Délibérations du Sous-comité sur la Santé des populations
Fascicule 2 - Témoignages du 11 décembre 2007
OTTAWA, le mardi 11 décembre 2007
Le Sous-comité sur la santé des populations du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui à 9 h 5 pour étudier les divers facteurs et situations qui contribuent à la santé de la population canadienne, appelés collectivement les déterminants sociaux de la santé.
Le sénateur Wilbert J. Keon (président) occupe le fauteuil.
Le président: Docteure Adshead, nous sommes vraiment impatients d'entendre ce que vous avez à nous dire car nous avons l'impression que nous pouvons en apprendre beaucoup en vous écoutant. Nous aurons des questions à vous poser quand vous aurez terminé.
Dre Fiona Adshead, directrice générale, Amélioration de la santé, ministère de la Santé du Royaume-Uni: Je vais commencer par répondre aux questions que vous m'avez déjà posées. Bien sûr, je serai heureuse de vous donner des détails sur tout autre point qui vous intéresse.
À la question de savoir comment coordonner l'action des différents ministères et organismes, le leadership du ministère des Finances, notre Trésor, a joué un rôle clé. En 2002, le Trésor a procédé à un examen général de l'administration publique, dans le cadre duquel il a étudié ce que chaque ministère ou organisme pouvait faire pour remédier aux disparités. Il s'est fondé, dans cet examen, sur l'étude réalisée par sir Donald Acheson, mais a considéré d'une façon particulière ce qu'il convenait de faire. L'examen a ensuite servi à évaluer les décisions de financement du cycle de dépenses suivant du gouvernement. Le rapport Cross-Government Action Plan to Reduce Health Inequalities avait été publié en 2003. Mes collègues du Trésor, qui n'ont pas pu venir cet après-midi, m'ont demandé de souligner que notre cycle de financement est basé sur des objectifs pangouvernementaux de prestation des services. Nous avons récemment modifié encore plus ces objectifs pour lier les ministères à une action commune contre les disparités.
Nous avions donc essentiellement une stratégie pangouvernementale qui imposait à chaque ministère d'agir. Nous nous sommes également entendus sur la question de la responsabilité publique grâce à la publication d'un rapport annuel qui fait le point sur les progrès accomplis dans la réalisation de ce plan d'action. Un comité scientifique indépendant, dirigé par sir Michael Marmot, examine ce plan et se sert de ce rapport pour formuler des commentaires sur l'action du gouvernement. Notre prochain rapport paraîtra au printemps 2008.
Voilà comment nous obtenons une action pangouvernementale. Depuis que nous avons commencé, nous avons recouru à des mécanismes pangouvernementaux pour coordonner les mesures prises. Les personnalités politiques se retrouvent au Cabinet pour discuter de la santé publique en insistant particulièrement sur les inégalités. À titre de directrice générale, je dirige un groupe de fonctionnaires, de concert avec mes homologues de Whitehall. Encore une fois, nous examinons ce qui est fait. À mesure que l'action gouvernementale progresse et que nous avançons dans le cycle de planification le plus récent, que nous venons juste de terminer, nous nous entendons avec les fonctionnaires sur la façon de poursuivre l'action commune contre les inégalités.
Est-ce que ce que nous nous engageons à faire compte? À part le rapport d'avancement que j'ai mentionné, le Trésor procède avec chaque ministère à un examen trimestriel des progrès réalisés par rapport aux objectifs. Au ministère de la Santé, nous produisons un rapport à l'intention du Trésor pour expliquer ce que nous faisons ainsi que les résultats attendus des mesures liées à l'éducation. Nous expliquons, par exemple, ce qui se fait en matière de niveau d'instruction. Par conséquent, le Trésor tient chacun d'entre nous responsable. À l'avenir, dans le cadre de notre nouveau cycle de dépenses et de nos objectifs de prestation, cela se fera par l'intermédiaire de conseils conjoints de programmes. Pour le moment, c'est ainsi que nous procédons.
Je vais maintenant passer à vos autres questions concernant les mécanismes dont nous nous servons pour faciliter la surveillance et la planification. Nous avons des objectifs à atteindre d'ici 2010 en matière d'espérance de vie et de mortalité infantile. Nous savons que beaucoup des mesures à prendre à cet égard doivent être mises en œuvre par nos administrations locales. Nous avons fait beaucoup, dans le contexte de nos multiples cadres de fonctionnement de niveau élevé, pour favoriser l'engagement envers une action commune. Notre système est très différent de celui du Canada en ce sens qu'au ministère de la Santé, nous avons des normes définissant ce que nous attendons du Service national de santé. Ensuite, nous expliquons en détail les résultats attendus au niveau local. Par conséquent, il appartient aux organisations de la santé de coordonner leur action avec celle des administrations locales. Ce que nous mettons en place est axé sur les grandes priorités de tous les services.
Les inégalités en matière de santé constituent l'une de nos quatre priorités de cette année. Nous avons conçu un outil de modélisation qui permet à nos commissaires de déterminer les interventions nécessaires à leur population au niveau local. Nous savons, par exemple, que pour réduire les décès prématurés dus aux maladies cardiovasculaires d'ici 2010, nous devons ouvrir l'accès au traitement de l'hypertension et amener les gens à réduire leur taux de cholestérol et à cesser de fumer. Cet outil et la trousse qui l'accompagne permettront cette intervention.
Notre ministère définit les priorités des administrations locales. Nous veillons ainsi à ce que les inégalités en matière de santé figurent en tête de leurs priorités. La planification à l'échelle locale a été harmonisée entre les hôpitaux et les administrations locales. À l'avenir, nous mettrons cela en évidence d'une façon plus claire dans le cycle de dépenses pour créer un ensemble unique d'indicateurs communs au gouvernement et dans le Service de santé. L'action contre l'inégalité, tout comme l'action dans les domaines du logement et de l'éducation, a des effets sur la mortalité. Nous insistons beaucoup sur l'action commune.
Le leadership politique a joué un rôle de premier plan pour permettre un examen général des mesures qui influent sur les disparités. Nous exerçons des pressions pour que cette question figure toujours en tête de liste. Notre ancien chancelier de l'Échiquier, qui est l'actuel premier ministre, ainsi que le premier ministre d'alors avaient constamment mis l'accent sur l'importance de ces disparités dans le contexte de la justice sociale. Nous consacrons beaucoup d'efforts et de ressources pour réunir des preuves à l'appui de cette thèse.
Nous avons attaché une grande importance à l'élaboration de pratiques locales communes fondées sur ce qui marche le mieux au niveau local. L'établissement d'un ensemble d'objectifs clairs au niveau national, pour l'ensemble de l'administration publique, a galvanisé l'action. Il est également nécessaire de disposer d'un mécanisme permettant de vérifier la prestation des services.
Même si nous avons mis tout cela en place, nous devons souligner qu'il reste encore énormément à faire. Nos derniers chiffres révèlent que nous ne faisons que commencer à réduire l'écart entre riches et pauvres sur le plan de la mortalité infantile. C'est la deuxième année consécutive que nous avons réussi à le faire.
Sur le plan de l'espérance de vie, le fossé se creuse à l'échelle nationale. Au niveau local, certaines régions ont réussi mieux que d'autres. Par conséquent, nous insistons davantage sur les mesures à prendre au niveau local. Nous constatons que le succès se fonde partout sur le partenariat et le leadership partagé.
Le président: Merci, docteure Adshead. Vous avez commencé votre exposé en disant que votre ministère des Finances a réussi à répartir les fonds d'une manière qui a uni les ministères.
Au Canada, notre situation est un peu plus complexe qu'au Royaume-Uni parce que nous avons un palier de gouvernement que vous n'avez pas. Nos provinces jouent un rôle particulièrement important dans le domaine de la santé. Toutefois, nous avons des situations locales qui varient considérablement d'une province et d'une municipalité à l'autre.
Pouvez-vous nous expliquer de quelle façon vous avez réussi à faire en sorte que votre politique financière marche à l'échelle locale?
Dre Adshead: Je comprends la différence entre nos deux systèmes. Pour notre part, nous nous orientons vers une plus grande décentralisation tout en veillant à ce que le gouvernement définisse les indicateurs de haut niveau pour l'action au niveau local.
Nous avons pris différentes mesures pour amener les administrations locales à accorder plus d'importance à cette question. Il serait peut-être utile que je vous décrive ces mesures.
