Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires étrangères et du commerce international
Fascicule 5 - Témoignages du 12 mars 2008
OTTAWA, le mercredi 12 mars 2008
Le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international se réunit aujourd'hui à 16 h 5 afin de poursuivre son étude du projet de loi C-293, Loi concernant l'aide au développement officielle fournie à l'étranger.
Le sénateur Consiglio Di Nino (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Honorables sénateurs, je vous souhaite à tous la bienvenue à cette séance du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international. Nous poursuivons aujourd'hui notre étude du projet de loi C-293, qui vise à faire de la réduction de la pauvreté l'objectif de l'aide au développement officiel du Canada, pour veiller à ce que cette aide s'inscrive dans le cadre des obligations internationales du Canada en matière de droits de la personne et tienne compte du point de vue de ceux qui vivent dans la pauvreté.
Nous avons la plaisir d'accueillir deux représentants de la Canadian International Demining Corps. Il s'agit de M. Irving Schwartz, fondateur et président de cet organisme, et de M. David Horton, qui en est le directeur général. Je vous souhaite la bienvenue au nom de mes collègues. Nous avons hâte d'entendre vos commentaires. Je crois comprendre que c'est M. Horton qui présentera l'exposé, et que M. Schwartz sera disponible pour des précisions, au besoin. Est-ce exact, messieurs?
Irving Schwartz, président, Canadian International Demining Corps : C'est exact.
Le président : M. Horton, vous pouvez commencer.
David Horton, directeur général, Canadian International Demining Corps : Honorables sénateurs, nous vous sommes reconnaissants de nous permettre de témoigner devant vous aujourd'hui. J'aimerais d'abord vous parler un peu de notre organisation.
Le Canadian International Demining Corps (CIDC) est un important organisme de charité canadien se consacrant à l'action antimines. Fondé en 1996 et établi à Sydney, en Nouvelle-Écosse, le CIDC œuvre dans les collectivités affectées par les mines terrestres en enlevant et en détruisant ces mines, en sensibilisant la population aux dangers qu'elles posent et en réalisant d'autres projets connexes. À ce jour, le CIDC a exécuté des missions dans 22 pays affectés par les mines en Afrique, en Asie, en Europe, en Amérique latine et au Moyen-Orient. Actuellement, le CIDC fait du déminage en Bosnie-Herzégovine et a soumis des propositions pour des opérations au Soudan et en Zambie. Notre conseil d'administration, composé de bénévoles, est dirigé par son fondateur et président, Irving Schwartz, et géré par une petite équipe de professionnels établis en Nouvelle-Écosse et à Sarajevo.
Nous sommes essentiellement un organisme de renforcement des capacités à l'échelle locale; notre mode de fonctionnement habituel consiste à former, équiper et surveiller des équipes d'action antimines recrutées parmi les populations locales affectées par les mines et à établir des rapports sur ces équipes. Nous déployons des équipes d'enquêtes dans les zones minées, des équipes de déminage mécanique et manuel, des chiens détecteurs de mines et du personnel qui sensibilise aux dangers des mines.
À ce jour, nous avons consacré environ 16 millions de dollars à des projets d'action antimines à l'étranger; notre financement est assuré par l'Agence canadienne de développement international (ACDI), le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international (MAECI), des organismes donateurs européens et américains, des organismes des Nations Unies, l'OTAN et le Fonds d'affectation spéciale pour le déminage et l'aide aux victimes des mines (Fonds d'affectation spéciale). Nous obtenons également un appui inestimable de la part de La Fondation des mines terrestres du Canada, de la campagne Adoptez-un-Champ de mines et de donateurs du secteur privé, notamment des entreprises, des membres du CIDC, des groupes d'étudiants et le public en général.
Le financement provenant de l'ACDI et du MAECI a été crucial à nos débuts, pour assurer notre croissance, mais il a décliné de façon substantielle ces dernières années à mesure de l'épuisement du Fonds canadien contre les mines terrestres à usage spécial.
Le Fonds d'affectation spéciale, établi en Slovénie et soutenu par les États-Unis, est devenu notre plus importante source de financement, et nous continuons de bénéficier du soutien inestimable de La Fondation des mines terrestres du Canada et de la campagne Adoptez-un-Champ de mines.
La presque totalité de nos activités actuelles se déroule dans les Balkans, une des nombreuses régions affectées par les mines sur la planète. Avec un niveau modéré de soutien continu du gouvernement du Canada, nous pourrions faire bien plus que ce que nous faisons actuellement pour assurer une présence canadienne dans de nombreuses autres zones dans le monde.
Le financement du Canada a augmenté pour l'action antimines et pour l'aide au développement officielle (ADO) en général. Cependant, un pourcentage croissant de l'aide canadienne est géré par des organismes multilatéraux et de grandes ONG internationales. En conséquence, de nombreuses ONG canadiennes voient diminuer leurs possibilités de contribuer à la promotion des droits de la personne et à la réduction de la pauvreté.
Nous ne sommes pas autorisés à parler au nom d'autres ONG, mais nous savons bien que d'autres partagent nos préoccupations, autant dans le secteur de l'action antimines qu'en dehors de celui-ci.
Notre proposition est celle-ci : comparativement aux organismes multilatéraux et aux grandes ONG internationales, les ONG canadiennes sont en mesure de réaliser de nombreux programmes de façon plus rentable et plus efficace et nous jouissons d'une position unique pour promouvoir les valeurs canadiennes, donner au Canada un héritage durable à l'étranger et améliorer les relations internationales. Les programmes multilatéraux ne peuvent réaliser l'objectif d'accroître la visibilité du Canada; une plus grande participation des ONG canadiennes, elle, le fera.
Le projet de loi C-293, Loi concernant l'aide au développement fournie à l'étranger, vise l'établissement de critères pour l'affectation des ressources et une plus grande transparence et surveillance des efforts de développement international du Canada. Elle met l'accent sur la réduction de la pauvreté et, entre autres choses, articule l'objectif de la promotion des valeurs canadiennes. Le projet de loi contient le concept selon lequel l'ADO peut être fournie en vue d'alléger les effets d'une « catastrophe d'origine humaine »
Le CIDC, ainsi que presque toutes les parties qui se consacrent à l'action antimines, est d'avis que les mines terrestres constituent un obstacle au développement qui a des répercussions directes sur les initiatives liées aux droits de la personne et à la réduction de la pauvreté. De plus, nous sommes raisonnablement convaincus que l'inclusion de l'allègement d'une catastrophe d'origine humaine dans les buts mentionnés de l'ADO reconnaît le besoin pour la communauté de l'action antimines que les mines terrestres et autres explosifs issus de la guerre soient reconnus en tant qu'obstacles aux droits de la personne et au développement. Toutefois, pour une plus grande clarté, nous recommandons d'examiner la possibilité de parler de l'allègement des conditions découlant des effets des conflits en des termes plus explicites.
Les réelles faiblesses que nous décelons dans le projet de loi ont trait à l'efficacité de l'aide et au profil du Canada à l'étranger. Le projet de loi aborde les questions de reddition de comptes en exigeant que le « ministre compétent » soumette des rapports annuels au Parlement sur les activités, dépenses et statistiques concernant l'ADO. Il semble silencieux concernant l'efficacité, les résultats et la valeur de l'aide accordée.
Si le gouvernement du Canada porte un intérêt réel à ses buts déclarés visant à améliorer l'efficacité de l'aide et le profil du Canada à l'étranger, le projet de loi C-293 ou toute autre mesure législative devrait aborder plus clairement les questions de valeur et de visibilité.
