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OLLO - Comité permanent

Langues officielles

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Langues officielles

Fascicule 7 - Témoignages du 5 juin  2008


TRACADIE-SHEILA, NOUVEAU-BRUNSWICK, le jeudi 5 juin 2008

Le Comité sénatorial permanent des langues officielles se réunit aujourd'hui à 13 h 40 pour étudier, afin d'en faire rapport de façon ponctuelle, l'application de la Loi sur les langues officielles, ainsi que des règlements et instructions en découlant, au sein des institutions assujetties à la loi.

Le sénateur Maria Chaput (présidente) occupe le fauteuil.

[Français]

La présidente: Honorables sénateurs, si vous me le permettez nous allons commencer notre réunion. J'aimerais tout d'abord, chers témoins, vous présenter les sénateurs qui sont ici avec moi aujourd'hui.

À ma gauche, le sénateur Andrée Champagne, de la province de Québec, le sénateur Losier-Cool, du Nouveau- Brunswick, le sénateur Eymard Corbin, du Nouveau-Brunswick. Et moi-même, Maria Chaput, je suis un sénateur représentant le Manitoba.

Avant de présenter les témoins, j'aimerais parler un peu de la raison pour laquelle le Comité sénatorial des langues officielles est ici avec vous aujourd'hui.

Notre comité a entrepris l'étude sur la culture afin de mieux comprendre les enjeux des communautés francophones en situation minoritaire et leur engagement en faveur de l'affirmation de la diversité culturelle.

Les arts et la culture font partie des principaux axes de développement des communautés francophones et acadienne à travers le pays.

Nous avons choisi de tenir nos audiences publiques au Nouveau-Brunswick. Nous sommes allés à Bathurst et Tracadie, et aujourd'hui nous sommes avec vous. Nous voulons écouter les Acadiens et ce qu'ils ont à dire sur la situation de la langue et de la culture propre à l'Acadie.

Nous recevons aujourd'hui le Père Zoël Saulnier, artiste et défenseur des arts et de la culture; M. René Cormier, des états généraux sur les arts et la culture en Acadie, et responsable du suivi de ces états généraux; M. Calixte Duguay, artiste et défenseur des arts et de la culture. Messieurs, je vous souhaite la bienvenue.

Nous allons vous écouter l'un après l'autre, de cinq à sept minutes maximum, et ensuite les sénateurs vous poseront des questions.

Père Zoël Saulnier, artiste et défenseur des arts et de la culture, à titre personnel: Madame la présidente, je viens aujourd'hui devant votre comité, avec une réflexion d'abord de madame le sénateur Viola Léger, qui nous dit quelle place occupe la culture à l'heure actuelle dans notre communauté acadienne. Cette comédienne de chez nous, nous fait rire sur la scène et émouvoir, mais aussi ces quelques mots sur la culture pourraient enclencher une discussion efficace, et je la cite:

Il en va de la culture comme de la respiration. La culture respire. On l'a dans la peau. C'est entre les lignes que vit la culture. L'art est l'espoir de l'humanité. Et la culture, c'est le véhicule qui transporte cet art. Qui nous fait croire. Qui nous fait vouloir. Qui nous fait vivre.

D'entrée de jeu, cette citation de Mme Viola Léger me hante et je pense qu'il est de bon ton devant votre commission de rappeler que notre culture ici en région, c'est notre manière d'être au monde, au Canada et ailleurs dans le monde. Notre culture, comme « véhicule », c'est elle qui rend visible ce que nous sommes comme citoyens et citoyennes enracinés et reconnus. C'est elle qui nous fait vouloir la conserver non pas pour nous-mêmes, mais afin de la promouvoir, de la diffuser et la partager au coeur d'un pays qui est plus beau parce que sa diversité culturelle est accessible.

Comment maintenir toujours vivante cette culture qui est la respiration de notre peuple? Voilà le principal défi qui est le nôtre dans une culture du « fast food » à l'américaine qui nous entoure.

Comment penser à une politique culturelle pour répondre aux sources d'alimentation culturelle des jeunes générations acadiennes? Je crains que la décroissance linguistique chez les jeunes dans certaines parties de la province annonce aussi un manque d'engouement pour la culture acadienne.

Serait-ce trop affirmé que le Congrès mondial acadien 2004 a fait ce constat d'échec, lequel constat a été très peu publicisé et étudié comme un appauvrissement de notre culture dans cette partie des Maritimes, la Nouvelle-Écosse, qui est toujours le lieu de nos origines?

Au coeur d'un méga spectacle, quand j'ai vu des artistes acadiens hisser notre drapeau sur la citadelle d'Halifax, j'ai pleuré, car je savais que le lendemain, rien ne serait changé et qu'on ne se sentirait jamais chez nous dans une terre qui jadis a été la nôtre. Dans ma perplexité, je me disais: Y aurait-il encore au fond de nous un pays plus fort que l'oubli?

Né dans un fief francophone, Tracadie, j'ai porté en moi la réalité culturelle des miens et de mon milieu comme une nourriture quotidienne, comme l'air que je respire parce que ma famille et mes éducateurs m'ont donné le vaccin de la culture. Et ainsi, j'ai toujours cru à la culture comme une réalité vitale, comme une force d'identification d'une collectivité. Je regrette de le dire, je ne retrouve pas ce goût d'une culture acadienne chez la jeune génération qui soit plus que du folklore. Voilà un autre défi qui est le nôtre, au coeur de nos familles et institutions acadiennes.

J'ajoute à cette réflexion la pensée de John Saul qui est intervenu aux états généraux des arts et de la culture, en mai 2007, en Péninsule acadienne et que je fais mienne, et je cite:

La culture, c'est une force qui commande tous les autres projets d'un peuple ou d'une ethnie, car dans notre culture, nous fabriquons notre image, notre identité et puis même notre économie.

Avec lui, je déplore le fait que trop souvent, nos politiques municipales, provinciales et fédérales sont basées non pas sur la culture et la tradition, mais sur l'économie. Souvent, je me demande si sans le vouloir, peu à peu, à petites doses, une telle manière de penser notre culture en fait un parent pauvre qui détruit chez nous notre foi dans les oeuvres qui expriment notre culture. Souvent, la promulgation d'une loi est louable, mais cette même loi contenue dans un texte est souvent déficitaire dans son application sans une politique nationale sur la culture.

En 1992, la conférence sur la culture de l'UNESCO à Mexico déclarait que la culture englobe les systèmes de valeurs, de traditions, de croyances, et le philosophe québécois, Thomas de Konninck, aborde dans le même sens dans l'ouvrage: La nouvelle ignorance et le problème de la culture, et je le cite:

La culture permet non seulement d'éveiller un peuple, mais aussi le tenir éveillé. Quand il n'y a pas plus de culture, il n'y a plus de place pour l'humain. La communauté ne peut se passer de l'imaginaire collectif de rites et de symboles.

En écho à ces textes-synthèses, j'affirme devant vous aujourd'hui qu'investir dans la culture, c'est semer l'avenir à pleins champs et refuser d'investir dans la culture, c'est décréter la mort lente d'un peuple.

Des textes cibles nous disent qu'il est urgent d'intégrer la culture dans un ensemble qui demande une politique culturelle nationale efficace afin de maintenir l'éveil de notre peuple à sa réalité culturelle, soit comme public, comme intervenant ou comme artiste.

Dans un pays comme le Canada, notre pays, un pays immense et varié, saisonnier, un monde fort, mais aussi vulnérable en régions, dans une structure assimilante, nous devons tout faire pour penser des politiques culturelles nationales non pas à compte-gouttes, mais englobantes afin qu'une minorité où la réalité culturelle comme la nôtre est parfois fatiguée d'être encensée le 15 août et qui est souvent oubliée à d'autres moments comme un sous-produit qui amuse et qui repose tout simplement sur le bénévolat.

Nous avons fait, et j'ai fait le choix de vivre en régions, à la Péninsule acadienne, au coeur d'un pays, le Canada, qui par le passé était plus conscient des disparités régionales que dans les politiques d'aujourd'hui. Nous ne demandons pas un traitement de faveur, mais une reconnaissance qui se concrétise dans un soutien qui confirme que nos décideurs politiques ont vraiment foi en notre culture dans ses différents lieux d'expression.

Comment activer les politiques culturelles dans notre région où les intervenants culturels souffrent d'essoufflement à cause d'un manque de carburant financier et structural? J'ajouterais que la complexité des demandes de subventions à différents piliers de gouvernement ne fait qu'ajouter à l'essoufflement des intervenants culturels.

Je demeure dans une municipalité qui vient de s'éveiller à la valeur du patrimoine bâti et du patrimoine matériel. Nous essayons de conserver et revitaliser l'édifice bientôt centenaire, l'Académie Sainte-Famille, où la sénatrice Losier- Cool et moi-même, avons été tricotés culturellement parlant. Dans ce même édifice, un musée essaie, de peine et de misère, de rappeler à la mémoire des gens d'ici et du pays, une expérience unique de compassion dans le soin des lépreux, une expérience unique en Amérique de 1949 à 1965.

Dans des causes culturelles comme celles que je viens de mentionner, il y a souvent des pertes d'énergie et souvent une fatigue chez les bénévoles qui maintiennent à bout de bras des projets valables, mais des projets qui mobilisent toujours les mêmes personnes. Nous sommes dans une province où on n'est pas tellement éveillé aux valeurs du patrimoine et qui traite en parents pauvres ces projets trop rêveurs, pas assez porteurs de forces économiques. Malgré tout, avec un optimisme nourri, j'affirme que la culture acadienne au coeur de la francophonie mondiale et canadienne nous ressemble, elle est notre visage, elle est notre accent, notre manière de vivre. Voilà un défi à vivre dans une fidélité permanente.

Je dirais que dans la culture acadienne, c'est notre vision du monde et notre perception de la personne humaine, de sa relation aux autres, du sens de la vie, de l'organisation sociale et économique. Notre culture, elle est vivante comme nous et elle fait de nous les acteurs de notre histoire. Notre culture aussi nous rassemble. C'est ainsi que la culture acadienne est le phénomène rassembleur par excellence autour de notre histoire, de nos manières de vivre, de nos artistes et de nos symboles. En Péninsule acadienne, dans un bassin de population de 50 000 habitants se vit la culture fondatrice de notre pays et cette culture au quotidien au-delà de notre tiraillement et de nos esprits de clocher, c'est le seul et unique élément rassembleur.

En terminant, je me souviens d'avoir lu dans une oeuvre d'une femme poète acadienne, Rose Després, lauréate du prix Antonine Maillet et Acadie-Vie, et je cite:

La fière dignité de notre passion tenace, la justesse de nos paroles transformera plus que le papier.

Et bien, dans cette passion tenace que je partage avec mes amis Calixte et René, c'est un souhait qui est le mien devant vous, je voudrais que nos paroles transforment plus que le papier, et que pour longtemps ici en Péninsule acadienne, la culture soutenue par les gouvernements à tous les paliers permette à notre peuple de croire en ses possibilités d'invention et de créativité et que toujours les poètes, les chansonniers acadiens et les artistes de toutes les disciplines continuent à nommer des choses, des événements et nos états d'âme afin d'exister plus en profondeur, au- delà du temps et de l'espace. Que la culture apporte toujours comme aujourd'hui ce souffle d'une parole et que plus que dans les mots, nous portions un regard d'avenir sur ce qui est vital en Acadie, notre culture.

Un écrivain que j'ai beaucoup lu, un ancien ministre de la Culture en France, André Malraux, a écrit, et je cite:

La culture, c'est l'ensemble des formes qui ont été plus fortes que la mort.

Rien n'est plus vrai. C'est une citation qui habille la culture acadienne qui est plus forte que notre passé et qui nous rejoint ici dans la belle langue de chez nous, une culture qui résout le problème du temps et qui, à la suite des états généraux des arts et de la culture, une culture qui revendique la place qui est la sienne dans la réalité d'un peuple.

Si nos prises de parole aujourd'hui pouvaient donner acte aux conclusions des états généraux des arts et de la culture de mai 2007, j'affirmerais devant vous avec fierté que notre culture sera immortelle!

René Cormier, responsable de suivi, États généraux sur les arts et la culture en Acadie (2007): Madame la présidente, sénateur, chers amis et collègues acadiens, bonjour. Je me présente devant vous comme directeur du bureau de suivi des États généraux des arts et de la culture, qui est un vaste processus de concertation, qui a été tenu en Acadie par l'ensemble de la société acadienne depuis 2005. C'est un processus par lequel nous avons collectivement, tous les citoyens et citoyennes de tous les secteurs de la société, réfléchi sur le rôle des arts et de la culture dans le développement de cette société acadienne.

Si les arts et la culture ont contribué à définir notre passé et qui nous sommes aujourd'hui, comment les arts et la culture sont-ils un instrument pour construire qui on va être demain?

Évidemment, on a abordé cette question-là par le biais d'une réflexion avec les gens du domaine de l'éducation et de l'économie, les élus municipaux, provinciaux, avec la fonction publique de tous les paliers gouvernement. Aujourd'hui, je vais vous faire un bref rappel des grands enjeux qui en sont ressortis.

Je vous dirais que ce serait certainement au bénéfice de tout le contenu de la démarche des états généraux. Il y a une documentation substantielle qu'on pourrait faire acheminer à votre comité qui, je crois, pourrait vous aider dans la poursuite de vos travaux.

Je vais donc poser quelques enjeux et à la fin de ma présentation, je vais les aborder sous l'angle du rôle des institutions fédérales dans le domaine de l'intégration des arts et de la culture dans nos communautés, et évidemment sur les enjeux liés aux programmes de financement. Je serai un peu moins poétique que notre Zoël, dont j'admire et la plume et la capacité à livrer un contenu politique, mais je serai un peu plus pragmatique parce que cela a été ma tâche. Ce que je peux vous dire, d'une part, c'est qu'effectivement, comme l'a dit Zoël, Père Saulnier, les arts et la culture contribuent au développement de notre société. C'est vraiment sous cet angle que les états généraux se sont tenus.

Plusieurs des enjeux qui ont été mis sur la table touchent différents aspects des arts et de la culture parce qu'il y a une méconnaissance des outils nécessaires pour que les arts et la culture, en milieu minoritaire comme ailleurs, puissent jouer pleinement leur rôle.

En premier lieu, au coeur de ce continuum artistique, il y a les artistes. Les artistes professionnels sont la matière première du développement des arts et de la culture, ils doivent avoir un statut social économique reconnu, ils doivent également être formés, et avoir accès à une formation artistique. Ils doivent aussi avoir accès à du développement professionnel pour pouvoir oeuvrer comme artiste, et ce, en lien avec les autres secteurs de la communauté. On a ici, comme artiste et comme organisme culturel et artistique, un mandat un peu plus large que dans d'autres milieux. On a le rôle de témoigner de notre société comme artiste, et on a en même temps un rôle d'animer nos milieux sur le plan culturel. Et cela est une responsabilité, une particularité qui appartient beaucoup aux artistes et aux organisations culturelles qui oeuvrent en milieu minoritaire.

Alors comment outiller les artistes et comment les programmes gouvernementaux et les institutions fédérales aident les artistes professionnels ici en Acadie à être mieux outillés sur le plan de la formation et du perfectionnement et sur le plan de la reconnaissance de leur statut? Voilà des enjeux majeurs, en tenant compte qu'il y a dans ces enjeux, une question qui touche la mobilité de la main-d'oeuvre.

Les artistes aujourd'hui et les jeunes artistes sont encore très imprégnés par cette culture. Et je serais à ce niveau un peu plus optimiste que mon collègue, c'est-à-dire que je crois qu'il y a en Acadie en ce moment un dynamisme incroyable de la part des jeunes artistes qui veulent pratiquer leur métier, qui veulent contribuer au développement des communautés en milieu minoritaire ici et qui ont besoin d'outils pour le faire. Ils agissent autrement et ils oeuvrent d'une autre manière que nous, c'est-à-dire qu'ils circulent beaucoup plus. Ils se déplacent à travers le pays. Ils reviennent ici. Ils créent autant ici qu'ailleurs, et ils se déplacent. Alors comment les soutient-on dans cette façon de faire? Voilà des enjeux qui sont importants.

Pour soutenir les artistes et leurs oeuvres, il y a toute l'organisation artistique et culturelle évidemment, les infrastructures, les organismes, les théâtres, les compagnies, les associations, les industries culturelles que sont les livres, le cinéma, la musique. Alors comment toutes ces infrastructures sont-elles soutenues par l'appareil fédéral dans le contexte des langues officielles? Comment par exemple, sur le plan du financement pluriannuel, sur le plan de la reconnaissance de leur statut particulier dans un milieu minoritaire, où ils doivent non seulement créer des oeuvres, mais animer leur milieu et agir en lien avec les autres sections, comment fait-on cela? Comment les programmes fédéraux par exemple pour les industries, puis là je pense à l'APECA et à d'autres programmes fédéraux, en fonction de l'application des langues officielles, tiennent-ils compte des réalités, des industries, de l'ouverture des marchés? Comment se fait le développement des marchés dans des milieux minoritaires?

Voilà des enjeux qui sont au centre même du développement de la culture et des arts en Acadie. Évidemment, la question des ressources humaines touche les artistes, mais elle touche aussi les gestionnaires du secteur culturel. Si on vous donnait des statistiques sur combien gagne un artiste en Acadie, vous ne seriez peut-être pas étonné. Si on vous donnait des statistiques sur combien gagnent des gestionnaires culturels en Acadie, il y a dans le milieu minoritaire un décalage flagrant par rapport à d'autres milieux. Comment les institutions fédérales le reconnaissent, c'est un enjeu majeur.

La question de l'intégration des arts et de la culture en éducation maintenant. Par exemple, pour favoriser l'intégration des artistes et des oeuvres dans nos milieux d'éducation, comment les ententes qui sont passées entre le gouvernement et les provinces peuvent-elles aider davantage à intégrer les artistes et les oeuvres? Je crois qu'il y a là des enjeux majeurs.

Il y a également de grands enjeux liés à la circulation des artistes et des oeuvres. Je pense que l'avenir de l'Acadie passe par sa capacité à se déployer ici sur le territoire des Maritimes, de l'Atlantique et au Nouveau-Brunswick, mais également ailleurs dans la francophonie, dans les communautés francophones de ce pays et dans la grande francophonie internationale. Alors comment, par les programmes gouvernementaux, que ce soit le programme Présentation des arts du ministère du Patrimoine canadien ou le Conseil des arts du Canada, favorise-t-on un développement de marché pour nos artistes afin qu'ils puissent être présents et accéder aux autres marchés francophones? C'est une manière pour eux de vivre et c'est une manière en même temps de faire rayonner la culture acadienne.

Un des grands concepts qui a été imaginé dans le cadre des états généraux des arts et de la culture, c'est cette notion d'aménagement culturel du territoire, c'est-à-dire comment nos communautés sont organisées sur le terrain pour que les arts et la culture puissent jouer leur rôle? Comment dans une région comme la Péninsule acadienne ou de quels outils dispose-t-on pour que les arts et la culture puissent pleinement jouer leur rôle dans le développement des communautés? Ce qui est intéressant par rapport aux communautés minoritaires, c'est que tout d'un coup, on est en train de réfléchir à l'avenir des arts et de la culture d'une manière très décentralisée, d'une manière régionale.