Certaines autorités locales s'intéressent depuis longtemps aux inégalités en matière de santé. Quelques conseils ont obtenu d'excellents résultats à cet égard. Nous les avons appelés les «conseils phares». Ils ont pris l'initiative et ont fait preuve de leadership, prouvant ainsi à leurs collègues qu'une action efficace est possible. Cela a joué un grand rôle, d'une part, pour convaincre les politiciens de donner un appui sans réserve à ce programme et, de l'autre, pour mettre en évidence les interventions précises nécessaires pour investir au niveau local.
Nous avons procédé à un examen de notre objectif, il y a deux ans. Nous avons constaté que la plupart des secteurs étaient en principe engagés envers la justice sociale, s'attaquaient aux disparités et étaient disposés à faire les investissements nécessaires. Toutefois, ils ne savaient pas vraiment ce qu'il fallait faire ni quelles interventions auraient les plus grands effets.
Dans l'administration publique, nous avons redéfini ce qu'il y avait à faire dans chacun des domaines de la politique sociale. Nous avons clairement indiqué au Service de santé les interventions précises à faire. Le service pouvait prendre d'autres mesures, mais si les ressources ne permettaient de financer qu'un certain nombre d'interventions, il devait se concentrer sur celles-ci.
Nous avons mis au point des programmes de leadership. Nous avons un organisme national qui aide les administrations locales à réaliser leur programme. Nous avons collaboré avec cet organisme pour favoriser le leadership local en matière de santé et d'inégalités. Les administrations locales ont elles-mêmes produit des repères définissant ce qu'on peut considérer comme des résultats satisfaisants dans la lutte contre les inégalités en matière de santé. Elles procèdent à des autoévaluations fondées sur l'opinion de pairs pour déterminer si elles sont dans la bonne voie. Nous avons agi de façon à persuader les gens et à encourager le leadership.
Notre équipe nationale de soutien se compose de professionnels des administrations locales, du Service de santé et d'autres partenaires. Ces gens analysent ce qui a été fait et évaluent la situation locale, de concert avec l'administration locale et les collègues du Service de santé. Ils recommandent ensuite un plan d'action prévoyant les investissements à faire, en collaboration avec l'organisation locale.
Ce sont les principaux mécanismes qui devraient exister dans chaque collectivité. Nous insistons de plus en plus pour que les collectivités locales prennent leurs propres décisions au sujet de leurs besoins les plus urgents. De notre côté, nous avons essayé de définir des normes et un cadre clair, sur la base de ce qui produit manifestement les meilleurs résultats.
Le sénateur Cook: J'aimerais que vous nous expliquiez plus complètement la structure de votre Unité des inégalités en matière de santé et vos ententes locales. Les membres de l'unité agissent-ils comme facilitateurs ou bien ont-ils des pouvoirs? J'essaie d'établir le lien entre les deux niveaux de gouvernance pour voir s'il existe un choix.
Par ailleurs, faites-vous des évaluations des résultats? Enfin, quelle est la responsabilité du gouvernement national? Je répète que j'essaie d'établir des liens entre le sommet de la structure et la personne en cause.
Dre Adshead: Notre Unité des inégalités en matière de santé est une équipe basée au ministère de la Santé. Elle est chargée de l'élaboration des politiques et de l'appui à la mise en œuvre du programme de lutte contre les inégalités en matière de santé.
Nous examinons actuellement l'opportunité de renforcer l'unité en lui assurant une plus grande présence pangouvernementale. Notre principal ministre de la Santé examine actuellement les inégalités pour déterminer de quelle façon nous pouvons améliorer ce que nous faisons. C'est l'un des projets envisagés en ce moment.
Il y a d'autres cas, comme les changements climatiques et un autre projet que nous réalisons actuellement pour combattre l'obésité, où des fonctionnaires détachés pour constituer un leadership conjoint à l'échelle de l'administration publique ont produit des résultats probants. Ce modèle est donc à l'étude. C'est là que nous en sommes pour le moment. L'unité se compose au départ de fonctionnaires qui ont des compétences de base sur le plan de l'administration et des politiques, mais elle fait également appel à des experts et collabore très étroitement avec des universitaires pour examiner la stratégie.
Pour ce qui est des ententes locales, les administrations locales doivent en principe former des partenariats stratégiques locaux comprenant des représentants du secteur public, du secteur bénévole, des organisations communautaires et du monde des affaires. Pour nous, c'est un peu comme des chambres de commerce locales.
Au départ, il y avait les groupes de leadership stratégique. Plus récemment, on a demandé aux administrations locales de définir ce qu'elles comptaient faire dans une entente locale.
Les objectifs et les indicateurs locaux que j'ai mentionnés revêtent actuellement une grande importance car, dans le passé, on établissait des plans d'investissement parce qu'il fallait le faire. Aujourd'hui, nous demandons au Service de santé et aux administrations locales d'assumer la responsabilité des politiques ou de s'attaquer à l'obésité, de sorte que leurs investissements doivent être conformes à la stratégie. Ils sont jugés ensemble en fonction des résultats qu'ils obtiennent. C'est très différent de l'approche antérieure dans laquelle les partenaires tenaient une réunion et convenaient qu'il serait utile d'agir ensemble contre les inégalités. Aujourd'hui, les partenaires sont beaucoup plus responsables. Leur rendement et le jugement porté sur eux par les organismes de réglementation dépendent de leur action commune.
Pour les populations locales, nous avons produit des profils de santé des collectivités qui donnent aux habitants une idée de la situation de leur région par rapport aux autres sur les plans de l'obésité, du tabagisme et de l'espérance de vie, par exemple. Il s'agit d'un simple aperçu qui donne à la population locale la possibilité de porter un jugement sur ce que ses administrateurs font et sur les mesures de coordination qu'ils prennent.
La Loi sur les administrations locales impose aux autorités locales et au Service de santé de faire ensemble une évaluation stratégique des besoins de la population locale.
Les directeurs de la santé publique sont conjointement nommés au sein d'une administration locale et du Service de santé. Ils produisent un rapport annuel, dans lequel ils parlent des problèmes locaux qu'ils jugent importants et sur lesquels ils veulent attirer l'attention du comité de surveillance de l'administration locale. Ces comités de surveillance sont établis à l'échelle locale. Ils se composent de citoyens chargés de veiller à ce que les administrateurs agissent dans l'intérêt de la population locale.
Voilà donc un bref aperçu des ententes locales. J'espère que cela vous permet de mieux comprendre comment elles s'inscrivent dans l'architecture des administrations locales et des partenariats locaux.
Le nouveau cadre de fonctionnement que le ministre des Finances a établi — il s'agit de notre document de planification relatif au Service de santé — est de plus en plus axé sur les résultats. Notre entente de service public — c'est ainsi que nous désignons dans notre jargon ce que le ministère de la Santé s'est engagé à faire auprès du ministère des Finances — prévoit de dispenser de meilleurs services de santé et de bien-être social à tous, sur la base d'indicateurs très précis, dont une quarantaine s'appliquent à l'échelle locale. Nous sommes jugés au même titre que les administrations locales et le Service de santé. Obtenons-nous des améliorations dans tous les groupes d'âge et pour toutes les causes au niveau local? Nous sommes responsables de la contribution des résultats locaux aux résultats nationaux. Notre rapport d'avancement examinera les inégalités et les reliera à ce que nous faisons pour réduire l'écart sur le plan de l'espérance de vie, par exemple.
Cela se répercute ensuite sur la façon dont nous sommes tenus responsables à l'échelle nationale. Bref, si ce que nous faisons à l'échelle nationale ne se reflète pas dans les résultats obtenus par les administrations locales, nous n'atteignons pas l'objectif de prestation attendu. En un sens, c'est ainsi que cela fonctionne.
La responsabilité à l'échelle nationale est établie par la réponse à la question suivante: avons-nous obtenu les résultats que nous avions promis d'atteindre? Cela se fait par l'intermédiaire des comités politiques du Cabinet, comme je l'ai déjà expliqué.
Pour déterminer les effets au niveau individuel, nous essayons de comprendre la situation des populations locales. J'ai mentionné que nous pouvions atteindre nos objectifs. Pour le faire, nous sommes allés dans les collectivités pour interroger les gens sur leur propre expérience en ce qui concerne les décès prématurés. Nous avons constaté qu'il y avait une certaine attitude de résignation. C'est triste à dire, mais les gens des collectivités défavorisées trouvaient qu'il était parfaitement normal de mourir dans la quarantaine ou la cinquantaine.
Nous essayons donc, pour chacun des aspects de notre politique, comme la lutte contre le tabagisme, de connaître l'expérience des gens dans les collectivités défavorisées. Nous souhaitons comprendre ainsi où il faut commencer, comment inciter les gens à cesser de fumer et de quelle façon éliminer les obstacles à la prestation des services.