Dans le cas de l'action antimines, nous vivons actuellement un paradoxe : le financement du gouvernement du Canada et à l'échelle internationale augmente, mais les ONG canadiennes œuvrant dans ce secteur d'activités sont aux prises avec une réduction des niveaux de soutien accordé tant par l'ACDI que par le MAECI, malgré le fait que les ONG canadiennes aient acquis une capacité et un savoir-faire significatifs depuis l'entrée en vigueur de la Convention d'Ottawa il y a 10 ans.
Nos capacités et le financement ont augmenté, mais la capacité du CIDC et d'autres organismes demeure maintenant inutilisée pour des périodes de temps inacceptables. À notre avis, trois raisons expliquent cette situation : Premièrement, la fin du Fonds canadien contre les mines terrestres à usage spécial, qui a également réduit de façon substantielle les ressources administratives au sein des unités d'action contre les mines à l'ACDI et au MAECI. Deuxièmement, l'intégration de l'action antimines aux programmes généraux de développement et de réduction de la pauvreté. Conséquemment, les modes de prestation des programmes ont changé pour une gestion par les institutions multilatérales et les ONG internationales à grande échelle. Finalement, la concentration récente des efforts et des ressources dans les pays où la présence des ONG canadiennes n'est pas encore suffisante.
Mon exposé écrit contient des graphiques illustrant les tendances à la hausse du financement provenant de l'étranger et du Canada. En 2006-07, seulement 12 p. 100 du financement du Canada était géré par des organisations canadiennes et 77 p. 100 du financement était géré par l'entremise d'organismes des Nations Unies et d'autres organismes multilatéraux.
En ce qui concerne l'action contre les mines, en 2006-2007, les organismes des Nations Unies ont reçu 23,1 millions de dollars, ce qui représente 70 p. 100 du montant total, d'autres organismes multilatéraux ont reçu 2,1 millions de dollars, soit 7 p. 100, et les organismes canadiens 3,9 millions de dollars, ce qui représente seulement 12 p 100.
Au cours des années précédentes, la plus grande partie de la contribution du Canada à l'action antimines était gérée par des ONG canadiennes. Ce n'est plus le cas maintenant. Un bon exemple est la portion décroissante du financement que nous recevons de la part du gouvernement du Canada. Il y a six ou sept ans, il représentait 16 ou 17 p. 100 de notre financement. Aujourd'hui, il s'agit plutôt de 2 ou de 3 p. 100.
Heureusement, nous avons réussi à combler la baisse de financement du Canada en attirant d'autres donateurs. Il y a environ trios ans, en fait, le financement provenant de l'étranger a dépassé le financement provenant du gouvernement canadien, et cette tendance va en augmentant.
Un nombre relativement restreint d'ONG internationales, principalement de l'Europe, et d'entreprises commerciales de grande taille et bien établies d'Europe, des États-Unis et de l'Afrique australe ont réussi à bénéficier de l'augmentation du nombre de programmes multilatéraux et de l'intégration des donateurs en raison de leur taille, de leurs vastes capacités et d'une représentation géographique étendue. Les programmes à petite échelle traditionnellement offerts par les ONG canadiennes deviennent moins attirants pour les donateurs, parce que leur capacité administrative est réduite et que le fardeau bureaucratique de l'administration et de la surveillance des contrats des petits projets devient disproportionné.
Le CIDC et d'autres ONG canadiennes accueilleraient favorablement la possibilité d'accroître la taille des projets afin de réduire les effets d'un fardeau administratif disproportionné, mais nous devons pour cela disposer d'ententes contractuelles plus souples.
Dans le cas de l'action antimines, nous sommes convaincus que les contributions du Canada ne sont pas utilisées de façon optimale. À mesure que les ONG canadiennes laissent la place à des programmes multilatéraux, le coût relatif pour le Canada augmente, mais la reconnaissance générale pour nos efforts diminue. Cette situation est d'autant plus frustrante qu'il reste tant de travail à faire et qu'il devient évident que de nombreux pays, peut-être la plupart d'entre eux, affectés par les mines terrestres ne respecteront pas leurs échéances en vertu des obligations de la Convention d'Ottawa.
De façon plus générale, le récent rapport Manley sur l'Afghanistan a fait ressortir que plus de 85 p. 100 des dépenses de l'ACDI étaient destinées à des organismes multilatéraux et au gouvernement afghan, laissant ainsi peu de place aux initiatives ou projets gérés localement et facilement attribuables au soutien du Canada. Le rapport Manley recommande que l'ACDI se consacre davantage à des projets que l'on associera au Canada et qui seront gérés par des Canadiens.
Malheureusement, l'exemple de l'Afghanistan semble représentatif de la politique d'ensemble de l'ACDI. Un examen des programmes de l'ACDI dans d'autres pays révèle la même tendance. En outre, notre apparente incapacité à mesurer de façon appropriée les résultats en fonction des sommes dépensées inquiète de plus en plus. Selon nous, ces deux scénarios sont reliés. La reddition de comptes et la mesure des résultats sont des objectifs plus distants et plus difficiles parce qu'une grande partie de notre ADO est effectuée par des organismes multilatéraux, les gouvernements bénéficiaires ou d'importantes ONG internationales.
Nous comprenons les motifs et certains avantages liés au fait que l'ACDI et le MAECI consacrent des ressources importantes à des programmes multilatéraux et nous ne prétendons pas vouloir que cela change. Nous soutenons toutefois que l'écart augmente entre les fonds mis la disposition des programmes multilatéraux et ceux alloués aux ONG canadiennes.
Nous croyons fermement que les ONG canadiennes peuvent réaliser de nombreux types de programmes d'une manière plus efficiente et économique que les grandes institutions multilatérales et les ONG internationales qui, souvent, ploient sous le poids de leur bureaucratie. Règle générale, des organisations plus petites, mieux centrées et plus souples peuvent fonctionner dans un cadre où les coûts fixes et les frais généraux sont moins élevés que dans le cas des institutions multilatérales et des ONG internationales.
Chez CIDC par exemple, nos frais généraux représentent environ 8 p. 100 des coûts du programme. À certaines occasions, nous avons reçu une aide financière de donateurs par le truchement d'organismes multilatéraux qui facturent des frais d'administration standard pouvant atteindre 15 p. 100 simplement pour dresser et administrer les contrats. Il nous est même arrivé que l'ACDI ou le MAECI nous refusent une aide financière directe pour des projets que nous proposions en raison d'un manque de fonds et que nous découvrions par la suite que nous pouvions avoir accès à des fonds canadiens inutilisés pour ces mêmes projets auprès d'organismes des Nations Unies.
Bien que cette aide financière soit la bienvenue, elle ne représente pas une utilisation efficiente de l'argent des contribuables canadiens à cause du pourcentage retenu pour les frais généraux de l'ONU. Nous sommes donc convaincus qu'un rééquilibrage de l'affectation des fonds entre les programmes multilatéraux et les ONG canadiennes reconnues est mérité et tout à fait justifié. Le fardeau administratif modeste supplémentaire qu'une telle politique pourrait imposer aux organismes donateurs sera plus que compensé par l'efficience de la réalisation des programmes.
Nous soutenons également que le fardeau administratif, en ce qui concerne les donateurs, pourrait être largement réduit si une certaine forme de préqualification ou d'accréditation était mise en place de manière à ce que les ONG canadiennes admissibles puissent avoir accès à une aide financière sous forme de subvention simplifiée, par opposition à la formule de l'accord de contribution plus complexe utilisée pour l'administration des marchés.
Dans le rapport annuel du Service de l'action antimines des Nations Unies de 2006, on mentionne que le Canada a adopté le principe des « bonnes pratiques en matière d'action humanitaire » en convenant de fournir une aide financière pluriannuelle flexible et d'accepter des accords de contribution concis et des rapports simplifiés. Un seul rapport annuel englobant l'ensemble des activités était jugé suffisant.
