tout ce principe. Je crois plutôt qu'il faut créer des occasions. Il nous arrive bien trop souvent de penser que la résolution d'un problème est une simple question d'argent, vous savez, comme faire passer le salaire minimum à 10 $. Or, il y a un phénomène cyclique. La majoration du salaire minimum, occasionnerait dans l'économie une foule de changements, les coûts augmenteraient en conséquence et, au bout du compte, le pouvoir d'achat de ceux qui font 10 $ l'heure ne serait guère mieux que s'ils gagnaient le salaire minimum « x » établi à une époque donnée.

Nous devons enseigner à ces gens, les encourager et renforcer leur autonomie afin qu'ils saisissent des occasions et qu'ils trouvent des métiers ou des emplois qui offrent un meilleur salaire. Il y a eu une forte tendance ici sur la côte Est, à promouvoir les études universitaires. Depuis 15 ou 20 ans probablement, on a déployé beaucoup d'efforts, on est allé dans les écoles secondaires et qu'on a organisé des conférences pour encourager les étudiants à aller à l'université.

Je représente aussi des promoteurs et des gestionnaires immobiliers, entre autres, et nous ne pouvons pas trouver des gens de métier. Vu la conjoncture de l'Ouest canadien, un plombier ou un charpentier fait 50 $, 60 $ ou 70 $ l'heure, alors on ne peut pas dire qu'il n'y a pas de travail et on ne peut pas dire qu'il n'y a pas d'emplois bien rémunérés pour les gens qui n'ont pas fait d'études universitaires. Nous devons simplement instruire nos jeunes, leur ouvrir des portes et les motiver.

Il existe un préjugé selon lequel vous êtes mieux instruit si vous avez un diplôme universitaire et on vous regarde de haut si vous êtes une personne de métier. Je connais nombre de gens de métier qui gagnent pas mal plus d'argent que des universitaires, et ils sont en mesure de rester dans la province qu'ils aiment. À Halifax, ou en Nouvelle-Écosse, particulièrement, nous sommes aux prises avec le phénomène MTV : nous formons les jeunes esprits, puis ils partent vers Montréal, Toronto ou Vancouver et paient des impôts dans ces villes. Nous avons une pénurie de gens de métier. Nous avons une pénurie de professionnels et, malheureusement, surtout à Halifax, la tranche des 18 à 25 ans forme la majorité de notre population, car il s'agit d'une ville universitaire.

Cela revient à ma déclaration initiale dénonçant la croyance selon laquelle la résolution de problèmes est une question d'argent ou tient à la création des nouveaux mécanismes d'aide sociale. Je ne crois pas que c'est la solution. Je crois qu'il faut plutôt rajuster le système d'éducation et l'adapter de façon à promouvoir les besoins réels du marché du travail actuel et à y répondre. Je veux dire, nous avons assez d'emplois de cols blancs, et nous avons assez de personnes instruites qui joignent nos rangs. Nous n'avons pas assez de cols bleus. Nous n'avons pas assez de gens de métiers qui peuvent prendre le relais. C'est pourquoi on mise énormément sur l'immigration pour trouver les personnes dont nous avons besoin et combler ces postes. J'irais encore plus loin et j'insisterais non seulement sur les plus instruits, mais aussi sur les gens de métier de tous les niveaux. C'est mon opinion.

M. Robicheau : Je suis d'accord avec vous dans une certaine mesure. Mon frère est pêcheur de homards et a une neuvième année, il fait pas mal d'argent, et nous sommes au Canada atlantique.

La moitié des personnes handicapées ont un faible revenu. À ce nombre s'ajoutent les femmes handicapées, les analphabètes et tout le reste; je ne parle pas seulement de fauteuils roulants. C'est toute l'affaire. La moitié de ces personnes sont capables de faire des études et de décrocher un emploi bien rémunéré; ce ne sont pas des indigents. Je suis heureux de constater que, au cours des 10 ou 20 dernières années, le Canada a fini par respecter les capacités et les gens handicapés; on constate que ce n'est pas seulement une question de jeux paralympiques et de basketball en fauteuil roulant. Il y a des choses à faire, et même notre député, Stephen MacNeil l'a dit. Certains des cas où une intervention est vitale, sont ceux des personnes qui sont prises avec des handicaps qui entraînent la pauvreté, comme ceux qui sont chroniques, à long terme et prolongés. Leur revenu ne leur suffit pas. Et vous parlez de la valeur marchande. Trouver un appartement à 440 $ par mois ici, dans la municipalité régionale de Halifax, est tout simplement impossible. Même à l'extérieur de la MRH, 450 $ par mois, vu le prix du mazout aujourd'hui, je crois que remplir un seul réservoir coûte 1 200 $. Pendant les mois d'hiver, quelqu'un qui a un revenu fixe et peu élevé, une personne âgée ou un bénéficiaire des services sociaux, déboursera probablement 1 200 $ par mois en chauffage. Et nous parlons de 30 p. 100 de leur revenu consacrés au logement? Non, c'est plutôt 48 p. 100 pendant ces mois, et espérons qu'ils n'ont pas de voiture à payer ou autres dépenses de ce type.

Sénateur Segal, pour répondre à votre question sur la possibilité que la situation s'améliore, malheureusement, vu le vieillissement de la population en Nouvelle-Écosse, la réponse est négative. Beaucoup de gens rêvent d'atteindre l'âge de 65 ans. La période entre les âges de 55 et de 65 ans en est une pendant laquelle les personnes à très faible revenu sont bien souvent dépendantes des services communautaires, elles ne peuvent plus attendre l'âge de 65 ans pour toucher des prestations de sécurité de la vieillesse et accroître leur revenu. De plus, il faut songer aux aidants naturels qui prennent soin d'enfants aux prises avec une maladie mentale; ceux-ci finissent par atteindre l'âge adulte. Certains de ces enfants ont 50 ans et vivent toujours chez leurs parents.

Une grande partie de la question est tout simplement liée aux fonds nécessaires pour payer le loyer et le chauffage, mais il y a aussi le soutien aux personnes handicapées, qui comprend les services de relève et beaucoup de coûts liés aux soins de santé. Tout le monde voudrait bien pouvoir passer un examen IRM ou une tomodensitométrie à côté de chez eux, mais s'il faut conduire jusqu'à Halifax, qui se trouve à trois heures, le transport devient un gros obstacle, sur le plan non seulement de l'accessibilité, mais aussi du coût des transports. Vu tous les coûts liés à la santé qui sont survenus au cours de la dernière année, le fardeau de ce coût repose sur les personnes handicapées et les pauvres.

Pour conclure, il ne faut pas seulement songer au caractère abordable du logement : celui-ci doit aussi être accessible.

Le sénateur Cordy : Je tiens à vous remercier tous d'être venus cet après-midi, car c'est vous qui êtes sur le terrain. Vous comprenez ce qui se passe beaucoup mieux que les différents ordres de gouvernement, qui, malgré les meilleures intentions, ne se trouvent pas nécessairement au cœur de la situation comme vous.

Il ne fait pas de doute que, à la lumière des témoignages d'aujourd'hui, la question de la pauvreté est complexe. Nous avons parlé du logement, de l'éducation, de l'alphabétisation et du revenu destiné aux nécessités. Nous avons parlé de santé mentale, de maladie mentale, de dépendance et de handicap. Il est impossible de parler de la pauvreté en n'abordant que le sujet du logement ou de la toxicomanie. Il faut envisager tous ces facteurs de façon globale.

J'estime que, à l'instar des autres ordres de gouvernement, nous nous sommes très bien acquittés de la tâche consistant à rédiger des documents et à établir d'excellentes idées générales, mais lorsque vient l'instant de vérité et que nous observons les résultats et nos progrès, je ne suis pas certaine que nous soyons rendus très loin. Je me souviens de la motion de la Chambre des communes visant à éliminer la pauvreté infantile. Je me range à votre avis : c'est une question non pas de pauvreté infantile, mais bien de pauvreté des familles, et je suis d'accord avec vous. On avait pour objectif d'éliminer la pauvreté infantile d'ici 2000, et je suis persuadée que tous les parlementaires qui ont voté en faveur de la motion avaient les meilleures intentions et se disaient : « Oui, nous devons vraiment faire cela. » C'était l'Année de l'enfant de l'ONU. Mais la réalité, c'est qu'en 2008, nous discutons encore des mêmes problèmes. Il est vraiment temps que nous commencions à concevoir des objectifs et certaines mesures qui nous permettront de définir exactement ce que nous allons faire et comment nous nous y prendrons.

J'aimerais m'attacher à un seul aspect, soit le problème du logement. Nous l'avons entendu hier à St. John's, et je l'ai entendu lorsque je siégeais à un comité qui examinait la santé mentale et la maladie mentale et les difficultés qu'ont les gens à trouver un logement assorti de services de soutien. Je sais que Phoenix Youth Programs fait un travail remarquable avec les jeunes, et je siégeais au conseil d'administration de l'organisme il y a bien des années, avant que vous soyez dans les parages, Miia. Il fait des choses incroyables. Nous avons entendu hier l'histoire d'une jeune fille qui s'était retrouvée à l'hôpital à la suite d'une surdose causée par une dépendance. Elle avait tenté de se suicider, elle allait sortir de l'hôpital le lendemain, et elle a demandé : « Où est-ce que je vais vivre? » L'infirmière lui a apporté un journal et l'a ouvert à la section des appartements à louer. C'est si désespérant d'entendre des histoires comme celle-là.

Est-ce que ce genre de choses se produit à d'autres endroits dans les Maritimes? Cela se produit à Terre-Neuve, où nous parlons de logement abordable et sécuritaire, mais sans filet de sécurité, sans que les systèmes de soutien soient en place. Quelqu'un plus tôt a fait allusion au piège de l'aide sociale ou à l'obstacle de l'aide sociale, comment allez-vous prendre soin de vous-même lorsqu'on vous sort de l'hôpital ou du système pénal? Vous êtes libéré de prison et vous vous dirigez vers ce que vous pouvez vous permettre, souvent une maison de chambres, et vous êtes là, tout seul, et vous allez fréquenter les mêmes amis que vous aviez avant d'être hospitalisé pour traiter votre toxicomanie, avant d'être admis admission dans le système pénal. Vous n'avez aucun soutien. Vous allez revenir — je crois que la grande majorité revient à son mode de vie initial, continue à vivre de la même façon et ne fait jamais de progrès.

Est-ce que ce genre de choses se produit au Canada atlantique? Je sais qu'il y a des sociétés Elizabeth Fry et les programmes de Phoenix Youth. Et qu'en est-il de la plupart des gens qui ne vivent pas dans la région métropolitaine, par exemple?

Mme Jahn : Il y a certainement un besoin criant à cet égard. Nous avons entendu, pas plus tard qu'hier, à une réunion de responsables de refuges des services communautaires, un responsable de refuge se prononcer sur la même question, soit l'absence de soutien de la part du système de soins de santé. Il faut discuter de cette question, et elle devrait faire partie de n'importe quelle discussion.

Je sais que l'association pour la santé publique a entrepris la même initiative pour sérieusement axer ses efforts cette année sur la pauvreté et l'itinérance ainsi que sur la manière dont le système de santé traite les sans-abri et les personnes qui vivent dans la pauvreté. Nous avons entendu parler d'un cas semblable hier. Une femme a tenté de se suicider. Elle a attendu huit heures à l'urgence. Personne ne lui a fait attention. De l'hôpital, on l'a envoyée dans un refuge. On ne fait aucune planification du suivi médical, rien du tout. Nous entendons sans cesse ce genre de choses.

Le principal problème tient surtout au financement. De nombreux organismes aimeraient offrir des logements avec services de soutien et, habituellement, ils obtiennent le financement — après dix ans de planification — de notre organisme, mais ensuite, il n'y a aucun financement pour les services de soutien. Bien sûr, les organismes sans but lucratif sont très débrouillards, donc ils utilisent le budget de fonctionnement, font au mieux et utilisent ce qui reste pour établir les services de soutien. Je me creuse toujours la tête pour déterminer comment on peut apporter un vrai changement.

Vous avez abordé une question très intéressante, car il est vrai que nous nous consultons toujours. Nous nous rassemblons, et nous discutons de la question. Nous générons les données, et de nouvelles personnes se joignent à nous, ce sang neuf nous stimule et nous amène à croire que, cette fois-là, ça va marcher. Mais ensuite, je parle à un travailleur social qui œuvre dans la collectivité depuis 30 ans et qui dit : « Oh, je n'y vais pas. J'y suis allé il y a 30 ans. » Il faut vraiment que nous trouvions des solutions novatrices, donc j'essaie de le faire en me fondant sur l'exemple de cette représentante d'un organisme torontois de logements avec services de soutien. Je l'ai interrogée au sujet de l'obtention de financement pour ces services et elle a affirmé en avoir eu. Je lui ai demandé : « Alors, comment avez-vous fait? » Elle a répondu qu'un politicien avait simplement pris l'initiative, tenu tête à ses conseillers principaux et déclaré que le ministère de la Santé assumerait ses responsabilités et injecterait un million de dollars dans les services de soutien, car cela fait partie de la santé. La question est bel et bien liée à la santé. Si vous logez des gens aux prises avec un problème de santé mentale, un handicap ou la toxicomanie, c'est notre mandat. Je crois que c'est ça que nous recherchons. Essentiellement, nous avons besoin — parfois, il ne faut qu'une personne pour déclencher le tournant crucial — que quelqu'un se lève et déclare : « Tout cela est bien beau et j'ai les meilleures intentions, mais je suis assez courageux et je vais prendre unilatéralement la décision de déclencher des changements majeurs. »

Mme Suokonautio : Je vais simplement tenter de faire un lien entre les commentaires des deux sénateurs. Sénateur, vous avez fait allusion aux gens qui quittent le système de justice pénale, et, sénateur, vous avez mentionné que les pauvres et les Autochtones sont surreprésentés dans le système de justice pénale. Je vais revenir à ce que je disais plus tôt. La meilleure stratégie consisterait à faire en sorte que les gens ne se retrouvent tout simplement jamais dans cette situation; ainsi, nous ne nous retrouverions pas devant le problème de devoir placer ces gens lorsqu'ils sortent et de régler tous les autres problèmes qui découlent de cette situation. À mon avis, il est évident que le besoin existe. J'ai presque l'impression qu'il est inutile de le répéter. Toutes les personnes ici présentes tentent de trouver des solutions. C'est un problème qui persiste. Je peux vous donner une liste longue comme le bras de jeunes qui ont du mal à trouver un logement ou à quitter les services de santé mentale, le système de justice pénale, les services de santé réguliers, les foyers d'accueil, selon le cas.

J'aimerais parler un peu de prévention dans l'optique de l'amélioration des politiques sociales. Sénateur Segal, je prends très au sérieux vos commentaires selon lesquels nous sommes très bons pour produire des rapports. Nous sommes très bons lorsqu'il s'agit de faire de la recherche, mais au bout du compte, il faut faire ce qu'a dit Claudia : quelqu'un doit agir comme catalyseur et avoir le courage d'apporter un changement.

Richard Shillington parle toujours de la nécessité de valider les solutions auprès des personnes qui seront les plus touchées. J'appliquerais ce principe général à tout changement. À Toronto, 22 p. 100 de la population sont admissibles à l'assurance-emploi. Ici à Halifax, cette proportion est inférieure à 40 p. 100. L'assurance-emploi n'est pas une vraie assurance. C'est surtout à cause des restrictions qui définissent l'admissibilité. Il faut vraiment se pencher sur cette question.

L'autre partie pourrait susciter la controverse et, pour différentes raisons, je me ranger à l'avis de M. Metlege selon lequel l'aide sociale est défectueuse, par conséquent, l'injection de fonds dans l'aide sociale ne fonctionne pas. Il y a une stigmatisation de l'aide sociale. Il y a des limites quant aux actifs. Il y a des dispositions de récupération. Tout cela pose de graves problèmes. Il existe d'autres façons, de meilleures façons, de mettre de l'argent dans les poches des adultes, des familles et des personnes âgées à faible revenu au Canada, et c'est ici que mes partis pris se manifesteront.

Je crois que des crédits d'impôt remboursables fonctionneraient bien. Si je produisais ma déclaration de revenus aujourd'hui et que j'en venais à constater qu'il me revenait 700 $ ou quelque chose comme ça, je ne me demanderais jamais si c'est parce que je suis pauvre ou si je le mérite vraiment ou si la situation pose problème.

C'est quelque chose que nous pouvons mettre en place, et je crois que c'est l'une des options que vous proposez dans votre rapport. Vous pouvez le faire avec le Supplément de revenu garanti pour les personnes âgées. Vous pouvez le faire avec la prestation fiscale pour enfants. Rien ne nous empêche de le faire pour les adultes à faible revenu. La raison pour laquelle nous ne pouvons pas le faire tient à un problème d'ordre philosophique. Il n'est pas question de tomber dans la partisannerie, mais, lorsque Mike Harris était premier ministre de l'Ontario, les prestations d'aide sociale ont été réduites; non seulement le public s'est abstenu de protester, il l'a réélu; c'est politique. Il faut se demander si le public a envie que l'on travaille dans cette direction, et je crois que nous avons beaucoup de chemin à faire à cet égard, et c'est pourquoi il nous arrive parfois de nous sentir bien seuls dans le travail que nous faisons, bien qu'il soit très agréable de parler aux sénateurs.

Le président : Chers intervenants et sénateurs, la prochaine partie de la séance sera plus ouverte. J'espère que l'on parlera toujours des mesures de soutien du revenu, mais pas exclusivement, car, au chapitre de la pauvreté, il ne faut pas oublier qu'il y a d'autres composantes, d'autres services de soutien qui en font partie. Je vous invite à apporter des commentaires sur cette question, mais la discussion porte principalement sur les mesures de soutien du revenu.

Plus tôt, j'ai fait allusion au rapport Croll, produit il y a 38 ans. Qu'est-ce qu'on y disait? On disait que le système d'aide sociale est un échec lamentable. Est-il toujours un échec lamentable aujourd'hui? Faut-il s'en débarrasser et repartir à neuf? Devrait-on apporter des améliorations au système déjà en place? Devrions-nous tenter de mettre en œuvre un changement radical ou peut-être supplémentaire? C'est le genre de chose dont on veut entendre parler. Un changement radical, par exemple, pourrait prendre la forme d'un revenu annuel garanti. Nous avons entendu des exposés sur cette idée. En fait, dans l'annexe du rapport, le Caledon Institute, John Stapleton — de Campagne 2000 — et le Conseil national du bien-être social ont présenté des variations sur ce thème. Ils proposent des variations sur le thème. Ils sont peu à utiliser le terme « revenu annuel garanti » ces jours-ci, mais on parle du même concept.