Comment les régions s'organisent-elles et comment réfléchissent-elles ensemble aux outils dont ils ont besoin pour que les arts et la culture se fassent? C'est une vision intéressante et certainement constructive qui n'est pas encore intégrée dans les programmes gouvernementaux et auprès des institutions fédérales qui ont tendance à penser de manière très globale la façon dont les arts et la culture s'organisent.

Donc quelques questions. Par exemple, on sait qu'on a une loi sur les langues officielles, et on sait qu'il y a des institutions fédérales qui sont tributaires de cette loi et qu'elles doivent y répondre. Je vous avoue qu'il y a des enjeux majeurs entre cette loi et la manière dont elle est appliquée dans les institutions fédérales. Par exemple, au Conseil des arts du Canada, qui s'est donné un nouveau plan stratégique récemment dans lequel il y a un axe qui touche l'équité, dans toutes les rencontres et négociations que nous avons pu avoir avec le Conseil des arts du Canada, jamais le Conseil des arts n'a reconnu de manière formelle dans son plan stratégique l'importance d'agir stratégiquement sur les communautés de langues officielles. On est intégré à des initiatives plus globales qui touchent la diversité de nos communautés, mais jamais on ne nomme les besoins particuliers qui touchent les artistes qui oeuvrent en milieu minoritaire. Ce besoin-là n'est pas nommé tel quel. Donc pour nous, c'est un réel enjeu parce que cela se traduit par des programmes, par des mesures particulières, et on ne retrouve pas ces mesures particulières au Conseil des arts.

Au Centre national des arts du Canada, il y a un programme pour les théâtres qui s'appelle: « Le développement des théâtres en régions ». Ce programme est censé être menacé parce que là encore, comment le Centre national des arts, qui est une institution fédérale, répond-il à la Loi sur les langues officielles en offrant des programmes et un soutien aux artistes en milieu minoritaire?

Un des grands enjeux des artistes et des organisations culturelles dans notre milieu, c'est la visibilité que nous avons dans les médias nationaux. C'est à la fois pour nous un outil fondamental de visibilité qui nous permet de rayonner et qui nous permet de développer des marchés. Donc comment la Société Radio-Canada, comme organisme national, répond-elle et fait-elle rayonner la culture acadienne au sein de sa programmation? Elle le fait sur un plan régional, on le reconnaît à travers Radio-Canada Atlantique. Elle le fait un peu au niveau national, mais je vous dirais que la présence des artistes et des oeuvres acadiennes sur la scène nationale est déficiente. On voit l'impact de la série « Belle- Baie », qui est produite ici en Acadie, auprès de la population; on voit l'impact sur la reconnaissance des communautés francophones de ce pays, leur réalité, leur culture. Quand on pense à ce grand pays, si on veut le fortifier, il faut certainement que nos communautés se connaissent un peu mieux. Alors comment Radio-Canada peut-elle mieux jouer son rôle là-dedans? Je pense qu'il y a des enjeux. Et enfin, nous savons qu'il y a un plan d'action des langues officielles qui doit être annoncé par le ministère du Patrimoine canadien, qui est notre interlocuteur principal au fédéral. Nous l'attendons impatiemment et nous trouvons que cela prend honnêtement bien du temps avant que ce soit annoncé parce qu'à l'intérieur de ce plan-là, nous souhaitons qu'il y ait un axe sur les arts et la culture.

La dernière chose que je dirais par rapport au ministère du Patrimoine canadien, et cela s'applique certainement à beaucoup de ministères, c'est qu'il y a un enjeu fondamental dans la façon dont le gouvernement canadien livre ses programmes auprès des communautés francophones et acadiennes de ce pays. Les délais d'attente pour recevoir les subventions et les contributions menacent nos activités, menacent nos façons de faire, et on l'a vécu avec les états généraux des arts et de la culture. Il y a plusieurs festivals et événements en ce moment, qui contribuent au rayonnement de la culture acadienne et francophone et qui sont toujours en attente de réponse. C'est catastrophique. Je vous le dis de manière très ferme, c'est un problème majeur. Pourquoi a-t-on de la misère à en parler? Parce qu'on est un peu muselé, vous comprenez? On attend. On ne peut pas à la fois mordre la main qui nous nourrit. Bon, on est dans cette dynamique-là, mais il faut que quelqu'un le dise. Il faut que quelqu'un auprès du gouvernement canadien dise que cela n'a pas de sens la complexité des programmes et la complexité de la livraison. Ils nous mettent dans des situations à la limite de la légalité. Alors, voilà pour ce cri d'alarme. Je conclurai là-dessus, et puis je serai évidemment très disponible et intéressé à répondre à vos questions.

Calixte Duguay, artiste et défenseur des arts et de la culture: Madame la présidente, merci de m'avoir gardé pour le dessert. C'est prétentieux de ma part, mais dit d'une façon plus humble, disons que René Cormier se trouve pris en sandwich entre Zoël et moi, et on sait très bien que la meilleure partie du sandwich, c'est ce qu'il y a au milieu. Je dis cela parce que j'ai hésité longuement avant d'accepter de venir comparaître devant ce comité et je me suis rendu compte que Zoël avait les mêmes hésitations. Pourquoi? Non pas parce que je me considère comme un crétin, c'est juste que je doutais un peu de ma compétence à pouvoir apporter quoi que ce soit de substantiel et de nouveau à ce que vous avez déjà entendu maintes fois. J'imagine que vous en entendez des vertes et des pas mûres. C'est que d'un côté, il y a ceux qui font la culture et de l'autre, il y a ceux qui la consomment, la regardent, la scrutent, l'étudient et tentent de mettre en place des mécanismes qui pourraient en favoriser l'accès et la circulation. Je fais partie du premier groupe. Je suis un créateur, même si c'est pompeux comme expression, mais c'est l'expression consacrée, c'est-à-dire quelqu'un qui est plus habitué à manier des images, des symboles, des métaphores que des concepts comme tels, même si j'ai été professeur de littérature autrefois.

Personnellement, je veux ajouter autre chose dans cette précaution oratoire, c'est qu'un peu à l'instar de Félix Leclerc, à qui on demandait fréquemment de faire des conférences sur la chanson, et il avait répondu: « Mais si je passe mon temps à parler de la chanson, quand est-ce que je vais avoir le temps de la faire? ». C'est un peu pour cela que j'ai fait des conférences moi-même sur la culture, je me suis prononcé là-dessus, mais je décline très souvent les invitations et aujourd'hui je ne sais pas quel démon m'a poussé à venir ici, mais sans doute que je m'attendais à vous trouver très sympathique, ce qui est le cas.

Il y a des gens, et ils sont nombreux, dont c'est la tâche à temps plein de s'occuper spécifiquement de culture. D'abord une première vérité fondamentale, je voudrais dire que « arts et culture » ne sont pas synonymes. On parle de culture. Quand j'ai reçu la documentation, on y parle de culture, mais on ne précise pas ce qu'on voulait dire par « culture ». C'est évident que la culture, et vous le savez, c'est une notion extrêmement complexe. C'est un peu comme l'Acadie, elle nous glisse d'entre les doigts et quand on essaie de la saisir là, c'est évanescent, c'est très difficile à définir et ceux qui s'y sont essayé, il y a autant de définitions qu'il y a d'individus.

Je voudrais quand même tenter une petite distinction. D'ailleurs les états généraux, on a bien dit « des arts et de la culture ». On n'a pas dit juste des arts ou juste de la culture. Il y a une petite nuance à faire et parfois on oublie. C'est que l'art, c'est ce que j'appellerais une reproduction organisée, ordonnée du réel à travers un mode d'expression qui peut être la peinture, l'architecture, la littérature, la musique, et cetera. C'est une activité concertée l'art. On décide de faire de l'art. Même au moment où on la fait parfois, on essaie de mettre de côté la raison et se fier uniquement à son inconscient et à son instinct. La décision de faire de l'art, je pense que c'est concerté. On décide. On est artiste, mais on décide de pratiquer cet art sur une grande échelle. La culture est beaucoup plus large. Les coutumes, la manière de se comporter chaque jour, font aussi partie de la culture. Donc, c'est une distinction qui est importante de faire. Quand on parle de diffusion culturelle, d'accès à la culture, à mon avis, on pense surtout aux arts, c'est-à-dire à cette transformation du réel.

Passons maintenant aux choses sérieuses. Moi j'imagine souvent la culture comme un immense territoire triangulaire, un triangle donc, dont chacune des pointes est habitée par une espèce humaine particulière. Sur une des pointes se trouve le créateur, et je n'ai pas oublié, sénateur Losier-Cool, mes vieux réflexes de professeur. J'ai enseigné au sénateur Losier-Cool, n'est-ce pas? Vous voyez, je suis fier cet après-midi parce que je vois qu'elle a bien tourné, elle est rendue au Sénat. Alors, il y a un triangle ici. Sur une des pointes, on aurait le créateur. C'est-à-dire les artistes. Cette espèce est composée d'un nombre assez impressionnant de sous-espèces, dont les peintres, les sculpteurs, les musiciens, les bédéistes, les romanciers, les poètes, les auteurs-compositeurs, et il ne faut pas les oublier, c'est ce que je suis, et cetera. La deuxième pointe sera occupée par le consommateur, le public, dont les sous-espèces sont aussi nombreuses que celles qui occupent le pays du créateur. Sur la troisième pointe enfin, tous les autres, que je regrouperais sous le vocable de facilitateur. Alors, il y a beaucoup de monde là-dedans. C'est la cohorte des diffuseurs, des « subventionneurs », des critiques, des médias, des sociétés culturelles et avec tout le respect que je vous dois, de ce comité sénatorial lui-même. Il s'agit de ceux qui sont à la fois spectateurs et témoins du phénomène culturel, ceux et celles qui, comme je l'ai dit il y a un instant, le scrutent, l'étudient, l'analysent dans le but de trouver les moyens d'en faciliter l'accès et la circulation.

Il n'en a pas toujours été ainsi. Le phénomène du « facilitateur » comme je l'appelle est un phénomène relativement récent. Dans une société primitive, moi j'imagine plus le phénomène culturel comme une ligne droite. Je pense que la culture, on ne pouvait plus la symboliser comme une ligne droite où l'accès et la circulation entre le créateur et le consommateur se faisaient de cette façon-là. À un moment donné, il y a des gens qui ont commencé à penser, comme toute société qui évolue, puis ils ont commencé à regarder le phénomène culturel puis ils ont dit: « Oh, c'est comme ci, c'est comme ça, on va essayer de rendre la relation qui existe entre le créateur et le consommateur, plus facile. » Vous allez peut-être me demander à quand remonte cette apparition d'une nouvelle espèce humaine, qui est le facilitateur. Moi, je n'ai pas de statistiques, je n'ai pas fait d'études approfondies sur le sujet, mais d'instinct, je situerais cela peut- être avec l'avènement de la démocratie. Vous savez à l'époque de la monarchie absolue, chaque artiste faisait une demande, essayait d'obtenir auprès d'un noble ou de quelqu'un une aide, souvent en rampant.

Quand on lit, par exemple, les préfaces qui précèdent certaines pièces de Molière et de Racine, tout ce que ces gens pouvaient dire pour essayer d'attirer, n'est-ce pas? C'est comme on le fait aujourd'hui quand on va demander des subventions. Donc phénomène récent. Je voudrais préciser que ces catégories dont je parle ne sont pas hermétiques. Ce sont des catégories ouvertes et que le créateur, et peut-être parfois le consommateur qui peut être un créateur et le facilitateur aussi.

René par exemple, il patauge dans les deux plats. René, c'est le spécialiste. Lui, il est tombé dans la potion magique de la culture il y a trois ans quand il est devenu directeur général des états généraux. C'est une raison pour laquelle j'ai accepté. J'ai dit: « On va être très, très bien épaulé. » Non seulement ça, mais je le soupçonne fortement d'y avoir bu à grandes gorgées avant les états généraux parce qu'il faisait partie d'organismes divers au cours desquels on en a certainement parlé beaucoup.

Donc, c'est un triangle ouvert. Il y a trois sortes de triangles. Pour rappeler vos notions de géométrie, il y a un triangle isocèle et équilatéral. Équilatéral, c'est-à-dire un triangle dont les côtés et les angles sont égaux. Le triangle isocèle, seulement deux côtés et deux angles sont égaux. Enfin, il y a le triangle quelconque ou scalène dont aucun des côtés et aucun des angles ne sont égaux.Vous allez me dire: « Pourquoi cette géométrie? » Vous allez comprendre mon propos tout à l'heure. Ce sont de vieux réflexes de professeur; à l'époque où j'enseignais le XVIIIe siècle, ce siècle de philosophie, Montesquieu et les différentes formes de gouvernement, j'avais l'impression que mes élèves ne comprenaient pas, alors je faisais des diagrammes comme ceux-là pour essayer de leur faire comprendre.

Donc équilatéral, c'est le triangle parfait si on peut dire, et je rêve moi d'un triangle parfait comme celui-ci qui serait disposé à l'horizontal et où la circulation se ferait très bien entre les différents groupes. Ça, c'est l'utopie. Je pense qu'on n'a pas ça. Ce qui se passe dans la réalité, c'est que c'est un triangle imparfait souvent, qui est isocèle, disons, et que je verrais un peu de la façon suivante: vous avez en bas le consommateur, et là le créateur, et tout en haut, vous avez le facilitateur qui regarde par-dessus et qui essaie, autant que possible, de faciliter les choses. Ce que je constate c'est que si la circulation se fait relativement bien, comme dans les premiers temps de l'humanité, entre le consommateur et le créateur, c'est-à-dire que le consommateur a besoin d'un public et le public a besoin des artistes. Cela est le point de départ, et je pense que ce qui est curieux, René ne l'a pas soulevé tout à l'heure, c'est que les artistes continuent de créer malgré tout. Ils sont comme forcés de le faire, c'est plus fort qu'eux. C'est peut-être terrible de dire ça, parce que vous allez peut-être me dire: « Ben alors, pourquoi les subventionner, puisqu'ils font ça? » Ce que je veux dire, c'est que le courant passe assez bien entre les deux. Là où il y a un problème, c'est l'accès entre le facilitateur et le créateur, l'accès entre le consommateur et le facilitateur.

On l'a souligné tantôt à deux reprises, donc je ne reviendrai pas sur tous les problèmes que cela peut causer. C'est le triangle, je dirais, imparfait; l'artiste doit toujours monter, quémander pour des choses, et on leur accorde les subventions souvent au compte-gouttes, et avec beaucoup de retard. C'est la voie, si vous voulez, la moins bien fréquentée. Attention là, il ne faut pas penser que tout se passe dans le meilleur des mondes. Il arrive parfois que certains artistes, ceux qui ne font pas de compromis avec leur art, je dirais les véritables artistes, ceux qui vont plus loin que la quotidienneté des choses, qu'ils ont l'impression de proposer du caviar à des mangeurs de hot-dogs ou du champagne à des buveurs de Pepsi. En d'autres mots, ce qu'ils nous proposent, et souvent pour des raisons « X », est inabordable par le grand public. Je ne m'étendrai pas là-dessus parce que je persiste à croire que c'est le problème de l'artiste de trouver une formule, la formule magique qui va faire que tout en restant fidèle à ses idées artistiques, il va pouvoir accéder à un plus vaste public. Il y en a qui l'ont fait dans l'histoire. Je pense par exemple au cinéma, à Charlie Chaplin, qui a une oeuvre qui vit encore aujourd'hui, mais qui est une oeuvre très, très abordable auprès du grand public. En d'autres mots, il n'y a pas impossibilité. Cela ne veut pas dire que parce qu'on est populaire, que c'est mauvais. Cela ne veut pas dire nécessairement cela. À une échelle plus restreinte au Québec, on a vu Yvon Deschamps, par exemple, produire une oeuvre considérable et de grande qualité, mais qui rejoignait tous les gens. Vigneault, la même chose. Dans les années 1970, il y a eu ce mouvement-là. Aujourd'hui, je ne sais pas. Zoël, mon ami Zoël a parlé du « fast food », et moi j'ai une théorie à l'effet que la culture de la mal-bouffe qu'on vit aujourd'hui du « fast food »... Parce qu'il y a une différence entre mal-bouffe puis « fast food », c'est-à-dire le fait qu'on veuille consommer rapidement. Je pense que ce phénomène a déteint sur la culture, a contaminé la culture de sorte qu'aujourd'hui, on veut consommer des produits culturels très rapidement. On ne s'arrête pas trop longtemps.

Par exemple, je prends un disque comme le dernier disque de Marie-Jo Thério. Vous l'écoutez une première fois et ce n'est pas que c'est rebutant, mais c'est tellement riche que vous éprouvez le besoin de l'écouter une deuxième et une troisième fois, et chaque fois on y trouve d'autre chose. Écoutez la neuvième de Beethoven 100 fois, et vous y trouverez toujours quelque chose. Ce sont de grandes, grandes oeuvres.

Je ne veux pas trop m'égarer. Difficulté donc entre la voie qui va du consommateur au facilitateur et du créateur au facilitateur. Je ne m'étends pas là-dessus parce qu'on a soulevé tous les problèmes. Je voudrais juste parler d'un point dont on n'a pas traité. On a parlé par exemple de la difficulté, de la complexité des formulaires, de la complexité de tout ce mécanisme qui consiste à aller chercher de l'aide, et René nous a dépeint presque un spectacle d'horreur, et je pense que c'est cela dans certains cas.

Je me demande pourquoi on persiste à maintenir un système qui donne des subventions au compte-gouttes et qui les donne souvent en retard ou à des moments où on doit courir pour réaliser un projet et même dans certaines instances, on vous dit que ce qui a été fait avant qu'on vous donne la subvention, cela ne compte pas. Je pense à Musique Action. On vous demande de présenter des maquettes, des démos, et aujourd'hui quand on fait des démos, on vous dit: « Non, non, cela ne passera pas, il faut que vous fassiez autre chose. » Il y a une foule de choses comme ça, et je pense que s'il y a un point, messieurs et mesdames du comité, sur lequel je voudrais insister et que je voudrais que vous mettiez à votre agenda, c'est celui de ce que j'appellerais la « pluriannalité ». Je ne pense pas que le mot existe dans le dictionnaire, mais vous comprenez ce que ça veut dire. Pourquoi persister à donner des subventions à l'année ou aux six mois? Pourquoi n'assurerait-on pas un système qui permettrait la quinquennalité, des plans quinquennaux ou du moins, on se contenterait de la « triennalité », tous les trois ans, de sorte que les sociétés culturelles sérieuses, qui ont fait leurs preuves...