Nous considérons ces pratiques comme justes et appropriées et nous insistons sur la nécessité de faire preuve de plus de souplesse et de bon sens dans le cadre des ententes contractuelles avec les ONG canadiennes compétentes. Il est selon nous inadmissible que certaines organisations non canadiennes puissent avoir droit à une aide financière sous forme de subvention simplifiée alors que ce privilège et cet avantage sont refusés à des organisations canadiennes reconnues.
Pour ce qui est de promouvoir les valeurs canadiennes, rien ne vaut la présence d'organismes canadiens sur le terrain. La sympathie et l'attention favorable de la part des médias que nos équipes de déminage sont capables de susciter en déployant l'unifolié à l'étranger n'ont pas de prix. En comparaison, les contributions du Canada aux programmes multilatéraux ne produisent que peu ou pas d'avantages ou de reconnaissance tangibles pour le Canada.
En conclusion, nous recommandons de rééquilibrer l'allocation des fonds de l'ADO entre les organismes multilatéraux et les ONG de telle sorte que les ONG canadiennes puissent accroître leurs niveaux d'activités de façon marquée. Nous aimerions aussi appliquer les principes des « bonnes pratiques en matière d'aide humanitaire », pour citer les Nations Unies, aux ONG canadiennes compétentes. Nous aimerions également que la présence physique de l'ACDI dans les pays en développement bénéficiaires augmente de façon marquée.
Quant au projet de loi C-293 lui-même, nous vous demandons de modifier le libellé du paragraphe 4(1.1) de manière à parler plus explicitement du besoin d'alléger les conditions difficiles résultant des conflits.
Quant à l'action antimines proprement dite, nous aimerions qu'il y ait un maintien efficace des rôles et des capacités des unités d'action contre les mines à l'ACDI et au MAECI, et qu'au moins la moitié de l'aide financière annuelle pour l'action antimines soit allouée aux organisations canadiennes dans le cadre d'un processus concurrentiel.
Si ces recommandations étaient mises en œuvre, il en résulterait une efficacité accrue de l'aide fournie, de la productivité et de l'utilisation de l'argent des contribuables canadiens, une meilleure visibilité des efforts déployés dans le cadre de l'ADO par le Canada, ainsi qu'une promotion accrue des valeurs canadiennes et élargissement de l'héritage canadien sur la scène internationale et, au bout du compte, de meilleures relations internationales.
Le président : Je vous remercie pour votre exposé. Si M. Schwartz souhaite y ajouter quelque chose, il est le bienvenu. Sinon, nous allons passer aux questions.
M. Schwartz : Vous pouvez passer aux questions.
Le sénateur Corbin : Si je comprends bien, votre organisme ne procède pas lui-même à des activités de déminage et vous vous concentrez principalement sur la formation de ceux qui font ce genre de travail. Ce n'est pas clair pour moi à la lecture de ce texte.
M. Horton : Non, nous faisons du déminage. Notre méthode est semblable à celle d'autres organismes dans le monde qui ont une structure comme la nôtre. Il est plus économique et durable de pouvoir nous rendre dans un pays affecté par des mines pour y former des habitants sur place. C'est ce que nous faisons. Ce sont nos équipes, mais nous en recrutons les membres à l'étranger dans les pays concernés.
Cela s'applique au déminage à des fins d'arpentage, à la sensibilisation aux risques posés par les mines, et à d'autres activités du genre.
Le sénateur Corbin : De quel genre d'employés parlez-vous?
M. Horton : Nous avons beaucoup d'anciens militaires, mais ce n'est pas nécessairement le cas. Nous avons par exemple formé des femmes n'ayant aucune formation militaire et des hommes issus d'autres milieux dans le cadre de nos programmes de détection des mines. Il n'est pas essentiel qu'ils aient une formation militaire, mais c'est souvent le cas.
Le sénateur Corbin : Et de combien de personnes parle-t-on?
M. Horton : Cela varie. Nos équipes ont déjà compté jusqu'à 100 personnes. En ce qui concerne les programmes en cours en Bosnie, il s'agit d'une cinquantaine de personnes.
Le sénateur Corbin : De façon générale, les pays qui fabriquent ou exportent des mines terrestres participent-ils au déminage?
M. Horton : Non, pas du tout.
Le sénateur Corbin : Qui sont-ils?
M. Horton : Parlez-vous des exportateurs?
Le sénateur Corbin : Les fabricants, les exportateurs, les marchands d'armes, tout ceux qui jouent un rôle.
M. Horton : Bien que tous les pays n'aient pas signé la Convention d'Ottawa, celle-ci a eu pour effet de stigmatiser l'utilisation et la vente de mines terrestres. Je ne peux prétendre qu'elles ne sont plus fabriquées, mais elles ne sont plus autant commercialisées qu'auparavant. Je ne suis pas un expert sur le rôle des divers pays dans la fabrication et la vente de mines terrestres.
Cependant, je sais que MacDonald Dettwiler Space and Advanced Robotics Ltd., le fabricant du bras canadien situé à Ottawa, a été vendu à une société américaine qui, apparemment, fabrique des mines. Notre organisation est membre de la coalition Mines Action Canada. Nous sommes fermement opposés à la participation de sociétés qui fabriquent des mines terrestres.
M. Schwartz : La Chine, les États-Unis et la Corée du Nord fabriquent toujours des mines terrestres.
Le sénateur Corbin : J'ose espérer qu'il est possible de déterminer le pays d'origine d'une mine terrestre.
M. Horton : Dans certains cas oui, mais il y a beaucoup d'armes de circonstance.
Nous travaillons en Bosnie, où toutes les mines ont été fabriquées en Yougoslavie. De façon générale, vous avez raison, il est possible de déterminer l'origine d'une mine.
Le sénateur Corbin : Vous vous êtes attardés sur le fait que, en grande partie, le Canada appuie des organismes internationaux au lieu d'accorder une aide ponctuelle aux programmes locaux comme le vôtre. Vous remettez en question l'efficacité de ces organismes. C'est une observation grave, à mon sens.
D'après vous, pourquoi le gouvernement ou les gouvernements, qui qu'ils soient, choisiraient-ils d'accorder un appui moindre aux organisations comme la vôtre? Quels sont leurs motifs?
M. Schwartz : Il est beaucoup plus simple d'envoyer un chèque à un pays étranger et de lui demander de l'investir comme bon lui semble. Quand les gouvernements nous accordent de l'argent, ils sont obligés de faire des appels d'offre, de contrôler nos activités. Cela prend plus d'efforts de leur part.
Dès que l'argent est accordé à d'autres pays dans le cadre d'efforts multilatéraux, il disparaît. On ignore comment il sera investi. À deux ou trois occasions distinctes, l'ACDI nous a proposé un contrat pour travailler avec des ONG sur le terrain. À deux reprises, nous lui avons répondu que nous préférions renoncer au contrat que de travailler avec ces ONG. Nous étions prêts à renoncer à de l'argent, à le rendre, car nous ne pensions pas que le Canada en aurait pour son argent, même si nous participions. Nous avons renoncé au contrat.
M. Horton : Je ne voulais pas donner l'impression que les Nations Unies et d'autres organismes multilatéraux ne font pas du bon travail. Je faisais simplement valoir que des organisations comme la nôtre sont souvent plus rentables et investissent l'argent à meilleur escient. J'estime qu'il n'est pas très équilibré d'accorder 80 p. 100 du financement à des organisations multilatérales, 12 p. 100 à des ONG canadiennes et le reste à d'autres ONG, surtout si nous voulons mettre les efforts du Canada en valeur à l'étranger. Les efforts du Canada ne sont pas mis en valeur à l'étranger quand nous accordons de l'argent aux organismes multilatéraux. Notre position est que l'aide n'est pas accordée de façon équilibrée et que les ONG canadiennes pourraient et devraient jouer un rôle beaucoup plus important.
