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Sous-comité sur la santé des populations

 

Délibérations du Sous-comité sur la Santé des populations

Fascicule 2 - Témoignages du 12 décembre 2007


OTTAWA, le mercredi 12 décembre 2007

Le Sous-comité sur la santé des populations du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui à 16 h 17 pour examiner, afin d'en faire rapport, l'impact des divers facteurs et situations qui contribuent à la santé des populations canadienne, appelés collectivement les déterminants sociaux de la santé.

Le sénateur Lucie Pépin (vice-présidente) occupe le fauteuil.

La vice-présidente: Honorables sénateurs, nous avons le plaisir, aujourd'hui, d'accueillir James Frankish, professeur et directeur de programme à l'Université de la Colombie-Britannique, ainsi que Lex Baas, directeur de la Santé des populations à l'Autorité sanitaire du district intérieur de la Colombie-Britannique.

Malheureusement, le ministre ne pourra pas nous rencontrer, mais il nous a fait parvenir une lettre qui se trouve dans votre dossier. Il vous prie de l'excuser de n'avoir pu se rendre à notre invitation. J'invite à présent nos deux témoins à nous faire leurs exposés.

Lex Baas, directeur de la Santé des populations, Autorité sanitaire du district intérieur de la C.–B.: Je serai bref, sachant que ce sont les questions qui sont les plus importantes.

Je vous remercie pour cette invitation. Nous sommes emballés de constater toute l'activité et tout l'intérêt que suscitent les questions de santé des populations et l'examen des déterminants sociaux. Il est très encourageant de constater que les sénateurs s'intéressent à tout ce domaine.

La vice-présidente: Je vous informe que le sénateur Keon se joindra peut-être à nous un peu plus tard; mais il siège actuellement à un autre comité, ce qui explique son retard.

M.Baas: Je vais vous situer très brièvement le rôle de l'Autorité sanitaire du district intérieur de la C.-B. en ce qui concerne la santé des populations pour que vous compreniez bien le travail que nous effectuons sur le terrain. Je vous donnerai ensuite les grandes lignes de l'action que nous menons.

Le district intérieur est l'une des cinq régions de la Colombie-Britannique. Soit dit en passant, la documentation qu'on vous a remise comporte une erreur à ce sujet. Il y a cinq autorités sanitaires régionales en Colombie-Britannique et la nôtre couvre une grande partie du sud de la province, de la frontière de l'Alberta jusqu'à la vallée du Fraser; elle inclut Kelowna et Kamloops. C'est une énorme région d'une superficie de 216 kilomètres carrés comportant d'importants centres urbains comme Kelowna, qui connaît une croissance rapide, et de nombreuses autres petites collectivités dont 53 communautés de Premières nations qui varient en taille de petites à moyennes.

Nous disposons d'un budget total de 1,4 milliard de dollars. La région compte une population de 715000 habitants et elle devrait continuer à croître au rythme de 9p.100 au cours des 10 prochaines années, le nombre de personnes de 65 ans et plus augmentant à raison de 39p.100.

La région de Kelowna est très courue par les actifs et par les retraités. Elle présente un relief de plaine et son climat, plutôt doux, est marqué par l'absence de neige abondante.

L'équipe de la santé des populations, au sein de l'Autorité sanitaire du district intérieur de la C.-B., a été créée en 2002, peu après la régionalisation des autorités sanitaires dans la province. Des témoins de l'Île-du-Prince-Édouard, qui nous ont précédés, ont vécu la même chose. M.Frankish vous a dit qu'il y avait 52 autorités régionales de la santé auparavant et qu'il n'y en a maintenant plus que cinq. Dans certains cas, nous continuons à nous adapter à cette nouvelle donne.

L'équipe de la santé des populations a donc été créée en 2002 et elle a été chargée d'étudier la santé des populations et de prouver ce qu'elle pouvait faire à cet égard. Dès le début, nous avons déterminé les éléments auxquels nous pouvions nous attaquer et vous allez reconnaître certains termes que vous avez déjà entendus — puisque vous avez accueilli Ron Labonté — comme «éduqué» et «catalyseur».

Nous avons constaté que nous devions commencer par sensibiliser la population et par nous doter d'une capacité organisationnelle et communautaire pour adopter une démarche axée sur la santé des populations. Les gens ne savaient pas ce que santé des populations voulait dire, raison pour laquelle les déterminants sociaux sont peu connus. Ce faisant, nous avons commencé par organiser des ateliers sur ce thème en mobilisant le plus grand nombre possible d'employés de l'Autorité sanitaire du district intérieur. Nous avions un employé à temps plein qui assurait un service de soutien. Nous voulions faire le tour de l'Autorité sanitaire pour mobiliser les employés et dialoguer avec eux sur le sens d'expressions comme «santé des populations», «déterminants sociaux» et «orientation amont» et ainsi pouvoir passer aux étapes suivantes.

Nous avons cherché des moyens de préparer nos interlocuteurs et de les mobiliser autour de nouvelles manières de penser la santé pour qu'il ne soit plus uniquement question de soins de santé. Nous ne voulions plus simplement aider les personnes ayant besoin de soins de santé, mais bien intervenir massivement en amont.

Pour cela, nous nous sommes livrés à une analyse des déterminants de la santé et avons appliqué des démarches axées sur la santé des populations. Nous avons rassemblé des partenaires non traditionnels, comme ceux et celles qui œuvrent dans le domaine de la gestion des établissements, dans les secteurs de soins aigus, dans la protection et l'octroi de licences, de même que des nutritionnistes et d'autres. Ce problème concerne tout le monde.

À la page 1 de la documentation qui vous a été remise, vous trouverez un diagramme dont le titre encerclé d'une bulle au milieu de la pageparle d'accès à une alimentation abordable. Ce que nous essayons de faire ressortir ici, c'est que nous devrions participer à ce genre de dialogue. Il s'agit là d'un rôle qui incombe aux autorités sanitaires, aux diverses constituantes de ce genre d'organisation, à la collectivité à laquelle nous appartenons et aux autres secteurs. L'autorité sanitaire emploie 18000 employés qui travaillent dans une vaste région. C'est un travail permanent qu'il faut poursuivre si nous voulons aller de l'avant.

L'année dernière, dans son rapport intitulé Beyond Health Services and Lifestyles, notre médecin-hygiéniste a adopté une approche axée sur les déterminants sociaux pour faire rapport au sujet des questions de santé des populations dans la région. Il a bien sûr fait rapport de façon tout à fait classique sur les questions de santé en général, mais il a aussi appliqué une analyse tenant compte des déterminants sociaux et des iniquités. Par exemple, on s'est demandé, dans ce rapport, à quoi était due telle ou telle disparité. Le document se livre à quelques analyses de la question. Je ne sais pas si vous l'avez vu, mais je l'ai fait parvenir à la greffière et il est évident qu'il vous sera remis si vous ne l'avez pas encore lu.

Ce rapport a suscité beaucoup d'échanges au sein de l'autorité sanitaire, mais également à l'extérieur. Soudain, on a vu apparaître un déséquilibre et des iniquités. Ces termes sont peu à peu entrés dans notre vocabulaire et nous ont contraints à nous demander comment faire face à ce genre de problèmes. L'application de solutions universelles pour résoudre un problème risque d'entraîner un accroissement des disparités, parce qu'elle ne vise pas des groupes cibles. C'est le genre de débat qui se déroule maintenant.

Nous ne pourrions pas faire ce travail sans nos partenaires et sans agir en collaboration avec d'autres. Nous avons pour objectif de travailler avec tout le monde et avec tous les groupes qui sont appelés à traiter d'une question donnée. C'est pour cela que l'autorité sanitaire est aux prises avec certains défis. Nous avons étudié des façons de rassembler les gens. Récemment, nous avons invité des représentants de tous les secteurs de la santé publique et d'autres secteurs d'activités à participer à une rencontre de deux jours portant sur la façon d'appliquer le point de vue de la santé des populations au travail qu'ils effectuent au sein de leurs services respectifs. Nous avons suscité énormément d'intérêt.

Ce partenariat et cette collaboration concernent également les collectivités. Nous avons beaucoup travaillé avec les conseils municipaux et les districts régionaux.

Je me propose de commenter deux initiatives du gouvernement provincial qui nous ont aidés à nous orienter dans cette direction. La première est ActNow et j'espère que vous nous poserez des questions à son sujet par la suite. Le ministre vous en aurait parlé s'il avait pu se rendre à votre invitation. ActNow est une initiative provinciale qui contraint tous les ministères à jouer un rôle actif dans le domaine de la promotion de la santé. Comme ce programme a été repris à l'échelon provincial dans tous les ministères du secteur de la santé, cela a contribué à crédibiliser notre travail au sein des collectivités. Nous avons publicisé l'accent qu'ActNow fait porter sur le mode de vie pour commencer à insister davantage sur les déterminants sociaux et sur les approches en amont.

L'autre initiative dont je tiens à vous parler et qui a eu une énorme répercussion sur l'autorité sanitaire est l'examen des programmes types de base. À l'occasion de la restructuration du secteur de la santé publique, nous avons dégagé quelque 21 programmes types de base. Après une analyse des documents de constats, nous élaborons des programmes types de base qui sont approuvés par toutes les autorités sanitaires à la faveur d'un véritable dialogue. Par la suite, chaque autorité sanitaire effectue sa propre analyse d'écarts — qui consiste à comparer leur programme avec le programme type de base —, après quoi elles doivent afficher sur le site Internet public leurs plans d'amélioration assortis de leurs objectifs.