Mais tout le monde passe par le même moule, hein? Qu'on soit sérieux, qu'on ait eu de grandes réalisations, tout le monde doit passer par ce processus extrêmement complexe. C'est ce que je voudrais vous laisser comme message, la « pluriannalité » des subventions, de sorte que les organismes culturels ou les artistes qui en bénéficient ne seraient pas pris à chaque fois à marcher sur la pointe des pieds pour essayer de réaliser leur projet. Ils pourraient au moins voir venir et préparer la prochaine fois. Je parle des gens sérieux. Par exemple, une autre chose que j'ai remarquée, pourquoi quelqu'un qui a 40 ans de métier, qui a réalisé une foule de choses avec succès, doit-il encore passer par toute une gamme de procédures complexes pour demander de l'aide? Et ce, sans savoir s'il va l'avoir. Par exemple, demander un plan d'affaires. Vous savez un plan d'affaires, c'est compliqué pour une subvention de 4 000 $ ou 5 000 $. Un plan d'affaires, quand on veut le faire sérieusement coûte 1 500 $. Et il y a des endroits, je ne les nommerai pas, où on le demande. Bon sens, qu'on facilite! Puisqu'on parle de facilitateur, qu'on s'arrange pour faciliter ce système, qu'on le rendre plus simple. Je ne fais que répéter ce que mes collègues ont dit, alors je ne prendrai pas de votre temps plus longtemps. Je voulais juste m'assurer que j'ai dit ce que je voulais.

On parle donc de lourdeur administrative, de complexité. Il faudrait qu'on allège tout ça. Et je vais terminer là- dessus. Certaines mauvaises langues prétendent que la raison pour laquelle la facilitation du phénomène culturel est si mal-en-point, c'est que c'est plus rentable politiquement pour un ministre ou un député d'annoncer une subvention tous les six mois ou à chaque année plutôt qu'à tous les trois ans ou à tous les cinq ans.

Mais comme disait la Sagouine: « Gapi, il badgeule, » on n'est pas obligé de l'écouter tout le temps.

Le sénateur Champagne: Je veux vous remercier très sincèrement tous les trois de ces présentations. Elles étaient effectivement, aussi différentes qu'elles étaient belles, pleines de sensibilité, de poésie, de pragmatisme et d'un peu des deux dans le cas de M. Duguay. Je vous ai écouté avec beaucoup de soin. C'est évident que pour les arts et la culture, des sommes d'argent importantes sont nécessaires. Je pense qu'il n'y a personne qui en doute. Il n'en reste pas moins que les sommes disponibles ne sont pas illimitées et ce que je souhaiterais, c'est que vous nous pointiez dans la bonne direction.

Est-ce qu'on doit faciliter la vie au producteur, au facilitateur, qui va faire que l'artiste va nous présenter un spectacle? J'aimerais que vous essayiez de nous rapetisser la ligne qui nous y amène. Ensuite, je suis tout à fait d'accord avec les problèmes causés par la complexité des formulaires de demande de subventions. Je pense que s'il n'en tient qu'à moi, ce sera une des choses qui fera partie de notre rapport. Je trouve cela difficile. Par contre, Monsieur Duguay, je vous écoutais et vous disiez que des gens qui ont peut-être 35, 40 ans de métier qui doivent se soumettent à cela à nouveau... J'ai vécu cette situation dernièrement avec des gens que je connais depuis la fin des années 1950 et qui justement voulaient obtenir de l'aide pour aller présenter un spectacle en Europe. Pour une raison ou pour une autre, je n'ai jamais pu leur faire comprendre qu'il fallait signer la formule. Cela cause des problèmes, mais on ne peut quand même pas disperser l'argent sans qu'on ait quelque chose de vraiment concret si on est au gouvernement.

Les délais d'attente pour les chèques quand on doit faire un disque, quand on doit faire une tournée, et qu'on ne sait jamais si on va avoir l'argent, je sais que c'est épouvantable. Cela fait partie des choses que j'espère nous aurons dans notre rapport.

Hier, un intervenant nous parlait d'un problème similaire, il a dit: « Voilà, on nous annonce qu'on va nous donner une subvention de 25 000 $, mais on va la donner en cinq chèques. » Ou alors dans le cas où ils auront 5 000 $ ou 2 500 $, et il faut attendre, et cela a causé un problème.

Je suis tellement consciente du besoin des artistes, particulièrement ceux et celles qui oeuvrent dans des situations minoritaires comme ici. J'en suis très, très consciente. Je garderai une phrase que vous avez dit tout à l'heure Monsieur Saulnier qui était: « L'Acadie, un pays plus fort que l'oubli. » C'est celle qui m'a vraiment fait ravaler deux fois.

Avant de vous permettre de faire des commentaires sur les différents points que j'ai touchés, je vais vous parler brièvement du problème du plan d'action que vous attendez, que nous attendons tous. Je pense qu'il faut avoir une certaine honnêteté et retourner dans notre courte histoire au sujet de la francophonie. Lorsque Mme Bev Oda était au ministère du Patrimoine canadien, elle ne pouvait pas être ministre de la Francophonie, c'était un autre ministère. Au moment d'un remaniement, la Francophonie est allée au ministère des Affaires extérieures. Avec le branle-bas récent, avec un ministre anglophone au ministère des Affaires extérieures, la Francophonie est revenue au ministère du Patrimoine canadien, où la ministre Josée Verner est à mettre tout ça ensemble, et croyez-moi, elle va nous l'offrir le plus rapidement possible, pour elle, pour nous et pour vous tous aussi.

C'est un petit survol de mes réactions à vos commentaires, et si vous pouvez mieux nous diriger dans le côté pragmatique particulièrement, je pense que vous nous rendrez service et vous nous aiderez à vous aider.

M. Cormier: En fait, vous savez quand on pose la question de cette manière-là, en se disant: est-ce que c'est l'artiste qu'on doit soutenir davantage? Ou est-ce que ce sont les facilitateurs? Je crois qu'on se lance dans une aventure impossible. En fait, on ne peut pas. Je vais prendre l'analogie avec le corps humain. On ne peut pas dire qu'on a besoin plus d'un bras que d'une jambe, ou qu'on n'a pas besoin plus de notre tête que de notre coeur, on a besoin de tout ça. Je pense qu'il faut d'abord avoir une compréhension approfondie de ce qu'est ce continuum culturel, de l'artiste jusqu'à la population.

Aujourd'hui, je crois que l'enjeu central, la priorité centrale, étant donné les sources de financement réduites, c'est comment on outille toutes les composantes du continuum culturel pour qu'ils puissent travailler entre eux et travailler avec les autres secteurs. En d'autres mots, comment les arts et la culture peuvent-ils devenir plus que l'affaire du ministère du Patrimoine canadien et du Conseil des arts du Canada? Comment cela peut-il être aussi l'affaire d'autres ministères? Comment, dans la relation que le gouvernement canadien a avec les provinces, peuvent-ils travailler de manière plus complémentaire pour faire en sorte de diversifier les sources de financement aux arts et à la culture? Je pense que l'enjeu central, il est là aujourd'hui. On le vit. On l'a vécu par le processus des états généraux des arts et de la culture dans le sens suivant, c'est-à-dire qu'on a réalisé qu'effectivement, quand on commence à travailler avec le secteur de l'éducation, quand on commence à travailler avec l'économie et quand on nous donne les moyens pour le faire, on trouve là des solutions qui ne passent pas simplement par des financements supplémentaires.

Les enjeux de l'avenir des arts et de la culture ne se situent pas seulement dans le financement, ils se situent dans comment on comprend le continuum des arts et de la culture et comment on l'appuie. C'est sûr que cela a un impact, c'est sûr que c'est lié à du financement, mais c'est lié beaucoup à de la mise en réseaux, et moi je pense que l'enjeu central en ce moment, pour le gouvernement fédéral est quand on regarde comment le ministère du Patrimoine canadien et le Conseil des arts du Canada travaillent si peu en complémentarité. On se dit qu'il y a un problème là. Il y a un problème de mandat. Qu'est-ce qui appartient au ministère du Patrimoine canadien? Qu'est-ce qui appartient au Conseil des arts du Canada? Comment, par exemple dans la chaîne de la diffusion des arts et de la culture, entre le financement que le Conseil des arts du Canada donne à l'artiste et le financement que le ministère du Patrimoine canadien donne au diffuseur pour qu'il accueille l'artiste, comment est-ce complémentaire? Comment est-ce facilité?

Il y a beaucoup d'enjeux là. Plusieurs enjeux sont de l'ordre du financement. Comment aide-t-on les artistes, l'appareil et tous les secteurs artistiques à collaborer avec d'autres secteurs de la société? Moi je pense que ça, c'est une approche qui pourrait être gagnante pour nous tous. Et ensuite, comment le gouvernement canadien va décloisonner sa manière de fonctionner pour que les ministères travaillent ensemble pour essayer d'élaborer des visions et des contributions?

En fait, c'est une partie de réponse. Sincèrement sénateur Champagne, je crois qu'on ne peut pas demander au secteur culturel de dire au gouvernement canadien ou à la société acadienne de dire au gouvernement acadien: « Nous là, pour les prochains cinq ans, on veut que vous vous occupiez des artistes. On ne veut pas que vous vous occupiez de l'organisation artistique et culturelle », ou « on ne veut pas que vous vous occupiez du rapport que le secteur des arts et de la culture a avec l'économie ou avec les municipalités ».

On a réfléchi depuis trois ans à comment on peut intégrer les choses, comment on peut travailler en complémentarité, et il faudra un peu réfléchir, je pense, avec le gouvernement canadien de cette manière-là.

Le sénateur Champagne: C'est une chose que je trouve très intéressante, et c'est à nous probablement d'essayer de trouver cette façon de faire le lien. J'ai été ravie la semaine dernière d'apprendre que par exemple, le gouvernement du Canada venait de renouveler l'entente avec le Nouveau-Brunswick en éducation en français. Alors, je me suis dit, c'est déjà un pas. C'est renouvelé. C'est peut-être normal, mais j'ai aussi appris qu'au Conseil des arts, quand des artistes vont venir avec leur formule dûment remplie, on va presque automatiquement leur demander s'ils sont allés frapper à la porte de leur province, pour essayer d'obtenir une partie du financement dont ils ont besoin. Est-ce que c'est un des liens que vous préconisez?

M. Cormier: Tout à fait. Je pense que c'est un des liens. Mais je vais reprendre votre exemple de l'entente fédérale- provinciale en éducation. Comment par exemple le gouvernement fédéral, quand il négocie avec la province du Nouveau-Brunswick ou d'autres provinces, s'assure que dans les enveloppes qui seront retransmises, qu'il y ait des sommes qui soient affectées à l'intégration des arts et de la culture dans le ministère de l'Éducation? Parce que ce qui se passe concrètement, c'est que les provinces ont beaucoup de latitude évidemment dans les enveloppes qui leur arrivent. Ils ont certaines obligations, et peut-être pas d'autres, et on n'est pas toujours sûrs que les enveloppes fédérales qui arrivent dans les provinces pour les ententes en éducation se retrouvent pour aider l'intégration des arts et de la culture. Et cela s'applique à beaucoup d'ententes.

Le sénateur Champagne: Il faudra laisser la place à mes collègues, mais nous avons appris hier, avec la visite des agents culturels de la région, que c'est de l'argent qui vient du fédéral et ce sont des ententes pour animer et faire vivre la culture et faire savoir aux jeunes d'ici qu'ils ont une culture et qu'elle est belle et importante.

M. Cormier: Oui.

Le sénateur Champagne: Je reviendrai tout à l'heure. Je laisse la place à l'une ou l'autre de mes collègues.

M. Duguay: J'ai peut-être inconsciemment fait preuve d'utopisme tout à l'heure. Je pense qu'on n'est pas inconscient au point de penser qu'on n'a pas besoin de balises là, pas du tout. Mais je pense que le système, tout en gardant des balises, peut être amélioré grandement parce qu'il est mal-en-point. Il faut un contrôle. D'ailleurs, ce n'est pas seulement dans le domaine des arts. Les déclarations d'impôts, n'est-ce pas?

Le sénateur Champagne: Le téléphone.

M. Duguay: Oui, bon, le téléphone. On dirait qu'on vit à une époque de complications. C'est-à-dire qu'on vit à une époque où le client, et le client c'est dans n'importe quel domaine, n'a plus raison. C'est ma conception de la société. Le client n'a plus raison. J'avais une amie à Montréal qui travaillait pour la compagnie Bell; dix ans auparavant, on leur faisait suivre des cours pour leur apprendre comment fidéliser le client. Dix ans plus tard, ce n'était plus nécessaire de les fidéliser. Je pense que c'est symptomatique.

Quand on prépare des formulaires et quand on prépare des modalités et des mécanismes, et là, je vais être méchant, mais qu'est-ce que vous voulez, il faut le dire, c'est beaucoup plus fait en fonction de faciliter la tâche des fonctionnaires que de faciliter la tâche des artistes et des consommateurs.

Le sénateur Champagne: Pourquoi faire les choses simplement quand c'est si agréable de les compliquer, voilà.

Le sénateur Losier-Cool: Merci à vous trois. Je dois vous dire que je suis très heureuse d'être ici. Dans les deux dernières journées, j'ai réussi avec mes collègues à vivre de belles situations, de belles rencontres. Je serai assez brève parce que je vois déjà que nos autres témoins arrivent. Soyez assurés que vos témoignages seront une contribution très significative à notre rapport. Nous nous pencherons très sérieusement sur les recommandations des états généraux.

Père Saulnier vous avez mentionné la politique culturelle nationale, et vous demandez ce que vous voudriez voir et ce que doit comprendre cette politique, et qu'on devrait recommander au gouvernement de mettre sur pied une politique culturelle. Plusieurs témoins nous l'ont déjà dit, nous ont déjà signifié, que le Canada était le seul pays des G8 qui n'avait pas de politique culturelle. Alors, je voudrais que vous commentiez un petit peu plus là-dessus.

Monsieur Cormier, je vais vous demander de commenter sur les médias, parce que nous avons reçu Radio-Canada, mais de quelle façon ils pourraient contribuer encore plus, et peut-être que certains de mes collègues se rappelleront qu'il y en a une qui avait apporté de quoi de précis, 30 minutes par semaine ou quelque chose comme ça.

M. Cormier: Oui.

Le sénateur Losier-Cool: Monsieur Duguay, nous avons reçu hier les personnes de l'éducation et du conseil scolaire, dont Mme Ginette Duguay, qui est une mentor culturelle dans les écoles. Parce que vous avez grandi dans la région, est-ce qu'il y a plus ou moins d'appui pour la culture si on peut dire? Et vous connaissez Bathurst. Bathurst c'est une ville qui favorise plutôt les sports. Ils ont un très, très gros centre. Il n'y a aucun centre communautaire pour la culture. La communauté, et quand je parle de communauté, je dis le voisin, le cousin, les élus municipaux, mais ce n'est pas un appui naturel pour les arts. La communauté aura plus un appui naturel pour les sports, et non pour la culture.

Le sénateur Losier-Cool: Bien, Père Saulnier parlera un peu sur la politique de culture, si vous êtes d'accord, parce que c'est vous qui l'avez soulignée.

M. Saulnier: Oui, je l'ai soulignée. Moi d'abord mon intervention, je vois « artiste », et moi je ne suis pas un artiste. Je m'intéresse à la culture énormément, mais je suis plutôt, dans le triangle de Calixte, le consommateur, le public. Je suis assis souvent dans la salle, plus que sur la scène.

M. Cormier: C'est un facilitateur extraordinaire.

M. Saulnier: J'interviens beaucoup sur le plancher au niveau des activités des sociétés culturelles, de Patrimoine canadien, en tout cas dans un tas d'activités et de fondations, nommez-les, et je suis content de le faire. Mais à un moment donné je me dis: « Est-ce qu'il n'y aurait pas une source unique au-dessus de tout ça pour y arriver... » Je trouve ça terriblement compliqué comme dit Calixte. Je parlais l'autre jour à un type qui vient de terminer un beau projet, une fondation d'entraide pour la Péninsule acadienne, M. Germain Blanchard. Je lui téléphone pour le féliciter et il dit: « Une chance que je reçois ton téléphone. Je suis assez écoeuré. » Il dit: « Avec toutes ces demandes de subventions, je ne peux pas en sortir. » Et il a quand même une formation universitaire cet homme-là. Alors quand je reviens de mon petit milieu où j'essaie d'encourager des gens à faire des demandes de subventions de projets, ainsi de suite, bien je me dis: « C'est-tu compliqué à ce point-là? » La différence qu'il y a entre la subvention puis le produit qui est extraordinaire, je me demande, faut-il que ce soit tellement compliqué pour que la production soit plus belle? Je ne crois pas, pas du tout. Et c'est dans ce sens-là. Est-ce qu'il n'y a pas moyen de penser à une politique nationale culturelle qui rassemble tous ces intervenants, le Conseil des arts, le Centre des arts et tous ces gens-là, d'une façon que ce soit unifié pour une seule cause, que la culture soit sur le marché chez nous? En tout cas, c'est une utopie.

Le sénateur Losier-Cool: En ce qui concerne la politique culturelle, hier les maisons d'édition nous ont dit que lorsque le Nouveau-Brunswick a adopté une politique du livre, cela a aidé la vente.

M. Saulnier: Oui.

Le sénateur Losier-Cool: Cela a aidé la promotion.

M. Saulnier: Cela unifie.

Le sénateur Losier-Cool: Monsieur Cormier, qu'est-ce que Radio-Canada doit faire de plus?

M. Cormier: En fait, la transition pour aller à Radio-Canada, je vous dirais que le défi de l'élaboration d'une politique culturelle au Canada, c'est le défi de définir quelles sont nos cultures, comment nous habitons et cohabitons ensemble et comment on reconnaît les cultures d'origine, les nouvelles cultures, et cetera. L'enjeu d'une politique culturelle, c'est un enjeu pas seulement institutionnel, c'est un enjeu d'identité collective, et c'est pour cela que le Canada tarde peut-être à s'en donner une, parce que c'est complexe de définir comment on reconnaît les cultures de ce pays, comment on reconnaît les cultures fondatrices, même si je sais qu'on ne peut pas ou on ne doit pas dire ça. Comment fait-on cela dans un pays comme celui-ci? Je pense que c'est un grand défi qui effectivement dépasse les institutions.

Pour Radio-Canada, qui est une des institutions majeures, je pense qu'il y a plusieurs pistes très concrètes sur la façon d'intégrer davantage les Acadiens à l'intérieur des vitrines nationales. D'une part, il faut se redire que Radio- Canada, au-delà des discussions qu'on peut avoir avec les hautes instances de Radio-Canada, est effectivement une institution très complexe parce qu'il y a des niveaux de hiérarchie et des niveaux de pouvoir décisionnel à tous les échelons. En d'autres mots, la direction de Radio-Canada a beau livrer un message pour qu'on intègre les artistes acadiens dans toutes les émissions, les réalisateurs ont une certaine autonomie dans les choix qu'ils font, et à ce moment-là il faut qu'on agisse non seulement au niveau de la direction de Radio-Canada, mais à la base, c'est-à-dire au niveau des recherchistes, des gens qui conçoivent les émissions.