M. Schwartz : Il y a deux avantages principaux. En guise d'exemple, un pays a accordé de l'argent qui était censé nous revenir. Les Nations Unies nous ont chargé une commission de 17 p. 100. Ce n'est pas très efficient. Nos frais généraux étaient d'environ 8 p. 100, mais les Nations Unies nous ont pris 17p. 100 simplement pour acheminer l'argent. C'est insensé.
Nous affichons des pancartes partout où nous allons. Nous donnons une bonne impression du Canada. À notre avis, en tant que contribuables et que membres du secteur privé, nous pouvons obtenir un rendement maximum sur l'argent des Canadiens.
Lors d'une mission en Bosnie, j'ai rencontré le chef d'état-major de la Défense et le ministre de la Défense un matin. Cet après-midi-là, j'ai rencontré le ministre des Affaires civiles. Ce soir-là, nous avons été interviewés à la télévision locale, affichant le drapeau canadien et la feuille d'érable. Le Canada était la vedette. Quand on envoie de l'argent à l'étranger, il est déposé dans les caisses de l'État et le Canada n'est pas mis en valeur. Le travail que nous accomplissons est énorme, mais la reconnaissance et l'estime que nous obtenons sont très importantes pour le Canada.
M. Horton : Même si l'argent est acheminé par le biais d'organisations multilatérales, il arrive souvent qu'au bout du compte, le travail sur le terrain, ou une partie de celui-ci, soit effectué par des ONG. L'argent passe par un organisme des Nations Unies avant d'être accordé à l'ONG chargée du projet. Il y a donc deux fois plus de frais généraux à payer. L'organisation multilatérale en prend une partie, et l'ONG en prend 10, 15 ou 20 p. 100. Je n'ai pas de chiffres exacts mais, souvent, compte tenu du genre de programme que nous exécutons et de notre structure administrative, nous pouvons accomplir 40 p. 100 de plus avec le même budget.
Le sénateur Smith : Je vais vous donner mon impression de votre position, et vous me direz ensuite ce que vous en pensez.
J'aimerais féliciter M. Schwartz du temps, de l'énergie et de l'argent qu'il a consacrés à ce projet, ainsi que de son engagement envers celui-ci. Les Canadiens qui en sont conscients en sont très fiers, et c'est tout à l'honneur du Canada que ce projet ait été lancé ici.
J'ai l'impression que votre groupe est déçu, en partie à cause du niveau d'engagement du gouvernement à l'heure actuelle. Vous avez indiqué que le financement de l'ACDI et du MAECI a été essentiel à votre développement et à votre croissance initiales, mais que celui-ci a diminué ces dernières années à mesure que le Fonds canadien contre les mines terrestres s'est épuisé. C'est décevant.
M. Axworthy a beaucoup participé à ce projet. Il a quitté le Parlement à la fin de 2000. J'espère que cela n'envenime l'attitude de personne et qu'on privilégie une approche non partisane. Je tiens pour acquis que c'est le cas, aux fins du débat actuel.
Trêve de politesses, je comprends tout à fait le désir d'obtenir un rendement maximal sur l'argent investi et d'être rentable. Je me suis rendu en Bosnie en compagnie de nos soldats et j'ai vu le travail qu'on y accomplissait. Le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international a rédigé un rapport sur l'aide à l'Afrique, particulièrement l'Afrique subsaharienne. Chaque fois que nous nous rendons là-bas et parlons aux gens sur le terrain, ceux-ci soulignent avant tout combien il est important que l'argent soit investi efficacement dans les projets auxquels il est destiné et nous disent que des particuliers finissent par en bénéficier. Ils nous en parlent car c'est un gros problème. C'est inévitable.
L'été dernier, je suis allé en Mozambique pour me faire une idée de certains projets, financés par la Banque mondiale, de reconstruction de l'infrastructure décimée par la guerre civile qui a sévi pendant 17 ans. Nous étions onze parlementaires, et j'étais le seul Canadien. Les autres venaient d'ailleurs. Chaque fois qu'on commençait à parler à quelqu'un, on nous parlait presque immédiatement d'efficacité et de rentabilité, et de la nécessité de veiller à ce que l'argent vienne bénéficier la cause et rien d'autre — vous savez de quoi je parle.
Vous êtes peut-être déçus car le projet de loi ne règle pas votre problème, mais je ne pense pas que c'est une raison suffisante pour le faire échouer. Certains d'entre nous veulent éviter que des amendements soient proposés, car le gouvernement est minoritaire. Si le projet de loi laisse à désirer mais nous met sur la bonne voie, devrions-nous le réduire à néant? Que se passe-t-il s'il est renvoyé à l'autre endroit et des élections sont déclenchées? Peut-être faut-il proposer un autre projet de loi pour répondre à votre problème, mais puisqu'il s'agit là d'un projet de loi d'initiative parlementaire, ce sera difficile puisque cela entraîne des dépenses.
Si certains d'entre nous sont d'accord sur la plupart de vos arguments, est-ce là une raison de faire échouer le projet de loi et de retarder son adoption en proposant toutes sortes d'amendements? Ne devrions-nous pas plutôt remédier à votre problème en présentant un tout autre projet de loi? Au besoin, nous pourrions présenter un projet de loi d'initiative parlementaire, qui pourra s'attaquer aux problèmes intimement liés au financement, dans la mesure du possible. Ce sera difficile, mais pas impossible. Comprenez-vous ce que j'essaye de dire?
M. Horton : Oui, je comprends.
M. Schwartz : J'aimerais ajouter que les efforts sont bipartisans. Le Canada dépense plus d'argent que jamais sur le déminage. Ce n'est pas une question d'argent.
Le sénateur Smith : Je n'ai jamais dit que c'était le cas.
M. Schwartz : Là n'est pas le problème. L'argent est disponible, le problème, c'est la façon dont il est investi. J'estime que c'est un très bon projet de loi. Cependant, j'estime que vous pourriez l'améliorer en ajoutant une recommandation comme quoi les Canadiens devraient pouvoir accéder à une plus grande partie de l'argent investi. J'ignore par quel moyen vous y arriveriez, mais c'est ce que nous proposons.
Le sénateur Smith : À mon avis, il serait préférable que votre problème soit réglé par un autre projet de loi.
M. Horton : Quelque part dans ma présentation, j'ai dit que si ce projet de loi ne pouvait s'attaquer à ce problème, un autre le pourrait. Si j'ai bien compris, ce projet de loi porte sur la reddition de comptes relativement à l'aide officielle fournie à l'étranger. Je n'ai pas trouvé beaucoup de mesures de reddition de comptes quand j'ai lu le projet de loi. Aux termes de celui-ci, le ministre serait tenu de déposer un rapport annuel. Ce n'est pas ça, la reddition de comptes.
Le président : Sénateur Smith, vous ignorez peut-être qu'à la mi-avril, le président de l'ACDI comparaîtra devant nous dans le cadre de nos discussions sur l'agence. Vous pourrez sans doute aborder cette question à ce moment-là.
Le sénateur Smith : Je suis sûr qu'elle sera soulevée.
Le sénateur Dawson : Je suis tout à fait d'accord avec le sénateur Smith. Si nous voulons que ce projet de loi soit adopté — et ce, avant début avril — nous ne pouvons commencer à envisager des amendements. Il faut reconnaître ses lacunes, et aussi le fait que c'est le mieux que nous puissions espérer compte tenu du processus politique.
Vous recommandez que la moitié de l'aide financière annuelle pour l'action antimines soit allouée aux organisations canadiennes dans le cadre d'un processus concurrentiel.
Pouvez-vous expliquer ce que vous voulez dire par « processus concurrentiel »?