Ensuite, il y a la question de l'assurance-emploi. Beaucoup de personnes critiquent plaintes sur le fonctionnement du régime. Beaucoup de personnes ne sont plus admissibles, et l'admissibilité varie en fonction de l'endroit au pays où vit la personne. Par exemple, à St. John's, 51,5 p. 100 des gens qui présentent une demande obtiennent des prestations, tandis que, dans la ville d'Ottawa, cette proportion est de 20 p. 100. À Saint John, au Nouveau-Brunswick, la proportion est de 43 p. 100 et à Halifax, de 39 p. 100, alors il y a des écarts même dans le Canada atlantique. Pourquoi y a-t-il des écarts régionaux, et devrait-on les éliminer? Certaines personnes ont soulevé cette question, soit dit en passant.

Il y a aussi la question de savoir si l'assurance-emploi devrait redevenir un régime d'assurance. Le régime devrait-il reprendre sa forme initiale, qui date des années 1940, et devrions-nous y intégrer d'autres programmes, comme la formation? Il semble raisonnable d'offrir de la formation pour aider les gens à réintégrer le marché du travail, mais cette mesure devrait-elle s'inscrire dans le régime d'assurance-emploi ou devrait-elle relever d'un programme distinct?

Une autre chose dont nous avons beaucoup entendu parler au sujet du soutien du revenu concerne les tentatives de désamorcer le piège du bien-être social, les tentatives de réintégrer le marché du travail sans voir sa situation financière se détériorer. Des gens ont parlé de la nécessité de créer des liens et de la nécessité de faciliter la transition, du fait que décrocher un emploi, peut-être au salaire minimum, vous prive de vos prestations de santé et d'autres mesures dont vous auriez profité si vous étiez demeuré aux crochets de l'aide sociale. Que devons-nous faire pour combler l'écart et aider ces gens en période de transition? Voilà certaines questions touchant le soutien du revenu. C'est non pas une liste complète, mais quelques exemples.

Selon vous, que devons-nous faire? Faut-il déclarer que c'est un échec lamentable et repartir à zéro ou apporter des changements à ce qui est déjà là?

Mme Suokonautio : Vous nous avez demandé si nous croyons que le système d'aide sociale est un échec lamentable. Vous nous avez interrogés au sujet du régime d'assurance-emploi et des problèmes qui découlent du piège de l'aide sociale.

Pour ce qui est de l'échec lamentable de l'aide sociale, Barbara vient tout juste de me demander de m'assurer que mon propos reflétait bien ma pensée lorsque j'ai déclaré que ce n'était pas une bonne idée d'injecter plus d'argent dans le système d'aide sociale. Je voulais simplement préciser cette partie de mon discours : je crois qu'il n'y a pas un seul bénéficiaire de l'aide sociale qui quitte le bureau d'aide sociale sans se sentir assez misérable, stigmatisé et surveillé. Je ne dis pas que nous devrions refuser d'offrir aux gens une aide au revenu; seulement, la nature même de l'aide sociale, avec toutes ses dispositions de récupération et ses limites quant aux actifs et tout ce genre de choses, sans parler du caractère apparemment arbitraire des critères d'admissibilité, cause beaucoup de problème.

Je crois que le système d'aide sociale, à la lumière surtout des conclusions que je tire du travail que j'ai le privilège d'effectuer avec beaucoup de gens, doit faire l'objet d'une restructuration ou d'une réforme complète. J'ai eu l'occasion de parler avec certains de vos collègues pendant la pause. Si on se penche sur la composition réelle de la clientèle de l'aide sociale, on s'aperçoit qu'il s'agit d'un instrument stratégique très rudimentaire, malgré toutes les autres mesures de soutien qui peuvent s'ajouter. Une femme qui élève un enfant de cinq ans et moins et un adulte seul qui vit de l'aide sociale depuis sept ans ont probablement des besoins très différents, mais les deux cas s'inscrivent sous la rubrique de l'aide sociale. Dans une certaine mesure, c'est un problème, et il est présomptueux de penser que leurs besoins sont comparables. Nous avons compensé avec des prestations fiscales pour enfants et nous avons compensé par d'autres mesures de soutien communautaires, mais, en même temps, la mesure fondamentale — le soutien du revenu — provient du même ministère, et cela crée une situation un peu difficile.

J'estime que le régime d'assurance-emploi devrait revenir à ses principes d'assurance. Je crois que le Caledon Institute a élaboré des recommandations selon lesquelles la formation et des choses comme les prestations de maternité devraient être éliminées du régime et l'assurance-emploi devrait se borner à être un régime auquel cotisent les employés et les employeurs.

Je suis très vigilante lorsque je dis ce genre de choses, car je crains qu'on retire ces choses et que, finalement, la situation soit encore pire qu'elle ne l'est présentement. Nous sommes chanceux, si nous sommes admissibles, de pouvoir toucher des prestations de maternité pendant jusqu'à un an. Il ne fait aucun doute que, si on ne grugeait pas les gains déjà accumulés, cette mesure aurait du sens à mon avis. Je crois comprendre qu'on a des projets pour le surplus du Fonds d'assurance-emploi, mais je ne sais pas vraiment de quoi il s'agit. Peut-être en savez-vous plus que moi.

Le piège de l'aide sociale pourrait vraiment être désamorcé, selon moi, à l'aide d'une meilleure coordination. Je crois qu'on pourrait aussi offrir des mesures de soutien temporaires relatives aux médicaments et aux soins dentaires. Il faut mettre en place une forme de processus de transition destiné aux gens qui quittent le système, car une personne dans cette situation se heurtera à un certain nombre d'obstacles simultanément. Il faudrait les décaler. Ce serait plus raisonnable et, de cette façon, on pourrait atténuer l'impact sur chaque ménage. Et j'aimerais que le coût de toutes ces choses soit évalué, y compris un programme général de soins dentaires destiné à tous les ménages à faible revenu, qu'ils bénéficient de l'aide sociale ou non, et la même chose pour l'assurance-médicaments. Ainsi, les gens n'auraient pas besoin d'être admissibles à de tels services par le truchement de programmes d'aide sociale ou de prestations d'invalidité. Je ne sais pas si cela répond à vos questions. Je n'en ai pas encore mesuré toutes les dimensions. La situation est beaucoup plus complexe que cela.

Le président : Donc, vous présentiez une déclaration un peu biaisée.

Mme Suokonautio : Eh bien, mon parti pris tient au fait qu'il faut établir une nouvelle architecture; c'est le terme qu'utilise la Caledon Institute of Social Policy. Une partie de sa thèse, en particulier dans le cadre des travaux de Ken Battle, c'est que, vu la diversité des populations et de leurs besoins, une politique universelle ne fonctionne pas et il faut donc établir des normes minimales. Nous sommes parfaitement d'accord : ainsi, si vous faites partie d'un groupe donné, c'est telle mesure qui serait raisonnable, et si vous êtes dans un autre groupe, c'est une autre mesure qui serait raisonnable. Pour une mère seule, des prestations pour enfants ou des mesures de soutien pour les familles avec des enfants seraient des mesures raisonnables. Encore une fois — je reviens à la même chose —, cela suppose une volonté politique d'établir des normes assez rigoureuses pour être utiles. L'autre problème, c'est que, chaque fois que vous tracez une ligne, il y a des gens qui se trouvent d'un côté, et des gens qui se trouvent de l'autre, et on peut avoir l'impression que c'est très arbitraire. C'est comme si on dessinait une carte géographique et que l'on commençait à tracer une ligne. Il faut que l'on consulte clairement les gens qui seraient affectés pour savoir s'ils trouvent cela raisonnable.

M. Calderhead : Pour ce qui est du soutien du revenu, certes, c'est un enjeu de taille, et par soutien du revenu, j'entends non seulement les allocations de subsistance, mais aussi celles destinées aux besoins spéciaux qui ne se manifestent qu'à l'occasion. Je fais attention lorsque je dis cela, car très souvent, pour mes clients qui sont handicapés, les besoins spéciaux sont des besoins de base, c'est pourquoi il y a toujours eu un problème à cet égard.

La question du soutien du revenu est fondamentale. La question qui doit être posée à cet ordre de gouvernement, aux sénateurs, est la suivante : le gouvernement fédéral recommencera-t-il à participer à la résolution de ce problème?

Il y a une chose qu'on appelle le Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux, qui n'est pas un chèque en blanc, comme c'était le cas avec le RAPC, le Régime d'assistance publique du Canada; c'est plutôt un montant forfaitaire servant de financement global qui n'est soumis à aucune restriction. Vous ne pouvez pas défavoriser les personnes qui vivent de l'aide sociale et se déplacent d'une province à l'autre, mais ce n'est pas une norme qui a beaucoup d'incidence. Essentiellement, il s'agit d'un montant forfaitaire versé sans condition. En quelque sorte, c'est un supplément à la péréquation. Le gouvernement fédéral doit décider : participera-t-il au soutien du revenu par le truchement d'une coordination avec les provinces ou le fera-t-il de façon directe? Je veux dire, il a parlé de crédits d'impôt remboursables. C'est une façon de faire. L'un des inconvénients, c'est la perte de souplesse à l'échelon local — ou une tendance en ce sens — et l'élimination de nuances provinciales. Dans un programme national de prestations pour enfants, par exemple, on versera un montant normalisé, mais il ne sera pas forcément adapté aux besoins de chaque province ou territoire. Il peut s'agir d'une prestation directement versée, comme pour les enfants et, de façon analogue, les programmes destinés aux aînés, ou cela peut se faire au moyen d'un partage conditions des coûts avec les provinces.

Le sénateur Segal a déclaré la chose presque fondamentalement impossible, mais, je crois que, par la suite, il a — peut-être pas volontairement — répondu à sa propre question en faisant allusion à la Loi canadienne sur la santé et l'assurance-maladie, mesures qui, dans l'ensemble, ont été couronnées de succès. Que cela vous plaise ou non, malgré ses lacunes, ce fut une brillante réussite au chapitre du partage conditionnel des coûts entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux. Le gouvernement fédéral avait autrefois l'habitude de participer à ces mesures. Il le faisait au moyen du Régime d'assistance publique du Canada; puis, en février 1995, il a annoncé la révocation de ce régime en guise de compensation pour les énormes compressions budgétaires imposées aux provinces.

Le gouvernement fédéral doit maintenant décider — tout comme le Sénat, lorsqu'il formulera ses conclusions dans le rapport — si on reconnaîtra à l'instar des bénéficiaires de soins de santé sous le régime de la Loi canadienne sur la santé, la légitimité et les droits des personnes à faible revenu grâce à un programme national. En réalité, c'est là l'essentiel de la question. Jusqu'à maintenant, on n'a pas perçu cela comme une priorité. Pourquoi? Parce qu'on ne considère pas que les pauvres le méritent. Ce n'est pas plus compliqué que ça.

Le sénateur Segal : Ils ne votent pas, ou ils n'ont pas tendance à le faire.

M. Calderhead : Oui, et si j'étais une personne à faible revenu, je ne voterais pas non plus, car ça ne fonctionne pas.

Plus tôt, je discutais du fait que les questions liées aux déterminants sociaux de la santé jettent une lumière nouvelle sur les personnes à faible revenu. Pourquoi? Parce que les gens à faible revenu tombent parfois malades et peuvent avoir des problèmes de santé. Eh bien, moi aussi j'ai des problèmes de santé. Je peux comprendre cela. Ainsi, remettons la question des pauvres au programme. C'est comme une façon de reconnaître leur situation dans un contexte où, jusqu'à maintenant, nous nous sommes vraiment démenés pour veiller à ce que cela se produise. En toute franchise, les intentions du gouvernement fédéral m'importent peu, du moment qu'il prend à nouveau ses responsabilités.

Quant à l'assurance-emploi, pour ma part, franchement, ce n'est pas vraiment un problème. Cela fait des années que je n'ai pas eu de clients aux prises avec un problème touchant l'assurance-emploi. Pourquoi? Parce qu'aucun de mes clients n'est admissible. On me pose des questions à ce sujet. Eh bien, le programme est compliqué dans son essence, mais je n'y prête plus attention maintenant, car je n'en ai jamais besoin de le faire. Il ne touche personne.

Le sous-comité doit déterminer si le gouvernement fédéral doit se soucier à nouveau de la question du soutien du revenu. Le cas échéant, admettons qu'il doive le faire, le gouvernement le fera-t-il de façon directe, par le truchement d'un genre de crédit d'impôt remboursable, avec les limites que cela suppose, ou le fera-t-il au moyen d'un partage conditionnel des coûts grâce auquel Ottawa, au lieu d'imposer sa volonté à Québec, adopterait des normes reconnues à l'échelle internationale.

M. Metlege : Je vais enlever mon chapeau de représentant d'association et je vais adresser une question à tout le monde. Si je prends du recul, je m'aperçois de plus en plus que — et je ne sais pas vraiment comment le formuler et je ne veux offusquer personne — mais c'est comme si nous avions pitié de ces gens. Le système semble avoir pitié d'eux. Ce que je veux dire, c'est que... Je suis fils d'immigrant. Mon père est arrivé ici il y a 35 ans, il ne connaissait pas la langue et il n'avait pas de famille. Avec environ 150 $ dans sa poche, il s'en est sorti. Notre pays offre des possibilités. J'ai du mal à comprendre pourquoi il est si difficile d'encourager l'autonomie.

Tout le monde, et je crois que c'est avec les meilleures intentions, lutte pour que leur association permette d'offrir du soutien et encore du soutien, du soutien, mais au bout du compte, nous avons besoin d'un système qui favorise l'autonomie. Le système peut bien dire à Jaques qu'il est là pour l'aider, mais, au bout du compte, Jacques devra se prendre en main. Il devra se tenir debout et dire : « Je veux améliorer mon sort. Il faut que je le fasse, et je suis prêt à tout pour y arriver. »

Le système de soutien devrait être là pour aider, mais pas pour éliminer le fardeau; à mon avis, c'est ce que fait actuellement le système d'aide sociale. Il est devenu très compliqué. Il a fini par imposer un certain nombre de restrictions, et les gens qui y ont eu recours en sont venus, dans une certaine mesure, à dépendre du système. Je peux seulement me fonder sur mes expériences avec les personnes à qui j'ai parlé, mais j'ai vraiment entendu des femmes dire : « Si je tombe enceinte à nouveau, j'obtiendrai plus d'argent pour le prochain enfant. » Ça devient presque une fin en soi : c'est l'aide sociale, non? Ce n'est pas une transition pour elles.

Je n'ai jamais vu un programme ni entendu parler d'un programme qui s'adresse aux gens défavorisés — que ce soit à cause d'un handicap, de l'état de santé, du sexe, du statut, de la nationalité ou de la religion — et leur dit : « D'accord, voici vos problèmes. Nous les comprenons. Voici où vous pouvez aller pour obtenir de l'aide, mais au bout du compte, cette association ou cet organisme caritatif va vous aider; il ne va pas faire les choses à votre place. »

Je comprends que nous voulions avoir en place des programmes sociaux et nous tenions à l'aide sociale, mais je crois qu'il faut se contenter d'aider les gens plutôt que de faire les choses à leur place. Je ne veux offusquer personne, si mes propos peuvent sembler choquants. Seulement, je ne peux prétendre connaître tous les détails et l'ampleur du problème, mais, selon mon expérience à discuter principalement avec des résidants et mon expérience personnelle, le Canada n'est pas sous une dictature. Nous ne sommes pas un État communiste. Je crois sincèrement que, si l'on se donne la peine, on peut faire n'importe quoi dans ce pays, sans égard au sexe biologique, au sexe social, aux handicaps ni quoi que ce soit. Selon moi, plus nous faisons ce genre de choses... Je ne veux pas dire que cela minimise l'importance de ce principe, mais je ne crois pas que nous en faisons la promotion autant que nous le devrions. Je ne sais pas si c'était un bon commentaire.

Le président : Je crois que cela en provoquera quelques autres.

M. Wrye : Vu mon expérience de défenseur de l'approche gouvernementale ou de coordonnateur à cet égard, j'apprécie les commentaires du sénateur Segal concernant le fait que les gouvernements ne collaborent pas bien entre eux, et je pourrais confirmer que les administrations municipales sont tout aussi réticentes à collaborer entre elles. Toutefois, si vous voulez faire de votre liste d'options des recommandations raisonnables qui ont une certaine chance de réussite, si les trois ordres de gouvernement ne collaborent pas, vous reviendrez ici dans cinq ans, pour siéger à un autre comité, et il n'y aura pas eu de progrès.

Les défis auxquels nous sommes confrontés font en sorte que nous avons intérêt à déterminer quel type de mesures d'aide à l'emploi nous souhaitons mettre en place. Nous pouvons voir la chose de deux façons. Les Canadiens sont confrontés à un défi. En Nouvelle-Écosse, nous exportons actuellement notre poisson en Chine. Nous exportons notre poulet au Nouveau-Brunswick. Nous exportons notre bœuf à l'Île-du-Prince-Édouard. Nous allons bientôt exporter notre porc au Manitoba. Nous permettons à Sobeys et à Loblaws d'importer du maïs et des denrées d'autres provinces pour les vendre à prix moindre que les produits de la Nouvelle-Écosse. Nous achetons des vêtements confectionnés Chine. Nous téléphonons à des centres d'appel au Bangladesh pour souscrire des assurances. Ensuite, nous nous demandons pourquoi il n'y a plus d'emplois intéressants.

À un moment donné, les Canadiens devront être prêts à comprendre qu'ils peuvent payer les gouvernements fédéral et provinciaux et les administrations municipales pour financer des mesures d'aide à l'emploi comme on le suggère ici, ou ils peuvent payer plus cher au magasin pour que nous puissions employer des Canadiens et, finir par éliminer la pauvreté, non pas à coup de subventions, mais en donnant une chance aux gens de gagner un salaire raisonnable.