On a un instrument qui n'est pas un instrument au service seulement de la société acadienne, mais qui est un instrument national à la francophonie qui s'appelle le bureau de promotion ZOF Montréal, qui est un bureau qui a été créé par la Fédération culturelle canadienne française, dont font partie la plupart des organisations acadiennes, que ce soit l'AAPNB ou le CPSC. ZOF Montréal, est un instrument qu'on a pour faire rayonner la culture acadienne et francophone au Québec, établir des ponts concrets et permanents avec le milieu montréalais qui agit sur les arts et la culture. C'est un bureau qu'on a énormément de difficulté à faire financer, et je ne comprends pas pourquoi.

Je ne comprends pas pourquoi le gouvernement fédéral ne reconnaît pas qu'en ayant un bureau actif à Montréal, qui aide à faire les ponts entre le milieu artistique et culturel acadien et le milieu québécois... Comment se fait-il qu'un instrument comme celui-là ne soit pas essentiel? On a beaucoup de difficulté à le financer. Le gouvernement a de la difficulté à reconnaître sa pertinence, alors que si on avait ça, on pourrait agir directement auprès des instances de Radio-Canada sur le terrain.

Comment cela pourrait-il se traduire en résultat? On a en ce moment Joseph Yvon Thériault, qui est un Acadien qui vit à Ottawa et qui est présent à la radio de Radio-Canada tous les samedis après-midi. Moi, j'écoute la radio de Radio- Canada nationale avec beaucoup de fierté quand j'entends Joseph Yvon parce que je me dis c'est un de chez nous qui contribue. Pas juste parce qu'il est Acadien, mais aussi parce qu'il a commenté de grandes questions qui touchent l'ensemble des Canadiens et des Canadiennes. Alors pourquoi n'a-t-on pas d'artistes acadiens et de personnalités acadiennes à Tout le monde en parle ou à toutes les émissions nationales de réflexion?

C'est parce que les recherchistes et les réalisateurs qui conçoivent ces émissions ne vont pas puiser dans le bassin des francophones et des Acadiens parce qu'ils ne le connaissent pas, parce qu'on n'a pas d'instrument ou d'outils permanents quotidiens pour nous faire connaître. Alors, ce n'est pas seulement de vouloir une plus grande présence en créant des émissions ici, mais comment on peut investir et être présent dans les émissions nationales qui touchent l'ensemble des Canadiens et pour lequel on peut contribuer. Je ne sais pas si je me fais clairement comprendre par rapport à ça, mais voilà.

Le sénateur Losier-Cool: Monsieur Duguay, vous avez parlé un peu de l'appui de la communauté vis-à-vis des artistes. Est-ce qu'un artiste a besoin d'être doublement meilleur pour survivre en Acadie ou bien en situation minoritaire?

M. Duguay: René l'a souligné tout à l'heure que si on faisait une étude comparative entre les salaires que touchent les artistes et ceux des autres secteurs de la société, on verrait des divergences considérables. Je ne peux pas aller dans le détail parce que René, c'est vraiment l'expert dans ce domaine, dans le sens que je fonctionne beaucoup dans ce domaine-là par instinct, sans avoir de statistique. Ce que je vous ai présenté ce matin, c'est un peu comme quelqu'un qui décide de faire une thèse de doctorat. Il émet une hypothèse, et après il essaie de prouver son point.

Par contre, je trouve toujours surprenant que les gouvernements, dans la liste d'épicerie, quand ils ont à couper quelque chose, à abolir quelque chose, c'est toujours les arts et la culture. C'est au bas de la liste d'épicerie. C'est la première chose à sauter.

Deuxièmement, et là, c'est une expérience personnelle. Il y a environ deux mois, deux mois et demi, je ne m'en souviens plus, mais je suis allé à Fredericton parce que je suis membre du Conseil d'administration de l'Association des artistes professionnels du Nouveau-Brunswick et à ce titre là, j'accompagnais la directrice générale et la présidente. Un discours sur l'état de la province de notre premier ministre était un discours brillamment livré, mais dans lequel il n'a jamais prononcé une seule fois le mot culture. Alors qu'aux états généraux, tous les politiciens en place ont fait les plus belles déclarations à l'égard de la culture. Cela avait l'air tellement beau, et quelques mois plus tard, on avait tout oublié. C'est ce qui a fait que d'indignation, j'ai écrit une lettre dans l'Acadie Nouvelle, un peu ironique, à l'égard de ce phénomène-là.

Le lieutenant-gouverneur le soulignait, et j'ai vu dans l'Acadie Nouvelle qu'il disait entre autres, en substance, que la culture ne se vend pas, se vend mal. Comment peut-on faire pour convaincre les instances que la culture, c'est rentable? C'est parce qu'on parle d'un principe économique. C'est-à-dire que si on met un dollars dans la culture, on s'attend qu'il va en sortir 1,25 $, mais ce n'est pas comme ça que ça fonctionne. Il y a des retombées qui ne sont pas nécessairement économiques dans la culture, et c'est ça qui est difficile à vendre. C'est un peu comme des maladies. Certains ont des maladies qui ne paraissent pas. Les maladies mentales par exemple, on dit: « Il n'est pas malade, il a l'air correct. » Mais ils ne s'en vont pas là-dedans (geste). Mais s'il a un bras coupé, ah bien là...Comprenez-vous? Faut- il se couper le bras? Je veux dire, va-t-il falloir tuer un artiste? Je ne sais pas trop.

C'est sûr que c'est un curieux phénomène qui se passe selon lequel la culture est toujours le dernier point à l'agenda, et il me semble que malgré toutes les promesses qu'on nous fait, cela ne change pas beaucoup. Je ne veux pas être outrageusement pessimiste, mais cela m'apparaît souvent comme tel.

Le sénateur Losier-Cool: C'est pour cette raison que j'étais heureuse hier lorsque j'ai vu le programme que Mme Duguay et le district scolaire avaient dans les écoles. C'est authentique. De l'avoir vécu lorsqu'on faisait des budgets dans les conseils scolaires, la première chose qu'on coupait, c'était les cours de musique dans les écoles ou les cours d'art.

Monsieur Duguay vous avez dit au début: « Probablement que vous avez déjà entendu, mais on va se répéter [...] » Il faut répéter. Je crois qu'il faut répéter. Je crois dans la technique du disque brisé, qu'il faut répéter, et surtout lorsque nous faisons partie des minorités. À chaque intervention que nous avons eue, nous avons entendu les mots: « essoufflement », « financement adéquat » ou « financement inadéquat » ou le « financement compliqué », « complexité ». Nous avons entendu cela, et nous avons entendu aussi le peu d'importance qu'on donne à la culture, pourquoi est-ce un si beau discours politiquement, qu'en politique ça passe, mais qu'en réalité — comment disent les anglais « Walk the talk and talk the walk » ou quelque chose comme ça, — mais il faut le faire.

Le sénateur Corbin: Je n'ai vraiment pas de question. Je suis d'emblée d'accord avec ce que vous dites. Cela fait 40 ans que j'entends cela. Je prends ma retraite du Sénat l'an prochain et ce que j'ai toujours eu à regretter comme politicien pragmatique disons, employons ce terme, c'est la fréquence avec laquelle on change les ministres à Ottawa, les ministres chargés de dispenser les avantages culturels. On dirait que ce sont des ministères secondaires, et on n'hésite pas à chambouler les ministres. On les laisse là un an, deux ans, trois ans au plus, puis on recommence.Chaque ministre a son idéal de ce que devrait être une politique culturelle.

Il y a aussi le fait qu'il y a des enjeux idéologiques au niveau des parties en présence, et tout ça a pour effet de semer plus de confusion que d'aide à la culture. Donc, je vous exprime tout simplement la frustration que j'ai vécue au cours des années, mais je comprends très bien votre message.

Je n'ai vraiment pas de question. Je vous remercie pour l'excellence de vos présentations. Ce sont des présentations de haute qualité. Ce n'est pas la première fois que j'entends ces propos de chacun de vous, et je crois qu'il est important qu'on vous entende bien.

C'est pas tellement les questions qu'on va vous poser, c'est notre compréhension de vos soucis et notre capacité de pouvoir passer le message sous forme d'un rapport bien rédigé, vigoureux auprès des autorités politiques à Ottawa. C'est tout ce que je veux dire pour le moment. J'interviendrai peut-être un peu plus tard au cours de la séance de cet après-midi, quand j'aurai eu la chance de bien digérer tous ces propos.

Vous avez ma pleine et entière collaboration. Je ne veux pas parler de sympathie. Il n'est plus question de sympathie là, il faut passer aux actes. Je vais tâcher de collaborer avec mes collègues au meilleur de notre capacité pour que vos soucis et vos représentations soient entendus. Merci beaucoup.

La présidente: J'appuie ce que mes collègues du Sénat viennent de vous dire. Messieurs, vos présentations ont été de qualité. Il n'y a pas de surprise là, par contre c'est un contenu qui est réfléchi et qui reflète vraiment la réalité. Nous sommes en accord avec ce que vous venez de dire, et vous avez devant vous un Comité sénatorial qui saisit et qui comprend la situation, des sénateurs qui, indépendamment du parti que nous représentons, vont vouloir arriver avec des recommandations pour essayer de changer certaines choses qui, non seulement compliquent la vie du secteur culturel et de ses artistes, mais aussi qui la rendent tellement difficile qu'à un moment donné, les gens sont essoufflés et perdre espoir.

J'aimerais terminer mon intervention en vous posant une question très brève. À tous les trois, si vous aviez un souhait, un changement, et je dis un, que vous aimeriez voir arriver dans tout ce que vous souhaitez, quel serait la première chose qui découle des états généraux? Quelle serait la première action qui devrait être prise? Vous, Père Saulnier, ce serait quoi la première chose qu'on pourrait recommander qui vous redonnerait espoir? Et vous, monsieur Duguay, ce serait quoi une des premières choses que vous aimeriez voir arriver? Vous l'avez peut-être déjà mentionné, mais j'aimerais que vous me le redisiez.

M. Cormier: Je vous redirais ce que j'ai dit au sénateur Champagne. Je crois que si le gouvernement canadien avait une seule action à faire, ce serait de mettre en place les conditions et le financement pour favoriser un meilleur arrimage entre le secteur culturel et les autres secteurs de la société, pour que tous les secteurs de la société se sentent concernés par l'avenir des arts et de la culture, et qu'ensemble ils puissent contribuer pour faire des communautés artistiques et culturelles fortes, mais surtout développer des communautés acadiennes fortes.

La présidente: Et dans le sens du réseautage, vous voulez dire, d'appui?

M. Cormier: Dans le sens d'appui au réseautage. Je fais référence aussi aux leçons pédagogiques d'éducation. On doit nous aider à faire mieux comprendre à nos concitoyens la valeur et la contribution des arts et de la culture. Pour le faire, ça prend des outils et des moyens. Pour qu'un artiste, qu'une organisation culturelle aille s'asseoir avec une personne d'affaires ou une municipalité, il doit être équipé, et pour bien le faire, ça prend des outils. Je dirais que ça fait partie des priorités si on veut mobiliser l'ensemble de nos communautés autour de la question des arts et de la culture.

M. Saulnier: Je reprends un peu ce que John Saul disait aux états généraux des arts et de la culture, il est peut-être urgent de laisser la vision économique un petit peu de côté et penser à une culture englobante, et non pas avoir la culture comme un sous-produit, mais comme une réalité qui donne la vie à une collectivité.

M. Duguay: Un seul mot, je dirais « pluriannalité ». J'ajouterais que si les gouvernements se donnent quatre ou cinq ans pour réaliser un mandat, pourquoi nos sociétés culturelles n'auraient pas le même temps?

Le sénateur Champagne: Je prenais seulement cette dernière phrase. Ce fut un voyage absolument extraordinaire. On a vu hier des gens merveilleux et vous écouter aujourd'hui fut un plaisir. Et vous vous rendez compte, ce n'est même pas fini, il y en a d'autres qui nous attendent et que nous allons écouter avec le même soin et le coeur aussi grand ouvert. Merci.

La présidente: Merci beaucoup messieurs, et n'oubliez pas de nous envoyer le rapport des états généraux.

M. Cormier: Oui.

La présidente: Honorables collègues, sénateurs, nous accueillons trois autres témoins. Dans un premier temps, de Productions Ode incorporées, nous avons M. Paul Marcel Albert, Directeur général. Bienvenue Monsieur; de la Société culturelle des Tracadilles, nous avons Mme Francine Brideau, agente culturelle. Bienvenue Madame; et du Congrès mondial acadien 2009, nous avons M. Jacques Lanteigne, directeur administratif. Bienvenue monsieur.

Alors tel que nous avons procédé jusqu'à présent, nous allons vous demander de nous faire une présentation d'environ cinq à sept minutes, et ensuite les sénateurs pourront vous poser des questions. Nous allons commencer avec M. Paul Marcel Albert.

Paul Marcel Albert, directeur général, Productions Ode inc.: Madame la présidente, honorables sénateurs, bonjour. J'oeuvre dans le domaine culturel depuis l'âge de 15 ans. J'ai passé une vingtaine d'années à la barre du Festival acadien de Caraquet, qui au fil des ans est devenu l'un des événements culturels par excellence en Atlantique. En 2004, durant les 15 jours de célébrations, quelque 175 000 personnes ont participé à l'ensemble des activités inscrites à la programmation. Nous avons alors attiré 50 fois notre population de 3 500 âmes. Pour réaliser l'équivalence, le Festival de Jazz de Montréal devrait attirer 100 millions de spectateurs. Le budget du Festival acadien était à ce moment-là de 2.2 millions de dollars. J'ai aussi travaillé quelques années avec une personne que vous connaissez bien, l'une des meilleures comédiennes au Canada, Mme Viola Léger.

Nous avions à la fin des années 1980 cofondées la compagnie Viola Léger, dont la première production, Harold et Maude, présentait outre Mme Léger, un tout jeune finissant de l'École nationale de théâtre qui en était à son premier rôle professionnel, et son nom, Roy Dupuis. Le nombre de spectateurs, 11 000.

Je dirige depuis 2005 la destinée des Productions Ode, une compagnie à but non lucratif qui a été mise sur pied pour voir au développement du spectacle-phénomène Ode à l'Acadie. Créé en 2004 par le Festival acadien de Caraquet, pour souligner le 400e anniversaire de l'Acadie, ce spectacle devait à l'époque n'être présenté qu'à 25 reprises en période estivale. Le succès fut instantané et nous avons célébré notre 100 000e spectatrice le mois dernier à Moncton après plus de 300 spectacles sur trois continents. Ce spectacle avait reçu un appui initial substantiel du ministère du Patrimoine canadien et de l'APECA.

Lorsqu'on finance des projets décemment, on donne une des conditions gagnantes nécessaires au succès. Je ne dis pas que c'est l'unique élément, mais ça en est un d'importance. Je vous donne ces trois exemples pour vous démontrer qu'en régions, nous avons des « success stories » qui souvent, trop souvent, sont méconnues par les décideurs bien installés à Ottawa.

Aujourd'hui, j'aimerais vous parler de fierté, élément essentiel à mon avis au maintien et au développement de toute langue et de toute culture. J'aimerais pouvoir faire entendre ma voix sur la difficulté de production en régions dans le monde culturel.

Je pense que nous devrions être éligibles à une prime à l'éloignement. Produire un spectacle du type Ode à l'Acadie à Montréal serait beaucoup moins onéreux. Pas de dépense de transport, d'indemnités quotidiennes, d'hébergement, des ressources humaines et des équipements spécialisés en quantité, la proximité des commanditaires d'importance, et cetera.

J'aimerais également pouvoir échanger sur notre méconnaissance générale de nos frères d'armes, les Franco- Ontariens, Franco-Colombiens et Franco-Manitobains. Nous devrions pouvoir connaître et apprécier leurs productions culturelles. Il devrait y avoir des programmes spéciaux pour les tournées afin de mieux se connaître entre minorités canadiennes. Il faut multiplier les points de rencontre.

De même, nous devons faciliter l'exportation de nos artistes d'excellence sur la scène internationale, et nous devons appuyer le développement de nos industries culturelles.

J'aimerais aussi vous parler de l'importance de se voir, de se reconnaître, de se faire saluer à la radio et surtout à notre télévision d'État. La francophonie canadienne ne doit pas être cantonnée dans la case du samedi après-midi ou très tard en fin de soirée. Il faut également faire voyager les équipes montréalaises à travers le pays pour prendre le pouls et rendre compte de la réalité canadienne, et non seulement québécoise. Les régions doivent être plus présentes au national.

Nous avons un vaste pays, et peu de Canadiens ont le privilège de le visiter. Si au moins nous pouvions le faire de façon virtuelle. Je suis persuadé que plusieurs communautés aimeraient bien recevoir l'équipe de Bernard Derome et son Téléjournal national. D'un autre côté, il est bon de voir notre M. Météo, William Bourque, présenter la météo au national à RDI. Il faut plus d'exemples de ce type. Il nous faut plus de dramatiques. Belle-Baie en est un bel exemple.

J'aimerais vous parler aussi de ma lassitude envers certains programmes gouvernementaux qui, par surcroît de zèle et de bureaucratie, découragent les travailleurs culturels et l'implication des bénévoles auprès d'organisations essentielles au développement et à l'épanouissement des minorités au pays. À mon avis, les budgets du ministère du Patrimoine canadien, entre autres, devraient être alloués par des bureaux régionaux pour l'Ouest, le centre du pays et l'Atlantique. Ce sont trois réalités différentes.

Il nous faut plus de structures régionales du type APECA. Il faut avoir des formulaires de demandes et des rapports différents pour des subventions de 1 000 $ et de 50 000 $. Il faut simplifier la bureaucratie et arrêter de faire payer les petits organismes pour le scandale des commandites qui n'a pas été causé par des subventions de 2 000 $.

J'aimerais pouvoir plaider pour une décentralisation des décisions administratives de différents ministères et agences gouvernementales. Nous nous sentons très éloignés du pouvoir central et il nous semble que plusieurs programmes sont élaborés pour le besoin des organisations des grands centres comme Montréal, Toronto, Vancouver, et la capitale nationale.

En terminant, j'aimerais citer Gabrielle Roy qui a écrit:

Les minorités sont condamnées à l'excellence ou à disparaître.

J'ajouterais que les minorités culturelles et particulièrement le peuple acadien, est excellent par leurs artistes. L'Acadie est une vraie fourmilière artistique. C'est sûrement l'endroit au Canada où il y a le plus d'artistes au mètre carré. Comment l'expliquer, c'est possiblement l'instinct de survivance. Après avoir été déporté et s'être caché dans les bois pendant des années, le peuple acadien se reprend par sa parole, sa peinture, son théâtre, ses chansons. Nous sommes environ 400 000 Acadiens et Acadiennes en Atlantique, l'équivalent disons de la population de la ville de Laval. Et bien, si Laval avait enfanté Arthur Leblanc, Thérèsa Malenfant, Nérée DeGrâce, Gérald Leblanc, Antonine Maillet, seul Goncourt au Canada, Édith Butler, Viola Léger, Claude Roussel, Roch Voisine, Angèle Arsenault, L'oscarisé Paul Leblanc, le groupe 1755, Natasha St-Pierre, la cinéaste Renée Blanchard, Ode à l'Acadie, Marie-Jo Thério, Calixte Duguay, Jacques Savoie, Nathalie Paulin, Rose-Marie Landry, Jean-François Breau, Annie Blanchard, Wilfred Lebouthillier, et j'en passe...L'Acadie génère l'excellence. Nos gouvernements se doivent d'en faciliter l'émergence et de la promouvoir. Si effectivement « Les minorités sont condamnées à l'excellence ou à disparaître », et bien le peuple acadien n'est pas prêt de disparaître.

