Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles
Fascicule 12 - Témoignages du 13 mars 2008
OTTAWA, le jeudi 13 mars 2008
Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles se réunit aujourd'hui, à 10 h 50, pour poursuivre son examen complet des modifications apportées à la Loi modifiant la Loi électorale du Canada et la Loi de l'impôt sur le revenu (L.C. 2004, ch. 24).
Le sénateur Joan Fraser (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente : Conformément à ce qui est prévu, le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles poursuit son examen des modifications apportées à la Loi modifiant la Loi électorale du Canada et la Loi de l'impôt sur le revenu de 2004.
[Français]
Nous avons le plaisir d'accueillir comme témoins des représentants de quatre partis politiques. Hier, nous avons entendu des témoins qui parlaient au nom des partis qui sont représentés à la Chambre des communes ainsi que d'autres partis qui ne le sont pas encore. C'est le cas ce matin aussi, nous recevons des partis qui ne sont pas encore représentés à la Chambre des communes.
Nous avons beaucoup de plaisir à accueillir d'abord M. Peter Graham, le critique des finances au Parti Vert du Canada, M. Miguel Figueroa, le leader du Parti communiste au Canada, M. Ron Gray, le chef du Parti de l'héritage chrétien du Canada et Mme Anna Di Carlo, la secrétaire du Parti marxiste-léniniste du Canada.
[Traduction]
Peter Graham, critique en matière de finances, Parti Vert du Canada : Au nom du Parti Vert du Canada, j'aimerais vous remercier de m'avoir demandé de témoigner devant vous aujourd'hui.
Je crois comprendre que c'est la décision que la Cour suprême a rendue dans l'affaire Figueroa qui vous a incités à connaître l'opinion du Parti Vert. Le point le plus important de cette décision est celui du principe de « participation utile ». Je propose que nous déterminions ce qu'est la participation utile dans les élections canadiennes au XXIe siècle si notre but final est la paix, l'ordre et le bon gouvernement.
J'aimerais d'abord attirer votre attention sur un document de M. Max Bazerman, de la Harvard Business School, intitulé Climate Change as a Predictable Surprise. Le professeur Bazerman y relève un certain nombre de partis pris qui nuisent à une bonne politique. Je vais faire le lien entre ce document et le système électoral. J'espère que vous aurez l'occasion de lire ce document après mon exposé.
L'argument que je vais avancer s'appuie fortement sur ce document et sur le livre bien connu de Thomas Kuhn, The Structure of Scientific Revolutions, que l'on trouve partout en librairie. Je crois que plusieurs d'entre vous connaissez déjà cet ouvrage.
L'article de M. Bazerman fait ressortir quelques-uns des obstacles les plus évidents et les plus graves à l'élaboration et à la mise en œuvre d'une bonne politique dans un contexte démocratique moderne, c'est-à-dire les partis pris cognitifs, organisationnels et politiques. Nous ajouterons à cela le problème du paradigme et les problèmes de communication interparadigmes qu'a relevés M. Kuhn.
Pensez un instant à certaines grandes avancées que les civilisations ont accomplies dans le passé, comme les découvertes spectaculaires des sciences modernes de l'astronomie, de la chimie ou de la physique. Il y a eu également de grandes réalisations sociales, comme l'abolition de l'esclavage ou la fin de l'Inquisition. Je crois que nous conviendrons tous que ces changements auraient pu arriver un peu plus vite.
Kuhn propose ce que je considère comme un cadre analytique convaincant pour comprendre la dynamique des révolutions scientifiques et sociales importantes. Ce cadre permet d'expliquer en partie la lenteur avec laquelle les sociétés font des changements à grande échelle.
Le Canada est confronté à ce que le Parti Vert considère comme sa plus grande menace à ce jour. Je crois que jusqu'à présent, le gouvernement n'a pas réussi à déceler les véritables obstacles qu'il doit abattre pour surmonter ce problème. En fait, la dynamique électorale du Canada contribuerait au renforcement de ces obstacles.
Pour le Parti Vert du Canada, la participation et la contribution utiles dans le pays que nous aimons ne se limitent pas aux votes obtenus lors des élections, loin de là. Pour nous, la participation utile permet d'éliminer ces obstacles et de faire de nouveau évoluer le paradigme.
Comme me suis porté candidat à trois reprises et que je suis critique en matière de finances auprès du cabinet fantôme, je crois connaître suffisamment le Parti Vert pour vous dire que ses candidats et ses associations de comté feront tout ce qui est en leur pouvoir pour être sur la liste. Tant qu'on lutte à armes égales, nous n'avons aucun reproche à faire. Même si, par principe, nous préconisons l'inclusion du plus grand nombre de voix et de points de vue possible dans le processus démocratique, ce qui est fondamental à la bonne politique, nous voyons également un obstacle plus important à la participation utile. Nous considérons en effet que l'imposition de seuils justes et équitables n'entrave pas nécessairement cette participation utile. Nous croyons qu'actuellement, le problème n'est pas la manière dont on peut différencier les partis « sérieux » et ceux qui proposent des programmes « incohérents ». Il ne s'agit pas seulement de déterminer qui devrait figurer sur les bulletins de vote. Pour nous, le fait d'être inscrit sur un bulletin de vote et celui de pouvoir participer utilement sont deux questions complètement distinctes.
Par exemple, comment peut-on participer de façon utile lorsque les médias de masse nous réduisent au rôle de « candidat anonyme »? Comment peut-on participer de façon utile lorsque, comme dans mon cas, le rédacteur du journal local m'indique que pour faire l'objet d'un article, je dois enfiler une combinaison antiradiations et organiser une manifestation?
Comment peut-on participer de façon utile lorsqu'au cours d'une campagne, une chaîne de télévision nationale ridiculise le chef de notre parti, Jim Harris, comme s'il était un enfant ou laisse entendre que le Parti vert entretient un complexe de martyr? Comment peut-on participer de façon utile lorsque notre leader est exclu des débats des chefs télévisés, même si plus de Canadiens voteront pour le Parti vert que pour au moins un des autres partis qui y sont représentés?
Nous croyons qu'un changement fondamental s'impose et nous allons travailler avec diligence en ce sens. Nous ne sommes toutefois pas des révolutionnaires. Nous ne réclamons pas le droit de faire de la propagande ou de corrompre des Canadiens normalement rationnels. De toute évidence, nous sommes le seul parti fédéral qui adhère entièrement aux principes des sciences exactes actuelles et aux orientations stratégiques qui découlent des dernières découvertes scientifiques. Aujourd'hui, au Canada, en acceptant les résultats des sciences exactes et en rejetant ce qu'il considère comme des conventions désuètes et la « foi de nos pères », le Parti vert du Canada se retrouve exclu du paradigme général.
Je ne suis pas venu ici aujourd'hui pour dévoiler la dernière théorie de la conspiration. Je ne crois pas que quiconque ait fait preuve de mauvaise foi ou soit mû par des motifs inavouables.
Le problème est systémique et inhérent à toute démocratie libérale à l'ère des médias de masse. Les entreprises médiatiques sont à la recherche du succès, lequel s'évalue, dans une certaine mesure, par le lectorat. Plus il y a de lecteurs, plus les coûts de la publicité et la rentabilité sont élevés.
Nous devons maintenant déterminer les grandes caractéristiques du message qui permettra d'accroître ce lectorat. Autrement dit, les médias auront-ils davantage intérêt à mettre en œuvre une stratégie de communication générale cadrant avec un paradigme dominant ou à proposer une idée originale? Comment réagiront les annonceurs si leur message ne correspond pas au paradigme dominant?
Si nous faisons un parallèle entre l'article de Bazerman et les publicités dans lesquelles on exhibe des véhicules utilitaires sport au cœur d'une nature vierge, nous commençons à percevoir ce que nous considérons comme un obstacle sérieux au maintien de la paix, de l'ordre et du bon gouvernement au Canada.
Si nous examinons maintenant le même problème systémique dans un contexte électoral, nous trouvons un reflet presque identique de la même dynamique. Je ferais remarquer ici que la classe politique a, de façon générale, déterminé que la réussite électorale se mesurait en fonction des votes, de la même manière que la réussite médiatique s'évalue en fonction du lectorat.
Compte tenu de l'importance actuelle des médias de masse, nous devons maintenant nous demander comment les politiciens peuvent augmenter le plus possible le nombre de votes qu'ils obtiennent lors de scrutins. De toute évidence, même si on répète aux électeurs que le bon vieux paradigme de nos ancêtres demeure valide, cette stratégie ne réussira que jusqu'à ce que les lacunes de ce paradigme deviennent trop criantes pour qu'on puisse les ignorer.
Dans le contexte de la surprise prévisible et de ce que j'appellerais la catastrophe attendue et imminente des changements climatiques, cette transformation s'effectue tout simplement trop lentement pour qu'on puisse parler de paix, d'ordre et de bon gouvernement. En outre, un nombre croissant de Canadiens n'ont tout simplement plus confiance en un système qui réussit de moins en moins à faire face aux nouvelles réalités.
Le professeur Bazerman préconise avant tout une campagne de sensibilisation dynamique pour mieux surveiller les processus décisionnels dans le but de détecter les partis pris. Le Parti vert du Canada approuve cette approche, particulièrement en raison des nombreuses informations fausses et trompeuses que les médias de masse semblent diffuser avec une régularité alarmante. De plus, nous recommandons fortement la mise en place d'un organisme qui assurerait non seulement une couverture médiatique plus équitable entre les partis inscrits, mais également un meilleur équilibre entre des questions traitées pendant une campagne électorale. Tant que les médias de masse pourront décider d'aborder ou d'ignorer certaines questions, le système électoral continuera de devenir de moins en moins pertinent et utile.
Lorsque des questions importantes sont négligées au moment même où les Canadiens se prévalent de leur possibilité la plus significative de participer à notre système démocratique, les surprises désagréables sont inévitables.
Je me ferai un plaisir de répondre à toutes à vos questions.
Le président : Merci. Nous allons laisser chacun des témoins nous faire une déclaration préliminaire avant de passer à une période de questions. Nous disposons d'un total de 50 minutes pour vos exposés et les questions qui suivront. Je vous demande donc d'essayer d'être aussi concis que possible.
Nous allons maintenant passer à M. Figueroa qui, d'une certaine manière, est responsable de notre présence ici aujourd'hui; tout ce dossier remonte en effet au célèbre arrêt Figueroa. Il serait intéressant de connaître votre point de vue maintenant qu'un peu de temps s'est écoulé.
Miguel Figueroa, chef, Parti communiste du Canada : Bonjour à tous. Au nom de notre parti, je tiens à remercier le comité de nous avoir invités à contribuer, en même temps que les autres petits partis, à votre examen de ces importantes mesures législatives.
Le sénateur Milne : Oui, pour la deuxième fois.
M. Figueroa : Ce n'est pas une déclaration en bonne et due forme que je vais vous faire ce matin. Je vais plutôt commenter brièvement certains aspects de la loi avant de répondre à vos questions ou commentaires.
Comme vous le savez sans doute, notre parti a comparu non seulement devant votre comité le 5 mai 2004, mais aussi en mars de la même année devant le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre des communes pour l'examen de ce qui était alors le projet de loi C-3. Nous avions à ce moment-là appuyé, en principe, ces mesures législatives. Nous avions toutefois soulevé différentes préoccupations et critiques à l'égard de certains aspects précis de la loi. Je veux qu'il soit bien clair dès le départ que nous entretenons toujours ces préoccupations et ces critiques. Dans le cadre du présent examen, il serait très utile que votre comité se penche sur ces éléments particuliers de manière à pouvoir éventuellement suggérer certains changements à la loi.
Je vais d'abord faire un survol de nos préoccupations avant de vous livrer des observations plus générales. Dans un premier temps, je vais vous parler de l'augmentation du nombre minimal de signatures requises, qui passe de 150 à 250, et de la nécessité de renouveler l'enregistrement des partis à tous les trois ans. Ces mesures législatives étaient incluses dans le projet de loi C-3.