Nous avons essayé de réfléchir non seulement à la façon de faire les choses à l'échelle nationale, mais aussi aux moyens d'adapter nos services pour faire le lien entre les grands changements macroéconomiques liés à la réduction de la pauvreté chez les enfants et l'amélioration de l'accès aux services publics.
Le sénateur Cook: Disposez-vous de renseignements factuels ou d'évaluations de vos résultats?
Dre Adshead: Oui. Le rapport d'avancement produit chaque année par notre comité scientifique fait le lien entre nos résultats et les effets que nous leur attribuons sur les réalités sociales. Par exemple, quand nous réussissons à réduire l'écart au chapitre de la mortalité infantile, le comité nous demandera pourquoi, compte tenu de la diminution de la pauvreté chez les enfants, nous n'avons pas réduit davantage l'écart.
Toutes les interventions que j'ai mentionnées, comme le programme destiné à prévenir les décès prématurés dus aux maladies cardiovasculaires, sont basées sur les meilleures données disponibles quant aux mesures les plus efficaces. Notre Institut national de la santé, qui examine ces données, considère également les inégalités. J'ai en outre étudié la documentation spécialisée concernant, par exemple, les moyens d'inciter les gens des collectivités défavorisées à cesser de fumer. Nous essayons constamment d'obtenir des données plus précises, mais nous tentons en même temps d'adapter nos objectifs en fonction des succès et des échecs enregistrés.
Le sénateur Cochrane: Docteure Adshead, vous semblez avoir une excellente organisation et de très bons contacts avec les différents ministères et organismes, ce que je trouve vraiment remarquable. J'espère que nous aurons nous- mêmes un certain succès.
Vous avez déjà répondu à beaucoup de mes questions, mais je voudrais savoir quels facteurs ont contribué à l'adoption de cette politique pangouvernementale.
Dre Adshead: Lorsque le gouvernement travailliste a pris le pouvoir, il y a un peu plus de 10 ans, il avait promis de s'occuper de la question des inégalités en matière de santé et de la justice sociale. Si vous considérez l'ensemble de la politique gouvernementale, vous constaterez que le plan d'action pangouvernemental sur les inégalités en matière de santé s'appuie sur toute une gamme de mesures destinées à remédier aux disparités sociales.
Le niveau d'instruction des groupes défavorisés constitue un important indicateur. Le ministère de l'Éducation a tout un éventail de politiques axées sur ce résultat. En un sens, elles sont appuyées. La volonté politique était pour nous un facteur absolument essentiel. Un autre facteur important a consisté à réunir tout le monde pour examiner les faits. Je ne saurais trop insister sur l'importance de l'examen par le ministre des Finances et le Trésor de la situation et de ce que chaque ministère devait faire. En un sens, cela rassemble les gens autour d'une solution commune. Bien entendu, si les objectifs et les indicateurs de chaque ministère ainsi que les crédits qu'il obtient sont liés à cela, tout le monde se sent concerné. La volonté politique d'agir, des données factuelles communes et des objectifs axés sur le but fondamental du ministère jouent un rôle essentiel.
Il importe cependant de souligner que d'autres ministères ne pensent pas nécessairement que certains de leurs objectifs, qu'il s'agisse de normes d'éducation ou de lutte contre la pauvreté, sont liés aux inégalités en matière de santé. Ils peuvent plutôt croire que ces objectifs font partie de leurs fonctions de base.
Le truc, comme je l'ai appris, consiste à présenter les inégalités de telle façon que les collègues puissent se dire: Si je contribue à la réalisation de cet objectif, je pourrai en même temps me rapprocher des normes que je vise en matière d'éducation. Finalement, tout le monde y gagne parce que l'état de santé de la population, qui est l'objet de la lutte contre l'inégalité, constitue l'objectif de base du ministère de la Santé. Toutefois, il ne représente qu'un objectif secondaire pour un ministère qui s'occupe d'éducation, quels que soient les efforts déployés par le gouvernement dans son ensemble pour combattre les inégalités.
Il est très important de voir de quelle façon chaque ministère peut agir. C'est l'une des raisons pour lesquelles, quand nous avons révisé les objectifs, il y a deux ans, nous avons compris qu'à moins d'intéresser les autres ministères à l'objectif commun, nous ne pourrions pas en arriver aux résultats voulus.
Une nouvelle matrice de rendement — notre examen global des dépenses — permet de réaliser la convergence qui avait manqué auparavant en imposant à chacun de faire quelque chose en vue d'un objectif commun. Dans le passé, chacun fournissait sa petite part de son côté. Bien entendu, nous ne savons pas encore si nous arriverons ainsi à vraiment améliorer la situation parce que nous n'en sommes qu'aux premiers stades et que nous venons tout juste d'entreprendre ce cycle budgétaire.
Le sénateur Cochrane: Est-ce que certains ministères ont tout simplement dit qu'ils ne voulaient pas participer à l'étude?
Dre Adshead: Je n'étais pas là au moment de l'examen de 2002. Je ne peux donc pas vous répondre. Néanmoins, si le Trésor dit à un ministère de faire une chose, le ministère obtempère. Cela faisait l'objet d'une entente au niveau politique, qui s'étendait à tous les ministères.
Le sénateur Cochrane: Je suppose que vous avez un vrai chef.
Vous avez parlé de 12 indicateurs nationaux. Avez-vous dû ajouter d'autres indicateurs plus tard?
Dre Adshead: Oui, nous avons perfectionné les indicateurs. Nous avons un cycle de dépenses tous les deux à trois ans. Cette fois-ci, nous avons affiné les indicateurs en fonction de notre expérience. Auparavant, nous demandions aux gens du niveau local de suivre les chiffres d'espérance de vie. Toutefois, le laps de temps qu'il y a entre les mesures prises par le Service de santé ou l'administration locale et la prestation des services que les changements mesurés dans l'espérance de vie n'ont plus beaucoup de sens compte tenu de l'évolution de la population locale. Nous avons donc adopté des objectifs fondés, par exemple, sur les chiffres globaux de mortalité pour tous les âges et toutes les causes, qui sont beaucoup plus actuels et davantage liés aux mesures prises à l'échelle locale.
Chaque fois que le ministère des Finances décide de la répartition des fonds, il choisit aussi les indicateurs. L'examen des objectifs relatifs aux inégalités que nous avons réalisé ensemble il y a près d'un an a servi de base dans le cycle de dépenses actuel.
Le sénateur Cochrane: Je m'intéresse aux progrès que vous avez réalisés sur le plan des mesures. Avez-vous réussi à mesurer avec précision les progrès à l'aide des indicateurs que vous avez choisis?
Dre Adshead: C'est une très bonne question. Je viens de vous expliquer de quelle façon nous avons choisi des indicateurs plus actuels et mieux liés à l'action locale, comme la mortalité toutes causes confondues. Le problème des indicateurs nationaux, comme l'espérance de vie ou la mortalité infantile, c'est qu'il est très difficile d'établir les relations de cause à effet. C'est la raison pour laquelle nous avons essayé d'obtenir des chiffres au niveau local, afin de déterminer à quels endroits les objectifs sont atteints, à quels autres ils ne le sont pas et d'examiner les méthodes de prestation correspondantes.
Nous utilisons les meilleures données pour déterminer, à l'aide de modèles, les mesures qui ont les plus grands effets. Nous savons par exemple que l'espérance de vie des fumeurs constitue le facteur qui contribue le plus à l'écart enregistré dans les chiffres d'espérance de vie. Nous savons que c'est vrai. Au niveau local cependant, on peut se demander si le tabagisme pose un plus grand problème dans certaines collectivités que dans d'autres.
Nous avons donc essayé de modéliser les choses à l'échelle nationale, puis de descendre à l'échelle locale. Comme vous le savez bien, la difficulté de tout indicateur, c'est qu'il ne mesure qu'un élément, alors que de nombreux autres facteurs peuvent avoir contribué au succès. Lorsque notre équipe nationale de soutien réalise un examen au niveau local, il étudie des choses telles que le degré d'engagement de la collectivité, la force du partenariat établi et la mesure dans laquelle les services locaux sont effectivement liés aux inégalités. Il arrive souvent que les objectifs ne soient pas atteints par suite de problèmes systémiques, d'un manque de leadership ou d'autres facteurs que vous connaissez sans doute. Il est toujours possible de mesurer à un niveau élevé, mais il faut aller au-delà des chiffres pour comprendre ce qui se passe réellement.
