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AEFA - Comité permanent

Affaires étrangères et commerce international


Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires étrangères et du commerce international

Fascicule 6 - Le quatrième rapport du comité


Le jeudi 3 avril 2008

Le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international a l'honneur de présenter son

QUATRIÈME RAPPORT

Votre comité, auquel a été renvoyé le projet de loi C-293, Loi concernant l'aide au développement officielle fournie à l'étranger, a, conformément à l'ordre de renvoi du mercredi 12 décembre 2007, étudié ledit projet de loi et en fait maintenant rapport sans amendement. Votre comité joint à ce rapport certaines observations relatives au projet de loi.

Respectueusement soumis,

Le président,

CONSIGLIO DI NINO


Observations au quatrième rapport du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international
(Projet de loi C-293)

Le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international est favorable au principe et à l'intention générale du projet de loi C-293, Loi concernant l'aide au développement officielle fournie à l'étranger. Malheureusement, ce projet de loi comporte un certain nombre de faiblesses que nous nous devons de relever. Premièrement, il ne suffit pas de mettre l'accent sur la réduction de la pauvreté; il faut aussi insister sur le développement économique et l'atteinte de la prospérité dans les pays bénéficiaires d'aide. La première démarche consiste bien souvent à traiter le symptôme, alors que la seconde vise à s'attaquer à la source même du problème : le besoin d'une économie dynamique et en pleine expansion et la création d'emplois dans les pays pauvres. Comme le comité s'en est rendu compte au cours de l'étude qu'il a effectuée récemment sur l'Afrique, la réduction de la pauvreté dans ces pays passe par la croissance économique et la création d'emplois, au moyen d'investissements et d'échanges commerciaux. Les pays bénéficiaires d'aide comptent sur l'aide étrangère pour accéder à l'autonomie sur le plan économique.

Deuxièmement, même si le projet de loi a pour but de faire en sorte que toute l'aide au développement officielle (ADO) soit affectée à la réduction de la pauvreté, la notion de « réduction de la pauvreté » n'est pas définie comme telle dans le projet de loi. Il n'y a donc aucun critère précis permettant de déterminer ce qui contribue à la réduction de la pauvreté. Voilà une bien curieuse omission, qu'il faut assurément corriger.

Troisièmement, le projet de loi C-293 ne fixe aucun critère à respecter pour recevoir l'aide du Canada. C'est dommage puisque les programmes d'aide du Canada sont parmi les plus diffus au monde sur le plan géographique et qu'ils ont finalement assez peu d'impact dans chaque pays.

Quatrièmement, on ne sait pas exactement, à la lecture de l'alinéa 4(1)b), comment fera le ministre compétent pour déterminer si l'ADO « tient compte des points de vue des pauvres ». Certaines précisions s'imposent sur le sujet.

Cinquièmement, le projet de loi C-293 exige que le ministre fédéral responsable de distribuer l'ADO consulte « des gouvernements, des agences internationales et des organismes de la société civile canadienne » avant de donner son autorisation à des projets d'aide. Cette disposition est problématique puisqu'elle peut non seulement représenter un fardeau pour le ministre concerné et entraîner des retards coûteux dans le processus de décision, mais aussi offrir la possibilité aux parties non consultées d'entamer des poursuites judiciaires pour avoir été laissées de côté. Il faut aussi s'interroger sur l'utilité et les risques possibles de consulter des gouvernements répressifs qui pourraient ne pas voir d'un bon œil la présence et les activités d'organismes d'aide canadiens, étant donné que dans certains pays, les organisations non gouvernementales sont perçues comme une menace à l'autorité gouvernementale.

Sixièmement, les dispositions du projet de loi relatives aux rapports et à la transparence risquent d'entraîner un dédoublement des rapports offerts à la population et un gaspillage de temps dispendieux pour les fonctionnaires fédéraux. En outre, l'obligation faite au gouvernement du Canada de rendre public un résumé des observations faites par les représentants canadiens au sujet des institutions de Bretton Woods (p. ex., la Banque mondiale et le Fonds monétaire international) va à l'encontre des politiques de confidentialité de ces institutions, interrompt l'échange de renseignements confidentiels et mine les relations qu'entretient le Canada avec les pays (comme l'Irlande et des pays de la Communauté des Caraïbes) qu'il représente également au sein de ces institutions.

Enfin, et c'est un élément très important, même si le titre abrégé du projet de loi C-293 est Loi sur la responsabilité en matière d'aide au développement officielle, l'article 4 ne renferme aucune disposition obligeant le ministre responsable à rendre compte aux contribuables canadiens du mode de prestation de l'aide. Il n'est pas indiqué, par exemple, que l'aide doit être fournie de façon efficace et efficiente, compte tenu des moyens d'aide du Canada à une époque où l'aide canadienne est livrée de plus en plus discrètement par l'entremise de grosses et souvent bureaucratiques institutions multilatérales et organisations non gouvernementales internationales. Tel que l'a souligné un témoin, le projet de loi C- 293 « semble silencieux concernant l'efficacité, les résultats et la valeur de l'aide accordée » et il ne nous éclaire pas tellement sur la question de la reddition de comptes.

Même si le budget annuel de l'Agence canadienne de développement international (ACDI) dépasse les 3 milliards de dollars et si celle-ci distribue 80 p. 100 de l'ADO du Canada, le mandat légal de cet organisme sous ce rapport tient dans un seul paragraphe apparaissant dans la Loi sur le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international. Le projet de loi C-293, qui vise principalement à faire en sorte que toute l'ADO du Canada soit axée sur la réduction de la pauvreté, ne fait rien pour combler cette lacune. Il ne renferme aucun mandat explicite pour cette agence, assorti d'objectifs que les parlementaires seraient en mesure de contrôler.

Le comité est convaincu de la nécessité de présenter un projet de loi précisant le mandat de l'ACDI et conçu de manière à améliorer la reddition de compte, la transparence et l'efficacité de cet organisme d'aide, et à faire de la reddition de compte un exercice qui va bien au-delà de la simple communication de statistiques. Le comité espère sincèrement qu'un tel projet de loi verra le jour prochainement pour que l'ACDI puisse devenir l'organisme de développement phare que les Canadiens aimeraient voir en elle.


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