Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles
Fascicule 2 - Témoignages du 4 décembre 2007
OTTAWA, le mardi 4 décembre 2007
Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd'hui, à 17 h 26, pour étudier le projet de loi S-208, Loi exigeant que le ministre de l'Environnement crée, en collaboration avec les provinces, une agence habilitée à définir et à protéger les bassins hydrographiques du Canada qui seront les sources d'eau potable des générations futures.
Le sénateur Tommy Banks (président) occupe le fauteuil.
Le président : C'est avec plaisir que je vous souhaite la bienvenue à cette séance du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles. Je suis Tommy Banks de l'Alberta et j'ai l'honneur de présider ce comité. J'aimerais vous présenter le vice-président, le sénateur Pierre Claude Nolin, du Québec; le sénateur Bert Brown, de l'Alberta, le sénateur Grant Mitchell, de l'Alberta; le sénateur Willie Adams, le doyen du Sénat représentant le Nunavut; et le sénateur Colin Kenny, qui est aussi le président du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense.
Aujourd'hui, le comité va poursuivre l'étude de la teneur du projet de loi S-208, Loi exigeant que le ministre de l'Environnement crée, en collaboration avec les provinces, une agence habilitée à définir et à protéger les bassins hydrographiques du Canada qui a été présenté au Sénat par le sénateur Grafstein le 17 octobre 2007.
Nous avons constitué un groupe d'experts composé de hauts fonctionnaires de deux ministères pour nous aider à comprendre la perspective du gouvernement fédéral sur ces vastes sujets concernant le projet de loi, y compris la cartographie des bassins hydrographiques du Canada, la Loi sur les ressources en eau du Canada de 1974 et les façons d'atteindre les objectifs du projet de loi S-208 et de la Loi sur les ressources en eau du Canada.
Mark Corey, sous-ministre adjoint, Section des sciences de la Terre, Ressources naturelles Canada : Merci beaucoup. Je représente la Section des sciences de la Terre de Ressources naturelles Canada, qui s'occupe du volet scientifique du ministère.
[Français]
De la part de notre ministre l'honorable Gary Lunn, et du ministère des Ressources naturelles Canada, il me fait grand plaisir d'être ici avec vous ce soir. J'aimerais aussi présenter David Boerner, directeur général, Direction du Centre et du Nord du Canada, Commission géologique du Canada. David est géologue et capable de répondre à vos questions techniques et détaillées en ce qui concerne notre recherche dans la commission.
[Traduction]
Le rôle de Ressources naturelles Canada au chapitre des sciences de la Terre se répartit en cinq domaines. Premièrement, il évalue et cartographie les eaux souterraines du Canada, nos aquifères. Je donnerai plus d'explications sur ce travail dans un moment.
Nous cartographions également les eaux de surface, car nous sommes l'organisme national de cartographie du gouvernement du Canada. Nous avons établi la carte de la couverture complète des eaux de surface du Canada à l'échelle 1/250 000e et de 95 p. 100 de celle-ci à l'échelle de 1/95 000e. Nous avons rassemblé toutes ces données sur les rivières, les lacs et les cours d'eau en format numérique. Ces renseignements numériques sont accessibles gratuitement sur Internet et beaucoup de personnes s'en servent.
Le président : Vous parlez de la cartographie des eaux de surface par opposition aux aquifères, n'est-ce pas?
M. Corey : Des deux. Nous cartographions les eaux souterraines sur le plan des aquifères par l'entremise de la Commission géologique du Canada. Par l'entremise du Centre canadien de cartographie, nous établissons aussi la carte des surfaces; c'est-à-dire les routes, les villes, les courbes de niveau et tous les détails hydrographiques. Je faisais référence à tous les détails hydrographiques, que nous avons regroupés en une couche hydrologique qui est maintenant disponible. Tous les renseignements disponibles sur les eaux de surface au Canada se trouvent sur l'une de ces échelles cartographiques. On les utilise à des fins de planification — pour des systèmes d'information géographique, des analyses, et cetera.
Le président : Puisque nous en parlons, êtes-vous en train de dire que les aquifères ont été complètement cartographiés? D'après nos informations, ils ne l'ont pas été.
M. Corey : Non, effectivement. J'expliquerai plus longuement dans un moment lesquels ont été cartographiés, les priorités, et cetera.
Troisièmement, il y a le contenu naturel de l'eau. La Commission géologique du Canada effectue des travaux en ce qui a trait à la santé et à l'environnement portant sur ce que l'on retrouve à l'état naturel dans le sol et dans l'eau, et sur l'impact sur l'eau que pourraient avoir des matières toxiques comme les métaux et d'autres substances dangereuses.
Quatrièmement, nous procédons à des évaluations environnementales. Étant le groupe chargé de la masse terrestre du ministère et du gouvernement du Canada, nous fournissons des connaissances géoscientifiques pour les évaluations environnementales en cours, sur lesquelles nous travaillons énormément.
Cinquièmement, nous faisons de la télédétection, de l'imagerie par satellite. Nous étudions le Canada à partir de l'espace et fournissons des analyses temporelles — c'est-à-dire des analyses des séries chronologiques — notamment pour les conditions de l'eau, les précipitations, les changements que subissent les zones humides, la surveillance des rivières et des lacs, le mouvement et la fonte des glaciers et les niveaux d'enneigement. Nous travaillons beaucoup pour comprendre ce qui se passe dans notre masse terrestre.
Sénateur, vous avez parlé de nos aquifères, et l'une de nos principales contributions consiste à créer un inventaire des sources d'eau souterraine du Canada. Les eaux souterraines sont celles qui se trouvent dans la roche poreuse ainsi que dans les poches et les fractures dans le roc. Lorsqu'une zone peut produire une quantité utilisable d'eaux souterraines, elle est considérée comme un aquifère.
Quelque dix millions de Canadiens sont tributaires des eaux souterraines, extraites à l'aide de puits, pour la consommation humaine, l'agriculture et l'industrie. Les eaux souterraines contenues dans les aquifères finissent par remonter à la surface de façon naturelle dans les sources, les suintements, les zones humides et les cours d'eau. À l'heure actuelle, nous ne connaissons pas la quantité exacte d'eaux souterraines que recèle le Canada, ni leur emplacement, mais nous en apprenons davantage chaque année.
La participation de RNCan dans la recherche sur les aquifères, ou l'hydrologie, se fonde sur l'historique et l'expertise du ministère en matière de sciences de la Terre. Nous sommes le ministère géologique et scientifique pour le gouvernement du Canada, et nous menons à ce titre une vaste gamme d'activités de recherche.
[Français]
Ces études ne sont pas nouvelles pour la Commission géologique du Canada, qui est l'un des plus vieux programmes du gouvernement du Canada, existant depuis 1842, et après 165 années de service, notre recherche ainsi que notre réputation sont bien établies.
Notre expertise avec les cartes topographiques a commencé vers la fin du XIXe siècle et notre expertise dans le monde de la télédétection, des satellites, remonte aux années 1960, donc depuis environ 50 ans.
Aujourd'hui, Ressources naturelles Canada est un leader dans le domaine de la géologie et de la géographie mondiale, avec les technologies de pointe, la numérisation des données ainsi que la livraison des services sur Internet.
[Traduction]
Nous nous sommes convertis au numérique. L'étude de ce qui se trouve sous terre et la cartographie de ces ressources constituent une part importante de notre travail. Nous utilisons maintenant cette expertise pour évaluer et répertorier les principaux aquifères du Canada.
Il s'agit d'une entreprise colossale qui nécessite un engagement de ressources considérables sur une longue période. C'est une recherche à long terme. Par exemple, l'évaluation complète d'un aquifère-type couvrant plus de 1 000 kilomètres carrés à l'échelle d'une région mobiliserait une équipe de dix chercheurs durant trois ans et coûterait jusqu'à deux millions de dollars. À ce jour, nous avons repéré environ 30 aquifères de ce type dans l'ensemble du Canada. Nous nous concentrons principalement sur ces derniers. Ils font partie de ce que nous appelons le Programme de cartographie des eaux souterraines pour lequel nous dépensons en moyenne trois millions de dollars par année.
Je vais vous dire ce que nous avons accompli à ce jour grâce au programme, puis j'aborderai ce que le plan de travail nous réserve dans l'avenir. Premièrement, nous devons effectuer une évaluation de premier ordre des 30 principaux aquifères et fournir des renseignements de base sur chacun d'eux. Nous connaissons leur emplacement et leur taille. Nous avons répertorié ces renseignements de base. Deuxièmement, nous avons réalisé une analyse détaillée de six des 30 principaux aquifères répertoriés. Troisièmement, d'ici 2009, nous aurons mené à bien l'analyse détaillée de trois autres aquifères, ce qui portera à neuf le nombre d'aquifères évalués à fond. D'ici 2010, nous entendons mettre en place et rendre entièrement fonctionnelle une base de données nationale sur les eaux souterraines, y compris une synthèse de l'état de la cartographie des eaux souterraines réalisée par RNCan. Toutes les données que nous détenons seront regroupées dans une grande base de données en ligne, accessible à tous.
L'inventaire montrera l'étendue de chaque aquifère dans le sol. Il contiendra également de l'information sur la qualité de l'eau, le volume utilisé actuellement et la quantité de ressources en eau existantes de l'aquifère, au meilleur de notre connaissance.
Par ailleurs, l'inventaire contiendra des évaluations de premier ordre des 30 principaux aquifères que nous avons repérés et une évaluation détaillée de 12 de ces aquifères. Cela fait partie des projets futurs. Avec les dépenses actuelles d'environ trois millions de dollars et avec les partenariats que nous avons en place, nous prévoyons qu'il nous faudra jusqu'en 2030 pour terminer l'évaluation des huit aquifères principaux restants. Comme je l'ai mentionné, il s'agit vraiment d'une recherche à long terme.
L'inventaire national des principaux aquifères est un atout important en matière de gestion des eaux souterraines au Canada. De l'information fiable et à jour sur nos ressources en eaux souterraines et de contamination des aquifères sera mise à la disposition des décideurs à mesure que nous la produisons.
L'inventaire de RNCan réduira le risque de surutilisation des ressources en eaux souterraines et de contamination des aquifères. Il fournira de l'information pour la résolution des différends relatifs à l'utilisation du territoire en lien avec la protection des aquifères. Et il réduira les coûts associés normalement à l'analyse de ce type de problèmes.
Nous avons lu le rapport de votre comité intitulé L'eau dans l'Ouest : Une source d'inquiétude. Nous savons que vous portez un vif intérêt à ce sujet et nous serons heureux de répondre aux questions que vous pourriez avoir sur le travail que nous effectuons et sur la meilleure façon possible de répondre aux besoins du Canada dans ce domaine.
Le président : RNCan a bien dit « depuis plusieurs années consécutives » à plusieurs reprises — nous mènerons le travail à bien avant telle ou telle date. Manque-t-il seulement de fonds?
M. Corey : Non, c'est en partie les ressources car c'est le montant dont nous disposons. Toutefois, le manque d'expertise appropriée est un autre facteur limitatif. L'expertise du Canada en matière d'eaux souterraines est restreinte et nous maximisons la quantité que nous avons. Deuxièmement, nous acquérons de nouvelles connaissances sur l'interaction entre les eaux de surface et les eaux souterraines, par exemple. C'est quelque chose que nous apprenons à mesure que nous avançons dans nos travaux. Troisièmement, nous devons trouver de nouveaux moyens de mettre au point la description complète de très grands aquifères. C'est un défi lorsqu'on a un vaste aquifère et de grands volumes d'eau souterraine. Enfin, nous menons un grand nombre de ces projets en étroite collaboration avec d'autres organismes. Nous sommes très opportunistes. Nous tirons parti des recherches effectuées par les provinces et le secteur privé. Nous essayons d'utiliser le plus possible cette information pour étirer notre budget.
En disant simplement que nous allons le réduire, nous pourrons peut-être être moins opportunistes et les recherches coûteraient davantage qu'une simple protection linéaire de nos coûts actuels.
Michael Martin, sous-ministre adjoint, Direction générale de la politique stratégique, Environnement Canada : C'est un plaisir et un honneur pour M. Carey et moi de comparaître devant vous aujourd'hui.
Je crois comprendre, monsieur le président, que vous aimeriez en savoir plus sur la façon dont Environnement Canada gère les pouvoirs qui lui sont conférés par la Loi sur les ressources en eau et sur la façon dont les pouvoirs proposés dans le projet de loi S-208 viennent empiéter sur les pouvoirs actuellement détenus par le ministère en vertu de la Loi sur les ressources en eau et d'autres lois sur l'environnement.
Comme vous le savez peut-être, la Loi sur les ressources en eau, qui est entrée en vigueur en 1970, comprend trois parties : la partie I, qui porte sur les ententes fédérales-provinciales traitant de la gestion exhaustive des ressources en eau; la partie II, qui porte sur la gestion de la qualité de l'eau et la partie IV, qui porte sur l'inspection, l'application de la loi et l'établissement de rapports. Les pouvoirs conférés en vertu de la partie III, qui porte sur la réglementation des concentrations de nutriants dans les agents nettoyants qui visait tout particulièrement à limiter la quantité de phosphates dans les détergents à lessive, ont été transférés à la Loi canadienne sur la protection de l'environnement, souvent désignée par son acronyme LCPE.