M. Horton : Le fonds existe depuis 10 ans. Au cours des cinq premières années de son existence, il y avait un fonds spécial de 100 millions de dollars pour l'action antimines. Nous recevions régulièrement des demandes de proposition de l'ACDI, et dans une certaine mesure, du MAECI. Il n'y a pas beaucoup d'organisations qui font ce que nous faisons; une autre a une structure semblable à la nôtre. En passant, elle appuie notre position. Il s'agit de CAMEO Landmine Clearance, dont le siège social est situé en Ontario. Je suis en contact avec ses représentants; ceux-ci ont lu notre mémoire et l'appuient.
Il y a aussi des organisations d'aide aux victimes, de sensibilisation au problème des mines et autres, mais elles sont peu nombreuses. J'aimerais que nous ayons à nouveau la chance d'accéder à des sommes importantes dans le cadre d'un processus de demandes de propositions, ce qui nous permettrait, ainsi qu'à d'autres organisations, de proposer des idées et d'obtenir des fonds au terme d'un processus concurrentiel. Voilà ce à quoi je faisais référence.
Le sénateur Dawson : Quand le ministre Axworthy a soulevé ces questions il y a un certain nombre d'années, le gouvernement avait la forte volonté politique de s'y pencher. On a parlé technologie, mais il n'y a eu aucun suivi. Le déminage se fait de la même façon aujourd'hui qu'il y a 15 ans. Les images illustrent bien que vos employés courent un risque élevé. Vous avez parlé du bras canadien. Nous avons fait preuve d'innovation dans certains domaines. Finance- t-on l'élaboration de nouvelles technologies qui permettraient de mécaniser le processus, réduisant ainsi la participation humaine?
M. Horton : Au Canada et à l'étranger, on a effectivement financé l'élaboration de tels systèmes. On a fait beaucoup de progrès en matière de détecteurs de mines, de géoradars, et cetera.
On a aussi exploré des idées un peu folles, et on a gaspillé de l'argent dans ces efforts de recherche, à mon avis. Il suffit de regarder les efforts consentis dans le monde pour constater que les méthodes n'ont pas beaucoup changé en 10 ou 15 ans. Le déminage manuel à l'aide de détecteurs de mines et de sondes de déminage est de loin la méthode de déminage la plus courante, comme vous l'avez constaté dans les images. Dans la mesure du possible, nous nous servons d'un fléau — un appareil de grande envergure — pour préparer le terrain et écarter la végétation.
La réponse simple à votre question est : oui, on a investi des sommes considérables dans la technologie. De manière générale, ces efforts n'ont pas vraiment porté fruit. Nous avons besoin d'appareils abordables et robustes, qu'on peut utiliser dans des régions éloignées et qui sont faciles d'entretien et d'opération. En général, la haute technologie ne répond pas à ces critères.
Le sénateur Dawson : Tout comme le sénateur Smith, j'aimerais dire que nous avons la volonté politique d'adopter ce projet de loi et d'envisager d'en présenter un autre sur la question du déminage. Je suis d'accord pour dire qu'il y a des problèmes techniques relatifs au financement, mais j'estime que le comité, ou encore les sénateurs, à titre individuel, devraient se pencher sur ce problème et déterminer si nous pouvons vous aider.
M. Horton : Nous parlons de déminage parce que nous sommes des démineurs, mais ce manque d'équilibre en matière de financement disponible aux ONG touche toutes sortes de domaines.
Le sénateur Dawson : Notre rapport sur l'Afrique traite de cette question. Notre étude n'était pas très approfondie, mais nous devions faire des compromis à l'époque.
Le président : On me dit que, le 15 avril 2008, le président de l'ACDI comparaîtra devant nous. Nous nous sommes éloignés de l'intention du projet de loi. J'ai permis une certaine latitude, mais nous devrions tâcher de nous concentrer de nouveau sur le projet de loi.
Le sénateur Mahovlich : Le déminage devient-il plus onéreux?
M. Horton : C'est une bonne question. Je ne pense pas. À mesure que le temps passe et que les pays touchés commencent eux-mêmes à mener leurs propres activités de déminage, les coûts baissent. Les technologies utilisées sont peut-être de plus en plus onéreuses, mais c'est à espérer qu'elles sont aussi plus efficaces.
Je pense que la réponse est non. Cependant, c'est une bonne question sur laquelle je ne me suis pas vraiment penché, en toute honnêteté.
Le sénateur Mahovlich : Il y a un certain nombre d'années, j'étais en Croatie et notre ambassadrice, Stephanie Beck, m'a fait visiter le pays. Les Croates hésitaient à me montrer les régions minées, mais elle m'a amené à la campagne pour me les montrer. Quand je suis rentré au pays, nous avons organisé un banquet dans l'ouest de Toronto, avec de nombreux Croates, pour recueillir des fonds. Nous avons seulement recueilli 8 000 dollars ce soir-là, mais les gouvernements et quelques autres pays ont décidé de contribuer. Au bout du compte, nous avons envoyé 100 000 dollars en Croatie. Seule Stephanie Beck m'a contacté pour m'en parler. Elle m'a dit que les mines avaient été enlevées et que les enfants pouvaient se rendre à l'école à pied, et je m'en suis réjoui.
Avez-vous travaillé en Croatie?
M. Horton : Oui, il y a quatre ou cinq ans, nous avons fourni au centre d'action contre les mines de la Croatie 12 équipes chiens détecteurs de mines et maîtres-chiens, financés en partie par l'ACDI, la Belgique et l'Autriche.
La Croatie est un des principaux pays qui assument leur part de responsabilité. Elle a financé une bonne partie de ses activités de déminage. Ce n'est pas le cas de beaucoup de pays. Aujourd'hui, la Croatie est en plein essor; son industrie touristique est proprement incroyable. Il reste toujours des mines en Croatie, mais elle ne voulait probablement pas attirer l'attention là-dessus pour ne pas nuire à l'industrie du tourisme. Elle a fait beaucoup de chemin, cependant.
Le sénateur Mahovlich : Participez-vous à tous les appels d'offres en vue d'obtenir un financement au Canada?
M. Horton : Nous travaillons avec la Fondation des mines terrestres du Canada, dont le siège est situé à Toronto. C'est elle qui organise la Soirée des mille banquets et d'autres activités de financement. Elle est associée à Adoptez-un- Champ de mines, qui a débuté aux États-Unis. Celle-ci a des bureaux au Royaume-Uni, en Suède, au Canada et, si je ne me trompe pas, en Nouvelle-Zélande.
Elle prend les fonds recueillis ici et à l'étranger et les rassemble à New York. Le Better World Fund et les Nations Unies ajoutent ensuite une contribution égale. Nous pouvons parfois contribuer une part égale grâce à l'aide de l'ACDI et d'autres.
L'exemple que vous avez donné, à propos des 8 000 dollars qui se sont transformés en 100 000 dollars, n'est pas inhabituel grâce à ce système de contribution égale. Le Fonds d'affectation spéciale, établi en Slovénie, est un autre exemple. Les Américains l'ont mis sur pied. Chaque fois qu'un particulier fait un don d'un dollar, le département d'État américain contribue un dollar.
C'est comme cela que nous obtenons la majeure partie de notre argent. Nous devons faire concurrence pour obtenir ce financement — à tous le moins, en Bosnie. Le Fonds d'affectation spéciale s'intéresse principalement aux Balkans, mais c'est un exemple de ce qui pourrait être fait dans d'autres régions.
Le sénateur Dallaire : Messieurs, vous avez travaillé dans les Balkans. Le lieutenant général Gordon Reay travaillait- il pour vous lorsqu'il a été tué par une mine?
M. Horton : Non, mais nous étions dans la région à l'époque. Il était en mission là-bas.
M. Schwartz : Il devait assister à une convention. Il était en voiture avec le chef d'état-major du ministère croate du déminage quand il a été tué. Nous l'avions rencontré quelques jours auparavant.