Du point de vue du gouvernement fédéral, il faut faire ces mêmes choix. Souhaitons-nous que le gouvernement subventionne l'emploi et offre le genre de programme que vous avez proposé dans vos options, ou souhaitons-nous investir notre argent dans le genre d'infrastructures qui fera en sorte que les Canadiens travailleront en permanence?

Le Conference Board du Canada a expliqué, dans le cadre du Congrès des maires de la région de l'Atlantique, que la super usine était un meilleur concept que la petite usine rurale, qu'il était plus rentable pour le gouvernement d'investir 100 millions de dollars dans une super usine au lieu de consentir 10 millions de dollars à 10 petites usines pour qu'elles demeurent en activité. Mais on n'a pas pris en compte les coûts d'infrastructures que doit engager le gouvernement pour le transport des matières premières à la super usine et du produit fini à divers endroits par la suite.

Le gouvernement doit se poser la question : investissons-nous pour les gens en leur offrant l'occasion de décrocher un emploi ou nous bornons-nous simplement à investir dans des programmes qui permettront aux personnes de toucher le salaire qu'elles auraient pu gagner si elles avaient eu un emploi? Il n'y a aucun doute dans mon esprit — ayant parlé à des gens pauvres qui sont sur la corde raide — qu'ils aimeraient beaucoup mieux gagner un salaire et pouvoir maintenir un niveau de vie supérieur à ce que leur procurent leurs prestations d'assurance-emploi.

Partout dans le Canada atlantique, en particulier, nous voyons le nombre de personnes laissées-pour-compte. L'Association des municipalités du Manitoba a organisé une conférence sur les affaires rurales. Rex Murphy a fait remarquer que, au Canada cette année, 40 000 emplois ont été perdus dans le secteur rural et dans l'industrie forestière à cause de fermetures d'usines et de fermetures de petites scieries, en plus des pertes d'emploi qui surviennent dans le secteur forestier lui-même. Nous exportons encore notre produit aux États-Unis, mais nous avons perdu 40 000 emplois. Lorsque 2 000 emplois ont été perdus à Oshawa, dans une usine de camionnettes, parce que les gens n'achetaient plus les camionnettes trop grosses et trop chères qui consommaient trop d'essence, les gouvernements fédéral et provincial étaient galvanisés. Ainsi, nous n'avons rien fait pour les 40 000 emplois perdus au Canada, mais, dans le cas des 2 000 emplois perdus dans une région à forte rentabilité électorale, nous nous sommes immédiatement précipités pour leur venir en aide.

D'une façon ou d'une autre, voilà mes commentaires, et, à mon avis, vos options ne résoudront pas le problème de la pauvreté. Vos options aident à lutter contre la pauvreté en faisant passer les gens à un niveau supérieur, et j'applaudis cette approche. Je ne propose pas de les laisser là où ils sont, mais si nous voulons résoudre le problème de la pauvreté, il faut s'attaquer à ses racines.

Mon dernier commentaire touche les trois questions que vous avez posées ensemble. Je suis stupéfait devant la panoplie de programmes en place pour aider les gens qui, de façon générale, ne donnent pas les résultats escomptés, car ils n'aident pas les gens. Si nous pouvions mettre en place un programme de supplément de revenu garanti qui permettrait aux gens d'atteindre un certain niveau — et je sais que la chose porte différents noms, comme crédit d'impôt, ou je ne sais quoi. Si nous établissions une norme selon laquelle quiconque est célibataire dans le pays ne devrait pas gagner moins de 25 000 $ et nous l'appliquions au moyen d'un crédit d'impôt ou d'un SRG, nous élimerions beaucoup d'emplois, certes, mais nous éliminerions aussi une grande part de la bureaucratie. Nous libérerions beaucoup d'argent, ce qui permettrait d'élever les gens à ce niveau.

Mme Clow : J'aimerais répondre à la question de Joe, et je dois commencer par dire, encore une fois, que vous êtes courageux d'avoir posé la question. Je crois que vous savez que n'importe qui d'entre nous pourrait exposer un certain nombre d'expériences personnelles et de points de vue personnels, n'est-ce pas? Nous connaissons tous des histoires qui appuient un argument ou un autre, mais si nous voulons établir des politiques, je crois que nous ne pouvons pas nous fonder sur des opinions personnelles ou des expériences individuelles; il faut que nous nous appuyions sur des données probantes. Je suis chercheure en sciences sociales et j'enseigne dans ce domaine, et je peux vous dire que les données probantes ne soutiennent pas du tout votre point de vue selon lequel tout le monde a les mêmes chances de réussir. Des centaines de milliers de personnes au pays sont aux prises avec le racisme depuis non pas leur naissance, mais quatre générations avant eux. Certaines personnes viennent au Canada, sont amplement qualifiées pour occuper un emploi et doivent passer 75 entrevues ou poser leur candidature 75 fois avant de pouvoir décrocher un emploi pour lequel ils sont parfaitement surqualifiés. La réalité n'est pas si simple. Les données probantes que nous avons recueillies durant les 30 dernières années, depuis que le gouvernement du Canada a lancé la discussion relative aux déterminants sociaux, montrent bien qu'il est impossible de dire qu'il s'agit simplement de stimuler davantage tous les gens qui sont aux crochets de l'aide sociale. Cela ne reflète tout simplement pas la réalité; c'est pourquoi, bien que je convienne du fait que le système d'aide sociale est lamentable, c'est non pas parce qu'il prend les gens en pitié, mais parce qu'il est tout à fait inadéquat, et c'était la question que je soulevais auprès de Miia plus tôt. Je crois que nous devons effectivement repartir à zéro. Je me range à l'avis de Miia sur ce sujet : allons-y, mais prenons des précautions.

Je crois sincèrement que ce que nous faisons ne fonctionne pas, mais, à mon avis, notre société a la responsabilité de soutenir tous les habitants du pays, peu importe ce qu'ils ont été capables d'accomplir ou les défis et obstacles auxquels ils font face. En fait, il incombe d'autant plus aux gens qui vivent sans trop de difficultés de prêter main-forte à ceux qui ne se trouvent pas dans des circonstances aussi faciles. De mon point de vue, c'est l'idée qui devrait sous-tendre l'aide sociale, et je crois que c'est ainsi qu'est née l'aide sociale au Canada; à l'origine, cette mesure était destinée à servir de filet de sécurité sociale du berceau à la tombe, et c'est le résultat qu'il faut escompter.

Aux quatre coins du monde, il existe des pays qui sont dotés d'un véritable filet de sécurité viable. Les pays scandinaves viennent tout de suite à l'esprit. Ils paient beaucoup plus d'impôts que nous, mais leur système de santé est dans un bien meilleur état que le nôtre. Ils ont des vacances merveilleuses, vous savez. Je veux dire, cela peut sembler idiot, mais j'ai parlé à beaucoup de mères seules, et certaines d'entre elles vous diront : « Vous savez, la chose que je désire le plus, c'est d'avoir des vacances; je crois que je les mérite, que je suis un être humain et que je pourrais moi aussi à un moment donné prendre des vacances. »

Ce que je vous réponds, c'est que je comprends. Je veux dire, les membres de ma famille partageraient entièrement votre point de vue, mais tous les travaux de recherche, y compris une vaste étude, menée par le gouvernement de l'Ontario, qui visait à mettre au jour la fraude de l'aide sociale — le gouvernement a dépensé plus d'un million de dollars pour découvrir des fraudes de l'aide sociale équivalant à un montant de 200 000 $. En fait, je crois que le montant dépensé tournait plutôt autour de cinq millions de dollars; tout cela pour tirer la conclusion selon laquelle, bien sûr, où que vous posiez les yeux, vous verrez quelqu'un qui exploite le système, que l'on parle des entreprises ou du loyer.

M. Metlege : Désolé, mais mon commentaire ne se limite pas à la fraude et à ceux qui tentent de frauder le système. Je faisais aussi allusion aux attitudes ancrées.

Mme Clow : Mais vous supposez que bien des gens se disent : « Quelqu'un va prendre soin de moi, et je n'ai qu'à tomber enceinte encore pour que tout rentre dans l'ordre. »

M. Metlege : Non, je ne le fais pas.

Le président : Nous ne pouvons pas commencer une discussion sur cela.

Mme Clow : Je vous répondrais que je me range au point de vue du sénateur Segal selon lequel il est temps de mettre un terme aux demi-mesures et de faire les choses comme il se doit, mais j'ajouterais, comme l'a fait valoir Vince, que le facteur crucial ici, c'est non pas de savoir si nous avons les ressources, mais plutôt de déterminer si la volonté politique qui nous permettra de réaliser des choses est en place, car nous avons certainement l'expertise, l'excellence et les ressources nécessaires pour y arriver. Cela ne fait aucun doute.

Mme Jahn : J'aimerais pouvoir être d'accord avec vous, car c'est quelque chose de typique, bien sûr, nous entendons toujours cela, et, en réalité, cette perception découle de notre système d'aide sociale, un modèle appliqué de façon universelle. Si nous prenons l'exemple des personnes dans les refuges, nous pouvons constater que 80 p. 100 d'entre elles sont aux prises avec des problèmes de santé mentale. Dans un autre pays, ces hommes et ces femmes ne seraient peut-être pas tous là. Nous ne les verrions pas dans la rue; ainsi, à mon avis, ce n'est pas leur faute, c'est la faute de notre gouvernement; c'est la faute non pas du système d'aide sociale, mais de notre système de soins de santé. La place de ces personnes est dans un joli foyer, dans un foyer communautaire où quelqu'un s'occuperait d'elles. Ce n'est pas du tout leur faute.

Si une mère seule reste aux crochets de l'aide sociale, cela ne veut pas dire qu'elle profite du système. À mon avis, cela signifie plutôt que le système n'est pas assez bon. Le système d'aide sociale n'est pas assez bon. Il ne permet pas aux gens de gravir les échelons. J'ai interviewé beaucoup de mères chef de famille monoparentales des régions rurales de la Nouvelle-Écosse dans le cadre d'une étude exposant la manière dont vivent les mères dans les régions rurales de la Nouvelle-Écosse, et si vous voyiez cela, vous n'en croiriez pas vos yeux; aucune d'entre elles ne souhaite demeurer aux crochets de ce système. Elles aimeraient aller à l'école. Elles n'ont pas de voiture. Elles n'ont même pas de voiture pour aller à la banque alimentaire ou à l'épicerie.

Votre opinion est vraiment bien reçue, car c'est dans la nature même de notre société. C'est ainsi que nous voyons les gens qui vivent dans la pauvreté, comme un ensemble homogène. Ce sont des personnes. La pauvreté a beaucoup, beaucoup de visages, et je crois que nos programmes doivent prendre en main ces personnes et être adaptés à tous les différents besoins.

M. Robicheau : Pour ce qui est du système brisé, il y a environ dix ans, tous les gouvernements avaient décidé que le moment était venu d'équilibrer leur budget à tout prix, et certaines des compressions touchaient les coûts sociaux liés à l'infrastructure et aux hôpitaux. Certains travailleurs sociaux de notre province s'occupent de 300 cas ou plus. Le gouvernement leur a coupé l'essentiel et s'est désengagé.

Quant au seuil de revenu, cela suppose de remplir des formulaires. Il existe de nombreux programmes, mais à cause du manque d'information relative à l'énorme quantité de programmes offerts, les gens ne présentent pas de demande. Par exemple, en matière d'huile de chauffage, on vient tout juste de mettre en place un programme d'isolation qui permet d'isoler sa maison et d'économiser probablement 30 ou 40 p. 100 de la chaleur procurée par l'huile de chauffage. Mais c'est une mesure de prévention, alors on n'a pas à revenir. Au bout du compte, ces gens ont besoin de soutien pour qu'ils soient soutenus parallèlement à ces mécanismes de prévention.

Je crois que le désespoir est probablement le plus gros problème dans la province à l'heure actuelle, car les compressions budgétaires ont été si énormes. Nous avons une liste de documents axés sur les besoins spéciaux; par exemple, l'alimentation des diabétiques. Il y a 100 raisons pour lesquelles on peut les retirer de ces 50, mais on ne conçoit pas 100 raisons pour justifier leur admission. Pour donner un exemple typique, il y a une femme à Sydney qui vit des services communautaires, car elle ne peut pas travailler. Elle est en fauteuil roulant depuis des années et vit aux crochets du système depuis 18 ans, mais elle vient tout juste d'apprendre qu'il existe un supplément pour l'achat d'aliments, 18 ans plus tard; et elle a connu de longs hivers.

Je crois que le système est brisé parce qu'il a subi tant de compressions budgétaires. Cela ne signifie pas une somme d'argent colossale, mais ces travailleurs de cas connaissent leurs limites. Ils sont exténués et ils n'ont absolument pas le temps de faire de la prévention. Alors la prévention est une question que nous espérons aborder en même temps que le seuil de revenu.

Le président : J'aimerais que l'on passe au sujet du logement, car on a déterminé que c'est une question majeure : le besoin de logements convenables et abordables. Les options énumérées ici sont variées; elles touchent tous les sujets, des projets de logement social et d'habitations mixtes aux coopératives, en passant par les organismes sans but lucratif. Dans le secteur privé, on mentionne la possibilité d'incitatifs fiscaux au secteur privé pour qu'il aménage des logements destinés aux personnes à faible revenu, pour les gens qui sont au bas de l'échelle. Il y a aussi des possibilités d'accession à la propriété pour les gens à revenu modeste, et il y a des exemples d'endroits où cela est mis en œuvre.

Je crois que nous constatons, à force d'entendre différentes choses dans le domaine du logement, qu'il y a probablement une combinaison de choses, y compris les allocations pour le logement, qui aideraient à résoudre les problèmes liés à l'obtention d'un logement convenable et abordable. J'aimerais entendre vos commentaires sur le logement et sur la façon dont vous envisagez la question en ce qui concerne les besoins et j'aimerais que vous nous fassiez part de certaines des solutions qui vous viennent à l'esprit et des conseils que vous donneriez au gouvernement, en particulier au gouvernement fédéral, à cet égard.

M. Calderhead : Pour ce qui est du logement, le nombre de cas dont je suis responsable a varié énormément au cours des cinq dernières années, et il est aujourd'hui influencé de façon importante par le besoin de logements avec services de soutien pour les personnes handicapées. Je crois que j'ai entendu le sénateur Kirby affirmer à Rex Murphy qu'il s'agit de la priorité, selon lui. Je peux seulement dire que tout ce qui me passe entre les mains à l'heure actuelle est lié à une question de logement avec services de soutien.

Enfin, ni le logement ni le soutien du revenu — ni aucune autre question — ne pourront être prises en main par le gouvernement fédéral s'il y a une érosion continue de sa capacité et, surtout, de son pouvoir de dépenser. Le gouvernement fédéral se lie les mains derrière le dos à cause des réductions d'impôt. Par conséquent, l'argent des contribuables ne permettra jamais d'accomplir quoi que ce soit, à moins que le Sénat, dans ses délibérations, prenne l'initiative de signaler la nécessité de tempérer cette réduction effrénée des impôts et de créer un environnement où l'augmentation des impôts n'est pas un péché mortel.

Le président : J'aimerais aussi parler de l'itinérance, car c'est l'un des sujets de notre discussion. J'aimerais aussi savoir comment se manifeste l'itinérance dans vos régions. Dans ma ville, à Toronto, beaucoup de personnes sont dans la rue, mais il y a aussi beaucoup d'itinérants cachés. Nous sommes allés à St. John's, et on nous a dit que la plupart des itinérants là-bas sont cachés, donc j'aimerais recueillir vos commentaires sur cette question.

Le sénateur Munson : Monsieur le président, j'ai soulevé la question de l'itinérance plus tôt, mais Joe a établi certains paramètres qui exposent la position du secteur privé, et j'aimerais entendre des témoignages relatifs au genre d'ententes conclues afin que les gens puissent se rencontrer dans la même rue et dans le même édifice, le genre d'ententes dont il parle. Vous avez mentionné une personne qui avait un duplex, et si cette personne ne travaille pas, elle risque de tout perdre. J'aimerais seulement savoir comment on peut répondre à la fois aux besoins des itinérants et à ceux des personnes qui peuvent être en période de transition, avant l'obtention d'un emploi. Comment le secteur privé collabore-t-il avec vous pour accomplir quelque chose au profit du bien commun?

Mme Jahn : Pour répondre directement à votre question, nous avons des exemples très positifs du passé. Par exemple, le YMCA a lancé un programme WISH, acronyme anglais qui signifie « logements avec services de soutien pour les femmes », ici à Halifax. Les intervenants travaillent en étroite collaboration avec le secteur privé. Le YMCA ne construit plus d'installations et d'unités de logement avec services de soutien; l'organisme les loue, place ses clients, des femmes, et offre des services de soutien. Cette initiative fonctionne très bien et sert aujourd'hui d'exemple pour inspirer d'autres organismes, puisqu'il est très difficile de trouver les fonds pour construire. Alors voilà vraiment un bon exemple.

Mon bureau reçoit de nombreux appels téléphoniques de propriétaires privés qui offrent des unités pour des gens qui sont sans abri, alors nous en entendons parler plus souvent, ce qui est très encourageant. Néanmoins, il va sans dire que trouver des logements abordables reste un problème énorme.

En général, pour vous donner un aperçu de la situation, de la situation des sans-abri à Halifax, tous nos refuges sont toujours combles. La demande est à la hausse, et les responsables de refuge signalent que de plus en plus d'aînés et de personnes ayant un niveau supérieur d'instruction se tournent vers le réseau de refuges, ainsi que. Par le passé, c'était peut-être des personnes sans diplôme d'études secondaires, mais aujourd'hui, on trouve même des personnes qui ont un diplôme universitaire. Comme je l'ai mentionné plus tôt, 80 p. 100 de la population des refuges auraient besoin de services de santé mentale, donc ces personnes ne pourront jamais vivre de façon autonome. Quelques organismes sans but lucratif offrent des unités de logement avec services de soutien, mais ils sont très rares. C'est pourquoi la durée des séjours dans un refuge se prolonge de plus en plus.