Depuis l'entrée en vigueur de la Loi sur les ressources en eau, le ministre de l'Environnement s'est vu accorder d'autres pouvoirs à l'égard des ressources en eau, grâce à l'adoption d'autres lois importantes, notamment la Loi sur le ministère de l'Environnement de 1972 et la LCPE, comme je l'ai mentionné. Le ministre dispose également de pouvoirs importants en matière de prévention de la pollution de l'eau en vertu de l'article 36 de la Loi sur les pêches.
Je devrais également mentionner que la Politique fédérale de 1987 relative aux eaux était un document inestimable qui fournit toujours un cadre politique important pour la participation du gouvernement fédéral à la gestion de l'eau au Canada de nos jours.
La partie I de la Loi sur les ressources en eau confère au gouvernement des pouvoirs sur un vaste éventail d'ententes et d'activités de collaboration avec les provinces. À l'origine, ces activités comprenaient le financement de grands projets d'infrastructure pour, par exemple, lutter contre les inondations. La partie I soutient aussi l'établissement d'ententes de gouvernance pour la gestion de l'utilisation de l'eau des rivières interprovinciales, telles que l'entente conclue avec la Commission des eaux des provinces des Prairies, l'Entente-cadre sur les eaux transfrontalières du bassin du Mackenzie et l'entente conclue avec la Commission de planification de la régularisation de la rivière des Outaouais, qui existent toutes encore de nos jours. De plus, la partie I confère au gouvernement le pouvoir de conclure des ententes conjointes fédérales-provinciales de surveillance de la pollution de l'eau et de conclure des ententes qui sont maintenant en vigueur depuis longtemps, pour l'établissement d'un réseau national de surveillance de la qualité de l'eau administré par le Service météorologique du Canada.
La partie I prévoit également la réalisation de projets de modélisation de la gestion des eaux, notamment celles du fleuve Saint-Laurent, ainsi que la poursuite de recherches sur les eaux dans de nombreux centres de recherches d'Environnement Canada, notamment l'Institut national de recherche sur les eaux de Burlington, qui est dirigé par mon collègue, M. Carey.
Face à des questions urgentes d'intérêt national, la partie II de la Loi sur les ressources en eau confère au ministre de l'Environnement le pouvoir de définir les zones de gestion de la qualité et même d'émettre des règlements. Ces zones pourraient comprendre les bassins hydrologiques mentionnés dans le projet de loi S-208. Ces pouvoirs n'ont jamais été utilisés, mais pourraient quand même servir de fondement à des mesures du gouvernement fédéral pour assumer la gestion des sources d'eau potable dans certains bassins hydriques. Toutefois, depuis au moins 1987, la tendance générale en gestion de l'eau au Canada a été d'encourager la gestion locale efficace de l'eau à l'échelle des bassins hydriques.
Pour protéger les sources d'eau, il faut gérer efficacement les sources ponctuelles et non ponctuelles d'eau. Il est significatif que les sources non ponctuelles d'eau soient souvent exploitées pour l'utilisation des terres et pour des pratiques agricoles. La protection efficace des cours d'eau dépend des partenariats avec les provinces et de la participation active des collectivités locales. Depuis les années 1980, Environnement Canada collabore avec les provinces, des collectivités locales et d'autres ministères fédéraux afin d'améliorer la qualité de l'eau dans les écosystèmes prioritaires, plus particulièrement les Grands Lacs et le fleuve Saint-Laurent.
Comme exemple important récent de partenariat, le gouvernement fédéral et des gouvernements provinciaux, comme celui du Manitoba, collaborent pour aider les agriculteurs à élaborer des plans environnementaux en agriculture et à mettre en œuvre des pratiques d'aménagement bénéfiques pour l'eau, le sol et l'air.
En tant que principaux gestionnaires de l'eau au Canada, toutes les provinces et tous les territoires utilisent des règlements, des lois et d'autres instruments pour s'attaquer aux questions touchant la qualité de l'eau. De plus, toutes les provinces et tous les territoires sont responsables de nombreux aspects de la planification de l'utilisation et du développement des terres, qui peuvent avoir une incidence sur la qualité et la disponibilité de l'eau.
[Français]
Les sénateurs connaissent sans doute le Conseil canadien des ministres de l'Environnement, ou CCME. Comme ils disposent d'un vaste réseau de collaborateurs parmi les fonctionnaires des différentes organisations publiques, le CCME constitue un mécanisme important pour effectuer des travaux conjoints sur des questions environnementales clés. Par l'intermédiaire du CCME, le gouvernement fédéral collabore avec les provinces et territoires à la formulation de recommandations canadiennes sur la qualité des eaux et fournit des conseils scientifiques sur la qualité des sources d'eau. Santé Canada participe à l'élaboration de recommandations pour la qualité de l'eau potable au Canada par l'entremise du Comité fédéral-provincial-territorial sur l'eau potable.
[Traduction]
Sous les auspices du CCME, le problème grave de la pollution de l'eau par les effluents des eaux usées municipales est à l'étude dans le cadre de la nouvelle Stratégie pancanadienne sur la gestion des effluents d'eaux usées municipales, qui est en fait la plus grande source de pollution de l'eau de source au Canada.
Le ministre de l'Environnement a déclaré récemment que le gouvernement du Canada complétera cette stratégie par un règlement en vertu de la Loi sur les pêches pour faire appliquer les nouvelles normes nationales pour le traitement des eaux usées. Par le passé, le gouvernement a pris des mesures pour protéger la qualité de l'eau en prenant des règlements de la Loi sur les pêches sur les effluents des secteurs des pâtes et papiers et des mines de métaux ainsi que pour lutter contre les pesticides en adoptant la Loi sur les produits antiparasitaires. Le gouvernement continuera d'appliquer la LCPE afin d'améliorer la qualité de l'eau dans le cadre du Plan de gestion des produits chimiques.
L'engagement du gouvernement fédéral à assurer une eau propre est clair dans le Plan d'action pour l'assainissement de l'eau, comme en témoignent les annonces conjointes du gouvernement fédéral et des provinces au sujet du fonds de 30 millions de dollars qui servira à l'assainissement du site Randall Reef dans les Grands Lacs, du fonds de 12 millions de dollars qui servira à l'assainissement du lac Simcoe et du fonds de 18 millions qui contribuera à régler les importants problèmes d'algues dans le lac Winnipeg. Par ailleurs, avec son nouveau plan intitulé Chantiers Canada, le gouvernement fournit également de nouvelles ressources pour améliorer les infrastructures d'approvisionnement en eau et de collecte des eaux usées.
Mon collègue, Henry Schultz, a comparu devant vous la semaine dernière et vous a expliqué que la partie II de la Loi sur les ressources en eau est fondée sur les principes de paix, d'ordre et de bons pouvoirs gouvernementaux que la Constitution attribue au gouvernement du Canada pour résoudre les questions urgentes d'intérêt national. Comme je l'ai mentionné précédemment, ces pouvoirs pourraient être utilisés pour protéger les sources d'eau potable.
Le Canada est un gros pays. Des problèmes de qualité de l'eau existent au niveau local et régional. Nous faisons face à des défis d'approvisionnement en eau potable dans les petites collectivités, les localités de moins de 5 000 habitants, et les Premières nations. Le gouvernement prend des mesures de façon prioritaire pour régler la situation dans les communautés des Premières nations. Entre mars 2006 et mars 2007, le nombre de communautés des Premières nations ayant des problèmes importants d'approvisionnement en eau potable a été réduit de moitié. La réalité est que 90 p. 100 des Canadiens ont de l'eau de robinet sécuritaire fourni par un réseau municipal.
Le gouvernement fédéral est déterminé à s'assurer que les mesures qu'il prend et que les mesures prises par les gouvernements provinciaux et territoriaux favorisent la salubrité des sources d'eau potable. Comme nous disposons d'outils puissants grâce à la Loi sur les ressources en eau, à la LCPE et à la Loi sur les pêches, et que les provinces prennent des mesures efficaces, nous croyons que nous avons suffisamment d'outils pour faire face à tout nouveau défi qui est susceptible d'avoir une incidence sur les sources d'eau au Canada.
[Français]
Le sénateur Nolin : Monsieur Martin, vous avez lu le projet de loi S-208. Vous comprenez le propos de ce comité. C'est un peu particulier, comme l'expliquait le président au début de la séance. L'objectif est d'examiner l'objectif du projet de loi, plutôt que d'entreprendre un examen exhaustif du projet de loi avant de l'adopter à l'étape de la deuxième lecture. Comprenez-vous cette nuance? Ce projet de loi ajouterait-il à un corpus législatif déjà existant, vous permettant déjà d'atteindre les mêmes objectifs?
[Traduction]
M. Martin : Nous pensons avoir les pouvoirs nécessaires pour prendre des mesures afin de protéger les sources d'eau. Les pouvoirs conférés par cette mesure législative semblent faire double emploi avec ceux qui existent déjà dans la Loi sur les ressources en eau du Canada.
Le sénateur Nolin : Quand vous dites qu'ils existent déjà, faites-vous référence à la partie II de la Loi sur les ressources en eau du Canada à laquelle l'administration fédérale n'a jamais eu recours?
M. Martin : Oui, cela comprendrait la partie II.
Le sénateur Nolin : Pourquoi ce pouvoir n'a-t-il jamais été appliqué?
M. Martin : Si on jette un coup d'œil aux 37 années d'existence de la loi et à ce qu'on a appris, la tendance montre que la collaboration avec les provinces et les collectivités locales accorde la priorité aux mesures locales pour établir une gestion efficaces des eaux. Le gouvernement fédéral mène un éventail d'activités pour appuyer ces mesures, mais nous n'avons pas trouvé de raison de recourir à ces pouvoirs.
Le sénateur Nolin : Vous réalisez le même objectif par l'entremise de vos partenariats avec les provinces et les collectivités locales. Atteignez-vous ce but sans utiliser les pouvoirs dont nous avons discuté avec vos collègues du ministère de la Justice?
M. Martin : Oui.
Le sénateur Milne : Monsieur Martin, vous dites avoir tous les pouvoirs nécessaires, mais ces pouvoirs n'ont pourtant jamais été utilisés. Quelle sorte d'assurance pouvez-vous nous donner que vous commencerez peut-être à y recourir?
M. Martin : Les pouvoirs sont à la disposition de tous les ministres depuis 1970. Ils n'ont pas eu à les appliquer. Le recours à ces pouvoirs devrait être laissé à la discrétion du ministre, mais on ne nous a pas exposé les circonstances où l'on a dû y faire appel.
Le sénateur Milne : Les ministres n'ont peut-être pas utilisé les pouvoirs parce que le ministère ne leur a pas fait part de la nécessité de le faire.
M. Martin : Je ne pourrais pas répondre pour les 37 dernières années, mais à ma connaissance, ce n'est pas le cas. Je crois que les ministres connaissent leurs pouvoirs. Les circonstances ont fait en sorte qu'ils n'ont pas eu à les utiliser et qu'ils ne l'ont pas fait.
Le sénateur Milne : Monsieur Corey, vous avez dit que 30 principaux aquifères ont été répertoriés, mais que six seulement ont fait l'objet d'une évaluation complète. Je suis certaine que ce sont exactement les mêmes chiffres qu'on nous a fournis en 2005. Qu'est-il arrivé en 2006 et en 2007? Pourquoi rien d'autre n'a-t-il été fait? Votre budget a-t-il été amputé?
M. Corey : Non, le programme a disposé du même niveau de financement. Vingt-deux personnes sont chargées d'effectuer des analyses de l'eau, ce qui engendre des dépenses de trois millions de dollars.
David Boerner, directeur général, Direction du Centre et du Nord du Canada, Commission géologique du Canada, Ressources naturelles Canada : C'est un projet qui comporte plusieurs étapes. Il faut en moyenne trois ans pour procéder à l'évaluation d'un aquifère. Nous en faisons une par année et notre travail porte sur trois simultanément.
Le sénateur Milne : Il en reste donc 24 et d'autres grands aquifères seront probablement découverts en cours de route.
M. Boerner : D'ici 2009, nous aurons terminé l'évaluation de neuf aquifères. Nous en évaluons trois actuellement. Après 2009, il restera à évaluer 21 de ces 30 principaux aquifères.
Le sénateur Milne : Pourquoi nous a-t-on dit que six évaluations avaient été réalisées il y a deux ans?
M. Boerner : On vous avait probablement promis que six évaluations seraient réalisées avant la fin de l'étape. Dans le cadre du programme, environ trois aquifères sont évalués à chaque étape. Nous sommes actuellement à l'étape où nous passons de six à neuf.
Le sénateur Milne : Combien d'évaluations avons-nous presque terminées maintenant?
M. Boerner : Nous en aurons terminé neuf avant la fin de 2009.
M. Corey : Nous pouvons revenir avec un rapport plus détaillé sur les progrès accomplis au cours des six à huit dernières années, si cela peut vous être utile.
Le sénateur Milne : Il serait intéressant de savoir quels aquifères ont été évalués.
Le président : Le sénateur Milne insiste sur ce point, car les gouvernements antérieurs nous ont dit au cours des deux dernières années que ces évaluations seraient toutes terminées et se sont engagés publiquement à le faire. À un certain moment, on avait promis de le faire d'ici 2010. Avec le temps, on s'est ravisé et le projet a été retardé, et on repousse maintenant encore le délai. Si vous pouviez fournir un rapport plus détaillé, nous aurions un document sur lequel nous pourrions nous appuyer.