Le président: J'aimerais vous demander plus de précisions au sujet de l'éducation. Madame le sénateur Fairbairn s'intéresse à cet aspect parce qu'elle a consacré beaucoup du temps qu'elle a passé au Sénat à s'occuper d'alphabétisation. Même dans la mosaïque complexe du Canada, il est possible de mesurer les niveaux d'instruction. Nous pouvons déterminer le nombre de personnes qui ont fait des études primaires, secondaire et postsecondaires. Si nous pouvions recourir à l'une de vos trousses d'outils au niveau local, nous pourrions mesurer les effets des interventions sur l'éducation locale.
Avez-vous quelque chose à dire à ce sujet? Le sénateur Fairbairn aura d'autres questions dans quelques instants.
Dre Adshead: Je dois d'abord dire que je ne suis pas une spécialiste de la politique d'éducation. Pour le moment, nos trousses d'outils sont axées sur ce que notre Service de santé peut faire. Elles ne ciblent pas l'éducation en soi. Le genre de travail que nous avons accompli de concert avec le Département des enfants, des écoles et des familles concernait l'alphabétisation et la compréhension de la notion de santé. Nous avons en Angleterre un problème d'analphabétisme dans la population adulte. Nous savons que l'une des raisons pour lesquelles les gens ne se font pas soigner ou ne s'adressent pas aux services de santé est qu'ils n'en comprennent pas le besoin, ne sachant pratiquement pas lire et écrire. Nous avons donc essayé d'établir un lien entre l'alphabétisation des adultes et la santé parce que, d'habitude, les gens s'intéressent beaucoup à leur état de santé. C'est souvent un moyen de déstigmatiser certaines interventions éducatives. C'est l'une des approches auxquelles nous avons eu recours. D'une façon générale, le ministère de l'Éducation a toute une panoplie de politiques destinées à améliorer les chiffres de mathématiques, de lecture, etcetera. au niveau local. Pour les groupes défavorisés, c'est l'indicateur que nous utilisons à l'échelle nationale.
Nous essayons actuellement de recueillir de l'information sur la façon de faire de la modélisation économique dans le contexte de la politique sociale pour déterminer les liens entre différents facteurs. Nous pourrions ainsi déterminer, par exemple, si la lutte contre la drogue et l'alcool dans une collectivité locale peut améliorer l'état de santé général et réduire les taux de criminalité. Nous examinons les contributions relatives que révèle cette modélisation.
Les données recueillies à l'échelle internationale confirment la grande importance du rôle de l'éducation. La Commission sur les déterminants sociaux de la santé, que vous connaissez, a classé l'éducation parmi ses principaux secteurs d'intérêt.
Le sénateur Fairbairn: Vous ayant écoutée avec beaucoup d'attention, je suis vraiment impressionnée par la façon dont vous vous attaquez à deux problèmes très difficiles, la santé et l'alphabétisation.
Je sais que la Grande-Bretagne a fait ces dernières années un travail extraordinaire dans le domaine de l'alphabétisation parce que vous avez compris qu'à moins de combattre l'analphabétisme, il est très difficile de persuader la population de participer à ces importantes initiatives. Je suis curieuse de savoir dans quelle mesure les gens de différents groupes d'âge peuvent apprendre dans votre pays et dans le nôtre. Ce n'est pas comme un projet scolaire. C'est autrement plus difficile.
En particulier, quels programmes avez-vous pour les aînés? Il est très difficile pour eux de vivre à l'ère moderne s'ils sont peu alphabétisés et ce, en dépit des meilleures intentions du gouvernement et de tous les efforts qu'il déploie dans le domaine de la santé.
Comment réussissez-vous à joindre les gens sur le terrain pour agir auprès de ce groupe? Je pense aussi bien aux aînés qu'aux jeunes parents qui élèvent des enfants. Pour les aînés, la vie, la santé, etcetera. constituent des questions fondamentales. À l'autre extrémité, il y a les jeunes parents qui peuvent connaître de grandes difficultés à cause d'un faible niveau d'alphabétisation.
Dre Adshead: Dans le domaine scolaire, nous avons adopté certaines des approches de l'OMS en instituant le Programme national des écoles saines. Nous avons pour objectif de rendre toutes les écoles saines d'ici 2009. Nous avons récemment relevé la norme à cet égard. Qu'est-ce qu'une école saine? C'est une école où l'on a pris des mesures renforcées en matière de régime d'alimentation, de nutrition, d'activité physique, d'éducation personnelle, etcetera. Nous créons ainsi un cadre qui nous permet de mettre en œuvre d'autres politiques visant à améliorer les capacités de lecture, d'écriture et de calcul dans les écoles primaires et secondaires. Nous essayons d'assainir tout l'environnement scolaire, aussi bien pour les élèves que pour les enseignants.
De plus, nous avons un programme scolaire élargi dans le cadre duquel les écoles réfléchissent au rôle qu'elles peuvent jouer dans la collectivité et à l'aide qu'elles peuvent donner aux familles. Ainsi, les parents ont la possibilité de participer à la promotion de la santé.
Vous avez raison, il est assez difficile d'amener de jeunes parents à comprendre que les problèmes de santé sont liés à l'alphabétisation. Certains de nos programmes de santé sont en fait axés sur une approche de «mères communautaires» fondée sur les éducateurs de pairs. Cette forme d'éducation est liée aux mères, ce qui, dans l'ensemble, améliore la santé et facilite la compréhension, notamment en matière de lecture et d'écriture. Nous avons quelques programmes ciblés dans le cadre des programmes Skills for Health de santé-alphabétisation visant les parents.
D'une façon plus générale, nous avons cherché à concevoir des messages de promotion de la santé qui aient un sens pour les collectivités défavorisées. Nous avons récemment lancé une campagne pour sensibiliser les mères des collectivités défavorisées à une alimentation saine.
Les conseils donnés n'auraient pas convenu à une famille relativement aisée. Il s'agissait de comprendre les obstacles qu'affrontent les familles démunies et d'adapter les messages de promotion de la santé à leur situation particulière en tenant compte du niveau moyen d'alphabétisation dans les collectivités en cause.
De plus, une partie de notre travail en promotion de la santé nécessitait de comprendre où les gens commencent dans la vie. Cela aussi était lié à l'alphabétisation.
Pour ce qui est des aînés, les programmes d'alphabétisation ne font pas de distinctions selon l'âge. Les approches adoptées, notamment en matière de maladies chroniques, tendent à favoriser l'autotraitement et les moyens d'apprendre aux gens à prendre soin d'eux-mêmes.
Nous avons pris des initiatives telles que le Programme du patient expert, qui vise essentiellement à apprendre aux gens à soigner leur propre maladie. Une grande partie du travail accompli dans le contexte des collectivités saines a consisté à aider les aînés à préparer et à présenter des aliments. C'était encore une fois un processus d'habilitation tendant à augmenter les connaissances dans la collectivité, en commençant à un niveau assez élémentaire. Il s'agit, par exemple, d'expliquer que des pantoufles trop grandes ou trop petites peuvent entraîner des chutes, qu'il est important d'avoir un éclairage suffisant la nuit, etcetera. Les programmes d'action conjoints que j'ai mentionnés ont permis de prendre des mesures pour introduire des changements adaptés aux personnes âgées, qui les persuadent de participer. Il s'agissait donc non de les forcer à faire certaines choses, mais de les amener à les faire d'elles-mêmes.
Ce sont là quelques-unes de nos approches. Je ne sais pas si vous trouverez ces renseignements vraiment utiles.
Le sénateur Fairbairn: Ils sont très utiles. Je trouve aussi votre réponse très énergique. Je regrette de dire que nous n'en sommes pas à ce niveau dans notre pays. Bien sûr, le Canada étant très vaste, il est difficile de toucher tout le monde.
Le travail que vous faites dans les écoles et auprès des parents me semble extraordinaire. Je m'inquiète cependant des aînés qui, très souvent, ne vivent pas dans un environnement familial. C'est d'eux que je me soucie le plus. Ils en sont à une étape de leur vie où la santé et tout ce qui l'entoure, comme les ordonnances et les choses à faire, jouent un rôle critique.
Avez-vous dans votre programme un élément visant particulièrement les aînés chez eux, afin de veiller à ce qu'ils disposent des renseignements de base qu'il leur faut pour mener une vie décente?
