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ENEV - Comité permanent

Énergie, environnement et ressources naturelles

 

Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles

Fascicule 9 - Témoignages du 15 mai 2008


OTTAWA, le jeudi 15 mai 2008

Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles, auquel on a renvoyé le projet de loi S-206, Loi modifiant la Loi sur les aliments et drogues (eau potable saine), se réunit aujourd'hui, à 8 h 34, pour examiner le projet de loi.

Le sénateur Tommy Banks (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonjour, mesdames et messieurs. Je vous souhaite la bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles. Je suis le sénateur Tommy Banks, de l'Alberta, et j'ai l'honneur de présider le comité.

J'aimerais présenter les membres du comité qui sont ici aujourd'hui. À ma droite, au bout, se trouve le distingué doyen du Sénat, le membre du comité qui siège depuis le plus longtemps, le sénateur Willie Adams, du Nunavut. À sa gauche se trouve le sénateur Brown, de l'Alberta. À ma gauche, il y a le sénateur Grant Mitchell, de l'Alberta, et à côté de lui, le sénateur Grafstein, qui est l'auteur du projet de loi que nous examinons aujourd'hui. À sa gauche à lui se trouve le sénateur Ethel Cochrane, de Terre-Neuve-et-Labrador.

Nous poursuivons aujourd'hui notre étude du projet de loi S-206, Loi modifiant la Loi sur les aliments et drogues (eau potable saine). Le projet de loi vise à modifier cette loi afin d'ajouter l'eau d'un réseau de distribution d'eau privé ou public à la liste des aliments assujettis aux règlements d'application de la loi.

Les témoins qui comparaissent devant nous aujourd'hui pour nous aider dans nos délibérations sont M. John Cooper, directeur du Bureau de l'eau, de l'air et des changements climatiques de la Direction générale de la santé environnementale et de la sécurité des consommateurs de Santé Canada, et M. Paul Sockett, directeur de la Division des questions en matière d'environnement du Centre des maladies infectieuses d'origine alimentaire, environnementale et zoonotique de l'Agence de la santé publique du Canada.

Merci beaucoup, messieurs, de comparaître devant nous ce matin. Nous vous en sommes reconnaissants. Nous espérons que vous allez nous dire ce que vous pensez du projet de loi et que vous allez nous laisser du temps pour vous poser des questions par la suite.

John Cooper, directeur, Bureau de l'eau, de l'air et des changements climatiques, Direction générale de la santé environnementale et de la sécurité des consommateurs, Santé Canada : J'aimerais d'abord remercier le comité d'avoir invité Santé Canada à se représenter devant lui pour répondre aux questions sur ce dossier fort important. J'ai eu le plaisir de participer à titre de témoin aux audiences que tenait le comité en décembre 2006.

Avec la permission du comité, j'aimerais formuler une série d'énoncés sur la question de la sécurité de l'eau potable au Canada, des énoncés qui me semblent essentiels en vue d'enrichir les discussions tenues à ce jour. Dans un premier temps, même si on a beaucoup parlé de cette question, il importe de souligner que le Canada s'est déjà doté de normes nationales sur la qualité de l'eau potable. Les régimes de réglementation de toutes les provinces et de tous les territoires se fondent sur les recommandations sur la qualité de l'eau potable au Canada. Ces normes ne sont pas facultatives; elles sont obligatoires. Je vais revenir là-dessus tout à l'heure.

Dans un deuxième temps, on doit reconnaître que, même si notre eau potable figure parmi les plus sécuritaires au monde, certains problèmes persistent. Le récent rapport de l'Association médicale canadienne précise qu'il y avait eu 1 776 avis de faire bouillir l'eau dans l'ensemble du pays au 31 mars de l'année courante. Je dois vous dire que le chiffre qui a été transcrit dans mon mémoire est 1 667. Les chiffres ont été inversés. Je n'essayais pas de minimiser le nombre d'avis. Il y a des preuves certaines de l'existence d'un problème à régler. Santé Canada reconnaît que la salubrité de l'eau potable à laquelle ont accès l'ensemble des Canadiens est une priorité et prend des mesures en collaboration avec d'autres ministères pour régler ce problème.

En dernier lieu, la solution proposée, qui consiste à adopter des règlements fédéraux sur l'eau potable, ne permettra pas de régler les graves problèmes qui se posent, sans compter qu'elle s'avérera très coûteuse et donnera lieu à des chevauchements. J'aimerais maintenant aborder ces points à tour de rôle.

Le gouvernement canadien a pris les devants en formulant des recommandations sur la qualité de l'eau potable au Canada sur lesquelles toutes les provinces et tous les territoires ont fondé leurs propres régimes de réglementation, ce qui a permis l'application efficace de normes ou de repères cohérents à l'échelle nationale. Les recommandations ont été mises au point en collaboration et adoptées et appliquées par toutes les administrations selon leurs priorités et besoins respectifs en matière de protection de la santé des citoyens.

Toutes les provinces et tous les territoires ont recours aux recommandations pour garantir la qualité de leur eau potable. Pour que ça soit clair, dix le font directement par l'intermédiaire de lois ou de règlements, alors que les trois autres s'en servent pour délivrer des permis ou des licences exécutoires aux usines de traitement, au cas par cas. Les trois provinces qui ont adopté cette dernière démarche sont Terre-Neuve, le Nouveau-Brunswick et la Colombie- Britannique. La Colombie-Britannique a en outre adopté un règlement concernant les contaminants microbiologiques, qui sont les plus préoccupants, mais elle délivre des permis d'approbation aux usines de traitement en ce qui concerne les contaminants chimiques.

Il y a de petites différences au chapitre de la manière dont ces lois sont appliquées dans les différentes parties du pays, mais on utilise essentiellement les recommandations sur la qualité de l'eau potable au Canada comme norme, ce qui fait qu'il y a des normes uniformes et exécutoires.

J'aimerais profiter de l'occasion pour vous entretenir des préoccupations soulevées devant le comité et touchant la lenteur du processus des recommandations et le fait que celles-ci sont en majorité vétustes. La vérification menée en 2005 par le Bureau du commissaire à l'environnement et au développement durable s'est avérée extrêmement utile pour faire ressortir les faiblesses de notre processus d'élaboration des recommandations. Nous avons réagi à ces importantes préoccupations et recommandations en rationalisant nos processus et en entreprenant un exercice régulier de détermination des priorités en vue de garantir que les recommandations soient toujours à jour et favorisent la santé. J'aurai grand plaisir à vous fournir d'autres précisions à ce sujet après l'exposé, si les sénateurs ont des questions.

En ce qui a trait au second point, à quels problèmes et défis le Canada fait-il face présentement pour ce qui est de la qualité de l'eau potable? Le projet de loi S-206 se fonde sur la prémisse que l'adoption de règlements fédéraux permettrait de garantir à tous les Canadiens un même accès à l'eau potable. Même s'il arrive que des grandes villes soient aux prises avec des problèmes touchant l'eau potable, il s'agit de cas extrêmement rares et généralement liés à des difficultés à court terme dans une usine de traitement d'eau potable ou dans un réseau de distribution de l'eau. En effet, le plus gros défi que doivent relever les collectivités petites et grandes, c'est la nécessité de remplacer ou de moderniser des infrastructures vieillissantes ou inadéquates, problème qui ne saurait être réglé par voie réglementaire. Grâce au Fonds Chantiers Canada, le Canada est en mesure d'investir 3 milliards de dollars sur sept ans dans l'optique de consolider ces infrastructures, y compris les projets de traitement de l'eau et des eaux usées. Il s'agit d'une approche pratique qui aidera à régler bien des problèmes.

Des témoins précédents, dont les représentants de l'Association médicale canadienne, ont indiqué que le plus grand problème qui se pose a trait à l'approvisionnement en eau des petites collectivités, c'est-à-dire les avis de faire bouillir l'eau dont elles font l'objet. La question est la suivante : est-ce que des règlements fédéraux sur l'eau potable élimineraient ou réduiraient le nombre d'avis de faire bouillir l'eau? Le fait qu'il y avait eu 1 776 avis de faire bouillir l'eau au 31 mars montre que des régimes réglementaires appliqués dans les provinces et dans les territoires produisent un effet. Lorsqu'on juge que l'eau peut être insalubre d'après les critères de la loi, du règlement ou des permis d'approbation, il faut émettre un avis de faire bouillir l'eau.

En réalité, il est impossible de régler par voie réglementaire un problème qui se résume aux ressources et à la capacité. Tous les ordres de gouvernement du Canada font face à ce problème, même si des régimes réglementaires sont en place. En fait, ce problème se pose un peu partout dans le monde : aux États-Unis, au sein de l'Union européenne, et, bien sûr, dans les pays en développement.

En passant, j'aimerais aussi vous faire remarquer que Santé Canada travaille en collaboration avec l'Organisation mondiale de la santé et avec certains pays, notamment l'Australie, à régler les problèmes auxquels sont confrontées les petites collectivités au chapitre de l'approvisionnement en eau.

Au Canada, à tout moment de l'année, entre 1 200 et 2 000 avis de faire bouillir l'eau sont en vigueur. La plupart visent de petites collectivités rurales ou isolées de moins de 500 habitants, et souvent de moins de 50 ou dix habitants. Ces avis peuvent viser de petits gîtes touristiques, des stations d'essence ou des terrains de camping. Dans 99,9 p. 100 des cas, ils concernent de petites collectivités. Celles-ci n'ont ni la capacité ni les ressources nécessaires pour protéger leurs sources d'eau et pour traiter leur eau potable de la même façon que les grandes villes.

Comme je l'ai dit tout à l'heure, l'émission d'avis de faire bouillir l'eau est une mesure de protection qui permet de réduire l'exposition des gens aux dangers éventuels liés à la consommation d'eau, mais une telle mesure ne peut résoudre un très grave problème. Les membres du comité et les témoins qui ont comparu devant celui-ci savent que c'est une situation inacceptable qui doit être réglée.

Les petites collectivités font face à des défis particuliers, y compris des systèmes de traitement et de distribution d'eau inadéquats, une pénurie d'opérateurs dûment formés et certifiés, des problèmes de contrôle liés au manque d'accès aux centres d'essai et aux laboratoires accrédités et une aptitude réduite à protéger l'eau de source. Il faut régler le problème du nombre d'avis de faire bouillir l'eau en vigueur. Les solutions viendront non pas de la réglementation, mais bien de projets nationaux et internationaux mis en place pour cerner les meilleures pratiques de gestion, ainsi que les outils et les modes de communication les plus efficaces pour relever les grands défis.

Le comité a entendu le témoignage de M. Steve Hrudey, qui a comparu récemment devant lui. M. Hrudey a certainement dressé un bon portrait de la situation en Australie, où il y a moins d'avis de faire bouillir l'eau. Il est clair que nous devons nous mettre à niveau et faire un meilleur travail au Canada. Nous travaillons en collaboration avec l'Australie et avec M. Hrudey, qui est l'un des spécialistes mondiaux de l'eau potable les plus réputés. Le défi qu'il nous faut relever, c'est de faire un meilleur travail.

Santé Canada dirige le travail effectué en collaboration avec les provinces et les territoires, les organismes de réglementation, les universités, l'industrie et les organisations non gouvernementales comme la Fédération des municipalités canadiennes, dont les représentants ont également témoigné devant le comité, travail qui vise à élaborer des solutions pratiques pour régler ces problèmes et en faire la promotion. Je serai heureux de parler de cela en détail si les sénateurs ont des questions après l'exposé.

On a dit que le projet de loi supposerait peu de frais puisque le gouvernement fédéral ne devrait s'acquitter que d'un rôle de supervision. Le gouvernement devrait néanmoins mettre sur pied un mécanisme d'exécution et de conformité et fixer un niveau quelconque de responsabilité et d'imputabilité. La réglementation de l'eau potable et des approvisionnements communautaires exige des connaissances et des compétences différentes de celles requises pour réglementer les aliments qui relèvent déjà de la LAD. Compte tenu du fait que ce projet de loi s'appliquerait à plus de 60 000 réseaux d'approvisionnement en eau à l'échelle du Canada, les coûts associés à l'exécution et à la conformité seraient élevés.

Il semble que j'ai des problèmes avec les chiffres aujourd'hui, alors je voudrais corriger ce chiffre de 60 000 réseaux de distribution d'eau. C'est un chiffre qui nous a été fourni par un organisme qui s'occupe de l'eau et des eaux usées, et il s'agit d'une estimation. Nous avons effectué en 2007 une enquête qui nous a permis de déterminer que ce chiffre était plutôt d'environ 48 500.

Le projet de loi S-206 aurait pour effet de dédoubler les efforts engagés par les provinces et les territoires pour gérer efficacement leur eau potable. On jugerait qu'il s'agit d'un empiétement sur les domaines traditionnellement gérés par les provinces, en ce qui a trait non seulement à l'eau potable, mais également à l'inspection des sources de contamination dans toutes les régions des bassins hydrographiques. En outre, le projet de loi S-206 pourrait mettre en péril les liens de collaboration que le gouvernement entretient depuis plus de 60 ans avec les provinces et les territoires dans le domaine de l'eau potable, et qui incite les provinces et les territoires à fournir de l'information et des rétroactions essentielles pour guider les projets d'aménagement et pour régler les problèmes auxquels nous faisons face dans le domaine un peu partout au Canada.