Le sénateur Dallaire : Vous avez mentionné que vous avez travaillé dans environ 22 pays. Je suis allé au Cambodge, en Somalie, au Soudan, en Ouganda et au Rwanda. J'ai vu de mes propres yeux dans quelle mesure les mines empêchent les pays d'exploiter la totalité de leur territoire, de cultiver leurs terrains agricoles et de construire une infrastructure.
Au Rwanda, le déminage faisait partie de mon mandat. Nous devions d'abord trouver les champs de mine et procéder ensuite au déminage. La précipitation avait entraîné, dans des plantations de thé, les mines posées sur les collines avoisinantes. Des femmes mourraient au contact de ces mines, qui étaient parsemées un peu partout. D'énormes plantations de thé étaient abandonnées à cause du nombre de mines qui s'y trouvaient.
Nous avons bénéficié d'un financement spécial pour effectuer le déminage de la région. Le déminage a continué par la suite, dans d'autres régions. Cependant, le financement est souvent ciblé; ce n'est pas nécessairement une aide directe au développement.
Êtes-vous d'accord pour dire, premièrement, que les mines contribuent à la pauvreté et empêchent les pays de se sortir de la pauvreté; deuxièmement, qu'on trouve des mines dans des pays dont les habitants vivent dans la pauvreté et ont besoin de pouvoir accéder à l'infrastructure qu'il leur reste et d'exploiter la totalité de leur territoire; et troisièmement, que, bien que vous dépendiez à l'origine du financement du MAECI et de l'ACDI pour entreprendre vos activités de déminage, vous pourriez maintenant soit accéder à un financement spécial, soit financer vous-même des activités de déminage dans l'optique de la réduction de la pauvreté, si vous cherchiez à réduire la pauvreté en stimulant la productivité?
Quelle est votre opinion sur ces trois aspects-là de la question?
M. Schwartz : L'année dernière, nous nous sommes rendus à Brod, en Bosnie. En route de Sarajevo à Brod, nous sommes passés par des champs agricoles que nous venions de déminer. La culture de ces champs avait recommencé presque aussitôt. C'était incroyablement valorisant de constater qu'on avait recommencé à cultiver ces champs. Le déminage est essentiel afin de relancer l'économie de ces pays.
M. Horton : C'est tout à fait juste. Les mines terrestres sont plus qu'une question humanitaire, elles touchent à la pauvreté. Elles empêchent les gens d'accéder aux sources d'eau et freinent le développement de toutes sortes de façons.
En principe, je ne vois pas de mal à combiner les activités de déminage au développement, à l'intégration — appelez ça comme vous voulez. C'est sensé, car cela touche au développement. À mon avis, le problème est que les structures n'existent pas. Les organisations comme les nôtres qui connaissent bien le domaine — nous offrons un service très précis — essayent depuis deux ou trois ans d'établir des liens avec les ONG qui travaillent en aménagement hydraulique et terrestre. Nous avons chacun nos propres activités de créneau, et nos propres programmes continus. Cela nous pousse à vouloir rester de notre côté. Les ONG se plaisent à parler de coopération, mais il y en a très peu. Nous n'avons pas vraiment réussi à établir de tels liens.
Le sénateur Dallaire : Un des grands atouts des ONG est leur indépendance, leur capacité d'aller n'importe où. Cependant, cette indépendance leur nuit aussi. Elle les empêche de combiner leurs forces. Elles en viennent même à se nuire de par leur refus de coordonner leurs efforts, de coopérer, de collaborer. Elles sont loin d'intégrer leurs capacités.
Selon vous, le processus de reddition de comptes prévu dans le projet de loi semble peu efficace. Vous n'avez pas tort. Cependant, nous tentons de nous inspirer de ces rapports pour évaluer l'efficacité, ce qui est certainement un pas dans la bonne direction, au lieu de laisser les fonctionnaires — au demeurant, des gens très responsables — agir sans aucune surveillance.
À mon avis, les rapports nous donnent de l'information qui nous permet d'évaluer l'efficacité des opérations. Ce qui m'amène au point central. L'efficacité de l'aide, le profil, la valeur et la visibilité du Canada, les petites et les grandes ONG et le multilatéralisme sont toutes des politiques et des procédures très précises que le gouvernement a décidé d'appliquer par le truchement de l'ACDI et, dans une certaine mesure, du MAECI.
Ne serait-ce pas utile de pouvoir se concentrer sur quelque chose de plus précis au lieu de traficoter avec toutes sortes de méthodologies différentes, concentrer nos efforts à l'atteinte d'un seul objectif plus efficace au lieu de les éparpiller un peu partout? Cela permettrait aux ONG de démontrer un profil car nous pourrions mieux nous concentrer sur une entreprise ou une vision précise.
Si nous nous concentrions sur la réduction de la pauvreté, nous pourrions rappeler de nombreuses ONG. Nous serions peut-être disposés à faire appel à des organisations multilatérales. Nous pourrions nous inspirer de certains aspects des diverses sociétés afin de réduire la pauvreté. Ce projet de loi ne pourrait-il pas contribuer à ce genre d'objectif, du moins au début?
M. Horton : Je ne comprends pas tout ce que vous dites. Êtes-vous en train de recommander que l'ACDI se concentre sur des thèmes précis?
La réduction de la pauvreté va au coeur même des activités de l'ACDI. C'est ce que je crois comprendre, et cela ne nous dérange aucunement. Comme vous l'avez dit plus tôt, nos activités s'inscrivent dans le cadre de la réduction de la pauvreté et de l'aide humanitaire. Je me demande simplement si nous investissons l'argent à bon escient.
M. Schwartz : Sénateur, les ONG ne sont pas parfaites. Elles se font concurrence pour obtenir l'argent que l'ACDI met à notre disposition. Votre proposition visant à combiner les efforts des diverses ONG munies d'une expertise donnée contribuerait énormément à l'élimination de la pauvreté. Si nous faisions appel à de nombreuses ONG et concentrions leurs efforts sur un domaine précis, nous mettrions à profit leurs forces et cela pourrait faire une grande différence. Cependant, il n'est pas facile de faire collaborer les ONG.
Le sénateur Dallaire : La bureaucratie de l'aide internationale est horrible. Il faut rédiger l'équivalent d'un mémoire de maîtrise pour obtenir 50 000 dollars. Il est incroyable à quel point les bureaucrates ne semblent pas vouloir faire confiance à des organisations moins connues ou de moindre envergure, et à quel point ils sont prêts à accorder des sommes faramineuses aux organisations multilatérales par peur de se retrouver dans l'embarras.
Pensez-vous que cette méthodologie, cette peur, a été créée par les méthodes de reddition de comptes du gouvernement et que ce dernier empêche ainsi les ONG de combiner leurs efforts en vue d'atteindre des objectifs précis?
M. Horton : La question de la reddition de comptes a peut-être une incidence marginale, mais la bureaucratie et la tendance à ne pas vouloir prendre de risques ont toujours existé.
Nous existons depuis 10 ans. Nous avons fait des erreurs; tout le monde fait des erreurs et en tire des leçons. Nous sommes beaucoup plus en mesure, aujourd'hui, d'investir à bon escient l'argent des contribuables canadiens qu'il y a sept ou huit ans. Cependant, on nous confiait beaucoup plus d'argent il y a sept ou huit ans qu'à l'heure actuelle.
Il serait possible de réduire la bureaucratie s'il y avait moyen d'accréditer des organisations comme la nôtre, qui sont déjà en place, qui ont donné des résultats, bons, mauvais ou autres, et qui ont une feuille de route bien établie, ou d'accélérer leurs demandes de financement simplifiées, au lieu d'imposer ces contrats et ces exigences de reddition de comptes qui alourdissent tant notre tâche.