Je crois que tous nos partis ont dû se soumettre à ce processus deux fois au cours des quatre dernières années. Il y a d'abord eu un renouvellement initial de l'enregistrement de tous les partis, puis une reprise du processus l'an dernier. À notre avis, ces exigences sont gérables. Nous y sommes parvenus et nous continuerons de le faire. Cependant, nous voudrions porter à nouveau à votre attention la nécessité de considérer cette question dans le contexte de la taille relative des différents partis. Pour les grands partis établis, c'est un processus négligeable qui n'a pour ainsi dire aucune signification. Pour les partis plus petits, il s'agit toutefois d'un fardeau considérable. À l'instar de bien d'autres aspects des exigences de la Loi électorale du Canada, comme celles touchant les vérifications, ce processus a l'effet d'un contre- incitatif et d'un obstacle pour les petits partis. Il faut tenir compte du fait que tous les partis ne débutent pas sur le même pied. Certains ont davantage de ressources, d'autres ont un plus grand nombre de membres. Les effets sont différents selon la situation de chacun.
Nous avons aussi exprimé nos inquiétudes à l'égard des modifications apportées à l'article 501 de la Loi électorale du Canada. On y traite des sanctions et, notamment, de la radiation des partis qui ne satisfont pas à toutes les exigences prévues dans la loi. On peut même aller jusqu'à la saisie des biens. Si vous vous rappelez bien l'origine du dossier Figueroa, qui faisait suite à la décision rendue par le juge Malloy en 1999, le gouvernement a modifié la loi pour enlever la référence à la saisie des biens. Cependant, il est revenu à la charge en 2004 avec le projet de loi C-3 prévoyant une mesure atténuée à cet égard.
Au paragraphe 501(3), on trouve parmi les motifs de radiation, et même de saisie des biens d'un parti, une infraction aussi banale que la production d'un compte de campagne électoral incomplet. Tout le monde peut commettre une erreur — les grands partis comme les petits. Nous croyons qu'on laisse ainsi une trop grande marge manœuvre au directeur général des élections qui peut décider non seulement de radier le parti fautif, mais aussi de saisir ses biens.
Ces dispositions doivent être modifiées pour inclure la nécessité d'établir d'une manière ou d'une autre qu'il y a eu intention frauduleuse. Autrement dit, s'il est manifeste qu'un parti a contrevenu volontairement à ces exigences et si ses agissements sont nets et flagrants, la situation peut justifier sa radiation, voire la saisie de ses biens. Cependant, comme notre parti a été l'un de ceux qui ont fait l'objet de telles mesures de saisie, nous pouvons vous dire que des actions semblables ne doivent pas être prises à la légère. Il est important d'inclure dans la loi les dispositifs de protection requis.
Enfin, nous avons toujours des préoccupations relativement à la définition de parti politique. Même si cette définition n'a pas été invoquée au cours des quatre dernières années, nous y voyons une épée de Damoclès menaçant tous les partis et, surtout, les plus petits d'entre eux. Nous avons de sérieuses réserves à cet égard. On trouve ces dispositions au paragraphe 521.1(5) de la loi. On y indique les éléments à prendre en compte par les tribunaux pour déterminer si un parti atteint vraiment ses objectifs fondamentaux pour ce qui est, entre autres, de la présentation de candidats. À l'alinéa b), il est question du programme politique du parti et, entre autres éléments, des communiqués qu'il peut diffuser. À l'alinéa c), on précise qu'un parti pourrait notamment être radié pour une déclaration publique à l'appui d'un autre parti politique. Nous jugeons cette disposition particulièrement problématique. Nous l'avions déjà fait valoir en 2004 et c'est toujours le cas aujourd'hui. Bon nombre de nos partis ne présentent des candidats que dans certaines circonscriptions. Le Parti Vert du Canada a maintenant des candidats dans les 308 circonscriptions; c'est excellent, mais ce n'est pas tous les petits partis qui peuvent en dire autant. Lorsque nous ne présentons pas de candidat dans une circonscription donnée, nos membres et nos partisans nous demandent qui ils devraient appuyer, pour qui ils devraient voter. Nous sommes très transparents. Il est arrivé que nous leur disions de voter pour tel ou tel parti. En l'absence de candidat communiste, nous pouvons leur recommander d'accorder leur soutien à un autre parti.
Si la loi actuelle était appliquée à la lettre, cela pourrait justifier la radiation du Parti Communiste du Canada. Je ne crois pas que ce soit l'intention du législateur ni celle de votre comité. Cependant, c'est bel et bien ce que dit la loi. C'est une situation problématique.
Comme vous le savez, M. Kingsley et un autre témoin ayant comparu récemment devant votre comité ont indiqué que ces aspects préoccupent grandement les directeurs généraux des élections. Ils ne veulent pas se trouver dans une situation où ils seraient obligés de rendre des jugements subjectifs à propos des partis politiques.
J'aimerais maintenant faire quelques commentaires de nature générale. En 2004, cette loi s'est heurtée à la résistance acharnée de quelques députés et sénateurs jusqu'au 13 mai, date du débat final en troisième lecture au Sénat. Tant à la Chambre des communes qu'au Sénat, on a essayé de faire valoir qu'il faudrait peut-être trouver un autre seuil ou d'autres obstacles si la Cour suprême déterminait qu'il est impossible de mettre en place ou de maintenir le seuil prévu. Nous désapprouvons foncièrement une telle façon de voir les choses.
Il y a aussi des gens qui disent : « Nous ne devrions pas le faire pour une raison bien simple. Si nous créons d'autres obstacles, cela pourrait également mener à des poursuites « On craint un plus grand nombre de contestations devant les tribunaux. Nous estimons, très respectueusement, que ce n'est pas la bonne manière d'aborder la situation.
Nous sommes indignés lorsque nous entendons parler de ces entreprises qui mettent sur le marché des produits défectueux. On a découvert qu'elles procédaient à des analyses coûts-avantages pour déterminer s'il est préférable de régler le problème ou s'il serait plutôt moins coûteux de composer avec quelques poursuites judiciaires. D'une certaine manière, c'est une situation analogue à celle qui nous intéresse.
La Cour suprême s'est prononcée sur certains aspects fondamentaux liés d'une façon plus générale à la démocratie et à la participation au processus démocratique. Il s'agit en l'espèce d'agir de manière proactive pour reconnaître la pertinence des conclusions de la Cour Suprême et d'autres tribunaux canadiens relativement à la participation démocratique et à l'élimination des obstacles discriminatoires à l'encontre des partis plus petits. Malheureusement, ce n'est pas ce qui s'est produit. Comme vous le savez très bien, il y a une contestation relativement au projet de loi C-24, la Loi sur le financement des partis politiques. Nous sommes persuadés que nous aurons gain de cause à ce chapitre également.
C'est un gaspillage de temps, d'énergie et d'argent pour notre gouvernement et la population canadienne et nous intervenons une fois encore pour que l'on fasse le nécessaire. Je sais que cela ne concerne pas directement le sujet de nos discussions, mais les analyses que nous avons menées au cours des trois dernières élections sont très révélatrices relativement au financement des partis.
Le président : Nous avons ces renseignements.
M. Figueroa : Nous croyons qu'il y a un lien. Vous noterez que malgré une légère augmentation du nombre de petits partis — il y en avait 6 en 2000, 8 en 2004 et 10 en 2006 — les votes obtenus par ces partis n'ont cessé de diminuer. Ainsi, bien que ces partis soient plus nombreux, leur impact est moins senti. Selon nous, cette situation pourrait notamment s'expliquer par le projet de loi C-24, la Loi sur le financement des partis.
Le président : Ce n'est pas que ce soit inintéressant, bien au contraire, mais il faut poursuivre.
Ron Gray, chef, Parti de l'Héritage Chrétien du Canada : Je veux remercier le comité pour son invitation à comparaître devant lui. Je suis chef du Parti de l'Héritage Chrétien du Canada depuis 13 ans et jamais le comité correspondant de l'autre Chambre ne nous a donné l'occasion d'exprimer nos opinions sur des sujets comme celui-ci. Je crois que cela témoigne bien de l'importance du Sénat en tant qu'institution parlementaire et de sa volonté d'élargir la portée de cet examen.
J'ai inclus dans mon mémoire écrit certains extraits de l'arrêt Figueroa afin de mettre en lumière quelques éléments que je juge particulièrement importants. Je vais passer directement à mon résumé de la page 3 pour vous entretenir de mon interprétation des propos de la juge en chef lorsqu'elle expliquait l'importance de l'article 3 de la Charte. Elle a insisté sur deux principes fondamentaux qui ne sont pas pris en compte dans la Loi électorale du Canada actuellement en vigueur. Il y a d'abord la possibilité pour le candidat de présenter ses idées à l'électorat. Elle a parlé expressément de cet aspect. L'autre principe est celui du droit de l'électeur à être informé.
Lorsque j'ai pris la parole à la réunion des arbitres en matière de radiodiffusion ainsi que devant le Comité consultatif des partis politiques du directeur général des élections, j'ai fait valoir à maintes reprises que cela était attribuable à une approche déficiente à cet égard du comité de la Chambre des communes sur les élections et les procédures. Ce comité examine le projet de loi en se demandant comment il servira les intérêts des différents partis. Ce n'est pas la bonne optique à adopter. On devrait plutôt insister sur le fait qu'un électorat bien informé est absolument essentiel à toute démocratie et que les électeurs ont la nécessité et le droit inaliénable d'avoir accès à des renseignements pertinents sur toutes les options qui s'offrent à eux.
Il est impossible de répondre à ces besoins dans un contexte de type néo-darwinien où c'est la loi du plus fort qui prévaut par l'entremise des médias pour décider de l'accès des électeurs à l'information. Il pourrait en être ainsi si tous bénéficiaient d'un accès semblable aux différentes sources d'information, mais la liberté de presse ne peut pas être considérée comme une liberté véritable si elle ne peut se concrétiser que pour ceux disposant des 10 millions de dollars requis pour se doter d'installations d'impression et de distribution. On ne peut pas prétendre que la liberté de presse est préservée lorsque le diffuseur public, comme M. Graham l'a souligné, ignore certains partis politiques dont les points de vue sont différents des siens, ou les tourne même en dérision. Dans un tel contexte, on ne respecte pas le droit de l'électeur d'avoir accès aux informations pertinentes qui lui permettront de prendre une décision éclairée.
Pour toutes ces raisons, le Parti de l'Héritage Chrétien, avec le soutien de quelques autres partis, dont aucun n'est représenté à la Chambre des communes à l'heure actuelle, a proposé un remaniement complet des formules de financement et de répartition du temps d'antenne, car celles-ci constituent de toute évidence les piliers du statu quo. Plus vous avez obtenu de votes à la dernière élection, plus on vous donne d'argent pour faire campagne afin d'être réélu la prochaine fois.
Selon ce que nous proposons, il faudrait dans un premier temps que tous les partis fédéraux enregistrés jouissent d'un accès égal aux médias nationaux et que tous les candidats aient les mêmes possibilités d'accès aux médias locaux et régionaux. Ainsi, un parti qui présente des candidats dans toutes les circonscriptions se retrouverait avec plus de temps d'antenne qu'un parti comme le nôtre qui n'est présent que dans une circonscription sur cinq. Cependant, pour chacune des confrontations électorales, les électeurs profiteraient d'un accès égal à l'information.
Par ailleurs, nous avons suggéré qu'Élections Canada crée un site web où chaque parti disposerait d'un espace égal qui serait accessible à tous. Élections Canada devrait faire la promotion de cette page Web en indiquant aux électeurs qu'ils pourront y trouver toute l'information nécessaire pour voter de façon éclairée.
En outre, votre comité devrait savoir qu'au moment même où les quatre partis actuellement représentés à la Chambre des communes s'octroyaient un budget annuel de 30 millions de dollars en fonds publics pour leurs campagnes de réélection, ils limitaient considérablement la possibilité pour nos partis de recueillir des fonds par d'autres voies, en plus d'imposer le seuil qui est actuellement contesté devant les tribunaux. Par exemple, tout don d'une entreprise a été déclaré illégal.