Somme toute, il importe de concentrer notre attention et nos efforts sur le fait de garantir à tous les Canadiens un même accès à l'eau potable. Je félicite le comité de se pencher sur cette question. Je pense qu'il sera plus facile d'atteindre l'objectif non pas en adoptant de nouveaux règlements, mais bien en travaillant ensemble pour régler le problème des risques connus par l'intermédiaire de la conservation, d'investissements et de mesures.

Paul Sockett, directeur, Division des questions en matière d'environnement, Centre des maladies infectieuses d'origine alimentaire, environnementale et zoonotique, Agence de la santé publique du Canada : Au nom de l'Agence de la santé publique du Canada, je vous remercie de nous avoir invités à comparaître aujourd'hui pour répondre à vos questions au sujet du projet de loi S-206 concernant l'eau potable saine. Dans mon exposé, je vais décrire le rôle que joue l'Agence de la santé publique du Canada dans la surveillance des maladies gastro-intestinales en général, et plus particulièrement de celles dont la transmission se fait par l'eau.

Les priorités de l'Agence de la santé publique du Canada sont d'élaborer et de diriger les initiatives stratégiques à long terme du Canada en santé publique, d'élaborer, d'améliorer et de mettre en œuvre des stratégies intégrées et axées sur des maladies particulières, ce qui inclut la surveillance et le suivi des maladies, ainsi que d'accroître sa capacité d'améliorer ces activités.

Dans le cadre de ces objectifs, l'Agence de la santé publique du Canada joue ainsi un rôle prédominant dans la surveillance des maladies gastro-intestinales aiguës, qu'il s'agisse de cas individuels ou d'épidémies, par l'entremise du Centre des maladies infectieuses d'origine alimentaire, environnementale et zoonétique, en collaboration avec le Laboratoire national de microbiologie situé à Winnipeg, au Manitoba et le Laboratoire de lutte contre les zoonoses d'origine alimentaire, situé à Guelph, en Ontario.

Les maladies gastro-intestinales aiguës sont causées par un certain nombre de micro-organismes pathogènes, y compris des bactéries, des virus ou des parasites qui sont plus ou moins associés à l'eau potable insalubre. Contrairement à certains pathogènes comme le campylobacter, le E. coli ou VTEC, l'entamoeba, l'hépatite A, la salmonella, la shigella, la yersina et les norovirus, qui sont parfois d'origine hydrique, le cryptosporidium et la giardia des protozoaires parasites, qui sont comme des amibes, sont généralement associés aux maladies d'origine hydrique. Par exemple, l'éclosion de gastro-entérite d'origine hydrique de Walkerton, qui se distingue de la majorité des éclosions de maladies d'origine hydrique en raison des causes particulières qui y sont associées, était liée à la fois à la présence de E. coli et de bactéries du genre campylobacter dans l'eau.

Tous les agents pathogènes dont j'ai parlé tout à l'heure font l'objet d'une surveillance hebdomadaire au moyen du programme de notification intitulé Programme national de surveillance des maladies entériques, dans le cadre duquel les données des rapports hebdomadaires sont comparées aux tendances à long terme de manière à pouvoir déterminer les semaines où l'incidence des maladies entériques est en hausse. Le cas échéant, le système lance des enquêtes pour qu'on puisse en comprendre les causes.

Le Centre canadien de surveillance intégrée des éclosions, système d'alerte électronique unique surveillé quotidiennement par le personnel de l'Agence de la santé publique du Canada, permet aux services de santé locaux et aux ministères de la Santé des provinces et des territoires de diffuser des alertes en cas d'éclosions déclarées ou soupçonnées. Les alertes peuvent être diffusées à la demande des responsables de la santé publique provinciaux, territoriaux ou nationaux ou à la suite d'une enquête menée par ces derniers.

Les données d'un rapport récent sur les maladies d'origine hydrique indiquent que, en général, les éclosions de maladies d'origine hydrique ne représentent qu'une infime proportion du total d'éclosions signalées chaque année au Canada. À titre d'exemple, entre 1996 et 2003, les provinces et les territoires ont signalé 5 893 éclosions dues à des agents pathogènes gastro-intestinaux. La cause de l'infection était indiquée dans moins de la moitié des cas, soit 48 p. 100, et dans 2 p. 100 de ces 48 p. 100, les éclosions étaient d'origine hydrique.

Toutefois, comme bon nombre des éclosions d'origine hydrique sont liées à l'utilisation récréative de l'eau, le pourcentage des éclosions associées à l'eau potable est très faible. Un examen des données recueillies entre 1980 et 2004 a révélé que seulement 110 éclosions sur 396 étaient liées à des réseaux de distribution publics ou municipaux, alors que 146 éclosions étaient associées à des réseaux semi-publics et 65, à des réseaux privés.

De façon générale, les données permettent de constater qu'il y a eu une diminution, récemment, du nombre de cas annuels liés aux agents pathogènes gastro-intestinaux, surtout au cryptosporidium et à la giardia, qui sont particulièrement associés aux maladies d'origine hydrique. Depuis 2000, seulement deux éclosions importantes liées aux réseaux de distribution d'eau ont été signalées, soit celle de Walkerton, en Ontario, en 2000, et celle de North Battleford, en Saskatchewan, en 2001. Ces deux événements nous ont permis de savoir que ce type d'éclosions est relativement rare, mais que, lorsqu'elles se produisent, une grande partie de la population peut être touchée. Les données actuelles indiquent que les éclosions liées aux sources de distribution municipales sont rares au Canada et que nos systèmes de surveillance sont assez efficaces pour permettre de détecter une crise importante.

J'aimerais vous remercier de votre indulgence. Je serai heureux de répondre à vos questions.

Le président : Avant de passer à la liste — et je vous invite, sénateurs à vous manifester si vous voulez que votre nom figure sur cette liste — il faut que vous m'expliquiez quelque chose, monsieur Sockett. Vous avez dit qu'une surveillance hebdomadaire de agents pathogènes était effectuée par l'intermédiaire d'un programme national de surveillance, le Programme national de surveillance des maladies entériques. Vous ne surveillez pas l'ensemble des 48 500 réseaux de distribution, quand même?

M. Sockett : Ce système de surveillance est fondé sur les rapports que fournissent une fois par semaine les laboratoires de santé publique des provinces à l'Agence de la santé publique du Canada. Autrement dit, les laboratoires font état une fois par semaine des agents pathogènes gastro-intestinaux de la liste qu'ils ont repérés.

Le président : Lorsqu'on décèle la présence de ces agents pathogènes?

M. Sockett : Lorsqu'on confirme leur présence en laboratoire.

Le président : Mais il y a de petits systèmes dont les responsables n'ont pas accès à ce genre de tests en laboratoire, pourtant nécessaires pour détecter la présence de ces agents.

M. Sockett : Il s'agit de cas déclarés de maladies gastro-intestinales chez les humains, et non de la présence des agents pathogènes dans les réseaux de distribution de l'eau.

Le président : De toutes les sources?

M. Sockett : De toutes les sources, oui.

Le sénateur Milne : Vous venez de poser la première question que je voulais poser à M. Sockett. On vous fait part chaque semaine des cas de maladies, et non des résultats d'analyse de l'eau?

M. Sockett : Oui, c'est tout à fait exact. Il s'agit de cas de maladies gastro-intestinales chez des humains confirmés par l'analyse en laboratoire et déclarés à l'Agence de la santé publique du Canada une fois par semaine.

Le sénateur Milne : On doit faire des analyses de l'eau de tous les réseaux de distribution municipaux, en Ontario, en tout cas, au moins une fois par semaine, et même certains usagers privés, Brampton Fairgrounds, par exemple, qui puisent leur eau directement à la source municipale doivent faire des analyses hebdomadaires.

M. Sockett : L'Agence de la santé publique s'occupe davantage des maladies humaines que des résultats de programmes d'analyse de l'eau, ce qui serait davantage du ressort de mes collègues de Santé Canada.

Le sénateur Milne : Monsieur Cooper, vous avez dit que les solutions viendront non pas de la réglementation, mais bien des projets nationaux et internationaux engagés pour cerner les meilleures pratiques de gestion. Vous avez parlé du fait que vous vous êtes rendu en Australie, parce qu'il y a là-bas moins d'avis de faire bouillir l'eau qu'au Canada. Qu'advient-il de cette initiative? Est-elle en cours? Avez-vous trouvé là-bas des idées pour régler le problème ici? Le cas échéant, que faites-vous? Mettez-vous ces idées en pratique au Canada d'une façon ou d'une autre? Que se passe-t-il en ce moment?

M. Cooper : Le processus comporte plusieurs aspects. Je vais commencer par l'aspect international. Il y a deux ans et demi environ, l'Organisation mondiale de la santé a mis sur pied un réseau d'approvisionnement en eau des petites collectivités dans le but de réaliser l'objet de développement du millénaire consistant à réduire de moitié le nombre de gens dans le monde qui n'ont pas accès à l'eau potable d'ici 2015. Tous les pays du monde sont confrontés au même problème, c'est-à-dire celui de fournir de l'eau potable avec des ressources et des capacités limitées, non seulement dans les pays en développement, mais également dans les pays industrialisés. Grâce à ce réseau, des représentants de différents pays, notamment de l'Australie, ainsi que de nombreux pays d'Europe, d'Afrique, d'Amérique du Sud et des Caraïbes, échangent des renseignements sur les pratiques exemplaires, ce qui fait que nous n'avons pas à réinventer des solutions qui existent déjà et que nous pouvons commencer à régler les problèmes plutôt que de discuter de la façon de les régler.

Le sénateur Milne : La question complémentaire c'est la suivante : est-ce que vous le faites?

M. Cooper : Oui, c'est de ça que je voudrais parler. Il y a trois ans, nous avons mis sur pied un comité national, et, comme je l'ai dit dans mon exposé, tous les organismes de réglementation fédéraux et provinciaux y sont représentés, parce qu'il faut qu'ils participent tous au débat. Le comité compte également parmi ses membres des universitaires, car ce sont eux qui connaissent le mieux les technologies de pointe et les dernières découvertes scientifiques, ainsi que des représentants d'ONG comme la Fédération canadienne des municipalités, et des entreprises qui font le traitement de l'eau par UV ou par le chlore, ou encore qui utilisent la technologie des membranes, parce que nous essayons de mettre de l'avant des solutions.

Il y a eu beaucoup d'activités visant à déterminer la nature des problèmes, mais nous cherchons surtout à déterminer la façon de les appliquer. C'est l'approche que nous avons adoptée. Je peux décrire brièvement ce que nous faisons à l'heure actuelle pour proposer certaines de ces solutions.

Les avis de faire bouillir l'eau sont une question qu'on a soulevée ici à quelques reprises, et on s'est demandé si nous disposons d'un système permettant de mettre en commun les renseignements sur le nombre d'avis de faire bouillir l'eau et sur les raisons pour lesquelles ces avis sont émis un peu partout au pays. Le Canada a été l'un des premiers pays à se doter d'un système du genre. Il n'y a pas de système comme le nôtre aux États-Unis, ni en Australie ni dans aucun des pays de l'Union européenne. En avril, nous avons lancé un programme qui, avec la participation des provinces et des territoires, qui commence à peine, va signaler immédiatement l'émission d'un avis de faire bouillir l'eau. Ce sera un système de temps réel. Une fois que l'avis ne sera plus en vigueur, le système fournira les raisons pour lesquelles il avait été émis. Nous devons connaître les raisons pour lesquelles les avis de faire bouillir l'eau sont émis pour pouvoir nous concentrer sur le fait de trouver des solutions au problème. Si nous ne connaissons pas ces raisons, ça ne nous aide pas du tout.

Le système est mis sur pied par l'intermédiaire de l'Agence de la santé publique du Canada. Il fait partie de ce que mon collègue a appelé le Réseau canadien de renseignements sur la santé publique, qui est un système intégré de surveillance des éclosions. D'ici quelques mois, nous allons recevoir régulièrement de l'information sur les avis de faire bouillir l'eau, ce qui veut dire que nous allons connaître le nombre exact d'avis émis et les motifs d'émission et que nous allons disposer d'un mécanisme qui nous permettra d'orienter nos mesures.

Une bonne partie du succès qu'a connu l'Australie est attribuable à l'application de ce que les Australiens appellent des plans de salubrité de l'eau. M. Hrudey en a parlé. Il s'agit d'outils d'évaluation du risque qui permettent à l'organisme de réglementation d'examiner l'ensemble du réseau, de la source au robinet, de façon à déceler les points faibles d'un petit réseau et à déterminer l'ordre dans lequel il convient de régler les problèmes.

Nous avons évalué 15 de ces outils, parce que nous devons en trouver un qui puisse être utilisé au Canada. L'outil utilisé en Australie est certainement l'un des meilleurs. Le système ontarien, que nous avons évalué, est excellent. On le met en place dans cette province pour l'approvisionnement en eau des petites collectivités.