M. Corey : Nous publions le rapport sur les plans et les priorités que nous déposons pour le Parlement. Vous constaterez que nous avons toujours dit que six évaluations avaient été réalisées et que neuf seraient achevées d'ici 2009. Le plan, c'est de terminer les évaluations détaillées des aquifères d'ici 2030. Nous fournirons au comité plus de détails sur ce qui a été fait ces dernières années.
Le président : A-t-on comparé ce que les gouvernements successifs ont promis qu'ils feraient et ce qui a été fait?
M. Corey : Nous pouvons vérifier ce qui avait été promis au Parlement grâce au rapport sur les plans et les priorités. À ma connaissance, nos objectifs n'ont jamais changé. Il pourrait y avoir de la confusion parce qu'il faut trois ans pour réaliser les évaluations et, parfois, on en terminera quelques-unes une année, puis on y travaillera pendant quelques années. Pendant ce temps, on n'en achèvera aucune, mais notre objectif, c'est d'en terminer neuf d'ici 2009.
Le président : Vous avez répondu tout à l'heure que ce n'est pas seulement les ressources financières qui vous empêchent d'exécuter le travail plus rapidement, mais aussi le nombre de personnes qui ont l'expertise pour le faire. Est-ce exact?
M. Corey : Oui, des fonds additionnels peuvent accélérer le processus, mais l'expertise fait défaut. Nous effectuons beaucoup de travail en partenariat pour tirer parti de ce que font les provinces et le secteur privé afin d'étirer le budget.
Le sénateur Milne : Comment avez-vous déterminé que ces 30 aquifères sont les principaux? Je suis persuadée qu'il y en a plusieurs centaines.
M. Boerner : Il y a des centaines d'aquifères. En 2000-2001, des représentants du fédéral, des provinces et des territoires se sont réunis et, à partir des données connues, ont déterminé quels aquifères revêtent le plus d'importance pour les Canadiens pour la consommation humaine, l'industrie et l'agriculture. Nous pouvons vous fournir un rapport sommaire comportant la liste des 30 principaux aquifères.
Cette position est en train de changer à l'heure actuelle, car le rapport a sept ans. Certains ajouteraient des aquifères, tandis que d'autres se demanderaient si ce sont les bons. Nous sommes toujours dans la bonne voie parce que nous établissons constamment des partenariats où nous réitérons ces décisions avant de passer à la prochaine étape.
Le sénateur Milne : Il est à espérer qu'un autre groupe d'aquifères sera ajouté pour poursuivre le processus après 2030, longtemps après mon départ; et je signale qu'ils ne sont toujours pas cartographiés.
M. Boerner : C'est un travail colossal. La vallée de l'Okanagan compte 76 aquifères répertoriés. Il est difficile de déterminer comment ils sont interreliés et comment ils se distinguent. Nous en savons peu sur certains des aquifères. Nous corrigeons le tir au fur et à mesure et selon ce que nous apprenons. Nous essayons d'adapter nos plans à partir de ce que nous avons appris. Toutefois, je vous remettrai certainement le rapport. Nous pouvons vous fournir une liste de tous les aquifères, du travail qui a été fait et de ce qui a été achevé. Nous avons pratiquement réalisé une évaluation par année depuis que nous avons commencé.
Le sénateur Kenny : Je m'interroge sur les paramètres. Comment détermine-t-on qu'un aquifère nécessite qu'on y prête attention? Comment savez-vous si un aquifère a maintenu ses caractéristiques?
M. Boerner : C'est une question très intéressante à laquelle je pourrais répondre longuement. Si on sait que des aquifères existent, c'est parce que les gens les exploitent.
Le sénateur Kenny : Non, je m'intéresse aux critères.
M. Boerner : Comme je l'ai dit, l'établissement des priorités implique des discussions multipartites à propos de l'exploitation des aquifères et de son incidence dans la société d'aujourd'hui. Il y a différents critères à appliquer selon les endroits. Par exemple, dans les Grands Lacs, en raison de la croissance de la population, il y a évidemment beaucoup de pressions, et la demande est très forte en ce qui a trait aux nouvelles installations. Certains aquifères que nous ne considérions pas nécessairement essentiels sont devenus les principales sources d'eau pour les nouvelles constructions.
Vous avez probablement entendu parler de l'étude qui a été menée il y a quelques années sur la moraine d'Oak Ridges. Avec son expansion, la région du Grand Toronto allait empiéter sur cette moraine, qui alimente en eau souterraine les collectivités environnantes. Les travaux d'aménagement auraient empêché le réapprovisionnement et possiblement perturbé l'écosystème, et ce sont tous les habitants du secteur qui en auraient subi les conséquences.
On se fonde sur certains critères pour déterminer s'il s'agit d'un aquifère essentiel. A-t-il une incidence sur l'agriculture ou sur l'approvisionnement en eau potable et limitera-t-il l'industrie de façon considérable?
Le sénateur Kenny : Il y a des milliers de personnes qui nous écoutent en ce moment. Certains peuvent savoir ce qu'est un aquifère et d'autres pas. Je pense qu'il pourrait être utile de décrire comment vous prenez ce genre de décisions. Je suppose qu'il y a une série de tests que vous devez faire pour déterminer en quoi cela touche l'approvisionnement en eau potable et l'agriculture.
M. Boerner : Au fond, un aquifère est une formation constituée de roches poreuses. On peut le définir de différentes façons. Certains pensent qu'il s'agit d'un lac souterrain, ce qui n'est pas du tout le cas; cela ressemble davantage à une éponge qui maintient l'eau en place. Un aquifère peut produire des quantités utiles d'eau lorsqu'elles sont captées par un puits. Une grande partie de l'eau souterraine ne se déplace pas beaucoup. On peut identifier un aquifère par la possibilité d'en extraire de l'eau de façon constante.
Le problème, c'est qu'il s'agit d'une formation souterraine; on ne connaît pas nécessairement la quantité d'eau qu'on peut extraire ni les répercussions que cela peut avoir. Si l'aquifère est assez vaste, vous pouvez y puiser de l'eau longtemps sans vous rendre compte des impacts. On voit cela aux États-Unis, par exemple. L'aquifère d'Ogallala, qui est le plus gros réservoir des plaines centrales, a fourni une quantité d'eau phénoménale.
John H. Carey, sous-ministre adjoint par intér, Direction générale des sciences et de la technologie, Environnement Canada : Je pense que son niveau d'eau a diminué de 60 pieds, ce qui est énorme étant donné la taille globale de cet aquifère.
Je pourrais peut-être ajouter quelques remarques qui pourraient vous intéresser. Dans certains cas, l'eau est simplement maintenue entre des couches souterraines, appelées « aquifères confinés ». Comme pour les mines, quand on exploite ces aquifères, l'eau ne revient pas d'elle-même.
Dans d'autres cas, l'aquifère n'est pas confiné. Lorsqu'il est question de ces aquifères, nous avons un concept appelé « recharge », qui se produit annuellement, pendant la fonte des neiges, quand l'eau pénètre dans le sol. Il est donc important de connaître leur taux de recharge parce que ces aquifères peuvent être exploités de façon durable, pourvu que leur exploitation demeure inférieure à ce taux.
Lorsqu'on caractérise un aquifère, on veut savoir dans quelle mesure il est fiable et à quelles fins il peut être utilisé. On veut également connaître le taux de recharge possible, de même que les pressions relatives au développement. De toute évidence, si on recouvre une zone de recharge, on empêche le réapprovisionnement en eau souterraine; cela soulève donc des questions de développement. Dans la moraine d'Oak Ridges, on s'inquiétait, entre autres, des répercussions qu'aurait le développement urbain sur le réapprovisionnement de cet important aquifère. Ce sont des éléments qu'il faut prendre en considération.
Dans les années 1990, avant l'atelier, six provinces ont rédigé des rapports, qui sont disponibles à Environnement Canada. Les rapports faisaient état de l'utilisation des eaux souterraines et de nos connaissances à ce sujet. Les provinces ont pris part à ce processus afin de déterminer les principaux aquifères pendant l'atelier.
Une autre caractéristique importante de certains aquifères, c'est qu'ils forment le débit de base pour nos eaux de surface, au milieu de l'été, lorsqu'il n'y a pas de ruissellement. S'il s'agit d'une considération de premier plan, le maintien de nos besoins en débit affluent et la préservation de notre écosystème aquatique sont d'autres éléments qui relèvent de la gestion des aquifères. Cela peut aussi permettre de déterminer qu'un aquifère est essentiel; si une importante quantité d'eaux de surface en dépend, cette dépendance pourrait être menacée par son exploitation.
Le sénateur Spivak : Monsieur Corey, vous avez abordé certaines des questions que j'avais au sujet du taux de recharge. Le renouvellement, c'est vraiment ce qui importe le plus. Avez-vous étudié ces six aquifères afin de connaître le taux de recharge dont ils avaient besoin et d'en savoir plus au sujet de leur interaction avec les eaux de surface? En outre, parmi ces aquifères, y en a-t-il un qui est situé à Fort McMurray, près des sables bitumineux?
M. Boerner : Nous comprenons la dynamique des aquifères sur lesquels nous nous sommes penchés. Nous essayons d'avoir une idée de la façon dont se produit le réapprovisionnement. C'est toujours une question difficile étant donné que même l'écoulement de surface qui l'alimente varie d'une année à l'autre. Il faut en quelque sorte mener une étude à long terme pour comprendre l'évolution; mais nous connaissons la dynamique et la taille des aquifères que nous avons étudiés. Il n'y a pas de travail qui a été fait dans le Nord de l'Alberta au chapitre des aquifères pour l'atelier de 2001.
Le sénateur Spivak : C'est intéressant. Malgré le fait que vous ayez mentionné la collaboration et le manque d'expertise, si vous disposiez de 100 millions de dollars, embaucheriez-vous davantage de personnel?
M. Corey : Chose certaine, nous serions bien plus efficaces; cela va de soi. Nous pourrions avoir un programme beaucoup plus vaste.
Cependant, il arrive qu'il faille se débrouiller avec les moyens du bord. Nous accomplissons beaucoup d'autres choses qui ont une incidence directe sur la sécurité publique, par exemple; c'est pourquoi nous faisons toujours ces choix. Nous gérons le réseau sismologique du Canada, ce qui nous permettra, en grande partie, de prendre des mesures en cas de séisme majeur en Colombie-Britannique. Nous menons des travaux en télédétection; nous faisons beaucoup de modélisation des crues au Manitoba. Nous faisons toujours ces choix.
Le sénateur Spivak : Étant donné que l'eau sera le pétrole du XXIe siècle, ne serait-il pas souhaitable que votre ministère embauche plus de personnel?
M. Corey : Je ne connais pas beaucoup de fonctionnaires qui ne souhaitent pas avoir plus de ressources. Nous devons toutefois composer avec les réalités des budgets.
M. Carey : Outre l'argent, il y a aussi le temps qui entre en ligne de compte. Si vous examinez les variations saisonnières du renouvellement d'un aquifère, vous devez laisser passer plusieurs saisons pour vous assurer d'avoir fait des prévisions exactes. Il y a une blague que je me plais bien à raconter : on ne peut pas concevoir un bébé en trois mois en attelant trois femmes à la tâche. On doit laisser le temps faire les choses.
Le président : N'empêche que vous pourriez concevoir trois bébés en neuf mois.
M. Carey : Effectivement.
Le sénateur Spivak : Monsieur Martin, vous avez indiqué que la Partie III était utilisée pour limiter la quantité de phosphates dans le détergent à lessive. Dans ma province, au Manitoba, les gens sont impatients de voir le gouvernement fédéral intervenir à ce niveau, notamment en réduisant les phosphates dans les détergents à lave- vaisselle. Je sais qu'ils sont à court de patience et qu'ils ont déposé des mesures législatives, que je n'ai pas eu la chance d'examiner. Quelles mesures le gouvernement fédéral compte-t-il prendre pour réduire la quantité de phosphates dans les détergents? C'est une question claire.
M. Martin : Je sais que M. Carey est impatient de répondre à cette question, mais j'aimerais d'abord préciser que nous avons voulu savoir, entre autres, dans quelle mesure les détergents étaient responsables du problème. Nous croyons qu'ils ne représentent qu'un mince 1 p. 100.
M. Carey : De toute évidence, cela dépend du bassin hydrologique. Dans certaines régions géographiques du pays, comme le Bouclier canadien, il n'y a pas beaucoup d'activités agricoles ou d'eaux usées en provenance des municipalités, mais il y a des chalets, par exemple, qui peuvent être à l'origine de la concentration élevée de phosphate dans certains lacs du Bouclier. On doit appliquer un règlement à ce chapitre. Par ailleurs, nous pourrions prendre d'autres mesures, notamment sensibiliser les gens et mener des campagnes de type « Protégez votre lac », ce qui encouragerait les gens à acheter des produits qui ne contiennent pas de phosphates.
Le sénateur Spivak : J'en ai cherché, mais je n'en n'ai pas trouvé.