Dre Adshead: Cela déborde le cadre de mes responsabilités, mais nous avons essayé dans les dernières années de coordonner les soins de santé et l'aide sociale pour les aînés. Nous voulons ainsi obtenir une évaluation plus globale de leurs besoins pour en arriver à des solutions adaptées qui les aident vraiment dans leur vie quotidienne. Notre ministre a récemment annoncé que les personnes âgées auraient la possibilité de décider elles-mêmes de l'affectation des ressources qui leur sont attribuées. Par exemple, si elles veulent de l'aide pour faire leur ménage, elles peuvent utiliser l'argent à cette fin.
Nous avons donc ces programmes destinés particulièrement aux aînés vulnérables dans les collectivités. Ils ne font pas partie du programme visant les inégalités, mais s'inscrivent plutôt dans les initiatives générales du gouvernement en faveur des personnes âgées.
Le sénateur Fairbairn: Merci beaucoup.
Monsieur le président, il serait intéressant d'obtenir, si possible, de notre témoin de la documentation sur les moyens mis en œuvre dans ce domaine. Je sais que la Grande-Bretagne s'occupe bien de ses aînés. C'est plus difficile au Canada à cause de l'étendue du pays.
Le président: Le bureau de Dre Adshead a remarquablement bien collaboré avec nous sur le plan de la documentation. Je suis sûr qu'elle nous fournira également tout ce qu'elle pourra trouver dans ce domaine. Je prendrai contact avec elle plus tard au sujet de cette information.
Le sénateur Brown: Pouvez-vous nous donner une idée du temps moyen d'attente des patients entre le diagnostic et le traitement ou l'intervention chirurgicale pour les douleurs chroniques et les problèmes du genou, de la hanche, des articulations et du dos, par exemple?
Dre Adshead: Le gouvernement s'est efforcé de réduire les temps d'attente dans les dernières années. Notre politique sur les priorités vise à réduire l'attente dans tous les cas à 18 semaines entre la première visite du patient et le traitement.
Je ne me souviens pas exactement du point où nous en sommes actuellement, mais nous progressons bien. Nous devrions pouvoir atteindre une norme nationale d'ici deux ans. Il faut pour cela coordonner beaucoup d'activités, comme le diagnostic et toutes les autres choses qui retardent le traitement.
Je sais que beaucoup ont l'impression que les temps d'attente sont longs en Angleterre. Voilà pourquoi nos ministres ont déployé tant d'efforts pour réduire l'attente.
Le sénateur Brown: Pouvez-vous nous dire quels pourcentages du budget britannique de la santé vont respectivement à l'administration et aux professionnels, médecins et infirmières, qui soignent les patients?
Dre Adshead: Je crains de ne pas pouvoir le faire de mémoire. La plus grande partie du budget est consacrée aux soins. Je peux vous trouver les chiffres, mais je sais que, par rapport à d'autres pays, notre part du budget qui va à l'administration est relativement petite.
Le sénateur Brown: Certains de vos traitements ont acquis une renommée mondiale, comme le resurfaçage de la hanche de type Birmingham qui permet de traiter l'arthrose de la hanche. Je connais des Albertains qui sont allés se faire opérer la hanche en Angleterre et qui ne tarissent pas d'éloges sur les soins qu'ils ont reçus.
J'aimerais savoir si ce traitement est offert au grand public à Birmingham. Si on veut se faire opérer la hanche rapidement, peut-on le faire?
Dre Adshead: Les gens sont soumis à la règle des 18 semaines d'attente que j'ai mentionnée. Cela dépend surtout de leur commissaire local.
Le sénateur Pépin: Bonjour. Je vous remercie de bien vouloir nous parler de votre expérience et de vos succès.
En Suède et au Québec, la loi impose de procéder à une évaluation des répercussions sur la santé chaque fois qu'une nouvelle loi ou un nouveau règlement sont proposés. Pouvez-vous nous dire si de telles évaluations sont exigées dans le cadre de votre programme d'action? Si oui, combien d'évaluations ont été faites depuis que le programme a été annoncé?
Votre organisme s'occupe-t-il activement de l'évaluation des répercussions sur la santé?
Est-ce que le ministère de la Santé ou un autre organisme aide les ministères qui doivent faire des évaluations?
Comment faites-vous pour que les organismes qui ne s'occupent pas de la santé prennent ces évaluations au sérieux et ne les considèrent pas simplement comme une démarche administrative supplémentaire à entreprendre après l'élaboration des politiques et des programmes?
Dre Adshead: Le gouvernement s'était engagé, dans son livre blanc de 1999 sur la santé publique, à évaluer les répercussions sur la santé de toutes les politiques de l'administration publique. En réalité, rien n'a vraiment changé. Par conséquent, en 2004, lorsque nous avons présenté notre livre blanc de suivi sur la politique du gouvernement en matière de santé publique, nous avons également pris un engagement à cet égard, mais nous avons cette fois confié au bureau du Cabinet la responsabilité de coordonner l'évaluation des politiques.
Le dépôt d'un projet de loi au Parlement déclenche un processus réglementaire d'évaluation des répercussions. Dans le cadre de ce processus, on détermine la façon dont la mesure législative influera, par exemple, sur l'ensemble des ministères et des entreprises. À ma connaissance, aucun ministère ne considère la santé comme un élément prioritaire dans l'élaboration de ses politiques. Il ne s'agit que d'une pratique exemplaire. Les ministères ne sont pas tenus de le faire. Nous avons examiné les ressources qui seraient nécessaires et avons discuté avec les responsables de l'école de la fonction publique de ce que l'évaluation implique. Nous y avons donc pensé. Il faudrait disposer de ressources pour donner des conseils concernant les répercussions des politiques sur la santé.
Si je dois évaluer une mesure législative que je propose, il faut que je détermine ses effets sur les entreprises locales, par exemple. Je chargerai quelqu'un d'aller dans un autre ministère si j'ai besoin de conseils sur la façon de procéder. Les ministères eux-mêmes enverraient des commentaires.
Nous faisons ce que nous appelons une évaluation de l'environnement stratégique pour déterminer si la santé doit faire partie des choses à considérer au niveau local, par exemple lors de la présentation de demandes de planification ou lorsque d'importants développements se produisent dans des collectivités.
Cela est en discussion à l'heure actuelle. Un comité a produit un rapport sur ce que le gouvernement devrait faire au sujet de l'évaluation des répercussions sur la santé de l'ensemble de ses politiques. Il a recommandé que l'évaluation soit faite. Je crains que ce ne soit là un domaine pavé de bonnes intentions... Nous avons essayé d'intégrer ces évaluations dans les pratiques exemplaires, mais à moins d'adopter des mesures énergiques pour appliquer cela dans toute l'administration publique et de disposer de ressources dans la fonction publique ou de recourir à d'autres moyens, les choses restent au stade des bonnes intentions.
Le président: Merci beaucoup, docteure Adshead. Nous avions l'impression que M.Earwicker nous parlerait plus particulièrement des inégalités en matière de santé et des déterminants sociaux, puisqu'il est chargé de la coordination de ce programme. Doit-il arriver ou bien devons-nous vous poser les questions que nous avions à cet égard?
Dre Adshead: Malheureusement, il n'a pas pu venir parce qu'il devait présenter d'urgence une séance d'information à nos ministres. Vous pouvez me poser des questions à ce sujet. Je ferai de mon mieux pour y répondre.
Le président: C'est un sujet qui nous intéresse énormément au Canada. À part la douzaine de déterminants de la santé reconnus par vous-mêmes et par l'Organisation mondiale de la santé, nous avons chez nous un déterminant particulier, la géographie. Nous avons des populations, particulièrement dans le Nord, dont l'état de santé laisse beaucoup à désirer.
Lorsque notre comité a abordé ce sujet, nous voulions essayer de déterminer les régions en cause et les outils susceptibles d'y réunir les ressources nécessaires. Les populations du Nord n'ont pas accès à une alimentation saine pendant l'hiver. Elles ont besoin d'aide en matière de logement, d'hygiène et d'alimentation. Nous aimerions amener leur état de santé au niveau de la moyenne canadienne.
Nous savons que la Grande-Bretagne a fait beaucoup de travail dans ce domaine. J'ai eu le grand plaisir de participer avec sir Michael Marmot, le printemps dernier, à un colloque de l'assemblée mondiale de la santé.
Pour revenir à ma question, je dirais qu'à ma connaissance, la Grande-Bretagne n'a pas les mêmes disparités que le Canada. Au chapitre de l'état de santé, vous n'avez pas des écarts aussi extrêmes que les nôtres, mais vous avez quand même des secteurs assez importants caractérisés par un mauvais état de santé et des disparités. Compte tenu de l'expérience organisationnelle que vous avez acquise, comment faites-vous pour agir localement sur le terrain, vous occuper de la douzaine de déterminants que vous utilisez, remédier à la situation et mesurer vos résultats à l'échelle locale?