Comme les ressources sont limitées, il s'agit d'investir pour régler les problèmes qui posent le plus grand risque. Comme je l'ai dit, nous avons évalué 15 de ces outils nationaux et internationaux. Nous allons exécuter ce printemps un projet pilote pour mettre à l'essai trois ou quatre de ces outils et pour voir lequel fonctionne le mieux dans telle ou telle situation. La situation varie au Canada selon qu'on s'approvisionne en eau souterraine ou en eau de surface et en fonction aussi des conditions climatiques. Nous souhaitons adopter un système, ou plusieurs systèmes, qui nous permettront d'utiliser les plans de salubrité de l'eau qui ont si bien fonctionné en Australie.

Nous collaborons avec la Fédération canadienne des municipalités ainsi qu'avec les provinces et les territoires, parce qu'il est inutile d'avoir des outils si on ne peut les mettre à la disposition des gens qui en ont besoin. Nous pensons qu'en travaillant avec les provinces et les territoires ainsi qu'avec la fédération, nous allons avoir un mécanisme qui nous permettra de joindre beaucoup de petites collectivités d'un peu partout au pays.

Nous exécutons en ce moment un projet pilote auquel participent les opérateurs des installations des provinces et des territoires. Nous savons que, dans les petites collectivités, les opérateurs occupent souvent plusieurs postes. Ils ne surveillent pas ce qui se passe à l'usine 24 heures sur 24, et cela pose un risque important. S'il y a un problème, quel est le mécanisme de secours dans le cadre de l'approche à barrières multiples?

Nous étudions en ce moment la possibilité d'effectuer une surveillance à distance, c'est-à-dire de surveiller 20 ou 30 réseaux à partir d'un point central et grâce à un système informatique. Il y aurait dans chacun des réseaux des capteurs qui mesureraient la turbidité de l'eau, la présence de résidus de chlore et d'autres éléments importants. Nous envisageons un ensemble de produits, des moins chers aux plus chers, pour nous assurer de disposer de toute une gamme de produits que les opérateurs pourraient utiliser comme système de secours, puisque c'est l'un des problèmes les plus importants auxquels nous sommes confrontés en ce qui concerne l'approvisionnement en eau des petites collectivités.

En collaboration avec trois ou quatre provinces, nous allons mettre à l'essai ces systèmes de surveillance à distance à partir de ce printemps et jusqu'à l'automne, et nous allons ensuite essayer de les mettre en place. Nous allons également communiquer cette information à l'Organisation mondiale de la santé, parce que celle-ci s'intéresse tout particulièrement au problème des capacités des petites collectivités, surtout dans les pays en développement.

Voilà quelques exemples de choses que nous faisons en ce moment. La communication et le fait de fournir aux collectivités de l'information sur l'importance d'investir dans l'eau potable sont des éléments essentiels. Des témoins ayant comparu devant le comité et des membres du comité ont dit qu'il s'agit d'un facteur très important. Ottawa a majoré le coût de l'approvisionnement en eau de 27 p. 100 sur trois ans pour ce qui est de l'infrastructure, et je constate que les collectivités et les gouvernements vont dans cette direction. Nous devons payer les services si nous voulons de l'eau potable de qualité.

Le sénateur Milne : Les UV sont-ils efficaces?

M. Cooper : Ils sont extrêmement efficaces. Certaines préoccupations ont été soulevées, surtout aux États-Unis, en ce qui concerne les virus qui sont très résistants aux UV. L'adénovirus exige une puissance beaucoup plus grande. Cependant, les UV sont l'un des nouveaux outils technologiques les plus efficaces, et il y a une tendance vers l'adoption des UV, de l'ozonation et de la technologie des membranes. Il y a maintenant 100 ans qu'on utilise le chlore pour le traitement de l'eau potable, et on commence aussi à utiliser de nouveaux outils technologiques très efficaces.

Le sénateur Brown : Monsieur Cooper, je pense que vous avez dit qu'il y a eu 1 776 avis de faire bouillir l'eau jusqu'à maintenant cette année. Après l'émission d'un avis, effectuez-vous une surveillance pour voir s'il y a de nouvelles éclosions dans la même région ou dans le même réseau?

M. Cooper : À l'heure actuelle, ce sont les provinces qui recueillent cette information, et l'idée d'établir ce nouveau système national, c'est de nous permettre de faire exactement cela, c'est-à-dire déceler les problèmes qui surviennent à répétition. À certains endroits, il y a des problèmes pendant trois ans ou pendant cinq ans, et on ne fait rien pour régler la situation. Dans d'autres cas, il y a des problèmes récurrents. C'est en partie pour ça que nous voulons établir un système d'alerte en temps réel pour ce qui est des avis de faire bouillir l'eau. À l'heure actuelle, nous ne disposons pas de cette information. Le comité et le sénateur Grafstein ont fait une déclaration selon laquelle il est important de disposer de l'information sur les avis de faire bouillir l'eau. M. Steve Hrudey nous a encouragés à le faire, et nous reconnaissons l'importance de cette mesure. Nous n'arriverons à régler la situation qu'en sachant où il y a des problèmes qui surviennent à répétition et pourquoi.

Le sénateur Brown : Vous avez dit que le système australien avait été conçu pour permettre une intervention après qu'un problème est survenu et pour expliquer aux gens des petites collectivités ce qu'il faut faire pour éviter de nouveaux problèmes.

M. Cooper : Je pense que le plan de salubrité de l'eau de l'Australie est plutôt une approche proactive. On essaie de déterminer où il pourrait y avoir des problèmes avant que ceux-ci ne surviennent. C'est ce que nous voulons tenter de faire en appliquant des plans de salubrité de l'eau et des outils d'évaluation du risque ici, au Canada.

La situation est un peu différente en Australie, par rapport à celle du Canada. Il y a là-bas moins de petites collectivités, et celles-ci se situent dans bien des cas dans des régions très arides, où les sources d'eau se trouvent à de très grandes profondeurs et sont confinées aux aquifères, ce qui fait qu'elles sont souvent pures. Il y a néanmoins trop d'avis de faire bouillir l'eau au Canada. Il faut régler ce problème.

Le président : À ce sujet, je pense que M. Hrudey a dit que l'une des raisons pour lesquelles le système australien fonctionne si bien, c'est qu'il y a eu fusion de nombreux petits systèmes en quelques gros systèmes. Ainsi, il n'y a qu'un endroit où aller plutôt que 20 lorsqu'il s'agit de faire appliquer le règlement. Est-ce que c'est ça?

M. Cooper : Il y a 384 fournisseurs d'eau en Australie, ce qui veut dire qu'on a fait là-bas un certain travail de consolidation.

Le président : Comparativement à 48 000?

M. Cooper : Oui.

Le président : Placer le système sous le contrôle d'une seule organisation fait partie du plan qu'on envisage d'adopter?

M. Cooper : C'est une option qu'il faudrait analyser. En ce moment, cela ne fait pas partie du plan, mais c'est une chose qui pourrait nous aider à améliorer la situation.

Le sénateur Mitchell : Des 1 766 avis de faire bouillir l'eau dont vous avez parlé, combien visaient des réserves autochtones?

M. Cooper : Je n'ai pas les chiffres exacts devant moi. Je pense que le risque était élevé dans le cas d'environ 93 réserves. J'hésite à affirmer quoi que ce soit. C'est généralement la même proportion que dans le cas des petites collectivités, c'est-à-dire environ 10 p. 100. Je ne possède pas cette information. C'est Affaires indiennes et du Nord Canada qui l'a en sa possession. L'idée d'établir un système d'alerte en temps réel pour les avis de faire bouillir l'eau, ce serait en partie de pouvoir recueillir ce genre d'information en temps réel.

Le sénateur Mitchell : Êtes-vous responsable de l'approvisionnement en eau de ces collectivités, ou est-ce que c'est Affaires indiennes et du Nord Canada qui en est responsable?

M. Cooper : La responsabilité est partagée entre Affaires indiennes et du Nord Canada et les collectivités des Premières nations. Santé Canada offre son soutien en effectuant une surveillance, en recueillant des échantillons d'eau et en s'occupant des aspects sanitaires, mais ces activités sont encadrées par Affaires indiennes et du Nord Canada.

Le sénateur Mitchell : Dans quelle mesure êtes-vous convaincu que nous savons, même, où se trouvent nos aquifères et nos eaux souterraines, que nous savons en évaluer la qualité et que nous pouvons relever les menaces potentielles à cette qualité?

M. Cooper : Je n'en suis pas très convaincu. C'est une question qu'on soulève régulièrement depuis 20 ans. Nous devons nous faire une meilleure idée de la vulnérabilité de nos ressources en eaux souterraines. Environ 30 p. 100 de la population canadienne s'approvisionnent à même les sources d'eaux souterraines. Ressources naturelles Canada a entrepris de grandes études sur la vulnérabilité et la caractérisation des principaux aquifères. Il reste du travail à faire. Je pense que le gouvernement étudie les options qui s'offrent à lui pour ce qui est d'acquérir une meilleure connaissance de cette ressource très précieuse. Il est clair que, en ce qui concerne les aquifères libres ou les aquifères qui ne sont pas isolés des eaux de surface, le risque est beaucoup plus élevé puisque certains agents pathogènes peuvent les contaminer. Il reste du travail à faire, oui.

Le sénateur Mitchell : Comment envisagez-vous, évaluez-vous ou étudiez-vous les effets des changements climatiques sur la qualité et la disponibilité de l'eau?

M. Cooper : C'est sûr que la question des changements climatiques est importante lorsqu'il s'agit de l'eau potable, ainsi que des ressources en eau de façon générale. Comme vous le savez, il semble que les glaciers des Rocheuses sont en train de fondre. L'eau de fonte alimente des rivières qui s'écoulent vers l'est à partir des Rocheuses, les rivières Saskatchewan Nord et Sud ainsi que d'autres rivières. C'est certain qu'on se préoccupe de la possibilité que des ressources en eau soient affectées. Lorsque la quantité d'eau disponible change, la possibilité qu'elle soit polluée augmente et la concentration de la pollution aussi. Des problèmes d'infrastructure peuvent même survenir, parce que si le niveau d'eau baisse, le tuyau d'adduction utilisé pour pomper l'eau ne va pas aussi loin en profondeur, ce qui fait que le risque peut être plus élevé. C'est quelque chose qu'on étudie. Il faudrait probablement coordonner davantage les efforts visant à régler ce problème au fur et à mesure. C'est un élément extrêmement important de la gestion de l'eau potable à long terme.

Le sénateur Mitchell : Vous avez parlé de quelque chose en cours ou qui s'est passé en avril. J'ai raté ça.

M. Cooper : Il s'agit du lancement du système d'alerte en temps réel concernant les avis de faire bouillir l'eau. Je devrais signaler le fait que ce système est sécuritaire. Cela signifie qu'il est accessible aux organismes de réglementation provinciaux, territoriaux et fédéraux ainsi qu'aux médecins-hygiénistes, parce qu'ils utilisent ce système pour échanger des renseignements sur les enjeux et les problèmes touchant la santé et sur les éclosions. Cependant, le système est conçu de façon à permettre l'extraction d'information aux fins de diffusion, et c'est certainement ce que nous souhaitons dans le cas des avis de faire bouillir l'eau — nous ne voulons pas conserver l'information dans une base de données sécurisée; nous voulons la rendre accessible.

Le sénateur Mitchell : Pourquoi a-t-il fallu tant de temps, c'est-à-dire jusqu'en avril dernier, pour mettre ce système en place? Il semble que c'est quelque chose qui aurait dû et qui aurait pu être instauré il y a longtemps.

M. Cooper : Nous sommes le premier pays du monde à se doter de ce genre de système. Je pense que le Réseau canadien de renseignements sur la santé publique n'est en ligne que depuis 2003-2004, et c'est ce réseau qui est le mécanisme grâce auquel nous pouvons utiliser ce système à notre avantage. Auparavant, nous avions des documents précisant ce qu'il fallait faire dans ce genre de situation, mais les documents restent sur les tablettes. Nous voulions nous doter d'un système électronique qui nous permettrait d'alerter les gens concernés, ainsi que d'informer la population de la situation. C'est ce qui explique le délai.

Le président : Sénateur Mitchell, notre analyste m'a rappelé que la réponse à votre question au sujet de l'inclusion des avis de faire bouillir l'eau visant les réserves figure dans le rapport cité dans le Journal de l'Association médicale canadienne. Les 1 766 avis de faire bouillir l'eau excluent les avis concernant les collectivités autochtones. Autrement dit, ce sont des avis émis à l'extérieur des réserves.

Le sénateur Trenholme Counsell : Merci, messieurs. Nous apprenons beaucoup de choses de tous ces exposés. C'est vraiment très difficile de poser des questions après avoir manqué une grosse partie de l'exposé, même si le sénateur Brown m'a donné un bon coup de main.