L'élément essentiel de tout ce dispositif tient au fait que nous appliquons aux programmes types de base, qui couvrent l'ensemble des programmes dans le domaine de la santé publique et même plus, une démarche essentiellement axée sur la population et sur les iniquités que nous constatons. Plutôt que de nous intéresser seulement aux enjeux, nous voulons savoir ce que cela peut donner quand on applique une approche inéquitable. Pourquoi certains groupes ont-ils accès à certaines choses et s'en sortent-ils bien, et pourquoi tel n'est pas le cas pour d'autres? Nous entreprenons donc cette analyse que je trouve très intéressante, très stimulante. Nous disposons d'un grand nombre de ressources, mais nous sommes confrontés à bien des défis.

Lors de la dernière assemblée de l'Association canadienne de santé publique qui s'est tenue à Vancouver, l'Autorité sanitaire du district intérieur de la C.-B. a collaboré avec la région sanitaire de la capitale de l'Alberta pour organiser un atelier préconférence portant sur la façon d'opérationnaliser la santé des populations au sein des autorités de santé régionales. Cet atelier s'est déroulé à une heure peu courue, soit le samedi matin, à 9 heures. Pourtant, une quarantaine de participants enthousiastes, représentant des autorités sanitaires d'un peu partout au pays, ont voulu y participer pour discuter avec nous de la façon d'appliquer cette méthode et d'apprendre les uns des autres des obstacles que nous rencontrons.

Ces obstacles sont nombreux. Le plus classique est bien évidemment celui de la tension qui existe entre tout ce qui concerne, d'une part, les soins aigus et la nécessité d'offrir des soins de santé et, d'autre part, la nécessité de faire la promotion de la santé avec des résultats qui ne sont pas immédiatement apparents. Il est difficile d'établir un lien de cause à effet entre le travail que nous effectuons et les résultats constatés. Cela fait partie des défis que constitue l'évaluation de ce travail.

Je tiens également à vous parler de l'initiative intitulée Community Action for Health que nous conduisons actuellement au sein de l'Autorité sanitaire du district intérieur de la C.-B. qui nous a permis de financer une partie des objectifs d'ActNow grâce à un financement unique de près de 1 million de dollars. Nous avons dû dépenser cette somme dans un seul exercice financier. Je pense que c'est Monique Bégin qui a dit, un jour, que le Canada est le pays des projets pilotes. Eh bien, sur le plan du financement, il s'agissait d'un de ces projets. Grâce à ce financement, nous avons permis à des collectivités de prendre des décisions à leur niveau. Nous avions émis comme seules réserves que ces collectivités devaient s'aligner sur les objectifs de ActNow et que leurs interventions devaient favoriser un changement de nature programmatique ou environnementale. En insistant sur la nécessité d'apporter de tels changements dans des cadres définis, les collectivités devaient réfléchir aux répercussions éventuelles de leurs décisions, ce qui a marqué le début du dialogue qui s'est instauré. Au début, nous nous sommes heurtés à beaucoup de résistance, mais nous avons fini par bénéficier d'un important appui.

Je veux aussi vous parler de notre rôle d'intercesseur. Nous sommes d'accord avec l'exposé de l'Autorité sanitaire de la région côtière de Vancouver, soit que la promotion d'une cause a pour objet de mobiliser l'appui des différents intervenants pour bénéficier de la participation des organismes gouvernementaux et non gouvernementaux à l'adoption de mesures destinées à améliorer l'état de santé général des populations et à permettre aux gouvernements et aux populations de mieux connaître les déterminants généraux de la santé. Nous devons donc mener une action revendicatrice et nous exprimer. Certes, comme nous faisons partie d'une autorité sanitaire provinciale financée par la province, nous marchons sur des œufs quand nous assumons ce rôle, si bien que nous devons agir de façon à stimuler l'adhésion à la cause et à la faire avancer.

D'après les derniers rapports de FirstCall B.C., la province, qui est l'une des plus riches au Canada, est aussi celle où on a enregistré, au cours des quatre dernières années, le taux de pauvreté infantile le plus élevé. Comment composer avec ce dilemme? Quel doit être notre rôle en tant qu'autorité sanitaire et quel genre d'action revendicatrice devons- nous mener?

Au bas du document qui vous a été remis, vous trouverez un jeu de serpents et échelles qui vous rappellera sans doute votre enfance. Il y a deux ans de cela, nous avons eu une conférence lors de laquelle Michael Hayes, de l'Université Simon Fraser, s'est servi de ce jeu pour établir une analogie avec les déterminants de la santé et la mise en œuvre des initiatives concernant la santé des populations. Il nous a expliqué que, dès la naissance, nous possédons un certain nombre de serpents et d'échelles sur notre échiquier qui déterminent le déroulement de nos vies. Certains peuvent avoir plus de serpents et d'autres plus d'échelles. Quand on aborde la question sous cet angle, on se trouve à priver l'individu de la maîtrise de sa vie. Vous retrouverez cette analogie dans le tabloïde de Community Action for Health que nous avons aussi remis pour distribution.

James Frankish, professeur et directeur de programme, Université de la Colombie-Britannique: Mesdames et messieurs les sénateurs, je suis honoré et ravi que vous m'ayez invité à prendre la parole devant vous. J'ai dit au fils de mon voisin, qui est âgé de six ans et qui est un fan de hockey, que je venais à Ottawa pour rencontrer le sénateur Keon et d'autres sénateurs. Il m'a demandé de lui rapporter un maillot. Je crois qu'il va être très déçu.

À l'instar de M.Baas, je vais brièvement me présenter pour vous situer en contexte. Je me ferai d'ailleurs l'écho d'un grand nombre des remarques de M.Baas et d'autres qui nous ont précédés. J'ai d'ailleurs eu le plaisir de lire les transcriptions des témoignages sur Internet, que j'ai trouvées très utile. Ce que je vais vous dire n'aura rien de tout à fait nouveau, mais je compte m'arrêter plus particulièrement sur certains aspects qui n'ont pas, jusqu'ici, été soulevés dans le cadre de vos échanges.

Je travaille au Centre de promotion de la santé des populations de l'Université de la Colombie-Britannique. Je suis le directeur d'un programme de formation et de recherche financé par les ICRS qui est axé sur la recherche communautaire. Je me dois de vous signaler, parce que cela peut vous intéresser, que je siège au conseil d'une organisation appelée Lookout et qui est le principal service d'hébergement pour sans-abri à Vancouver. C'est ainsi que je passe toutes mes journées.

Pour l'instant, mes recherches sont essentiellement concentrées dans deux domaines. Il y a d'abord celui de la connaissance de la santé et de la connaissance dans le secteur de la santé, ce qui fait de moi un grand fan du sénateur Fairbairn. Nous nous intéressons à la place de la littératie dans son rapport avec la santé et dans son rôle de déterminant de la santé.

Je me concentre également sur les populations vulnérables et les groupes marginalisés, surtout sur la santé des sans- abri. Comme vous le savez, nous continuons de faire face à de graves défis dans le cas des sans-abri au Canada. Je n'ai pas vu beaucoup de sans-abri dans les rues d'Ottawa, mais c'est peut-être parce qu'il fait trop froid ici.

Je vous ai fait distribuer un document de deux pages et je vais traiter de certains aspects qui apparaissent en première page, mais beaucoup recoupent ce que M.Baas et d'autres ont dit au sujet des iniquités.

À l'heure où nous progressons dans le domaine de la santé des populations, nous devons, selon moi, commencer par tenir compte de la différence de sens entre inégalité et iniquité, parce qu'il y aura toujours des inégalités fondamentales entre les Canadiens. Je répète sans cesse à mes étudiants que tout le monde n'est pas aussi intelligent et aussi beau que nous. Ce qui doit nous intéresser davantage, ce sont les iniquités causées par des politiques ou des programmes iniques et systémiques et qu'il convient de modifier. Le simple fait d'améliorer la santé des populations, d'infléchir les tendances, ne donne rien sur le plan des iniquités et j'irais même jusqu'à dire que ça risque de les aggraver.

Nous savons, par exemple, que l'apparition des nouvelles technologies aide plus souvent les nantis que les démunis. Les nantis se trouvent à posséder davantage et les autres font du surplace. Je n'ai pas vu beaucoup de sans-abri se promenant avec un cellulaire.

Je fais une différence entre être responsable et être autonome. M.Baas vous cité l'analogie avec le jeu serpents et échelles. À cet égard, nous parlons de chances, de choix et de conditions, étant entendu qu'il existe toujours un certain libre-arbitre. On fait toujours des choix, parfois mauvais, mais on ne peut jamais compter sur les ressources qu'on n'a pas.

J'estime, pour ma part, que mon rôle fondamental — et je pense que c'est également une partie du rôle du gouvernement — consiste à aider les gens à trouver les ressources indigènes qu'ils possèdent, à apprendre à s'y fier davantage et à aller en chercher davantage.

En bas de la première page, j'ai mis en exergue trois points qui sont extraits d'un modèle que nous appliquons dans notre travail depuis plusieurs années. Ce modèle, qui a été établi par un de mes collègues, Larry Green, est intitulé «anticipation-réaction». On en dénombre quelque 1 800 applications officielles. Il précise que, si vous voulez changer des choses dans la société, si vous voulez vous intéresser à la santé des populations ou changer le comportement de votre époux ou de votre petit ami, vous devrez suivre trois étapes fondamentales. La première consiste à créer une prédisposition ou à instiller un motif. M.Baas vous a entretenu avec brio de tout ce qui concerne les changements de connaissances, d'attitudes, de croyances et de valeurs.