Francine Brideau, agente culturelle, Société culturelle des Tracadilles: Madame la présidente, je vous remercie de l'invitation à comparaître devant ce comité. La Société culturelle des Tracadilles existe depuis plus de 30 ans et est le principal diffuseur d'art et de culture pour la grande région de Tracadie. En plus de la programmation annuelle, la société culturelle chapeaute l'École Fontaine des arts et le Festival Moisson d'ART qui a pour mandat la diffusion de toutes les formes d'art par des artistes professionnels et francophones d'ici et d'ailleurs. Les arts sont très présents dans la région de Tracadie-Sheila grâce à la présence de la maison d'édition la Grande Marée, des Productions Cojak, d'un cinéma, des écoles de danse, de chorales, de troupes de théâtre communautaire et d'un regroupement de peintres amateurs.

La grande région de Tracadie-Sheila est très bien représentée dans toute la francophonie grâce à des artistes tels que les comédiens Diane Losier et Robin Joël Cool, les cantatrices de renommée internationale Nathalie Paulin et Michèle Losier, les auteurs-compositeurs-interprètes Jean-François Breau et Wilfred Lebouthillier, le peintre Jean-Baptiste Comeau, le conteur Dominique Breau, l'artiste multidisciplinaire, Raynald Basque, pour ne nommer que ceux-là. Ils sont des ambassadeurs par excellence pour toute l'Acadie.

Malgré une population très majoritairement francophone, il est parfois difficile de promouvoir les artistes francophones, surtout auprès des jeunes. Beaucoup consomment de la musique, de la télévision et du cinéma anglophone.

On réalise souvent que même les artistes acadiens sont méconnus dans la Péninsule acadienne et très peu peuvent vivre de leur art ici. Comme on dit, nul n'est prophète dans son pays.

Heureusement, la fierté acadienne est très présente, ce qui contribue certainement à la cause du français.

Les défis auxquels nous devons faire face sont nombreux, mais le nerf de la guerre demeure le financement. Avec moins de 30 000 $ de subventions du ministère du Patrimoine canadien pour la programmation annuelle, la société culturelle doit payer le salaire de l'agente huit mois par année, couvrir les coûts de fonctionnement, présenter une programmation diversifiée et faire du développement culturel. Les heures de bénévolat de l'agente sont nombreuses et le salaire est minime. Le Festival Moisson d'ART, qui est également coordonné par l'agente, est subventionné par le programme Présentation des Arts de Patrimoine canadien, par le programme Festivals artistiques de la province, par l'entente Québec-Nouveau-Brunswick et la ville de Tracadie-Sheila. Des commanditaires et la collaboration de plusieurs partenaires sont également nécessaires pour la réussite de l'événement.

Outre le financement, les défis les plus importants sont le manque d'infrastructure, le vieillissement de la population, l'exode des jeunes, l'économie de la région, la proximité entre les diffuseurs et le manque de reconnaissance des arts et de la culture de la part des différents paliers de gouvernement et de médias.

Nous avons également comme défi l'éducation culturelle chez la population en général, mais surtout chez les jeunes. Nous devons, avec les écoles et autres organismes culturels, rendre les arts accessibles tant du point de vue artistique qu'économique.

Nous avons réalisé que les jeunes aiment beaucoup l'abstrait dans les arts visuels et ils perçoivent des choses différentes des adultes. De jeunes enfants qui n'avaient jamais été dans une salle de spectacle ont été autant impressionnés par la salle que par le spectacle lorsque nous les avons sortis de leur gymnase improvisé en salle de spectacle. Les cours de théâtre connaissent beaucoup de succès. Les jeunes et les moins jeunes y voient une forme d'expression exceptionnelle. Nous devons garder en tête qu'il faut demeurer près des gens, être ouverts à leurs besoins, tout en leur proposant de nouvelles choses.

Les besoins les plus pressants sont la mise sur pied d'un financement stable qui permettrait à la société culturelle d'opérer à l'année et de faire l'embauche de personnel qui travaille à contrer certains défis dont la préparation de demandes de subventions, le recrutement et la formation de bénévoles — présentement essoufflés et démotivés — le développement de public et les relations avec les médias desquels nous n'avons que très peu de couverture.

Avec de l'aide plus importante des gouvernements fédéral et provincial, il serait plus facile pour les sociétés culturelles de remplir leur mandat de faire de la diffusion de produits culturels et artistiques et du développement, y compris aller chercher l'implication municipale et communautaire. L'acquisition d'infrastructures est essentielle pour présenter une plus grande variété d'artistes de tous les domaines. Des compagnies de danse et de théâtre ont refusé de se produire à Tracadie-Sheila puisque la scène de notre salle de spectacle ne répond pas à leurs besoins. Avec une salle de seulement 230 places, nous sommes limités dans le choix des spectacles présentés à moins d'accuser des déficits importants. Une galerie d'art et un espace de création sont également nécessaires pour promouvoir les arts et les artistes.

Les éléments de la Partie VII de la Loi sur les langues officielles sont louables en autant que des actions concrètes soient prises. Tous ces documents, études, sondages réalisés par le fédéral sont tellement loin de nous. Avec toutes nos préoccupations, nous n'avons plus le temps ni l'énergie pour suivre ces dossiers et d'y contribuer. On a continuellement l'impression, en tant que francophones — excusez-moi l'expression — d'être des quêteux, des lamenteux. Nos ancêtres sont arrivés au Canada depuis plus de 400 ans et en 2008, on doit encore se battre pour faire valoir nos droits. Trop d'énergie est mise à justifier notre raison d'être en tant que société culturelle dans une communauté francophone. Cette énergie devrait être mise sur le développement, la promotion, la diffusion et la préservation de notre culture et de nos artistes.

Jacques C.F. Lanteigne, à titre personnel: Madame la présidente, je vous remercie. J'aimerais commencer par vous souhaiter la bienvenue dans la région. C'est un plaisir de vous recevoir. Je suis directeur administratif du Congrès mondial acadien 2009, par contre je suis ici à titre personnel. Je n'ai pas de mandat de mon organisation de vous faire cette présentation. Je vous ai laissé tout à l'heure un exemplaire chacun du programme préliminaire, alors l'été prochain, on serait tous heureux de vous accueillir pendant le Congrès mondial. C'est un programme préliminaire qu'on a lancé l'an dernier. La programmation est toujours en développement, mais le document vous donne plusieurs renseignements sur l'événement.

Je pense que la culture francophone occupe une place très importante dans notre région, mais je pense aussi qu'on a des défis; parmi ces défis, il y a l'intérêt à la baisse des jeunes envers la langue française; la pénétration des médiums de communication, comme Internet; et ici, dans la Péninsule, il y a la passivité des jeunes et des moins jeunes face aux combats de tous les jours pour préserver la langue. La culture francophone occupe une place très importante au Nouveau-Brunswick, mais là aussi il faut poursuivre le combat chaque jour pour préserver la langue. Je ne veux pas juger si c'est bien ou mal, mais les compressions budgétaires dans le cadre du programme d'immersion me préoccupent. Je pense que la connaissance de la langue, c'est le premier élément d'ouverture d'esprit face à l'autre, et c'est ce qui fait que nous les Canadiens, on n'est pas comme les Américains, et qu'on ne sera jamais comme les Américains. On apprécie et on sait reconnaître la valeur de l'autre, et on sait aussi la respecter.

Dans les questions que vous nous avez fait parvenir pour nous aider dans nos présentations, une de ces questions concernait les principaux défis des acteurs du milieu culturel. C'est certain, que les défis financiers sont très importants, et assez souvent on a l'impression de quêter. Je ne l'ai peut-être pas précisé en commençant mon allocution, mais contrairement à Paul Marcel et Francine dans une certaine mesure, moi je ne suis pas un artiste. Je suis plutôt un gestionnaire. Je côtois Paul Marcel depuis une vingtaine d'années, lui fait les créations et moi je l'aide à gérer les sous autour de ça. Cela me donne une perspective différente.

Tantôt mon ami, Père Zoël, a fait l'argument que la culture devrait être plus reconnue dans notre société, et je pense qu'effectivement, la richesse culturelle du Canada inclut la langue française. À mon avis, le gouvernement doit faire plus pour appuyer cette richesse-là, parce que c'est ce qui fait de nous un plus beau pays tout simplement.

Un autre des défis est celui des ressources humaines. Je suis conscient que ces défis existent aussi en ville, mais je vous dirais qu'en régions rurales, c'est particulièrement aigu comme défi.

Paul Marcel a mentionné tout à l'heure un point sur lequel je voudrais faire un petit peu de ménage si vous me le permettez, c'est la question des subventions pour les projets de 5 000 $ versus les subventions pour les projets de 50 000 $. Je vais exagérer un peu et je vais faire une comparaison entre un projet de 5 000 $ et un de 500 000 $. Actuellement, c'est le même formulaire pour les projets d'envergure ou un tout petit projet. Cela en soit, c'est un non-sens. S'il y a un message que vous devriez rapporter à Ottawa, c'est littéralement de dire aux dirigeants, et sous-ministres: « Donnez donc un peu de pouvoir aux gens en région sapristi! »

L'APECA fonctionne mieux dans ce sens-là parce qu'elle est ici. Moi je transige avec une personne de Fredericton qui régulièrement vient visiter nos bureaux: « Qu'est-ce que vous faites? Comment dépensez-vous notre argent? » Puis si on peut lui démontrer avec vérification que c'est correct, bien les sous sont là, finalement on relâche les sous. Par contre, avec Patrimoine canadien c'est différent. On fait affaire avec des gens de Moncton qui collaborent très bien avec nous, on en est très heureux, mais eux n'ont pas de pouvoir de décision; ils signent, ils recommandent, ça va à Ottawa, puis on a su récemment dans un cas particulier que la lettre a été sur le bureau du ministre pendant 10 semaines. C'est un peu frustrant.

Sénateur Champagne, vous avez déjà été ministre. Moi j'ai travaillé pour des ministres du même gouvernement que vous, et je sais comment ça fonctionne. Ce qui se passe à un moment donné, c'est qu'on veut être sûr que c'est bien dépensé, mais à ne pas vouloir rien faire, on fait pire.

Moi je pense que les choses que vous devez dire quand vous allez faire votre rapport aux gens d'Ottawa, c'est: « Sapristi, donnez une marge de manoeuvre aux gens en région. » Ce n'est pas compliqué. Puis on ne veut pas avoir une marge de manoeuvre pour 500 000 $. Je pense que les gens de Moncton auraient l'autorité de signer sur des projets de 100 000 $ et moins et que ce serait déjà beaucoup mieux. Ce n'est pas le cas malheureusement.

Je voulais vous parler justement d'une histoire à succès qu'on a vécu au Congrès mondial. Avant qu'on prépare notre demande de financement majeure au fédéral, qui en passant nous a donné un peu plus de trois millions de dollars, et on les remercie beaucoup, on a discuté avec les représentants du fédéral et en même temps à ceux de la province, pour voir comment on allait faire notre demande, et où on allait soumettre une demande de financement, ainsi de suite. Ce qu'on a convenu, avec les gens de l'APECA et de Patrimoine canadien ici en Atlantique, c'est qu'on ne ferait qu'une seule demande. Après cela, si le projet était approuvé, et évidemment on espérait bien que ce serait le cas, et il a été approuvé, on ne fournirait qu'un seul rapport par trimestre.

Le budget de mon congrès est six fois plus gros que celui du Festival acadien, mais les gens de Patrimoine canadien et de l'APECA ont convenu de travailler ensemble puis de dire: « Au lieu de faire un rapport à l'APECA, un autre rapport à Patrimoine canadien et un autre rapport à la province, qui eux aussi nous financent à un peu plus d'un million de dollars, moi j'écris un seul rapport. » Je le partage avec ces gens-là, et c'est fini. S'ils ont des questions, ils m'appellent. Cette façon de faire devrait être encouragée dans toutes les situations. René mentionnait tout à l'heure la lourdeur du processus de Patrimoine canadien, mais les gens avec qui on travaille, ils sont d'une très grande générosité d'esprit si je peux dire, et de bonne volonté, malheureusement ils n'ont pas de pouvoir. Dans le cas qui nous intéresse nous, le Congrès, on a fait affaires avec l'APECA et Patrimoine canadien ensemble, puis je vous dirais que c'est un énorme changement. Dans le concret, d'un point de vue de gestionnaire, je sauve peut-être trois semaines par année d'ouvrage. Francine quand elle fait des demandes à chaque année pour la société culturelle, bien ça serait à peu près le même travail pour faire une demande multi-annuelle ou pluriannuelle pour utiliser le mot de Calixte de tout à l'heure, mais elle le ferait une fois tous les cinq ans. Il y aurait un suivi à faire: « O.K., vous aviez dit que vous feriez ceci aux Tracadilles, l'avez-vous fait? Oui? Ça c'est bien passé? O.K. On passe à la prochaine année. O.K. » Mais là Francine, chaque année il faut qu'elle passe une semaine pis deux pis trois à remplir ces sapristi de demandes là. Je suis désolé, mais moi en tant que gestionnaire, je côtoie un peu les gens d'affaires et cela ne passe pas. Les fonctionnaires, ils ont le temps de faire ça. Nous autres, on a moins le temps. Madame la présidente, vous avez mentionné l'essoufflement des gens. Je vous dirais que l'essoufflement est dû en grande partie à cette problématique. Je pense que s'il y a un message que vous devriez apporter à Ottawa, c'est celui-là.

Donnez en exemple la collaboration de l'APECA et de Patrimoine canadien par rapport au Congrès mondial acadien. Cela est possible. Au début, c'était incertain, puis finalement cela se passe bien. Je vous dirais qu'on gère aussi bien les sous que n'importe quelle autre organisation et il n'y aura pas de scandale des commandites.

Un élément que j'aimerais ajouter, c'est en ce qui a trait à l'impact de la partie VII de la nouvelle Loi sur les langues officielles. Je connais peu les impacts directs et concrets, je ne suis pas directement impliqué, par contre je pourrais vous dire ceci, quand je lis dans les notes du commissaire que:

[...] pour le commissaire, une mesure positive est une action d'une institution fédérale qui a un effet réel et positif [...]

Puis là je continue, puis je vois ensuite:

Les institutions peuvent s'inspirer de trois principes directeurs, une approche proactive et systématique puis un processus continu d'évaluation [...]

Je pense que le commissaire a raison. Je pense qu'un des messages que vous pourriez rapporter à Ottawa en tant que Comité sur les langues officielles c'est: « Y- a-t-il eu vraiment des gestes proactifs? Nous, on ne les connaît pas bien, et je pense qu'on aurait probablement intérêt à les connaître. Les différents ministères à Ottawa, eux aussi auraient intérêt à faire connaître ce qu'ils font, s'ils font quelque chose. Quand je travaillais à Ottawa, une des choses qu'on entendait souvent, il y avait un politicien que j'ai côtoyé qui disait que pour lui, Ottawa c'était 20 milles carrés entourés de réalité. Je vous dirais que des fois en régions, on pense un peu ça aussi parce que les décideurs sont à Ottawa. Ottawa est une très belle ville, les gens sont gentils et tout, mais ils ne peuvent pas comprendre ce qui se passe à Saint-Jean, Terre- Neuve, ou à Caraquet, si on n'est jamais venu en régions.

Il faut faire en sorte de répartir le pouvoir de décision. Que le gouvernement central veuille garder les grosses décisions, c'est compréhensible, mais que le ministre soit obligé de signer sur une subvention de 10 000 $ ou 20 000 $, cela n'a tout simplement aucun sens. Que vous intervieweriez n'importe quelle personne, elle vous dirait la même chose: « As-tu fait la dépense? As-tu la preuve que t'as fait la dépense? C'est correct, continue ton projet. » Puis moi je pense que vous pourriez soulever ce point-là dans votre rapport.

Quelques éléments additionnels sur les médias. Personnellement, je ne crois pas que Radio-Canada existe au Canada, je pense qu'on a Radio-Montréal. C'est comme cela que je le vois. Quand il y a un événement important qui se passe à Montréal... Je vais vous donner un exemple concret, Vincent Lacroix, qui a fraudé plusieurs personnes, c'est un crime économique, d'accord, puis il y a des gens qui ont perdu près de 200 millions de dollars, mais sapristi, toutes les fois qu'il sortait de la cour, quand même que ce fût rien que cinq minutes, on coupait RDI pour le montrer sortir de la cour. Je suis désolé, mais cela me frustre bien net parce qu'on n'a pas le même genre de traitement ici.

Le festival Acadie en fête que Paul Marcel a réalisé pendant plusieurs années, qui a généralement été des spectacles grandioses, malgré toute la bonne collaboration des gens de Radio-Canada à Moncton qui nous aident beaucoup, bien ça ne se rend jamais jusqu'en haut. Ottawa dit que ça va passer « live ». Non, ça ne passera pas « live ». Le 15 août, on ne peut pas faire ça « live ». Le 24 juin, on peut par exemple, puis le 1e juillet, évidemment, c'est le Canada. Mais le 15 août chez les Acadiens c'est moins important. Puis tantôt, je faisais le calcul. Je me disais: « Si on allait selon la proportion, bien on passerait toutes les 28 ans parce qu'il y a à peu près 30 fois plus de Québécois que d'Acadiens ». Je pense que ce n'est pas correct de penser de même. Je pense qu'on devrait faire en sorte que le 15 août, plus souvent il passe « live », plus on va entre autres faire en sorte qu'on reconnaisse la richesse qu'on a d'être un pays bilingue, multiculturel. Dans le même ordre d'idées, j'aurais absolument aucune objection à ce qu'on nous passe « live » des spectacles à Vancouver qui s'adressent à des communautés chinoises par exemple, parce qu'eux aussi font partie de notre pays et je pense qu'on doit les reconnaître.

Tout à l'heure, j'ai parlé de collaboration provinciale entre Patrimoine canadien, l'APECA et les gens du Nouveau- Brunswick, et les intervenants précédents ont parlé d'éducation. Je pense que c'est important que le fédéral, même si je sais que c'est très délicat et très complexe à cause de la Constitution, qu'ils appuient les tournées et la diffusion des arts dans les écoles. C'est très important d'atteindre des jeunes de 10 ans, 12 ans ou 14 ans, car des fois c'est plus que les atteindre, cela les marque. On ouvre leur esprit pour longtemps et je pense que le gouvernement fédéral peut jouer un rôle important dans leur avenir.