Au Canada, il y a en tout temps entre 1 200 et 2 000 avis de faire bouillir l'eau, qui visent pratiquement tous de petites collectivités éloignées ou rurales. Au Nouveau-Brunswick, et, je pense, dans l'ensemble de la région de l'Atlantique, c'est arrivé dans un certain nombre de villes. Je me rappelle d'une ville en particulier où il y a eu un avertissement de faire bouillir l'eau à très court terme. Je me rappelle que j'étais en voyage et que je me trouvais dans un hôtel, sans savoir exactement ce qui se passait.

Je me demandais si vous pouviez nous parler un peu des villes et des collectivités de tailles plus importantes qui auraient connu ce genre de problème au cours des cinq ou dix dernières années?

M. Cooper : Pour ce qui est des grandes villes, c'est certainement quelque chose qui se produit de temps à autre. Nous nous souvenons tous de ce qui s'est passé à Vancouver, en 2005, lorsque les précipitations ont engendré une turbidité élevée. Voilà une situation où une grande ville est approvisionnée en eau par une usine de traitement qui ne filtre pas l'eau, mais puise dans les eaux de surface. À Vancouver, on est en train de terminer la construction d'une usine de filtration pour deux des réservoirs de la ville, et le tout doit être achevé d'ici la fin 2009, avant les Olympiques, pour éviter que ce problème se reproduise. Ce qui a tendance à se passer dans ce genre de situation, c'est que le problème est réglé rapidement, parce qu'elle suscite beaucoup d'attention et qu'on prend des mesures immédiatement. Dans les petites collectivités, ce genre de problème peut durer des années, et ça nous préoccupe.

C'est sûr qu'il y a eu des avis de faire bouillir l'eau dans des municipalités de taille importante, au Nouveau- Brunswick, par exemple. Je pense que St. John aussi puise son eau en surface et ne la filtre pas. Il s'agit de travailler avec les administrations et de reconnaître l'importance des investissements dans des systèmes de traitement de l'eau potable sécuritaires. Ces problèmes ont tendance à être réglés rapidement, parce que les pressions effectuées par la population dans les grandes villes est beaucoup plus efficace que dans les petites collectivités.

Pour ce qui est de votre seconde question, par rapport au fait d'informer les habitants d'une collectivité du fait qu'un avis de faire bouillir l'eau est en vigueur, et, ce qui est encore plus important, d'informer les gens qui ne sont que de passage, il reste du travail à faire, et ça va faire partie du processus que nous entreprenons pour régler les problèmes d'approvisionnement en eau des petites collectivités.

Je devrais souligner que la Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits du Canada a mis sur pied un excellent système pour informer les gens qui vivent dans des réserves lorsqu'il y a un avis de faire bouillir l'eau en vigueur. Les agents de cette direction générale font le tour des maisons et affichent des avis qui expliquent les détails concernant l'avis de faire bouillir l'eau. Ces avis contiennent des pictogrammes, et ils sont très informatifs. Ils sont aussi accompagnés de documents explicatifs. Nous avons expliqué cela aux provinces et territoires intéressés, et ils vont probablement commencer à utiliser le même type de système de transmission de l'information pour s'assurer de mettre les gens au courant. C'est sûr que nous devons améliorer notre façon d'informer les résidents des collectivités visées par un avis de faire bouillir l'eau.

Le sénateur Trenholme Counsell : Vous avez parlé d'un certain nombre de villes lorsque vous avez répondu à ma question tout à l'heure. Est-ce que ce genre d'avis à court terme, qui demeure en vigueur de trois à dix jours, est plus courant que ce que laisse croire votre mémoire?

M. Cooper : Ces avis sont rares, parce que la plupart des gros systèmes ont un excellent réseau de traitement et de distribution de haut niveau, si on exclut le bris de la conduite maîtresse de l'avenue King Edward, ici, à Ottawa, qui a été construite en 1895. J'ai soulevé la question de problèmes d'infrastructure dans le mémoire. Nous relevons la plupart des problèmes touchant l'approvisionnement en eau des grandes collectivités dans ces vieux réseaux, et nous avons du travail à faire pour régler ce problème.

Pour répondre à votre question, les avis de faire bouillir l'eau dans les grandes villes ont tendance à être rares, à durer peu de temps et à être liés généralement aux usines de traitement de l'eau.

Le sénateur Trenholme Counsell : Est-ce que les inondations qui ont eu lieu récemment au Nouveau-Brunswick ont donné lieu à des avis de faire bouillir l'eau?

M. Cooper : Pas que je sache, quoique une inondation crée la possibilité — comme ça a été le cas au Manitoba — d'inondations de plusieurs usines de traitement de l'eau potable. Dans ce cas, il y a automatiquement un avis de faire bouillir l'eau. Malheureusement, je ne sais pas ce qu'il en est par rapport aux inondations qui ont eu lieu récemment au Nouveau-Brunswick.

Le sénateur Trenholme Counsell : Je devrais probablement le savoir, mais ce n'est pas le cas.

Le sénateur Adams : Vous avez parlé des avis de faire bouillir l'eau visant les collectivités. Ces avis sont-ils en anglais et en français seulement? Envoyez-vous ce genre d'avis aux collectivités de Premières nations?

M. Cooper : Oui, nous envoyons des avis aux collectivités de Premières nations situées dans des réserves.

Le sénateur Adams : En envoyez-vous aux collectivités inuites aussi?

M. Cooper : Je pense que le système actuel n'inclut pas les collectivités inuites, mais je recommanderais fortement l'inclusion de ces collectivités. Je recommanderais certainement qu'on informe les Inuits des préoccupations concernant leur santé. Je ne pourrais pas vous dire avec certitude si le système est en place dans ces collectivités, mais je pense que ce n'est pas le cas.

Je devrais vous dire que, comme les gens concernés parlent toutes sortes de langues, la plupart des avis se présentent sous forme de pictogrammes, accompagnés de texte dans la langue appropriée, pas seulement en anglais ou en français.

Le sénateur Adams : La plupart des Inuits, surtout les aînés, ne lisent pas l'anglais, Dans bien des cas, ils ne boivent même pas l'eau du robinet. Au Nunavut, il n'y a que trois réseaux de distribution de l'eau et d'égout — un à Rankin, un à Iqaluit et un à Resolute — sur 25 collectivités. Parfois, la situation de la majorité des collectivités, qui utilisent un réservoir pour leur approvisionnement en eau, m'inquiète. Cette année, il a fait très froid, et je ne sais pas quelle quantité d'eau il y a dans les réservoirs — peut-être six ou huit pieds seulement. J'ai parlé avec mon fils hier, et il est allé pêcher la fin de semaine dernière au même endroit que d'habitude. Il m'a dit qu'il y avait de la glace jusqu'au fond. La glace a été très épaisse cette année, entre huit et neuf pieds, alors qu'il y a habituellement six pieds de glace. Impossible cette année de percer un trou dans la glace pour trouver de l'eau. Ce n'est pas un problème dans le cas des lacs, mais le réservoir n'a pas d'affluents, ce qui fait que, lorsque l'hiver est très froid, il est complètement gelé. Aussitôt qu'il n'y a plus d'oxygène dans l'eau, le poisson meurt. Est-ce qu'on fait des analyses dans les réservoirs de ces collectivités? En ce moment, il y a des problèmes liés à l'eau qui se posent dans ces collectivités pour les humains et pour les mammifères. Beaucoup d'oies des neiges viennent sur le territoire de ces collectivités et se posent là où il y a le bassin de stabilisation des eaux usées. Parfois, les gens mangent ces oies. Les eaux usées peuvent déborder et s'écouler dans le lac Baker, et, l'été, les caribous s'abreuvent dans le lac Baker, et dans le bassin de stabilisation des eaux usées cette année. À Chesterfield Inlet, il y avait des caribous au dépotoir. On devrait mettre une clôture autour pour empêcher les animaux d'y pénétrer, mais je ne sais pas comment faire. On en a fait état dans les journaux locaux du Nunavut. L'été dernier, et encore une fois cette année, le bassin de stabilisation des eaux usées a débordé dans le lac Baker.

M. Cooper : Je ne sais pas vraiment comment répondre à votre question, parce que nous reconnaissons tous le fait que le Nord, et assurément le Nunavut, fait face à des problèmes en ce qui concerne l'eau potable. Je me souviens que nous avons déjà parlé de vos préoccupations au sujet du chlore et de la possibilité de faire du bon thé, ce qui est important.

Lorsque nous parlons de trouver des solutions réelles pour les petites collectivités, ça inclut le Nord. J'admets que les défis auxquels nous faisons face lorsqu'il s'agit de régler les problèmes dans le Nord sont beaucoup plus importants que dans le Sud. À l'heure actuelle, nous travaillons en collaboration avec les Territoires du Nord-Ouest à mettre au point des mesures qui pourraient régler certains problèmes. Il y a là-bas des problèmes liés aux corons, et on envisage d'avoir recours à la télédétection.

Les questions que vous soulevez concernent la façon de protéger le réservoir d'eau potable et le système de traitement des eaux usées pour empêcher la contamination croisée. Il est clair que le traitement de l'eau dans le Nord est un défi de taille beaucoup plus que dans les régions du Sud. Nous sommes tout à fait disposés à travailler avec les gouvernements du Nunavut et des Territoires du Nord-Ouest pour les aider à régler ces problèmes. C'est sûr que, avec les changements climatiques, certains de ces problèmes pourraient devenir encore plus graves, alors c'est une priorité pour nous, même si je ne peux vous offrir de solutions aujourd'hui.

Le président : Monsieur Sockett, je ne dis pas que les systèmes seraient les mêmes en quoi que ce soit, qu'il s'agisse de la surveillance ou de l'application, mais que ferait l'Agence de la santé publique s'il y avait dix éclosions simultanées de E. coli dans dix usines de transformation de la viande différentes au Canada? Quelle serait la procédure à suivre dans ce genre de situations? L'Agence canadienne d'inspection des aliments aurait découvert les problèmes. Du point de vue de l'Agence de la santé publique du Canada, qu'est-ce qui se passerait dans ce genre de situations?

M. Sockett : C'est une question intéressante, et qui nous occupe l'esprit à l'occasion.

Le président : Il se passerait quelque chose, je présume.

M. Sockett : Il est certain que quelque chose se passerait. Nous travaillerions en étroite collaboration avec un certain nombre de ministères et d'organismes du gouvernement qui participeraient à la gestion d'un problème du genre. Nous travaillerions en collaboration très étroite avec nos collègues de l'Agence canadienne d'inspection des aliments, avec nos collègues de la Direction des aliments de Santé Canada et avec nos collègues des provinces et des territoires.

Dans une situation comme celle que vous décrivez, l'agence devrait probablement jouer un rôle de coordination pour essayer de s'assurer que chacun des incidents fait l'objet d'une évaluation et d'une intervention efficaces et appropriées. La principale responsabilité de l'agence consisterait à effectuer une surveillance et à essayer de prévenir les maladies humaines. Nous nous tournerions vers nos collègues de l'Agence canadienne d'inspection des aliments pour essayer de mieux comprendre comment ces incidents se seraient produits, et nous travaillerions avec eux pour faire des évaluations du risque qui guideraient par la suite la prise de mesures, par exemple le retrait du produit quelconque jugé être à l'origine du problème.

Vous savez peut-être, par exemple, qu'on a retiré des tablettes de grandes quantités de produits de bœuf haché ces dernières années — et même ces derniers mois en Amérique du Nord, des deux côtés de la frontière canado-américaine. Dans certains cas, des millions de livres de produits ont été retirées des tablettes. Ce genre de mesures exige un haut degré de coordination et de collaboration entre les organismes et les ministères provinciaux et territoriaux du Canada concernés, ainsi qu'avec nos collègues des États-Unis.

Le président : Ces entreprises doivent respecter les normes. Dans les usines de transformation de la viande, surtout dans les grosses usines, il y a des inspecteurs du gouvernement fédéral, n'est-ce pas?

M. Sockett : Dans certaines usines, oui. S'il s'agit d'usines qui exportent des produits à l'extérieur de la province ou du pays, ces produits sont soumis à l'inspection et aux règlements de l'Agence canadienne d'inspection des aliments.

Le président : D'après ce que vous savez, dans ce genre de situations, les exploitants de ces usines et leurs propriétaires seraient-ils l'objet d'une sanction si on découvrait qu'ils n'ont pas respecté les normes sanitaires en vigueur?

M. Sockett : Les choses se passeraient à deux niveaux. Dans l'immédiat, l'Agence canadienne d'inspection des aliments travaillerait avec le propriétaire de l'usine, ou l'entreprise qui produit la viande, à retirer les produits des tablettes le plus rapidement possible. Il s'agit normalement d'une activité qui est effectuée de façon volontaire après discussions entre l'ACIA et l'entreprise, mais l'ACIA aurait le pouvoir de rendre cette activité obligatoire au besoin.

L'autre niveau aurait trait davantage au fait de déterminer s'il y a eu une quelconque infraction aux règles de production sécuritaire d'aliments, et il appartiendrait encore une fois à l'Agence canadienne d'inspection des aliments ou aux autorités sanitaires provinciales ou territoriales de décider s'il convient de prendre d'autres mesures pour s'assurer que l'usine produira un produit salubre à l'avenir.