Nous avons toujours soutenu que les sociétés cotées en bourse et les syndicats ne devraient pas être autorisés à faire des contributions politiques étant donné que les gestionnaires de ces organisations prennent des décisions qui ne représentent pas nécessairement l'opinion de tous ceux qui en sont propriétaires. Cependant, les sociétés privées et les entreprises à propriétaire unique devraient pouvoir faire des dons car elles appartiennent à leurs gestionnaires. En outre, on a réduit de 5 000 $ à 1 100 $ le don maximal pouvant être fait par un particulier. Cela mine considérablement notre capacité de recueillir des fonds.
Pour terminer, j'aimerais vous rappeler une parole célèbre de Thomas Jefferson. Il disait qu'il est tyrannique d'obliger un homme à payer pour la propagation d'idées qu'il désapprouve. Comme plusieurs millions de Canadiens se situant dans le camp pro-vie, je trouve répugnant à l'extrême que l'argent de mes impôts soit accordé à des partis dont les politiques vont à l'encontre du droit le plus fondamental de tous, celui à la vie, sans lequel aucun autre droit ne peut avoir de sens. Il n'en demeure pas moins qu'année après année, mes impôts sont détournés à cette fin.
Le Parti de l'Héritage Chrétien propose depuis 10 ans, et continuera de le faire, une nouvelle forme de financement public des partis politiques, en vertu de laquelle plus un traître sou de mon argent ou du vôtre n'irait à un parti dont les politiques sont contraires à nos convictions. Nous proposons que la déclaration de revenus se termine par une case indiquant qu'un montant de 2 $, ou toute autre portion préétablie de nos impôts, sera utilisé pour assurer le fonctionnement démocratique du processus politique au Canada. En tant que contribuable, vous pourriez désigner le parti politique enregistré qui recevra vos 2 $. Si vous ne désignez aucun parti, vos 2 $ seront versés dans un fonds non partisan visant à renseigner les jeunes élèves et les immigrants au sujet du fonctionnement de notre système politique. De cette manière, aucune portion des impôts payés par un contribuable ne serait donnée à un parti politique sans son consentement écrit. En outre, les contribuables pourraient ainsi faire savoir aux différents partis politiques comment ils se tirent d'affaires entre deux élections.
Il y a un autre point que je voudrais mentionner concernant le financement. J'ai actuellement un candidat en Colombie-Britannique dont le gagne-pain est menacé parce qu'il s'est présenté sous la bannière du Parti de l'Héritage Chrétien du Canada. Il s'agit de Chris Kempling. Il est détenteur d'un doctorat en psychologie et travaille également dans l'enseignement. Le British Columbia College of Teachers a menacé de lui retirer son permis d'enseignement parce qu'il a été candidat pour le Parti de l'Héritage Chrétien. Jamais n'a-t-on enfreint de façon aussi flagrante l'article 3 de la Charte des droits de la personne. Si on prive M. Kempling de ses droits, on pourrait faire la même chose pour tous les autres Canadiens.
Il est nécessaire en l'espèce de défendre les droits que confère l'article 3 de la Charte à tous les Canadiens. Si notre parti décidait de le faire, il devrait utiliser les ressources limitées qui lui sont confiées en application de la Loi électorale du Canada pour assumer les frais d'un processus judiciaire, ce qui diminuerait d'autant notre capacité politique. Il devrait y avoir une instance publique chargée de défendre nos droits en vertu de la Charte.
J'ai soulevé cette question devant le Comité consultatif des partis politiques du directeur général des élections. M. Mayrand n'a pas indiqué si Élections Canada allait prendre en charge ce cas de défense des droits de la personne. Cependant, des membres de l'un de nos grands partis politiques ont dit qu'ils ne croyaient pas qu'Élections Canada devrait s'en mêler. Je vous demande donc : si ce n'est pas Élections Canada, qui s'en chargera? Il faut que quelqu'un intente une poursuite demandant des dommages-intérêts exemplaires d'un montant assez élevé pour dissuader tout autre employeur ou instance quasi-gouvernementale de priver les Canadiens des droits que leur confère l'article 3 de la Charte.
Anna Di Carlo, secrétaire, Parti Marxiste-Léniniste du Canada : Lors de notre dernière comparution devant ce comité, nous avions discuté du projet de loi C-16. En faisant route vers Ottawa, j'ai pris le temps de réfléchir au fait que le Canada avait désormais un régime prévoyant des élections à date fixe et que nous avions passé les trois derniers mois à attendre fébrilement pour voir si des élections seraient déclenchées. Lors de cette dernière comparution, nous avions fait valoir que le processus de la réforme électorale était vraiment déconnecté de la réalité des problèmes que vivent les Canadiens dans l'exercice de leur droit de vote pour élire un gouvernement et bénéficier d'un certain contrôle sur leur société. Les Canadiens deviennent ainsi de plus en plus cyniques et de moins en moins portés à s'engager politiquement. Nous estimons particulièrement préoccupant de voir ainsi les Canadiens perdre confiance envers les institutions qui les gouvernent quant à leur capacité d'effectuer des changements. L'application du projet de loi C-16 a presque tourné à la comédie. Il y aura aujourd'hui au Parlement un vote auquel participeront les deux partis qui se considèrent eux-mêmes comme les deux plus grands. Il faut prévoir une résolution en faveur de la poursuite de la guerre en Afghanistan, alors même que la vaste majorité des Canadiens ont manifesté leur opposition à cette guerre.
Nous croyons que la situation est grave lorsque la majorité de la population a ainsi l'impression que son point de vue n'est pas pris en compte. Nous assistons aussi à l'effondrement du régime des partis. Auparavant, c'était un régime où un parti était au pouvoir et l'autre formait l'opposition. L'idée était d'avoir l'option de punir le parti au pouvoir lors de l'élection suivante. Cela n'est désormais plus possible. De plus en plus, nous nous voyons privés de notre capacité d'agir comme moteurs de changement dans notre société.
J'ai soulevé ces différents points en raison de leur importance dans le contexte des dispositions que nous examinons relativement à l'enregistrement des partis. À notre avis, la décision rendue dans l'arrêt Figueroa est cruciale pour diverses raisons. Son importance vient d'abord du fait que la cour s'est penchée sur les problèmes liés à l'exercice du droit pour un individu d'élire et d'être élu à l'intérieur d'un système dominé par les partis. La Cour d'appel de l'Ontario s'était prononcée en faveur du seuil de 50 candidats en soutenant que seuls les partis politiques ayant la chance de former un gouvernement pouvaient procurer aux Canadiens une volonté politique suffisamment claire et cohérente. Toujours selon la cour, ce sont ces partis qui devraient bénéficier des droits les plus importants, car il ne sert à rien de conférer de tels droits aux petits partis s'il leur est impossible de former un gouvernement.
La Cour suprême du Canada a annulé cette décision. Elle s'est assurée de bien mettre en exergue cet argument particulier en faisant valoir que ces droits appartiennent à chacun. Nous estimons que la situation est problématique au Canada parce que notre régime politique dominé par les partis constitue le principal obstacle à l'exercice de nos droits individuels. C'est une anomalie importante de notre système qui nous ramène à la question de l'enregistrement des partis.
J'aimerais soulever un autre élément relativement à la décision rendue en 2003 par la Cour suprême. Nous estimons inacceptable que le gouvernement du Canada, quel que soit le parti au pouvoir, n'ait toujours pas procédé à un examen approfondi de cette décision extrêmement importante. En 2004, il y a eu échange de correspondance avant que les petits partis ne remplissent les formalités nécessaires pour soulever une contestation en vertu de la Charte relativement au seuil de 2 p. 100 exigé pour le remboursement. Par le truchement de conférences de presse, on a fait savoir que le gouvernement allait procéder à un examen minutieux des répercussions globales de l'arrêt Figueroa. Vous vous souviendrez qu'une clause de temporisation de deux ans avait été prévue. Ce délai arrivait à échéance lorsqu'à la dernière minute, on l'a remplacé par une autre période de deux ans pour la réalisation de l'examen. Le Sénat se penche actuellement sur la question. Le Parlement n'a toujours pas commencé.
Le président : La Chambre des communes a amorcé son examen.
Mme Di Carlo : Vous avez raison. Je vous prie de m'excuser.
Nous pensons que c'est une façon de faire inacceptable qui fait montre de mépris. À la lumière de ce que nous pouvons constater, la loi demeure en grande partie fondée sur la décision de la Cour d'appel de l'Ontario qui légitimise le concept d'un régime de gouvernance par des partis qui empiète sur les droits individuels.
Nous sommes aussi vraiment préoccupés par la violation du droit à la liberté d'association qui, d'après nous, demeure un problème dans la Loi électorale du Canada. On prétend agir ainsi pour sauvegarder les fonds publics. Lorsqu'un parti politique devient enregistré, il doit renoncer à ses droits de manière à pouvoir notamment émettre des reçus aux fins de l'impôt.
Nous croyons que cela montre bien que le système actuellement en place n'est pas viable. À première vue, il apparaît logique que l'on vous soumette à une règlementation si vous touchez des fonds de l'État. Cependant, le type de règlementation appliqué constitue en soit une violation de la liberté politique et du droit à la liberté d'association pour tout véritable parti. Par exemple, nous sommes préoccupés par la disposition empêchant de recueillir des fonds à l'intention d'une entité non prévue dans la Loi électorale du Canada. Si on remonte à l'époque de la lutte contre l'apartheid, nous avions amassé des fonds pour appuyer ces efforts en Afrique du Sud. Nous estimons tout à fait justifiable d'un point de vue politique de recueillir ainsi des fonds pour différentes causes.
Nous enfreindrions la loi si nos membres voulaient organiser une campagne de financement afin d'appuyer le mouvement anti-guerre ou une organisation luttant pour le renouveau démocratique, sans qu'il s'agisse d'un parti politique. Nous croyons que cela illustre bien le bourbier qui a été créé par ces mesures législatives fondées sur le régime de partis. Si l'on se reporte à 1970, on voulait d'abord et avant tout mettre en place un système de subventionnement public des partis politiques.
Selon nous, la solution réside dans l'abolition d'un tel système. On devrait financer le processus politique en tant que tel, plutôt que les partis politiques.
Le sénateur Stratton : Je trouve curieux que tous nos témoins nous parlent de représentation équitable au Parlement. On en revient toujours à la question fondamentale de la représentation proportionnelle; c'est automatique et je n'ai toutefois entendu personne en parler ce matin. Mais nous discutons tout de même de ce projet de loi. Il traite bel et bien de la question de la représentation proportionnelle, mais personne n'en glisse mot. Je pense qu'il faudrait en parler. Ce n'est pas quelque chose que je verrai de mon vivant, mais j'espère que ce sera le cas pour mes enfants. Nous devons maintenir nos efforts en ce sens.
Hier, j'ai soulevé la question des petits partis, de leurs résultats aux élections et de leur impossibilité à avoir accès aux médias, notamment. Si l'on remonte aux origines du CCF ensuite devenu le NPD, on constate que cela est possible. On a commencé avec une idée de départ et on y est parvenu. C'était il y a un certain temps déjà. Plus récemment, le Parti réformiste dans l'Ouest canadien tire également son origine d'une idée. Il a ensuite évolué pour devenir le Parti de l'Alliance canadienne avant de fusionner avec le Parti progressiste conservateur. On a réussi parce qu'on s'appuyait sur des idées.
Lorsqu'on examine ces deux exemples de réussite, il faut bien admettre que le système doit fonctionner dans une certaine mesure. J'ai toujours pensé que la répartition des fonds était une façon décente pour les petits partis d'obtenir de l'argent. Par exemple, le Parti Vert du Canada poursuit son évolution et deviendra une force véritable au sein de notre système électoral.
À la lumière de ces trois exemples de partis — un exemple historique, un récent et un actuel — qui ont évolué pour faire leur place au sein des partis principaux, pensez-vous que notre système fonctionne, plus souvent qu'autrement?