Pour ce qui est de votre commentaire au sujet de l'itinérance cachée, c'est très difficile à évaluer. Nous avons tenté l'exploit avec l'Affordable Housing Association of Nova Scotia. Nous avons parcouru toute la province l'année dernière, et nous avons tenu sept tables rondes dans de petites collectivités rurales, et les chiffres étaient assez surprenants, même pour moi, qui travaille dans ce domaine. À Truro et à Yarmouth, sur la côte sud, des conseillers ont signalé qu'au moins 100 hommes vivaient dans les bois, alors je crois que ce phénomène est assez différent de la réalité torontoise. Puisque c'est une région rurale, on trouve plutôt acceptable que des gens vivent là pendant des années. Il peut y avoir toutes sortes de facteurs qui expliquent la situation.

Des témoignages nous sont venus de la région de Preston, où le surpeuplement est un grave problème, et les gens n'ont pas accès au réseau de refuges. Ils préfèrent que trois autres générations vivent dans la même maison. Certains sont prêts à récidiver pour passer l'hiver en prison. C'est ce que nous avons souvent entendu dans les régions rurales, car le parc de logements est très, très vieux et la nécessité de réparations est criant : c'est pourquoi il est impossible de chauffer ces logements. Il est préférable, plus facile et plus abordable de passer l'hiver en prison, c'est logique. Ce n'est pas une infraction. C'est de la survie, en réalité. Pour survivre, il faut être débrouillard. Je crois que ce n'est pas très différent des autres provinces, et une chose est certaine dans l'esprit de tous les analystes : la situation ne s'améliore pas. À défaut d'un programme national de logement... Je ne vois pas comment un pays du monde occidental peut gérer la situation. Le Canada était tellement fier de son programme d'accès à la propriété... c'est pourquoi tant de personnes des générations précédentes ont eu la chance de devenir propriétaires, et c'est tout un avantage, car une maison constitue un actif. Vous pouvez léguer quelque chose à vos enfants. Vous avez un patrimoine, vous êtes quelqu'un. Je crois que nous refusons ce droit à nos enfants. Parce que, si vous regardez même dans la classe moyenne ou dans la classe inférieure, si les enfants doivent aller au collège ou à l'université, ils ne pourront pas le faire.

Le sénateur Segal : Madame Jahn, si vous deviez, simplement en fonction de votre propre expertise et de votre propre expérience du problème — et la question pourrait aussi s'adresser à William Buckland — si vous deviez choisir entre deux options — j'admets que ce dilemme est artificiel —, soit un programme fédéral qui finance la construction de logements abordables afin d'augmenter les logements disponibles, soit un programme fédéral qui vise à faire en sorte que tous les Canadiens ont les moyens financiers de faire face au marché de l'habitation et de louer ce dont ils ont besoin, laquelle de ces deux options choisiriez-vous si vous deviez choisir entre l'une ou l'autre. Je sais bien que la plupart des gens diront : « Je veux un peu de ceci et un peu de cela », mais supposez qu'il vous faut choisir entre ces deux choses.

Je soulève la question en raison de ce que notre ami Vince Calderhead nous a fait remarquer, soit qu'il existe une façon pour le gouvernement fédéral de participer de façon constitutionnelle en versant des fonds aux résidants afin qu'ils puissent satisfaire à leurs obligations. Toutefois, dès qu'ils emprunteront cette autre voie, certaines provinces et municipalités voudront participer, on comprendra bien, et je veux seulement savoir, en fonction de ce que vous savez, si vous deviez choisir entre deux choses — et vous pouvez me dire qu'un tel choix est complètement superficiel et injuste — laquelle choisiriez-vous?

Le président : Vous pouvez lui dire que la question est injuste, c'est comme vous voulez.

Mme Jahn : Non, spontanément, je choisirais le programme de logement parce que, à mon avis, le logement est fondamental. Vous n'avez qu'à observer la hiérarchie des besoins de Maslow : si quelqu'un a un chez-soi et qu'il s'agit d'un logement sûr et sécuritaire, alors il peut explorer tous les autres aspects de sa vie. Il y a trop de gens qui ont dû mal à obtenir un logement, à y rester, ils vivent dans l'inquiétude, et si vous devez vous inquiéter, vous ne pouvez pas penser à votre santé, à vos études, à votre épanouissement personnel et à votre participation à la vie communautaire. C'est pourquoi j'affirme que le gouvernement est responsable. Il s'agit d'un droit. C'est un droit de la personne que d'être convenablement logé.

M. Buckland : Je suis sur la même longueur d'onde que Claudia. Je me souviens de ce qu'a fait le gouvernement fédéral au Cap-Breton en vertu de l'article 56.1 de la Loi nationale sur l'habitation, et de l'importance que revêtait la possession d'une maison pour ces familles. J'ai apporté des albums pour que le comité puisse voir où en sont ces enfants aujourd'hui et ce qu'ils seraient devenus sans ce logement. Vous savez, ce sont des membres de la société; ils sont médecin ou avocat, et il s'agit d'enfants de mineurs de charbon ou de métallurgistes, par exemple, qui vivaient dans des logements médiocres. J'ai apporté l'album pour que le comité puisse voir la portée de la démarche du gouvernement fédéral dans notre région, sous la direction et la clairvoyance de Sœur Peggy Butts, ex-sénateur, et du sénateur Al Graham.

Je crois que c'était le programme de Paul Hellyer à la fin des années 1970 et au début des années 1980. L'épanouissement des familles est phénoménal lorsque vous lui permettez d'accéder à une maison, comme je l'ai expliqué dans mes observations préliminaires, il est impressionnant de voir ce qui arrive à cette famille et à ces enfants, comment ils deviennent de vrais citoyens actifs dans notre collectivité parce que vous les avez logés et que vous les avez tenus au chaud et au sec. Ils se sentent bien dans leur peau. Les appels téléphoniques au poste de police ont diminué dans certaines régions où nous avons construit ces maisons. Le secteur des organismes sans but lucratif a vu la chose un peu différemment pendant les premières années du logement social, et il s'est dit : « Eh bien, c'est là où vivent tous les pauvres. Nous allons faire en sorte que ça ait l'air de logements pour les pauvres. » Au Cap-Breton, nous avons construit des logements individuels, puis nous avons intégré les familles de part et d'autre dans les collectivités. La plupart de ces collectivités ne savent même pas qu'il s'agit d'une maison de la Seton Foundation et d'une famille qui a élevé un citoyen exemplaire grâce à ces programmes offerts par le gouvernement fédéral.

M. Metlege : J'imagine que, de notre point de vue, un programme fédéral de logement abordable était effectivement en place, mais il ne fonctionnait pas. Je sais qu'il ne fonctionnait pas, car j'ai moi-même déposé une demande. Il y a une subvention, pour ceux qui ne le savent pas; essentiellement, il s'agit d'une subvention par unité versée pour la construction de nouveaux projets afin de désigner ces blocs d'unités pour servir de logements abordables. Cela n'a pas marché pour plusieurs raisons. Premièrement, sur le plan administratif, il était pratiquement impossible de l'obtenir. Je veux dire, il fallait soit connaître des gens, soit... J'ignore quelles conditions il fallait remplir pour réussir à obtenir le financement. Deuxièmement, je sais que, du point de vue des sciences sociales, l'idée, c'est d'intégrer les gens, de les inclure et de créer un sentiment d'appartenance, et j'ai tendance à être d'accord avec cela. Malheureusement, il y a aussi une réalité selon laquelle... Je me retrouve toujours à jouer l'avocat du diable; cela ne me plaît pas, mais je le fais pour le bien collectif, donc je vais continuer à le faire. C'est un peu comme vous avez dit : on ne peut pas compter sur la bonne étoile des gens qui croient qu'ils peuvent s'en sortir; on ne peut pas non plus croire en la bonne étoile des gens qui sont pris en main par le système. La grande majorité du public à l'extérieur de ce monde a des idées préconçues de l'itinérance et du logement abordable, et je l'entends sans cesse, car nous menons des études de marché à ce sujet. « Avec tout le respect que je vous dois, monsieur Metlege, je ne vais pas vous payer 1 200 $ ou 1 000 $ par mois de loyer alors qu'une personne sans abri vit dans le logement voisin. » C'est dur. C'est peut-être cruel, mais c'est la réalité, et vous avez beau leur expliquer que la personne est aux prises avec un handicap, l'itinérance, un problème de santé ou autre chose, c'est que les gens n'écoutent pas. Le secteur privé marche sur des œufs, car nous sommes obligés de jongler pour nous adapter aux deux segments du marché. Cette situation m'a amené à faire un remue-méninges pour trouver une solution au problème.

Je suis allé au Nouveau-Brunswick il y a quelques années, et il y a là un programme de logement pour aînés financé par le gouvernement fédéral qui permet la construction et l'exploitation par le secteur privé d'établissements qui offrent des soins de longue durée. Cela fonctionne bien. Du point de vue du secteur privé, c'est rentable, car on demande au secteur privé d'élaborer un plan d'affaires et de prévoir les coûts liés à la construction et aux activités de cet établissement. Par la suite, l'entrepreneur construit l'établissement et l'exploite : il embauche les infirmières, les docteurs, les employés et les conseillers dont il a besoin pour servir des gens du troisième âge. Je crois qu'un système semblable pourrait fonctionner avec les itinérants. Dans ce système, le secteur privé peut aller au gouvernement et dire : « Nous pouvons mettre sur pied des établissements convenables dirigés par un personnel de soutien adéquat. Le personnel en question peut être composé d'intervenants évoluant dans le domaine de la toxicomanie ou de l'alcoolisme ou celui de l'aide aux personnes handicapées ou tout autre segment de la population que vous voulez aider au moyen de cet établissement, et voici ce que ça va coûter. » Une fois que les coûts sont communiqués, le financement est directement versé du gouvernement au secteur privé; ensuite, évidemment, il faut prévoir des activités de vérification adéquates. Le secteur privé offre ensuite ses services aux personnes dans le besoin.

J'ai tendance à croire que le secteur privé peut gérer beaucoup mieux que le secteur public, alors le gouvernement économisera une somme d'argent importante. En outre, si nous tenons vraiment à procurer les logements et les mesures de soutien dont les gens ont besoin, plutôt que de simplement verser des prestations d'aide sociale, ces établissements permettront de l'accomplir. Ils offriront un logement, un refuge. Les gens obtiendront par ce moyen des services de counselling adéquats ou des services d'aide. Les personnes qui utilisent ces services auront alors la possibilité de consacrer leurs énergies à faire ce qu'ils ont à faire pour se remettre sur pied. C'est le point de vue du secteur privé, et je suis prêt à entendre des commentaires.

Mme Suokonautio : J'ai deux questions. L'une concerne la description de la situation à Halifax, et l'autre constitue en quelque sorte un conseil, et je vais également répondre un peu à ce qui vient d'être dit. Je suis complètement d'accord avec Claudia. À Halifax, je peux seulement parler des Phoenix Youth Programs, où nous travaillons avec des personnes âgées de 16 à 24 ans. Nous avons cinq établissements résidentiels. L'un d'eux est un refuge d'urgence, donc il est composé de 20 lits; en fait, nous avons des Chambres individuelles, ce qui est bien. Ce n'est pas un dortoir. La maison Phoenix, notre tout premier programme du genre, offre dix Chambres individuelles, cinq pour femmes et cinq pour hommes, et nous avons aussi trois maisons, où trois jeunes vivent en permanence avec un membre du personnel de soutien. Dans le cadre de ce programme, le volet logement de l'aide sociale est donné à la maison Phoenix selon un tarif journalier, mais la tranche destinée aux besoins personnels est versée aux jeunes. L'idée, c'est que le jeune devient responsable de la préparation des aliments, de l'établissement de son budget et de choses comme ça. Ce sont des logements de transition. On passe par les différentes étapes pour finir par avoir une certaine expérience de la vie autonome. C'est un peu ça qu'offrent nos services.

Je crois que, pour notre refuge, nous avons nous-mêmes recueilli certaines données dans. Environ 69 p. 100 de nos clients viennent de la municipalité régionale de Halifax. La vaste majorité vient des Maritimes et de la Nouvelle-Écosse, et environ 10 p. 100 sont ce que nous appelons des jeunes nomades qui traversent le Canada ou des étrangers qui nous arrivent des États-Unis, par exemple, du Maine. Cela décrit en quelque sorte les gens que nous voyons.

La migration des régions rurales de la Nouvelle-Écosse à la ville est un phénomène courant. Nous sommes tous au fait de la situation. Entre 2001 et 2006, la population de Halifax a augmenté de 3,6 p. 100. Halifax est la région métropolitaine de recensement canadienne où la concentration d'habitants de 16 à 24 ans est la plus forte. Bien sûr, les chiffres sont biaisés par nos nombreuses universités, mais c'est aussi en raison de la migration des jeunes, surtout des régions rurales, à Halifax.

Aux Phoenix Youth Programs, nous sommes très chanceux, car les entreprises nous offrent un très bon soutien communautaire, ce sont de très bons partenaires communautaires. Un de nos partenaires importants est la St. Paul Home Society : grâce à cet organisme, nous avons accès à des maisons dont le loyer est gratuit.

Je crois que l'argument de Claudia est valide. Nous n'aurions pas les ressources pour tenir une campagne de financement et construire quelque chose. Nous dépendons de ces relations pour offrir des logements. Deux de nos projets de foyers ont pu se concrétiser grâce à la Société canadienne d'hypothèques et de logement. En 14 ans environ, dans un seul de nos programmes, soit notre centre de consultation sans rendez-vous, nous avons vu environ 3 000 jeunes. Ce sont des jeunes qui ne profitent pas nécessairement des programmes résidentiels. Ce sont des jeunes qui cherchent de l'aide. Nous avons des gestionnaires de cas en place. De fait, vous pourriez considérer cela comme une façon de mesurer l'itinérance invisible, mais encore une fois, il ne s'agit que des jeunes qui se prévalent de nos services, et cela ne prend pas en compte tous les jeunes qui ne passent jamais par nos portes. Mais 3 000 jeunes sur une période de 14 ans, c'est un nombre assez imposant.

Je voudrais vous faire voir certains des problèmes auxquels nous faisons face. Ce qu'il y a de merveilleux, c'est que la Nouvelle-Écosse a une justice réparatrice. Nous ne nous en vantons pas suffisamment. C'est une chose tout à fait remarquable. Il y a un jeune qui a eu droit à cette mesure et qui s'est trouvé à être condamné avec sursis, ce qui veut dire qu'il devait respecter un couvre-feu et habiter dans un de nos refuges. Pour plusieurs raisons, il ne pouvait plus rester au refuge, mais, à un moment donné, il n'avait pas d'autre option que de se rendre. Plutôt que de manquer aux conditions de la peine avec sursis qui lui avait été imposée, il est allé voir la police et a dit : « Je ne peux plus habiter au refuge; je ne peux donc plus respecter mon couvre-feu, ce qui veut dire que je ne peux respecter la peine qui m'est imposée. » Nous voyons là le lien direct entre la situation où le jeune quitte un refuge et l'autre où, comme le dit Claudia, le jeune déclare : « Si je me retrouve en prison, au moins je serais au chaud et j'aurai de quoi manger. » Je veux dire que cela est monnaie courante.

Des jeunes ayant des problèmes de santé mentale ont aussi fait remarquer que les prisons leur offrent, à eux qui ont eu à se débrouiller dans le monde extérieur, une sorte de stabilité dont ils ont besoin et qu'ils ne peuvent trouver ailleurs. Il ne faut surtout pas conclure que c'est le cas de tous les jeunes. Ni que ce soit même forcément la majorité qui vivrait cela, mais c'est une situation qui survient et qui, en elle-même, présente un problème.

Je suis tout à fait en désaccord avec ce qui a été dit et, c'est là ma chance, il n'y a pas de cette sorte de zonage... on ne peut découper la carte pour que des gens soient exclus de certaines régions. Cela me semble être une mesure vraiment importante de la part de l'administration municipale. Que vous aimiez vos voisins ou non importe peu : vous ne pouvez pratiquer une telle discrimination. Je veux dire que cela joue sur la composition du quartier et que vous pouvez faire toutes sortes de choses, mais je suis convaincu qu'il faut absolument des quartiers qui regroupent des gens aux revenus variables. On n'a qu'à constater le fruit des travaux de Jane Jacobs et de plusieurs autres urbanistes pour constater que la ghettoïsation ne représente nullement une solution. Il faut davantage de logements avec services de soutien et de quartiers regroupant des gens aux revenus variables et, évidemment, nous avons des règlements municipaux qui empêchent d'employer le zonage pour exclure les gens, si bien que la question est réglée.

Le président : Joe, répondez donc en 30 secondes.

M. Metlege : Je donnerai une précision en 30 secondes. Je ne parle pas de ghettoïsation. Les installations que je propose s'imposeraient toujours quel que soit le zonage établi. Il pourrait donc s'agir du South End de Halifax. Il pourrait s'agir aussi du North End de Halifax, de Fairview, peu importe. Je vous parle des gens qui se trouvent dans un même bâtiment; ce n'est pas une question de zonage. C'est une réalité inhérente aux humains : certaines personnes ne veulent pas cohabiter avec d'autres personnes. Le facteur ne tient pas à de la discrimination. Le facteur tient aux lois du marché. Si vous désignez 10 p. 100 ou 20 p. 100 de votre bâtiment comme étant réservé à des logements abordables, les 20 p. 100 en question vont coûter au propriétaire les 80p. 100 qui ne sont pas abordables. Si vous voulez que les entreprises du secteur privé collaborent à cet exercice, vous devez en faire une chose qui est attrayante et intéressante pour les deux parties. Vous pouvez donc aménager ces installations-là dans le même quartier du South End, là où les maisons se vendent à 500 000 $. Le hic, c'est que l'installation elle-même regrouperait des gens semblables du point de vue des services.

M. Robicheau : Joe, vous avez tort et je suis désolé. Si vous voulez que je le dise en termes clairs et simples, voici : nous parlons de la désinstitutionalisation des personnes éprouvant des difficultés intellectuelles. Il faudrait que je me fasse une bannière qui dit : les gens d'abord. Ils sont plus de un million au Canada. Ici, en Nouvelle-Écosse, 900 personnes ont été placées en établissement parce qu'elles n'avaient pas accès à un logement avec services de soutien, autrement dit à une surveillance légère, par exemple lorsqu'il est le temps de prendre une pilule le matin et de s'en aller à l'atelier protégé. Ils sont différents; ils peuvent avoir la paralysie cérébrale, par exemple. Nous parlons d'une population vieillissante, en Nouvelle-Écosse où la mère et le père ont 80 ans. L'enfant handicapé mental a maintenant 50 ans et il se retrouve sans abri avec le placement en établissement, par exemple dans ce qui se trouve à Sackville, où on va dépenser 19 millions de dollars pour la chose. Un tort qui est fait, c'est qu'ils sont placés en établissement. Je vous prie de signaler au comité que nous, les personnes handicapées, allons emménager dans les appartements à 1 200 $ par mois, dont il est question, et que la question va se retrouver devant les tribunaux le jour où un propriétaire refusera de donner à quelqu'un un bail en raison de ses problèmes mentaux.