M. Carey : Il en existe quelques-uns, mais en fait, on m'a dit qu'ils n'étaient pas très efficaces.
Quand nous regardons les principales sources des problèmes liés au phosphore à Winnipeg, l'agriculture arrive en tête, suivie des eaux usées des municipalités. Si nous voulons vraiment régler le problème, nous ne devons pas nous attarder sur le 1 p. 100, mais plutôt nous attaquer aux principales sources, et c'est ce que nous faisons. En partenariat avec Agriculture et Agroalimentaire Canada, nous sommes à élaborer les meilleures pratiques de gestion dont M. Martin a parlé plus tôt, et nous encourageons leur mise en œuvre par le biais de programmes de gérance agro- environnementale. C'est l'une des choses à laquelle nous nous employons relativement aux sources agricoles, et nous en faisons notre priorité pour les années à venir. Nous y travaillerons dans le cadre de l'initiative du lac Winnipeg pour laquelle un financement a récemment été annoncé. Le bassin hydrologique du lac des Bois, un sous-élément du bassin du lac Winnipeg, est également visé.
Le sénateur Spivak : J'allais enchaîner avec le fumier, mais j'espère que quelqu'un le fera.
Le président : Nous allons l'inscrire sur la deuxième liste.
Le sénateur Trenholme Counsell : Messieurs, je vous remercie d'être ici aujourd'hui. Tâchons d'être clairs quant aux secteurs de compétence fédérale et provinciale. J'aimerais voir un graphique qui démontre où le gouvernement fédéral a une responsabilité directe. J'ai entendu des mots tels que « modélisation », « encourager » et « partenariats », mais j'ai aussi remarqué que vous aviez la possibilité d'agir à certains endroits, en cas de situation d'urgence nationale.
À la page 4, j'ai lu que Santé Canada était concernée dans les lignes directrices. Étant moi-même un professionnel de la santé, je serais curieux d'en savoir davantage à propos de votre relation avec Santé Canada.
Il me semble que la Loi sur les ressources en eau du Canada s'applique aux arrangements conclus entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux, tout comme le projet de loi S-208. Qu'en est-il des Premières nations? Soit dit en passant, un passage de votre déclaration m'a fait dresser le poil sur les bras, quand vous dites éprouver « certains problèmes » concernant la qualité de l'eau potable dans les petites collectivités et les communautés des Premières nations. Il me semble que c'est vraiment honteux, pour un pays comme le nôtre, de voir que, depuis un ou deux ans, les Premières nations n'ont même pas accès à de l'eau potable salubre. Je dirais que la situation est beaucoup plus grave que « certains problèmes ».
Est-ce que je me trompe quand je dis qu'aucune de ces mesures législatives ne s'applique directement aux communautés des Premières nations? Celles-ci ne sont nullement mentionnées dans le préambule. Si je ne m'abuse, le préambule du projet de loi S-208, ou du moins, la Loi sur les ressources en eau du Canada, précise que cette compétence législative est partagée par les gouvernements fédéral et provinciaux.
M. Martin : Tout d'abord, j'admets avoir un peu réduit l'importance de la situation.
Le sénateur Trenholme Counsell : Le « certains » était un peu inapproprié.
M. Martin : Nous ne cherchons pas à minimiser le problème; cela relève de la responsabilité fédérale.
Le sénateur Trenholme Counsell : Cela est-il assujetti à la Loi sur les ressources en eau du Canada?
M. Martin : C'est le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien qui en est responsable.
Le président : En effet, les terres des Premières nations sont des terres fédérales.
M. Martin : Absolument.
Le président : C'est une brève réponse à la question. Le gouvernement fédéral est responsable de ce qui se passe sur ses terres.
Le sénateur Trenholme Counsell : Mais pas en vertu de la Loi sur les ressources en eau du Canada, qui ne vise pas les communautés des Premières nations.
M. Martin : Je dirais que nous n'avons pas besoin d'avoir recours à ces pouvoirs pour régler des problèmes qui surviennent sur des terres fédérales.
Le président : Cependant, la loi vous permettrait de le faire, n'est-ce pas?
M. Martin : La loi est axée sur les bassins hydrologiques, et je suppose que nous pourrions clarifier cela et demander un avis juridique pour savoir si on peut invoquer la Loi sur les ressources en eau du Canada, mais normalement, nous ne comptons pas là-dessus pour pouvoir remédier au problème d'eau potable sur les terres des Premières nations.
Le président : Dans ce projet de loi, il n'est pas question de ce qui sort d'un tuyau d'alimentation en eau d'une municipalité ou d'une communauté des Premières nations. Il est question des bassins hydrologiques, et il n'y a aucune terre des Premières nations qui ne fait pas partie d'un bassin hydrologique.
Le sénateur Trenholme Counsell : Le projet de loi S-208 fait seulement mention des organismes fédéraux et provinciaux. Est-ce intentionnel, ou s'agit-il d'une omission?
Le président : Le sénateur Grafstein est absent, mais je crois que c'est implicite, car mises à part deux exceptions, les terres des Premières nations sont des terres fédérales, et on ne dit pas le contraire.
Le sénateur Trenholme Counsell : Les territoires en général ne sont pas visés par ces projets de loi, n'est-ce pas?
Le président : Absolument pas, parce que les territoires sont encore des terres fédérales.
Le sénateur Adams : Pas le Nunavut.
Le président : C'est une autre paire de manches.
Le sénateur Trenholme Counsell : Pouvez-vous citer des exemples où le gouvernement fédéral a une responsabilité directe en ce qui a trait à la gestion des eaux ou des bassins hydrologiques, lorsqu'il s'agit de prendre en main une situation d'urgence nationale?
M. Carey : Les eaux fédérales sont définies dans la loi. Les eaux limitrophes sont différentes de celles dont la compétence est partagée; soit dit en passant, les eaux transfrontalières sont les Grands Lacs et le lac des Bois.
Le sénateur Trenholme Counsell : Et les océans?
M. Carey : Non. La rivière Rouge fait certainement partie des eaux fédérales, de même que la rivière Sainte-Croix, qui limite le Nouveau-Brunswick. Il y a des eaux fédérales définies dans la loi, mais cela ne vise pas les tributaires. Les Grands Lacs sont des eaux fédérales, mais la loi exclut les affluents dans les Grands Lacs, qui font partie des eaux provinciales. Étant donné que les provinces ont une grande part de responsabilité, la loi établit un cadre de collaboration pour la gestion des bassins hydrologiques. Toutefois, les parcs nationaux, les bases militaires et les réserves indiennes, entre autres, sont des zones où le gouvernement fédéral veille à la gestion des ressources hydriques. Comme vous l'avez souligné, ils forment tous les bassins hydrologiques. C'est un peu complexe.
Par exemple, l'Ontario a maintenant une loi sur l'assainissement des eaux. Cette province a formé 27 conseils de protection des eaux de source, et tout comme nous, ceux-ci se posent la question suivante : étant donné que le gouvernement fédéral possède des terres à l'intérieur des bassins hydrologiques, comment celui-ci interagira-t-il avec les conseils provinciaux en ce qui a trait à la protection des eaux de source? Nous ne sommes pas certains.
Le sénateur Trenholme Counsell : De façon générale, est-ce que la plus grande partie des responsabilités revient aux provinces?
M. Carey : Pour ce qui est de la gestion des ressources en eau, oui.
Le sénateur Trenholme Counsell : Ce projet de loi concerne les bassins hydrologiques.
M. Carey : Je dirais que oui. Le gouvernement fédéral est impliqué lorsqu'il s'agit des eaux fédérales, telles que définies, ou lorsque c'est une question qui concerne les divers ordres de gouvernement. Par exemple, le fleuve Mackenzie, comme on l'a déjà dit, traverse les provinces et les territoires, et sa gestion est assurée par un organisme. Conformément à la loi, le gouvernement fédéral a donc créé le Comité du bassin du fleuve Mackenzie à cet effet.
Le sénateur Trenholme Counsell : Ce serait utile de savoir ce qui relève du gouvernement fédéral et ce qui relève des provinces et des Premières nations, mais je crois que nous nous faisons une idée.
Le président : Est-il juste de dire que l'une des choses qui différencie la Loi sur les ressources en eau du Canada du projet de loi S-208, c'est que la loi stipule que le gouvernement fédéral, les ministres, « peuvent » conclure un arrangement en vue de mettre sur pied des organismes de surveillance conjoints avec les provinces alors que le projet de loi ne leur laisse pas le choix et exige qu'ils le fassent? Est-ce exact, selon vous?
M. Carey : C'est effectivement une différence.
Le sénateur Trenholme Counsell : Y a-t-il une coopération étroite avec Santé Canada à ce sujet? Quelle est l'importance de l'interaction? À la page 5, il est écrit que Santé Canada participe à l'élaboration de recommandations pour la qualité de l'eau potable au Canada par l'entremise du Comité fédéral-provincial-territorial sur l'eau potable. À votre avis, cette participation, cette collaboration, est-elle importante ou secondaire?
M. Carey : Nous ne collaborons pas directement à l'élaboration des Recommandations pour la qualité de l'eau potable au Canada. Nous sommes bien sûr au courant de ces recommandations et nous participons aux travaux des comités du CCME, où elles font l'objet de discussions, mais c'est Santé Canada qui les élabore avec les provinces. Ces recommandations portent sur l'eau traitée, et non sur la qualité des sources d'approvisionnement en eau.
Le sénateur Trenholme Counsell : Je vois la différence.
M. Carey : Dans le cadre du CCME, nous disposons des Recommandations canadiennes pour la qualité de l'environnement, lesquelles portent sur l'eau provenant des bassins hydrographiques. Pour l'instant, elles visent surtout à protéger la vie aquatique, mais elles ont aussi d'autres portées.
Au cours des deux dernières années, nous avons discuté avec Santé Canada de la possibilité de mettre au point des recommandations pour la qualité des sources d'approvisionnement en eau au Canada, mais il n'y a pas eu beaucoup de progrès à ce sujet.
Actuellement, nous essayons encore de déterminer comment définir ces recommandations et sur quoi les fonder. Nous ne disposons pas encore des fondements scientifiques qui nous permettraient de les préciser, mais nous avons pensé à la possibilité de les intégrer aux ICDE, les Indicateurs canadiens de durabilité de l'environnement, que nous utilisons pour produire nos rapports annuels sur la qualité de l'eau.
Le sénateur Trenholme Counsell : J'ai remarqué que votre document fait mention de la Loi sur les ressources en eau du Canada de 1970 et de la Politique fédérale relative aux eaux de 1987. Il doit y avoir beaucoup de règlements qui découlent de la Loi sur les ressources en eau du Canada. À quelle fréquence ces règlements sont-ils mis à jour? À quand remonte leur dernière mise à jour?
M. Martin : Je pense qu'il n'y a pas beaucoup de règlements qui découlent de la Loi sur les ressources en eau du Canada.
Le président : Devrait-il y en avoir?
M. Martin : Depuis 1988, les règlements que nous avons élaborés pour protéger la qualité des ressources en eau ont été pris en vertu de la LCPE. Comme je l'ai mentionné, cette année-là, nous avons transféré les pouvoirs conférés par la partie III de la Loi sur les ressources en eau du Canada dans la LCPE. Donc, depuis 1988, nous avons produit une série de règlements dans ce domaine, mais ces derniers découlent de la LCPE.
Le sénateur Brown : J'ai un ami de longue date qui possède une entreprise aux États-Unis, Groundwater Service and Supply. Je pense qu'il brasse des affaires dans six États actuellement. Il est en train de transférer son entreprise à son fils.
Il m'a déjà parlé d'une activité assez amusante, la sourcellerie à la baguette. Certaines personnes y croient dur comme fer alors que d'autres pensent qu'il s'agit d'une supercherie. Il m'a dit que partout en Alberta, on peut forer et trouver de l'eau et que ce qui fait la différence, c'est le volume d'eau, la qualité de l'eau et la profondeur de l'aquifère. Est-ce vrai ou faux?
M. Boerner : Je dirais que c'est exact. Il y a énormément d'eau souterraine, mais ces trois facteurs sont importants.
Le sénateur Brown : Si c'est le cas en Alberta, ça l'est probablement aussi dans beaucoup d'autres provinces. Nous disposons de milliers d'aquifères. Encore une fois, tout dépend de la taille de l'aquifère, du volume d'eau qu'il contient et de la qualité de cette eau, qui varie en fonction du type de produits chimiques qu'on y retrouve. Par exemple, à la maison, l'eau de mon puits contient tellement de sulfates que si nous la buvions sans qu'elle soit traitée par un système de filtration à osmose inverse, notre tension artérielle augmenterait très rapidement. Il en est ainsi partout dans les régions rurales de l'Alberta. Je sais qu'on a toutes sortes de problèmes avec l'eau potable.
J'aimerais bien penser comme vous. Je crois que vous avez fait un travail fantastique au fil des ans. Je constate qu'il n'y a pas eu de problème majeur, sauf à Walkerton, où s'est produit le pire incident depuis quatre ans. Les responsables de la tragédie, ce n'était pas vous, mais plutôt ceux qui devaient traiter l'eau.
Trouvez-vous qu'il est vraiment pertinent d'adopter un autre texte de loi? Vous avez semblé dire que la loi actuelle est suffisante, qu'elle vous permet d'agir quand vous devez le faire. Est-ce exact?