Désolé pour le monologue, mais je crois que c'est important.
M. Graham : Dans son excellent ouvrage intitulé de The Myth of Green Marketing, Toby Smith soutient que les grands partis puisent une bonne partie de leurs idées, ou tout au moins de leur discours, dans le programme du Parti Vert. Nous avons en fait besoin d'un véritable changement de paradigme. Je ne crois pas que le système actuel fonctionne dans ce contexte.
M. Figueroa : Sénateur, peu importe si un parti donné ou, si l'on remonte dans l'histoire, certains partis ont réussi à surmonter les seuils et les obstacles pour se hisser au rang des grands partis; il faut surtout chercher à déterminer si ces obstacles ou ces seuils sont légitimes. Pour être légitimes, il faudrait qu'ils s'appuient sur une justification et un fondement objectif du fait qu'ils protègent et font progresser le processus démocratique au Canada.
C'est l'un des principaux points soulevés non seulement par la décision rendue par le juge Malloy mais aussi par celle de la Cour suprême du Canada pour indiquer que la question n'est pas de savoir si des partis pourraient le faire. Les transcriptions des audiences de la Cour suprême du Canada étaient intéressantes. Le juge Iacobucci ou l'un des autres juges de la Cour suprême du Canada a posé la question : « Comment appliquerait-on la règle des 50 candidats si la grande majorité des habitants de l'Île-du-Prince-Édouard voulaient exprimer au niveau fédéral leurs préoccupations en tant que Prince-Édouardiens comme le fait le Bloc québécois au Québec? Comment pourraient-ils avoir un parti politique enregistré? Il n'y a que quatre sièges là-bas ». Le procureur général a répondu que cela ne posait pas de problème, car on pourrait demander à des Prince-Édouardiens vivant dans d'autres régions du pays de se porter candidats. Les juges se sont demandé comment le fait d'obliger les partis, qui souhaiteraient s'enregistrer, à présenter des candidats dans d'autres provinces même si cela n'a rien à y voir, renforcerait l'intégrité du processus politique.
En fait, il ne s'agit pas de savoir si certains partis ont surmonté ces obstacles, et si ces derniers ont ou non une base objective. Dans ce cas, non seulement la question est liée à des barrières administratives mais aussi à des barrières financières. C'est la raison pour laquelle nous pensons que la Loi sur le financement des partis politiques est aussi problématique que les obstacles précédents. Aussi, nous y sommes opposés et nous sommes certains de l'emporter.
J'ai parlé à notre avocat au sujet de l'affaire impliquant un certain nombre de nos partis. Il faudra peut-être attendre encore six mois pour savoir si nous obtiendrons la permission d'interjeter appel. Nous sommes sûrs de l'obtenir. Il faudra ensuite attendre une année de plus pour les décisions et une autre année pour la loi. Cette affaire s'éternise et nous pensons que c'est un problème.
M. Gray : Pendant de nombreuses années, mon père a été un sympathisant du CCF, il a cessé de l'être quand ce parti est devenu le NPD. Cependant, à cette époque, la tenue de réunions et le fait de passer le chapeau permettait de collecter des sommes relativement petites, mais l'effet était puissant. Une fois devenu le NPD, le parti a eu accès à un financement très important de la part des syndicats. Le Parti réformiste, qui a contesté les élections de 1988, les premières auxquelles il a participé, tout comme nous, n'a eu aucun élu. Durant les élections partielles de l'année qui a suivi, le secteur pétrolier de Calgary a versé un financement estimé à environ 2 millions de dollars pour cette campagne.
Cela n'est plus possible pour les petits partis. Les quatre partis représentés aujourd'hui à la Chambre des communes ont œuvré très intelligemment pour fermer le pont-levis derrière eux et exclure les nouveaux partis et les nouvelles idées. C'est tout simplement la situation dans laquelle nous nous trouvons aujourd'hui.
Mme Di Carlo : Je vais parler de certaines choses qui ont déjà été soulevées, mais il est sûr que les temps ont changé pour ce qui est de la possibilité pour les partis politiques de progresser.
Je peux citer plusieurs partis qui ne peuvent pas faire, dans la situation présente, ce qu'ils ont fait à l'époque pour démarrer. Cette façon de déterminer si un parti politique peut réussir illustre bien notre inquiétude. Qu'est-ce que cela a à faire avec le fait que les Canadiens soient ou non plus proches de l'objectif de gouvernance autonome dont nous sommes supposés célébrer le 250e anniversaire? Est-ce que le fait qu'un autre parti devienne le chouchou des médias apporte un changement quelconque à la façon dont nous pouvons changer des choses dans notre pays afin que le Canadien moyen ait l'impression de faire partie de ce processus politique?
Je sais qu'il est illégal de collecter plus de 1 000 $. On peut toujours emprunter de l'argent à la banque ou réunir une énorme somme avant de devenir un parti enregistré, mais ce n'est certainement pas ce qui inquiète les Canadiens. Ils se préoccupent de savoir si l'on peut avoir un autre parti politique qui remporte beaucoup de succès au Canada.
Le sénateur Stratton : Merci beaucoup pour ce document. Je vous rappelle le vote populaire dont a bénéficié le Parti Vert du Canada aux élections de 2004 et de 2005. Ce genre de choses se produit encore.
Le sénateur Merchant : Bienvenue et merci pour vos exposés pertinents et analytiques.
Hier, l'un de nos invités nous a rappelés que nous n'avons pas toujours eu des partis au Canada et que nous avons maintenant la possibilité de faire des débats sur les partis.
Pensez-vous que cette présence historique ou cette résonance internationale soit utile? Je crois comprendre qu'il y a un parti écologique dans beaucoup de pays. Quand les gens entendent les mots « marxiste-léniniste, » ils savent ce qu'ils signifient. Je pense qu'il est utile que les Canadiens comprennent ce que vos partis représentent politiquement.
Dans l'affaire Figueroa, la Cour suprême a jugé que le seuil de 50 candidats était trop élevé pour l'enregistrement d'un parti, et elle nous l'a renvoyée pour que nous établissions un seuil approprié. Pensez-vous que l'établissement du premier chiffre a demandé beaucoup d'efforts et de réflexions? Hier, quelqu'un a suggéré que le deuxième chiffre pourrait être plus approprié étant donné qu'il y a des candidats indépendants n'appartenant à aucun parti.
Vous avez dit que vous souhaitiez que tous les Canadiens participent. L'idée présentée par M. Gray voulant que les Canadiens indiquent le parti qu'ils veulent appuyer est une bonne idée. Cependant, ça peut être parfois très difficile. S'il y a beaucoup de partis, disons 25 ou 50, il pourrait être très difficile de comprendre le programme politique de chacun de ces partis. Beaucoup de partis ne s'intéressent qu'à une seule question et je ne suis pas sûr que nous sachions exactement ce que sont ces questions.
M. Gray : La question sur le nombre de candidats qu'un parti devrait avoir pour être enregistré est intéressante, car un groupe de personnes se rassemble pour choisir un candidat et de ce fait il devient en quelque sorte un parti. Un candidat peut se présenter au nom d'un parti, un autre candidat devient candidat indépendant s'il n'est pas appuyé par un parti enregistré.
Au sujet du nombre de partis, nous avons presque fixé un maximum de 16. Nous y sommes restés pendant un certain temps, partiellement en raison de l'exigence de 250 électeurs et la déclaration signée de ceux-ci attestant qu'ils sont membres du parti et qu'ils renouvelleront leur adhésion tous les trois ans.
La question de savoir ce qu'un parti représente est essentielle au plan de l'accès des électeurs à l'information, c'est un point sur lequel j'ai insisté. La loi actuelle ne prévoit aucun moyen de mesurer l'amélioration de l'accès des électeurs à l'information sur les divers programmes politiques qui leur sont présentés. C'est la raison pour laquelle j'insiste sur cette nouvelle façon de procéder. Mettons de côté ce que la loi apporte aux partis; parlons d'offrir aux électeurs l'accès à l'information dont ils ont besoin pour faire leur choix entre les programmes politiques qu'on leur propose. C'est absolument essentiel. Le financement peut aider, mais il doit y avoir un accès à l'information pour comprendre ce que chaque parti défend.
Il y a un parti enregistré maintenant qui se fait appeler le Parti Rhinocéros. J'ai rencontré les membres de ce parti et je ne suis pas sûr de leur orientation politique, sauf qu'ils veulent se moquer du processus ou utiliser le processus pour s'amuser. Ils vous répondront que c'est l'une ou l'autre de ces deux attitudes. Le Parti Marijuana n'a manifestement qu'un seul objectif politique. Le public n'est pas en mesure de connaître ces plates-formes à moins de pouvoir se rendre à un endroit où les divers partis expliqueraient l'intégralité de leur position politique. Un tel endroit n'existe pas aujourd'hui.
M. Graham : Bien que nous ayons un nombre très élevé de voix et qui ne cesse d'augmenter, chaque fois que nous nous présentons dans une circonscription où nous avons une chance raisonnable de faire élire quelqu'un, vous pouvez être sûrs que tous les autres partis feront l'impossible pour veiller à ce que nous n'obtenons pas de siège. Nous l'avons constaté à London-Centre-Nord et dans d'autres circonscriptions. Même si beaucoup d'électeurs votent pour nous, nous n'avons toujours pas de siège. Franchement, je pense qu'il nous sera très difficile d'en avoir un et ne pas avoir de siège ne sert pas l'intérêt des Canadiens.
Le sénateur Joyal : Ma première question porte sur le principe enchâssé dans l'article 3 de la Charte, et que je vais lire à titre de mise au point. C'est sous le titre « Droits démocratiques » :
Tout citoyen canadien a le droit de vote et est éligible aux élections législatives fédérales ou provinciales.
M. Gray avait très justement indiqué les implications de la lecture par la Cour suprême de cet article de la Charte. Ici et à la Chambre des communes, j'ai déclaré que je pensais que l'interprétation donnée au système de subventions établies en fonction de la loi est inconstitutionnelle, et c'est flagrant dans ces chiffres. On ne voit pas la proportionnalité du principe voulant l'exclure pour le montant d'argent en cause.
J'espère que vous gagnerez votre procès, parce que ce principe est, à mon avis, un bon principe. Un vote égale un vote, et chaque vote a la même valeur que ce soit pour le Parti Vert, le Parti Marxiste-Léniniste, le Parti libéral, le Parti conservateur, et cetera. Je pense que ce principe sera reconnu et maintenu par le tribunal.
Au sujet de la répartition du temps, il y a un autre élément que le tribunal pourrait évaluer. Je ne suis pas sûr de gagner un tel procès et si j'étais votre avocat, mais je ferai ma proposition. Je crois que nous sommes tous d'accord qu'il est aujourd'hui plus facile de créer un parti politique. Il ne faut qu'un seul membre et 250 signatures, ce sont des conditions faciles à remplir. Il est facile pour n'importe quel groupe de devenir un parti et de demander du temps d'antenne. Ils veulent vraiment passer d'un groupe d'intérêt à un parti et cela crée un élément totalement différent dans le système.
Bien que je sois persuadé que vous ayez raison pour ce qui est du seuil et de l'accès au financement, l'autre question me pose encore problème. Je suis très honnête avec vous parce que je pense toujours que nous devrions faciliter l'accès des Canadiens à la diversité des opinions.
M. Gray et Mme Di Carlo, je vous ai entendus tous deux vous prononcer sur cette question. Avez-vous réfléchi aux implications?
Mme Di Carlo : Premièrement, je ne suis pas d'accord, je ne pense pas qu'il soit facile de créer un parti politique au Canada. En fait, les chiffres fournis par M. Mayrand indiquaient que 12 partis politiques avaient des résultats insatisfaisants pour des raisons quelconques, même au niveau des exigences fondamentales. Je crois qu'il faut être vraiment très sérieux pour devenir un parti politique et le faire durer au Canada. Il faut beaucoup de ténacité et de conviction. Ce n'est pas quelque chose à prendre à la légère. En ce qui concerne les soi-disant avantages qu'on pourrait accumuler, même si le temps d'antenne était réparti, je peux penser à un million de meilleures façons de s'en tirer à bon compte. Les Canadiens prennent la politique au sérieux, à mon avis. Je ne pense pas qu'il serait facile d'obtenir la signature de 250 personnes attestant qu'elles appuieraient l'enregistrement d'un parti politique qui n'existe pas. C'est une histoire de bonhomme sept heures.