M. Metlege : Non, vous affirmez une chose qui est fausse.

M. Robicheau : Vous présumez que la société ne pas va tolérer le marché. Le marché évolue comme le fait la société.

M. Metlege : Laissez-moi m'expliquer.

Le président : Nous lancer dans un débat là-dessus n'est pas notre but.

M. Robicheau : Ce que je veux dire, c'est que les personnes handicapées vont s'inclure elles-mêmes dans la société et que nous devrions les aider à vivre dans la société de manière générale, quel que soit l'appartement, et ça n'a pas à être un établissement comme c'était le cas dans le passé.

M. Metlege : Ça existe, tout de même.

M. Robicheau : Ça existe; je suis d'accord.

Mme Clow : Je voudrais dire quelque chose rapidement à propos de la situation des itinérants dans le cas particulier de la municipalité régionale de Halifax. En ce moment, nous disposons de refuges d'urgence pour les hommes et nous disposons de refuges d'urgence pour les jeunes, mais nous n'avons pas de refuges d'urgence pour les femmes. Si une femme vient revendiquer le statut de réfugié à Halifax, le mieux que nous puissions faire, jusqu'à maintenant, c'est de convaincre les responsables des maisons de transition, de sorte que les refuges pour femmes victimes de violence de la part d'un être cher ouvrent leurs portes à la femme réfugiée à court terme. À moins d'être victime de violence conjugale, la femme qui a besoin de refuge d'urgence ne peut y accéder. Dans l'état actuel des choses, il faut croire qu'il faudrait mettre les femmes avec les hommes. Eh bien, cette idée-là n'est pas si extraordinaire, mais voilà que les femmes se retrouvent souvent sans abri avec leurs enfants; nous n'avons donc rien prévu pour cela, même pas des mesures provisoires.

M. Wrye : Je suis membre du comité d'urbanisme de Wolfville depuis 14 ans. Si je veux ameuter une foule, je n'ai qu'à essayer de placer un foyer de groupe dans un secteur résidentiel ou de créer un secteur où il y aura des logements abordables, et voilà que les gens arriveront en masse. Je suis d'accord avec Joe. C'est peut-être juste. Ce n'est peut-être pas juste, mais c'est là la réalité. Et, certes, nous ne voulons pas exclure les gens de certaines zones, mais les gens se manifestent, et ils ne comprennent pas. Le logement abordable, c'est très bien. La difficulté entourant le vieux Programme d'aide pour l'accession à la propriété, le PAAP, c'est qu'on pouvait détecter le bâtiment à un kilomètre; vous en arriviez donc à créer des ghettos, que cela vous plaise ou non. Pour que ce soit abordable, il fallait installer le bâtiment sur un plus petit terrain, il fallait une plus petite maison, tous les bâtiments étaient standard, on les voyait tous et on pouvait se dire : « Ce sont des logements abordables, ce sont des logements abordables. »

Comme j'ai apprécié la question posée par le sénateur Segal, je vais y répondre : est-ce que je préférais que des logements abordables plus nombreux soient construits ou encore que les gens aient le revenu nécessaire pour se loger eux-mêmes? Je préférerais qu'ils aient le revenu nécessaire pour se loger eux-mêmes. De cette façon-là, ils ne sont pas stigmatisés du fait que les uns aient un logement abordable, alors que les autres n'en ont pas. Chacun se trouve dans un logement qu'il a les moyens de se payer.

Le président : Il ne nous reste plus de temps, étant donné que nous avons écouté certains membres de la collectivité qui attendaient de pouvoir nous adresser la parole. Je sais que nous pourrions continuer pendant une heure encore.

Je tiens à remercier chacun d'entre vous d'être venus aujourd'hui et je tiens à vous remercier aussi du bon travail que vous accomplissez par le truchement de divers organismes, de la contribution que vous apportez à l'œuvre de la collectivité à divers égards. Vous avez apporté une contribution tout à fait utile à nos travaux et j'espère que, au bout du compte, la contribution que vous aurez faite aura une incidence sur le contenu du rapport, du rapport final que nous allons finir par produire.

Nous en sommes maintenant à l'étape de notre programme où nous allons écouter les gens qui se présentent, dont certains sont là depuis le début de la journée. La dame qui se trouve ici nous écoute depuis le début de la journée et, maintenant, voici l'occasion pour elle de prendre la parole. Nous allons demander à chacun de parler pendant cinq minutes. Nous allons écouter d'abord Anne Marie Elderkin, qui se présente comme étant une personne socialement autonome.

Anne Marie Elderkin, personne socialement autonome, à titre personnel : Salaam Aleikum; que la paix soit avec vous.

Je m'appelle Anne Marie Elderkin et, au cours des 46 dernières années, j'ai été aux prises avec une violence émotive, physique et sexuelle aussi bien qu'avec des problèmes de pauvreté et de logement, qui ont fait que je me suis trouvée à éprouver de graves problèmes de santé mentale pendant bon nombre de ces années-là. Mon espoir est que le Canada — et, de fait, tous les pays — aspire à mettre en place d'excellents groupes et services d'éducation, de counselling, de consultations et de soins médicaux au profit de toutes les personnes qui se trouvent ici et ailleurs dans le monde. Il nous faut des groupes où nous pouvons acquérir des habiletés pour construire les relations humaines, la famille, la collectivité, le pays et le monde, par exemple l'art d'être parents, les relations humaines, la maîtrise de la colère et du stress, ainsi que les compétences en matière d'emploi et d'excellentes aptitudes pour la communication et le règlement de différends. Certaines personnes croient que nous vivons les derniers temps, mais, en vérité, je crois que c'est simplement le début de quelque chose de merveilleux. Je vous renvoie à la sourate 99, traduction de Si-Hamza Boubakeur.

Nos collectivités et nos pays doivent en faire davantage dans le domaine de la promotion de la santé et adopter des approches thérapeutiques améliorées tout en faisant davantage la promotion des services offerts. Offrir ces services à prix abordable ou même à titre gracieux encouragera les gens comme moi à s'en prévaloir et à participer davantage aux affaires de la collectivité. De même, cela nous aidera à mieux nous rétablir de la guerre que nous vivons à la maison et en nous-mêmes. « Et quiconque lui fait don de la vie, c'est comme s'il faisait don de la vie à tous les hommes. » Cela est tiré du Coran, sourate 5, traduction de Si-Hamza Boubakeur.

Je tiens à remercier le Canada d'avoir mis en place d'excellents réseaux de soutien communautaire qui nous ont inspiré, à moi et à d'autres, de nous relever et de surmonter une vie faite de violence, d'apathie, de désespoir, et de prendre part à des programmes positifs qui nous ont aidés à trouver notre richesse intérieure, celle des autres et celle du monde. Divers programmes — l'Association canadienne pour la santé mentale, le cercle Connections Clubhouse, la Teamwork Cooperative, Options Work Activity, le centre Mental Health Outpatients, le YMCA, le YWCA, la Parker Street Food and Furniture Bank, l'équipe d'intervention volante (la Mobile Crisis Team) — ont accompli un travail primordial qui m'a permis de me remettre sur pied après avoir lutté pendant 46 ans contre des problèmes de santé mentale. À moi et aux autres, ces programmes et services nous ont fait voir que nous avons de la valeur au sein de la collectivité et de notre pays, et que les responsables des services en question ont besoin d'être mieux financés pour rejoindre les personnes dans le besoin.

Ce serait merveilleux d'avoir des fonds pour les mesures d'aide à l'autonomie comme l'accès à un logement salubre et abordable, l'accès à du matériel d'artiste — et des fonds pour manger davantage santé seraient une bénédiction.

Je mène une vie pauvre avec un revenu annuel de moins de 8 000 $ depuis 15 ans que je touche de l'aide sociale et des prestations du RPC, et cela a été très dur pour ma famille et moi. Je n'ai pas vu mon fils depuis qu'il avait 10 ans : nous habitions à Yellowknife, puis, lorsque je suis devenue vraiment malade, je suis revenue à Halifax pour me rétablir et j'ai dû laisser mes enfants là, puis ils se sont installés en Colombie-Britannique, et je n'ai pas eu les moyens jusqu'à maintenant de me payer un billet d'avion pour aller les voir. Les services sociaux n'accordent pas d'allocations pour les enfants ou les parents déplacés.

Je recommande que les prestations d'assistance sociale ou les prestations d'une personne handicapée seule s'élèvent à au moins 15 000 $ par année, pour que nous puissions vivre d'une manière qui soit digne. De même, nous avons besoin de médicaments d'ordonnance gratuits pour la personne qui est handicapée ou qui a de graves problèmes de santé mentale, pour que nous puissions travailler et avoir les moyens de travailler, en sachant que nos ordonnances et nos dépenses médicales et notre counselling sont couverts, nous qui sommes au seuil de la pauvreté, si nous ne sommes pas en dessous. Le counselling et les traitements devraient tous être gratuits aussi pour la personne qui est handicapée et celle qui a un revenu qui correspond au seuil de la pauvreté.

La question que je poserais au comité et au gouvernement canadien et aux gouvernements de par le monde est la suivante : quand est-ce que les grandes sociétés, les grandes entreprises, les riches vont mieux partager avec nos collectivités les bénéfices qui découlent des richesses de la Terre sacrée que nous habitons? Quand allons nous voir les actionnaires financer la mise en place de davantage de réseaux de soutien communautaire et la préservation de ceux que j'ai mentionnés? Quand est-ce que chacun saura où s'adresser, qu'il soit pauvre ou prospère, à la recherche d'un endroit où nous irions volontiers et où nous recevrions d'excellents soins, où notre voix est entendue et appréciée — si bien que nous pourrions jouer un rôle de premier plan dans notre vie et dans celle de notre famille, de notre pays et de notre monde. En tant que voix de la Terre incarnée, je vous dis qu'il s'agit là d'un merveilleux appel à l'action : que chacun se soucie un peu plus du monde qu'hier. Il nous faut stimuler de toute urgence nos économies et nos environnements spirituels ici et partout ailleurs dans le monde; pour ce faire, c'est le travail collectif qui convient le mieux. Voici une citation qui résume mon exposé : « Nous sommes le Messie, les prophètes, le Bouddha, Brahma, les manifestations de Dieu, un Messie vivant parmi les multitudes, pas un seul parmi nous, mais chacun d'entre nous. Nous sommes les messagers de Dieu et nous assumons tous également la responsabilité de veiller sur autrui et sur le monde. »

Quelqu'un aurait-il une question à poser?

Le président : Non, il ne semble pas y en avoir; je vous dirais donc : merci beaucoup. Nous allons maintenant accueillir le prochain intervenant.

Mme Elderkin : Puis-je ajouter une chose?

Le président : Rapidement.

Mme Elderkin : Je veux simplement dire que, à bien des égards, le gouvernement fait un très bon travail et que c'est vraiment encourageant, mais que dans le domaine du revenu, oui, j'ai bien hâte de pouvoir toucher ces 15 000 $ ou 20 000 $.

Bill Grace, Exit Realty Professionals : Je suis venu vous parler aujourd'hui de la question du logement abordable. J'ai une longue expérience en logement abordable. J'ai commencé par travailler au sein de l'industrie de la préfabrication; nous avons livré des maisons aux quatre coins des provinces maritimes. Nous vendions des maisons moyennant un acompte de 50 $. Nous livrions le matériel aux gens — c'était préfabriqué — et les gens étaient en mesure de monter la maison eux-mêmes. Nous accordions des fonds complémentaires aussi. Aujourd'hui, je suis en train de mettre au point un programme qui pourrait être appliqué dans l'ensemble des Maritimes, mais ce sera surtout en Nouvelle-Écosse. Ce système compte 1 680 agents d'immeuble; nous pouvons les mobiliser tous en faveur de notre initiative.

La grosse affaire à Halifax, comme vous le savez probablement déjà, c'est que les maisons sont hors de prix; je propose donc d'envisager l'aménagement dans des secteurs ruraux, vu qu'il y a probablement 1 500 terrains qui restent invendus et dont le prix commence à 10 000 $; les familles ont donc la possibilité d'acheter. Ce n'est pas tout le monde qui travaille à Halifax. Les gens travaillent dans l'ensemble de la province.

Le programme permet aux gens d'accomplir une bonne part du travail. Nous y avons prévu du crédit pour chaque élément dont les gens veulent se charger eux-mêmes; les gens peuvent aussi prendre en charge une partie des contrats, s'ils le veulent, à condition de ne pas dépenser l'allocation que nous avons prévue pour eux.

Voilà mon objectif aujourd'hui. Le gouvernement provincial ne m'accorde aucun soutien en rapport avec le projet. L'élément le plus important en est le calendrier de remboursement. Toutes les maisons sont prévendues. Les hypothèques sont toutes en place, mais le problème touche les bricoleurs, ce qui fait partie du domaine. Le versement des deux premières tranches ne pose pas une grande difficulté, mais celui de la troisième est celui où vous remettez aux gens le reste du matériel, pour qu'ils achèvent le travail; il s'écoule une longue période avant que l'on reçoive l'argent, puis il y a des trucs difficiles en rapport avec les remboursements de TPS. Par exemple, si le terrain et la maison ne sont pas tous deux inclus dans la même entente, le terrain ne peut être crédité. Le client doit le faire lui-même, et il n'y a que 75 p. 100 qui puissent s'appliquer. Il serait facile de surmonter ce problème : il suffirait de permettre au client de faire cela. C'est la chose la plus importante.

Dans notre province, c'est 5 p. 100 et 8 p. 100. Là où c'est 5 p. 100 de la taxe, on a droit au remboursement de 36 p. 100 de la part fédérale. La part provinciale ne représente actuellement que 1 500 $ et ne s'applique qu'aux acheteurs d'une première maison. Là où c'est 8 p. 100, à mon avis, ça devient abusif. Au départ, on redonnait 18,75 p. 100 des 8 p. 100 en question, mais voilà où nous en sommes. Par exemple, si vous jumelez les éléments, il vous faut acquitter des frais juridiques deux fois pour le terrain. Il vous faut aussi acquitter la taxe sur le transfert du titre de propriété de la maison, alors que ce n'est pas le cas si vous achetez d'abord le terrain pour ensuite y construire la maison. Ce sont toutes là des questions qu'il faut prendre en considération lorsqu'on envisage de construire une maison, et il est question ici de gens qui pourront probablement se payer une maison pour 75 000 $ de moins en région rurale qu'en ville en ce moment. Je parle de la banlieue qui environne la zone urbaine.

C'est essentiellement ce que j'avais à dire.

Le sénateur Segal : Avez-vous déjà demandé à la SCHL si elle était prête à appuyer cela comme elle appuie la construction d'autres maisons?

M. Grace : Oui, je me suis adressé à la SCHL. Dans ce cas, une des difficultés qui se pose, c'est de savoir à qui on a affaire. Par exemple, les banques ont essentiellement renoncé à leurs responsabilités. À un moment donné, on pouvait obtenir d'une banque l'argent supplémentaire voulu, mais, aujourd'hui, tout passe par les courtiers en hypothèque, et vous êtes probablement conscient du fait qu'il n'y a qu'une poignée de banques qui accordent ce que j'appellerais une hypothèque de construction. Les banques ne veulent pas s'engager dans une entente où elles doivent s'occuper des versements de tranches et où elles doivent s'occuper des inspections.

Maintenant, le gouvernement du Canada devrait avoir son mot à dire sur ce qui se fait à cet égard, étant donné que, en ce moment, les maisons sont trop chères et que quelqu'un doit envisager d'agir. Je suis vieux. Il ne me reste plus beaucoup de temps.

Je vous ai laissé une description de notre programme, et nous avons un site Internet. Ce n'est pas complet, mais l'affaire est lancée, pour que ce produit particulier puisse être largement diffusé. Je vous ai laissé des notes tout à l'heure sur l'utilisation des panneaux OSB pour les murs et pour le plancher et pour le plafond. Nous utilisons du bois embouveté. Nous cultivons des liens étroits avec une usine de bois de sciage, qui nous fournira le bois et les matériaux, et qui livrera pour nous les unités.

Le sénateur Segal : Les trousses sont-elles fabriquées au Canada?

M. Grace : Elles sont fabriquées en Nouvelle-Écosse.

Nous allons les fabriquer dans notre propre atelier. J'ai déjà fait cela. Il y a des années, au moment où on a acheté le système de coopératives, on a fait mourir un grand nombre des petits constructeurs, qui ne pouvaient concurrencer les ententes à 8 000 $ en comptant le terrain. Maintenant, nous sommes en mesure d'agir. Nous savons comment rassembler les morceaux. Il nous faudra un peu de temps pour le faire, mais nous avons besoin d'un soutien financier. Les hypothèques sont toutes en place. Ce qu'il nous faut, c'est un fonds pour continuer jusqu'à ce que les fonds hypothécaires soient débloqués. C'est une des grandes difficultés que nous vivons.

Le président : M. Grace nous a remis un livre sur son projet. Vous représentez aussi un organisme du nom d'Exit Realty Professionals, c'est bien cela?

M. Grace : Je suis agent d'immeuble à la maison de courtage de mon frère à Sackville, et nous entendons recourir à tous les agents d'immeubles du réseau, auxquels nous proposons tous le même marché. Nous ne serions probablement pas en mesure de faire cela si je ne travaillais pas avec mon frère.

Ann Duffy, First Voice Community : Je proviens de First Voice Community. Ma famille se compose d'une adulte handicapée qui est seule, c'est-à-dire moi-même, et d'une fille — ma fille qui a maintenant 20 ans et qui est une adulte même si je l'appelle ma fille, et qui est gravement handicapée pour ce qui touche son aptitude mentale. Voilà à quoi ressemble ma famille.