Le sénateur Milne : Avez-vous dit, monsieur Sockett, que ce ne sont pas toutes les usines de transformation de la viande qui font l'objet d'inspections, et que seules celles qui exportent de la viande dans d'autres provinces ou dans d'autres pays font l'objet d'inspections?

M. Sockett : Je ne voulais pas dire qu'il n'y a pas d'inspections partout. Cependant, seules les usines qui exportent des produits font l'objet des inspections fédérales. C'est ce qu'on m'a dit. Pour ce qui est des autres usines, c'est la province qui s'occupe des questions d'information et de réglementation.

Le sénateur Cochrane : Puis-je parler d'autre chose que de l'eau pendant que M. Sockett est ici et qu'il peut répondre à mes questions? Je vais vous mettre sur la sellette, monsieur Sockett.

M. Sockett : Ce ne sera pas la première fois.

Le sénateur Cochrane : Un événement qui s'est produit la semaine dernière m'a rendue un peu nerveuse. J'ai entendu parler d'un incident qui s'est produit à bord d'un train près de Sudbury, je crois. Une femme est morte dans un train où il y avait des centaines de voyageurs. On a émis une alerte et dit à tout le monde d'être prudent, qu'il pouvait y avoir une maladie ou quelque chose du genre.

Sommes-nous suffisamment préparés pour tous les types d'éclosions ou pour ce genre de choses?

M. Sockett : Je trouve cette question très intéressante.

Le président : Ici, nous appelons ça une « question clandestine ». Ce qui est clandestin, par définition, n'est pas réglementé.

Le sénateur Cochrane : Savez-vous à quel incident je fais allusion? Une femme est morte, et une autre s'est trouvée à l'hôpital.

M. Sockett : Je connais très bien l'incident en question. Si cette question est particulièrement intéressante, c'est qu'il est certain que, au Canada, nous avons fait beaucoup de progrès au cours des dernières années pour ce qui est de veiller à ce que de bons systèmes soient en place afin que l'on puisse réagir à différents types d'éclosions. On n'a qu'à observer certaines des enquêtes qui ont été menées au cours des dernières années — à Walkerton, par exemple — pour voir que l'on dispose d'un groupe de personnes compétentes pour ce genre d'intervention.

Le centre pour lequel je travaille comporte une division consacrée à l'enquête des éclosions. De nombreux experts sont en place, soit pour offrir une orientation aux provinces et aux territoires concernant leurs enquêtes — cette activité s'applique surtout aux cas de maladies d'origine alimentaire et hydrique —, soit pour se lancer dans une enquête sur le terrain, la diriger ou la soutenir, selon les besoins.

Évidemment, vu les menaces potentielles qui nous ont préoccupé ces dernières années, comme le bioterrorisme, il y a eu beaucoup de pressions pour que l'on tente de renforcer davantage la capacité de mener des enquêtes à grande échelle liées aux éclosions et de travailler en collaboration avec d'autres premiers intervenants.

J'ai dit que votre question était intéressante parce que l'éclosion survenue dans le train — ou la « situation » survenue dans le train : finalement, ce n'était pas une éclosion — a permis de constater que les différentes composantes d'une intervention de cette nature fonctionnaient extrêmement bien ensemble. Les gens se sont regroupés. Les gens savaient ce qu'ils étaient censés faire sur le terrain. La communication était excellente. Le Centre d'opérations d'urgence de l'Agence de la santé publique du Canada ont assuré dans une large mesure la coordination de cette intervention, allant même jusqu'à utiliser de l'équipement de communication par satellite pour parler au médecin qui soignait la femme dans le train. Malheureusement, elle est morte malgré les soins.

Une des choses que l'on a apprise à la suite de cet incident, c'est que les mesures que nous mettons en place peuvent fonctionner très bien. Évidemment, il y a toujours place à l'amélioration. Toutefois, nous étions très encouragés de constater que nous pouvions intervenir, de concert avec beaucoup d'autres agences et groupes d'intervenants d'urgence, de façon si efficace.

Le sénateur Cochrane : Je suis contente de l'entendre.

Le sénateur Grafstein : Je vous souhaite la bienvenue encore une fois, monsieur Cooper. Je suis absolument enchanté d'apprendre, après toutes ces années, que nous aborderons en avril de cette année certains des problèmes dont je vous ai entretenu il y a sept ans, je crois.

M. Cooper : Ce n'était pas il y a si longtemps.

Le sénateur Grafstein : Cela fait bien six ans. Je dis cela sans aucune animosité. Je suis tout simplement enchanté que, enfin, cette chose qu'on appelle le gouvernement fédéral prenne conscience de ses responsabilités fédérales.

Commençons par une déclaration que vous avez faite : « Les solutions ne viendront pas de la réglementation. » J'aimerais que vous parliez au comité de la structure des différents organismes du gouvernement fédéral qui sont responsables de l'eau et de la sécurité. Je vous en donne quelques exemples : votre propre ministère, le ministère de l'Agriculture, le ministère des Ressources naturelles, le ministère des Pêches et des Océans, Transports Canada et, surtout, Affaires indiennes et du Nord Canada. Ils sont tous responsables de la réglementation. Tous ces ministères ont un pouvoir réglementaire, à l'instar l'Agence canadienne d'inspection des aliments, que vous venez de citer en exemple. Ces marchandises n'auraient jamais été retirées du marché si ce n'était du pouvoir fédéral sous-jacent. Tout aurait reposé sur une coalition des volontaires.

Il est important d'enfin jeter un coup d'œil sur tous les organismes qui ont recours à un règlement pour résoudre les problèmes liés à l'eau. J'en connais un certain nombre, et le comité profiterait, dans le cadre de son étude du projet de loi, d'une réflexion sur la place du projet de loi dans le système actuel. La chose serait-elle difficile à faire?

M. Cooper : Ce serait assez compliqué, à moins que nous circonscrivions l'enjeu un peu plus clairement. Aux termes du Code canadien du travail, l'eau destinée à la consommation doit être potable à l'échelle fédérale. C'est la loi fondamentale qui régit l'eau potable salubre pour tous les ministères.

Le sénateur Grafstein : Cette disposition vise les employés. Les organismes sont aussi directement responsables des clients de chacun de ces ministères. Par exemple, les avions, les parcs et les collectivités autochtones.

M. Cooper : C'est exact, et le commissaire à l'environnement et au développement durable a émis des recommandations liées aux transports en commun et à la salubrité de l'eau potable, et on a fait beaucoup de progrès concernant la mise en place d'ententes et de protocoles d'échantillonnage auprès de l'industrie de l'aéronautique pour régler ce problème.

Quant au large éventail de ministères et à leurs responsabilités touchant l'eau potable, ce n'est pas comme si on leur avait attribué des compétences précises. Un groupe de travail interministériel a été mis sur pied, il y a quatre ou cinq ans, pour examiner la question de l'eau potable sur les terres fédérales, pas seulement pour les fonctionnaires, mais aussi pour les personnes qui se rendent dans les parcs, les établissements correctionnels et les bases militaires. On a produit des documents qui expliquent la démarche visant à protéger l'eau potable. Chacun applique les recommandations pour l'eau potable au Canada à titre de norme pour évaluer la qualité du travail.

Le sénateur Grafstein : Monsieur Cooper, cela serait utile, car des ragots circulent au sujet de mon mémoire de frais. Cela démontrerait qu'il existe un manque de responsabilité lorsque les mandats des organismes au sein du gouvernement fédéral se recoupent. Ce projet de loi a pour but de systématiser les activités de tous les organismes du gouvernement fédéral qui touchent l'eau potable.

M. Cooper : C'est ce que tente de réaliser ce groupe, avec le soutien des ministères. Toutefois, je ne comprends pas bien le lien entre cette information et ce problème. La réglementation de l'eau potable à l'échelle du pays par le gouvernement fédéral est un exercice très différent qui ne fait pas appel aux mêmes compétences que la réglementation des aliments.

Le sénateur Grafstein : Avec tout le respect que je vous dois, je comprends, mais vous le faites déjà. Vous le faites dans les secteurs où la compétence du gouvernement fédéral n'est pas contestée. Ce n'est pas nouveau. L'idée, est non pas de faire quelque chose de nouveau, mais bien de faire quelque chose de rentable pour réduire le chevauchement et le double emploi à l'échelon fédéral. Peut-être que mon argument n'est pas clair.

Au cours des deux dernières années, depuis que nous avons commencé cette analyse, nous avons entendu une succession de ministres, de premiers ministres et de discours de Trône prétendre qu'on allait se pencher sur la question de l'eau. Cela fait cinq, six ou sept ans que nous entendons cela.

Le président : Nous y travaillons depuis cinq ans.

Le sénateur Grafstein : Pour ma part, j'y travaille depuis quelques années de plus.

Ce que je veux dire, c'est que l'administration se rend enfin à l'évidence : il y a chevauchement des responsabilités liées à l'eau potable de qualité au sein de l'appareil fédéral. Le projet de loi a pour objectif de rationaliser le système et, à partir de là, d'assurer une surveillance rentable à l'égard de la réglementation prise par les provinces. C'est l'idée qui sous-tend le projet de loi. Il s'agit de réformer les activités du gouvernement fédéral au chapitre de l'eau potable. C'est un projet de loi touchant la responsabilité.

M. Cooper : Ce n'est pas ainsi que j'ai interprété le projet de loi. Le fait d'assimiler les réseaux de distribution d'eau des collectivités et l'eau potable à la réglementation sur les aliments étendrait en fait le rôle du gouvernement fédéral, qui se limite à la surveillance, à tous les domaines provinciaux. Il est impossible de se restreindre à la surveillance sous le régime de la Loi sur les aliments et drogues.

Quant aux réserves des Premières nations, un processus est en marche et des consultations sont actuellement en cours avec des groupes des Premières nations sur la meilleure façon d'instaurer un régime réglementaire à l'échelle du pays auprès de 1 000 collectivités.

Le sénateur Grafstein : Cela appuie mon argument. Nous sommes maintenant d'accord. Le sénateur Adams et le sénateur Watt sont les parrains du projet de loi, parce qu'il y a sept ans, les deux se sont plaints à moi au sujet de la situation de l'eau dans les collectivités autochtones. Depuis la Confédération, on n'a jamais remis en question la responsabilité directe du gouvernement fédéral pour les collectivités autochtones; pourtant, regardez le dernier rapport médical que nous avons reçu. Le sénateur Adams m'a apporté le filtre qui était en place chez lui, et il était plein de boue et d'agents chimiques.

Observons la structure et déterminons dans quelles circonstances le gouvernement fédéral est directement responsable, puis examinons tentons de déterminer — de façon efficiente — comment nous pouvons fournir à chaque citoyen de ce pays de l'eau potable de qualité, de façon juste et équitable. Il s'agit de l'objectif global du projet de loi.

Commençons par la structure. Nous disposons d'assez de temps pour entendre des témoignages. Nous devrions peut-être inviter les autres organismes à venir témoigner comme vous l'avez fait, monsieur Cooper. Soit dit en passant, je ne critique pas ce que vous faites. Je trouve que vous faites du bon travail.

M. Cooper : Le commissaire à l'environnement et au développement durable a examiné la question de l'approvisionnement en eau potable exposée dans d'autres documents fédéraux. Il s'est penché sur la question des Premières nations et des voyageurs. On a recueilli l'information nécessaire pour formuler des recommandations sur les besoins. Depuis 2005, les gouvernements tentent activement de réagir de façon efficace à ces recommandations.

Loin de moi l'idée de refaire le travail du commissaire à l'environnement et au développement durable. Un travail constant est accompli dans tous les domaines qui vous intéressent. Il s'agit d'un domaine important, et les questions touchant l'approvisionnement en eau potable salubre qui relèvent de la compétence fédérale doivent être traitées de façon efficace. Je crois que le projet de loi S-206 ne dépasse largement cet objectif.

Le sénateur Grafstein : De toute évidence, c'est le cas. Je ne dis pas le contraire. Je suis prêt à relever le défi consistant à examiner les coûts si je dois m'attaquer à ce problème. Je ferai mes devoirs à ce sujet.

Il est raisonnable de dire que le gouvernement fédéral peut miser sur beaucoup de compétences et de connaissances et sur une solide expertise en ce qui concerne l'approvisionnement en eau potable de qualité. Mais c'est sous la forme d'un entrelacement d'administrations qui se chevauchent. Je ne remets pas cela en question. C'est ainsi que les organismes sont établis; ils reposent sur des fondements communs. Je suis sûr que M. Sockett a fait face à ce problème au moment de la mise sur pied de son nouvel organisme.

Vous souriez, monsieur Sockett. Je comprends les difficultés qu'a dû surmonter votre organisme pour regrouper tous les aspects de la santé publique sous le même toit. Il a dû livrer un combat titanesque pour y arriver.

Nous tentons de rationaliser la question de l'eau potable, et cela s'avérerait utile. Faites la contribution que vous pouvez au comité.

M. Cooper : Je vous suggère de vous adresser d'abord au commissaire à l'environnement et au développement durable. Son organisme a déjà recueilli l'information, et il effectue actuellement une vérification de suivi pour voir quelles mesures ont été prises à la suite des recommandations.