Au sujet de la décision du tribunal, ils ont dit qu'il y a un manque de ressources. Je comprends la façon dont est présenté l'argument, mais tôt ou tard cela ne tiendra plus. La violation des droits des Canadiens à voter en toute connaissance de cause devient scandaleuse. Prenons l'exemple du Parti Vert du Canada qui présente 308 candidats et qui ne peut pas dire qu'il est égal aux autres partis. Sans vouloir offenser qui que ce soit, c'est de l'arrogance. Ça dépasse le fait que quelqu'un au gouvernement et dans les médias importants puisse décider qui doit passer à l'antenne. Cela remonte au XVIIIe siècle.
M. Gray : J'ai entendu parler d'un homme dans la région de Toronto qui se présente à toutes les élections — fédérales, provinciales et municipales — parce que cela lui donne l'occasion d'avoir son nom sur des affiches et de faire de la publicité pour sa compagnie de logiciels. Toutefois, il n'est pas devenu un parti politique précisément parce qu'il n'est pas facile de le faire et qu'il n'est pas facile de faire durer un parti. N'oubliez pas que nous devons faire des vérifications coûteuses pour les petits partis. La possibilité d'un abus frivole existera toujours. Aucun des systèmes que nous mettrons en place ne sera à toute épreuve. Cependant, comme Mme Di Carlo l'a dit, 12 partis admissibles ont été mis de côté parce qu'ils ne pouvaient pas atteindre le seuil voulu. Cela prouve que les seuils sont probablement plutôt imperméables aujourd'hui.
M. Figueroa : À ce sujet, nous avons convenu dès le début que de fixer un seuil de un ou deux candidats serait approprié. Nous disons deux, parce que c'est plus qu'un, ce qui témoigne donc d'un effort collectif, contrairement à un seul candidat. Toutefois, nous n'en demanderions pas plus.
Je crois que les tribunaux étaient essentiellement d'accord avec ce point de vue. C'est pourquoi l'interprétation qu'a faite le gouvernement de la décision de la Cour suprême en 2004 était juste, à mon avis. C'est pour cette raison qu'on a proposé un candidat, et non 12, 15 ou 49. Certains se sont inquiétés que les vannes allaient être grandes ouvertes et qu'il y aurait une prolifération de demandes de nouveaux partis, ce qui ne s'est pas produit. Bien qu'il reste encore quatre ans, il n'y a pas eu d'augmentation massive.
Serait-ce si mauvais d'avoir 20 ou 25 partis? Bien d'autres pays ont des quantités de partis, et pourtant les gens se tirent assez bien d'affaires. Nous avons entendu souvent l'argument au sujet des ressources limitées de diffusion, en particulier en ce qui a trait au temps d'antenne. C'est problématique. En même temps, nous savons que la répartition du temps d'antenne est problématique. Les grands partis obtiennent le gros du temps d'antenne gratuit dans les médias de masse. Ils ont aussi toutes les ressources pour acheter du temps d'émission, grâce à la loi sur le financement des partis.
M. Gray a proposé qu'on établisse un site web du gouvernement qui fournirait, de façon équitable, de l'information de tous les partis à l'intention de tous les électeurs. Cette mesure ne compromettrait pas les ressources. Pourquoi ne le fait-on pas? Pourquoi ne devrait-on pas le faire?
M. Graham : Notre démocratie se porterait mieux si les Canadiens consommaient les médias avec plus de raffinement et de discernement. Comment faites-vous pour qu'ils en arrivent là? Est-ce en leur offrant une couverture médiatique restreinte ou élargie? Je dirais que c'est en leur offrant une couverture élargie. Les Canadiens auraient au moins à faire le tri de cette information et je crois que notre démocratie serait renforcée, et non diminuée.
Le sénateur Oliver : Le directeur général des élections était ici le 5 mars. Il a dit que ces modifications étaient en place depuis maintenant quatre ans. Elles ont été apportées après que vous avez demandé aux tribunaux de donner aux petits partis une chance égale de diffuser leur message, « et cetera «. D'un point de vue administratif, ses collaborateurs et lui croient que les choses fonctionnent bien.
Je vous ai entendus tous les quatre dire aujourd'hui qu'il y a une légère amélioration. Toutefois, c'est encore fastidieux d'obtenir 250 signatures, et même la définition de « parti politique » peut être problématique.
Si je comprends bien votre point de vue, êtes-vous en train de dire au comité que vous aimeriez voir des changements concernant les 250 signatures ou le fait qu'il y ait un seul candidat, ou encore les autres modifications apportées à la suite de la décision de la cour? Si oui, quels changements proposeriez-vous au comité?
M. Gray : Le fait d'exiger 250 signatures ne me pose aucun problème; ce sont plutôt certaines exigences en matière de rapport et de vérification.
Le sénateur Oliver : Elles existent depuis un certain temps.
M. Gray : Oui, mais elles s'appliquent même pour les très petites dépenses. Il n'y a pratiquement aucune limite minimale. Vous devez vous soumettre à la lourde procédure de vérification. Par exemple, même si vous ne faites qu'inscrire le nom d'un candidat sur le bulletin, comme le Parti vert l'a fait dans un certain nombre de circonscriptions, et qu'il n'y a aucune publicité ni aucune dépense, vous devez faire la même vérification.
En outre, les fardeaux imposés à nos agents officiels augmentent continuellement. Il y a quelques années, j'ai dit à M. Kingsley, d'Élections Canada, que si son bureau imposait d'autres fardeaux à nos agents officiels, il allait devoir les inscrire sur sa liste de paye. Je lui ai demandé de nous fournir des agents officiels, parce qu'il est difficile de les recruter. Les personnes qui ont joué le rôle d'agent une fois ne répètent pas l'expérience à moins d'être très dévouées ou masochistes.
Mme Di Carlo : Il y a au sein du Comité consultatif des partis politiques un libéral qui est avocat. Il fait des blagues sur l'argent qu'il a fait, en parlant des tracas que les exigences de la loi créent pour tous les partis politiques. Si vous déposez votre rapport en retard, ne serait-ce que d'une journée, vous devez comparaître devant un juge.
Ce que M. Gray dit est très important. Même si vous n'avez rien à la fin d'une élection, vous devez vous soumettre à toute cette paperasserie. À l'heure actuelle, un de nos candidats fait l'objet d'une vérification pour 4 $, si vous pouvez imaginer la correspondance échangée à propos des 4 $ qu'il a dû verser pour fermer un compte bancaire dans lequel il n'avait pas d'argent.
Le sénateur Joyal : Évidemment, vous n'avez reçu aucune somme du gouvernement.
Mme Di Carlo : On a créé un monstre. Les problèmes et les répercussions se multiplient avec chaque modification. Tous les partis ont été aux prises avec ces problèmes. Regardez les difficultés que les deux partis ont eues avec leurs congrès et leurs ventes aux enchères. Personne n'a mis cela dans la loi pour être méchant, mais c'est ce qui se produit.
M. Figueroa : Nous avons fait des renvois très précis à cette loi. Dans notre mémoire, dont des copies ont été remises au greffier du comité, nous avons parlé des articles 521 et 501 de la loi. Nous avons formulé des recommandations précises concernant ces articles.
Soit dit en passant, les 250 membres ne sont pas seulement des personnes qui appuient l'enregistrement du parti. Ces personnes doivent être des membres officiels du parti, et ainsi de suite. Nous ne demandons pas d'abaisser le nombre à 100. Nous pouvons composer avec les 250 signatures. Toutefois, nous tenons à ce que vous sachiez que toute tentative visant à augmenter ce nombre ferait augmenter aussi le seuil administratif — comme la règle des 50 candidats — et poserait un défi. J'incite fortement le comité à ne pas envisager pareille mesure. C'est pourquoi j'ai insisté pour que vous preniez à cœur le vrai message d'inclusion en démocratie qu'envoie la décision de la Cour suprême.
J'aimerais ajouter brièvement une chose : les Canadiens veulent plus de diversité et plus d'options. Un pourcentage beaucoup plus faible de Canadiens croient qu'il y a déjà trop de choix; ils souhaitent moins d'options. Il importe que les législateurs prennent la chose à cœur.
Le président : Voulez-vous répondre, monsieur Graham?
M. Graham : Je suis essentiellement d'accord. Je crois qu'il y a une montagne de paperasse et d'obstacles qui n'ont aucune utilité.
Le sénateur Oliver : J'ai entendu M. Gray dire à maintes reprises qu'il souhaite que les candidats aient la chance de présenter des idées à l'électorat et que les électeurs ont le droit d'être informés.
Nous avons, je crois, un des meilleurs systèmes de communication, qui s'appuie sur notre Charte. Vous avez plusieurs moyens de communiquer votre message aux gens : la radio, la télévision, les journaux, les périodiques, Internet ou le courrier. Nulle part ailleurs n'est-il plus facile de diffuser un message.
N'êtes-vous pas d'accord avec moi pour dire qu'il est facile de permettre à un électeur d'être informé comme il en a le droit et qu'il est facile pour vous d'informer l'électeur?
M. Gray : Je suis d'accord pour dire que les médias existent, mais l'accès aux médias est extrêmement limité, en particulier pour les petits partis.
Le sénateur Oliver : Que faites-vous d'Internet?
M. Gray : Internet a été une bénédiction. Il nous a ouvert de nombreuses portes, et nous essayons de l'utiliser. Toutefois, les autres médias deviennent de plus en plus coûteux, et la loi que vous avez devant vous a limité notre capacité de recueillir de l'argent. Nous n'avons pas les ressources nécessaires pour acheter du temps d'antenne dans les autres médias, qui demeurent la principale voie de communication pour la plupart des Canadiens.
Le sénateur Milne : Combien de membres faut-il pour former un parti, si ce n'est pas 50? Où doit-on trancher entre 1 et 50? Un des partis nous a dit hier qu'il faudrait peut-être tenir le langage des syndicats et dire « une personne est un individu, deux personnes forment un parti ».
Mme Di Carlo : Le fait qu'un parti politique présente 1 ou 50 candidats n'a rien à voir avec sa taille. Nous parlons du fait d'être enregistré et de pouvoir mettre votre nom sur le bulletin en tant que parti politique. Si vous présentez un candidat, si vous avez un parti politique pour ce candidat, pourquoi n'aurait-il pas son nom sur le bulletin? En théorie, le Parti libéral pourrait décider de contester le système et de ne présenter qu'un seul candidat. Il reste quand même un parti politique.
M. Gray : Je n'aurais aucune objection à ce que la loi exige qu'il y ait deux membres et qu'elle dise qu'une seule personne est un candidat indépendant, parce que vous auriez alors plus qu'un candidat qui souhaite porter la même étiquette et faire valoir les mêmes politiques. Pareille limite ne me dérangerait pas du tout.
Il y a un autre aspect qui, selon moi, doit être abordé : lorsqu'un parti réussit à se faire enregistrer, qu'il devient un parti politique fédéral enregistré et qu'il est reconnu comme tel, pourquoi doit-il encore recueillir 100 signatures dans une circonscription pour pouvoir y présenter un candidat? Pourquoi ce parti ne peut-il pas dire « Nous choisissons un candidat. Nous sommes un parti enregistré »? Pourquoi faut-il attendre sous la pluie devant un centre commercial et demander à 100 personnes la permission de présenter un candidat? C'est déjà un parti.
M. Graham : Je ne sais pas si le Parti vert a une position sur ce que vous dites. Je ne peux pas improviser. Toutefois, je crois que le fait d'exiger deux candidats serait cohérent avec les principes du Parti vert.