Aujourd'hui, je parle surtout en tant que militante communautaire qui travaille seule dans son quartier, et la première difficulté que je vois en rapport avec le travail de votre comité est la suivante : je me demande où sont les gens de First Voice qui travaillent seuls, car il n'y en a peut-être que cinq ou six ici dans la pièce ou qui ont été ici dans la pièce. Vous avez parlé à beaucoup d'organismes sans but lucratif, et il n'y a rien de mal à cela, mais je ne les vois pas amener avec eux les gens de First Voice auxquels ils ont affaire à tous les jours et dont vous devriez écouter l'histoire. Je me demande comment le comité s'y est pris pour annoncer la tenue de la réunion d'aujourd'hui ou de quelque réunion qu'il a tenue ailleurs au pays d'ailleurs, étant donné que ces gens-là ne sont pas présents. Les gens de First Voice ne sont pas représentés ici, et je sais que vous avez demandé à d'autres organismes sans but lucratif de venir raconter leur histoire, mais je ne vois pas ces gens-là en train de raconter leur histoire ici.

Le deuxième point que je voulais souligner porte sur la question de la défense des intérêts, ce qui est le domaine de Claudia Jahn. Au cours des années 80 et 90, le gouvernement provincial et parfois l'administration municipale appuyaient ce que Claudia Jahn appelle des mesures de soutien, surtout la défense d'intérêts, étant donné que les gens ont bel et bien besoin d'aide. Là où je vis, dans le North End de Halifax, il y a 30 p. 100 des gens qui sont illettrés et je dis qu'il y a 20 p. 100 encore d'entre eux qui sont analphabètes, c'est-à-dire qu'ils ont bel et bien obtenu un diplôme d'études secondaires — ces gens-là savent lire, mais ils ne comprennent pas ce qu'ils sont en train de lire.

Le système progressif dans les écoles a miné une bonne part de ce que les enseignants ont la responsabilité de transmettre. Il y a des gens qui terminent leur douzième année avec d'assez bonnes notes, mais qui, en vérité, ne comprennent pas ce qu'ils sont en train de lire; je dois donc dire que mon quartier est composé de 50 p. 100 d'illettrés.

Il y a très peu de militants communautaires dans mon quartier, exception faite des bénévoles. Depuis les années 1990, le gouvernement ne veut pas financer un tel travail. Il faut appeler cela autre chose ou recourir à une autre partie de votre financement, comme l'a dit Claudia Jahn, pour maximiser l'exercice, et voilà ce qui se passe réellement au sein de la collectivité.

L'autre question est celle du logement, et M. Joe... En tant que groupe de défense d'intérêts, nous avons essayé de convaincre la municipalité d'établir que le logement abordable représenterait un certain pourcentage des nouvelles constructions. Notre collectivité ici à Halifax ne semble tout simplement pas être prête à envisager cela. Ça n'était pas là dessein. Cela leur a été apporté. Ça ne se trouve pas dans le rapport; si vous le lisez donc, vous ne verrez pas cela.

J'ai repéré quelques bons éléments dans votre rapport. J'ai lu le rapport de 85 pages. Je ne me souviens plus du nunéro de l'option, mais c'était quelque part entre l'option 84 et l'option 90. Vous parlez d'une personne qui assurait la liaison au sein de comités tripartites, où il y aurait des représentants du gouvernement fédéral ainsi que des provinces et des municipalités, ou peut-être seulement des gens qui auraient leur mot à dire, et la personne pourrait alors signaler les recommandations formulées à Ottawa. J'ai cru que c'était quelque chose de bon.

À mon avis, la stratégie nationale de réduction de la pauvreté, évoquée à l'option 102, peut être mise en place. Cependant, le comité doit se pencher sur toutes les autres stratégies de réduction de la pauvreté; celle de Terre-Neuve semble bien fonctionner. Une autre vient d'être produite pour notre gouvernement en Nouvelle-Écosse. Bon, va-t-il vraiment l'envisager ou encore la mettre sur la tablette? Nous ne le savons pas très bien encore. Ça vient d'être produit en juin. Ça s'appelle la Poverty Reduction Strategy for Nova Scotia, mais qu'est-ce que notre gouvernement va vraiment faire? Je ne suis pas certaine. C'est quelque peu incertain, mais il serait bien d'avoir une stratégie nationale fondée sur ce qui fonctionne dans les autres provinces.

C'est tout ce que j'ai à dire aujourd'hui. J'aurai peut-être autre chose à dire demain.

Le sénateur Cordy : Merci beaucoup. Nous allons nous retrouver au North End Community Health Center demain.

Au moment où nous étions à Terre-Neuve, nous avons rencontré des organismes sans but lucratif, mais nous nous sommes également rendus au Stella Burry Center, où nous avons entendu bien d'autres gens.

Mme Duffy : Qui racontaient les vraies affaires.

Le sénateur Cordy : Les vraies affaires.

Le président : Les vraies affaires, oui.

Le sénateur Cordy : Et savez-vous quoi? Ça nous est utile. Ça nous est utile d'entendre les gens raconter des affaires vraies, et vous avez tout à fait raison, mais nous devons entendre tout le monde.

Mme Duffy : Dans mon cas à moi, le système fonctionne, étant donné que j'ai eu affaire à des travailleurs qui ont ressenti de l'empathie et de la sympathie par rapport à ce que je vis. Si vous avez affaire à des travailleurs positifs, le système fonctionne.

Le sénateur Cordy : Certainement, oui.

Mme Duffy : C'est pourquoi je ne critique pas trop le système. Il a des lacunes, mais dans mon cas, le fait d'avoir affaire à de bons travailleurs et à des travailleurs empathiques facilite les choses.

Le sénateur Cordy : Il y a de bonnes choses qui se produisent. Il arrive que nous ne parlions pas des bonnes choses, mais vous avez tout à fait raison.

Mme Duffy : Oui, c'est cela.

Le sénateur Cordy : Je m'interrogeais simplement sur le régime provincial. Je suis originaire de la Nouvelle-Écosse; j'ai donc espoir moi aussi que ça va fonctionner et que ça ne soit pas simplement un rapport qu'il est bon de lire, mais qui ne sert à rien. Au moins, il sert à mettre la pauvreté au cœur du débat et à reconnaître qu'il y a de la pauvreté en Nouvelle-Écosse. Je me demandais simplement jusqu'à quel point les groupes communautaires, comme le groupe sans but lucratif dont vous faites partie, auront leur mot à dire.

Mme Duffy : Au comité, il y a des groupes communautaires, des gens d'affaires, des gens du gouvernement; il y avait là toutes sortes de gens.

Le sénateur Cordy : Il est bon d'entendre cela.

Mme Duffy : Ils ont pris bien des mois à mettre cela sur pied.

Le sénateur Cordy : Il est bon d'entendre cela.

Mme Duffy : Mais la province envisagera-t-elle vraiment ce qui lui est demandé? Je ne le sais pas. Je veux dire que ça vient tout juste d'être produit en juin; vous pourriez donc demander d'obtenir le rapport. À ce moment-là, les gens vous le remettraient peut-être, de sorte que nous le ferions tout au moins avancer de cette façon-là.

Le président : Quand vous dites qu'il n'y avait pas suffisamment de gens qui étaient au courant de la réunion pour venir y assister, je comprends ce que vous dites. Je suis content que vous l'ayez su et que d'autres qui ont pris la parole l'aient su aussi. Nous avons essayé de faire en sorte que des organismes communautaires locaux annoncent la tenue de la réunion aux gens.

Mme Duffy : C'est bien.

Le président : Nous essayons d'aller voir des organismes communautaires comme celui chez qui nous allons demain, et nous avons des petites discussions avec les gens. À l'avenir, je crois que nous allons essayer un peu plus de faire participer les gens davantage. Nous avons parlé plus tôt de l'idée d'annoncer ou non la chose dans le journal. Non, nous n'avons pas de budget pour cela, mais savez-vous quoi? Même si c'était le cas, l'annonce serait si petite que je ne suis pas sûr que les bonnes personnes, celles que nous voulons voir, la verraient. Nous allons simplement mettre un peu plus d'énergie à travailler auprès des organismes communautaires et à inviter les gens à venir raconter leur histoire, car c'est un élément précieux de l'exercice. Merci beaucoup. J'apprécie cela.

David Mooney, Nova Scotia Community Based Transportation Association : Monsieur le président, mesdames et messieurs les sénateurs, merci de me permettre de prendre la parole. Je n'arrive pas de la rue; je fais partie des organismes qui nous ont dit que la réunion aurait lieu aujourd'hui. Je proviens de Yarmouth. Je suis président de la Nova Scotia Community Based Transportation Association ou NSCBTA. Je vais présenter un exposé très bref, ce dont vous allez probablement être reconnaissants.

Au milieu des années 1990, au moment où le gouvernement provincial a modifié certaines administrations municipales et pris en charge certains des services qui étaient offerts auparavant au niveau municipal, plusieurs mesures ont été mises en application, notamment l'accord sur les transports. J'appartiens à huit organismes en Nouvelle- Écosse; cinq sont provinciaux, trois sont rattachés à Yarmouth. Pratiquement chacun d'entre eux situe les transports parmi les trois premiers dossiers qu'il défend. Le transport n'est pas qu'un besoin; c'est peut-être même un droit. Pour que nos gens puissent se rendre aux universités et aux collèges communautaires que Joe veut que nous fréquentions, pour devenir des citoyens viables au sein de notre collectivité, il faut pouvoir se transporter là. Il existe une réglementation provinciale et municipale qui permet à de grandes sociétés de venir chez nous et d'ériger leurs bâtiments sur des terrains qui sont situés loin de nos collectivités; c'est le cas des centres d'appels. Les gens qui sont sans travail et qui pourraient travailler dans ces centres-là et qui vivent peut-être sous le seuil de la pauvreté ne peuvent même pas se rendre dans les centres parce que nous n'avons pas de moyens de transport.

Au milieu des années 1990, comme j'ai commencé à le dire, du fait de certains des accords de transfert qui ont été conclus, il a été établi que les municipalités pouvaient mettre en place les moyens de transport sans que ce soit toutefois une obligation de leur part. Tous les autres accords conclus comportaient une obligation; nos administrations municipales n'ont donc pas cru qu'il leur revenait nécessairement à elles de créer les moyens de transport dans ces secteurs-là. En Nouvelle-Écosse, l'infrastructure du transport en commun est très mince. La municipalité régionale de Halifax et la municipalité du Cap-Breton sont très chanceuses en ce sens qu'elles ont de grands réseaux de transport en commun qui peuvent également transporter des personnes en fauteuil roulant ou qui ont de la difficulté à se déplacer, mais il y a aussi notre population de personnes âgées qui croît très rapidement, et ces gens-là ont besoin de transport. Il est maintenant si coûteux de posséder sa propre voiture avec l'assurance et maintenant le prix de l'essence qu'un très, très grand nombre de Néo-Écossais ne disposent pas d'un moyen de transport pour se rendre à ces emplois-là. Il existe une poignée de localités comme Yarmouth, où le réseau de transport est très limité. La région de Kentville-Annapolis dispose d'un réseau plus grand qui bénéficie de très peu de fonds provinciaux et fédéraux. Il y a en Nouvelle-Écosse neuf services de location de véhicules à la demande qui peuvent assurer le transport de personnes qui n'ont pas accès à des moyens de transport ou qui sont pauvres ou qui ont un handicap, si bien qu'ils ne peuvent pas conduire.

Comme Claredon l'a mentionné aujourd'hui, nous devons trouver des entités qui peuvent s'attacher à régler certaines de ces questions, mais personne ne veut vraiment prendre le problème à bras-le-corps et dire : savez-vous, nous allons nous en occuper.

Les transferts fédéraux pour l'essence, les paiements pour l'essence, les transferts vont être très utiles, j'en suis sûr, mais il semble que le terme « infrastructure » dans nos petites régions rurales et à Halifax, notre grande région urbaine, désigne le réseau d'aqueduc et le traitement des eaux d'égout. Oui, il nous faut cela et il faut mettre ces installations à niveau, ce qui sera utile à notre réseau de la santé, du fait qu'il y aura un meilleur approvisionnement en eau potable et un meilleur traitement des eaux d'égout, mais ce qu'il nous faut vraiment, c'est de pouvoir transporter nos gens pour qu'ils puissent aller travailler et avoir un travail rémunéré.

En parlant de rémunération, nous avons parlé un peu, très peu en fait, de l'assurance-emploi. J'essaie vraiment de déterminer le lien avec le logement et la pauvreté. Si une personne touche le salaire minimum et qu'elle est assez chanceuse pour travailler 40 heures par semaine, et cela, toute l'année durant, elle pourrait faire environ 15 000 $ par année, chiffre qui a circulé quelquefois aujourd'hui. Vous connaissez l'assurance-emploi? Les prestataires ne peuvent toucher que 58 p. 100 de la somme d'argent en question, ce qui leur donne un revenu de moins de 10 000 $. C'est certainement de la pauvreté cela.

Si nous pouvions faire quelque chose du côté de l'impôt, pour que les gens ayant un revenu minimum n'aient pas à payer de taxes ou d'impôts ou que ce soit déduit de leur paie, je crois que ça aiderait certainement la situation.

Très brièvement, à propos de la question du logement, je suis également membre d'une association ayant pour nom Yarmouth Association of Residential Community Options; nous avons des maisons à Yarmouth et à Halifax, où nous abritons plus de 70 clients. Tous ces clients bénéficient des fonds des Community Services, fonds provinciaux, et c'est un des transferts d'argent qui se sont faits au milieu des années 90, au moment où le transport a certainement été laissé de côté. Les maisons en question sont des « small option homes ». Selon la loi, nous ne pouvons abriter que trois ou quatre clients dans chacune d'entre elles. Nous avons 170 employés qui s'occupent de ces clients-là. Ces clients-là ont un emploi. Ce sont des entrepreneurs. La plupart d'entre eux ont un handicap mental et intellectuel, et ont donc besoin de l'aide directe d'un préposé. Ils ont l'occasion de sortir et d'aller travailler vraiment, pas nécessairement dans un atelier, mais ils peuvent livrer du café. Ils travaillent dans une petite boulangerie mise sur pied par YARCO, et ces gens- là, même si nous utilisons des fonds provinciaux, ils ont leur maison et vivent de manière équitable au sein de notre collectivité et, vraiment, vous pouvez voir les signes d'appréciation et le sourire qu'ils ont sur le visage et aussi le travail qu'ils peuvent faire au sein de la collectivité; c'est donc très bien reçu.

Si nous pouvions trouver des maisons, que ce soit avec l'aide du gouvernement provincial ou fédéral, je crois que ce serait vraiment la meilleure idée à suivre. Nous devrions essayer de nous assurer que tout le monde au Canada est en mesure de vivre dans sa propre maison et qu'il est en mesure de se rendre au travail.

Le sénateur a posé la question tout à l'heure, et je crois que la question du logement vient peut-être en premier, avant celle de la pauvreté. Si nous pouvions tous vivre dans notre propre maison avec notre famille, je crois que ce serait une meilleure façon de continuer de vivre et peut-être de nous aventurer dans le monde et de travailler.

Le président : Merci beaucoup de votre contribution.

M. Mooney : Y a-t-il des questions?

Le président : Merci de votre contribution au sujet des transports en particulier; nous n'avons pas entendu beaucoup parler de cette question, mais vous avez certainement signalé que c'est un enjeu pour les personnes à faible revenu.

Le sénateur Segal : Le sénateur Eggleton a cité le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts et son étude sur la pauvreté en milieu rural. J'ai siégé à ce comité-là, où nous avons découvert que le transport représente un des facteurs d'isolement les plus graves qui soient chez les personnes qui vivent en milieu rural au Canada. Dans certains cas, et je peux parler de ma province à moi, on peut prendre un taxi de Barrie pour se rendre dans un comté rural, mais, en fait, on ne peut prendre le taxi du comté rural jusqu'à Barrie pour se rendre à un rendez-vous médical, à cause des problèmes de permis qui existent souvent dans ces situations-là.

D'après votre expérience personnelle et le travail que vous avez fait, qu'est-ce qui vous apparaît comme étant la meilleure solution? Est-ce que ce serait un transport subventionné? Est-ce que ce serait le versement d'une allocation au transport? Qu'est-ce qui serait le plus efficace selon vous?

Parlons d'un groupe de gens qui obtiennent un emploi dans un de ces centres d'appels où ils touchent peut-être un peu plus que le salaire minimum et peut-être quelques avantages sociaux; il faut se demander : est-ce que cela vaut la peine pour eux de se rendre dans ce centre? Qu'est-ce qui vous apparaît la solution la plus simple, pour que ces gens-là puissent se rendre sur place physiquement?

M. Mooney : Voilà le sujet de nombres de nos conversations. Je crois que la meilleure façon de faire en sorte que les gens puissent se rendre au travail et d'englober les facteurs dont nous avons discuté aujourd'hui, c'est la voie des subventions; c'est vraiment ce qui permet à ces services de transport de fonctionner. Je crois qu'il n'y a pas un seul réseau de transport en commun dans le monde qui réalise des profits. Je crois que c'est toujours une perte et que c'est toujours subventionné.

En Nouvelle-Écosse, nous sommes très chanceux d'avoir le réseau Dial-A-Ride de location de véhicules à la demande. Service Nova Scotia et Municipal Relations fournissent les fonds à raison de 1,60 $ par habitant dans le cas des petites régions rurales. Très peu de nos régions rurales comptent un réseau de transport en commun en Nouvelle- Écosse; la plupart disposent de ce que nous appelons le service de taxis. Si nous pouvions travailler de concert et faire en sorte que les gens puissent passer d'un réseau à l'autre, les gens pourraient alors aller pratiquement n'importe où, mais notre mot d'ordre à la NSCBTA est le suivant : agir pour que tous les Néo-Écossais puissent se rendre là où ils veulent bien aller.

À Yarmouth, nous n'avons pas les réseaux qui me permettraient de prendre mon fauteuil roulant, d'aller à Halifax, de venir assister à une réunion comme celle qui a lieu en ce moment, puis de m'en retourner chez moi. Pour venir ici, il faut relier quelques fragments et, de fait, nous ne pouvons même pas faire cela. Certains réseaux publics de transport par autobus peuvent accueillir les gens en fauteuil roulant, mais pas tous. Halifax compte probablement le meilleur réseau qui soit dans la région de l'Atlantique; le transport en commun peut accueillir de plus en plus de gens en fauteuil roulant.