Dre Adshead: Vous voulez savoir ce qui se passe à l'échelle locale?
Le président: Oui.
Dre Adshead: Avant d'assumer mes fonctions actuelles, j'étais directrice de la santé publique dans un secteur de Londres où se côtoyaient des gens particulièrement défavorisés et des gens très aisés, ce qui n'est pas inhabituel en Angleterre. Il y a aussi des régions du pays qui sont uniformément défavorisées. Toutefois, il arrive souvent dans notre société que la pauvreté côtoie la richesse.
Nous avons donc conçu nos programmes et adapté le niveau de priorité accordé aux inégalités de façon à pouvoir agir à l'échelle locale. Si vous êtes responsable d'une collectivité et que vous réfléchissiez à ce que cela signifie, vous constaterez que c'est exactement ce que vous avez mentionné: il s'agit de comprendre ce qui se passe d'une manière très détaillée. Dans le cadre de notre politique, nous considérons ce que nous appelons nos «zones de pointe». Ce sont les secteurs locaux qui forment le cinquième le plus défavorisé du pays. Nous y consacrons une grande part de nos ressources et de nos nouveaux programmes.
En réalité, les gens défavorisés qui souffrent des inégalités dont je vous ai parlé sont plus largement répartis sur le territoire anglais. Lors de l'élaboration de notre plan d'action sur les inégalités, l'une des difficultés que nous devons affronter est de déterminer comment atteindre les gens à ce niveau.
Dans les districts électoraux, petites régions géographiques ne comptant que quelques centaines d'habitants, nous faisons le genre d'analyses qui permet d'aller en deçà des grandes populations. Nous saurons alors quels lotissements abritent beaucoup de gens défavorisés, quelles cliniques médicales sont fréquentées par des clients pauvres, etcetera. Nous essayons donc de regarder ce que masque le tableau d'ensemble. Pour combattre les inégalités, il ne suffit pas de connaître intimement les petites collectivités; il faut aussi adapter les interventions aux gens qui y vivent. S'il s'agit d'un groupe ethnique minoritaire, il importe de comprendre ses problèmes particuliers et ses attitudes en matière de santé — par exemple, les raisons pour lesquelles les gens croient qu'ils ont le diabète — pour être en mesure d'offrir les meilleurs traitements et les meilleurs services.
Certains des programmes qui ont donné de bons résultats à l'échelle nationale ont eu recours au marketing social, qui consiste essentiellement à utiliser ce genre d'analyse ethnographique pour conseiller les collectivités. Un programme a été mis en œuvre dans le Nord-Est à l'intention des mères défavorisées qui fument pendant leur grossesse pour concevoir des services pouvant les aider à cesser de fumer.
Un autre programme réalisé à Londres a eu recours à un boxeur local considéré comme un héros par les gens défavorisés du coin pour aider les fumeurs à renoncer au tabac. Le programme a également ciblé les nouveaux établissements qui vendaient des cigarettes, les endroits où les gens vont en acheter et les marques particulières que les fumeurs consommaient.
L'essentiel est de comprendre la population cible, puis d'adapter les services à ses caractéristiques et à ses besoins particuliers. Cela s'applique dans les régions rurales car, même si nous n'avons pas les problèmes géographiques que vous devez affronter au Canada, nous avons des collectivités assez isolées dans certaines régions. L'approche adoptée doit consister à adapter les services dispensés par le secteur public pour les toucher d'une manière différente. Je ne sais pas si j'ai vraiment répondu à votre question.
Le président: Ce sont des renseignements très utiles. J'ai mentionné la complexité de la structure gouvernementale au Canada. De plus, nous n'avons pas suffisamment d'agents de santé publique. Beaucoup des postes sont vacants. Ainsi, dans les 47 municipalités de l'Ontario, je ne sais pas combien d'agents de santé publique nous avons, mais il est probable que la moitié des municipalités n'en ont pas.
Nous essayons de concevoir un cadre à recommander aux gouvernements pour l'action au niveau local, un peu sur le modèle de ce que vous faites en Grande-Bretagne. Je me demande si vous pouvez nous aider.
Pour mettre en œuvre vos programmes, avez-vous recours aux agents locaux de santé publique ou bien aux autorités locales? Bien entendu, il faut passer par les responsables du logement, etcetera. Comment faites-vous à cet égard?
Dre Adshead: Nous avons recours tant à des agents locaux de santé publique qu'aux autorités locales pour les raisons que vous avez mentionnées. Nous avons organisé des programmes de leadership à l'intention des directeurs et des agents locaux de la santé publique. Au cours des cinq dernières années, nous avons élargi nos bureaux de santé publique pour être en mesure d'engager des gens ayant des antécédents autres que la médecine seulement. Nos directeurs de la santé publique viennent de différents domaines, mais ils doivent satisfaire aux mêmes normes d'agrément. Nous avons fait de grands efforts pour reconnaître les gens qui ont plusieurs années d'expérience en santé publique. Nous avons cherché à diversifier notre effectif parce que nous connaissons certains des mêmes problèmes que vous avez pour ce qui est des postes vacants et des capacités insuffisantes.
Nous avons examiné les moyens de collaborer avec les universités pour avoir un plus grand éventail de diplômés intéressés à la santé publique. Nous avons récemment établi un réseau d'enseignement de la santé publique grâce auquel des étudiants de diverses disciplines, comme l'architecture et autres, peuvent se familiariser avec les principes de base de la santé afin d'avoir une connaissance générale du domaine. Nous espérons que les gens se feront ainsi les défenseurs de la santé dans la carrière de leur choix parce qu'ils auront compris son importance générale dans la société.
Nous avons également collaboré avec une organisation pour mettre au point des programmes de leadership à l'intention des politiciens locaux et des fonctionnaires qui s'occupent des inégalités en matière de santé. Nous travaillons aussi avec nos agents de la santé environnementale pour développer des capacités. Nous avons certains des mêmes problèmes dans quelques domaines.
De plus, nos directeurs locaux et nos commissaires de la santé publique partagent la responsabilité de la santé dans les administrations locales. Bref, nous avons essayé d'encourager une approche commune du leadership en matière de santé.
Le président: Dans beaucoup de nos administrations locales, l'agent de santé publique siège au conseil municipal. En est-il de même chez vous?
Il est important pour nous de savoir comment utiliser une trousse d'outils comme la vôtre au niveau local. Je conviens que chacun dans ce domaine doit agir sur le plan local pour obtenir les meilleurs résultats. Il faut pour le moins que l'action locale soit coordonnée avec l'action nationale.
En Grande-Bretagne, la coordination locale relève-t-elle de l'agent de santé publique ou de l'administration locale? Si elle relève de l'administration locale, est-ce que l'agent de santé publique siège au conseil municipal?
Dre Adshead: Dans près de 70p.100 des cas, le directeur de la santé publique relève à la fois du chef de l'administration locale et du chef du Service de santé. Nous essayons de promouvoir des modèles comportant une responsabilité directe s'étendant tant à l'administration locale et à tous ses services publics qu'au Service de santé. Nous nous orientons dans cette direction parce qu'il ne suffit pas que les programmes de santé publique soient bien gérés; ils doivent aussi s'appuyer sur de solides capacités techniques. Toutefois, comme je l'ai mentionné en parlant de l'évaluation conjointe, nous exigeons que le directeur de la santé publique et notre directeur des services sociaux, qui travaille ordinairement pour l'administration locale, procèdent conjointement à cette évaluation stratégique des besoins. Nous avons non seulement désigné les personnes, mais les avons liées au processus d'évaluation et à ses rapports avec les ententes locales. Les personnes en cause savent donc comment l'argent est dépensé et comment il est possible d'atteindre les objectifs. Les choses se font grâce au leadership manifesté et au rôle que les personnes en cause remplissent dans l'administration locale et dans le Service de santé. Il y a également un lien avec les systèmes qui permettent aux organisations de fonctionner. Nous avons constaté dans le passé que là où cela marche bien, la santé publique fonctionne d'une façon remarquable. Et, inversement, quand il y a des problèmes, nous avons découvert soit que le leadership est insuffisant soit que l'organisation ne veut pas agir elle-même.