L'une des grandes vérités au sujet du comportement humain, c'est que le changement doit forcément passer par la connaissance, mais que celle-ci ne suffit pas. Le Dr Keon, qui est médecin, vous dirait lui-même que bien des gens savent qu'il est mauvais de fumer, ce qui n'empêche qu'ils continuent de le faire. Il faut donc instaurer une prédisposition.

Dès que les gens sont motivés, incités à raisonner et à agir en fonction de la santé des populations, il faut alors créer des conditions favorables — c'est le deuxième pivot du raisonnement — en enseignant certaines techniques, en formant la génération montante de décideurs et de dirigeants et en mettant à disposition les ressources disponibles et accessibles. À cause des déterminants de la santé, les ressources disponibles peuvent ne pas toujours être accessibles pour des raisons culturelles, linguistiques et économiques. Il existe de nombreuses raisons pour lesquelles les gens ne vont pas se prévaloir des ressources ou des programmes existants.

Je pense donc que nous avons beaucoup à faire auprès de la population canadienne, de notre société en général. Nous devons créer cette fameuse prédisposition, et agir sur les connaissances, les croyances et les attitudes afin d'instaurer un contexte favorable, habilitant, pour aller dans le sens de la santé des populations. Nous pouvons y parvenir grâce à un ensemble de techniques et grâce à la mise à disposition de ressources accessibles.

En règle générale, les gens hésitent à faire ce pourquoi ils ne sont pas rémunérés. Ça aussi, c'est important. Celui ou celle qui veut tenter quelque chose, mais qui ne voit pas de récompense à la clé, a tendance à passer à autre chose. Le secteur des soins de santé est dominé par des professions qui, selon moi, sont quelque peu en porte-à-faux en regard de la santé des populations parce que, par l'exercice même de leur métier, par leur formation et leur raison d'être, certains professionnels interviennent du côté des soins aigus qui est évidemment fondamental pour la santé des gens.

Une question se pose, cependant: quelle récompense ou quel gain les Canadiens pourraient-ils tirer d'une amélioration de la santé de la population en général? Nous aurions une population plus saine, une société plus heureuse et nous connaîtrions sans doute des taux de morbidité et de mortalité inférieurs. Voilà le message que nous aimerions transmettre.

Je me dois cependant de faire une mise en garde au sujet des sans-abri et des logements avec services de soutien, et je pense ici aux économies potentielles. Il n'est pas encore prouvé que l'amélioration de la santé des populations nous permettra de réaliser des économies. C'est là une question sujette à débat. Tout dépend de la façon dont on fait les comptes et de qui les fait. Je ne suis pas certain que l'angle de l'économie potentielle soit la seule ou la meilleure façon de faire passer le message auprès des Canadiens.

Voilà ce que j'avais à dire au sujet de la première pagede mon mémoire. Pour ce qui est de la seconde page, je me propose de vous transmettre certains des messages qui émanent de mon milieu de travail et de mes collègues. Le premier d'entre eux rejoint ce que M.Baas a dit tout à l'heure, puisqu'il concerne la notion de changement dans les connaissances, les attitudes, les croyances et les valeurs. Je formule certaines propositions pour continuer dans le sens du changement. Personnellement, je crois que nous devons étayer les fondations sur lesquelles nous nous appuyons pour prouver notre propos. J'estime que les Instituts canadiens de recherche en santé et le Conseil de recherches en sciences humaines ainsi que d'autres organismes subventionnaires devraient financer la recherche dans le domaine de la santé des populations, ce qui n'empêche que nous devons aussi mobiliser les Canadiens dans le cadre d'un dialogue fondamental portant sur les déterminants de la santé. Nous sommes aux prises avec une dure réalité et j'ai énuméré quelques idées à ce sujet. Nous agissons sur ce plan et je pense que vous trouveriez des gens prêts à vous écouter à ce propos.

Je vais vous citer trois exemples récents. Premièrement, dans le cadre de recherches effectuées à Saskatoon, un important sondage a été réalisé auprès de la population pour déterminer si les gens voulaient consacrer à la santé des populations réorienter une partie des fonds normalement consacrés aux soins de santé. Les gens se rendent bien compte, je crois, qu'il ne s'agit pas d'un jeu à somme nulle et qu'il n'est pas question d'échanger des bassins hygiéniques ou des listes d'attente pour quelque chose d'autre. Les chercheurs ont constaté que la population est tout à fait disposée à engager le dialogue au sujet d'un basculement éventuel des ressources.

Deuxièmement, dans un sondage réalisé à Vancouver il y a peu de temps, le maire a demandé aux résidents ce qu'ils attendaient par-dessus tout des Jeux olympiques de 2010. Il se trouve que j'ai perçu une subvention pour évaluer les répercussions des Olympiques sur le cœur de la ville. À ma grande surprise, ce qui intéresse les Vancouvérois en premier lieu, c'est la diminution du nombre des sans-abri. Je ne vois pas en quoi ils peuvent s'imaginer que les Jeux olympiques vont permettre de réduire ce nombre en 17 jours seulement.

Enfin, nous venons tout juste de terminer une étude qui a consisté à analyser tous les articles de journaux traitant du phénomène des sans-abri en Colombie-Britannique au cours des 30 dernières années. Nous avons appliqué pour cela ce qu'on appelle une analyse du discours. Nous avons constaté que, contrairement aux médias américains, les médias canadiens ont tendance à attribuer le phénomène des sans-abri à des causes sociétales plutôt qu'à des causes individuelles. Ils ne l'attribuent ni à la faiblesse ni à l'immoralité de ceux et de celles qui en sont victimes. Ils estiment que l'autonomie et le sens des responsabilités personnelles sont certes importants, mais qu'il y a également lieu de se préoccuper de l'érosion du soi-disant filet de sécurité sociale canadien.

Mon deuxième message rejoint ce que vous a dit M.Baas. Il s'appuie sur la notion de front d'action gouvernemental, idée qui nous vient du Royaume-Uni. Les Britanniques ont en effet lancé, sous l'impulsion non pas du ministre de la Santé mais du Chancelier de l'Échiquier, une initiative stratégique fort bien pensée qui consiste à exiger de tous les ministères qu'ils s'intéressent activement à la question des iniquités. Il existe de nombreuses possibilités de bâtir quelque chose à partir de ce que M.Baas nous a décrit afin de parvenir à unifier l'action des différents ministères et je vais vous en donner quelques exemples.

Le programme ActNow présente de grandes possibilités d'innover, mais il ne concerne encore que l'étape du comportement et du mode de vie. Quand je participe à des rencontres avec des représentants de Santé Canada ou de l'Agence de santé publique du Canada, je ne croise personne de la Direction générale du logement et des sans-abri de RHDSC. Quand j'assiste à des rencontres concernant les sans-abri, je n'y vois personne du secteur de la santé. C'est comme si, comme on dit au Canada, nous avions affaire à deux solitudes, mais il s'agit peut-être davantage de 200 solitudes. Il y a donc lieu de jeter des passerelles intersectorielles.

Dans le passé, tous les pays ont réexaminé leurs objectifs nationaux en matière de santé. En Colombie-Britannique, nous nous sommes livrés au même exercice et nous avons arrêté de nouveaux objectifs. J'ai fait le même travail en Suède et avec d'autres pays. La Suède dispose de solides objectifs sur ce plan. Pour une raison ou une autre, nous éprouvons un certain dégoût envers ce concept au Canada. Cela tient peut-être à toute la polémique entre le fédéral et les provinces. Il existe peut-être de nombreux facteurs qui expliquent ce phénomène. Je pense nécessaire d'adopter des objectifs mesurables: il faut des ressources ciblées et affecter des ressources en fonction des cibles. Pour l'instant, ce n'est pas ce qui se fait. Le risque que présente l'absence d'objectifs, comme mon ami et mentor vous le dirait, c'est qu'il devient possible d'affirmer n'importe quand qu'on a atteint des objectifs, ce qui n'est pas forcément bon.

Je recommande à votre comité de retenir l'idée d'adopter ne serait-ce que des objectifs d'étude afin d'appliquer l'agenda de la santé des populations. Je vous conseille d'adopter des objectifs mesurables qui prouveront l'intérêt de ce gouvernement à prendre des décisions fondées sur des résultats et à exiger la reddition de comptes. Je crois que c'est ce que veulent les Canadiens.

Je fais également miennes les réflexions de M.Baas quand à la nécessité d'aligner les objectifs et l'évaluation qu'on en fait sur les besoins des collectivités. Il faut agir dans les deux sens, c'est-à-dire du haut vers le bas et du bas vers le haut.

Mon dernier message portera sur une occasion à côté de laquelle on passe, celle d'établir un lien entre la santé des populations et la productivité économique et sociale. L'un des plus importants groupes de sans-emploi au Canada est constitué par les jeunes Autochtones, plus particulièrement par les jeunes hommes. C'est un problème immense.