Je conclurai en disant que cela ne m'étonne pas qu'on coupe toujours les artistes en premier ou la culture en premier, parce que peut-être leur voix ne porte pas assez et qu'il n'y a pas assez de votes à aller chercher là. C'est de même que les politiciens fonctionnent, ça c'est sûr. C'est le moment de se rendre compte et de reconnaître la richesse de notre culture. Il faut le dire et le répéter encore. La richesse de notre pays, c'est aussi parce qu'on a plusieurs cultures différentes, alors c'est important que le gouvernement, dont vous êtes les représentants ici aujourd'hui, aille dans ce sens-là.

Je suis conscient que c'est difficile, et il y a toujours la question du budget, mais moi je me dis qu'on doit quand même le faire et persévérer. Merci.

La présidente: Quand on parle de gestes proactifs, quand on dit que les ministères devraient être proactifs à l'égard de leur appui en fonction de la culture — et vous savez très bien, nous avons une loi où il est question de « mesures positives », — souvent, parmi les hauts fonctionnaires à Ottawa et au ministère, on doit leur donner des exemples de ce qui est pour nous une « mesure positive » ou être proactif, car ce que nous vivons chez nous, dans notre réalité en milieu minoritaire, n'est pas ce que ces personnes-là vivent dans un autre contexte. Si je vous demandais monsieur Lanteigne un exemple d'un ministère qui est proactif?

M. Lanteigne: Je vous inviterais alors à avoir un ministère comme Industrie Canada, qui viendrait en région, soit ici à l'aquarium du Centre-marin ou un lieu de ce genre, pour se faire connaître et aussi partager avec les gens d'ici sur ce qu'ils font et sur ce qu'on fait ici par exemple.

La présidente: C'est un bon exemple, continuez.

M. Lanteigne: Parce que de ce qu'on en sait, ils sont relativement assez cadrés dans leur approche. Il faut sortir de la grande ville et venir en régions, autant chez vous au Manitoba qu'ici au Nouveau-Brunswick. Puis là bien O.K., on va dire: « Il y a des coûts, il y a des frais de transport et tout ça. » Et bien oui, puis « so what »?

La présidente: Ils ont des obligations à l'égard de la Loi sur les langues officielles.

M. Lanteigne: Exactement, puis moi je veux dire, ce sont des gestes concrets comme ceux-là. Je vais vous donner un autre exemple.

La présidente: Prenez un autre ministère.

M. Lanteigne: Certains ministères, même s'ils n'ont pas de vocation culturelle, pourraient choisir par exemple de parrainer des tournées scolaires ou des tournées d'artistes et dire: « Nous, c'est comme ça qu'on s'implique dans la communauté. » Je sais que cela pourrait faire réagir un fonctionnaire, mais encore là je m'en fous de ça. À un moment donné, il faut poser des gestes, il faut faire des choses concrètes qui rejoignent les gens.

La présidente: J'aime beaucoup l'exemple que vous nous avez donné au début en parlant d'Industrie Canada parce qu'on ne peut pas toujours dire que c'est uniquement la responsabilité de Patrimoine canadien de nous aider, au contraire.

M. Lanteigne: Exactement.

La présidente: Tous les ministères fédéraux ont une responsabilité à l'égard de la Loi sur les langues officielles et ils ont une responsabilité d'appuyer notre développement et notre épanouissement.

M. Lanteigne: Je suis un peu en conflit d'intérêts parce que mon budget du Congrès mondial n'est pas complètement bouclé, alors on magasine à Ottawa pour le dernier million qu'il nous manque. On a rencontré un groupe de 15 fonctionnaires. Les options qu'on avait, comme un plan B là, c'est que si Industrie Canada par exemple ou le ministère « X » ne se sentait pas à l'aise de s'impliquer dans le Congrès mondial parce que c'est trop loin de son mandat ou quoique ce soit, nous on leur a dit: « Bien regardez, si vous ne pouvez pas là, passez l'argent à Patrimoine canadien, eux vont le faire. » Selon moi, c'était simplement la mécanique pour faire la chose parce que l'argent vient du même endroit. C'est nous qui payons, les payeurs de taxes. Alors moi je me dis: « Si c'est trop difficile dans certains contextes de certains ministères par exemple de faire ce genre de choses là, possiblement que Patrimoine canadien pourrait devenir un conduit. » Par contre, en faisant en sorte évidemment que les gens en régions aient le pouvoir de décision, parce que si on est obligé d'aller à Ottawa puis d'attendre des semaines et des mois pour des décisions, ce n'est pas mieux.

La présidente: Et si les gens en région avaient le pouvoir de décision, disons que Patrimoine Canadien, en région a le pouvoir de décision, si c'était changé pour que cela arrive, ce serait un exemple d'un ministère proactif ou d'une mesure positive, n'est-ce pas?

M. Lanteigne: En tant que gestionnaire, je vous dirais que non. Ce serait simplement de la saine gestion.

La présidente: J'aime votre réponse. Merci, monsieur Lanteigne.

M. Lanteigne: Je suis désolé, mais regardez toute entreprise du secteur privé, ce n'est pas vrai que dans les grandes entreprises, c'est le grand patron qui décide de l'achat de gommes à effacer. Ce n'est pas de même que ça se passe.

Puis je pense que le gouvernement, même si c'est important qu'il gère les sous correctement, moi je pense qu'il a démontré à outrance que dans le fond, cela serait probablement mieux géré s'il y avait plus de sous qui allaient en régions et pas tout à Ottawa. C'est mon opinion.

La présidente: Madame Brideau, avez-vous un exemple de ce qui pourrait être proactif ou une mesure positive d'un ministère quelconque?

Mme Brideau: Je pense que tout part de la reconnaissance, que ce soit des différents paliers gouvernementaux, de la communauté, des gens d'affaires. C'est la base pour moi. Quand on reconnaîtra la nécessité des sociétés culturelles et des organismes à but non lucratifs, peut-être que les ministères pourront investir plus. La façon la plus concrète pour nous, c'est sûr que c'est le financement.

La présidente: Pluriannuel?

Mme Brideau: Oui. Autant que possible, c'est sûr, même à des montants plus importants aussi.

Mme Brideau: Qu'on puisse combler des postes, embaucher des personnes pour remplir notre mandat de développement culturel, de s'assurer de la conservation de la langue, et l'éducation. Si on avait la moitié des budgets que les sports ont dans les municipalités, ce serait déjà très apprécié et on pourrait faire plus. Donc tant que la communauté et les différents paliers gouvernementaux ne reconnaîtront pas la cause de la culture, on ne peut pas fonctionner. On ne peut pas avancer plus que ce qu'on fait maintenant. Je pense que tous ces paliers gouvernementaux sont tellement habitués qu'on fasse beaucoup avec rien, qu'ils s'attendent qu'on puisse continuer comme ça, mais on est épuisé, on est essoufflé. Les bénévoles ne veulent plus rien savoir, ne veulent plus s'impliquer, parce qu'on demande de faire du travail qui devrait être fait par des employés payés. C'est le financement puis la reconnaissance de toute la communauté et des gouvernements aussi.

M. Albert: Je parlerai du rôle des grandes institutions, dans le sens que c'est peut-être difficile de demander à certains ministères qui ne sont pas très près de la culture de faire des actions proactives lorsque ceux qui ont le mandat de le faire le font de façon mitigée. Je prends l'exemple de la Société Radio-Canada. Je pense qu'il y a vraiment un effort, surtout du côté de la radio. On sent qu'au niveau de la radio, c'est plus une radio nationale. En ce qui concerne de la télé, je pense que dans les dernières années, il y a toujours un effort, mais il n'y a pas vraiment une volonté de faire des coûts d'éclat. Moi, que Bernard Derome vienne faire Le Téléjournal, le 15 août, à Caraquet parce que c'est la fête nationale des Acadiens, il me semble que ça devrait être simple. Et si ces gens-là viennent dans nos communautés, ils vont se rappeler de nous parce que d'abord, les Acadiens sont très accueillants et lorsqu'ils vont faire leurs nouvelles, ils ne salueront pas juste les Québécois, car souvent lorsqu'on écoute Le Téléjournal à Radio-Canada, on a l'impression qu'on s'adresse uniquement aux Québécois dans la majorité des nouvelles. Et notre ami William Bourque qui fait la météo, en l'introduisant il ne dit pas: « C'est quoi la température à Moncton, au Nouveau-Brunswick? » Il commence par parler de Montréal, on fait presque comme s'il était dans un studio à Montréal. Mais cela demande un changement d'attitude. Ce n'est pas toutes les émissions nationales qui peuvent se promener, et moi je dis qu'entre minorités, on ne se connaît pas. Les Productions du Théâtre Molière du Manitoba, font-elles de grandes tournées? Est-ce que nos théâtres vont au Manitoba? Pourtant, il y aurait un grand intérêt de part et d'autre. On a beaucoup d'affinités avec les Ontariens, avec les Manitobains, avec tous les gens de la francophonie canadienne et entre nous, on ne se connaît pas. On fait venir les artistes du Québec, on va au Québec, on ne va pas beaucoup voir nos cousins.

Le sénateur Champagne: Je vous écoute parler de ce qui se passe à Radio-Canada. Malheureusement, même notre ministre responsable ne peut pas donner d'ordre précis à la douce société, même si c'est elle qui nomme le président.

Je pense que tous et chacun, si dans des occasions vous émettez des souhaits, à un moment donné peut-être qu'il y a certaines de nos paroles qui passeraient au travers, quelque part en dessous d'une porte ou je ne sais quoi, je ne sais où.

Vous avez parlé aussi, monsieur Albert et monsieur Lanteigne, d'une tournée de votre spectacle. Mais il n'y a pas de programmes au Conseil des arts pour faire ça? Il me semblait.

M. Albert: Il y a des programmes. On a regardé, je crois l'an passé, et selon les critères, disons que ce n'est pas simple de rentrer dans les critères.

Le sénateur Champagne: Simple? C'est sûr que cela ne peut pas être simple.

M. Albert: Et je pense qu'il devrait y avoir une certaine flexibilité. On lit souvent les programmes et tout ça, puis on se dit que ça a été fait pour les grands centres. Il y avait l'Office des tournées auparavant.

La présidente: Ah oui, c'est vrai.

M. Albert: Et l'Office des tournées, à ma connaissance, n'existe plus. Si je prends l'exemple de notre spectacle, disons, si on était une compagnie de théâtre établie c'est beaucoup plus organisé en ce qui concerne les tournées. Au niveau de la chanson, un spectacle musical, on...

Le sénateur Champagne: Le théâtre chanté, cela ne fait pas partie des critères.

M. Albert: C'est difficile. Et c'est là où Patrimoine canadien pourrait décider d'appuyer certains projets en régions, surtout des budgets pour des projets qui ne « fit » pas dans les programmes, mais qui sont de grands succès. Ici en Acadie, le spectacle Ode à l'Acadie a fait la pluie et le beau temps. Je ne suis pas sûr que la haute fonction publique au ministère du Patrimoine canadien est très au courant de notre spectacle à Ottawa. Par contre si les décisions étaient prises ici, pour nous et pour l'ensemble des joueurs culturels, je pense que ce serait beaucoup plus intéressant parce que les gens sont à proximité. Ils nous connaissent, ils ont vu nos spectacles, donc ils sont plus à même de nous appuyer.

Le sénateur Champagne: Je sais par exemple que si une galerie d'art en région prépare une exposition, ils auront davantage d'aide financière pour l'organiser dans la région si elle doit voyager par la suite.

M. Albert: Mais est-ce qu'ils l'ont rétabli dernièrement? Il avait été question de couper les dépenses pour justement le déplacement des oeuvres de galerie en galerie. Je ne le sais pas si ça a été rétabli. Je ne comprends pas pourquoi Patrimoine canadien n'a pas de programmes pour mieux connaître les Franco-manitobains, les gens de Terre-Neuve, afin qu'il y ait un échange. Que ce soit Québec, hors Québec, pour qu'on se connaisse vraiment entre minorités.

Le sénateur Champagne: Disons que c'est une des choses que nous espérons mettre de l'avant avec le rapport que notre comité prépare.Vous disiez tout à l'heure que pour telle ou telle chose, les politiciens ne s'en occupaient pas parce qu'il n'y a pas de votes.À mon humble avis, c'est une bonne raison de garder notre Sénat comme il est, on ne cherche pas les votes.

Le sénateur Losier-Cool: J'ai simplement une question pour madame Brideau. La Société culturelle des Tracadilles couvre quel territoire?

Mme Brideau: On dessert l'ancien district scolaire de Tracadie, qui est de Rivière-du-Portage jusqu'à Saint-Isidore, en passant par toutes les petites régions, Pont-Lafrance, Saumarez, Pont-Landry.

Le sénateur Losier-Cool: Et non jusqu'à Néguac?

Mme Brideau: Non, Néguac. Ici, c'est la société culturelle d'ailleurs.

Le sénateur Losier-Cool: Parce que hier, Mme Diane Leblanc, qui est de la Société culturelle Nepisiguit nous a parlé de toute sa grande région. Et elle a parlé aussi du manque d'infrastructure, que vous mentionnez vous aussi, être essentiel.

Mme Brideau: Oui.

Le sénateur Losier-Cool: Je sais que c'est un beau rêve et venant de Tracadie, je le souhaiterais moi aussi, mais est-ce qu'on peut avoir de grandes salles de spectacles à chaque coin de la Péninsule ou bien est-ce qu'il n'y a pas un danger de recommencer un autre débat? On ne pourrait pas faire un rassemblement culturel?

Mme Brideau: On essaie à l'occasion de faire des collaborations. On a déjà présenté avec la Société culturelle de Shippagan par exemple un spectacle à Lamèque. On a présenté avec Néguac aussi. On fait des collaborations, mais pour Tracadie-Sheila, c'est difficile. Les gens se déplacent, oui, mais on aimerait pouvoir leur présenter quelque chose dans leur région. Puis pour les écoles aussi; avec une polyvalente de 1 000 étudiants et une salle de spectacle de 200 places, il faut là présenter souvent la pièce ou le spectacle, donc c'est plus coûteux. On n'est pas équipé au niveau de la technique. Des fois ça nous coûte plus cher pour la technique que pour payer le cachet de l'artiste comme tel. C'est sûr qu'en ayant plusieurs salles dans la Péninsule, c'est un défi, mais je pense que d'avoir des bonnes salles, on peut avoir plus de choix de spectacles, et plus de bonne qualité. On serait moins limité.

Le sénateur Losier-Cool: Et c'est plus près du consommateur aussi.

Mme Brideau: C'est ça.

Le sénateur Losier-Cool: Est-ce que cette magnifique salle de culture qu'il y a à Caraquet, est accessible au reste de la Péninsule?

M. Albert: Je dirais que lorsque les gouvernements donnent des montants pour la construction d'équipements culturels, il devrait y avoir une obligation que ces lieux-là soient accessibles à la grande communauté et que des événements comme le Festival de musique, où on a toute la jeunesse qui prend contact avec la culture, et bien que ces équipements-là soient ouverts et le soient de façon presque gratuite pour ces organismes.

Que de voir le Festival de musique de Caraquet être présenté dans divers lieux inappropriés pendant qu'on a une salle qui a coûté trois à cinq millions de dollars, c'est un peu disons... Et je pense que lorsque les gouvernements font des constructions, surtout dans des petits milieux, il faut que les différents lieux soient multifonctionnels. Que ce soit une école, un palais de justice ou que ce soit n'importe quoi, il faut que les concepteurs à la base pensent: « O.K., l'utilisation principale, c'est ceci, mais est-ce qu'on a besoin d'une salle de réception? Est-ce qu'on a besoin de différentes choses que la communauté, à cause de son nombre, ne peut se permettre? » Je ne crois pas qu'on puisse avoir de grandes salles de spectacles de 1 000 places à tous les coins de rue.

Le sénateur Losier-Cool: Oui, d'accord.

M. Albert: Comme on a des camions de pompiers à tous les coins de rue. C'est un autre débat, mais je crois vraiment que les locaux doivent être multifonctionnels et accessibles à la communauté.

Le sénateur Losier-Cool: Une autre petite question bien simple. Avec tout le succès que connaît Ode à l'Acadie, vous commencez à avoir de l'argent?

M. Albert: Financièrement, je dirais qu'on réussit. Depuis le début, on a généré un million de dollars ou plus d'un million de dollars juste en recettes de guichet. C'est sûr qu'on ne pourrait pas fonctionner sans l'appui des gouvernements et des commanditaires, mais on commence à avoir des contrats intéressants. Cet été, on s'en va en France au Festival interceltique de l'orient. On négocie présentement avec une des plus grandes attractions touristiques de la France pour un autre séjour cette année. C'est très difficile à financer. Au niveau des artistes et tout ça, tant qu'on n'est pas rendu à un certain niveau, c'est très difficile et les coûts pour transporter 10 personnes en tournée et les équipements et tout ça, c'est assez onéreux, mais disons qu'on se tire d'affaire.

Le sénateur Losier-Cool: Je vous souhaite encore longue vie. Je l'ai vu quatre fois et je suis émerveillée chaque fois alors n'arrêtez pas.

M. Lanteigne: J'aimerais revenir sur un point que la sénatrice Losier a mentionné. Vous avez raison de dire qu'en régions, il faut être prudent de ne pas avoir de salles de spectacles à tous les coins de rue parce qu'on ne peut pas se le permettre. L'opposé à ça, c'est qu'on a aussi droit à notre part comme les grands centres par exemple.

Dans ma famille, mon père était en politique, il a été impliqué en politique pendant très longtemps puis il m'a toujours dit: « Comment ça se fait que les anglais du Sud en ont plus? » Et pas juste dans les grandes villes, dans les petites places aussi, tu sais? » Cela fait que finalement, on est tous égaux dans ce pays, et je n'ai pas honte qu'on fasse des demandes pour des choses parce que ce n'est pas que ça nous est dû, c'est que nous aussi on a le droit de faire une demande, comme ils font dans les grands centres. Alors dans ce sens-là, quand on parlait tantôt d'actes, de gestes concrets, de mesures positives, bien peut-être qu'on pourrait aller là un peu aussi. J'en conviens que c'est très délicat, mais je vous donnerais simplement un exemple de l'entreprise Google. Je lisais ça hier. On utilise Google tous les jours, mais dans leur entreprise, ils forcent l'erreur. Un employé qui ne fait jamais d'erreur, il est remercié parce que ça leur démontre qu'il n'essaie jamais de nouvelles choses. Qui ne risque rien n'a rien, hein? Chez Google, il faut qu'ils fassent un tel pourcentage d'erreurs dans les projets qu'ils entreprennent parce que cela démontre au « boss » qu'ils font des choses. Paul Marcel tout à l'heure, faisait allusion au fait que ce serait plus simple si les gens en régions avaient un certain pouvoir de décision. Ce n'est pas qu'on veut encourager nécessairement les mauvais investissements du gouvernement du Canada, mais moi je pense que les gens qui sont à Moncton par exemple, ont autant de capacités de décider que les gens qui sont à Ottawa. J'ai l'impression que ça pourrait être le genre de mesure positive qui ne demanderait pas nécessairement de très grands chambardements, mais qui évidemment demanderait des ajustements en termes d'attitude, parce qu'il faut accepter de laisser aller un petit peu de contrôle.