M. Martin : C'est exact.
Le sénateur Mitchell : Il est intéressant de voir que les choses progressent, mais avec quelle rapidité doivent-elles progresser, là est la question. Si, comme le dit l'adage, tout ce qui mérite d'être fait mérite d'être bien fait, on pourrait dire que ce qui mérite d'être fait doit être fait avant 2030.
Que se passera-t-il si les choses ne progressent pas rapidement, surtout si l'on sait que la recharge est un problème, bien sûr, qui s'aggrave en raison des changements climatiques? Ce qui ne semble pas un gros problème aujourd'hui pourrait le devenir dans cinq ou dix ans. Et c'est même peut-être déjà le cas actuellement.
Ne devrions-nous pas accélérer la cadence? Dans un monde idéal, et si nous disposions des ressources et de l'expertise voulues, avec quelle rapidité aimeriez-vous accomplir la tâche avant que des problèmes apparaissent?
M. Corey : En tant que fonctionnaires chargés de comprendre les aquifères, nous aimerions évidemment couvrir tout le pays d'ici un an. Ce serait merveilleux de pouvoir y arriver. Nous convenons que c'est une tâche importante.
Nous avons sélectionné les 30 plus grands et plus importants aquifères, selon nous. Nous aurions pu fixer un objectif plus modeste, par exemple nous en tenir aux dix plus importants aquifères et les évaluer en trois ou quatre ans; nous pourrions alors dire que nous allons y arriver. Cependant, nous croyons qu'il s'agit d'un projet de recherche à long terme et c'est pour cette raison que nous en avons sélectionnés 30. Si nous avions plus d'argent, bien sûr, et cela s'applique à tous les programmes publics, nous irions plus rapidement. De plus, si nous avions plus d'expertise dans le domaine, il nous faudrait moins de temps pour accomplir le travail. Nous aimerions bien que tout cela soit possible.
Le sénateur Mitchell : J'essaie de me faire une idée de l'urgence du travail. Si vous ne parvenez pas à évaluer certains de ces aquifères, quels sont les risques possibles? Monsieur Corey, vous me donnez l'impression que vous aimeriez bien le faire, que ce serait une bonne chose et que ces travaux de recherche sont nécessaire, mais qu'on peut tout de même attendre jusqu'en 2030, si nécessaire.
Autrement dit, si ces travaux sont si peu importants et si peu urgents, pourquoi les faire? Je veux savoir ce qui peut arriver si vous ne parvenez pas à tout faire dans un laps de temps donné, compte tenu des changements climatiques, de la sécheresse en Alberta et du fait qu'un aquifère de l'Alberta a déjà été étudié au complet et de manière adéquate. Voilà ce que je veux savoir.
M. Corey : Je ne veux pas donner l'impression que ce n'est pas urgent ou que ce n'est pas une priorité. Ça l'est, tout à fait.
Le sénateur Mitchell : Vous n'avez pas besoin de vous battre pour un budget rigoureux. Ce n'est pas à vous de défendre cela. C'est bien pour vous de le faire, mais je veux savoir quels sont vos besoins et avec quelle rapidité il faut accomplir les travaux afin que nous ne commettions pas d'erreurs.
M. Corey : Pour présenter ce que nous faisons, et c'est ce que j'essaie de faire, je dois parler des fonds dont nous disposons et de ce que nous pouvons accomplir avec cet argent.
Je dois parler de l'établissement des priorités. Nous tenons compte de la gestion des risques dans presque tout ce que nous faisons. Comme je l'ai dit, nous ne nous intéressons pas seulement à l'eau souterraine. Nous examinons toute une gamme de questions portant sur la sécurité publique et la santé, notamment. Nous devons gérer les risques et, pour cela, nous devons établir une liste de priorités pour déterminer ce qui doit être fait en premier, et cette liste peut changer.
Je vais laisser M. Boerner donner plus de détails au sujet de l'établissement des priorités. Si des changements surviennent, ce qui se produit de temps en temps, nous devons alors souvent réévaluer nos priorités et peut-être modifier l'ordre dans lequel nous allons examiner les aquifères.
M. Boerner : L'établissement des priorités est une autre question difficile.
M. Corey : Nous sommes heureux de constater que le programme reçoit un appui. Nous vous en remercions. C'est très encourageant.
M. Boerner : Les risques auxquels nous sommes exposés dépendent de la mesure dans laquelle nous pouvons gérer adéquatement la ressource. C'est comme si nous avions un lac dont le niveau baisse à chaque année. Le problème devient évident et rend les gens inquiets, alors des mesures sont prises. Comme M. Carey l'a dit, le plus grand aquifère du continent a vu son niveau diminuer de 60 pieds et on commence à réaliser que nous allons peut-être trop loin.
Dans l'ensemble, le Canada possède des ressources en eau de qualité. Les pressions qu'elles subissent ne sont pas énormes, mais localisées et causées par certains problèmes; nous devons déterminer comment gérer les ressources. C'est une partie du travail, l'établissement des priorités. Nous essayons de choisir les endroits qui subissent une pression grandissante afin de nous assurer qu'il y aura de l'information et que les gens pourront l'utiliser. On ne peut tout faire en même temps. C'est ainsi que les choses se déroulent.
M. Carey : Il y a un autre risque, soit celui de simplifier à outrance les questions sur lesquelles nous nous penchons. Je dis cela parce qu'il existe un vaste programme de surveillance de l'eau souterraine en Alberta. Actuellement, il y a tout un débat parce que ceux qui ont analysé les relevés dans le cadre de ce programme et qui ont comparé les niveaux d'eau avec l'utilisation n'ont pas trouvé le signal auquel ils s'attendaient. En fait, certains scientifiques concluent que les données sur l'eau souterraine en Alberta sont davantage en corrélation avec l'oscillation décennale Pacifique, une fluctuation climatique qui obéit à des cycles de dix ans. Elles sont davantage liées à ce phénomène qu'aux taux d'utilisation actuels. Si c'est le cas, alors une étude de courte durée, même de deux ans, pourrait nous amener à conclure que la situation est insoutenable alors que le phénomène s'explique par ce qui se passe dans l'océan Pacifique selon un cycle de dix ans.
Le sénateur Mitchell : Il serait bon d'avoir l'heure juste dans les meilleurs délais.
Je vous parie que nous en savons beaucoup plus sur les nappes de pétrole que sur les nappes aquifères. Pour faire suite aux propos du sénateur Spivak, je dirais que l'eau sera éventuellement aussi précieuse et aussi rare que le pétrole, si ce n'est pas déjà le cas, et que ce sera le pétrole du futur, comme on dit.
Je crois que toute cette question est urgente et j'aimerais mieux savoir ce qu'il en est le plus tôt possible, car une erreur aurait des conséquences énormes.
Le sénateur Spivak : Êtes-vous moins optimistes pour l'Alberta en raison du niveau des rivières qui a diminué de 40 p. 100, selon M. Schindler?
M. Carey : Puis-je répondre à cette question? En Alberta, il faut faire la différence entre les rivières qui s'écoulent vers l'est à partir des Rocheuses et celles qui s'écoulent vers le nord. Il est évident qu'à la fin de l'été, le niveau des rivières qui s'écoulent vers l'est se situe bien au-dessous des niveaux historiques, mais lorsque l'on tient compte du débit total, on constate que le niveau n'a pas changé autant qu'on le croirait. Cela s'explique par le fait que la neige fond plus tôt; c'est à la fin de l'été que le ruissellement est le plus important et que le niveau de l'eau est le moins élevé. Je pense que ce phénomène nous amènera à réalimenter les aquifères et à en créer qui sont artificiels afin de faire des réserves d'eau. Si le problème n'est pas la quantité d'eau totale, mais la saison pendant laquelle elle est disponible et la période où nous en avons besoin, la tendance sera de former des aquifères artificiels.
J'ai lu par hasard aujourd'hui que le Sud-Est des États-Unis était aux prises avec une grave sécheresse, comme vous le savez probablement tous, et que la ville de Greenville, en Caroline du Nord, avait décidé d'investir des millions de dollars dans un réservoir aquifère artificiel. La municipalité stockera l'eau potable traitée dans le sol durant l'hiver et la puisera en été. Il se peut qu'à l'avenir, nous voyions ce genre d'initiatives au Canada dans des provinces comme l'Alberta.
Le président : Monsieur Carey, pour en revenir un peu à ce que vous disiez, s'agit-il d'une filtration dans le sol depuis l'océan?
M. Carey : Non, c'est lié aux précipitations et accumulations de neige à long terme.
Le président : À ce propos, vous avez déclaré qu'une étude à court terme pouvait donner des résultats complètement faux. N'avons-nous pas besoin d'études longitudinales continues à long terme sur toutes les questions concernant à la fois les eaux souterraines et les eaux de surface? S'il y a un problème — et je ne suis pas sûr que ce soit le cas — et que nous en ignorons la nature, il n'y aura aucun moyen de le résoudre.
M. Carey : C'est vrai, et sans connaître les tenants et les aboutissants, ce sera difficile de gérer un réservoir aquifère, particulièrement si nous ne connaissons pas vraiment les facteurs qui permettent de contrôler combien d'eau sera disponible à long terme, c'est-à-dire ce qui est véritablement renouvelable ou pas.
Le président : Monsieur Boerner, est-ce que nous surveillons le niveau des réservoirs à un moment donné et puis nous cessons de nous en préoccuper, ou bien est-ce que nous revenons le mesurer chaque deux ou trois ans pour voir s'il est surutilisé ou suralimenté? Avons-nous des données à long terme?
M. Boerner : C'est une excellente question qui a un lien avec le commentaire formulé par le sénateur Trenholme Counsell. Il nous faut avoir une connaissance de premier ordre de tous ces éléments et de la façon dont les niveaux d'eau évoluent. C'est la première chose à faire pour essayer de gérer et de contrôler la ressource. Nous sommes conscients qu'il faut surveiller ces facteurs pour suivre leur évolution dans le temps.
Les Américains entament leur deuxième phase de recensement de l'eau. Ils ont déjà fait un recensement en 1995 et se lancent dans la deuxième phase pour essayer de comprendre les effets des changements climatiques et du développement depuis cette date. Avons-nous observé sur une grande échelle des changements que nous n'avions pas envisagés sur de petites échelles?
C'est un peu la limite entre le contrôle et la gestion de la ressource qui constitue davantage le volet provincial de l'équation. Pour notre part, nous essayons d'avoir une vision globale, au-delà des frontières, pour l'ensemble du pays, de la façon dont les éléments interagissent. Nous devons nous assurer que tout cela s'accorde. Le défi, pour l'avenir, c'est de continuer à surveiller l'évolution de la situation et de s'adapter en conséquence.
M. Carey : Ce que M. Boerner vient de décrire est conforme à la Politique fédérale sur l'eau de 1987 qui établissait le leadership scientifique comme l'un des rôles du fédéral pour appuyer les provinces dans leur gestion de l'eau. Examinons maintenant la situation au Manitoba. Sur des sites web manitobains concernant la gestion des ressources hydriques, il y a des comités et des offices qui s'occupent des réservoirs aquifères. Ceux-ci ont défini quelques-uns de leurs réservoirs et créé des comités chargés de faire rapport sur le réapprovisionnement réel annuel, ce qui leur donne des informations sur les quantités qu'ils peuvent utiliser et leur permet donc de gérer cette ressource durablement.
Le rôle du gouvernement fédéral dans ce cas-ci consiste à fournir des renseignements et des données scientifiques qui aideront les provinces à assurer la gestion de l'eau, ce qui est conforme à la Loi sur les ressources en eau du Canada.
Le sénateur Sibbeston : Le sénateur Grafstein est préoccupé par la question de l'eau potable et estime que les gouvernements de notre pays n'en font pas assez. Il a proposé une approche, décrite dans la loi comme étant la création d'une agence investie du pouvoir de désigner et de protéger les bassins hydrologiques du Canada, pour continuer à avoir de l'eau potable dans l'avenir.
J'ai entendu des fonctionnaires dire que la loi actuelle le permet. Étant donné que l'eau commence à devenir un sérieux problème dans ce pays, les ministères ne pourraient-ils pas faire ce que demande le sénateur, c'est-à-dire donner la preuve que vous maîtrisez la situation, que vous avez un contrôle là-dessus et que les Canadiens peuvent avoir l'assurance et la sécurité qu'ils auront de l'eau potable de bonne qualité dans l'avenir?
Ce projet de loi est né des craintes de quelqu'un qui a examiné la question et considère que notre gouvernement et les ministères n'en font pas assez pour garantir que nous aurons une eau potable de qualité dans le futur.
Puisque vous dites que les lois actuelles permettent de faire tout cela, pourquoi ne donneriez-vous pas satisfaction au public en montrant que vous contrôlez la situation, que vous surveillez tous les bassins hydrologiques et que vous avez une bonne idée de la situation actuelle? Tout ceci afin de dissiper les craintes et de donner aux Canadiens la confiance que vous faites du bon travail en matière de gestion des ressources hydriques.