Nous avons un réseau de transport adapté, l'Access-A-Bus, dont il faut être membre. Les services de taxi sont très, très rares. Si je pouvais quitter mon domicile, qui est situé à 15 milles de Yarmouth, en utilisant le service Dial-A-Ride — que je peux appeler et qui est subventionné — pour aller en ville, si mon bus pouvait vraiment me permettre de circuler en ville, à ce moment-là, je pourrais revenir à la maison avec Dial-A-Ride; ça fonctionnerait. Les services locaux de Dial-A-Ride ont fini par dépendre beaucoup des dons des gens, et il n'y a pas de raison pour qu'un service de transport doive vendre des hot-dogs ou organiser quelque activité pour ramasser des fonds.

La subvention est certainement une très bonne façon de financer le transport, mais le problème avec la subvention, c'est qu'il y a des localités en Nouvelle-Écosse et partout ailleurs au pays qui sont en fait de très grandes collectivités. Elles reçoivent la majeure partie de la subvention qui est accordée pour ce mode de transport accessible. C'est un chiffre qui n'est pas très élevé.

En Nouvelle-Écosse, il ne dépasse pas 500 000 $ pour un million de personnes. Le gouvernement fédéral — merci beaucoup — a versé des fonds pour le transport écologique, qui est en train d'être mis en place depuis peut-être 18 mois, et il y a une partie de cet argent-là qui provient des taxes fédérales sur l'essence. Ces initiatives-là permettent aux petits organismes d'obtenir du capital, et le terme « capital » est probablement celui que vous cherchez. C'est ce qu'il nous faut vraiment. Ces petits organismes peuvent fonctionner grâce à la subvention, mais ils ne peuvent exister très longtemps, étant donné qu'il n'y a pas d'argent au départ pour pouvoir économiser de l'argent par la suite. C'est ce qu'il nous faut vraiment.

Si, en Nouvelle-Écosse, les organismes savaient même que nous allions obtenir ne serait-ce que 10 000 ou 15 000 $ tous les ans, après quatre ans, nous pourrions acheter un véhicule neuf. Une petite fourgonnette accessible se vend 30 000 $ à 35 000 $ en Nouvelle-Écosse, ce que n'importe qui peut se payer. Il faut ajouter encore 20 000 $ à 25 000 $ pour faire les aménagements nécessaires à l'accueil d'un fauteuil roulant.

Notre population de personnes âgées croît très rapidement, particulièrement en Nouvelle-Écosse, et étant donné les questions entourant les taxis et le transport en commun, un grand nombre des services Dial-A-Ride n'ont même pas le droit de solliciter les personnes âgées qui n'ont pas de handicap. Aujourd'hui, nous ne faisons pas d'annonce qui inviterait nos personnes âgées à venir utiliser nos véhicules. Cela nous rapporterait plus d'argent, c'est sûr, mais nous ne pouvons le faire parce que c'est interdit.

Le sénateur Munson : Je voulais ajouter quelque chose à vos propos, étant donné que le transport, de mon point de vue à moi, est un droit de la personne, comme nous en avons parlé tout à l'heure. Il est question en partie du droit de se rendre au travail. Il se pourrait que, moyennant des allocations, une autre industrie soit créée. J'ai parlé des personnes ayant une déficience intellectuelle et des athlètes paralympiques, par exemple, pour parler du domaine où j'œuvre partout au pays. Par contre, en Nouvelle-Écosse, par exemple, il y a 1 200 athlètes paralympiques. Au Nouveau- Brunswick, il y en a 900, mais, en vérité, il y a probablement 9 000 athlètes paralympiques en Nouvelle-Écosse et un nombre nettement plus grand au Nouveau-Brunswick, mais ils ne peuvent quitter leur domicile eux non plus. Voilà un élément qui est très important dans la collectivité en question. Cela nous ramène à la question du transport. Les familles veulent que leurs jeunes puissent assister à des événements, obtenir une formation et ainsi de suite; je crois que vous avez entendu parler de transport aujourd'hui déjà et je crois que vous nous en avez parlé d'une façon très personnelle et que cela montre que notre comité peut recommander une mesure qui serait importante du point de vue de toutes les personnes, pas simplement celles qui souhaitent se rendre au travail dans un centre d'appels. Les gens ayant une déficience physique ou intellectuelle devraient pouvoir sortir de chez eux, car cela permet à une famille d'avoir une vie plus digne et de fonctionner comme toute autre famille.

M. Mooney : Monsieur le président, que pouvons-nous faire, même à l'échelon fédéral? Je vais vous donner un autre exemple personnel. À Yarmouth, nous avons cinq véhicules accessibles qui sont garés dans des stationnements. L'un d'entre eux appartient aux trois installations de la Southwest Regional Hospital et, là, il y a trois établissements distincts, plus petits, pour parler ainsi. L'un d'entre eux est le pavillon des anciens combattants, là où il y a 15 anciens combattants, je crois. On y trouve 15 lits et, dehors, une fourgonnette flambant neuve que personne n'utilise. Quand un ou deux d'entre eux veulent aller en ville ou sortir de la ville, ils téléphonent à notre Dial-A-Ride, et si on est en train d'utiliser la fourgonnette pour transporter certains de nos clients ailleurs, cela veut dire que je ne peux utiliser la fourgonnette pour aller en ville. Le ministère des Anciens combattants a versé presque la moitié de la somme d'argent nécessaire pour acheter cette fourgonnette-là. Une des conditions était que, si jamais la fourgonnette de Dial-A-Ride était en panne, on pouvait utiliser la fourgonnette des anciens combattants. De ce fait, les responsables des organismes en ville n'ont pas dit : ne leur donnez pas d'argent pour cela, étant donné que nous avons vraiment besoin que les fonds soient versés à la ville pour l'achat de ces véhicules. Mais ces véhicules-là sont stationnés et ne servent pas. Ce n'est pas qu'à Yarmouth. Ils sont stationnés partout dans la province. Si les services Dial-A-Ride ou les réseaux de transport en commun avaient accès à ces véhicules-là ou aux fonds nécessaires pour acheter des véhicules du genre, le transport serait plus accessible, c'est indéniable.

Carole Hanrahan, à titre personnel : Merci de me donner l'occasion de prendre la parole. J'imagine que je fais partie de ces gens qui sont la raison d'être de la réunion qui a lieu en ce moment. Je vis bien en deçà du seuil de pauvreté, quoiqu'on tripote les chiffres à ce sujet. Je vis d'assistance sociale depuis un bon moment déjà, et le revenu maximal que je tire pendant une année est légèrement supérieur à 8 000 $. J'ai deux fils adolescents qui viennent habiter chez moi toutes les fins de semaine dans un très petit appartement où il y a une seule Chambre à coucher. Je me suis installée là parce que le loyer correspondait aux allocations maximales pour le logement prévues dans mes prestations d'aide sociale. Ça donne 530 $ par mois. C'est le mieux que j'ai pu trouver; je cherchais un endroit sécuritaire pour mes enfants et pour moi-même. Bien sûr, peu après mon arrivée, le propriétaire a augmenté le loyer. Je n'arrivais pas à trouver autre chose. Depuis quelque temps, je paie 570 $ par mois, en prenant la somme supplémentaire dans ce qui me permettrait autrement de me vêtir et de manger. Je ne reçois pas d'argent supplémentaire pour nourrir mes enfants, qui sont là toutes les fins de semaine. J'ai un appartement qui ne compte qu'une seule Chambre à coucher et j'ai deux fils adolescents qui font plus de six pieds; essayez donc de les nourrir avec ce budget-là; je dois dormir sur le plancher du salon, sur un futon, car il n'y a pas un autre endroit où aller.

De fait, j'ai eu de nombreux problèmes avec le réseau. À un moment donné, j'étais dans le réseau, j'ai été dans un accident de voiture en compagnie d'un de mes travailleurs, et j'ai eu une blessure très grave, un coup de fouet. Après de nombreuses années de négociation, j'ai obtenu un peu plus de 20 000 $. Dès que j'ai reçu l'argent du règlement, mes prestations d'assistance sociale ont été coupées. Je devais utiliser l'argent en question pour me rétablir, pour payer mes traitements, mais j'ai été obligé de m'en servir comme revenu. Je devais vivre avec cet argent-là, qui était destiné à mes traitements. L'argent n'a pas duré longtemps. Après avoir vécu de l'assistance sociale pendant des années, il me fallait acheter des meubles pour moi-même, car je n'en avais pas. Je devais m'acheter des vêtements, étant donné que, enfin, j'avais de l'argent pour m'acheter des vêtements.

Quand je suis arrivée au bout de cet argent-là ou presque, je me suis tournée vers les Community Services pour demander des prestations à nouveau. Ils ont dit : « Ah, non, cela aurait dû vous durer au moins trois ans d'après notre calendrier à nous. » Je me suis donc battue contre cette décision-là. Je suis allée voir le député provincial du NPD de ma circonscription, Grahame Steele. Je raconte l'histoire à tout le monde depuis, étant donné ce qu'il m'a vraiment dit. Cela m'a scandalisée quand il m'a dit qu'il était tout à fait d'accord pour dire que c'était une injustice. Il était d'accord pour dire que c'était une injustice, mais il a souligné que les pauvres ne votent pas et que, pour qu'il soit élu à un poste où on exerce le pouvoir, afin de pouvoir vraiment aider les pauvres, il ne faudrait pas qu'on le voie en train d'aider les pauvres à cette étape-là. Il a dit que cela ferait baisser sa cote auprès des riches, qui, eux, votent. J'étais atterrée. Je lui ai dit : « Eh bien, je suis pauvre et je vote et je ne voterai jamais pour vous. Ça c'est sûr. »

Il y a un témoin ici qui a dit que ce qu'il nous faut vraiment c'est le revenu nécessaire pour que les gens puissent se loger. Moi, mes besoins ne sont pas très grands. J'ai besoin d'un lieu qui est sécuritaire, où mes enfants peuvent venir me visiter et où je me sentirais à l'aise. Ils vivent dans une maison assez cossue avec leur père et leur belle-mère. Mon nom se trouve sur une liste d'attente pour un logement; il y est depuis deux ans. On ne cesse de me dire qu'il y a des logements rue Gottingen, mais je ne me sentirais pas en sécurité dans ce coin-là. Mes enfants ne se sentiraient pas en sécurité là. Je ne crois pas que je m'y adapterais très bien, alors j'ai trouvé un endroit, où il y a des logements mixtes, à Clayton Park, en haut, sur Harlington Crescent. Là, il y a des duplex, des immeubles à appartements, tout le reste. Le service de logement dispose de tant d'appartements; quand il y en a un qui se libère, la personne dont le nom figure ensuite sur la liste y emménage. Des assistés sociaux vivent au même étage que d'autres locataires dans un immeuble à appartements. Les gens n'ont pas à savoir que votre logement est subventionné. Pourquoi faudrait-il qu'ils le sachent? Je suis comme eux. Je reçois tout simplement mon argent d'une autre source, étant donné que je suis handicapée.

Je ne crois pas être une personne qui fait peur. Je ne crois pas qu'une personne qui me croiserait dans le couloir de son immeuble se sentirait scandalisée ou embarrassée de savoir que je me trouve dans le même immeuble. J'habite un immeuble à appartements depuis cinq ans, et la plupart des autres locataires n'ont pas la moindre idée du fait que je vis de l'assistance sociale. Ils m'ont déjà demandé de garder leurs clés lorsqu'ils s'en allaient ailleurs. Une vieille dame de l'autre côté du couloir m'a demandé de veiller sur elle et de garder sa clé. Les gens pauvres ne représentent pas une catégorie distincte. Ce sont des êtres humains comme les autres qu'il faut traiter comme des êtres humains.

Il y a une autre chose que j'ai remarqué en lisant le procès-verbal qu'il y avait à l'ordinateur, c'est que, à un moment donné, quelqu'un a fait remarquer que les préposés des services sociaux jouaient plutôt les gardiens. J'ai certainement constaté de mon côté qu'ils semblent vous dissuader plutôt que vous encourager et vous offrir l'aide dont vous avez besoin. Bonne chance si vous demandez quelque chose de plus que ce qu'ils offrent.

J'ai dû me faire opérer à la mâchoire, et j'avais toujours porté une prothèse, pour ne donner qu'un exemple. Après la chirurgie, il m'a fallu me faire fermer les mâchoires mécaniquement; mes dents avaient bougé. Il me fallait une nouvelle prothèse. J'ai dû me rendre aux services sociaux pour demander des prestations spéciales pour que cela se fasse, étant donné que ce n'était pas prévu dans le régime dentaire. Les préposés me sont revenus et ont dit : « Ce n'est pas prévu dans le régime dentaire; nous n'allons donc pas pouvoir vous donner de prestations spéciales. » C'était sans issue. Ils ont dit : « Eh bien, si vous obtenez des lettres de votre médecin et une lettre de votre dentiste et une lettre de votre spécialiste, puis que vous venez nous voir... » On m'a même remercié. « Ah, merci d'avoir recouru à la procédure d'appel; peu de gens le font. » Puis, ils ont dit non. J'ai fini par devoir compter sur un ami thérapeute qui connaissait un professeur au département de denturologie de l'Université Dalhousie. Par pure bonté, il m'en a fait fabriquer une. Je ne devrais pas avoir à faire ça.

Mon handicap, c'est la dépression, et essayez donc de vous sortir de la dépression lorsque vous vivez dans de telles conditions. Tout juste la semaine dernière, j'ai découvert que mon loyer allait être augmenté à 615 $ par mois à compter du 1er décembre. Il me faudra déménager. Où? J'ai regardé partout. Je ne peux même pas me payer un appartement à une Chambre à coucher à Truro, selon Kijiji. Qu'est-ce que je fais?

Le président : Merci. Ai-je bien compris? Vous dites que vous faites moins de 8 000 $ par année. Votre revenu se situe à environ 8 000 $ par année?

Mme Hanrahan : Oui.

Le président : Vous dites que votre loyer vous coûte 570 $ par mois.

Mme Hanrahan : Oui, le loyer me coûte 570 $ par mois.

Le président : Vous consacrez les trois quarts de votre revenu au loyer.

Mme Hanrahan : Exactement, et c'est censé inclure l'électricité. Le maximum de 535 $ est censé inclure l'électricité.

Le président : Comment faites-vous pour survivre?

Mme Hanrahan : Dieu merci, j'ai des parents qui me glissent 50 $ de temps à autre, au milieu du mois, quand je viens à manquer de papier de toilette.

Le président : Allez-vous parfois dans les banques alimentaires?

Mme Hanrahan : Oui, je suis obligée de le faire. Comme je l'ai dit, quand mes enfants viennent chez moi, si je veux les nourrir, c'est du boeuf haché et du Kraft Dinner, habituellement, parce que ça en donne beaucoup. On ne me donne pas d'argent supplémentaire pour cela. Je n'ai pas acheté de vêtements neufs depuis plus d'un an et, que Dieu me vienne en aide, je ne sais pas ce que je vais faire, car il me faut des bottes neuves pour l'hiver. Je n'aurai pas les moyens de m'en payer. Je n'ai pas d'argent.

Le sénateur Segal : À votre avis, quel est le montant annuel que le système devrait produire pour que vous en ayez assez pour vivre et acheter ce qu'il faut côté abri, vêtements, nourriture, chauffage, électricité, téléphone, les besoins fondamentaux que nous avons tous. Quel serait le chiffre de base, à votre avis, qui permettrait d'y arriver?

Mme Hanrahan : Ça change, bien entendu, étant donné la note que m'a refilée mon propriétaire.

Le sénateur Segal : D'accord.

Mme Hanrahan : Si le loyer va tant augmenter, de 570 $ à 615 $, c'est à cause du prix du mazout. Dans tous les immeubles du secteur qui ont déjà été plus ou moins abordables et où je pourrais envisager de m'installer, on fait la même chose.

Le sénateur Segal : D'accord.

Mme Hanrahan : Le coût du mazout augmente, et j'imagine que les taxes augmentent pour certains des bâtiments dans le secteur. La note est refilée aux locataires. Pour trouver ce montant-là, j'imagine que chaque Canadien devrait avoir au moins un revenu qui est égal à celui du seuil de pauvreté de la province s'il vit de l'assistance sociale. Les gens qui souffrent d'un handicap de longue durée sans espoir de jamais réintégrer la population active ne devraient pas être obligés d'envisager une vie de misère. Je suis dans cette situation-là, je ne vais probablement jamais réintégrer la population active. J'y ai été pendant de nombreuses années. Le fait d'imaginer donc ma vie qui se poursuit de cette façon-là et d'essayer ensuite de suivre un traitement où on me dira, vous savez : « Vous êtes précieux. Ah, la dépression, vous devez lutter contre cela. »

J'imagine que prendre pour critère le seuil de pauvreté et dire que l'assistance sociale devrait être établie en fonction de cela, c'est ça l'idée; pour que chacun commence au seuil de la pauvreté pour recevoir ensuite une indexation en fonction du coût de la vie. La dernière fois que mon chèque a augmenté, c'était de 3 $. Ça ne m'aurait même pas servi à acheter deux tasses de café chez Tim Horton. Si le seuil de pauvreté était même fixé à 13 000 $ ou à 14 000 $, ce serait presque le double de ce que j'obtiens en ce moment. Mais moi, je me considérerais comme riche, voyez-vous? Pour la plupart des gens serait horrible. Pour moi, ce serait énorme.

Le sénateur Segal : Si le seuil évoluait en fonction de l'indice des prix à la consommation tous les ans, est-ce que, selon vous, ce serait un bon point de départ?

Mme Hanrahan : Oui, car si on envisage ce qui représente un logement raisonnable, on dit qu'il ne faut pas être obligé de vivre dans un repaire de drogués ou un taudis. Quand j'ai aménagé chez moi, le loyer s'élevait à 530 $ par mois. Maintenant, ça va me coûter 615 $ pour un appartement qui a une minuscule Chambre à coucher. Il faut regarder ce que coûte un logement dans ce secteur pour établir ce qui peut raisonnablement être attendu de quelqu'un.

Le sénateur Segal : Bien sûr.

Mme Hanrahan : Ils doivent aussi regarder s'il s'agit d'une mère avec des enfants, et le fait que je n'ai peut-être pas mes enfants la part du temps qui correspond à leur chiffre magique, soit 51 p. 100 du temps, ce qui me permettrait d'obtenir des fonds supplémentaires, mais j'ai encore deux enfants.