J'aimerais aussi attirer votre attention sur le fait que beaucoup de ministères fédéraux collaborent de façon continue avec leurs collègues provinciaux, car ceux-ci possèdent l'expertise qui manque au gouvernement fédéral, dans certains cas.

Le sénateur Grafstein : Merci beaucoup, monsieur Cooper. Je reviendrai à M. Sockett dans un instant, mais je tenterai d'être très concis. Le temps file, et je sais que le comité doit lever la séance dans relativement peu de temps. Je vais couvrir beaucoup de terrain très rapidement.

Quant à la question du sénateur Trenholme Counsell, je crois savoir — et tout cela est très anecdotique — qu'il y a eu au cours des cinq dernières années une série d'éclosions touchant la salubrité de l'eau à Vancouver, à Moncton, à Winnipeg, à St-John, à Montréal et dans d'autres villes au Canada. Nous ne savons pas dans quelle mesure elles étaient graves, mais nous savons que, par exemple, à Vancouver, selon M. Schindler, 17 000 personnes ont été touchées, en un an, par la mauvaise qualité de l'eau potable, pour les raisons mêmes qu'a invoquées M. Cooper. C'était avant la mise sur pied de l'organisme de M. Sockett.

Il serait utile d'avoir le portrait global, même si les grands centres urbains n'ont été aux prises qu'avec de courtes éclosions, car ce n'est pas juste un problème dans les petites villes.

M. Cooper : J'aimerais renvoyer la question à Paul Sockett. Toutefois, brièvement, sur la question des 17 000 personnes tombées malades à Vancouver, on parle de l'étude effectuée en 2000 par Santé Canada, n'est-ce pas?

Le sénateur Grafstein : Je ne suis pas certain de la date; vous avez peut-être raison.

M. Cooper : L'étude portait sur la turbidité dans l'eau du bassin d'approvisionnement, car elle n'était pas perceptible dans l'eau du robinet, et on tentait d'estimer le nombre de maladies gastro-intestinales causées par ce phénomène. Lorsque vous parlez de 17 000 personnes, vous nous renvoyez à une période de six ans. Ce n'est pas une période de un an. Soyons clairs à ce sujet.

Il s'agissait d'un exercice de modélisation qui révélait que, en moyenne, les maladies gastro-intestinales provoquées par l'eau comptaient pour moins de 2 p. 100. Je vous l'accorde : c'est toujours un problème grave. Je ne cherche pas à le minimiser, mais il faut observer le contexte dans lequel il a vu le jour.

Le sénateur Grafstein : Je crois qu'il est juste, lorsque nous parlons des petites collectivités, d'observer les problèmes qui sont survenus dans les plus grands centres. Même si le pourcentage peut-être négligeable, en additionnant les chiffres, on peut apprécier une certaine ampleur.

M. Cooper : De façon générale, il s'agit d'un problème d'infrastructure; il existe de grandes villes qui ne filtrent peut- être pas leur eau. Il faut prendre la situation en main. On ne saurait nier que c'était la cause du problème à Vancouver. Les problèmes qui surviennent ailleurs, dans les grandes villes, peuvent aussi être imputables à la station d'épuration des eaux.

Le président : Je dois vous interrompre, et je vous prie de m'excuser. Nous entendons depuis cinq ans qu'il faut régler ces problèmes. Quand les réglera-t-on et comment — qui le fera, et à quel moment?

Si je vous pose la question, monsieur Cooper, c'est que je l'ai posée à M. Sockett plus tôt. Nous savons tous que, si un problème était causé par des embouteilleurs de Coca-Cola qui ne respectaient pas la règlementation qui s'applique à eux — il pourrait aussi s'agir d'un exploitant d'abattoir, ou de fabricants de flocons d'avoine ou de gomme à mâcher —, la réaction serait immédiate, et des choses se produiraient tout de suite, grâce au pouvoir fédéral, parce que ces produits sont soumis à des règlements. Personne ne propose de réglementer l'eau de la même façon, par les mêmes moyens et dans la même mesure que la viande ou les pommes de terre; il faudrait seulement qu'un règlement soit en place pour qu'il y ait une conséquence au non-respect de la norme.

Ce que l'on entend — et certains d'entre nous trouvent cela irritant — c'est que, oui, il faut se pencher sur ces questions, oui, nous y travaillons et oui, il existe un groupe de travail interministériel; mais le gars dans l'autobus qui s'en retourne à la maison à 17 heures et qui entendra tout cela en déduira que nous ne pouvons pas le faire parce que ce n'est pas commode, parce que ce serait trop compliqué et parce que cela coûterait de l'argent.

On peut survivre sans viande. On peut s'en sortir sans blé ni pain; le pain n'est même pas nécessaire. Il y a bien d'autres choses qui ne sont pas nécessaires à notre survie.

Le sénateur Grafstein : Faites attention de ne pas dire Coca-Cola.

Le président : Je ne suis pas allé jusque là. Toutefois, nous ne pouvons pas survivre sans eau. Cela devrait être la chose la plus importante. Cela devrait être la chose qui fait l'objet des mesures les plus claires et immédiates, et l'élément qui devrait — plus que toute autre chose au pays — être protégé contre les maladies. Le gars dans l'autobus ce soir, en entendant cette conversation, à mon avis, pensera que l'on dit qu'on ne peut pas le faire parce que ce ne serait pas commode. Il faut régler le problème. Quand le règlera-t-on, comment le fera-t-on et qui le fera?

M. Cooper : Je vais répondre brièvement, car j'aimerais donner à M. Sockett l'occasion d'y répondre. J'espère que ce n'est pas le message que j'ai transmis au comité, soit qu'il n'est pas commode de régler les problèmes liés à l'eau potable. Je crois que nous partageons tous la même préoccupation : il faut régler le problème, et c'est une priorité.

Ce que je tente de dire, c'est qu'il existe des règlements partout au pays, et que ce n'est pas nécessairement ainsi qu'on résoudra le problème. Sous le régime d'un règlement, on diffuse des avis d'ébullition d'eau lorsqu'il y a un problème. Il faut aller à la source du problème.

Le président : Les avis d'ébullition d'eau font office de système d'alarme. Où est le pompier?

M. Cooper : Nous sommes d'accord. C'est pourquoi j'affirme qu'il faut investir dans l'infrastructure. C'est pourquoi les collectivités assument désormais cette tâche, pour laquelle Ottawa, au cours des trois dernières années, a augmenté de 27 p. 100 les fonds affectés au problème de l'infrastructure. C'est un outil de communication.

La réglementation n'amènera pas les gens à investir dans l'infrastructure. Une petite collectivité n'a pas une assiette fiscale lui permettant d'offrir le même réseau de distribution d'eau qu'un grand centre. Il ne s'agit pas de déterminer si cela est convenable ou non. Je crois que nous nous entendons tous ici sur le fait qu'il faut s'attaquer à la question de l'infrastructure. L'un des messages les plus importants qui ressortent des travaux du comité concerne le besoin de se concentrer sur la résolution de ces problèmes. Un règlement ne suffira pas à régler le problème. C'est une question de capacité d'investissement. Une fois la station d'épuration des eaux mise sur pied, on a toujours besoin de personnes dûment formées et accréditées pour en assurer le fonctionnement, et c'est là une autre difficulté.

Le président : Tout comme les exploitants d'abattoir.

Le sénateur Grafstein : La discussion au sujet du pouvoir du gouvernement fédéral a été fructueuse. Le projet de loi s'articule autour de la question du pouvoir fédéral. À mon avis, selon mon expérience des affaires municipales, cette question existe depuis longtemps.

Le père de notre collègue, le sénateur Milne, a été maire de Toronto, et il avait une plate-forme géniale lorsqu'il s'est présenté aux élections. C'était la meilleure plate-forme politique que j'ai jamais vue, et elle est restée gravée dans mon esprit. Le slogan était très simple : « Il faut respecter chaque dollar du contribuable. » Il a remporté un succès fulgurant comme maire de Toronto grâce à ce slogan.

Je suis conscient des coûts, et nous sommes conscients des coûts. Il s'agit de déterminer la répartition adéquate des coûts relevant du gouvernement fédéral. Pour Toronto, Walkerton ou Winnipeg, ou d'autres villes qui ont négligé d'améliorer leur réseau de distribution d'eau, il suffit d'invoquer la compétence fédérale en matière pénale, et les conseillers municipaux de partout au pays prendront conscience de leurs responsabilités. C'est là tout l'intérêt du projet de loi. Il s'agit non pas d'établir un régime pénal, mais bien de miser sur le pouvoir fédéral pour convaincre les conseillers et les municipalités d'assumer la tâche pour laquelle on les paie. C'est là tout l'intérêt du pouvoir fédéral. Le but est non pas d'envoyer les gens en prison, mais d'utiliser de façon originale tous les leviers fédéraux. Quoi qu'il en soit, nous aurons une discussion à ce sujet plus tard.

Un dernier commentaire, pour conclure. Encore une fois, je fais allusion au témoignage de M. Hrudey au sujet de l'expérience australienne. Là-bas, la réussite ne tient pas à l'absence de réglementation ni à une coalition de volontaires; elle tient à l'exercice de l'autorité et à l'application de la règlementation. C'est pourquoi le système en Australie est efficace à l'échelon régional et à l'échelon fédéral. Il ne s'agit pas d'une recommandation mise en vigueur volontairement; c'est une recommandation exécutoire, que l'on est tenu d'appliquer. N'est-ce pas?

M. Cooper : À mon avis, la réglementation dans les provinces et les territoires canadiens a davantage force exécutoire qu'en Australie. Dans le contexte australien, il existe des lignes directrices nationales pour l'eau potable. Elles sont intégrées dans les lois de l'État, mais pas de façon générale dans chaque règlement de chacun de ces États.

Nous n'avons pas établi de lignes directrices facultatives au Canada. C'est l'argument que j'ai avancé plus tôt dans cette discussion. Nous avons des recommandations nationales, mais elles ont été adoptées et appliquées à titre de normes nationales dans toutes les provinces et tous les territoires.

Le sénateur Grafstein : Nous reparlerons de ce point plus tard. Toutefois, selon mon interprétation, après avoir lu attentivement le mémoire de M. Hrudey, il croit à une approche à barrières multiples, ce que vous avez évoqué. Les barrières multiples désignent les autorités municipales, provinciales et fédérales. En d'autres mots, afin de protéger la santé des Canadiens, afin de garantir l'accès universel — point sur lequel le sénateur Adams a insisté —, il faut se tourner vers l'approche à barrières multiples. C'est comme un filtre triple.

Soit dit en passant, si les provinces et les différents ministères font du bon travail, l'organisme fédéral ne dépensera pas beaucoup d'argent. Il ne fera qu'une vérification ponctuelle à différents endroits dans le pays.

M. Cooper : Votre définition de l'approche à barrières multiples est novatrice, et je vous en félicite. Du point de vue technique, l'approche à barrières multiples consiste à s'assurer que la source est protégée, que le traitement est optimal et que la distribution, le fonctionnement et tous les aspects de l'approvisionnement en eau potable, de la source au robinet, sont non seulement protégés, mais assortis de systèmes d'urgence. Ainsi, s'il y a un problème, il existe un mécanisme pour remplacer le système ou le protéger. Je comprends votre analogie avec les compétences fédérales- provinciales-territoriales.

Le sénateur Grafstein : Une dernière analogie, avant de poursuivre. Le fonctionnement du gouvernement américain repose sur le principe des freins et contrepoids. Il ne faut pas faire confiance à l'être humain; les différents organismes devraient se contrôler entre eux. C'est le système américain.

Le système canadien est très comparable, mais différent. Il est semblable dans la mesure où le gouvernement fédéral, aux termes de notre Constitution, peut interdire une mesure provinciale. Il ne s'est jamais servi de ce pouvoir. Toutefois, la disposition vise à assurer le gouvernement responsable, pour que le gouvernement fédéral réponde du bien-être de tous les Canadiens. De toute façon, c'est une tout autre question.

Je conclurai par cette question, si vous le permettez. Elle concerne les recommandations à l'origine de notre discussion. Encore une fois, selon l'information que nous avons reçue de l'association médicale : au Canada, 54 éléments sont compris dans les recommandations. Aux États-Unis, ce nombre est de 87. Pourquoi cet écart?

M. Cooper : Je ne sais pas où vous avez pris ces chiffres. Nous avons environ 90 recommandations liées aux agents chimiques. Les recommandations englobent aussi les contaminants radiologiques et microbiologiques.

Le sénateur Grafstein : Depuis quand sont-elles en place?

M. Cooper : Au moins de 80 à 85 recommandations datent de 15 ans.

Le sénateur Grafstein : Nous devrons examiner de nouveau ces données.

Le président : Je crois que nous parlons peut-être de deux listes différentes.