Le sénateur Milne : Merci. Mme Di Carlo a été la première représentante d'un parti à comparaître devant nous qui a dit que le gouvernement fédéral ne devrait pas du tout financer les partis, et c'est sur quoi porte ma dernière question. M. Figueroa, dans le petit tableau très intéressant que vous nous avez donné, vous avez dit que le paragraphe 435.01(1) devrait peut-être être modifié pour éliminer le seuil de 2 p. 100 pour l'ensemble de l'électorat ou le seuil de 5 p. 100 dans une circonscription, qui est exigé pour obtenir un financement.
Qu'est-ce que les deux autres témoins pensent de cette proposition?
M. Gray : À l'instar de Thomas Jefferson, je dirais qu'il est tyrannique d'obliger quelqu'un à payer pour la promulgation d'idées auxquelles il ne croit pas. Je ne suis pas d'accord pour que mes impôts servent à des sondages et soient envoyés à des partis. Si une part de mes impôts doit être envoyée à un parti, je veux pouvoir dire quel parti doit recevoir cet argent.
M. Graham : Je crois que les sommes devraient être égales pour tous les partis enregistrés.
M. Figueroa : J'aimerais clarifier notre position. Lorsque le projet de loi C-20 a été présenté et que j'ai comparu devant le comité de la Chambre des communes à ce sujet, nous avons indiqué que nous étions contre le financement public des partis. Toutefois, si ce financement devait être fait, il ne faudrait pas privilégier certains partis au détriment des autres. Nous nous sommes opposés au seuil et nous continuons de le faire devant les tribunaux. Nous nous opposons aussi à l'interdiction du financement des partis par les syndicats. Selon nous, il y a une énorme différence entre les syndicats et les sociétés de Bay Street. Les syndicats tiennent des assemblées. Ils sont redevables devant leurs membres tous les deux ans. C'est vrai que vous avez aussi à rendre des comptes à vos actionnaires, mais ceux-ci entreraient probablement tous dans cette salle, sauf pour ce qui est des grandes sociétés cotées en bourse. De nombreuses entreprises privées ont des ressources énormes et n'ont de compte à rendre à personne, tandis que les syndicats ont des structures démocratiques. Ils doivent tenir des assemblées où ils peuvent être déchus, les politiques peuvent être renversées, et ainsi de suite. Selon nous, cette mesure visait à affaiblir la participation des travailleurs dans le processus politique et nous sommes fondamentalement opposés à toute tentative de cette nature.
Nelson Wiseman, professeur associé, Département d'études politiques, Université de Toronto, à titre personnel : Honorables sénateurs, je tiens à vous remercier de penser que ma contribution pourrait vous être utile. Je remercie également Mireille Aubé, qui a transmis les commentaires du Directeur général des élections, et je vous prie de m'excuser de ne pouvoir m'exprimer en français.
Lorsque j'ai comparu devant vous en 2004, j'ai fortement critiqué la décision Figueroa et je me suis inquiété de ses possibles répercussions. J'ai tourné en dérision les motifs invoqués par la cour pour éliminer l'ancien processus d'enregistrement des partis au nom de ce qu'elle a appelé le droit de « participer utilement ». Ça me semble un lieu commun. C'est une expression plutôt vague qui peut englober bien des choses.
Je craignais qu'on abuse du régime fiscal, que des partis dont les objectifs ne sont pas proprement politiques bénéficient de fonds et de services publics, et que les partis enregistrés prolifèrent, ce qui embrouillerait les électeurs et compromettrait l'intégrité du système électoral.
Je me souviens du Parti de la loi naturelle du Canada qui, en 1993, a présenté des candidats dans 251 des 295 circonscriptions. Il a dépensé 3,4 millions de dollars et recueilli moins de 2 p. 100 des voix. Ce parti semble avoir disparu aussi rapidement qu'il était apparu. Peu importe ce qu'il essayait d'accomplir par l'entremise du système électoral — vraisemblablement promouvoir la médiation transcendantale et le vol yogique et changer l'emplacement de la porte principale du Parlement —, il n'a pas réussi.
Il ne faut pas oublier que les partis sont d'abord et avant tout des organisations bénévoles; si un grand parti bénéficie d'avantages dont les petits partis ne profitent pas, c'est grâce au nombre de ses membres bénévoles et contributions volontaires. Je me réjouis de constater que, malgré mes doutes, le nouveau système semble fonctionner. Par conséquent, même si j'ignore si le fait que les petits partis puissent délivrer des reçus pour les contributions déductibles d'impôt a eu des répercussions sur le régime fiscal, je dois admettre que mes craintes au sujet de l'enregistrement et de la prolifération de partis ne se sont pas avérées.
Le nouveau régime semble avoir eu une incidence minimale. On comptait 14 partis enregistrés en 1993, neuf en 1997, 11 en 2000 et 15 en 2006, et je crois qu'il y en a maintenant 16. Par conséquent, nous sommes au même point qu'en 1993, avant la décision de la cour.
Toutefois, ce qui m'inquiète, c'est que les tribunaux pourraient continuer à attaquer et à miner le processus actuel d'enregistrement des partis et le système électoral dans son ensemble. Permettez-moi de vous donner quelques exemples.
En vertu des règles en vigueur, les 250 électeurs qui appuient un parti doivent fournir leur adresse. Or, la mesure législative qui l'exige, soit la loi fédérale sur l'identification des électeurs adoptée l'année dernière, fait actuellement l'objet d'une contestation devant la Cour d'appel de la Colombie-Britannique. Ce recours a été intenté par des particuliers et des groupes représentant les sans-abris, les étudiants, les Autochtones et les personnes âgées. S'ils ont gain de cause, la décision de la cour pourrait compromettre le processus d'enregistrement et la capacité du directeur général des élections à vérifier l'identité des 250 membres d'un parti, puisque, sans adresse, il n'aura aucun moyen de les contacter.
Je prévois également qu'on s'en prenne à la couverture des élections par les médias, qu'on accusera de priver certains partis de ce que la cour appelle la participation utile. C'est en gros ce que j'ai compris des commentaires formulés ce matin, et je suis prêt à réagir à certains d'entre eux, puisqu'ils m'ont beaucoup éclairé, tout comme les renseignements qui ont été présentés.
La Charte des droits ne s'applique qu'aux lois et institutions gouvernementales, comme Radio-Canada. Bien que je ne sois pas avocat, mais plutôt politicologue, je conçois qu'un parti présentant un seul candidat insiste pour participer au débat télévisé des chefs, arguant que lui en refuser l'accès l'empêcherait de participer utilement aux élections. Si ce parti avait gain de cause, Radio-Canada cesserait probablement de téléviser les débats des chefs.
Je suis certain que les quatre grands partis ne participeraient pas au débat des chefs si les 16 partis enregistrés — ou plus — y prenaient part. C'est ce qui s'est passé en 2000, lorsque Radio-Canada a invité les chefs des 11 partis enregistrés. Les dirigeants des cinq partis à la Chambre ont alors boycotté le débat. Au bout du compte, seuls les représentants des six petits partis non élus — dont certains ont témoigné aujourd'hui — ont participé, et on a tenu un autre débat entre les chefs des cinq grands partis. De nombreux téléspectateurs ont suivi ce dernier, mais très peu se sont intéressés à celui des petits partis. En fait, ils ont été si peu nombreux qu'à ma connaissance, aucun autre débat de ce genre n'a eu lieu depuis, en raison du manque d'intérêt du public.
Je ne crois pas qu'on devrait imposer aux partis enregistrés des critères géographiques régissant où ils doivent présenter des candidats et d'où doivent être issus leurs 250 membres. Selon la décision de la cour, tous les membres d'un parti peuvent venir d'une seule circonscription, alors nous devons l'accepter. Un parti peut également ne nommer qu'un seul candidat, bien que cela aille complètement à l'encontre du concept de participation utile aux élections nationales.
Je suis tout à fait d'accord avec le directeur général des élections lorsqu'il dit que son bureau, ou celui du commissaire aux élections fédérales, ne devrait pas se mêler de déterminer ce qui constitue les affaires publiques. De la même façon, le DGE ne devrait pas étudier la constitution des partis ni suivre leurs activités dans la presse. Il est extrêmement important que le directeur général des élections ne soit pas en position d'émettre des jugements politiques subjectifs.
En outre, je ne crois pas qu'il devrait incomber au DGE d'informer proactivement le public, par l'entremise de campagnes de sensibilisation, des exigences régissant l'enregistrement des partis ou des programmes de ceux-ci, comme le porte-parole a suggéré de le faire sur le site web du DGE. Je ne crois pas que le directeur général des élections doive s'employer à promouvoir les nouveaux partis.
J'en reviens à l'idée que les partis sont des organisations et des associations bénévoles. Le gouvernement n'a pas à encourager leur création. Qui plus est, même si vous n'êtes pas d'accord, il n'a pas non plus à inciter les gens à aller voter. Les citoyens ont le droit de ne pas exercer leur droit de vote dans ce pays, en vertu des lois actuelles.
Je partage les préoccupations du sénateur Di Nino en ce qui concerne les groupes ou les particuliers qui pourraient se servir à mauvais escient du système de partis enregistrés pour promouvoir leurs causes non politiques, allant de la méditation transcendantale aux services chiropratiques, en passant par la vente de biens immobiliers ou autres. Le Parlement doit s'assurer qu'on ne contourne pas les règles régissant les allocations aux partis et les reçus aux fins de l'impôt, parce qu'il s'agit de l'argent des contribuables.
Un autre risque pour le système actuel, c'est que les mêmes 250 électeurs créent de multiples partis afin de discréditer ou de tourner en ridicule le système électoral. Je pense entre autres à Rick Mercer. Des comédiens ou des personnalités de la télévision qui veulent faire parler d'eux pourraient encourager le recours à une telle tactique. Ils pourraient inciter ces 250 personnes à créer 250 partis en signant les formulaires les unes des autres. Souvenez-vous; il y a quelques années, M. Mercer avait convaincu des centaines de milliers de Canadiens de demander un référendum pour que Stockwell Day soit renommé Doris Day. C'est répréhensible, et ça pourrait porter atteinte à la probité du système électoral. Il y a des petits farceurs parmi nous.
Je continue de déplorer le rôle des cours ainsi que la détérioration et le remaniement du régime électoral qui, selon moi, a bien servi les Canadiens, et qui est considéré par de nombreux pays comme étant juste, démocratique, transparent et accessible. Néanmoins, les répercussions néfastes que je prévoyais à la suite de la décision Figueroa se sont révélées négligeables jusqu'à maintenant. Je ne recommanderais donc pas d'autres modifications à la loi.
À cet égard, plutôt que de citer Jefferson, je me permettrais de paraphraser un homme qui a influencé notre Constitution : Edmund Burke, qui a dit que s'il n'était pas nécessaire de changer, il était nécessaire de ne pas changer. Alors qu'il incombe aux cours de remédier à la violation des droits des personnes, il incombe au Parlement de maintenir et de sauvegarder l'intégrité du système électoral. Je ne crois pas que les critères d'enregistrement aient contribué à renforcer ni à défaire la réputation du Canada en tant que démocratie vivace et dynamique. Je crois que le public considère le système électoral et son administration apolitiques, et il importe de préserver cette neutralité.
Le sénateur Andreychuk : Monsieur Wiseman, lorsque nous avons commencé à étudier ce projet de loi, je me préoccupais surtout, comme d'autres membres du comité, de l'objectivité du directeur général des élections. Comme vous l'avez dit, malgré nos craintes, il semble que ça n'ait pas été un problème. Bien que nous ayons soulevés d'autres points, notre nous inquiétions surtout de la neutralité.
Nous avions imaginé toutes sortes de façons possibles d'user à mauvais escient du processus, mais aucune ne s'est concrétisée. Nos 16 partis enregistrés ont peut-être du mal à respecter certaines règles, pourtant pas si contraignantes, mais ils ne les enfreignent pas.