Le sénateur Corbin: Madame Brideau, j'ai votre texte sous les yeux et en référence au Festival Moisson d'ART, vous nous dites qu'il est subventionné par différents organismes: Présentation des Arts, Patrimoine canadien, le programme Festivals artistiques de la province, l'entente Québec-Nouveau-Brunswick et la Ville de Tracadie-Sheila. Alors, ma question naïve est la suivante: est-il plus facile d'obtenir un appui financier ou autre de la Ville de Tracadie-Sheila que de la province du Nouveau-Brunswick ou sous l'entente Québec-Nouveau-Brunswick?

Mme Brideau: Disons que oui, dans le sens que tout ce qu'on a besoin de soumettre à la Ville, c'est une demande écrite, puis on a la collaboration. On présente le Festival en partenariat avec la ville. Sauf que là, on vient d'avoir des élections, et je ne sais pas de quelle façon le nouveau conseil de ville va recevoir ça. La province, c'est assez simple et les demandes de subventions sont assez simples. C'est sûr que les montants sont moins importants, mais remplir les demandes de subventions est beaucoup plus simple ainsi que les rapports. C'est donc beaucoup plus facile et les agents sont très disponibles.

En ce qui concerne le ministère du Patrimoine canadien, les demandes sont assez complexes à compléter. C'est long. Pour vous donner un exemple, ma demande pour le Festival moisson d'ART 2008 a été envoyée le 1er avril 2007, et j'ai eu ma réponse au mois de mars 2008. Donc ça prend un an pour avoir une réponse pour un festival qui a lieu au mois d'octobre. Je ne peux donc pas confirmer d'artistes avant le mois de mars, je ne peux pas finaliser une programmation.

Le sénateur Corbin: Le montant est important?

Mme Brideau: Cette année, c'est 12 000 $. Ma demande pour le Festival moisson d'ART 2009 est envoyée depuis le 1e avril, et on me demande mille et une questions assez régulièrement, et je sais que j'aurai une réponse peut-être au mois de mars, c'est long et complexe. On nous appelle souvent pour des détails des budgets. C'est beaucoup de travail et c'est beaucoup de temps bénévolement; par exemple, moi je finis de travailler techniquement à la fin avril de chaque année pour la période estivale, mais l'été je dois toujours être disponible parce que je sais que Patrimoine ou d'autres ministères vont m'appeler pour avoir de l'information. Je dois revenir dans mes budgets et faire des rapports, répondre à des questions, ça fait que tout ce que je fais à partir du mois de mai de chaque année jusqu'au mois d'août, c'est bénévolement. Je ne suis pas la seule, tous les agents culturels c'est comme ça. On doit être disponible parce que je ne peux pas dire à Patrimoine: « Moi je suis au chômage, vous aurez votre réponse au mois de septembre. » Ça ne marche pas comme ça. S'ils veulent quelque chose aujourd'hui, il faut que je leur donne sinon ma demande va être rejetée ou encore retardée.

Le sénateur Corbin: Je voudrais aussi vous demander dans le cadre de la même question, étant donné que vous devez planifier aussi longtemps d'avance, est-ce qu'il y a, à l'intérieur du programme une possibilité de flexibilité? Si en cours de route vous considérez que vous devez changer votre angle d'attaque ou ajouter des éléments à votre programme pour l'année qui s'en vient, est-ce qu'on est réceptif à Patrimoine Canadien pour vous accommoder par exemple?

Mme Brideau: Oui, parce que c'est sûr que quand je fais ma demande, je ne demande pas seulement 10 000 $, je présente la programmation dont je rêve. Je me permets de rêver, puis quand je reçois les montants des subventions, je m'ajuste. Dans mes rapports, j'ai juste à dire pourquoi ma programmation a changé, ça peut être à cause des artistes, mais je me dois de présenter dans le festival toutes les formes d'art. Ce sont les artistes qui vont changer parce que des fois, la personne n'est pas disponible par le temps que j'ai pu confirmer et tout ça. Alors, ils sont réceptifs à ça, oui.

Le sénateur Corbin: Une deuxième question, si vous le permettez concernant Radio-Montréal. Vous avez touché une corde sensible là. Je suis entièrement d'accord avec ce que vous dites, cependant j'ai vu l'évolution de la radio de Radio- Canada régionale, et non seulement la radio, mais la télévision. Cette décentralisation de la production devait satisfaire les besoins communautaires, les besoins d'information de l'ensemble du Nouveau-Brunswick et des Maritimes francophones, y compris nos cousins éloignés de Terre-Neuve. Si je comprends bien, ce que vous cherchez à accomplir, c'est une plus grande visibilité nationale? C'est là que vous posez le grief dans vos relations avec la grosse boîte de Radio-Canada?

M. Albert: Oui, parce qu'on peut dire qu'au niveau régional, Radio-Canada fait un excellent travail. Radio-Canada Atlantique, que ce soit au niveau de la radio ou de la télévision, mais là où les Acadiens ont des griefs contre Radio- Canada, c'est vraiment lorsqu'on écoute les émissions nationales. Le nom, c'est Radio-Canada, mais dans le fond, on ne s'adresse pas à nous. On s'adresse aux Québécois. Et c'est surtout dans les émissions d'information.

Le sénateur Corbin: Est-ce qu'on ne devrait pas avoir à Montréal, puisque c'est la maison-mère pour les francophones, des Acadiens, des francophones des Maritimes? Dans un poste de commande au niveau du bureau de la nouvelle, au niveau de la culture, au niveau de ceci et de cela. Parce que c'est à ce niveau-là que se prennent les grandes décisions. Je ne parle pas des artistes qui sont en place. Mais c'est la politique qui fait défaut. Les talents sont là, mais il y a quelqu'un, il y a quelque chose qui bloque.

M. Lanteigne: Je pense qu'il faut reconnaître qu'il y a eu beaucoup de problèmes. Je suis relativement jeune, puis je m'en rends compte moi-même, et il faut le reconnaître. Il y a pas plus d'un an, j'ai rencontré quelqu'un dans un voyage à l'extérieur de la région puis il a dit: « Toi t'as un drôle d'accent, tu viens d'où? » Puis je lui ai répondu: « Bien, je viens de Caraquet, au Nouveau-Brunswick. » Il dit: « Ah oui? Vous parlez français au Nouveau-Brunswick? » C'était sa réaction. Et évidemment, il y aura toujours de l'ignorance sauf que quand Paul Marcel suggère que Bernard Derome vienne à Caraquet le 15 août là, il me semble que c'est l'évidence même. Qu'est-ce que cela ferait? Entre autres, ça nous aiderait au niveau de l'ouverture.

Le sénateur Losier-Cool: C'est un Acadien qui se promène partout dans le monde pour nous amener les nouvelles, que ce soit de Chine ou ailleurs.

M. Lanteigne: Michel Cormier, bien oui.

Le sénateur Losier-Cool: Il y en a un en tout cas là, et moi j'ai adoré ce gros spectacle sur l'Île-du-Prince-Édouard qu'on nous a présenté il y a quelques semaines, et je l'ai vu de chez moi. Ce sont les exceptions pour confirmer la règle.

M. Lanteigne: Oui.

La présidente: Alors sur ce, je pense que nous allons terminer cette table ronde. Alors, messieurs et madame, je vous remercie beaucoup de vos présentations. Je suis sûre que vous voyez que ça ne tombera pas dans les oreilles de sourds. Nous avons été très attentifs et nous continuons notre travail.

Chers collègues, nous accueillions maintenant M. Armand Caron de l'Acadie Nouvelle. Nous avons visité ce matin les installations de l'Acadie Nouvelle, donc nous avons une très bonne idée de là où vous venez. Cela nous fait vraiment plaisir de vous recevoir cet après-midi comme témoin. Je vous laisse immédiatement la parole monsieur Caron.

Armand Caron, éditeur, directeur général, l'Acadie Nouvelle: Je dois dire tout d'abord que les éditions d'Acadie Nouvelle de 1984 Ltd. sont propriétaires du quotidien l'Acadie Nouvelle et de l'imprimerie Acadie presse. Je vais reprendre vos paroles en disant tout d'abord merci de nous accueillir cet après-midi pour nous permettre d'échanger avec vous. Mais je voudrais également vous remercier le comité pour sa visite, même si elle a été éclair ce matin. À tout le moins, je considère toujours important, et je disais à mes gens aujourd'hui que même si c'est court, le fait d'avoir une image... je suis certain que lorsque vous entendrez l'Acadie Nouvelle, vous aurez une image en quelque part. Je pourrais vous faire le plus beau discours cet après-midi, mais d'avoir une image, je pense que ça vaut 1 000 mots. Donc, je vous remercie encore une fois d'être venus ce matin.

Je vais rappeler quelques faits entourant notre organisation. Et ensuite, je vous présenterai quelques défis que nous rencontrons comme organisation. Parce que nous avons deux divisions dans l'entreprise comme je mentionnais, dont le quotidien l'Acadie Nouvelle.

Donc je rappellerai que l'Acadie Nouvelle, c'est le seul quotidien de langue française et qui a pour mission d'informer, de divertir et d'être un outil rassembleur des communautés francophones et acadienne du Nouveau- Brunswick. C'est un quotidien régional fondé en 1984 par un groupe d'actionnaires de la région suite à la fermeture du quotidien l'Évangeline en 1982, et c'est devenu provincial en 1989. Donc en 2009, nous allons fêter le 25e anniversaire de fondation du quotidien l'Acadie Nouvelle. Et pour nous, c'est intéressant parce que ça coïncide également avec la tenue du Congrès mondial acadien dans la région, donc deux organisations qui seront en fête l'an prochain.

Notre quotidien est publié six jours semaine, soit du lundi au samedi. Il y a quelque 80 personnes qui travaillent à la division « journal » de l'entreprise. Notre distribution est de quelques 20 400 copies par jour aux quatre coins de la province, soit aux abonnés et par le biais de près 650 points de vente. Selon la dernière analyse de marché, nous rejoignons au-delà de 62 000 lecteurs quotidiennement. Quant à l'imprimerie, elle a été fondée en 1989 afin d'assurer l'impression, au départ, du quotidien l'Acadie Nouvelle. Acadie Presse est une imprimerie qui emploie 45 personnes. Elle dessert une clientèle de la Nouvelle-Écosse, de l'Île-du-Prince-Édouard et du Nouveau-Brunswick en passant par le Québec, entre autres la Gaspésie et les Îles de la Madeleine. Acadie Presse imprime des journaux, des produits commerciaux tels brochures, dépliants, affiches et autres. Et je vois entre autres que le sénateur Champagne a une petite brochure du Congrès mondial acadien qui a été imprimée chez Acadie Presse. Par ailleurs en passant, notre organisation est partenaire du Congrès mondial acadien. Je vous en parlerai brièvement tout à l'heure.

Donc évidemment, je vous parlerai essentiellement de la fierté de notre entreprise de produire, d'imprimer et de livrer quotidiennement le journal et d'autres produits pour d'autres clients à partir d'un milieu rural, soit la Péninsule acadienne. À travers tout ça, évidemment nous sommes très fiers de ce que nous sommes, mais évidemment nous avons comme toute organisation qui évolue des défis particuliers.

Le premier que je mentionnerai, c'est d'être un quotidien indépendant. Lors d'une présentation qui avait été faite en avril 2005 au Comité sénatorial permanent des transports et des communications, nous avions abordé la question de la concentration des médias au Nouveau-Brunswick et le défi que pose l'existence d'un quotidien indépendant pour une minorité de langue officielle face à une organisation qui possède tous les autres quotidiens et à grande majorité des hebdos, tant de langue française que de langue anglaise.

Le deuxième défi que nous avons c'est celui de vouloir couvrir une culture, mais d'avoir également des cultures régionales. Seul quotidien de langue française, nous visons à refléter la réalité de diverses régions, influencées chacune par des facteurs historiques, culturels, sociaux et économiques. C'est un défi de répondre au besoin du sud-est de la province, plus urbain, et qui a une tradition de lecture de quotidien anglophone, par rapport aux besoins du nord-ouest de la province, avec une longue tradition d'un hebdo et la pénétration des quotidiens Québécois à proximité, à côté des besoins du nord-est de la province et particulièrement de la Péninsule, qui n'a pas d'hebdomadaire. Les attentes de toutes les régions, incluant Saint-Jean et Fredericton, sont également particulières.

Un autre défi que nous avons c'est celui d'être en milieu rural, et particulièrement au niveau de la distribution du journal. Les abonnés et les points de vente sont dispersés aux quatre coins de la province et les coûts de livraison sont très élevés. Contrairement à d'autres quotidiens, la distribution se fait à l'aide de route motorisée au lieu de camelots à pied. Quotidiennement c'est plus de 8 000 km qui sont parcourus pour la distribution. Vous comprendrez que l'augmentation fulgurante du prix de l'essence actuellement crée des défis additionnels.

Un autre défi, c'est au niveau du traitement de l'information. À la mesure de ses capacités financières, l'Acadie Nouvelle possède une équipe de journalistes, collaborateurs et chroniqueurs dans les diverses régions pour refléter le mieux possible l'actualité régionale ou provinciale, qui soit dit en passant demeure notre priorité dans notre quotidien. Avec l'évolution des médias et du traitement de l'information, nous devons passer davantage au niveau du web et de l'édition électronique. Et dans ce contexte, nous devrions lancer au début de l'automne un nouveau site web à l'intérieur d'un portail qui visera à rejoindre le plus possible les francophones et Acadiens de par le monde, et particulièrement la région Atlantique.

Un autre défi que nous avons c'est celui du vieillissement du lectorat. Pour assurer la pérennité du journal, il faut développer des habitudes de lecture chez les jeunes. Et on sait, que c'est une génération davantage Internet que lecteur papier. C'est dans ce contexte que nous avons développé une entente de collaboration avec le ministère de l'Éducation du Nouveau-Brunswick permettant d'offrir quelques 1 000 copies du quotidien dans les classes de français et de sciences humaines, dans toutes les écoles francophones de la province. Le quotidien devient ici non seulement un outil de lecture, mais également un outil de renforcement identitaire et d'éveil à l'actualité. Il y eut une étude sur les habitudes de lecture chez les francophones, et on avait réalisé qu'il y avait très peu de francophones dans la province, chez les jeunes particulièrement, qui lisaient un quotidien.

Un de nos défis, c'est d'à la fois remplir notre mission sociale et d'assurer notre rentabilité. Je vous avouerai que ce sont deux facteurs qui ne sont pas toujours évidents à conjuguer. En termes de concurrence et de technologie également, à l'imprimerie particulièrement, nous faisons face à des concurrents majeurs. Ici dans les Maritimes, entre autres, il y a un imprimeur qui s'appelle Transcontinental, qui n'est quand même pas un petit joueur. Conséquemment, ça nous emmène à continuellement investir dans la technologie, dans les équipements de pointe pour être en mesure de soutenir la concurrence et répondre aux besoins des clients parce que s'ils vont vers un plus gros imprimeur et qu'ensuite on ne peut leur offrir les mêmes services, on risque de les perdre. Cela nous demande des investissements continus assez considérables également au niveau des technologies. Je dirais enfin que ce n'est peut-être pas un défi, mais pour nous ici, ce partenariat avec la communauté francophone et acadienne, il se traduit évidemment par la livraison d'un quotidien, mais il se traduit également par des partenariats que nous avons avec certaines organisations, et pour nous, c'est dans deux champs d'activité.

En ce qui a trait à l'art et la culture, premièrement, nous sommes un partenaire majeur du Congrès mondial acadien. C'est notre plus grosse commandite actuellement au niveau de nos investissements de promotion; et deuxièmement, dans le secteur des langues et de la culture, nous sommes partenaires de trois salons du livre qui se tiennent dans la province, soit dans la Péninsule acadienne, dans la région de Dieppe et dans la région d'Edmundston. Nous sommes partenaires également parce que nous considérons que ça fait partie de notre mission.

Le deuxième volet où nous sommes partenaires c'est tout ce qui touche l'éducation et la jeunesse. Donc de ce point de vue là, nous sommes également un partenaire majeur dans une activité qui est très importante pour la jeunesse acadienne, et ce sont les Jeux de l'Acadie. Comme je l'ai mentionné tantôt avec les distributions du quotidien dans les écoles, nous collaborons avec le ministère de l'Éducation. Cette année, nous avons introduit également un cahier jeunesse que nous distribuons gratuitement dans les écoles tous les mardis qui s'appelle Kaboum, sur lequel nous recevons beaucoup de commentaires positifs.

En conclusion, je voudrais réitérer mon appréciation au Comité sénatorial sur les langues officielles de s'être déplacé ici en régions. Souvent, on entend qu'on ne voit pas suffisamment en régions les gens des différents ministères et agences, et qu'on est obligé de se déplacer pour aller rencontrer les fonctionnaires et autres intervenants gouvernementaux. Je peux vous dire que votre visite est appréciée car cela nous permet de vous sensibiliser à notre réalité et de constater notre vitalité linguistique et culturelle. Il se passe beaucoup de choses. Quand on regarde seulement au plan culturel, on aimerait toujours en avoir plus, mais pour un milieu rural de 50 000 habitants, il se passe beaucoup de choses. On a beaucoup d'artistes qui font notre renommée à l'extérieur de la région. Et le quotidien l'Acadie Nouvelle, doit transmettre cela. Donc nous avons tous les jours des pages touchant la culture, les arts, les spectacles. Nous avons également toutes les semaines un cahier qui s'appelle l'Accent, sur la réalité des arts et de la culture en Acadie. C'est ma contribution parce que je dois dire qu'essentiellement, on traduit tous les niveaux d'activité quand on parle de culture.

Évidemment, la culture n'est pas uniquement artistique, c'est aussi l'économie et la politique. La culture, c'est une manière de vivre. À mon avis, notre manière de vivre elle se traduit dans différentes sphères d'activités et dans ce contexte-là, pour moi culture c'est plus large que le niveau artistique.

Je vous dirais que quand on prend le plan culturel dans son sens le plus communément compris, c'est arts et spectacles; c'est un secteur d'activités où les gens doivent prendre tous leurs sous pour organiser des activités, et donc en ont très peu pour faire de la promotion. On a un rôle à jouer à cet effet, celui de publier des pages au quotidien sans trop de publicité et tout ça. Cela fait partie de notre mission sociale.

La présidente: Merci beaucoup monsieur Caron. Dans votre budget annuel, vous avez évidemment à vendre des annonces publicitaires, cela représente quel pourcentage de votre budget environ?

M. Caron: C'est au-delà de 80 p. 100. En fait, disons que ce serait plus dans des défis particuliers. Les revenus, ils proviennent des abonnements de la vente du journal, et des revenus publicitaires. Dans ce contexte-là, je dois dire que nos abonnements sont plus forts dans la partie nord du Nouveau-Brunswick, la partie rurale; particulièrement la région Chaleur, la Péninsule acadienne. Notre noyau dur, il est là. Donc évidement, nous avons également Madawaska et la région de Dieppe. Mais quand on regarde l'activité économique, elle est davantage au sud de la province, donc elle est davantage urbaine. Je vous dirais qu'il y a une bonne part de revenus publicitaires qui vient de la partie urbaine.