M. Martin : Nous aimerions transmettre ce sentiment aux Canadiens.
Une des façons d'aborder la question est de définir les principaux enjeux. Il est clair qu'avoir une eau de source de qualité est important. Le gouvernement fédéral évalue continuellement la situation. Nous avons constamment des discussions au sujet des défis stratégiques et, comme je le disais précédemment, nous croyons que les choses vont bien. Toutefois, certains pensent qu'il conviendrait de se pencher sur les difficultés éventuelles et les obstacles qui se dessinent. Nous nous efforçons d'être prêts à répondre dans la limite de nos pouvoirs, y compris ceux qui nous sont conférés en vertu de la nouvelle loi, pour nous attaquer à des problèmes particuliers, dans des écosystèmes donnés.
Je ne veux pas vous donner l'impression que nous sommes optimistes face aux circonstances, mais plutôt que nous disposons des instruments appropriés pour agir et que nous sommes organisés pour faire face aux défis qui émergent.
Le sénateur Sibbeston : Le gouvernement fédéral a compétence pour s'occuper de l'eau dans les Territoires du Nord- Ouest. Au cours des dernières décennies, on a créé des offices des eaux dans le sillage des ententes sur les revendications territoriales. Il y a de la coopération entre ces offices et le gouvernement fédéral au chapitre de l'eau. Il existe une proposition visant à multiplier par sept la superficie actuelle de la réserve du parc national Nahanni pour y inclure tous les bassins hydrologiques. Je sais que la Commission géologique du Canada a réalisé des évaluations sur les minéraux. Est-ce que les ministères en ont fait autant en ce qui concerne les rivières afin de s'assurer que toutes sont nécessaires pour protéger le bassin hydrologique de Nahanni?
M. Carey : Nous avons participé aux plans d'expansion du parc. Je siège au comité de direction qui coordonne les travaux des différents ministères là-dessus. Nous sommes responsables de l'évaluation des ressources minérales et énergétiques, c'est-à-dire que nous évaluons le potentiel minéral de la zone. C'est l'un des facteurs pris en compte pour définir les frontières.
Nous avions un dossier accessible au public qui a été diffusé le mois dernier et qui contenait les résultats de notre évaluation minérale du secteur. Le travail réalisé ne visait pas les réservoirs aquifères ni l'eau souterraine, mais les ressources minérales et énergétiques.
Le sénateur Sibbeston : Est-ce que le travail réalisé par votre ministère en ce qui concerne les rivières depuis l'expansion proposée vise à inclure tous les affluents de la rivière Nahanni?
Il y a un débat, dans la région, consistant à savoir si tous les affluents seront pris en compte. L'expansion prévoit la multiplication par sept de la superficie actuelle du parc. Certains considèrent qu'au lieu de transformer de si grands espaces en parc, il vaudrait mieux les vouer au développement économique. Les minéraux et autres ressources dont regorge le secteur pourraient être exploités à l'avenir.
M. Carey : Nous travaillons avec Parcs Canada sur la qualité de l'eau des affluents et rivières des parcs nationaux, généralement pour définir des tests afin de surveiller la qualité environnementale et protéger les écosystèmes aquatiques. Pour ce qui est de l'expansion du parc national de Nahanni et de savoir si tous les affluents devraient être inclus dans le projet, je vais devoir m'informer car je ne suis pas au courant.
Le sénateur Sibbeston : Est-ce que la Commission géologique du Canada a trouvé qu'il y avait beaucoup de ressources minières pouvant être utilisées pour le développement économique futur des gens vivant dans la région?
M. Corey : D'après les informations dont je dispose, il y a quelques secteurs jouissant d'un potentiel important de minéralisation. Nous avons publié ce rapport dans le but de montrer où ces zones étaient situées, et c'est un facteur à considérer pour l'établissement des limites. Toutefois, ce n'est qu'un facteur parmi tant d'autres.
Le sénateur Adams : Je vais appuyer le projet de loi S-208 parce qu'il se concentre sur la sécurité et vise à garantir que les communautés disposent d'une eau de bonne qualité.
Il n'y a que deux endroits, dans le Nord, où l'on retrouve des réseaux d'alimentation en eau et d'assainissement; il s'agit de Rankin Inlet et d'Iqaluit. La plupart des autres communautés ont des réservoirs. L'année dernière, à Rankin Inlet, une cuve de rétention en acier a débordé et des bactéries se sont infiltrées dans l'eau potable. J'ai demandé à la municipalité à quelle fréquence on faisait des vérifications de l'eau et on m'a répondu que c'était chaque trois ans. Il a été impossible de consommer l'eau du réseau pendant environ deux semaines. Les gens, dans la communauté, étaient inquiets et se demandaient ce qu'il y avait dans leur eau. Ils ne la faisaient pas bouillir. Les habitants du secteur ne pouvaient pas boire l'eau du robinet. Pendant l'hiver, ils allaient chercher de la glace et durant l'été, ils allaient puiser de l'eau fraîche à la rivière.
Voilà le genre de problème que nous espérons résoudre avec le projet de loi S-208.
Actuellement, certains de mes amis font jusqu'à dix kilomètres pour trouver de l'eau; nous installons des filets pêche dans la glace afin d'obtenir de l'eau pour faire du thé. Les gens, là-bas, particulièrement les aînés, ne peuvent boire l'eau chlorée. On ne peut pas faire de thé ni quoi que ce soit d'autre avec cette eau car elle dégage immédiatement une odeur de chlore.
Monsieur Martin, vous parliez de l'article 36 de la Loi sur les pêches, mais je pense que cela n'a rien à voir avec l'eau potable. Cela concerne les poissons, qui doivent pouvoir nager dans des eaux propres, n'est-ce pas?
M. Martin : D'abord, en ce qui concerne le traitement des eaux usées, il y a un problème au niveau municipal. Vous avez raison de dire que dans les petites communautés du Canada, particulièrement celles de moins de 5 000 habitants, la gestion de l'eau et le traitement des eaux usées représentent tout un défi. Le rôle du gouvernement fédéral a été de fournir les ressources, en partenariat avec les provinces et ces municipalités, pour améliorer les réseaux, mais il existe encore des problèmes de gestion.
La Loi sur les pêches interdit le rejet de substances nocives dans les cours d'eau qui sont susceptibles de nuire aux écosystèmes. Il s'agit d'une disposition de la Loi sur les pêches, et c'en est une de taille. Conserver l'écosystème aquatique est effectivement une initiative très importante qui favorise la protection des eaux de source. Comme je l'ai mentionné, nous avons fait des règlements, en vertu de cet article, pour les effluents provenant des usines de pâtes et papiers. Nous allons utiliser ce pouvoir qui nous est conféré afin de contrôler les effluents d'eaux usées des municipalités.
Le sénateur Adams : Je suis préoccupé par la situation dans la région de la baie d'Hudson, où je réside. Les eaux de chaque province et territoire convergent vers la baie d'Hudson. Je crois que ces eaux viennent des États-Unis pour se déverser dans la baie d'Hudson et finir dans la mer.
Nous vivons là-bas, et il y a huit espèces de mammifères marins qui y vivent aussi — des baleines, des poissons, des phoques, et cetera. Lorsque nous mangeons ces animaux qui nagent dans des eaux contaminées, cela affecte notre santé. Je m'inquiète notamment du mercure.
Nous avons parlé de ces deux communautés, Rankin Inlet et Iqaluit, qui déversent leurs déchets dans l'eau de mer. Normalement, ces eaux devraient être traitées, mais cela ne se fait pas systématiquement. Chaque été, la glace disparaît et les gens installent leurs filets le long des côtes. Je place les miens à environ 500 pieds de distance du site de décharge, mais je me demande ce que nous mangeons.
Le sénateur Spivak a parlé un peu plus tôt des systèmes d'assainissement et de la quantité de déchets qui se retrouvent dans l'eau. Peut-être que les dommages sont différents selon qu'il s'agit d'eau salée ou d'eau douce. Parfois, à marée basse, on peut voir de petits capelans le long de la côte, dans le sable. Ce n'est pas très loin de la décharge et l'omble de l'Arctique mange ces capelans.
Nous ne parlons pas uniquement de l'eau. Nous consommons des produits locaux; nous n'avons pas vraiment les moyens de faire venir du bœuf du Sud. Nous avons quand même de la viande, elle est produite localement et nous voulons savoir ce qu'elle contient. Que fait Santé Canada? Je pense que la Garde côtière, le ministère des Pêches et des Océans, Transports Canada et Environnement Canada devraient travailler ensemble. En fait, depuis que nous avons adopté la Loi sur les ressources en eau du Canada, tous les ministères devraient collaborer.
Le président : Mais cela ne s'est pas fait encore.
Le sénateur Adams : Nous avons un office des eaux qui ne s'occupe absolument pas de l'eau potable. Il s'intéresse aux droits de superficie, aux droits concernant les eaux et les mines et autres choses du genre, au Nunavut et dans le territoire.
M. Carey : Nous travaillons ensemble dans le cadre d'une initiative appelée Programme de lutte contre les contaminants dans le Nord, qui est dirigée par Affaires indiennes et du Nord Canada. Environnement Canada, le ministère des Pêches et des Océans et Santé Canada participent, avec le ministère des Affaires indiennes, à la résolution de quelques-uns des problèmes que vous avez soulevés, particulièrement le transport sur longue distance de contaminants qui entrent dans la chaîne alimentaire des mammifères marins.
Le sénateur Adams : Vous ne faites pas de vérifications chaque année.
M. Carey : Nous mettons en œuvre des programmes scientifiques tous les ans. Je ne sais pas jusqu'à quel point on surveille la situation à Rankin.
Le sénateur Adams : Les mammifères marins que nous chassons consomment aussi de l'eau. Ils mangent la neige pendant l'hiver et boivent l'eau pendant l'été. Je pense parfois que nous devrions regarder de plus près le lien qui existe entre notre santé et ce que nous mangeons. L'eau que nous buvons est en quelque sorte un médicament; ce n'est pas très différent.
Le président : Ceci fait l'objet d'un autre projet de loi, celui du sénateur Grafstein sur l'eau.
La Loi sur les ressources en eau du Canada de 1970 prévoit que le ministère fasse rapport au Parlement — je ne me souviens pas à quelle fréquence. Quand le dernier rapport a-t-il été présenté au Parlement?
M. Martin : C'était en 2003; le ministère a donc failli à son obligation de fournir des rapports annuellement.
Le président : Pourquoi? C'est pourtant une loi du Parlement qui exige que le ministère lui fasse rapport chaque année sur certaines questions ayant trait à la Loi sur les ressources en eau du Canada. Pourquoi le ministère ne s'acquitte-t-il pas de cette tâche?
Le sénateur Kenny : Allez-vous présenter une motion d'outrage à la Chambre?
Le président : Pas encore, mais ce n'est pas impossible.
M. Martin : Le ministère a l'obligation, en vertu de la Loi sur les ressources en eau du Canada, d'émettre un rapport annuel aussitôt que possible après la fin de l'exercice financier. Nous avons failli à cette obligation. C'est un manquement bureaucratique que je regrette. Nous nous efforçons activement de corriger le problème et de présenter tous les rapports dus le plus rapidement possible.
Le président : Étant donné que nous sommes à la fois curieux et ignorants, pourriez-vous nous expliquer pourquoi ou comment se fait-il que vous soyez en retard de quatre ans dans vos rapports? Vous avez dit que c'était un problème de bureaucratie. Vous êtes le sous-ministre adjoint. Quelle est la nature du problème dans ce cas-ci?
M. Martin : J'imagine que cela tient au fait que les gestionnaires responsables n'ont pas remis les documents pour approbation à temps. Je ne peux justifier cela autrement; nous avons failli à notre obligation.
Le président : Qui est responsable? Est-ce au niveau des directeurs, du sous-ministre adjoint ou du sous-ministre?
M. Martin : Dans notre système de gestion, la responsabilité incombe au Conseil de la durabilité de l'écosystème. C'est un groupe composé des sous-ministres adjoints, dont M. Carey et moi-même faisons partie. Nous sommes responsables de toutes les activités dans un secteur donné entourant cette initiative stratégique du ministère. À ce chapitre, le conseil est responsable de veiller à ce que les rapports soient diffusés à temps. Le ministère a subi d'importantes transformations et, honnêtement, je pense que ceci est passé entre les mailles du filet.
Le président : Vous comprendrez, en guise d'explication, pourquoi il y a des gens, au Sénat, qui pensent qu'une des bonnes raisons pour lesquelles un projet de loi est contraignant dans son libellé et ses exigences, c'est justement pour éviter ce genre d'écart de conduite.
M. Martin : Je comprends parfaitement, sénateur, et une fois de plus, je regrette énormément que le ministère ait failli à son obligation de déposer ces rapports. Nous allons corriger rapidement le tir et j'espère que nous pourrons soumettre ces rapports très vite.
Le président : Nous allons suivre cela de près.
Monsieur Carey, la plupart des eaux de surface au Canada, si ce n'est toutes, sont visées, lorsqu'elles se trouvent entre deux provinces ou à la frontière, par une sorte d'entente selon laquelle, par exemple, l'Alberta dit qu'elle ne prélèvera pas plus qu'une certaine quantité d'eau dans la rivière avant que celle-ci n'arrive en Saskatchewan; la Saskatchewan en fera autant, suivie du Manitoba, et cetera. Cela s'applique à la plupart des eaux de surface, sinon toutes, qui viennent du Pacifique, passent par la baie d'Hudson, l'Arctique, les Grands Lacs et finissent dans l'Atlantique. Vous êtes en ce moment en train de cartographier les réservoirs aquifères. Est-ce que quelqu'un sait qui en est responsable? Par exemple, il est évident que les réservoirs aquifères ne respectent pas les limites provinciales ou nationales. Y a-t-il des accords en vigueur? Existe-t-il un processus en vertu duquel on peut conclure des ententes pour déterminer à qui appartient la ressource et qui en est responsable?