Peut-on maintenir un équilibre en conservant le système actuel? Je ne m'inquiète pas du fait que certains pourraient essayer d'en tirer profit, parce que si quelqu'un définit un enjeu politique — et c'est le propre de la démocratie — et peut convaincre d'autres personnes de l'importance de cette question, le système devient un instrument.
Hier, un parti nous a dit qu'il était au fond un groupe de revendication, mais qu'il ne pouvait faire de publicité comme tel, alors il s'est enregistré et trouve maintenant des avantages à être un parti politique. Ça me semble respecter l'esprit de la démocratie.
Croyez-vous encore qu'on ne profitera pas du système grâce à la vigilance d'autres partis? En d'autres mots, si on s'écarte de ce qui s'est fait au cours des deux ou trois dernières années, quelqu'un — les médias, un autre parti politique ou un universitaire — le soulignera. Le système est-il assez surveillé pour empêcher un dérapage?
M. Wiseman : Je n'ai pas entendu les commentaires des libéraux et des néo-démocrates, qui, je crois, ont témoigné devant vous hier. Jusqu'à maintenant, on n'a pas dérapé. Je vois les éléments qu'on pourrait exploiter, mais c'est le travail des analystes politiques créatifs. Certains des problèmes que j'avais prévus ne se sont pas posés. Ils ont encore le temps de surgir, mais étant donné la décision de la cour dans l'affaire Figueroa, je crois que nous sommes en quelque sorte pieds et poings liés.
Je m'inquiète de l'abaissement constant des seuils et de l'élargissement de l'accès. J'ai trouvé les commentaires de M. Gray très intéressants, sérieux et mûrement réfléchis. Toutefois, il pourrait y avoir un conflit entre le droit de voter, que selon moi les cours ont interprété de façon trop large, et la liberté de la presse. La prochaine étape semble consister à forcer les médias à donner un temps d'antenne égal à tous les partis enregistrés, ce qui ne contribue pas au bon fonctionnement de notre démocratie. Cela oblige plutôt l'État à contrôler et à superviser les médias, ce qui me déplaît énormément.
On a laissé entendre que les votes pouvaient s'acheter. Nous savons en outre qu'en vertu de la loi, avant que le régime d'enregistrement ne soit sapé, il fallait acheter du temps d'antenne, puisque les stations n'en offraient qu'une petite partie gratuitement. C'est encore le cas aujourd'hui.
Au cours de la campagne électorale de 1993, le Parti conservateur avait obtenu plus de temps d'antenne et dépensé plus d'argent que tout autre parti au pays. Il a gagné deux sièges. Le Parti réformiste est quant à lui sorti de nulle part. Je suis d'accord avec le sénateur Stratton, qui a parlé du CCF-NPD et du Parti réformiste, et j'ajouterais même à la liste le Parti progressiste, le Bloc et le Parti Crédit Social. Ces partis ont pris de l'expansion non pas parce qu'ils étaient protégés par le gouvernement ou les cours, mais parce qu'ils étaient populaires.
Le Parti communiste du Canada a fait élire un candidat au Parlement en 1943, et d'autres dans des assemblées législative provinciales. S'il a réussi, ce n'est pas parce que l'État l'a aidé ou parce que les médias le malmenaient moins à l'époque. En effet, l'attaque menée par le Parti vert du Canada contre les médias était tout à fait intéressante. J'ai bien aimé ses commentaires; j'aime me faire l'avocat du diable.
En octobre dernier, le jour des élections ontariennes, tous les partis ont obtenu le même espace publicitaire dans le Toronto Star. La photo de la chef du Parti Vert du Canada y figurait. Je n'ai jamais vu une aussi vaste couverture médiatique pour le Parti Vert, que ce soit au cours des dernières élections fédérales ou ontariennes. Le parti a plutôt bien réussi dans cette province; mais au niveau fédéral, il a tout de même obtenu moins de 5 p. 100 des voix.
La démocratie ne dicte pas un traitement égal de tous les groupes. Il faut permettre la libre expression des idées. Certains partis sont plus populaires que d'autres, ce qui reflète les aspirations du public. Si celui-ci s'intéressait davantage aux petits partis, nous l'aurions vu dans les cotes d'écoute des débats télévisés de leurs chefs.
Le sénateur Milne : Monsieur, j'aimerais vous poser la question que j'ai également lancée à toutes les formations politiques. C'est au sujet de la taille d'un parti. Est-ce qu'un candidat, c'est trop peu? Nous sommes passés de 50 à 1 en raison de la décision Figueroa, mais est-ce insuffisant?
L'un des partis nous a dit hier qu'un candidat représentait une personne ou un indépendant, et que deux formaient un parti.
M. Wiseman : Il faut respecter la décision de la cour.
Le Sénateur Milne : Celle-ci n'a pas dit quel devrait être le minimum, mais seulement que 50, c'était trop.
M. Wiseman : Je croyais qu'elle avait également statué qu'aucun seuil n'était acceptable.
La présidente : Non, je ne pense pas que ce soit le cas.
Le sénateur Joyal : Ce n'était pas aussi tranché.
M. Wiseman : Mais c'est ainsi que le directeur général des élections a interprété la décision à l'époque.
Le sénateur Joyal : Oui, c'est exact.
M. Wiseman : Le Parlement a donc suivi ses conseils.
Je crains qu'augmenter le minimum à cinq ou dix — ce qui représente une modification législative minime — ne suscite de nouvelles contestations judiciaires.
Lorsque j'ai comparu devant vous il y a quatre ans, je me souviens d'avoir entendu M. Figueroa dire que les décisions législatives du Parlement importaient peu, puisqu'il pouvait continuer à les contester. Il l'a d'ailleurs réaffirmé; j'en ai appris plus aujourd'hui.
Je suis surpris de voir ce qu'on a fait de ce principe pourtant très simple. Les pères de la Charte ne pensaient sûrement pas que le droit démocratique de voter serait autant contesté devant les tribunaux et interprété d'une façon si large.
Le minimum de 50 candidats me convenait. Je pensais que les Canadiens avaient suffisamment le choix et que les partis non enregistrés pouvaient tout de même promouvoir leurs idées. Lors d'un scrutin, tout le monde sait qu'il vote pour un parti. Les noms écrits en gros sur les bulletins sont pourtant ceux des candidats. Jusqu'en 1974, les noms des partis n'y apparaissaient pas. Ils ont été ajoutés par souci de clarté. Dans les années 1960, la commission Barbeau, qui a étudié la législation en matière de financement électoral, est parti du principe que, pour avoir le contrôle, nous devons savoir qui est le chef du parti et qui sont les véritables candidats. Nombre d'entre vous êtes en politique depuis longtemps et savez qu'il peut y avoir plus d'un candidat libéral. « Je suis le candidat. » « Non, c'est moi. » C'est inacceptable. Qui donnera les reçus?
Je trouvais que le minimum de 50 était parfaitement raisonnable. Étant donné ce qu'elle a décidé, la cour pourrait également refuser — mais nous n'en sommes pas là — que le Parlement impose un minimum de 12 candidats pour qu'un parti soit reconnu.
Je n'aime pas l'idée de réduire le minimum à un candidat. Cependant, on ne peut rien y faire et il n'y a que 16 partis enregistrés, donc jusqu'à maintenant ça semble aller. Je m'en remets au directeur général des élections.
Le sénateur Milne : Que pensez-vous du financement public? Pour la première fois, un parti nous a dit ce matin qu'il préférerait son abolition. M. Figueroa a proposé qu'on modifie le paragraphe 435.01(1) afin d'éliminer le seuil de 2 p. 100 du total des votes ou de 5 p. 100 du nombre de voix dans une circonscription pour obtenir des fonds publics.
M. Wiseman : En éliminant le financement public, nous nous rapprocherions dangereusement du système américain, et les petits partis risqueraient de se plaindre que les plus grands achètent le pouvoir. Nous avons entendu des opinions contradictoires aujourd'hui de la part de petits partis. Certains, comme le Parti vert, disent qu'ils n'ont aucune chance parce que les partis plus imposants prennent les grands moyens et achètent beaucoup de publicité, au point de les éclipser.
Nous avons étendu la portée du système d'allocations et imposons des limites aux contributions volontaires. Or, c'est l'argent qui fait marcher la politique : les comptables, les avocats et les stratèges des partis trouveront toujours une façon de contourner les règles. Le Parti libéral n'envisageait-il pas la tenue d'une vente aux enchères il y a quelques semaines? On s'est demandé si cela contrevenait à la loi.
Toutes les démocraties font face à ce dilemme. Je ne pense pas que nous devions éliminer le financement public. Toutefois, il faudrait éviter de continuer à grever le Trésor. Ces partis se plaignent de n'avoir pas un accès équitable au financement et de devoir débourser des sommes considérables pour fournir des états financiers vérifiés, mais regardez ce qu'il en a coûté pour gérer le bureau du directeur général des élections au cours des 20 ou 30 dernières années. Son budget de fonctionnement s'est accru considérablement depuis qu'il a dû se doter de vérificateurs. Depuis peu, nous avons même un commissaire aux élections fédérales. Je ne sais d'ailleurs toujours pas bien ce qu'il fait. À une certaine époque, nous n'avions pas d'exigences concernant l'identification visuelle des électeurs et la divulgation de leur adresse. Nous sommes en train de bureaucratiser les procédures électorales. Je ne crois pas qu'il y ait eu de fraudes évidentes au cours des 30 ou 40 dernières années, alors que c'était souvent le cas au XIXe siècle.
Le système semble nous avoir bien servis. Pour s'en convaincre, il suffit de se comparer. J'ai remarqué que des pays demandent à notre DGE que nous les aidions à l'organisation d'élections. L'Irak, la Namibie et l'Ukraine veulent savoir comment nous fonctionnons au Canada. Nous sommes considérés à l'étranger comme un modèle à suivre. Or, nous passons beaucoup de temps à démolir notre propre système pour nous assurer qu'il soit respectueux et juste.
En fait, ces partis sont petits parce que le public les appuie peu. Lorsque j'entends dire que le Parti vert du Canada a été tourné en ridicule parce qu'on a dit qu'il fallait être martyres pour se présenter comme candidats de ce parti, ça me rappelle les commentaires qui ont été faits à l'encontre des plus grands partis. Les médias ont formulé plus de remarques désobligeantes au sujet du premier ministre et du chef de l'opposition qu'au sujet du Parti vert du Canada, qu'ils hésitent à attaquer, selon moi.
Le sénateur Joyal : Monsieur, j'aime bien vos articles dans le Hill Times, surtout lorsqu'ils concernent le Sénat; mais revenons à nos moutons.
Vous semblez établir une distinction entre les partis sérieux et les autres. Vous avez parlé du Parti Marijuana, surnommé le « Parti Pot » pour la publicité, et d'un autre parti qui pourrait défendre une cause qui, selon vous, serait plus acceptable, comme un parti pro-vie.
Il est difficile d'établir une distinction fondée sur le mérite d'un parti qui soit juste. Si on établit une définition de parti politique, on risque d'en voir les critères appliqués subjectivement.
En ce qui a trait à la prolifération possible de partis politiques, il me semblerait juste de déléguer au commissionnaire, qui joue un rôle plutôt quasi-judiciaire, la responsabilité d'entendre les contestations des décisions du directeur général des élections lorsqu'il radie un parti pour une raison quelconque.
Si les dangers que vous anticipiez se présentaient, s'il y avait véritablement une multiplication des partis politiques et qu'on se retrouvait avec 60 partis au Canada, peut-être que le directeur général des élections devrait examiner les critères de façon plus minutieuse. Il faudrait alors lui retirer cette responsabilité afin qu'il soit impartial envers tous les partis, peu importe leurs objectifs promotionnels.
Ne convenez-vous pas que pour maintenir la fiabilité et la crédibilité du système — étant donné que les règlements actuels pourraient être interprétés de façon subjective —, nous devrions mettre en place un processus juridique indépendant, du moins en apparence?