Nous ne pouvons pas aller dans une région et y faire du déminage à moins d'être accrédités par un centre d'action contre les mines. Nous devons présenter nos titres de compétences, prouver que notre personnel est formé adéquatement et que notre équipement est efficace. Pourquoi ne peut-on pas appliquer une partie de ce raisonnement pour la sélection et la présélection des organisations qui demandent des subventions gouvernementales?
Le président : J'aimerais obtenir une précision. Plus tôt, j'ai entendu M. Schwartz dire que le gouvernement du Canada consacre davantage d'argent dans ce domaine. Si je vous ai bien compris, vous craignez que votre entreprise et d'autres ONG canadiennes obtiennent une plus petite portion de ce financement accru. Je ne veux pas vous mettre les mots dans la bouche, mais vous êtes préoccupé et vous aimeriez voir un changement à cet égard, notamment une accélération du versement de votre part dans le cadre d'une demande de proposition, ou DP — ce qui n'est pas une mauvaise idée — pour vous permettre davantage d'efficience. Vous ne laissez pas entendre que le gouvernement du Canada a réduit le financement. Je crois d'ailleurs que M. Schwartz a clairement dit que le financement a en fait augmenté. Mes souvenirs sont-ils bons?
M. Horton : C'est exact. Le financement canadien pour le genre de travail que nous faisons, en l'occurrence les opérations antimines, a augmenté. Depuis des années, ce financement représente en moyenne environ 6 pour cent de l'aide internationale totale, ce qui constitue un effort louable.
Depuis l'entrée en vigueur de la Convention d'Ottawa, environ 3 milliards de dollars ont été consacrés à l'action antimines sur la scène internationale. Le problème ne vient pas d'une réduction du financement. L'argent est là et les fonds disponibles ont même augmenté. Nous disons simplement que des organisations plus efficientes et plus agiles comme la nôtre n'obtiennent plus leur juste part des subventions.
Le président : Je ne fais pas de commentaire sur votre organisation parce que je ne la connais pas suffisamment, mais dans un rapport concernant l'étude sur l'Afrique, on retrouve la même préoccupation que vous avec exprimée. Nous n'avons pas d'objection importante à ce sujet et nous vous remercions de cette précision.
Le sénateur Downe : J'aimerais en savoir davantage sur votre financement. Dans votre exposé, vous avez indiqué avoir dépensé 16 millions de dollars. De plus, le financement précoce que vous recevez de l'ACDI et du MAECI a baissé au fil des ans. Vous avez ensuite parlé d'autres sources de financement, notamment de pays européens et des États-Unis. D'autres pays contribuent-ils aussi, comme la Chine, le Japon et la Russie?
M. Horton : Le Japon est un donateur important, mais je ne suis pas certain pour ce qui est de la Chine et de la Russie. Les grands donateurs sont les pays européens et les États-Unis. Les États-Unis n'ont pas signé le traité, mais ont le mérite d'être les plus généreux. Le Japon, la Nouvelle-Zélande, l'Europe et l'Australie sont les autres grands donateurs.
Le sénateur Downe : Dans votre exposé, vous avez indiqué que les États-Unis étaient les plus grands donateurs. Ils sont très généreux à l'égard de nombreuses organisations internationales.
Avez-vous noté une augmentation de la contribution financière de certains autres pays qui sont maintenant plus prospères ou estimez-vous qu'ils limitent leur apport?
M. Horton : Nous avons travaillé dans tous ces autres pays, notamment en Afrique. Pour l'instant, nous sommes limités aux Balkans, parce que le fonds en fiducie international assure le financement de nos opérations là-bas. Nous ne sommes pas en mesure d'aller au Cambodge ou au Rwanda et d'y rechercher des projets; nous n'avons ni la taille, ni les ressources pour cela.
Je ne peux pas répondre à la question directement au sujet de ce qui se passe ailleurs. Globalement, tout ce que je peux vous dire, c'est que la plupart des pays touchés par le problème des mines ne respecteront pas les échéances prévues dans la Convention d'Ottawa qui exige que les pays se débarrassent des mines sur leur territoire dans les dix ans suivant la ratification du traité. Dans un grand nombre de pays, rien n'est fait pour respecter cette exigence.
Sans égard au niveau global d'application des fonds à divers endroits, le financement consenti n'est pas suffisant pour satisfaire les exigences de la convention.
Je ne sais pas si cela répond à votre question.
Le sénateur Downe : Oui, votre réponse est très utile.
M. Schwartz : La réponse est fort simple, sénateur. Davantage d'argent provient de l'Europe. Les pays européens commencent à faire leur part et augmentent leur contribution financière.
Le sénateur Downe : Ces questions m'intéressent parce que, comme l'a indiqué plus tôt le président, le président de l'ACDI comparaîtra devant nous en avril.
J'aimerais savoir pourquoi l'ACDI a réduit sa contribution. Vous pouvez peut-être répondre à cette question également.
M. Schwartz : En fait, le financement consenti par l'ACDI est resté le même, mais c'est la façon de le dépenser, non le montant, qui pose problème.
M. Horton : Je peux donner une explication partielle à la situation. Comme ce fonds dédié à une fin particulière est maintenant épuisé, les unités d'action contre les mines, en l'occurrence de petites unités formées de chargés de dossier au sein de l'ACDI et du MAECI qui possèdent une expertise dans ce domaine, ont fait l'objet d'une rationalisation au fil des ans et ne comptent plus maintenant qu'une ou deux personnes. Elles ne disposent pas des ressources administratives suffisantes pour gérer des contrats complexes. Voilà une partie de l'explication.
Comme M. Schwartz l'a dit plus tôt, la situation est en grande partie attribuable au fait qu'il est plus facile de faire un chèque et de l'envoyer au Programme des Nations Unies pour le développement. De cette façon, il n'y pas de surveillance et de suivi à faire comme dans le cas de nos accords de contribution. Ces unités n'ont plus les mêmes ressources.
M. Schwartz : Il serait pertinent de soulever cette question lorsque le président de l'ACDI comparaîtra devant le comité.
Le sénateur Downe : Nous le ferons. Comme vous l'avez indiqué dans vos observations antérieures, on insiste un peu trop sur la complexité de certaines de ces procédures, ce qui ralentit tout le processus. C'est ce que nous avons constaté dans notre étude sur l'aide à l'Afrique.
Monsieur le président, je note que contrairement à de nombreuses organisations nationales et internationales, ce groupe a établi son siège dans les Maritimes, plus précisément à Sydney. Je sais que les députés fédéraux de la région font l'éloge de votre organisation et qu'ils en ont vanté les mérites à maintes reprises. Nous sommes bien informés du travail que vous accomplissez. Je vous remercie d'être venu témoigner aujourd'hui.
Le sénateur Corbin : Combien de personnes perdent, chaque jour, un membre ou la vie à cause de mines cachées?
M. Horton : Voilà l'une des réussites de la convention. Au moment de la signature de la convention, on estimait le nombre de victimes à 40 000 ou 45 000 par année. Le Canada joue un rôle considérable dans la préparation du rapport annuel de l'Observatoire des mines. L'an dernier, le nombre de victimes est tombé sous la barre des 15 000. Il y a eu une diminution substantielle du nombre de personnes tuées par des mines.
Le sénateur Corbin : Cette réduction est-elle principalement attribuable à des opérations de déminage ou au fait que les gens sont davantage sensibilisés aux dangers que présentent les mines?
M. Horton : Dans certains cas, du simple fait d'avoir vécu longtemps dans un environnement miné, les gens connaissent les endroits à éviter. Le programme de sensibilisation aux dangers des mines fonctionne depuis bon nombre d'années et le déminage a certainement aidé. La réduction du nombre de victimes résulte de la combinaison de tous ces facteurs.