M. Cooper : L'une des préoccupations soulevées par le commissaire à l'environnement et au développement durable lorsqu'il a examiné le processus des recommandations, tenait au fait que 50 recommandations étaient désuètes. C'est peut-être de là que provient votre chiffre de 500. En 2005, à la suite de cette vérification, on a pu confirmer la validité de 42 de ces 50 recommandations, car il n'y avait pas de nouvelle donnée scientifique justifiant la modification de l'information touchant les répercussions sur la santé, le traitement nécessaire ou le degré d'exposition acceptable. Toutefois, nous avons effectué un examen prioritaire complet de toutes les recommandations — celles déjà en place comme celles prévues pour les nouveaux contaminants.

Un processus systématique est en place pour classer par priorité les sujets que nous abordons. On y a recours chaque trois ans. Cependant, pendant ces périodes de trois ans, nous discutons des priorités, car nous disposons toujours de nouveaux renseignements. Ainsi, nous nous adapterons de l'intérieur afin de nous assurer d'étudier les questions qui touchent réellement la santé publique et d'élaborer les recommandations qui s'imposent.

Le sénateur Grafstein : Quel est le délai actuel entre l'établissement des recommandations à jour et la mise en œuvre de ces recommandations ou l'application de celles-ci à l'échelon provincial?

M. Cooper : Élaborer une recommandation, du début à la fin, exige en moyenne trois ans. C'est pourquoi, à tout moment, nous travaillons avec environ 15 recommandations. En général, nous achevons cinq recommandations par année. C'était un engagement que nous avions pris auprès du commissaire à l'environnement et au développement durable, parce que nous souhaitions rationaliser notre processus et nous assurer que nous étions à jour et protégions la santé publique.

Le sénateur Grafstein : On effectue cette étude pour le confirmer, n'est-ce pas?

M. Cooper : Oui, pour le confirmer. Nous avons réussi, au cours des dernières années, à préparer cinq recommandations par année. Elles sont adoptées par les provinces et sont soumises au processus de réglementation, de sorte qu'une recommandation peut entrer en vigueur immédiatement ou dans les deux années qui suivent. Toutefois, les provinces disposent de ces renseignements et s'en serviront si elles savent qu'il existe un risque pour la santé, que la disposition à ce sujet soit en vigueur ou non. Il faut faire appel à son jugement lorsque l'on protège la santé des gens.

Le sénateur Grafstein : Une petite question à M. Sockett. Si je comprends bien votre témoignage, vous nous transmettez l'information qui vous est transmise.

M. Sockett : C'est exact.

Le sénateur Grafstein : Si, en réalité, les systèmes redditionnels sont désuets ou mal entretenus, vous recueillez le résidu des données à jour qui passent par le système.

Avez-vous fait des études pour déterminer à quel point le système sur lequel vous vous appuyez pour prélever des données est efficace et à quels retards sur le plan de la réglementation et de l'information est soumise la reddition de comptes?

Encore une fois, les renseignements que j'ai obtenus de M. Schindler, entre autres, sont de nature anecdotique. Selon cette information, il existe un énorme problème de sous-déclaration des maladies dans les collectivités autochtones et dans d'autres collectivités, seulement parce qu'on ne le déclare pas.

M. Sockett : C'est une question complexe.

Le sénateur Grafstein : Je le sais.

M. Sockett : Je vais tenter de donner une réponse assez simple. Premièrement, je vais commencer par vous dire que je suis flatté que vous me pensiez assez jeune pour ne pas avoir pris part à l'étude de Vancouver en 2000. C'était le personnel de ma division qui avait mené cette étude, en collaboration avec les autorités en matière de santé de Vancouver.

Les données ne laissent aucun doute : les infections sont sous-déclarées. J'ai travaillé dans le domaine des troubles gastro-intestinaux, soit les maladies infectieuses d'origine alimentaire et hydrique, et de la propagation entre humains de ces infections au Canada. Nous ne sommes pas les seuls : presque tous les pays du monde qui effectuent ce genre de surveillance reconnaîtront ouvertement qu'ils n'enregistrent pas tout.

Tout d'abord, le genre d'activités de surveillance que nous menons est conçu pour détecter les phénomènes d'éclosion majeurs, pour que nous puissions y réagir ou déclencher une intervention chez nos collègues de la santé publique dans les provinces et les territoires afin qu'ils fassent enquête aussi rapidement que possible. La préoccupation principale, lorsque nous menons ce genre d'activités de surveillance, est de repérer les événements qui touchent des segments de la population et de nous assurer qu'une enquête est menée de façon aussi efficace, rapide et efficiente que possible.

Toutefois, cela dit, nous effectuons ou nous nous apprêtons à effectuer un bon nombre d'études dans le cadre d'un programme nommé Étude nationale des maladies gastro-intestinales aiguës, ou ENMGA. Ces études ont pour but de nous aider à mieux saisir l'ampleur des maladies gastro-intestinales dans la population.

Nous avons terminé la première étape de ces études. Les chiffres que nous sommes sur le point de publier donnent à penser que de 35 à 39 millions de cas de maladies gastro-intestinales surviennent au Canada chaque année. Il s'agirait de cas individuels : soit une personne qui tombe malade une fois, soit une personne qui tombe malade à plusieurs reprises durant une année. Bien sûr, certaines personnes ne tomberont pas malades du tout.

Pour nous, la plus grande difficulté dans l'interprétation de ces données consiste à déterminer la part du problème causée par l'alimentation, celle qui pourrait être causée par l'eau et celle qui pourrait être causée par la propagation entre humains. Quels sont les différents organismes — des bactéries, des virus ou d'autres parasites — qui causent la maladie? C'est la prochaine étape de ces études qui, je l'espère, fera la lumière, dans une certaine mesure, sur l'impact socioéconomique de ces infections.

Vous comprendrez qu'il s'agit d'études assez complexes qui exigent beaucoup de temps et de ressources.

Le sénateur Grafstein : Merci. Cela confirme l'information anecdotique selon laquelle le problème comporte plus d'une dimension. La question concerne la nature et la cause de la maladie, car ces 39 millions d'incidents influent sur le coût du système de santé fédéral. Le moyen de réduire les coûts est une autre question.

Le président : M. Cooper a mentionné la FCM. Nous entendrons des représentants de la Fédération canadienne des municipalités le 12 juin, et nous poursuivrons les discussions sur cette question. Nous suivrons votre conseil et consulterons le commissaire pour obtenir la liste dont parlait le sénateur Grafstein. Si nous ne l'obtenons pas, nous communiquerons de nouveau avec vous.

Le sénateur Milne : L'Agence de la santé publique du Canada relève-t-elle de Santé Canada? Êtes-vous financés par Santé Canada?

M. Sockett : Nous relevons directement du ministre de la Santé.

Le sénateur Milne : Donc les deux organismes sont financés séparément.

M. Sockett : Nous sommes financés séparément, mais dans le cadre du portefeuille de la santé.

Le sénateur Milne : Pouvez-vous nous fournir une estimation du montant que chacun de ces organismes dépense annuellement sur des questions liées à la qualité de l'eau potable? Le projet de loi S-206 vous aiderait-il?

M. Cooper : Le budget dont nous disposons pour l'élaboration de recommandations liées à l'eau potable s'élève à environ 3,5 millions de dollars, sans compter les frais généraux. Je ne peux pas vous préciser le montant des subventions de la Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits qui appuient la surveillance et les tests pour les Premières nations. La Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits travaille sur toute une gamme de questions liées à la santé dans les collectivités des Premières nations. Je ne suis pas certain que cela exclue l'eau.

La Direction générale des produits de santé et des aliments s'intéresse à des choses comme l'eau embouteillée, mais il est question ici du processus d'élaboration de recommandations — un élément clé. Une autre section est responsable de l'eau dans les véhicules de transport publics, et dispose d'un budget modeste.

M. Sockett : Je ne peux pas vous donner un chiffre précis à ce sujet. La raison est simple. Selon nos programmes de surveillance, les organismes qui causent des maladies d'origine hydrique sont sensiblement les mêmes que ceux qui causent des maladies d'origine alimentaire. L'argent n'est pas versé dans deux coffres différents.

À mon centre, le budget consacré à la surveillance active de l'ensemble des agents pathogènes gastro-intestinaux, y compris les éclosions, les enquêtes et les autres activités, s'établit entre 1,5 et 2 millions de dollars.

D'autres organismes au sein de l'Agence de la santé publique du Canada contribuent également à ces activités, comme le Laboratoire national de microbiologie et le Laboratoire national pour les pathogènes entériques. Je ne connais pas leurs budgets. La plupart des tests microbiologiques de référence qui traitent pour ces différents agents pathogènes sont effectués par les chercheurs de ces laboratoires, qui se chargent aussi du sous-typage de la salmonelle et du classement dans un modèle PFG et d'autres souches. Il y a aussi le Laboratoire de lutte contre les zoonoses d'origine alimentaire, à Guelph, dont certaines des activités sont liées à des problèmes d'origine alimentaire, zoonotique et hydrique. Toutefois, je ne saurais vous dire à combien sont fixés leurs budgets respectifs.

Le sénateur Milne : Ce projet de loi pourrait vous aider à obtenir plus d'argent.

M. Sockett : Ce n'est pas dans mes habitudes de refuser des offres d'argent pour soutenir mes programmes.

Le sénateur Milne : Les parasites tels que la giardia se trouvent-ils seulement dans l'eau?

M. Sockett : Le cryptosporidium et la giardia sont des pathogènes qu'on retrouve surtout dans l'eau, mais ils peuvent se propager par d'autres mécanismes, comme la transmission entre les personnes et par les aliments. Il est important de garder à l'esprit, lorsqu'on parle d'infections d'origine hydrique, que nous ne parlons pas seulement de la consommation de l'eau potable du robinet. Il y a eu à l'égard de ces deux organismes beaucoup d'éclosions causées par des piscines municipales, la natation dans des lacs et dans des rivières et d'autres types d'installations récréatives, comme les glissades d'eau. C'est une question complexe.

Le sénateur Milne : C'est ainsi, sans aucun doute, que mon fils et mon petit-fils ont attrapé la lambliase.

M. Cooper : Pour répondre à votre question de savoir si plus d'argent serait utile, je crois que l'argent est toujours une bonne chose. Toutefois, d'un point de vue plus réaliste, l'approche concertée que nous avons adoptée favorise le partage des coûts parmi un certain nombre d'intervenants, ce qui est très efficace. Sans le travail que les provinces et les territoires accomplissent pour nous et pour eux-mêmes, le coût serait énorme.

Le sénateur Milne : Cette information est précieuse.

M. Sockett : Ce commentaire est aussi valable du point de vue des activités de surveillance et d'enquête auxquelles nous participons.

Le président : Il faut garder à l'esprit que l'origine hydrique ne signifie pas nécessairement que l'organisme est sorti du robinet. Il peut tirer son origine d'ailleurs. Il importante de s'en rappeler.

Le sénateur Brown : J'aimerais remercier M. Cooper de son exposé et de toutes ses réponses aux questions jusqu'à maintenant.

Je crois que vous avez raison lorsque vous dites que la gestion du système et l'amélioration de cette gestion est la solution aux problèmes liés à l'eau. Je suis absolument d'accord avec vous.

Il y a quatre ans, à Calgary, il est tombé environ 12 pouces de pluie en moins de 48 heures. C'est le genre de chose qui ne survient qu'une fois par siècle. Personne ne mettrait en question la qualité de l'eau à Calgary. Toutefois, on a publié un avertissement pour conseiller aux gens de ne pas utiliser plus d'eau qu'ils n'en avaient besoin, parce que la turbidité de la rivière Bow était à un point tel que les bassins de filtration et de décantation de la ville avaient atteint leur capacité maximale. La population devait utiliser moins d'eau afin que la situation ne devienne pas dangereuse.

Comme 48 500 groupes approvisionnent le pays en eau, je crois que vous avez raison de dire que c'est la gestion du système qui est importante. Je ne connais pas grand-chose au sujet de la situation à Vancouver. Toutefois, si on tire de l'eau sans effectuer le filtrage nécessaire et qu'il n'y a pas de conséquences depuis 100 ans, ou je ne sais combien de temps, on ne peut certainement pas le faire dans des circonstances d'inondation.

Les infrastructures de conduite d'eau et de systèmes de filtration partout au pays sont délabrées. Nous devrions dépenser l'argent disponible pour améliorer ces systèmes.

J'aimerais qu'un fonds d'urgence du gouvernement fédéral soit établi pour réagir à des cas comme ceux que le sénateur Adams a mentionnés. Si les collectivités autochtones du Nord canadien sont aux prises avec des conditions récurrentes qui rendent l'eau insalubre à différents moments durant l'année, alors il faut arranger le système. Nous devons trouver les fons nécessaires pour arranger le système afin que des gens ne tombent pas malade, ce qui arrive dans presque tous les cas.

Monsieur Cooper, dans votre exposé, vous avez mentionné qu'une certaine proportion de notre eau est la plus salubre du monde, mais que nous aurons toujours des problèmes à cause de l'infrastructure et de la croissance démographique. Je ne vois pas comment le problème pourrait être résolu par la réglementation, puisque 48 500 systèmes différents approvisionnent le pays en eau. Je crois qu'on a eu recours à la compétence en matière pénale dans le cadre de la tragédie de Walkerton parce que, tout d'abord, deux personnes n'étaient pas formées pour faire leur travail; ensuite, ils n'ont pas prélevé les échantillons d'eau comme ils étaient censés le faire; et enfin, ils ont déclaré que les échantillons étaient d'une qualité acceptable. Il y a donc eu trois manquements. J'ai oublié quelles étaient les sanctions infligées, et j'ignore si les deux personnes responsables du réseau de distribution d'eau se sont fait gravement réprimander ou si elles ont été incarcérées.