M. Carey : Ce sont justement les comités qui, dans bien des cas, ont un intérêt dans ces réservoirs aquifères. Par exemple, celui dont vous venez de parler, l'Office des eaux des provinces des Prairies, qui regroupe des représentants des trois provinces des Prairies et du gouvernement fédéral, a un sous-comité sur les eaux souterraines qui essaye de s'occuper de la gestion de ces eaux dans chaque province. Ils se concentrent également sur les réservoirs aquifères qui sont à cheval entre plusieurs provinces, le cas échéant. Ils ont aussi demandé l'aide du gouvernement fédéral pour essayer de caractériser et identifier ces réservoirs.
Le président : Et également entre le Canada et les États-Unis, parce que l'Ogallala traverse la frontière.
M. Carey : Effectivement, et c'est aussi vrai pour d'autres rivières plus petites. À Abbotsford, en Colombie- Britannique, il y a un comité binational, même s'il n'est pas officiel, qui s'occupe de la gestion des réservoirs aquifères. Il existe un comité binational scientifique sur le réservoir aquifère d'Abbotsford.
Le président : Existe-t-il quelque chose d'établi au niveau provincial et, si ce n'est pas le cas, y a-t-il un processus en vertu duquel ces questions seront traitées au même titre qu'on le fait pour les eaux de surface?
M. Carey : La politique fédérale sur l'eau contenait un chapitre sur les eaux souterraines. Celui-ci établissait à peu près les mêmes principes en ce qui a trait à la gestion, c'est-à-dire, qu'elle relève de la compétence provinciale, à moins qu'il y ait des problèmes importants d'envergure nationale à régler de toute urgence, par exemple. Comme je l'ai dit, dans certains cas, ce sont les mêmes organismes qui ont été créés pour gérer les eaux qui traversent les provinces en vertu de la Loi sur les eaux du Canada, conformément à la politique, qui ont un intérêt dans les eaux souterraines; mais le processus serait le même.
Le président : J'ai une dernière question au sujet de la distinction entre la Loi sur les ressources en eau au Canada et le projet de loi qui est actuellement devant nous. Ce comité a observé, dans son rapport intitulé L'eau dans l'Ouest : Une source d'inquiétude, qu'il ne semble pas y avoir de registre central d'informations sur l'eau au Canada, qu'il s'agisse des eaux de surface, des eaux souterraines ou autres. L'un des objectifs du projet de loi S-208 est de créer ce registre. Selon certains, il serait beaucoup plus efficace de créer une organisation composée de représentants des provinces et du gouvernement fédéral, plutôt que d'avoir 12 ententes de coopération différentes, une façon de faire que nous avons trouvée beaucoup moins efficace pour assurer l'échange d'informations.
Y a-t-il actuellement au Canada quelque chose que l'on pourrait qualifier de registre central pour obtenir des informations sur l'eau? Y a-t-il un endroit où les gens qui surveillent l'activité sismique pourraient envoyer leurs données? Existe-t-il un endroit où ceux qui s'occupent des levés géographiques peuvent envoyer leurs renseignements et où les organismes provinciaux qui travaillent là-dessus pourraient en faire autant? Est-ce qu'on stocke et protège cette information pour utilisation ultérieure?
M. Corey : Nous avons fait un certain nombre de choses pour réunir ces informations. La première est que nous avons créé le Cadre canadien de collaboration en matière d'eau souterraine. Il s'agit d'une initiative partagée que nous avons entreprise avec les provinces et d'autres qui travaillent à la collecte et au partage de données sur les eaux souterraines. Les normes sont importantes, et elles ne sont pas décidées au hasard. Nous avons travaillé également sur les normes. Nous avons des directives techniques pour l'évaluation des eaux souterraines ainsi que des critères pour la gestion des données, de façon à pouvoir mieux les partager. C'est la première étape de ce processus de centralisation des données.
Nous avons travaillé de concert avec Environnement Canada et Santé Canada à mettre sur pied un projet de démonstration en ligne appelé RésEau, qui offre un accès facile à de l'information sur l'eau à plusieurs juridictions, de manière à démontrer qu'il est possible de le faire.
Nous avons aussi un programme intitulé GéoConnexions, qui appuie le partage de données relatives à l'eau et met des données géospatiales à la disposition des Canadiens. Nous y avons versé toutes les données contenues dans nos cartes topographiques en matière d'eau. Nous avons également modifié la politique dès le 1er avril de cette année. Nous avions l'habitude d'exiger des frais pour l'information fournie et des droits d'utilisation pour la reproduction et la diffusion de cette info, et nous avions aussi l'habitude de prélever des redevances. Nous ne le faisons plus. Depuis le 1er avril dernier, toute cette information, y compris les données sur la couche hydrologique, est accessible sur l'Internet sans frais. L'utilisation de ces données connaît un boom actuellement. On travaille très fort à tout réunir et à normaliser. Il nous reste encore du travail à faire, mais c'est dans cette voie que nous nous dirigeons.
Le sénateur Nolin : Monsieur Corey, dans votre déclaration, vous avez mentionné que vous aviez cartographié toutes les eaux au Canada et que vous êtes en train de peaufiner ces données et d'essayer d'en savoir le plus possible sur les divers bassins hydrographiques. En somme, vous savez où ils se trouvent tous, mais vous tentez de réunir plus de données sur chacun d'eux. C'est ce que vous êtes en train de faire. Bien sûr, nous aimerions que ces travaux aient beaucoup plus d'envergure, mais vous faites ce que vous pouvez avec ce dont vous disposez, y compris les ressources. Ai-je bien compris?
M. Corey : Il faut bien faire la distinction entre les eaux de surface et les eaux souterraines. En ce qui concerne les eaux de surface, c'est-à-dire les lacs, les rivières, les ruisseaux, les cartes topographiques du Canada donnent une couverture complète à l'échelle de 1:250 000 et une couverture de 95 p. 100 à l'échelle 1:50 000. L'information est là et elle est connue. Elle est mise sous une forme qui est utilisable par le système géographique. Celui-ci comporte des données vectorielles et il est intelligent. Vous pouvez lui poser des questions. S'il y a de la pollution à un point particulier, par exemple, et qu'un point 50 kilomètres en aval sera touché, je peux lui demander de me représenter toutes les eaux entre ces deux points qui seront touchées. C'est le genre d'interrogation qu'on peut faire; c'est un outil très utile pour la planification. Voilà ce qui est disponible.
Quant aux eaux souterraines, c'est plus complexe. La tâche absorbe plus de temps et elle coûte cher. Nous en revenons au fait que nous avons opté pour l'évaluation plus détaille de 30 principaux aquifères en termes de recherche à plus long terme.
Le sénateur Nolin : Vous avez utilisé l'expression « principaux ». Dans le projet de loi S-208, il est question de bassins hydrographiques « protégés ». Avez-vous lu le projet de loi S-208?
M. Corey : Nous en avons effectivement un exemplaire ici.
Le sénateur Nolin : J'essaie de voir s'il y a une correspondance entre le sens que vous donnez au mot « principaux » et celui du mot « protégés » dans le projet de loi.
M. Corey : Il faudrait préciser également que la présidence nous a demandé, avant la réunion, si nous pouvions vous parler de l'applicabilité de la différence technique entre les bassins hydrographiques et les aquifères. Je vais demander à M. Boerner de vous en parler.
Le sénateur Nolin : Entendons-nous tout de suite sur le sens conféré à l'aquifère principal selon vous et selon les provinces, les municipalités et tous ceux qui ont besoin de protection.
M. Boerner : Un aquifère principal est un aquifère qui s'étend à l'échelle régionale, ce qui signifie qu'il est étendu, que l'industrie, la population et le secteur agricole y puisent lourdement. Il existe de nombreux autres aquifères qui peuvent alimenter une petite localité ou qui ne sont pas aussi importants comme sources d'eau potable. Il y a des centaines de pareils aquifères, et nous ne nous en sommes pas inquiétés. Nous tentons de repérer les plus importants pour les Canadiens.
Le sénateur Nolin : Est-ce que cette liste a été mise à jour, corrigée et modifiée?
M. Boerner : La liste date de six ans, puisqu'elle a été dressée en 2001, et elle n'a pas été modifiée depuis lors. Il est question de la changer. Nous pouvons fournir le rapport initial au comité.
Le sénateur Nolin : Vous avez comme partenaires des ministères fédéraux, des gouvernements provinciaux et territoriaux et des administrations municipales de même que l'industrie.
M. Boerner : Oui, mais seuls le gouvernement fédéral et les provinces sont partenaires en ce qui concerne les principaux aquifères à l'échelle d'une région.
Le sénateur Nolin : Est-ce que le niveau municipal y participe?
M. Boerner : Oui. Nous essayons de consulter les administrations municipales le plus possible. Manifestement, c'est un travail énorme étant donné le grand nombre de municipalités canadiennes.
Le sénateur Nolin : Est-ce qu'elles demandent à obtenir de l'information?
M. Boerner : Elles demandent à ce qu'on les aide à régler leurs problèmes, mais le phénomène n'est pas universel.
Le sénateur Nolin : La coopération occupe une place centrale dans vos travaux.
M. Boerner : Tout à fait. Rien ne se fait sans coopération.
Le sénateur Nolin : Monsieur Martin, avez-vous lu le projet de loi S-208?
M. Martin : Oui, le sénateur.
Le sénateur Nolin : Ai-je tort de croire que vous avez plus de pouvoirs sous le régime de la Loi sur les eaux actuelle que sous le régime envisagé dans le projet de loi S-208? Vous ne souhaitez pas exercer ce pouvoir parce qu'il va à l'encontre de la participation au niveau local et que vous ne souhaitez pas recourir au pouvoir coercitif du fédéral.
M. Martin : Nous sommes habilités à prendre des mesures sous le régime de la Loi sur les ressources en eau du Canada, mais l'expérience nous a appris que la collaboration avec les provinces et les collectivités est essentielle pour faire une gestion efficace de l'eau, et c'est ce que nous faisons. Notre méthode est efficace, et c'est pourquoi nous croyons être bien outillés pour faire le travail.
Le sénateur Nolin : Le paragraphe 1 de l'article 3 du projet de loi S-208 ordonne au ministre de consulter chaque ministre provincial, alors que c'est déjà prévu dans la Loi sur les ressources en eau.
M. Martin : C'est vrai.
Le sénateur Nolin : Il n'est pas nécessaire de donner des ordres au ministre parce qu'il le fait déjà par l'intermédiaire du Conseil des ministres. Est-ce bien cela?
M. Martin : Oui, c'est juste.
Le sénateur Nolin : Je suppose qu'il consulte le ministre pour lequel travaillent ces deux messieurs?
M. Martin : Oui. En fait, depuis deux ans, les ministres d'Environnement et les ministres des Ressources naturelles tiennent des réunions conjointes.
Le sénateur Nolin : Y a-t-il des provinces ou une province qui hésitent à collaborer avec vous?
M. Martin : Pas que je sache, sénateur.
Le sénateur Nolin : Et vous, monsieur Boerner?
M. Boerner : Non.
Le sénateur Nolin : Dans ce cas, vous n'avez pas besoin du pouvoir fédéral pour imposer un accord formel en vue de créer une agence. Nous avons déjà les diverses composantes d'un telle agence, n'est-ce pas?
M. Martin : J'ignore si nous avons les composantes d'une agence. Peut-être est-ce une question de définition, sénateur.
Le sénateur Nolin : La présidence pourrait avoir déjà une définition à cet égard.
M. Martin : À long terme, nous avons créé des habitudes et des réseaux de collaboration avec les provinces en vue de régler cette question, et on y travaille.
Le sénateur Nolin : Avec votre permission, je vais vous lire le paragraphe 3 de l'article 3, qui est probablement la partie du projet de loi qui étoffera un peu votre réponse et confirmera la façon dont je conçois cet organisme qui produirait les mêmes résultats. On peut lire à l'article 3 :
a) l'établissement d'un processus par lequel un bassin hydrographique protégé peut être désigné par un accord entre le gouvernement fédéral et le gouvernement de toute province où il est situé;
Avez-vous en place un pareil processus visant à établir un bassin protégé?
M. Martin : Oui.
Le sénateur Nolin : D'après toutes les réponses que nous avons entendues au cours des deux dernières heures, j'en conviens. On peut aussi lire, à l'article 3 :
b) les paramètres de la création d'une agence fédérale-provinciale chargée de réglementer l'utilisation proposée ou actuelle des terres situées dans un bassin hydrographique protégé;
C'est là l'élément clé. Qui est en charge de protéger et d'ordonner la protection? En avons-nous besoin?
M. Martin : J'ai tenté de vous décrire les pouvoirs dont nous disposons et dans quel cas nous pouvons prendre les mesures réglementaires. Les provinces ont pris des mesures réglementaires parfois. Comme je l'ai fait remarquer, nous avons agi de manière spécifique sur le plan de la prévention de la pollution. Naturellement, nous devons collaborer avec les provinces pour mettre en œuvre ces mesures.