Nous avons donc la possibilité de former la future génération de décideurs, de médecins, d'infirmiers et infirmières et d'autres, mais aussi de mobiliser des ministères comme RHDSC et d'autres afin qu'ils œuvrent auprès des jeunes qui sont marginalisés pour les amener à participer aux initiatives de santé des populations susceptibles de déboucher sur une amélioration de la qualité des collectivités. En Colombie-Britannique, par exemple, nous avons lancé un projet qui s'adresse aux jeunes des rues. Nous avons créé ce qu'on appelle des comptes de vie autonomes. Nous déposons à parts égales, avec le secteur privé ou le gouvernement, de l'argent dans un compte en banque dont le titulaire peut se servir pour son éducation, son travail ou son logement.

Je pense que nous sommes face à une occasion fantastique qui consiste non seulement à raisonner sur le financement du secteur de la santé, parce que celui-ci est déjà lourdement surchargé, mais aussi à établir un lien avec les possibilités qui s'offrent à nous sur les plans de la littératie et de l'aspect socio-économique, mais aussi sur d'autres plans. Nous pouvons réaliser de véritables progrès dans le domaine de la santé des populations au Canada.

C'est tout ce que je voulais dire et ce sont là les messages que je voulais transmettre.

Le sénateur Wilbert J. Keon (président) occupe le fauteuil.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Frankish.

Je suis désolé de n'avoir pu vous entendre, monsieur Baas. Je me rattraperai au téléphone avec vous pour que nous discutions de ce qui s'est passé. Comme nous sommes aux prises avec un problème de santé urgent au Canada, j'ai dû prendre la parole à la Chambre haute cet après-midi, et il n'y avait donc rien que je pouvais faire pour me trouver ici.

Je tiens à remercier la vice-présidente, le sénateur Pépin, de m'avoir remplacé au débotté et d'avoir su tirer le meilleur de votre visite.

Je vais vous dire où nous en sommes côté hockey. C'est vrai que j'ai un numéro des Sénateurs d'Ottawa, le numéro 3, puisqu'il s'agit du troisième maillot à avoir été autographié par tous les membres de l'équipe. Il trône fièrement dans un grand cadre, chez moi. Je crois savoir que le numéro 4 n'a pas encore été remis. C'est quand j'ai pris ma retraite de l'Institut de cardiologie que les Sénateurs d'Ottawa m'ont nommé membre honoraire de l'équipe. Comme je l'ai dit à beaucoup, quand j'ai été nommé au Sénat, j'ai eu l'impression de faire un retour dans le passé. C'est pour cela que je n'ai pas hésité à accepter.

Le sénateur Fairbairn: Vous avez lancé une tendance.

Le président: L'autre bonne nouvelle, c'est que mon petit-fils de sept ans a reçu le numéro 14 dans son équipe de hockey. C'est le même numéro que celui de Dave Keon qui joue pour Toronto.

Voilà, c'est tout ce que j'avais à dire au sujet du hockey.

Le sénateur Pépin: Merci de vous être déplacés tous deux et sachez que vos connaissances vont nous être vraiment utiles.

Vous avez parlé du Réseau de la santé des populations de la Colombie-Britannique. Pourriez-vous nous parler davantage du rôle de cet organisme?

M.Baas: Le Réseau de la santé des populations de la Colombie-Britannique existe depuis deux ans environ, peut- être un peu plus. Il rassemble des responsables en matière de santé des populations qui représentent toutes les autorités sanitaires de la province. Nous comptons également des représentants de la Provincial Health Services Authority que nous considérons comme étant la sixième autorité sanitaire de la province. Trevor Hancock, qui représente le gouvernement provincial, est celui qui préside habituellement le comité.

Ce comité a pour mission de créer un réseau. Nous avons instauré de véritables échanges à propos de ce que font les autorités sanitaires de la province et l'on peut donc parler d'une tribune qui nous permet de poser les problèmes sur la table et de nous concentrer sur les questions qui interpellent les autorités sanitaires sur le moment et sur la façon de les régler au mieux à l'échelon provincial. Officiellement, le comité se réunit quatre fois par an et le réseau progresse lentement en ce sens qu'il commence à adopter des mesures et à créer des tribunes au nom de la défense des intérêts.

Le sénateur Pépin: Pouvez-vous également nous dire si les Finances participent à ActNow? Cette initiative consiste- t-elle à étudier les incidences d'un déterminant sur la santé, comme la situation socio-économique, sur la mauvaise alimentation et le faible niveau d'activité physique?

M.Baas: Vous parlez du service des finances au sein de l'autorité sanitaire?

Le sénateur Pépin: Je voulais savoir si votre ministère des Finances participe à ActNow.

M.Baas: ActNow est une initiative provinciale interministérielle destinée à favoriser de saines habitudes alimentaires, l'activité physique et la réduction du tabagisme. Le premier ministre de la province a formulé des objectifs pour que la Colombie-Britannique devienne la province la plus saine d'ici 2010 en préparation aux Jeux olympiques. Toutes les autorités sanitaires régionales de la province sont mobilisées autour des objectifs de ActNow.

Nous disposons déjà de certaines ressources, mais pour l'instant nous nous efforçons de réaliser un équilibre entre le mode de financement actuel et une réorientation des fonds que nous percevons afin de financer des objectifs de ActNow.

M.Frankish: Je crois que vous avez posé une question légèrement différente. J'ai l'impression que vous vouliez savoir si l'on tient compte des liens entre le mode de vie, l'exercice physique et la nutrition et d'autres facteurs socioéconomiques, et si l'on effectue des analyses à ce sujet. C'était ça votre question?

Le sénateur Pépin: Oui.

M.Frankish: Je n'ai pas entendu parler d'un budget spécifique consacré à l'analyse des résultats de ActNow pour les différentes strates socioéconomiques ou pour déterminer s'il existe des niveaux de participation différents par enfant en fonction des couches socio-économiques.

Clyde Hertzman, de la Colombie-Britannique, que beaucoup d'entre vous doivent connaître, est à la fois un confrère et un très bon ami à moi. Il est un des chefs de file internationalement reconnu dans le domaine du développement de l'enfance, et c'est lui qui a mis au point un indice de développement précoce. Il a dressé un profil de la préparation à la scolarité dans toutes les écoles de la Colombie-Britannique en fonction de facteurs émotionnels, cognitifs et sociaux. Il a effectué cette analyse pour différents groupes socio-économiques. Cet instrument pourrait être greffé sur des programmes comme ActNow, mais je ne pense pas que les régions sanitaires disposent déjà d'un ensemble de données à cet égard. Vous pourriez essayer d'effectuer vos propres analyses de votre côté à partir des données de Statistique Canada et des codes postaux.

Votre question est très perspicace et ce sont effectivement des choses que nous pouvons faire.

M.Baas: L'autre difficulté à laquelle nous nous heurtons dans l'examen de certaines régions et populations, c'est qu'un grand nombre de nos collectivités sont de petite taille et qu'il est donc difficile de leur appliquer des analyses particulières. Il faudrait, par exemple, tenir compte des données de Statistique Canada à une échelle suffisamment importante pour pouvoir comparer deux collectivités entre elles. À grande échelle, on pourrait dire que nous sommes dans le milieu, mais il pourrait y avoir de très importantes disparités entre les collectivités. Ça aussi, c'est un défi auquel nous sommes confrontés.

Le sénateur Munson: Dans votre exposé, vous avez parlé du taux de pauvreté des enfants en Colombie-Britannique qui est l'un des plus élevés au Canada, même si cette province est sans doute l'une des plus riches, après l'Alberta. Au cours des deux dernières années, votre comité s'est intéressé à la santé des populations. Est-il parvenu à envisager une façon de mobiliser concrètement les gens pour répondre en partie à certaines des questions les plus urgentes qui se posent dans le cas de la pauvreté des enfants?

M.Baas: Eh bien, il s'agit là d'un excellent exemple, parce qu'il n'est pas possible pour une autorité sanitaire de parvenir, à elle seule, à régler le problème de la pauvreté infantile. Ce problème exige que tous les paliers de gouvernement agissent en adoptant des politiques fermes. M.Frankish vous a parlé de politiques précisant des objectifs particuliers. D'autres pays en ont donné des exemples, comme le Royaume-Uni, où les taux de pauvreté infantile enfants ont été considérablement réduits.

Quand nous appliquons une démarche axée sur la santé des populations et sur le phénomène des iniquités, au regard des programmes étudiés, nous cherchons à voir comment contribuer à alléger les pressions associées à la pauvreté. Dans la lutte contre la pauvreté, tout passe par l'éducation, la sensibilisation et la mobilisation autour d'un dialogue qui vise à faire passer la perception que nous avons de la pauvreté du niveau individuel à un niveau plus général. Tout cela nous ramène au rôle que doivent jouer les autorités sanitaires. C'est quelque chose de très clair en ce qui nous concerne.

Nous essayons d'être plus actifs sur les plans du renforcement de la capacité des collectivités et de la mobilisation des autorités autour des questions de logement. Nous posons la question d'entrée de jeu: quel est le problème? Le problème qui se repose sans cesse, est celui de la pauvreté. En un sens, c'est un aspect délicat en ce qui nous concerne, puisqu'il fait partie intégrante du travail de l'autorité sanitaire.

Le sénateur Munson: Dans votre exposé, vous avez parlé de votre équipe de soutien à la santé des populations et des premiers succès que vous avez remportés avec vos programmes concernant le tabagisme et la prévalence des chutes chez les personnes âgées. Qu'avez-vous fait sur ces plans?