M. Wiseman : Actuellement, pour qu'un parti politique puisse être enregistré, il lui suffit d'obtenir 250 signatures de membres fournissant leur adresse; de présenter la déclaration de son chef; de se conformer à ces exigences tous les trois ans; de présenter au moins un candidat et de déclarer qu'il s'intéresse aux affaires publiques. Je suis désolé si j'ai donné l'impression de préférer les grands partis aux petits.
Je ne souhaite que du bien aux petits partis. J'ai été organisateur politique pour un parti au Manitoba qui était petit à l'époque; je veux parler du NPD. Celui-ci a pris de l'expansion en ralliant de plus en plus de personnes à ses idées et à sa cause — je me répète —, et également un peu aussi grâce aux échecs des autres partis.
Le sénateur Joyal : Et au syndicat.
M. Wiseman : Je crois que nous avons été mal renseignés aujourd'hui. Certaines dispositions de la constitution du CCF portaient sur les affiliations syndicales et le financement provenant des syndicats. Vous serez peut-être surpris d'apprendre que ceux-ci ont donné plus d'argent au CCF dans les années 1940 que 1950. On a mis fin à ce genre de financement du NPD au Manitoba avant l'entrée en vigueur de la loi fédérale, sous Gary Doer.
Tout comme je n'ai pas tenu pour acquis que le Parti libéral était simplement celui des grandes entreprises, ou le Parti conservateur celui de Bay Street, je considère que le CCF-NPD était beaucoup plus que le parti des syndicats. C'était un petit parti qui défendait aussi d'autres causes, comme le Bloc Québécois — que je connais peu — est engagé dans une multitude de dossiers.
Je ne veux aucun mal aux petits partis. Nous vivons dans un pays démocratique et assez ouvert. Le Parti vert a prouvé qu'il pouvait gagner des appuis et que ses idées pouvaient être mobilisatrices. Toutefois, je n'aime pas qu'on renverse les choses et qu'on dise que les petits partis le sont parce qu'ils font l'objet de discrimination et qu'ils devraient donc avoir la même visibilité à la télévision et dans les médias que les grands partis. Cela porterait atteinte au système électoral, et c'est justement de l'idée que l'État dicte ce genre de précepte qui me déplaît. Faisons en sorte que les règles soient minimales. J'aime la définition telle quelle est. Je ne travaille pas toujours dans ce domaine, contrairement au directeur général des élections et à vous, qui y accordez beaucoup plus d'attention.
En général, j'observe les élections, je les suis même de près. Je regarde ce qui se passe au cours des campagnes électorales. J'admire les partis comme le Parti réformiste ou le CCF, et maintenant le Parti vert du Canada, qui a reçu des appuis et s'est constitué une base grâce à ses idées, ce qui, du coup, lui permet de mieux les faire valoir. Toutefois, le fait que de nombreux autres partis ne réussissent pas aussi bien dépend selon moi de l'opinion publique.
Le sénateur Joyal : Je suis d'accord avec vous lorsque vous dites que pour qu'un parti réussisse, il doit promouvoir des idées que partage une grande partie de la population. On ne doute plus de l'importance du Parti vert du Canada, ni de celle de l'environnement en général. Ce concept élargi n'était pas autant dans l'air du temps il y a une trentaine d'années.
Je me souviens de la création du premier ministère de l'Environnement; c'était il n'y a pas si longtemps. Un parti promouvant la protection de la nature il y a 50 ans n'aurait obtenu que très peu d'appuis; aujourd'hui, il fait partie intégrante de la scène politique. On peut imaginer que le Parti vert bénéficiera d'un soutien plus vaste.
Si l'on prend une idée beaucoup moins répandue comme celle, par exemple, du Parti marijuana, il est facile, surtout quand on est politicologue, de cerner exactement qui appuie cette idée et de déterminer la tendance de ce parti pendant un certain temps. Ce n'est pas un grand mystère. On peut évaluer l'évolution des idées politiques. Le plus souvent, nous pouvons prévoir l'avenir à court terme de tous les petits partis enregistrés, qui ont leur vie bien à eux, à moins que l'opinion publique ne change radicalement.
Je ne partage pas la grande crainte que vous avez mentionnée qu'ils bloquent le système et le discréditent si le système, dans son modèle de décision institutionnel, conserve la crédibilité de ses décisions et ses critères. Toutes élevées les attentes soient-elles quant à la décision des tribunaux sur l'allocation de temps, l'article 1 de la Charte est toujours là, celui sur les limites raisonnables dans une société libre et démocratique, et l'on peut plaider qu'un moment donné, il faut garantir un accès équitable. Cela ne signifie pas, comme vous l'avez dit à juste titre, que tout doit être égal.
Il y a des libertés qui entrent en conflit, dont la liberté d'expression, la liberté d'association, le droit de vote et le reste. Le tribunal doit tenir compte de tous ces droits pour rendre sa décision.
La présidente : Peut-être pourrions-nous prendre une question.
Le sénateur Stratton : Deux d'entre nous devons quitter dans cinq minutes.
Le sénateur Joyal : C'est pourquoi votre crainte concernant l'allocation de temps n'est pas aussi absolue que vous l'avez dit.
M. Wiseman : Non. Nous ne savons jamais à l'avance quelle sera la décision des tribunaux. Vous êtes avocat, contrairement à moi. Je m'attendais à ce que l'article 1 justifie parfaitement un recul raisonnable dans l'affaire Figueroa en première instance, mais ce n'est pas ce qui est arrivé.
En Ontario, cet automne, un tribunal s'est prononcé contre les dépôts des candidats. Le Parti vert avait augmenté ces dépôts. L'article 1 n'a pas fonctionné dans ce cas-là. Je ne sais pas si l'article 1 va fonctionner pour les critères d'adresses.
Dans l'ensemble, je pense que les politiciens sont mieux outillés qu'avant. Nos lois électorales sont justes. Jamais auparavant elles ne m'ont posé problème. Elles étaient encore plus justes sous le régime que nous avons adopté en 1974, avant la promulgation de la Charte. Je doute que la Charte ne les ait rendues plus justes. Elle n'a fait qu'augmenter la paperasserie bureaucratique et le nombre de contestations de la loi devant les tribunaux. Si je regarde le résultat, je ne le trouve pas très différent.
Je trouve intéressant que le Parti communiste du Canada, qui a passé beaucoup de temps dans l'histoire à dénoncer les tribunaux et à clamer qu'ils servaient la bourgeoisie et les classes d'affaires, consacre maintenant son temps à étudier des décisions judiciaires plutôt qu'à établir des alliances et de la solidarité avec la classe ouvrière.
Le sénateur Stratton : Bravo!
Le sénateur Merchant : Ma question est connexe. Les témoins ont plaidé à maintes reprises en faveur d'un discours de fond, mais nous entendons ce que disent les différents partis. Il y a quelqu'un qui a dit qu'une participation en profondeur signifiait la paix, l'ordre et le bon gouvernement. Vous nous avez dit que d'autres pays nous observaient parce qu'ils considèrent que nous avons un bon gouvernement et qu'ils veulent apprendre de nous. Nous souhaitons aller enseigner aux autres comment gérer leur démocratie. Nous avons également entendu ce matin que plus on créait de partis, le mieux le pays se portait. Nous avons entendu qu'il y a beaucoup de pays où les partis sont nombreux et où le système fonctionne bien. Comme politologue, vous étudiez le phénomène. Je parle de bon gouvernement et de bon gouvernement démocratique. Pouvez-vous nous donner des exemples de pays où il y a beaucoup de partis à l'assemblée législative et où le gouvernement fonctionne mieux que le nôtre?
M. Wiseman : Il faut d'abord faire la différence entre les partis législatifs et les partis. Le professeur Louis Massicotte de l'Université de Montréal, qui a étudié beaucoup de pays, mentionne la Grande-Bretagne et quelques autres pays, où il y a toutes sortes de partis, mais où seulement trois ou quatre sont présents au Parlement. Permettez- moi de vous mettre en contexte. Vous avez d'emblée mentionné « la paix, l'ordre et le bon gouvernement ». J'ai été étonné de vous entendre commencer ainsi. Je me suis demandé quel était le lien entre la paix, l'ordre et le bon gouvernement et la participation en profondeur. Où la paix, l'ordre et le bon gouvernement apparaissent-ils dans notre Constitution? Dans le préambule de l'article 91, qui décrit les pouvoirs fédéraux. La dernière chose dont il y est question, c'est le régime électoral. C'est aussi une expression très élastique. Nous voyons comment les tribunaux l'utilisent pour renforcer les pouvoirs provinciaux. Quant à savoir si c'est bon ou mauvais, c'est une autre question. Je pense que la paix, l'ordre et le bon gouvernement n'ont rien à voir avec la participation en profondeur. Je n'aime pas les expressions comme « participation en profondeur », parce que je veux pouvoir la mesurer. Est-ce que c'est à 15 p. 100, à 20 ou à 10? C'est comme le mot « raisonnable », qui figure à l'article 1 de la Charte. Nous nous en remettons aux juges pour le définir.
Attaquons-nous au fond de votre question, c'est-à-dire : le système des autres pays fonctionne-t-il bien quand il y a beaucoup de partis au Parlement? C'est variable; en règle général, le système ne fonctionne pas aussi bien qu'ici. En Italie, il y a eu deux ou trois référendums au cours des dernières années. Les gens ne veulent plus de la représentation proportionnelle et militent en faveur d'un système plus proche du nôtre, parce qu'ils n'aiment pas se trouver dans des impasses. En Israël, le problème est qu'il y a 12 ou 17 partis au Parlement. Là-bas, le seuil est de 1,5 p. 100. En Nouvelle-Zélande et en Allemagne, en particulier, le système semble bien fonctionner. Le seuil est de 5 p. 100. En Nouvelle-Zélande, il est de 5 p. 100. Il y a eu beaucoup de cynisme en Nouvelle-Zélande après la première élection, mais les Néo-Zélandais apprennent à composer avec leur système.
Cela dit, il y a plus important encore que les règles dans une société, il y a la culture politique. Nous sommes bénis d'avoir dans notre pays et dans notre histoire, une société civile forte. Nous nous appuyons sur la primauté du droit, elle est respectée, et diverses institutions sont investies de pouvoirs. Les médias sont libres. Le système fonctionne.
D'autres pays s'en tirent eux aussi à leur façon. Je ne voudrais pas rejeter complètement les modèles israélien et italien, mais il y a beaucoup de personnes dans ces pays qui sont frustrées du système. Au Canada, les gens sont frustrés de notre système aussi. Nous avons entendu parler de cynisme, mais j'ai remarqué qu'à la dernière élection fédérale, le taux de participation avait augmenté. Dans l'ensemble, selon les sondages d'opinion publique, les Canadiens n'estiment pas que notre système électoral pose un grand problème.
Il est vrai, comme M. Figueroa l'a dit, que selon les sondages d'opinion publique, les gens voudraient avoir plus d'options. C'est toujours ce qu'on dit dans un sondage. Plutôt que de me fier à ce que les gens disent dans les sondages, je préfère me fier à leurs comportements. Je sais que si les médias ont invité tous ces dirigeants de partis à participer au débat, c'est notamment parce que la Commission royale sur la réforme électorale et le financement des partis a indiqué que selon ses données, les gens estimaient qu'on ne portait pas suffisamment attention aux petits partis. CBC Newsworld a diffusé le débat, mais les gens n'ont pas voulu le regarder. Les gens disent oui, nous devrions être équitables. Est-ce que je veux regarder le débat? Non, je ne suis pas intéressé. C'est la réalité.
La présidente : Je vous remercie infiniment, monsieur le professeur Wiseman, de nous éclairer et de soulever autant de questions stimulantes. Vous nous avez été d'une grande aide.
Nous avons une autre petite question à régler. Nous perdons toutefois notre représentation bipartisane, donc nous allons reporter l'étude de cette autre petite question à notre prochaine réunion, dans trois semaines.
Je remercie toutes les personnes concernées et je souhaite à tout le monde, particulièrement aux interprètes, aux sténographes et au reste du personnel, de très joyeuses Pâques.
La séance est levée.