Le président : Si vous publiez un rapport annuel, auriez-vous une objection à en faire parvenir un exemplaire à notre greffière?
M. Horton : Non, pas du tout.
Le sénateur Corbin : Publiez-vous un rapport annuel?
M. Horton : Je prépare un rapport interne à l'intention du conseil d'administration. À ce jour, je n'ai pas encore préparé un rapport destiné à la publication, mais aucune raison n'empêche la diffusion de ce rapport.
Le sénateur Corbin : Merci beaucoup.
M. Schwartz : Le sénateur Dallaire a parlé des causes du ralentissement économique. Les coûts liés aux soins prodigués à une personne blessée à un membre sont très élevés. Si on peut éviter qu'il n'y ait des victimes, on pourra alors consacrer beaucoup plus d'argent au développement.
Le président : Merci de cette observation, monsieur Schwartz.
Le sénateur Mahovlich : Le projet de loi C-293 alourdit-il la bureaucratie ou est-ce le contraire?
M. Horton : Pour être honnête avec vous, je ne suis pas certain d'être qualifié pour répondre à cette question.
Le sénateur Mahovlich : Quelle est votre opinion à cet égard?
M. Horton : Je trouve que c'est une mesure législative très superficielle qui se résume à quelques pages de belles paroles. J'y ai relevé le mot « responsabilité », mais je n'y ai rien vu vraiment sur la responsabilité, mis à part l'obligation de présenter de rapports. Or, on présente déjà des rapports.
Le sénateur Mahovlich : Monsieur Schwartz, vous avez parlé de blessures. Les chiens sont-ils souvent blessés?
M. Schwartz : Ils sont en sécurité; nous les entraînons très bien. Lorsqu'ils arrivent à proximité d'une mine terrestre, ils s'assoient.
Le sénateur Mahovlich : Il faut simplement entraîner les hommes et tout ira très bien.
M. Schwartz : Nous étions en Bosnie sur un terrain d'aviation où nous avons dégagé une bande de 30 pieds de chaque côté de la piste. Nous avons placé des pancartes où il était écrit « Défense d'aller au-delà de ce point parce qu'il y a des mines terrestres ». Pourtant, un homme a immédiatement amené son fils chasser dans cette zone et ils ont tous deux été tués. Les gens doivent croire les avertissements qu'ils voient.
M. Horton : Je voudrais que tout le monde sache que nous avons un dossier irréprochable, nos hommes et nos chiens n'ont subi ni blessures, ni accidents. Jusqu'ici, notre dossier de sécurité est parfait et je touche du bois pour qu'il reste ainsi.
Le président : Je vous en félicite.
Je suis allé aux îles Malouines et je ne vous apprends rien en vous disant que les mines terrestres posent un sérieux problème là-bas. Le sénateur Corbin a parlé du déplacement des mines terrestres. Aux Malouines, le problème est attribuable au fait que, chaque jour, la marée déplace les mines sur les plages.
On a posé une question au sujet du danger que les mines présentent pour le bétail, les vaches et d'autres animaux. En ce qui concerne les humaines, on a pris des mesures pour faire face au problème des mines. Les gens sont très sensibilisés à la question et il y a des zones très clairement délimitées où personne ne s'aventure, à part le bétail.
Est-ce également un problème dans les pays où vous avez travaillé?
M. Horton : Parlez-vous de la mort d'animaux d'élevage?
Le président : Oui, de la perte de bétail.
M. Horton : Oui, c'est un sérieux problème. Aux îles Malouines, on a délimité assez clairement la zone minée, même s'il y a des déplacements. Les autorités ont interdit et clôturé certaines zones, mais ce n'est pas le cas dans la plupart des pays. Les mines peuvent se trouver aux abords d'un village ou à l'intérieur de celui-ci. Dans bien des cas, les pertes de bétail sont considérables.
Le président : C'est ce que je pensais. Le travail de sensibilisation sur le terrain que font les organisations, dont la vôtre, doit être tout aussi important.
M. Horton : Parlez-vous de la sensibilisation au Canada?
Le président : Non, dans les pays où il y a des mines.
M. Horton : Oui, la sensibilisation aux dangers des mines est l'un des éléments centraux de l'action antimines. L'UNICEF fait énormément de travail à cet égard. Elle fait figure de chef de file sur la scène internationale en ce qui concerne la sensibilisation aux dangers que présentent les mines. Bon nombre des projets que nous réalisons actuellement sont axés sur une approche plus globale. Nous faisons du déminage, mais quand les équipes travaillent dans une collectivité, elles profitent également de l'occasion pour y faire de la sensibilisation aux risques liés aux mines.
Le sénateur Dallaire : Je veux revenir à la question de la pauvreté. Avant même que la Convention d'Ottawa ne soit signée, les gens voulaient des mines terrestres. Celles-ci étaient plus ou moins difficiles à obtenir. Quand je commandais des troupes au Koweït, les Bédouins envoyaient les membres de leur famille ramasser des mines et ils les apportaient ensuite aux troupes de Saddam Hussein; ils recevaient un dinar par mine — évidemment, je parle de ceux qui arrivaient jusque là sains et saufs. Les Bédouins plaçaient simplement les mines sur le dos des chameaux et de temps en temps on entendait une explosion et le chameau avait été déchiqueté. Toutefois, le pire c'est que bon nombre de ces gens se sont fait tuer en allant ramasser des mines pour gagner de l'argent. Cette situation a-t-elle été amplifiée du fait qu'il y a moins de mines? Les gens tentent-ils de s'en procurer sur le marché noir ou ailleurs?
M. Horton : Je ne suis pas certain. Toutefois, l'an dernier, au Liban, après le problème lié aux munitions à fragmentation, nous n'avons pas fait de sensibilisation aux dangers que présentent les mines, nous avons plutôt fait de la sensibilisation à l'évitement des risques. Les munitions à fragmentation constituaient un danger pour les enfants et pour d'autres personnes, notamment à cause de la pauvreté. Les gens y ont vu la possibilité de ramasser de la ferraille. Oui, c'est effectivement un problème sérieux.
Le sénateur Downe : Que faites-vous avec les mines après les avoir ramassées?
M. Horton : Normalement, dans la mesure du possible, nous les détruisons sur place en y attachant simplement une charge. Toutefois, si une mine se trouve dans une zone à risque, près d'un édifice, par exemple, il faut la retirer et la détruire ailleurs.
Le sénateur Downe : Les mines sont-elles totalement détruites pour que personne ne puisse les reconstituer de quelque façon que ce soit?
M. Horton : C'est exact.
The Chair : Merci, monsieur Horton et monsieur Schwartz. Comme vous pouvez le constater, cette question intéresse énormément le comité. Je dois avouer qu'elle n'est pas très précisément liée au projet de loi, mais nous l'avons déjà abordée dans le passé. Nous vous remercions de votre comparution devant le comité et de votre contribution. Il va sans dire que vos observations seront sérieusement prises en considération lorsque nous discuterons de l'orientation à prendre à l'égard de cette mesure législative. Nous apprécions le fait que vous soyez venus témoigner. Monsieur Schwartz, je vous félicite. Vous êtes un visionnaire.
M. Schwartz : Je vous remercie de m'avoir invité. C'était privilège de témoigner devant vous aujourd'hui. Nous espérons que notre témoignage d'aujourd'hui aura une incidence sur vos délibérations à venir.
Le président : Honorables sénateurs, je vous informe que, le 2 avril, le ministre sera avec nous. La prochaine séance aura lieu le mardi 1er avril, à 17 h 30 ou après l'ajournement du Sénat. Nous allons tout de même confirmer. S'il n'y a aucun témoin, il y aura changement au programme, mais pour l'instant, la prochaine séance est fixée au 1er avril, à 17 h 30, soit à l'heure et à l'endroit habituels.
La séance est levée.