M.Baas: Un certain nombre de collectivités ont participé au projet sur les chutes des personnes âgées; en fait, nous avions commencé par cibler les foyers pour personnes âgées. Nous voulions y réaliser des analyses de base et y dispenser une formation de soutien. Ce faisant, nous avons sensibilisé les gens au fait qu'il est possible d'éviter les chutes. Comme vous le savez, ce problème est très grave chez les personnes âgées.

Nous avons donc réalisé des analyses et lancé un certain nombre de projets pilotes. En très peu de temps, en une année ou deux, nous avons pu réduire le taux de chutes de 20p.100 environ; je parle bien du taux et non du nombre de chutes. Le taux a donc considérablement diminué grâce à nos interventions. Par la suite, nous nous sommes servis de ces informations pour élaborer une stratégie concernant ce problème, stratégie que nous sommes en train de mettre en œuvre.

Pour ce qui est de la réduction du tabagisme, nous avons lancé une campagne sur le thème des enfants qui ont besoin de respirer de l'air pur. C'était une campagne de promotion sociale visant les familles et les lieux où les enfants risquent d'être exposés à la fumée. Nous avons donc sensibilisé la population à cet égard. Nous nous sommes livrés à une évaluation qui nous a permis de constater une très nette diminution du tabagisme à proximité des enfants.

Cela étant dit, il est difficile d'établir précisément à quoi on doit tel ou tel résultat, parce que la province — et l'on pourrait dire aussi le Canada tout entier — fait beaucoup pour réduire le nombre de fumeurs et protéger les espaces sans fumée. On assiste à un mouvement général, au sein de la société, pour mettre fin au tabagisme.

Le sénateur Munson: Professeur Frankish, j'ai été très surpris — comme vous l'avez sans doute été vous-même — quand vous nous avez parlé d'un sondage que vous avez effectué au sujet du logement et qui vous a révélé que tous les répondants espèrent que les Jeux olympiques vont permettre de régler en partie le problème des sans-abri.

M.Frankish: C'est en fait un sondage qu'a commandé le maire. Il a demandé aux Vancouvérois de lui indiquer les grands enjeux auxquels ils allaient être confrontés dans les deux prochaines années. Il en a profité pour leur poser une question en parallèle visant à déterminer ce qu'ils espéraient le plus des Jeux olympiques. En réponse à ces deux questions, ce sont les problèmes de pauvreté, de toxicomanie et de logement qui ont recueilli les scores les plus élevés, tant en rapport avec la tenue les Jeux olympiques que vis-à-vis de la façon dont les résidents percevaient généralement les grands problèmes de leur ville. Des sujets comme la criminalité, les libertés civiles et d'autres, bien que mentionnés par les répondants, sont arrivés loin derrière.

Le sénateur Munson: Une ville, une province et le gouvernement fédéral peuvent s'associer pour accueillir des événements comme les Jeux olympiques, mais constatez-vous, en Colombie-Britannique ou à Vancouver, le même désir de mobilisation pour s'attaquer au problème des sans-abri? Je sais que l'infrastructure est importante; je sais que l'autoroute est importante et qu'il est également important d'ériger des bâtiments. Toutefois, constatez-vous le même véritable désir de s'attaquer au problème des sans-abri, parce que les gens se rendent compte que c'est un enjeu très grave?

M.Frankish: Je crois qu'il existe une volonté sur les deux plans. D'un côté, c'est une simple question d'humanité, parce qu'il est difficile de supporter la souffrance humaine, comme celle des femmes qui ont été assassinées par Picton. L'autre jour, en marchant dans la rue en compagnie d'un ami, je lui ai dit que je vivais sans doute dans l'un des meilleurs quartiers de la meilleure ville du meilleur pays au monde. J'ai ajouté que j'avais eu la chance de naître à un moment de l'histoire où je n'ai pas eu à faire la guerre. Par rapport aux milliards de mes contemporains qui habitent cette planète, je m'estime très fortuné. Pourtant, à un coin de rue de là où je réside, il y quatre sans-abri qui couchent dehors par moins cinq degrés, sur le trottoir devant McDonalds, parce que cet établissement est ouvert et qu'ils peuvent aller s'y réchauffer et y fréquenter les toilettes. Il y a donc quelque chose qui ne va pas.

Récemment, j'ai rencontré certains représentants de RHDSC et d'autres. Personnellement, j'estime que les Jeux olympiques sont une occasion sur laquelle il faut sauter. Je crois que vous avez tout à fait raison. Nous devons être réalistes; il ne faut pas s'attendre à ce que les Jeux olympiques règlent tous les problèmes sociaux auxquels nous sommes confrontés au Canada ou dans le monde. Il s'agit d'un véritable cirque de 17 jours, orchestré par une organisation qui facture un maximum l'utilisation de son nom.

Nous pensons, cependant, que les Jeux olympiques pourraient servir de catalyseur dans la création des capacités dont nous parlions tout à l'heure. J'ai rencontré un sous-ministre de RHDSC avec qui je me suis entretenu de la possibilité d'utiliser les Jeux olympiques pour revitaliser le Downtown East-Side. Il y a, par exemple, une école abandonnée dans ce quartier. On sait, par ailleurs, que la province recueille 1 milliard de dollars par an en taxe de transfert de propriété. Eh bien, j'ai proposé que — sur une période de trois ans, à cheval sur les Olympiques — le gouvernement prélève 1p.100 sur cette taxe provinciale de transfert de propriété afin de mettre sur pied un centre de santé des populations. Deux ministres provinciaux ont réagi très positivement.

En ce qui concerne les autorités sanitaires, une partie du problème tient au fait que nous connaissons les paroles de la chanson, mais que personne n'a l'argent nécessaire pour interpréter la partition. Je crois que nous devons faire preuve d'une grande créativité. J'ai donc proposé que nous nous servions des Jeux Olympiques en tant que catalyseur pour financer un centre qui dispenserait des services, qui serait en prise sur les collectivités et qui conduirait des entreprises à caractère social comme la formation professionnelle offerte aux jeunes de la rue. C'est ainsi, selon moi, que les choses devraient se passer.

Le sénateur Munson: Il faudrait que les Olympiques soient un catalyseur pour tout le pays.

M.Frankish: Ce serait possible.

Je dois vous préciser qu'au moins trois États australiens se sont dotés de fondations très solides qui œuvrent dans le domaine de la promotion de la santé; elles sont financées grâce à des taxes spéciales prélevées sur le tabac et sur l'alcool, un peu à la façon dont la Commission sur la santé mentale l'a envisagé. La Western Australian Health Promotion Foundation, par exemple, accomplit des choses fabuleuses dans les domaines de la santé des populations et de la promotion de la santé. Je crois que les taxes permettent de dégager 30 milliards de dollars par an qui servent à financer des projets communautaires, des étudiants, des projets de recherche, bref tout un ensemble d'activités différentes.

La santé des populations ne rapportera rien directement. C'est en partie le problème: que faire pour trouver les ressources nécessaires? Il vaut mieux éviter, a priori, de puiser dans les budgets du secteur des soins aigus.

Le sénateur Munson: Dans votre stratégie, il est question d'entreprendre un examen pan-ministériel des disparités dans le domaine de la santé, sous la gouverne du Conseil du Trésor et du Sénat. L'autre passage qui m'a intrigué concerne l'objectif national contraignant en matière d'équité en santé. Pouvez-vous nous expliquer, en des termes accessibles au commun des mortels, ce que sont ces objectifs nationaux contraignants en matière d'équité en santé?

M.Frankish: Dès lors que j'ai inscrit cela dans mon mémoire et que j'ai envisagé, en fédéraliste de coulisses que je suis, que le palier fédéral imposerait quelque chose aux provinces, je me suis dit que j'allais me heurter à des sensibilités politiques et que les choses se compliqueraient.

Le sénateur Munson: Moi, j'aime!

M.Frankish: J'ai l'impression que la santé des populations et la promotion de la santé feront toujours l'objet de coupures, seront toujours laissées de côté et seront toujours la première chose à laquelle on renoncera tant qu'on ne les transformera pas en poste budgétaire quelque part. Les autorités sanitaires veulent faire davantage, mais elles savent qu'au bout du compte elles risquent beaucoup plus de perdre la partie si elles interviennent dans le système de soins aigus et dans le système hospitalier que si elles ne font rien sur le plan de la santé des populations.

Pour l'instant, aucun politicien au Canada ne court le risque de ne pas être réélu s'il ne s'attaque pas à la problématique des sans-abri. Ce risque serait plus grand s'il voulait augmenter le prix de la bière. Je pense qu'il faut exiger des comptes d'une certaine façon. Les gouvernements parlent toujours de reddition de comptes et de décisions étayées, mais, sauf le respect que je vous dois, je trouve que bien des acteurs de la vie publique ont une attitude schizophrénique compréhensible au sujet de la reddition de comptes. Ils adorent en parler, mais ils détestent être liés par des objectifs contraignants, surtout s'ils risquent de ne pas les atteindre.

L'autre défi auquel M.Baas a fait allusion, c'est que la santé des populations couvre beaucoup plus qu'un cycle électoral. C'est un projet à long terme. C'est un peu comme ce qui s'est passé avec la ceinture de sécurité, la lutte contre le tabac ou la lutte contre l'alcool au volant. Il s'agit d'un changement de comportement qui s'échelonne sur toute une génération et qui est trop important pour qu'on s'en remette au gouvernement, à un seul parti. Ce projet transcende le cycle électoral. Il est naturel que les gouvernements cherchent à se faire réélire; en revanche, ils ne pensent pas à ce qu'il va advenir d'un tel ou d'un tel dans 10 ans d'ici. Nous devons donc nous élever au-dessus des fractures politiciennes.