Nous avons essayé de créer un filet de sécurité intégré au fonctionnement des organisations. Si elles sont dirigées par un spécialiste ou un expert de la santé publique, elles ne consacrent pas nécessairement le gros de leurs efforts aux inégalités. Avec ce modèle, nous courons le risque que le directeur de la santé publique s'occupe lui-même des inégalités, alors que les résultats dépendent de l'engagement de l'ensemble des organisations politiques locales. Notre approche consiste à ne pas saper le leadership des directeurs de la santé publique, mais à veiller à ce que toutes les pièces du casse-tête soient en place pour que leur leadership soit le plus efficace possible.
Le sénateur Cochrane: Vos régions défavorisées reçoivent-elles plus de fonds que les autres pour lutter contre les disparités? Si c'est le cas, est-ce que d'autres organismes s'y sont opposés?
Dre Adshead: Le financement des services de santé est réparti en fonction de la situation des régions et de l'âge de leur population. En 2004, lorsque nous avons examiné les inégalités et rédigé le livre blanc sur la santé publique, nous avons révisé notre formule de répartition des ressources. Le résultat, c'est que les régions défavorisées reçoivent plus d'argent pour leurs services de santé parce qu'elles ont de plus grands besoins.
La même chose s'applique dans une certaine mesure dans les administrations locales où la répartition des fonds parmi les autres services publics est fonction des besoins et la situation actuelle. Il y a souvent des discussions dans les régions qui comportent à la fois des secteurs aisés et des secteurs défavorisés, ce qui est fréquent. La logique dicte de dispenser plus de services dans les régions défavorisées où les besoins sont plus importants. C'est là que des désaccords se produisent quant à la meilleure façon de répartir les ressources dans une région.
Bien sûr, si la formule de financement fait l'objet d'un débat national, de grandes discussions s'engagent entre les différentes régions, selon qu'elles sont aisées ou défavorisées. Certains soutiennent que les régions urbaines comme Londres ont besoin de plus de fonds parce qu'elles ont de tout temps dispensé des services de santé. Comme partout ailleurs, nous avons des débats au sujet des besoins et des décisions à prendre. Quoi qu'il en soit, depuis les années 1970, la répartition des fonds du Service de santé tend à avantager les régions les plus défavorisés.
Le sénateur Pépin: Pouvez-vous nous en dire davantage sur le rôle de l'Unité des inégalités en matière de santé et particulièrement sur la façon dont elle coordonne les efforts au sein du gouvernement central?
Dre Adshead: Comme je l'ai mentionné, nous avons des équipes chargées non seulement de la mise en œuvre d'une politique, mais aussi de la réalisation d'objectifs nationaux. Comme je l'ai déjà dit, la coordination est assurée par un comité du Cabinet, que nous appuyons. Nous avons également un groupe de hauts fonctionnaires, que je dirige, relevant du chef du Département de la fonction publique. Nous avons en outre de hauts fonctionnaires de l'ensemble de l'administration publique. C'est le mécanisme que nous utilisons.
Nous cherchons des moyens d'améliorer ce modèle. Si une région bénéficie d'une haute priorité, elle a toujours besoin de plus de ressources. Il serait peut-être utile, dans ce cas, d'obtenir le concours de fonctionnaires d'autres ministères. Nous examinons cette possibilité à l'heure actuelle.
L'unité est structurée en comités fonctionnant dans le cadre financier que j'ai décrit plus tôt. Elle s'occupe de l'ensemble des secteurs de politiques qui contribuent à notre travail, qu'il s'agisse de normes d'éducation ou de logement. Dans une certaine mesure, tout s'inscrit dans le cadre stratégique. Lorsque nous examinons les différents secteurs dans le rapport annuel, les ministères contribuent évidemment aux résultats.
Il est toujours difficile d'organiser des efforts pangouvernementaux. Nous essayons constamment d'améliorer le processus.
Le sénateur Pépin: Nous espérons que vous arriverez à régler le problème. Je vous remercie.
Le sénateur Fairbairn: Vous nous donnez des renseignements très utiles. Je voudrais vous poser une question concernant un aspect de la société qui occasionne des difficultés au Canada comme dans tous les pays. Il s'agit des gens de la rue ou des gens des grandes agglomérations qui ont de graves problèmes de santé attribuables à de nombreux facteurs sociaux. Je me demande si cela fait partie du vaste programme que vous appliquez. Vous avez sûrement le même problème dans vos grandes villes. Les mêmes difficultés commencent d'ailleurs à se manifester de plus en plus dans les régions rurales et les petites villes, ce qui inquiète beaucoup les familles et les administrations locales. Comment vous attaquez-vous à ce problème? De quelle façon peut-on s'occuper de ce groupe?
Dre Adshead: Cela relèverait de l'administration locale. Il y a un certain nombre d'années, le gouvernement travailliste a examiné, dans le cadre de son programme de justice sociale, les moyens de retirer ces gens de la rue, de les recueillir dans des foyers et d'améliorer les services qui leur sont dispensés. Je ne suis cependant pas en mesure de vous dire où en est cette initiative.
Il y a quelques années, quand j'étais directrice de la santé publique dans une collectivité locale, près de 10p.100 de la population était composée de sans-abri. Nous avons examiné la possibilité de collaborer avec l'administration locale et les foyers pour donner les soins nécessaires au moment voulu. Des équipes de soins primaires dirigées par une infirmière se rendaient souvent dans les foyers à cette fin. Nous avions un problème particulier de suicide dans ces foyers. Nous avions donc examiné les moyens de dispenser des services.
Dans notre nouveau système, les administrations locales collaborent avec les services de santé et, s'il y a lieu, les écoles et les familles comprenant de jeunes enfants pour trouver des moyens de coordonner les services dispensés à ce groupe vulnérable de la population qu'il est souvent très difficile d'aider.
Des efforts ont également été déployés en faveur des gens qui vivent dans des logements temporaires sans faire partie de la catégorie des sans-abri. Le fait de vivre à différents endroits pendant de courtes périodes, surtout dans le cas des familles comprenant de jeunes enfants, crée des problèmes et nuit aux études des enfants. Nous avons donc fait du travail dans ce domaine, mais il ne fait pas partie de mes responsabilités. J'espère que vous cela vous donne une idée de ce qui se fait à l'échelle locale.
Le président: Je voudrais revenir au comité du Cabinet. C'est une réalisation absolument remarquable. Je ne sais pas si nous pouvons le faire chez nous, mais nous essaierons de notre mieux.
Je suis sûr que vous connaissez bien la composition du comité suédois, qui est très semblable au vôtre. Pouvez-vous nous parler des points communs et des différences entre les deux systèmes?
Le comité suédois a un si grand prestige que si des autorités locales envisagent, par exemple, de construire un nouveau lotissement, une nouvelle route ou un nouveau pont, elles doivent obtenir au préalable une approbation d'une forme ou d'une autre de l'autorité responsable de la santé de la population. Je ne sais pas qui a le dernier mot, mais une approbation est nécessaire pour aller de l'avant, afin qu'aucun projet ne nuise à la santé de la population.
Pouvez-vous nous parler de ce sujet, et particulièrement des points communs entre les deux systèmes?
Dre Adshead: Au niveau national, nous avons un sous-comité du Cabinet. Notre nouveau gouvernement est en train de définir les paramètres de la santé. Je vous parlerai de ce qui a été réalisé plutôt que de ce que nous comptons réaliser.
Le sous-comité était dirigé par notre vice-premier ministre et comprenait des représentants de la plupart des grands ministères. C'était l'occasion pour nous de faire le point sur la contribution des différents ministères à la mise en œuvre de l'ensemble des programmes de santé publique et notamment à la lutte contre les inégalités en matière de santé. Comme je l'ai déjà mentionné, le sous-comité a considéré les examens réalisés. En cas de problème, les membres transmettaient les préoccupations exprimées à leur propre ministère.
La Suède n'a pas le même système au niveau local. Les partenariats stratégiques locaux examinent les grandes questions intéressant la région. De plus, des discussions peuvent avoir lieu pour déterminer si la construction d'une nouvelle route ou d'un nouvel immeuble peut avoir des répercussions sur la santé. Toutefois, ce n'est pas la même chose.
J'ai mentionné, dans une réponse à l'une de vos collègues, les évaluations de l'environnement stratégique et ce que nous espérons réaliser à cet égard. La santé est prise en considération en même temps que l'environnement et les effets communautaires, entre autres. En ce moment, cependant, les mêmes considérations ne s'appliquent pas.
Certaines autorités locales et certains gouvernements locaux font des enquêtes dans le cadre de leurs fonctions de surveillance de domaines précis. Une enquête peut être instituée, par exemple, en cas de hausse du taux de tuberculose ou d'un sérieux problème de drogue.