La présidente: Les ministères fédéraux avaient l'habitude d'annoncer dans les journaux comme le vôtre ou le nôtre au Manitoba, lorsqu'ils avaient besoin de, par exemple, d'employés ou de nouveaux programmes, est-ce qu'ils le font encore?

M. Caron: Ils le font encore, mais je vous avouerai qu'il y a eu une diminution. Il y a des agences et des organisations nationales maintenant. Radio-Canada Atlantique annonce beaucoup sa programmation dans le journal.

La présidente: Et le ministère des Pêches et des Océans, à titre d'exemple, est-ce qu'ils annoncent de temps à autre?

M. Caron: Oui, ils annoncent de temps à autre. Lorsqu'il y a des changements de réglementation, c'est annoncé dans le journal effectivement. Mais en ce qui concerne, par exemple, des firmes comme Air Canada peut-être que le marché à Bathurst est trop petit. Si on se compare par exemple à des journaux comme La Presse ou Le Soleil, on n'est pas dans ces marchés-là.

La présidente: Et si vous compariez avec les journaux anglophones dans votre coin, le vôtre comparé à cela, est-ce que les ministères annoncent plus souvent dans les journaux anglophones que dans votre quotidien francophone?

M. Caron: Nous ne notons pas de différences majeures, donc c'est beaucoup plus les grandes entreprises anglophones qui vont annoncer dans les journaux anglophones.

Le sénateur Corbin: Monsieur Caron, vous n'êtes pas dans l'impression du livre, n'est-ce pas?

M. Caron: Non.

Le sénateur Corbin: De livres, comme poésie, romans et ces choses-là? Parce qu'hier nous avons entendu des porte- parole de deux maisons d'édition qui nous ont dit que les coûts d'imprimerie sont deux fois plus élevés au Nouveau- Brunswick qu'au Québec. C'est quoi la problématique?

M. Caron: En fait, je vous dirais qu'essentiellement, au niveau de notre entreprise, jusqu'à maintenant ça a été une question de choix de marché. On a opté de se concentrer sur l'impression des journaux et de produits imprimés commerciaux.

Le sénateur Corbin: Les rapports annuels?

M. Caron: Rapports annuels, brochures et journaux. On considérait à tout le moins qu'on avait peut-être plus d'opportunités de développement dans ce secteur.

Le sénateur Corbin: Serait-il exact de dire qu'il n'y avait pas assez d'eau au moulin pour rentabiliser une opération d'impression de livres chez-vous? Est-ce une partie du problème?

M. Caron: J'arriverais un peu à cette conclusion-là, du moins à court terme. Je ne dis pas que l'entreprise n'y sera jamais. Mais je vous dirais que l'imprimerie a 20 ans d'existence. Et elle a dû faire des choix.

Le sénateur Corbin: D'accord. Au niveau du partenariat avec le Congrès acadiens, les Jeux de l'Acadie, en quoi consiste votre partenariat?

M. Caron: Habituellement ces partenariats, ces ententes de collaboration, elles sont de deux niveaux. Je veux dire d'une part, elles peuvent être sous forme d'un investissement monétaire, c'est-à-dire qu'on verse une somme d'argent « X », et également elle est également en termes de services. Par exemple, on va avoir une entente où l'on va donner tant de milliers de dollars en publicité pour cette organisation. En contrepartie, il peut y avoir également des échanges que j'appellerais bilatéraux, où les organisations vont prendre l'engagement de faire imprimer leurs produits à notre imprimerie. Donc on essaie de plus en plus d'avoir ces ententes de collaboration parce qu'en tant qu'entreprise privée, nous devons regarder en termes d'investissement. Donc lorsqu'il peut y avoir des retours, on est très heureux. Dans le cas des Jeux de l'Acadie, du Congrès mondial Acadien, c'est ce type d'entente-là qu'on a avec eux.

Le sénateur Corbin: Je ne voudrais pas être indiscret ou vous demander de nous donner des informations qui ne sont pas publiques, mais à l'origine de l'Acadie Nouvelle, il y avait eu un fonds spécial d'établi pour aider l'Acadie Nouvelle à rentabiliser ses opérations, certainement pendant les premières années, est-ce que cet arrangement contractuel existe encore?

M. Caron: Oui. Afin de situer les membres du comité, il y a un fonds de dotation qui avait été mis en place dans les années 1980 pour un autre quotidien, défunt maintenant, qui s'appelait Le Matin.

Le sénateur Corbin: Vous avez raison.

M. Caron: Et lors de la disparition de ce quotidien, l'Acadie Nouvelle a fait une démarche pour voir auprès des gouvernements s'il y avait possibilité d'avoir un transfert du fonds de dotation, ce qui a été fait. Donc je vous dirais que depuis 1989, c'est un fonds qui est là, qui est fédéral-provincial, et qui est un fonds de dotation, où seul les intérêts peuvent être utilisés et à condition seulement d'assurer la distribution provinciale.

Autrement dit si demain matin l'Acadie Nouvelle ne desservait pas à l'échelle provinciale, le fonds de dotation perd une condition fondamentale, donc il serait effacé. Nous sommes certes bien heureux de disposer encore de ce fonds de dotation, mais je vous dirais que je vous ai parlé tout à l'heure des défis reliés à la distribution du journal, et actuellement le revenu tiré de ce fonds-là défraye environ 20 p. 100 des frais de distribution. Ce qui fait que si on regardait ça aujourd'hui d'un plan purement de rentabilité financière, certains diraient: « Il vaut mieux ne pas avoir le fonds et puis d'avoir une distribution plus restreinte. » Je vous avouerais que je ne partage pas cet avis, parce que je suis très fier d'être à la barre d'un quotidien provincial qui dessert tous les francophones et Acadiens de la province.

Le sénateur Corbin: Nous le sommes tous.

M. Caron: Sauf que je voulais juste mettre en contexte que ça existe toujours ce fonds de dotation, mais actuellement c'est un fonds crée en 1988, transféré en 1989. Et quand on connaît les rendements boursiers actuellement, vous comprendrez que le rendement a chuté d'à peu près de 300 p. 100 depuis le départ.

Le sénateur Corbin: Si vous me permettez une dernière chose, dans les défis que vous avez énumérés, il y en a un dont vous n'avez pas parlé, c'est le défi de satisfaire tous vos lecteurs tous les jours. À certains moments, j'en suis sûr, vous avez trop de nouvelles ou pas assez de nouvelles. Comment traitez-vous ce dilemme pour établir quand même un certain équilibre au niveau de l'information et de la satisfaction de vos lecteurs?

M. Caron: Je vous dirais que je n'ai peut-être pas été suffisamment explicite quand j'ai parlé d'un défi de culture et de sous-culture régionale. Et c'est peut-être ce que je voulais signifier par cela. C'est que notre mission est de desservir les francophones et Acadiens du Nouveau-Brunswick. Or quand on regarde ça dans le concret, le Nouveau-Brunswick est fait de réalités diverses, puis je dirais un peu morcelé finalement. Je vous avouerai qu'un de nos objectifs, c'est que l'on puisse devenir un lien entre ces diverses réalités-là.

Le sénateur Corbin: Rassembler les communautés.

M. Caron: J'ai étudié dans la région du Madawaska et mes connaissances là-bas, perçoivent l'Acadie Nouvelle comme le journal du bord de la côte. Ce n'est pas l'Acadie des terres et forêts. Quand on parle aux gens du sud-est, qui ont une culture de lecture de journaux anglophones, bien leur réalité c'est le Times and Transcript, qui est davantage d'émission régionale, qui traite davantage des enjeux de la région de Moncton, Dieppe et Riverview. Puis il y avait la Péninsule, dont les actionnaires initiaux étaient de la région ici, puis les gens de la région, ils disent: « C'est nous qui l'avons parti ce journal-là, donc on a des attentes d'être encore plus présents. »

Toutes ces attentes-là des diverses régions font partie de notre défi. Je vous avouerai que ce n'est peut-être pas tant l'abondance de nouvelles parce qu'à la rigueur je vous dirais que souvent, on a des nouvelles qui sont mises de côté. Il n'y a pas de pénurie de nouvelles. Par contre, c'est toujours les choix qu'on a à faire entre une nouvelle qui a une portée provinciale, qui touche toutes les régions, versus une nouvelle qui est peut-être plus de nature régionale ou locale.

Le sénateur Corbin: Merci beaucoup.

Sénateur Losier-Cool: Merci, monsieur Caron de venir et je dois vous dire aussi que je pense que mes collègues ont apprécié la visite éclair ce matin et c'est vrai qu'on a pu voir sur place cette vitalité, et c'est ce que je voulais. C'est cette réalité que je voulais leur montrer. Maintenant vous avez parlé de lecteur papier.

M. Caron: Oui.

Sénateur Losier-Cool: Les gens du Nouveau-Brunswick comme nous, qui vivons à l'extérieur, peut-on avoir des abonnements par Internet ou est-ce que c'est limité? Est-ce qu'il y a des abonnements avec l'accès Internet?

M. Caron: Avant de répondre directement à votre question, je vous dirais que ce qui est assez particulier avec l'Acadie Nouvelle quand on parle d'abonnement papier, c'est que contrairement à la tendance Nord-américaine, je vous dirais que depuis les trois dernières années, ça s'est maintenu, voire légèrement augmenté. Disons qu'on a un marché, un noyau dur. Par contre, je vous dirais qu'on souhaiterait toujours l'augmenter, mais on est bien conscient qu'avec l'évolution du traitement de l'information, on doit faire un virage vers le web et une édition électronique. Actuellement, il est possible d'avoir accès à une édition électronique, donc un abonnement à distance sur le web, et cetera. Mais je vous avouerais qu'on se prépare à l'automne à faire un « revampage » significatif pour, autant que possible, donner l'accès à une édition intégrale. C'est-à-dire que, lorsque vous verrez la une, la deux, la trois, qu'elle soit intégrale au plan électronique. Je ne veux pas donner le « scoop » là, mais au mois de septembre, c'est ce qui est envisagé.

La présidente: Monsieur Caron, je vous remercie beaucoup d'avoir pris le temps de venir nous rencontrer, même si nous vous avons rencontré brièvement ce matin.

M. Caron: Je vous remercie encore une fois madame la présidente, et j'espère avoir pu vous partager notre passion de fabriquer au quotidien un journal pour l'ensemble des Acadiens et Francophones du Nouveau-Brunswick.

Le sénateur Corbin: Est-ce que je pourrais au nom du comité vous féliciter, à l'Acadie Nouvelle et puis aux presses, pour l'organisation de vos bureaux. Je n'ai jamais vu un organisme aussi bien structuré. Qui évidemment marche sur des roulettes. Et j'ai été émerveillé par ça.

Le sénateur Losier-Cool: Votre personnel, non seulement les journalistes, mais les imprimeurs et tous ceux qu'on a vus, est-ce qu'ils sont plutôt de la région?

M. Caron: Oui, c'est surtout de la région. Je dirais peut-être que dans le domaine journalistique, beaucoup viennent du Québec, mais j'aurais pu vous en parler comme d'un défi aussi essentiellement en vous disant que de fabriquer un journal, de gérer une imprimerie en milieu rural avec des métiers et professions spécialisés, ce n'est pas de tout repos. Par contre, je vous dirai ceci, nous avons 125 personnes qui travaillent et beaucoup de gens n'auraient pas d'emploi dans la région si ce n'était de l'existence de cette entreprise, parce sans elle, ils devraient s'expatrier à l'extérieur, car il n'y a pas d'autre endroit pour être pressier dans une imprimerie. Donc moi je voudrais vous signaler l'importance économique de cette entreprise dans la région.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Caron.

M. Caron: Très bien. Bonne fin de journée et bonne fin de visite en Acadie.

La présidente: Nous recevons maintenant une personne qui a demandé à s'adresser au comité, une Acadienne qui a vécu une expérience tout à fait spéciale. Madame Marie-Claire Paulin, à votre demande, vous avez la parole. Il nous fait plaisir de vous recevoir.

Marie-Claire Paulin, à titre personnel: Madame la présidente, je désire remercier les membres du comité d'accepter d'entendre mon expérience personnelle. Je vous parle bien sûr de l'application de la Loi des langues officielles au niveau des institutions fédérales. Premièrement, si vous cherchez de la spécificité au niveau de peuple acadien, je pense qu'en venant ici, avec tout ce que vous entendez, vous pouvez constater qu'on est un peu placé spécial. Et surtout au Nouveau-Brunswick, la seule province bilingue au Canada. Tout d'abord, je suis ici de la machine à tricoter de culture de Mme Losier-Cool et du père Saulnier, qui est l'Académie Ste-Famille, une institution très importante pour le développement culturel de la région de Tracadie, d'où je viens.

Par une bonne soirée du mois d'avril 2000, je m'en revenais de Montréal, et je me suis fait arrêter sur la transcanadienne à la hauteur de Woodstock, au Nouveau-Brunswick, et je n'ai malheureusement pas pu me faire servir dans la langue de mon choix. Alors sachant que j'avais des droits, j'ai rencontré Me Michel Doucet. Chez les Acadiens, on est très persistants. Alors, j'ai rencontré Me Doucet, et puis j'ai dit: « Qu'est-ce qu'on fait avec ça? » J'étais convaincue que mes droits n'avaient pas été respectés, et avec cette conviction-là, tous les deux on a dit: « On va aller jusqu'au bout. » Et ce n'est que huit ans après que nous avons eu le résultat. Vous parlez d'essoufflement, c'est sûr au niveau bénévole et tout ça, mais de ma part, il y a eu de l'essoufflement au niveau juridique, au niveau des lenteurs. Je suis allé en Cour fédérale, j'ai d'abord gagné. Après ça, la GRC a mis la question en appel. Après ça, j'ai perdu l'appel. Donc, il a fallu se rendre en Cour suprême. On a des lois dans la Constitution canadienne qui protègent nos droits fondamentaux, qui est la langue, qui fait partie de la culture, cela va de pair. Comme le sénateur Chaput a dit, la langue et la culture, ça va vraiment de pair.

J'ai été vraiment étonnée de constater que dans ce qui m'est arrivé, on avait des droits. Par exemple, quand je suis rentrée au Nouveau-Brunswick, à Edmundston j'avais droit à 100 p. 100. J'arrive dans une région qui est majoritairement anglophone, tout d'un coup je perds mon droit. Je n'ai plus de droit. Donc c'est anormal sur le même territoire, un territoire qui se dit bilingue, qu'on ait des droits à un certain moment donné, et après on les perd sporadiquement et on les reprend.

Quand je sors de la région de Woodstock, je reviens à la région Fredericton, là je reprends à nouveau mes droits. Donc, c'est juste pour vous parler un peu de mon expérience et vous dire: « Bien, ça a été peut-être ma petite contribution, essayer de faire ce puzzle-là, ou d'avoir au moins des droits égaux sur notre territoire », et je devrais aussi faire la mention d'un autre acadien qui a fait beaucoup pour la cause de la langue officielle, c'est le juge Michel Bastarache, dont j'ai eu l'occasion de rencontrer. Il a eu l'occasion de se prononcer sur le jugement qui est en fait un peu son aigle à la communauté acadienne, car il s'agissait de la dernière cause de niveau linguistique qu'il a eu à traiter.

La présidente: Merci beaucoup madame Paulin.

Le sénateur Corbin: Pouvez-vous me parler du Programme de contestation judiciaire s'il vous plaît?

Mme Paulin: Actuellement, ça cause beaucoup de problèmes. Je ne pourrai pas vous en parler de façon juridique, mais ma cause n'est pas encore finie. Les juges de la Cour suprême s'étaient prononcés en faveur à ce que les dépenses soient normalement remboursées au programme de contestation judiciaire. Je suis la dernière bénéficiaire du programme de contestation judiciaire. Quand on a fermé mon dossier, on a fermé le compte. En ce moment, il y a un problème technique. On sait très bien où ils vont aller les dépenses, c'est pour payer les avocats, parce qu'une cause comme ça coûte quand même assez cher. On n'a pas eu tous les fonds qu'il fallait pour pouvoir aller jusqu'au bout du processus. Heureusement que j'avais des gens déterminés comme Me Michel Doucet et ses collègues qui ont décidé d'aller jusqu'au bout si on voulait faire valoir nos droits. Je pense que j'avais vraiment une bonne cause, et je l'ai prouvée dans ces années-là. Mais ça a été huit ans de doute, de frustration, de penser qu'on ne comprend pas vraiment que nous faisons partie de la minorité.

J'ai déjà vécu en Afrique où, par exemple, la minorité visible de se sentir dans un environnement où on est la seule blanche; on ne peut jamais décrire ça comme un exemple dans un environnement où on parle une autre langue, que ce soit chinois ou japonais. Si on n'a jamais vécu cette expérience-là, c'est très difficile pour un autre de se mettre à notre place et de voir comment on se sent. Moi je pense que je vais un petit peu plus loin que juste la question de la GRC sur la route. La GRC, elle a fait son travail. J'ai commis une infraction au code de la route, j'allais trop vite. Il a fait son travail. Il m'a donné une contravention, que j'ai payée et que je n'ai jamais reniée, mais je pense que cette décision-là va un petit peu plus loin que juste la Loi sur les véhicules automobiles. Je pense à la question des interventions de la GRC dans des problèmes de violence familiale, et pour bien des causes, ça va aider. C'est une institution fédérale telle qu'il se doit, quand elle intervient sur le territoire néo-Brunswickois, de nous offrir le service dans la langue de notre choix. Et c'est ce que j'ai été obligée d'aller reconfirmer en Cour suprême, et je trouve ça un petit peu aberrant.

Le sénateur Corbin: J'admire votre persistance.

Mme Paulin: C'est la réalité.

La présidente: Oui. Nous vous remercions madame Paulin, parce que tous ces gestes comptent.

Mme Paulin: Ce sont des petits gestes, ce sont des petites contributions.

Le sénateur Losier-Cool: Une page d'histoire pour les droits minoritaires.

Mme Paulin: C'est ça.

La présidente: Et peut-être pour terminer, lorsque je suis arrivée au Sénat, il y a cinq à six ans, il y avait un sénateur dans la personne du sénateur Beaudoin. Et je me souviens qu'il m'avait dit à un moment donné, j'avais fait un discours et puis sans m'en apercevoir j'ai utilisé des termes qui démontraient que je me sentais comme une minorité, mais je ne me souviens plus des mots. Et le sénateur Beaudoin était venu me voir et il m'avait dit: « Toi, n'oublie pas une chose, le Canada a deux langues officielles, l'anglais et le français, et répète-toi dans ta tête: Égalité de statut, égalité de droits ».

Et cela, il ne faut jamais l'oublier et c'est ce que vous avez fait. Alors madame, encore une fois merci beaucoup.

Mme Paulin: Je vous en prie, merci beaucoup.

La séance est levée.


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