Le sénateur Callbeck: La Colombie-Britannique est subdivisée en régions sanitaires. Pouvez-vous me parler de la structure et du cadre en place? De qui ces régions relèvent-elles? C'est évidemment le ministre de la Santé qui les coiffe. Avez-vous un comité ou d'autres ministères ou ministres qui les chapeautent? Disposez-vous d'une agence ou d'une autorité supérieure? À quoi ressemble cette structure?

M.Baas: Je vais vous répondre en faisant une mise en garde, soit que le ministre aurait pu vous fournir une réponse différente ou plus précise que la mienne.

Il y a donc cinq autorités sanitaires régionales qui sont chacune coiffées d'un conseil et d'un PDG. Ces autorités sanitaires travaillent en fonction d'une entente avec la province relativement à la prestation des services qu'elles sont censées offrir. À ma connaissance — et il est possible que M.Frankish en sache plus long à cet égard — chaque autorité sanitaire doit rendre des comptes au ministre, même s'il existe un certain dialogue à l'échelon de la structure.

M.Frankish: À ma connaissance, la Colombie-Britannique n'a pas d'organisation panprovinciale. Je sais, par exemple, que la Saskatchewan a le Saskatchewan Health Council et que certaines autres provinces se sont dotées d'organismes semblables. Je sais, par ailleurs, que les médecins-hygiénistes qui siègent à tous les conseils se rassemblent, en même temps que les PDG et les équipes de direction, pour parler entre eux, mais je ne pense pas qu'il existe de passerelles inter-régionales officielles entre les autorités sanitaires et le gouvernement. Il est possible que je me trompe, mais je n'en ai jamais entendu parler.

Le sénateur Callbeck: Autrement dit, les régions relèvent directement du ministre. Aucun comité appartenant à d'autres ministères ne cherche à intervenir dans le dossier de la santé des populations.

M.Baas: La collaboration est sans doute intense. C'est le cas, par exemple, du travail accompli par le Réseau de la santé des populations de la Colombie-Britannique et par le ministère provincial de la Santé dans des dossiers comme le tabagisme, puisque tous les établissements de soins de la province devront être sans fumée le 31 mars 2008, si je ne m'abuse. Eh bien, les autorités sanitaires qui participent directement à la mise en œuvre de cette politique ont énormément collaboré entre elles. Au sein de notre propre autorité sanitaire, nous parlons beaucoup de cette politique qui sera prochainement mise en place et de la façon dont tout cela va se produire. Ceux et celles qui, au sein des autorités sanitaires, dirigent cette mise en œuvre, dialoguent souvent entre eux. Ces discussions de niveau très pratique portent sur toutes sortes d'enjeux, dont la santé des populations.

En fait, la santé des populations correspond à une démarche. Notre unité de santé des populations — il faut préciser que toutes les autorités sanitaires ne disposent pas d'une telle unité — a reçu pour mandat d'instiller aux autres services de l'autorité sanitaire une perspective et une démarche axées sur la santé des populations. Nos premiers échanges au sein de l'autorité sanitaire, concernant l'appui à apporter aux pratiques, ont surtout consisté à dialoguer sur les déterminants sociaux et la situation future. Nous avons discuté de ce que tout cela signifie au regard de notre rôle d'autorité sanitaire. Par exemple, s'il nous arrive de constater que nous ne traitons pas une personne, nous nous demandons à quelle cause profonde nous le devons. Si nous commençons à nous poser ce genre de questions dans l'ensemble des services de l'autorité sanitaire, il est certain que nous parviendrons à obtenir des effets.

Si l'on fait fi des nutritionnistes communautaires et des coordonnateurs de la réduction du tabagisme de l'Autorité sanitaire du district intérieur de la Colombie-Britannique, il reste environ sept employés. Sept personnes pour un vaste territoire de 216 kilomètres carrés comptant 700000 habitants, il faut avouer que ce n'est pas beaucoup. On ne peut pas y arriver. Ce n'est qu'en étant des catalyseurs, en suscitant le dialogue et en commençant par faire le travail que nous pourrons obtenir des résultats. C'est la responsabilité de tout le monde.

Le sénateur Callbeck: Et le gouvernement fédéral, quel devrait être son rôle? Quel rôle doit-il jouer dans l'adoption d'une démarche axée sur la santé des populations dans votre province? S'il n'a joué aucun rôle dans le passé, qu'aurait- il dû faire ou que devrait-il faire actuellement?

M.Frankish: Comme je ne connais pas toutes les initiatives mises en œuvre, je suis certain qu'il se trouvera quelque part un sous-ministre ou un ministre qui, après m'avoir écouté, me dira: «Certes, mais nous avons fait ceci ou cela et c'était en rapport avec la santé des populations».

Je ne connais pas la réponse. Je ne peux pas vous donner d'exemples où, jusqu'à preuve du contraire, le gouvernement provincial et le gouvernement fédéral se sont effectivement lancés dans un projet concernant la santé des populations.

M.Baas: Comme il existe un service de santé des populations au sein de l'Agence de santé publique du Canada, on peut dire que ce volet est couvert pour ce qui est de l'information, du développement des ressources, de l'organisation d'événements et ainsi de suite. Nous savons que, dans une certaine mesure, cela donne lieu à un dialogue direct entre homologues fédéraux et provinciaux. Nous nous intéressons à la recherche effectuée et nous avons ce genre de discussions. Selon moi, ce sont les politiques adoptées par le gouvernement fédéral en matière de santé des populations qui sont les plus importantes. Prenons la pauvreté des enfants et le problème des sans-abri, par exemple. Quel rôle doivent jouer les différents paliers de gouvernement, le provincial, le fédéral et le municipal, et comment s'y prendre pour adopter des politiques qui, à terme, donneront effectivement lieu à des changements?

M.Frankish: Deux exemples me viennent en tête. Le premier est celui des Instituts de recherche en santé du Canada. Il se trouve que j'ai eu le bonheur de siéger à l'un des comités subventionnaires, à Ottawa, ces mêmes comités qui versent une partie de vos impôts aux chercheurs. Les choses ont profondément changé dans le domaine du financement de la recherche depuis l'époque du Conseil de recherches médicales. La situation est radicalement différente. Le financement a été élargi et il vise désormais des aspects comme la santé des populations. Le gouvernement fédéral a joué un rôle de premier plan qui a été déterminant à cet égard.

L'autre initiative que je pourrais vous mentionner, et qui relève également du Parlement, est celle de l'Institut canadien d'information sur la santé qui permet de recueillir les informations nécessaires à la prise de décisions éclairées dans les domaines de la santé et de la qualité de vie des Canadiens. Or, l'Institut canadien d'information sur la santé recueille de moins en moins de données sur la santé des populations. Il a lancé une initiative de financement d'une subvention liée à la tenue des Jeux olympiques: l'Initiative sur la santé des populations canadienne.

Il y a déjà plus de 10 ou 20 ans que le gouvernement fédéral a cessé d'administrer directement des programmes. Quand j'ai débuté dans ce domaine, Santé Canada s'occupait surtout de programmes de nutrition prénatale et de développement de la petite enfance. Ces programmes existent encore, la plupart d'ailleurs s'adressant aux Premières nations, mais ils sont de moins en moins nombreux. Vous devriez demander des précisions aux ministres concernés de chaque province.

Cela soulève la question de savoir à quel palier du système les activités relatives à la santé des populations sont les plus efficaces. Dans certains cas, il s'agit de celles du palier fédéral, dans d'autres du palier communautaire et il y a aussi les activités intermédiaires qui sont le mieux assurées par les provinces. Nous cherchons encore une réponse à cette question et votre comité représente un pas important dans la formulation du rôle que le gouvernement fédéral pourrait jouer.

Le sénateur Callbeck: Vous avez dit que l'action communautaire en santé est un projet d'un an. Vous avez dit qu'au début, vous vous êtes heurtés à une forte résistance, mais que les choses ont changé et que vous bénéficiez à présent d'un appui important. Comment êtes-vous parvenus à ce résultat en un an?

M.Baas: La résistance avaient deux origines. Nous avons insisté sur deux choses. D'abord, nous avons rappelé qu'une partie de l'argent serait consacrée à l'embauche d'agents de développement communautaire, d'un personnel de terrain. Les fonds ont transité par la région sanitaire de l'intérieur pour être ensuite canalisés vers les sept organismes communautaires, organismes qui ont chacun embauché un agent de développement communautaire; c'est là où nous nous sommes heurtés à une certaine résistance. On nous a demandé pourquoi les fonds n'allaient pas directement aux demandeurs?

Le deuxième point dur tenait au fait que nous avions insisté afin de respecter les objectifs de ActNow, pour que les projets proposés favorisent un changement de politiques ou un changement sur le plan gouvernemental. Les gens ont résisté parce qu'ils ne savaient pas ce que cela signifiait.

Vous voulez savoir ce que donne un changement de politiques dans une petite collectivité? Eh bien, nous avons tenu de nombreuses réunions à l'échelon de la région pour en discuter. Ce million de dollars a fini par être rapidement distribué. Tout de suite après l'engagement des agents de développement communautaire par les organismes hôtes, les gens ont commencé à venir proposer leurs idées. Les agents de développement communautaire ont collaboré avec les demandeurs pour examiner leurs projets sous l'angle de la programmatique. Au fur et à mesure que les projets arrivaient, nous nous sommes aperçu que le fait d'avoir désigné des agents de développement ou d'intervention communautaire profitait aux autres projets de la collectivité, même s'ils n'avaient pas de rapport direct avec le projet central.