Ils peuvent examiner des questions touchant l'ensemble du système. Il peut s'agir du fonctionnement du service correctionnel. Les enquêtes peuvent donc être très vastes. Ce genre d'examen peut être déclenché par des membres de la population locale. Notre nouvelle Loi sur les administrations locales prévoit des moyens permettant aux citoyens de demander à leur administration locale d'agir dans certains domaines.
En matière de santé publique, nous n'avons pas le même genre de mécanismes qu'en Suède. Étant une professionnelle du domaine, je peux bien sûr voir les avantages d'un tel système.
Le président: Êtes-vous consultée, par exemple, si l'aéroport de Heathrow envisage de construire une nouvelle aérogare?
Dre Adshead: Nous avons d'ordinaire un processus d'autorisation qui permet au Cabinet d'examiner toutes les politiques importantes de l'administration publique. Toute nouvelle politique importante est transmise à l'ensemble des ministères. En pratique, ceux d'entre eux qui sont directement touchés enverraient des commentaires. Par exemple, si notre ministère de l'Intérieur envisage de réaliser un projet concernant les prisons, le ministère de la Santé transmet des observations parce qu'il dispense des services de désintoxication. Par conséquent, le ministère de l'Intérieur nous consulterait au sujet des changements qu'il envisage.
Les interventions officielles varient selon la nature de la politique en cause. Pour la plupart des politiques importantes du gouvernement, les différents ministères sont invités à transmettre des commentaires concernant les effets que les mesures envisagées peuvent avoir sur eux. En réalité, au niveau tant local que national, tout cela se résume à deux choses: d'une part, les relations établies, pour l'ensemble des ministères, entre politiciens et fonctionnaires et, de l'autre, les ressources disponibles pour obtenir cet engagement et considérer les enjeux.
Comme l'élaboration de politiques fait partie de mes principales fonctions, j'aurais bien voulu participer activement à l'examen de nombreuses politiques gouvernementales, mais nous ne disposons pas toujours des ressources financières et humaines nécessaires pour le faire. La question de la disponibilité de ressources se pose donc constamment chaque fois qu'il est question de présenter des commentaires sur une politique. Pour le faire d'une façon efficace, on doit investir du temps et de l'argent. C'est la raison pour laquelle le Bureau des changements climatiques a été établi. Il est évident que pour agir efficacement au niveau pangouvernemental, il est nécessaire de disposer des ressources nécessaires.
Le sénateur Cook: Si j'ai bien compris, dans l'administration publique, la bureaucratie s'occupe des plans et des politiques. Disposez-vous de ressources humaines suffisantes pour mettre en œuvre ce service? Je pense aux médecins, aux travailleurs sociaux, aux éducateurs, aux infirmières, etcetera.
Dre Adshead: C'est une question très importante.
Nous avons cherché à éviter de dire aux gens quoi faire et comment, au niveau local, de façon à minimiser les instructions données. Vous n'avez peut-être pas cette impression, compte tenu de ce que je vous ai dit jusqu'ici, mais nous allons dans cette direction. Par exemple, au cours des 10 dernières années, le nombre des objectifs nationaux est passé de plusieurs centaines à 30, ce qui représente une réduction massive du nombre de priorités. Cela diminue en même temps le nombre d'indicateurs ou de cibles qu'une administration locale doit considérer.
Il y a eu différentes estimations du nombre de ces objectifs, mais ils sont passés d'environ 600 à moins de 50. Nous voulons donner ainsi aux gens la possibilité d'utiliser les ressources dont ils disposent pour dispenser des services.
Dans le domaine de la santé publique, nous nous sommes toujours demandé si nous avions des ressources humaines suffisantes pour tout faire. Tout groupe professionnel dira que ce n'est pas le cas. Nous avons tenté de favoriser la collaboration en vue d'une utilisation plus efficace des ressources du secteur public et de déterminer la combinaison voulue de compétences. Autrement dit, est-il possible de recourir à des travailleurs moins spécialisés pour accomplir certaines tâches traditionnellement confiées à des médecins? Comment pouvons-nous faire une utilisation optimale des ressources disponibles?
Dans nos relations avec les régions, nous nous limitons donc à préciser les ressources attribuées et les objectifs de haut niveau à atteindre, en leur laissant le soin de décider de la meilleure façon d'utiliser leurs ressources.
Comme dans tout autre pays, nous avons évidemment des discussions et les commentaires à notre palier intermédiaire, qui correspondrait à vos provinces. Les responsables de ce palier peuvent se plaindre de l'insuffisance des ressources que nous leur offrons pour faire tout ce qui est attendu d'eux.
Le président: Au Canada, il pourrait sembler relativement facile de pourvoir tous les postes de santé publique dans les provinces. Toutefois, nous ne pouvons pas y placer des médecins parce que nous avons une grave pénurie de médecins, et particulièrement d'omnipraticiens. Je ne pense même pas que nous puissions remplir ces postes en recourant à des infirmières parce que nous en manquons aussi. En même temps, médecins et infirmières ont tant de pouvoir qu'il est impossible d'envisager de placer n'importe qui d'autre dans ces postes.
Que faites-vous pour remédier à cette situation en Grande-Bretagne?
Dre Adshead: Nous avons le même problème. C'est pour cette raison que nous avons entrepris de former un effectif pluridisciplinaire. En 1999, nous avons parlé dans notre livre blanc de la nécessité de développer la santé publique. Les 12 dernières années ont été marquées par des discussions très acerbes entre notre syndicat des médecins et la Faculté de santé publique, qui est l'organisme national de réglementation de la formation professionnelle.
La discussion a porté en premier sur la possibilité pour une personne autre qu'un médecin de tenir un rôle de leadership en santé publique ou de remplir les fonctions de directeur de la santé publique ou même de consultant. Il a fallu des années pour en arriver à une entente, avec le concours d'un certain nombre de professionnels. La grande question qui se posait était de savoir comment on pouvait être sûr qu'un membre d'un autre groupe professionnel appliquerait les mêmes normes qu'un médecin en santé publique.
Nous avons conçu des programmes de formation pour des gens ayant déjà un diplôme et avons défini des critères d'admission. À la fin de la formation, les stagiaires ont des titres équivalents à ceux d'un médecin qui voudrait se spécialiser en soins d'urgence. Ils sont formés aux côtés des médecins. Les stagiaires comprennent aussi des infirmières.
Nous sommes en train d'établir un mécanisme de réglementation des spécialistes non médicaux en santé publique. Nous avons établi un registre des personnes jugées équivalentes. Cela se fait sur une base volontaire tandis que notre Faculté contrôle les normes et les nominations. Nous exigeons de quiconque veut devenir directeur de la santé publique d'être inscrit à ce registre volontaire.
Par exemple, une personne qui a travaillé en santé publique pendant un certain nombre d'années sans être reconnue comme spécialiste peut se soumettre à un examen d'équivalence. En cas de réussite à l'examen et d'inscription au registre, la personne est assujettie aux mêmes exigences de perfectionnement professionnel.
Le processus a été difficile au début. Les médecins croyaient qu'ils allaient perdre leur emploi et, à ce stade, les infirmières n'étaient même pas jugées admissibles. Nous avons eu un processus distinct pour les infirmières en santé publique. Il pouvait s'agir, par exemple, de personnes qui avaient acquis de l'expérience comme assistantes en santé ou qui avaient travaillé avec des familles et des enfants. Elles pouvaient devenir «consultantes» en santé publique, ce qui représentait un niveau de compétence différent.
Voilà en gros ce que nous avons fait, mais le processus a été difficile et les défis nombreux. Au départ, le gouvernement a dit qu'il voulait un effectif pluridisciplinaire, ce qui a déclenché le processus. Toutefois, certaines discussions étaient déjà en cours avant que le gouvernement n'intervienne.
Le président: Merci beaucoup. Sénateurs, je n'ai plus d'autres questions à poser. Docteur Adshead, je ne peux vous dire à quel point nous vous savons gré de votre aide. Vous avez répondu à toutes nos questions d'une façon très claire et directe. Nous avons beaucoup demandé et vous sommes donc très reconnaissants d'avoir accepté de nous parler.
Dre Adshead: Merci et bonne chance.
Le président: Nous nous retrouverons demain à 16 heures. Nous entendrons des témoins pendant une heure et un quart, après quoi nous prendrons 15 minutes pour discuter de notre voyage à Cuba. Les membres du personnel s'entretiennent en effet avec les responsables de l'ambassade cubaine cet après-midi.
La séance est levée.