Le sénateur Segal : Merci.

Le sénateur Cordy : Je sais que vous avez dit que vous aviez travaillé. Avez-vous droit aux prestations du RPC?

Mme Hanrahan : Si je touche des prestations de RPC, je perds mon assurance-médicaments.

Le sénateur Segal : L'impasse, comme toujours.

Le sénateur Cordy : Ah mon Dieu. Ça ne devrait pas se passer comme ça.

Mme Hanrahan : Effectivement.

Le sénateur Cordy : Nous avons entendu ce matin le témoignage de responsables des Community Services, auxquels nous avons demandé ce qu'il en était de la disponibilité des appartements. Ils ont dit que le taux de vacance était de 3 p. 100, ce qui est bon. Je vais vous poser la même question à vous. Y a-t-il des logements sécuritaires pour les gens à faible revenu?

Mme Hanrahan : Si vous avez au moins 600 $ à consacrer au loyer, il y en a. Je me suis installée soir après soir après soir à l'ordinateur, à consulter tous les sites Web mentionnés dans les journaux, j'ai frappé aux portes, et il faut au moins 600 $ pour ce que la plupart des gens considéreraient comme un logement raisonnable et sécuritaire. Je n'ai pas cet argent-là.

Le président : Nous apprécions vraiment que vous soyez venue comparaître. Nous voulons entendre d'autres histoires de gens qui vivent concrètement ce genre de difficulté.

Mme Hanrahan : Je voulais vous laisser savoir que j'ai lu votre article dans le journal; c'était peut-être l'édition de samedi, c'est comme cela que j'ai découvert que vous teniez les réunions que vous tenez. Au bas de l'article, on disait de transmettre un message à une adresse de courriel. Je l'ai fait. J'ai essayé de trouver une façon de dire que j'aurais aimé prendre la parole aujourd'hui. J'ai envoyé un courriel auquel je n'ai jamais obtenu de réponse; je me suis donc présentée ici aujourd'hui en pensant qu'il y aurait peut-être une période de questions libres ou que je pourrais apostropher l'un de vous après une pause. Voilà donc comment j'ai appris que la réunion se tenait.

Le président : Eh bien, ça a fonctionné. Vous êtes ici. Merci beaucoup. Nous allons devoir régler cette question de l'adresse de courriel.

Bernard Smith, Spring Garden Area Business Association : Je gère la Spring Garden Area Business Association et je suis comptable agréé. Et puis, en théorie, j'étais à la retraite, mais je n'avais pas le goût de prendre ma retraite. Il y a cinq ans environ, j'ai accepté un contrat que m'offrait l'association pour repositionner le secteur du détail du vieux quartier de la ville, qui, franchement, éprouvait certaines difficultés et souffrait de la venue des habituels Wal-Mart et autres centres commerciaux installés autour des vieux quartiers. Il y avait aussi là une bonne part de difficultés d'ordre social : il y avait beaucoup de gens de la rue, ce qui est franchement défavorable au secteur de la vente au détail dans un vieux quartier. J'ai accepté le travail en question et je me suis attelé à la tâche.

Quand je suis arrivé là, au départ, il y avait une hostilité certaine entre les marchands détaillants, les gens d'affaires, et les gens de la rue, et j'ai cru que cela nuisait à tous les groupes; j'ai donc essayé d'adopter une approche plus proactive. Une des choses que j'ai commencé à faire, c'est d'essayer simplement de déterminer les besoins des gens qui se trouvent dans la rue, pour voir ce qu'il fallait faire, de fait, pour qu'ils s'en sortent. J'ai cru qu'il serait bon de faire part de certaines des constatations que j'ai établies après cinq ans.

Je suis encore en train d'apprendre, évidemment, et, pour être franc, encore une fois, je suis comptable de formation. Je ne suis pas un travailleur social; j'avance donc en terrain difficile et j'apprends tout le temps. Assez souvent, au cours des quatre dernières années environ, nous avons réussi à réintégrer trois ou quatre personnes à la population active tous les mois. À mes yeux, cela équivaut à réinsérer quelqu'un dans la société, étant donné que, pour être franc, cela m'apparaît être une perte terrible pour la société lorsque des gens ne sont pas productifs. Un des problèmes de ce point de vue-là, c'est que les jeunes qui ont 16, sinon 18 ou 19 ans ne sont pas admissibles à l'assistance sociale. Ils doivent se débrouiller seuls. Si maman ou papa ont eu une grosse querelle ou, ce qui arrive plus souvent, si l'enfant s'était retrouvé avec un ou l'autre des parents, puis qu'un nouveau conjoint est arrivé dans le décor et qu'il n'aime pas l'enfant et que l'enfant s'en va... c'est à peu près le scénario habituel dans notre secteur. De ce type-là, nous en avons deux ou trois par mois. Immédiatement, il y a danger. S'il s'agit d'une fille, nous en sommes inquiets, davantage que s'il s'agit d'un garçon, évidemment, et nous croyons qu'il y a une véritable menace pour les possibilités qu'a le jeune en question de progresser de manière productive si le problème n'est pas réglé assez rapidement.

Nous profitons maintenant d'une alliance conclue avec les responsables d'un programme de formation baptisé Options Work Activity Program. Pour être franc, j'ai instauré un programme, étant très innocent, au début, pour le balayage des rues. J'ai engagé des gens pour qu'ils balaient la rue pendant deux heures chaque jour. J'ai toujours payé plus que le salaire minimum. Je donne toujours 50 ou 75 cents de plus l'heure, de sorte que ça donnait 16 $. Maintenant, c'est plus. Je crois que c'est 17 $ maintenant. Nous donnons un peu plus que le salaire minimum et nous évaluons le jeune.

Il est ahurissant de constater que certains travaillent très bien, alors que d'autres sont tout à fait incapables de travailler sans subir d'abord une formation. En toute franchise, plusieurs nous ont en quelque sorte adoptés parce que nous, nous les avons adoptés. C'est vraiment touchant de certains points de vue. Nous sommes prêts à faire des pieds et des mains pour que ces jeunes retournent à l'école. L'élément clé de l'équation, c'est presque toujours le logement.

Je déteste généraliser, mais nous sommes aux prises avec deux ou trois groupes que nous revoyons constamment. Il y a les vieux toxicomanes dont je veux parler. Il y a les plus jeunes, les innocents nouvellement arrivés pour ainsi dire, que nous devons aborder très rapidement pour essayer d'éviter qu'ils soient piégés dans la culture de la rue, étant donné que celle-ci propage la consommation de drogues et les petits larcins. Le jeune se retrouvera avec un casier judiciaire quelconque, ce qui lui occasionnera tout un problème au moment de chercher du travail.

Je ne suis pas en train de suivre mes notes. Je m'étais fait de merveilleuses notes qui vous auraient montré que j'ai essayé, à un moment donné, de chiffrer l'impact de ce problème d'itinérance, de cette population de gens de la rue, sur notre district marchand relativement petit. Les pertes se chiffrent dans les millions de dollars par année. C'est un fardeau terrible pour le secteur marchand d'un vieux quartier, qui fait face à toute une gamme de problèmes. Le coût est tel, si on divise le total par le nombre de personnes qui sont à l'origine du coût en question pour donner la moyenne, nombre qui se situe probablement à 25 ou 30 personnes à tout moment, que nous pourrions décider plutôt de les payer pour qu'ils s'en aillent ailleurs. Mais je n'arrive pas à convaincre mon conseil de l'opportunité de faire cela. Ce dont j'ai réussi à convaincre mon conseil au fil du temps, c'est d'être tolérant. Littéralement, si je peux prendre quelqu'un... car nous pouvons leur donner un travail, par exemple, le balayage et nous arrivons à les comprendre un peu et nous finissons par estimer qu'ils sont employables, nous leur donnons accès à des emplois de débutants dans des restaurants, comme garçons de cuisine, nous les chargeons de faire le ménage dans des bureaux.

Nous avons en ce moment un jeune homme qui est apprenti-maçon. Vendredi, je suis allé lui chercher de la nourriture à la banque alimentaire pour qu'il puisse se nourrir adéquatement et travailler pendant la fin de semaine comme maçon. Je ne crois pas que les gens comprennent. C'est si important à mes yeux. Voici où ils sont...

Une des choses que nous avons faites, c'est que j'ai tellement gêné les dirigeants des autres districts commerciaux de la ville que, maintenant, ils se regroupent, tous les districts commerciaux se regroupent — il y en a quatre dans cette situation, et la ville entre en jeu aussi. À l'aide d'une petite subvention de la province, nous avons accordé un contrat de un an à un navigateur qui, pour être franc, est un jeune travailleur de la rue qui sait s'y prendre. Il aurait été ici aujourd'hui, mais il a la grippe. Je ne veux pas que ça s'ébruite, mais il est nettement plus adepte que moi à faire ce travail.

Nous avons un bilan fructueux qui est tel que les gens sont gênés de ne pas nous venir en aide. Durant la période en question, nous avons toujours réintégré 25, 35, 45 personnes à la population active dans un travail ou un autre, et certains demeurent actifs.

Je veux résumer les éléments qui manquent à mon avis parmi les mesures de soutien et qui font, que pour être franc, les travailleurs sociaux sont souvent prêts à contourner littéralement une personne qui est couchée sur le trottoir. Je crois que cela est honteux. Je ne sais pas comment je pourrais continuer à œuvrer comme travailleur social si je devais enjamber les clients couchés sur le trottoir. Je dis que ce sont ces personnes-là qui tombent entre les mailles du système. Pourquoi ne règle-t-on pas ces questions-là? Inévitablement, le logement est une question clé. Par « logement », je n'entends pas un bungalow avec un beau gazon, un chien et une balançoire pour les enfants. Je parle simplement d'une pièce minimale où il y a peut-être une salle de bain propre, où la personne peut verrouiller la porte. Dès le départ, la supervision est le problème. Au début, j'avais l'approbation d'un financement provenant de diverses initiatives provinciales et fédérales en matière de logement pour financer 26 unités d'hébergement avec supervision. Il manquait 100 000 $ environ pour acheter le terrain et faire construire le bâtiment; alors, je remuais ciel et terre pour ramasser les 100 000 $ en question. Ce qui tue dans cette histoire-là, c'est la question de la supervision.

Je me suis adressé à l'Armée du Salut, aux Chevaliers de Colomb et à mon propre conseil. J'ai acquis moi-même l'option sur le terrain. Cela est si frustrant quand rien ne bouge en rapport avec ces trucs-là. Comment pouvons-nous laisser nos jeunes dans la rue, sans porte de sortie?

Une des mesures que j'ai adoptées très tôt et que mon conseil a acceptée, c'est le fait de verser une allocation de 12 $ par journée de travail. Là où nous trouvions du travail à quelqu'un, l'un des problèmes, c'est qu'il n'arrivait pas à vivre avant l'arrivée du premier chèque de paie. L'affaire est conçue pour que les gens quittent la rue et commencent à travailler. Nous fournissions 12 $ par jour pour que la personne puisse aller déjeuner et souper, qu'elle puisse prendre quelque chose qui lui permettra de se rendre jusqu'au premier jour de paie. Ensuite, ils ne peuvent encaisser le premier chèque de paie; je l'encaisse, moi, et je leur remets l'argent. Rendu là, je sais d'où provient le chèque de paie. Il n'y a pas un grand risque à courir de mon point de vue; je vais donc l'endosser et je l'encaisse à ma banque, je remets l'argent aux jeunes hommes ou à la jeune femme, et ça fonctionne. Personne d'autre ne fait cela. Mais ce sont là des choses que nous devons faire dans cette situation.

Permettez-moi de vous parler encore un peu de la question du logement. Un des problèmes que je vis face à la population plus âgée et presque permanente de gens de la rue, c'est que ce sont presque toujours des toxicomanes. Je connais très peu de choses sur le traitement des toxicomanies, mais, certainement, le sevrage de quatre jours qui est généralement offert à ces gens se révèle complètement inutile. Je peux aller vous chercher un gars qui est passé dix fois par le sevrage de quatre jours. Maintenant, je pose la question aux services sociaux tous les jours : « Combien cela coûte-t-il de fournir ce traitement de la toxicomanie qui comprend quatre jours en établissement? » Ils répondent qu'ils ne le savent pas, et je crois que c'est probablement vrai. Moi, je dis : présumons que c'est 250 $ par jour. Je ne peux imaginer que ce soit moins. Pour quatre jours, cela donne 1 000 $. Je peux vous montrer un homme qui y est allé dix fois. Cela donne 10 000 $. Or, il est encore dans la rue. Il a exactement le même problème qu'il avait au départ. Vous avez dépensé 10 000 $ sans avancer d'un pouce. Bon, il me semble bien que nous devrions faire les choses correctement.

Je crois que ce devrait être un traitement en établissement qui est beaucoup plus long et qu'il devrait y avoir un mécanisme quelconque pour obliger les gens à s'y astreindre. Souvent, ces gens-là vont s'abaisser jusqu'au vol pour pouvoir nourrir leur toxicomanie, même s'ils n'arrivent pas à trouver assez d'argent en quêtant dans la rue. Ils se retrouvent bien devant les tribunaux de temps à autre. Mais certains d'entre eux ne descendent pas si bas. Ont-ils le droit, vraiment? Enfin, je crois énormément à la liberté d'à peu près tout, mais ont-ils le droit de mentir continuellement sur leur situation dans la rue en disant qu'ils sont pauvres, qu'ils ont besoin d'aide, qu'ils ont une difficulté quelconque alors que, en vérité, ils vont seulement de dose de crack en dose de crack?

Permettez-moi de vous parler de la question du logement.

Le président : Si vous pouviez conclure rapidement, monsieur Smith, ce serait apprécié. Nous avons dépassé de loin les cinq minutes allouées, merci.

M. Smith : Eh bien, je croyais être un invité divertissant.

Le président : Vous l'êtes. C'est pourquoi je vous ai laissé aller jusqu'à 10 minutes.

M. Smith : J'ai cru que je pouvais m'en tirer.

Le président : Vous l'avez fait.

M. Smith : Un des problèmes qu'il y a, c'est que ces gens-là vivent dans des fumeries de crack. Ils n'ont pas d'autres endroits où vivre et ils ont un casier judiciaire, une toxicomanie, et ils sont dans la rue. Qui va les accueillir et leur donner un logement raisonnable? S'ils ne sont pas logés ainsi, ils ne peuvent recevoir le traitement à long terme de la toxicomanie. C'est sans issue. De même, on a désespérément besoin d'ateliers surveillés pour les gens ayant des problèmes de santé mentale, et ça devrait exister ça aussi.

Le président : Vous méritez beaucoup de crédit pour le bon travail que vous faites, tout comme votre association de gens d'affaires.

M. Smith : Ils me font assez bien confiance étant donné que, la majeure partie du temps, je réussis à aller chercher des victoires. De fait, nous avons réussi à renverser la vapeur.

Le président : Eh bien, vous avez surmonté beaucoup d'obstacles avec certains de ces projets auxquels vous avez travaillé.

M. Smith : Oui, c'est vrai, et s'y astreindre a été extrêmement intéressant, pour être franc, nettement mieux que la retraite.

Le président : Avez-vous un exemplaire écrit de cela, soit dit en passant? Nous aimerions l'avoir pour le compte rendu.

M. Smith : J'espère que vous l'avez. Je pourrais vous remettre quelques documents que j'ai produits.

Le président : Ou vous pourriez nous les envoyer, comme vous voulez.

M. Smith : J'allais vous raconter l'histoire de mon ami Phil, un toxicomane sorti de prison qui, pour la première fois, vivait sans se droguer. Phil m'a dit : « Je ne vais jamais plus consommer. » J'ai dit : « Phil, c'est merveilleux. » Du vol de banque il est passé à de petits larcins; un toxicomane qui a réussi à cesser de consommer et qui avait l'air de tellement mieux se porter. Il avait l'air d'avoir rajeuni de dix ans, et il ne reconsommerait plus jamais. « J'en suis si heureux, Phil. Où habites-tu? » Il m'a donné l'adresse d'une fumerie de crack. Deux semaines plus tard, il est mort d'une surdose.

Le sénateur Segal : J'aimerais dire à tous ceux qui se demandent si les personnes retraitées sont en mesure d'assurer un leadership qui peut nous profiter à tous : votre témoignage d'aujourd'hui montre qu'ils en sont capables, de façon très nette. Pour m'assurer de bien comprendre, je vous pose la question suivante : vous disposez de ce que nous appelons à Kingston l'association locale de gens d'affaires, qui peut débloquer des fonds pour qu'on puisse payer des enfants sans abri pour qu'ils balayent la rue ou je ne sais quoi?

M. Smith : Oui, et ils arrosent mes plantes aussi maintenant. Ils sont très fiables.

Le sénateur Segal : L'association locale est tout à fait à l'aise à l'idée que son argent serve à cette fin-là?

M. Smith : Oui.

Le sénateur Segal : Je veux simplement obtenir une précision : les membres voient là une amélioration mesurable de leurs affaires dans le secteur qui justifie l'investissement?

M. Smith : Tout juste. J'use de beaucoup de persuasion.

Le sénateur Segal : D'accord.

Le sénateur Cordy : J'habite à Dartmouth et j'aimerais dire que je me souviens de l'époque où vous avez commencé votre travail et de l'attitude d'affrontement qu'il y avait sur Spring Garden Road, et que vous avez fait un travail extraordinaire. Je me demandais simplement si tout cela figurait dans votre description de travail.

M. Smith : Non.

Le sénateur Cordy : Vous avez fait un travail merveilleux, merci.

M. Smith : Merci beaucoup.

Le sénateur Cordy : Je crois que vous n'arriverez jamais à prendre votre retraite.

M. Smith : Eh bien, je menace constamment de le faire.

Le président : Merci beaucoup, monsieur Smith. J'apprécie cela et je vous dis : poursuivez votre travail et dites à votre association de continuer à vous soutenir.

M. Smith : Eh bien, nous avons le navigateur maintenant. Je vais commencer à me demander quoi faire de mon temps.

Le président : Voilà qui conclut cette partie du programme et aussi notre journée. Nous serons de retour demain matin à 9 heures dans la même pièce.

La séance est levée.


Haut de page