J'ai avec moi des exemplaires d'un tabloïde qui donne une brève description des 73 projets financés et qui s'attarde davantage sur certains d'entre eux. En fait, les gens en sont venus à connaître de mieux en mieux le processus et à comprendre ce que nous recherchions à long terme. Le financement sur un an peut avoir des effets prolongés dans le cas de projets concernant l'environnement ou les programmes. C'est ce que nous avons constaté.

Le sénateur Cochrane: J'ai une question à vous poser sur quelque chose qui n'apparaît pas dans vos notes. Parlez- moi du centre de distribution de seringues qui existe depuis plusieurs années. Est-ce qu'il donne des résultats? Êtes-vous au courant de ce qui se passe de ce côté?

M.Frankish: Vous voulez parler d'Insite, qui est la piquerie de Vancouver.

Le sénateur Cochrane: C'est dans le Downtown East-Side, n'est-ce pas?

M.Frankish: Je peux vous en parler, parce que j'ai participé à ce projet et il est possible que M.Baas voudra ajouter quelque chose de son côté.

La piquerie Insite vient, comme diraient certains, de bénéficier pour un temps d'un sursis d'exécution par le gouvernement. Il y a tout de même une controverse, puisque beaucoup estiment que les toxicomanes sont des gens qui font de mauvais choix. Ils ont un comportement malsain et dangereux parce qu'ils consomment des drogues injectables qui sont hautement toxicomagènes et qui entraînent de nombreux problèmes secondaires allant de la transmission de maladies infectieuses à l'overdose.

Le concept de réduction des préjudices nous vient de Hollande et d'Allemagne, mais aussi d'autres pays qui se sont dit qu'il faut faire quelque chose, même si l'on ne parvient pas à éliminer complètement le problème. Cette formule donne d'excellents résultats en Allemagne.

Une partie du problème à Insight consiste maintenant à définir à quoi correspond le succès. Si l'on retient comme critère de réussite la diminution du nombre de nouveaux toxicomanes ou de ceux qui décident de ne pas consommer de drogues, alors les résultats ne sont sans doute pas probants. Une équipe de chercheurs de Vancouver, sous la direction d'Evan Wood et d'autres, qui sont mes confrères, ont réalisé la meilleure recherche actuellement connue dans le monde. Il n'est pas nécessaire de faire davantage de recherches. La recherche en question a été publiée dans le New England Journal of Medicine et dans d'autres excellentes revues scientifiques.

Insite permet de réduire le nombre de décès par overdose ainsi que les problèmes associés à l'échange d'aiguilles, comme la transmission de l'hépatite C et du VIH. Le problème, c'est que le centre n'a pas été conçu, qu'il n'est pas financé et qu'il n'a pas les ressources voulues pour amener ses clients à faire ce que nous souhaitons qu'ils fassent, c'est- à-dire à suivre des cures de désintoxication, à avoir une meilleure qualité de vie et à réintégrer pleinement la société.

Au Canada, on va maintenant se tourner, afin de régler ce problème, vers une solution appliquée aux États-Unis qui consiste à imposer un traitement en milieu communautaire, les toxicomanes dont on juge qu'ils font de mauvais choix ayant l'option de se faire traiter ou d'être emprisonnés. Les Canadiens répugnent à empiéter sur les libertés sociales individuelles, ce qui est fort bien. Il ressort de tout ce que j'ai lu de détaché et d'objectif sur le sujet qu'Insite fait tout ce qu'il faut faire en fonction du mandat qui lui a été confié et que c'est une réussite. La recherche le confirme. Le programme n'a pas été conçu pour réduire le nombre de nouveaux toxicomanes et il donne les résultats escomptés en regard de ce pourquoi il a été mis sur pied.

M.Baas: J'ajouterais que, dès lors qu'on appréhende cette question sous l'angle de la santé des populations, on a une idée de tout le continuum. Comment parvenir à créer une société saine et dynamique où les gens se sentent partie prenante de sorte que le nombre de ceux et de celles qui se retrouvent dans la rue ou sans-abri ou qui consomment des drogues soit très limité? Le nombre de toxicomanes pourrait être réduit au point où toute action en matière de réduction des préjudices ne serait plus prédominante. Il y a certes la réduction des préjudices, mais si l'on pousse le continuum, il y a aussi les soins tertiaires ou l'incarcération. La réduction des préjudices est un élément parmi d'autres. Insight est un programme dont le mandat est limité, mais comme il retient l'attention, on peut obtenir beaucoup d'informations à son sujet.

M.Frankish: Cela nous ramène à une autre très grande question qui pourrait intéresser le comité, soit la notion de continuité des soins. Dans bien des volets de notre système, surtout quand il s'agit de questions concernant la santé des populations, la continuité des soins laisse beaucoup à désirer. Par exemple, à leur sortie de prison, les ex-détenus sont généralement aux prises avec d'énormes problèmes et ils ne bénéficient que de très peu d'assistance. L'autre jour, je me suis entretenu avec un chirurgien de Vancouver à propos d'un nouveau projet que nous lançons. Les patients qui sortent des hôpitaux de Vancouver après une chirurgie majeure se retrouvent directement dans la rue ou dans un logement pour sans-abri, ce qui est absurde. Insite n'assure aucune continuité et ne prend pas de mesures de suivi.

Le sénateur Cochrane: Notre sous-comité veut étudier l'efficacité des différents modes d'intervention destinés à réduire les disparités ou les inégalités dans le domaine de la santé entre les différents segments de la population, que ce soit les Autochtones, les jeunes, les personnes âgées ou les autres. C'est cela notre objectif.

D'après l'expérience de la Colombie-Britannique, quels sont les piliers ou stratégies qui permettent d'améliorer la santé en général et de réduire les disparités sur ce plan?

M.Baas: Voilà une bonne question, mais également très vaste à laquelle on pourrait répondre de différentes façons. Du point de vue provincial, les piliers sont la prise de conscience de la possibilité de régler les iniquités ainsi que l'engagement, à tous les échelons, d'agir dans ce sens. Cela étant posé, la province adopte des initiatives axées sur l'individu, comme ActNow, destinées à exploiter les forces des autorités sanitaires et à s'attaquer ensuite aux déterminants fondamentaux qui sous-tendent les problèmes constatés. Je tiens à mentionner la revue des programmes de santé publique entreprise en Colombie-Britannique en vue d'appliquer les principes d'équité à tout le travail qui se fait dans le domaine de la santé publique.

En règle générale, le budget des autorités sanitaires représente 3,5p.100 du budget total du ministère de la Santé publique de la Colombie-Britannique, et peut-être même moins. Quant au budget plus spécialement consacré à la santé des populations, il représente sans doute moins de 1p.100 du total, parce que la santé publique englobe tout, comme la vaccination. Cela n'a rien d'exceptionnel et c'est même assez caractéristique de ce qu'on constate à l'échelle canadienne. À la faveur du dialogue qui a cours, les gens réclament 6p.100 plutôt que 3p.100 du budget total.

M.Frankish: Je vous dirais, sans ordre particulier, que le premier de mes trois piliers est le développement de la petite enfance avec tout ce que les Drs Hertzman et Mustard en ont dit. Il est beaucoup plus difficile de guérir que de prévenir.

Le deuxième pilier, selon moi, est constitué par la littératie et le troisième est celui de l'emploi du plus grand nombre de femmes possible — surtout des Autochtones — dans des postes rémunérateurs.

Le quatrième pilier, qui soutient le reste de l'édifice, est le logement qui doit être adéquat, abordable et adapté à des personnes souffrant de maladie mentale ou à des toxicomanes. Nous avons récemment reçu la visite du rapporteur de l'ONU qui s'est rendu dans des collectivités de Premières nations. Il a déclaré que leur condition de vie est pire que celle constatée dans des pays du tiers monde.

Pour résumer, je dirais donc que mes quatre piliers sont le développement de la petite enfance, la littératie, la santé des femmes et le logement, surtout un logement qui soit adapté à des personnes souffrant de maladie mentale et de toxicomanies.

M.Baas: En ce qui concerne le développement de la petite enfance, les autorités sanitaires envisagent maintenant de se servir des informations recueillies grâce à l'instrument mis au point par le Dr Clyde Hertzman. Je ne sais pas exactement en quels termes cela a été énoncé, mais on le retrouve dans la lettre d'entente qui a été signée entre l'autorité sanitaire et la province. Ce projet ne concerne pas uniquement les autorités sanitaires, parce que, qui dit développement de la petite enfance dit également système d'éducation et autres types de soutien. Il est important d'en prendre acte.

Le sénateur Cochrane: Existe-t-il des interventions particulières qui, selon vous, sont les plus efficaces pour réduire ces disparités?