Je ne peux imaginer que l'on applique le Code criminel aux responsables du réseau de distribution d'eau de chaque collectivité dans le pays, car une telle disposition dissuaderait beaucoup de gens d'assumer une telle responsabilité. Je conviens du fait que nous devons trouver un moyen d'appliquer les normes relatives à la qualité de l'eau. Je comparerais cela à la sécurité dans les avions. Nos pilotes sont parmi les meilleurs au monde. Assurément, ils seront sévèrement punis s'ils négligent de faire leur travail correctement. Si la moindre de leurs actions ne respecte pas les normes, ils perdent leur brevet de pilote rapidement.

D'après mon interprétation, la surveillance désigne le fait d'être sur le terrain régulièrement et de déterminer si les choses sont faites correctement. Nous dépendons des gens qui prélèvent des échantillons de notre eau, la filtrent et la chlorent. S'ils ne sont pas constamment sur les lieux, je ne vois pas comment notre eau peut rester salubre, compte tenu des inondations, des orages et des ruptures de l'infrastructure. Ces choses arrivent tout d'un coup. Des centaines, voire des milliers de gens pourraient tomber malades à tout moment s'il y a défaillance de ces systèmes et l'approvisionnement en eau n'est pas coupé ou des directives de faire bouillir l'eau ne sont pas diffusées. Je ne vois pas comment un règlement pourrait empêcher cela. Vous avez raison lorsque vous dites que ce qui importe, c'est la gestion du système et la nécessité de l'améliorer continuellement. J'aimerais voir de l'argent affecté à cette fin.

M. Cooper : Je vais répondre rapidement. Depuis Walkerton et North Battleford, chaque province, ainsi que le gouvernement fédéral, a pris conscience de l'importance de la salubrité de l'eau potable. Ils ont amélioré et renforcé toutes les lois, les règlements et les mécanismes d'approbation de permis en place, partout au pays. Ils l'ont fait par une approche à barrières multiples complète. Toutes les provinces exigent maintenant la formation et l'accréditation des responsables. Cela pose problème dans les petites collectivités, car tous les professionnels accrédités ont tendance à s'en aller.

Toutes les provinces exigent l'examen des échantillons dans des laboratoires accrédités ou gouvernementaux. Des mesures de protection de l'eau de source sont mises en œuvre partout au pays, mais c'est une chose très difficile à faire. On ne peut pas y parvenir du jour au lendemain, vu les nombreux intervenants liés à chaque bassin versant. Toutefois, des règlements sont en vigueur d'un océan à l'autre. Il existe toujours 1 766 directives de faire bouillir l'eau, et je ne crois pas qu'un nouveau règlement chevauchant la réglementation contraignante déjà en vigueur dans les provinces et les territoires résoudra les questions liées à l'infrastructure et à l'approvisionnement en eau des petites collectivités. Il faut axer notre démarche sur l'information, l'investissement dans l'infrastructure et la création de véritables solutions à l'approvisionnement en eau des petites collectivités.

Le sénateur Trenholme Counsell : J'ai quelque chose à ajouter au débat lié à la déclaration des maladies. Je crois pouvoir affirmer que la grande majorité des maladies d'origine alimentaire et hydrique ne sont pas déclarées. Elles le seraient dans le cas d'une immense éclosion, comme celle de Walkerton. Nous savons tous que la diarrhée accompagne la maladie gastro-intestinale aiguë. En général, on a tendance à l'attribuer à quelque chose qu'on a mangé ou qu'on a bu quelques heures plus tôt dans un restaurant ou chez soi. Quelqu'un pourrait nous conseiller de boire beaucoup d'eau. Cela arrive tout le temps, ce qui me porte à croire que la sous-déclaration est importante. Ce n'est qu'en lançant une campagne de sensibilisation que les citoyens prendraient conscience de l'importance de déclarer ces cas de maladie de si courte durée. Bien sûr, le personnel concerné du domaine de la santé se conformerait à la politique et communiquerait le signalement. Même dans les cas de maladies infectieuses censées être déclarées, à moins que les choses aient énormément changé durant les dix dernières années, le nombre de déclarations est loin d'être suffisant. La sous-déclaration est répandue.

M. Sockett : La sous-déclaration est un problème reconnu, pas seulement au Canada, mais dans chaque pays qui recueille des données. Les raisons de cette sous-déclaration sont nombreuses et variées. Dans la grande majorité des cas que j'ai mentionnés plus tôt, nous supposons qu'il s'agit de personnes qui sont très légèrement malades et dont le trouble ne dure qu'une journée ou deux. Elles ne consultent pas un médecin et, ainsi, elles ne seront jamais inscrites dans le système.

Les gens qui sont un peu plus gravement malade et qui consultent un médecin se verront probablement offrir le genre de conseil que vous venez de mentionner : ce qu'il faut manger et boire, et revenir dans trois jours si on ne s'est pas remis. La vaste majorité des personnes se rétabliront effectivement pendant ce temps. On ne prélèvera un échantillon pour le laboratoire que si les personnes retournent voir le médecin. Grâce aux études effectuées, nous savons que, non seulement au Canada, mais aussi au Royaume-Uni et dans d'autres pays européens ainsi qu'en Australie, une proportion très large de ces échantillons de laboratoire ne seront pas testés positifs Il y a donc une autre étape à franchir avant d'obtenir un résultat positif, qui sera alors inscrit au système de déclaration.

Comme je l'ai mentionné plus tôt, le système de déclaration a pour but de repérer les personnes qui sont gravement malades afin que l'on puisse cerner des problèmes comme des éclosions et entreprendre des enquêtes. Nous croyons que nos activités de surveillance fonctionnent assez bien. Lorsque nous les comparons à des activités de surveillance et de santé publique semblables à l'étranger, comme en Europe, aux États-Unis, en Australie et en Nouvelle-Zélande, où le degré d'industrialisation est équivalent, nous voyons des tendances très semblables. La situation au Canada n'est pas inhabituelle.

Selon moi, la principale question consiste à déterminer si nous réussissons à enregistrer les événements vraiment importants où nous devons assurer un certain niveau d'enquête et de protection pour le bien de la population. Je crois que, dans l'ensemble, c'est ce que nous faisons.

Le sénateur Trenholme Counsell : Cela s'applique davantage à la nourriture qu'à l'eau, mais si les gens comprenaient toute l'importance et la valeur que revêt la déclaration pour la société, ils le feraient. Ils s'assureraient de déclarer le cas éventuel où ils tomberaient malades après avoir mangé dans un restaurant; s'ils achetaient quelque chose dans une épicerie, comme des sushis, et qu'ils tombaient malade, ils le signaleraient. Cela irait dans notre intérêt à tous. On prêterait davantage attention aux normes. Je sais qu'elles se rattachent davantage aux aliments qu'à l'eau, mais l'eau a une incidence aussi.

M. Sockett : Dans le milieu de la santé publique, nous comprenons que l'infrastructure de santé publique locale est là pour assurer ce degré de soutien au grand public. On a de bonnes raisons de penser que, si une personne croit avoir mangé quelque chose qui l'a rendue malade, elle communiquera probablement avec son organisme de santé publique local. Si l'organisme de santé publique s'aperçoit qu'il y a un nombre suffisant de cas liés à un problème, il entreprendra une enquête dans la localité, mais l'incident ne sera peut-être pas enregistré dans les statistiques fédérales.

Le président : Veuillez me dire si je me trompe. Le maire d'une ville, le préfet d'une petite collectivité ou la personne choisie par mes neuf voisins pour assurer le fonctionnement d'un réseau de distribution d'eau n'est pas assujetti au même type de mesures immédiates qu'un fournisseur, peu importe sa taille, de bonbons, de barres de chocolat, de bière, de boissons gazeuses embouteillées, d'eau embouteillée, de viande, de légumes, de pain ou de n'importe quel autre aliment de consommation courante, si l'on constate qu'il transgresse l'une ou l'autre des normes applicables régissant la fourniture de biens ou de marchandises susceptibles de rendre les gens malades. Quelques situations ont été réglées, mais au moins 1 500 directives de faire bouillir l'eau sont toujours en vigueur. Les gens qui exploitent ces systèmes fournissent, par le robinet, une marchandise dont nous avons besoin pour vivre, et ils perçoivent des frais. Même si nous savons que l'eau qui sort de ces robinets n'est peut-être pas salubre, ils continuent de la vendre.

Je crois que l'objectif de ce projet de loi est que, si une sanction s'appliquait à ceux qui continuent à vendre cette eau insalubre, les priorités budgétaires des sociétés ou des administrations municipales seraient bien différentes.

Pourriez-vous répondre tous les deux à cette question? Je dois comprendre pourquoi des sanctions sont prévues pour la viande, les pommes de terre, les bonbons, les boissons gazeuses et la bière, mais pas pour l'eau.

M. Cooper : Les lois provinciales et territoriales prévoient des sanctions pour la non-conformité avec le règlement.

Le président : Comment s'applique-t-elle aux 1 766 organismes qui vendent actuellement de l'eau du robinet?

M. Cooper : C'est une mesure d'exécution. On fournit de l'eau parce que le besoin est là. Si on ne peut pas la boire, ce n'est pas nécessairement la faute de l'exploitant. Parfois, c'est la faute de l'exploitant; parfois, le chlorateur ne fonctionne pas; parfois, le niveau de turbidité est élevé. Une multitude de raisons qui sous-tendent les directives de faire bouillir l'eau ne sont pas nécessairement imputables à une personne.

Le président : Je laisserais de côté les événements à récurrence de 100 ans.

M. Cooper : Ce n'est pas seulement ces événements-là. Chaque printemps, le niveau de turbidité est élevé, et si vous ne disposez que d'un mécanisme de prise d'eau et de chloration, vous aurez des ennuis. Comme le mentionne le Journal de l'Association médicale canadienne, les directives de faire bouillir l'eau sont plus nombreuses au printemps, à cause du niveau élevé de turbidité. Les provinces et les territoires effectuent des vérifications du traitement de l'eau potable. Tous les mauvais résultats déterminés dans les laboratoires doivent immédiatement être soumis à l'organisme de réglementation, qui prend alors des mesures.

L'application de pénalités aux petites collectivités n'est pas toujours la meilleure façon de régler un problème, car l'eau y est rarement vendue pour un profit, contrairement à la gomme à mâcher ou à d'autres choses qui peuvent faire l'objet d'une diminution des dépenses. La formation et l'accréditation des exploitants sont exigées. On fait des vérifications. Les laboratoires sont tenus de déclarer toute situation anormale afin que l'on puisse prendre des mesures sur le plan microbiologique. Enfin, on applique des sanctions de façon raisonnable, parce que la priorité consiste à régler le problème plutôt qu'à envoyer quelqu'un en prison pour un délit de turbidité.

Le président : Je veux être d'accord avec ce que vous avez dit plus tôt. Non seulement ne vendons nous pas l'eau pour un profit, mais nous ne demandons pas un prix assez élevé. Le coût exact internalisé de l'eau n'est pas comptabilisé. Nous ne payons pas assez pour l'eau.

M. Cooper : La situation évolue à cause des changements climatiques. Nous avons vu les impacts des changements climatiques dans l'Ouest, où les ressources hydriques sont en déclin. Nous verrons une augmentation des prix. Pour régler le problème de l'infrastructure, les administrations passent à l'établissement du prix à partir du coût complet.

M. Sockett : Je me fais l'écho de ce qu'a dit M. Cooper au sujet de l'eau et de la salubrité de l'eau. Une réglementation est en place.

J'ajouterais que l'éclosion à Walkerton n'était pas simplement imputable au fait que deux personnes avaient manqué à leurs responsabilités. C'est une convergence de circonstances très complexes qui a mené à cette éclosion. Elles comprennent : un très gros orage; le mécanisme de prise d'eau, qui est passé du système d'alimentation principal à un bassin qui s'est révélé insalubre à cause de l'endommagement de son revêtement interne; la proximité du puits d'une ferme où, peut-être, des excréments des bœufs contenaient les organismes à l'origine de la maladie qui a frappé la collectivité; et une structure topographique qui permettait à l'eau de s'écouler à partir de cette ferme jusqu'au captage du puits. L'on ne peut pas établir de règlement contre de telles choses. C'est souvent ce genre de chose qui est à l'origine des éclosions. Ce n'est pas simplement une question de déterminer si deux personnes ont correctement fait leur travail. C'est certainement vrai, mais ces autres choses, principalement imputables à la nature, ne peuvent pas faire l'objet d'un règlement.

Le président : Vous nous avez beaucoup aidés tous les deux, et vous avez apporté de bonnes suggestions. Nous vous sommes reconnaissants de votre témoignage.

La séance est levée.


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