Le sénateur Nolin : C'est pourquoi je vous demande si vous avez éprouvé des problèmes avec une province en particulier? Toutes collaborent. Je vais vous lire le titre intégral du projet de loi S-208 :
Loi exigeant que le ministre de l'Environnement crée, en collaboration avec les provinces, une agence habilitée à définir et à protéger les bassins hydrographiques du Canada qui seront les sources d'eau potable des générations futures
Le faisons-nous déjà?
M. Martin : Si l'on se fie aux résultats, oui, nous le faisons déjà.
Le sénateur Nolin : Je vous remercie.
Le sénateur Trenholme Counsell : Je croyais que le sénateur Nolin allait nous lire tout l'article 3. En tant que professionnel de la santé, je suis ravi de lire la partie au sujet de la consultation avec les ministres de la Santé. Deux ou trois fois, aujourd'hui, j'ai entendu dire que, parfois, le ministre consulte, mais que ce n'est pas toujours le cas. Le projet de loi à l'étude intègre la santé dans le processus, et il est question en fait de la santé et d'une eau potable saine, en somme d'être en santé parce que l'eau qu'on boit est saine. C'est un très important article du projet de loi.
Le sénateur Kenny : N'y est-il pas question, également, de présenter un rapport au Parlement?
Le sénateur Trenholme Counsell : Non, je n'ai pas trouvé cette exigence. Vous l'avez peut-être vue, sénateur Kenny, mais personnellement, je ne l'ai pas trouvée.
Le président : Le projet de loi dispose effectivement que, si le ministre ne crée pas l'agence, il faut qu'il en fournisse l'explication au Parlement.
Le sénateur Trenholme Counsell : Peut-être amendera-t-on le projet de loi pour exiger la présentation d'un rapport. L'alinéa 3e) nous semble plus détaillé et plus significatif que ce qui est prévu dans la Loi sur les ressources en eau du Canada. On peut y lire :
e) l'établissement d'un processus administré par l'agence et ayant pour objet de définir les besoins prévus de chaque municipalité canadienne en matière d'eau potable jusqu'en 2050 et de désigner les bassins hydrographiques d'où chaque municipalité tirera son eau potable;
Cela ou autre chose s'en rapprochant existe-t-il déjà?
M. Martin : Je crois que nous avons les pouvoirs voulus pour faire cela déjà.
Le sénateur Trenholme Counsell : Ce n'est pas ce que je vous ai demandé. J'ai demandé à savoir si vous avez ce pouvoir actuellement ou un autre pouvoir s'en rapprochant?
M. Carey : Le concept de la gestion intégrée des ressources en eau existe déjà, et il va bien au-delà de l'eau de source et s'applique à d'autres utilisations. Il y a, assurément, diverses provinces comme la Saskatchewan qui déploient des efforts en vue de mettre en œuvre la gestion intégrée des ressources en eau. Cet article permettrait de le faire et de voir aux utilisations de l'eau.
Le sénateur Trenholme Counsell : Je ne crois toujours pas qu'il s'agit d'une réponse très précise. On peut lire : « ... de définir les besoins prévus de chaque municipalité... jusqu'en 2050... ». Il me semble que c'est bon. C'est excellent, plus pointu. Le projet de loi à l'étude ne va-t-il pas au-delà de ce que vous faites en ce qui concerne les besoins des concitoyens? Après tout, l'eau provient de leurs localités.
M. Martin : Pour ce qui est de la prescription ici, en particulier, on exige de prévoir et de faire un immense travail d'anticipation jusqu'en 2050. Non, nous ne faisons pas ce travail. J'ignore si les provinces font des travaux qui s'étendent à cette date. Je n'en sais rien. Il faudrait analyser comment on s'y prendrait pour le faire.
Le sénateur Trenholme Counsell : On exige un travail exhaustif; c'est bon. Je vous relance seulement pour savoir ce que vous prévoyez, une fois que ce projet de loi est adopté? Cela ferait-il partie de ce que vous seriez appelé à faire? La tâche est-elle immense?
M. Carey : Un des changements importants survenus en 1987 concernait cette question des besoins et d'y répondre. Jusqu'alors, nous avions des programmes comme les programmes d'amélioration de l'alimentation en eau, et on admettait couramment qu'il fallait que le principe soit de rendre de plus en plus d'eau disponible pour répondre aux besoins. La politique mise en œuvre en 1987 a représenté un changement de cap; nous avions désormais deux objectifs fondamentaux : protéger la qualité de nos eaux et leur utilisation sage et efficace. Parfois, en gestion des ressources en eau, nous appliquons le principe qu'on appelle la voie douce, selon laquelle il faut gérer la demande autant que l'offre, si ce n'est plus. Par conséquent, s'il était uniquement question, dans le projet de loi, de définir les besoins, je m'inquiéterais.
Je répète : une grande partie de cette analyse survient dans le cadre du processus de gestion intégrée des ressources en eau que j'ai mentionné. Nous avons le processus en place et nous avons les caractéristiques. Votre question était de savoir si nous avons un processus en place pour faire des travaux comme ceux-là, et je vous réponds par l'affirmative. Nous le faisons déjà, mais ces travaux ne se limitent pas simplement à l'eau potable. Ils concernent la gestion globale de nos besoins en eau par rapport à l'eau qui est disponible.
Le sénateur Trenholme Counsell : Au sein des structures fédérales-provinciales qui existent au pays, avez-vous déjà cela?
M. Carey : Nous avons une politique selon laquelle nous souhaitons une planification et une gestion intégrées des ressources en eau et nous avons en cours des activités pour les améliorer.
Le sénateur Trenholme Counsell : Ce n'est pas une réponse définitive. La question est très précise. J'ai l'impression que vous ne me donnez pas de réponse définitive et que, par conséquent, vous n'avez pas cette capacité actuellement et que vous ne visez pas cet objectif.
Il me semble que cela est très précis. Les besoins en eau de chaque municipalité et sa source jusqu'en 2050 est probablement un des énoncés les plus précis du projet de loi. Je l'applaudis, mais le fait à lui seul d'avoir des visions et des plans globaux et tout le reste n'accomplit rien. C'est très précis. Il est question de cartographier les bassins hydrographiques et de définir les besoins, autant pour ma petite localité de 5 000 âmes de Sackville, au Nouveau- Brunswick, que pour Toronto, Vancouver, Fort McMurray ou Terre-Neuve.
M. Carey : Ce n'est pas que je tienne à me répéter, mais la planification intégrée, une des cinq stratégies prévues dans la politique de 1987, vise justement à traiter de cette question. C'est une composante cruciale.
Le président : La politique de 1987 relative à l'eau est-elle la politique actuelle du Canada en la matière?
M. Carey : Elle n'a jamais été changée.
Le président : Par conséquent, elle l'est.
Le sénateur Kenny : Le sénateur Trenholme Counsell vous a demandé si vous le faisiez actuellement. Pouvez-vous nous fournir une liste des villes pour lesquelles vous avez établi une projection des besoins?
M. Martin : Non.
Le sénateur Kenny : Avez-vous des plans visant à le faire bientôt?
M. Carey : De nombreuses juridictions l'ont fait dans le cadre de leur gestion intégrée des ressources en eau. Nous travaillons de concert avec des juridictions en Saskatchewan pour discuter du rôle du fédéral dans cette gestion.
Le sénateur Kenny : Vous avez mentionné la Saskatchewan plusieurs fois, monsieur Carey, mais pourquoi ne pas parler d'autres juridictions?
Je souhaite que le compte rendu officiel fasse état du fait que le témoin fait un geste de la main, mais qu'il ne m'a pas répondu.
M. Carey : Nous pouvons revenir sur ce qui est en train de se faire en matière de gestion intégrée des ressources en eau dans chaque province, car il en existe des exemples dans chaque province, mais chaque mesure est différente parce que les juridictions sont différentes. Si nous devons respecter les compétences provinciales, C'est ainsi qu'il faut faire. La Loi sur les ressources en eau du Canada nous donne la possibilité d'agir lorsque surviennent des préoccupations nationales pressantes, si nous avons été incapables d'en arriver à un accord avec les provinces. Cependant, cette façon de faire respecte la compétence provinciale. J'ai l'impression que vous demandez si nous pouvons agir unilatéralement et imposer des mesures. La réponse est non.
Le sénateur Kenny : Non. L'impression que vous devriez avoir, c'est qu'on vous demande si vous pouvez nous faire la preuve que ce travail s'effectue. Peu nous importe qui le fait. Est-ce que le travail se fait et pouvez-vous me dire s'il se fait pour toutes les localités dont il est question?
M. Carey : Je n'ai pas la réponse à cette question. Puis-je répondre ainsi? Je ne peux pas dire.
Le président : Vous avez dit que vous pouviez nous fournir certains exemples de juridiction et, comme le sénateur Kenny l'a dit, il nous importe peu de savoir quelle juridiction a effectué ce genre d'étude prévisionnelle. S'il était possible de réunir tous ces renseignements sous forme de points sur une seule page, ce serait utile.
M. Carey : Nous pourrions vous fournir certains exemples. Nous n'en avons pas un répertoire complet.
Le président : L'Atlas du Canada et, j'en suis sûr, la Commission géologique du Canada ont une carte du pays en couleurs qui illustre les réseaux de drainage superficiels et leur étendue, et ils sont codés par couleur. Certains membres du comité l'ont, mais pourriez-vous envoyer au greffier 15 de ces cartes, trois ou quatre en français et les autres en anglais, pour que nous puissions les distribuer à nos membres?
Le sénateur Nolin : Sont-elles faites dans les deux langues officielles?
Le président : Non. Il serait utile à tous nos membres de pouvoir voir exactement ce dont il est question quand on parle de « bassin hydrographique ». Ils ont déjà été cartographiés, et ces cartes sont utiles.
Le sénateur Spivak : Peut-être ne peut-on pas répondre tout de suite à ma question, mais j'aimerais connaître l'état, au Manitoba, de la technologie d'évacuation des excréments d'animaux. Vous avez mentionné que c'est là la question la plus importante et que le détersif du lave-vaisselle ne représente que 1 p. 100 de la pollution. Je le savais, et c'est facile à faire. Au Manitoba, comme je suis sûre que vous le savez tous, chaque année, le lac Winnipeg est envahi par les algues, et le problème empire chaque année.
Le président : Parlez-vous de déchets animaux qui se retrouvent dans le réseau d'eau résiduaire?
Le sénateur Spivak : Les déchets animaux, s'ils sont épandus durant l'hiver et s'écoulent au printemps, ainsi qu'on le faisait habituellement auparavant, sont terriblement polluants, mais il existe une nouvelle technologie.
M. Carey : Par technologie, vous parlez de pratiques de gestion?
Le sénateur Spivak : Des pratiques de gestion et, semble-t-il, d'autres juridictions ont trouvé d'autres moyens d'utiliser les déchets animaux.
M. Carey : Ils utilisent le fumier à différentes fins. Dans certaines autres juridictions, ils en tirent de l'énergie, par exemple du méthane, et les brûlent plutôt que de les épandre dans les champs.
Le sénateur Spivak : Ou les laisser dans des lagunes, qui suintent. Je suis curieuse : si vous êtes en train de travailler de concert avec la province, à quel point cette question a-t-elle progressé?
M. Carey : Nous travaillons de concert avec Agriculture Canada à élaborer des pratiques de gestion avantageuses pour la gestion du fumier. La province, dans le cas du Manitoba, a récemment laissé savoir qu'elle souhaitait élargir la portée de ses lignes directrices concernant le fumier pour y inclure le phosphore, en plus de l'azote. De la sorte, la quantité de fumier qui peut être épandue dans les champs sera probablement plus limitée.
Le sénateur Spivak : Voilà qui ne me donne pas beaucoup l'impression que cette question sera réglée rapidement, alors qu'il s'agit d'un problème de taille.
M. Martin : Le ministre Ritz et son homologue manitobain ont fait la semaine dernière une déclaration qui mettait à jour le nombre d'exploitations agricoles au Manitoba qui ont mis en œuvre des plans de gestion de l'environnement. Elles se chiffrent par milliers désormais, et nous pourrions certes vous fournir ces détails, sénateur, si cela vous était utile.
Le sénateur Spivak : Existe-t-il un sommaire pour la haute direction?
M. Martin : Le document est bref. Ce sont des données statistiques. Agriculture Canada pourrait vous parler, exemples à l'appui, de la façon dont, particulièrement au Manitoba, on a eu recours à ce genre d'intervention.
Le sénateur Spivak : Si nous voulons protéger les bassins hydrographiques, protéger l'eau, il s'agit là d'un problème grave partout, mais particulièrement au Manitoba.
Le président : Chers collègues, je tiens à remercier nos invités d'avoir répondu à notre invitation. Si nous avons d'autres questions à leur poser plus tard, nous les leur enverrons par écrit, et j'espère qu'ils pourront y répondre. J'ai bien hâte d'avoir ces cartes. Elles nous permettront d'avoir une représentation graphique du sujet. Nous en sommes à nos premières armes dans ce genre de dossiers, et nous vous sommes reconnaissants de nous avoir accordé du temps.
La séance est levée.