M.Baas: Je commencerai par mentionner le travail très important qui a été réalisé par tous les paliers de gouvernement sur le plan des politiques. Du point de vue des autorités sanitaires, je dirais que nous sommes efficaces dans la mesure où nous parvenons à mobiliser les collectivités pour les asseoir autour d'une table avec les ressources nécessaires, comme du personnel. En ce sens, la mobilisation de la collectivité est un processus actif. Par exemple, nous pouvons les aider à mettre sur pied un groupe de sécurité alimentaire ou à les sensibiliser au problème des chutes des personnes âgées ou des accidents de véhicule motorisé. Il est donc question pour nous de collaborer avec l'Autorité sanitaire du district du Nord et l'Autorité sanitaire de l'île de Vancouver pour trouver une façon de nous attaquer à ce problème du point de vue des autorités sanitaires et de faire également appel à tous ceux qui doivent participer à nos projets. L'essentiel, c'est la mobilisation, comme nous avons pu le constater à la faveur du projet sanitaire d'action communautaire. C'est fondamental, mais nous ne pouvons nous passer de politiques solides.

M.Frankish: Il y a une bonne histoire qui court au sujet d'un voleur de banque à qui l'on demande pourquoi il vole. Il répond: «Tout simplement parce que l'argent est là». Prenez deux pays, comme la Suède et le Royaume-Uni, qui ont apporté de grands changements dans le domaine dont nous parlons. Même les États-Unis ont fait beaucoup pour s'attaquer au problème des sans-abri. Nous devons emprunter et même voler les autres les idées qui fonctionnent. Il y a des formules que nous connaissons et d'autres, nombreuses, sur lesquelles nous continuons de plancher. Il faut effectivement que le gouvernement fixe une orientation, qu'elle relève de la Politique ou des politiques — et, comme vous le savez, ce n'est pas la même chose — parallèlement à une démarche communautaire qui part de la base. L'un sans l'autre, ça ne donne rien.

Le sénateur Cochrane: Vous heurtez-vous à des obstacles particuliers?

M.Baas: Du point de vue des autorités sanitaires, l'obstacle le plus évident est celui de la tension qui existe entre les soins de santé et les pressions énormes qui sont exercées pour réduire les listes d'attente, sans oublier la promotion de la santé et la santé des populations. Dans ce dernier cas, les résultats ne se font pas immédiatement sentir, ils interviennent à longue échéance.

Cela dit, nous avons l'impression d'être solidement appuyés au sein de notre autorité sanitaire et nous en sommes reconnaissants. Il n'empêche que nous sommes conscients des énormes pressions qui sous-tendent tout cela.

Il va falloir effectuer un gros travail du côté de la mobilisation et de la sensibilisation des collectivités. Il va falloir étendre le concept de la santé des populations bien au-delà du mandat confié aux autorités sanitaires. Par ailleurs, il faut se demander comment parvenir à mobiliser effectivement les collectivités.

Il y a quelques mois, nous avons contribué à promouvoir une conférence qui s'est déroulée à Kelowna. Elle avait pour thème «Les villes adaptées aux enfants». Nous sommes parvenus à rassembler des représentants de municipalités, de districts régionaux, d'autorités sanitaires et du milieu des affaires. Ils ont eu l'occasion de réfléchir sur la façon d'adapter nos villes pour nos enfants pour ce qui est du transport, du logement et ainsi de suite.

Le sénateur Cochrane: Ce projet se poursuit-il?

M.Baas: Il s'agissait d'une seule conférence. Il y aura des suites. L'Union des municipalités de la Colombie- Britannique y était également représentée. Nous avions de nombreux acteurs autour de la table, parce que ce genre de tribune est très important.

Comment transformer ces tribunes en action et comment les doter de ressources suffisantes? Quand on bénéficie du soutien du public, c'est merveilleux, mais il y a le problème du dialogue qu'il faut instaurer. Les gens me demandent pourquoi ils devraient dépenser de l'argent pour en aider d'autres à s'arrêter de fumer. Le budget de 3,5p.100 est celui de la santé publique en général. En vérité, nous n'investissons que très peu d'argent dans ce programme et nous nous demandons où sont les économies. Le tabagisme est un exemple classique.

Le sénateur Cochrane: Avez-vous évalué votre programme ActNow? En avez-vous fait une évaluation? Une telle évaluation est-elle prévue dans votre cadre? Tous les programmes doivent être évalués.

M.Frankish: Nous avons récemment lancé des appels d'offres pour engager une firme qui effectuera une évaluation à grande échelle. Je me réjouis que l'on songe à entreprendre une évaluation qui, semble-t-il, sera de grande envergure. Nous en sommes aux tout débuts, mais il ressort que le gouvernement envisage de faire faire une évaluation très solide. Il y a donc eu un appel d'offres dans ce sens et je connais même des gens qui ont soumissionné.

Le sénateur Cochrane: Est-ce que vous avez évalué quoi que ce soit jusqu'ici?

M.Frankish: Certaines choses, ici et là. Le ministre Hogg pourrait sans doute vous donner des informations de première main à ce sujet. Je sais qu'un cadre a été fixé et que les choses sont en mouvement.

Le président: Je vais commencer par vous poser deux ou trois questions dont les réponses seront très importantes pour nous.

Monsieur Baas, vous avez dit que toutes les autorités sanitaires régionales ne comportent pas une unité consacrée à la santé des populations. Ainsi, sur les cinq autorités sanitaires actuelles, combien comptent une telle unité?

M.Baas: Comme les structures sont différentes, il est difficile de répondre à cette question. Toutes les autorités sanitaires s'intéressent d'une façon ou d'une autre à la santé des populations et, à ce que je sache, toutes n'ont pas la même structure. En ce qui concerne notre autorité sanitaire, la santé publique est régionale. Notre service de santé publique s'occupe de toute la région et la santé des populations fait partie de son mandat. En qualité de directeur de la Santé des populations, je travaille aux côtés des autres directeurs à la prestation des services de prévention, de protection et autres. La structure varie donc d'une autorité sanitaire à l'autre. Cela s'explique par la façon dont la régionalisation s'est déroulée. Toutes les autorités sanitaires poursuivent le même grand objectif, mais je ne peux vous répondre quant aux caractéristiques particulières des services de santé des populations.

Le président: Quel lien avez-vous avec l'autorité ou l'organisme de santé publique de la Colombie-Britannique?

M.Baas: Nous travaillons en étroite relation avec cet organisme. John Millar siège au Réseau de santé des populations où il est très actif. Il y a un lien très étroit avec tout ce qui se fait dans le domaine de la santé des populations.

Le président: Je connais le Dr Millar depuis longtemps et il est même venu témoigner devant nous.

De qui relevez-vous?

M.Baas: Je relève du médecin-hygiéniste en chef de l'Autorité sanitaire du district de l'intérieur.

Le président: De la Santé publique.

M.Baas: C'est cela.

Le président: Quel lien avez-vous avec l'Institut d'information en santé, l'ICIS, en ce qui a trait à la collecte des données, surtout dans le cas de l'initiative sur la santé des populations?

M.Baas: Nous avons un spécialiste des données et de la surveillance qui travaille spécialement sur la question de la santé des populations. De plus, au sein de l'Autorité sanitaire de l'intérieur, des spécialistes de la collecte des données et de la surveillance ont accès aux données et cherchent à instaurer des relations de travail étroites.

Le président: Est-ce que vos données sont versées dans la banque de données de la Colombie-Britannique ou dans celle de l'ICIS?

M.Baas: Je ne peux vous répondre à ce sujet maintenant, mais je pourrai le faire plus tard.

Le président: Quelle relation entretenez-vous avec le palier municipal? La National Occupational Mortality Surveillance Study concerne 12 ou 13 déterminants de la santé. Si vous vouliez regrouper tout le monde autour de la table, de quels pouvoirs disposeriez-vous pour le faire? Quelle relation avez-vous avec les autres? Par exemple, siégez- vous aux conseils municipaux?

M.Baas: J'oublie combien il y a de collectivités dans notre région, mais il y en a beaucoup. Nous ne siégeons pas aux conseils municipaux. Pour ce qui est de nos pouvoirs, l'autorité sanitaire participe à des tribunes ou peut en organiser sur des thèmes particuliers; celle-ci suscitent un grand intérêt.

Là où nous sommes le plus efficaces, c'est quand nous intervenons dans des dossiers particuliers, comme celui des sans-abri à Nelson. Une partie de notre personnel participe aux échanges à ce sujet. Nos collaborateurs nous disent: «Voici tout ce qu'il faut faire; quel rôle légitime pourrions-nous remplir? Que pourrions-nous faire au sein de l'autorité sanitaire?» C'est à ce niveau que se situe le dialogue.

Pour ce qui est de notre pouvoir dans le domaine de la santé des populations, nous n'en avons aucun quand il s'agit de réunir les gens. Nous pouvons envoyer des invitations et obtenir l'engagement de nos vis-à-vis. Ce genre d'engagement varie d'une région à l'autre. Il peut être facile d'obtenir des résultats dans les collectivités où l'engagement est très fort. Ailleurs, là où il les gens sont moins déterminé, on assiste à des problèmes de disparités auxquels il convient de s'attaquer. J'aurais tort de dire que nous collaborons très bien avec toutes les collectivités. Ce n'est pas le cas, et c'est là où se situe le défi en ce qui nous concerne.

Comme nous faisons partie de la santé publique, nous devons nous intéresser aux écoles. On dénombre 16 districts scolaires dans notre région sanitaire. Il existe un projet dont le thème est «Des écoles plus saines pour des enfants plus sains». Les autorités sanitaires ont un personnel très nombreux qui travaille auprès des écoles: les infirmières qui s'occupent des échanges de seringues, les nutritionnistes qui s'occupent des questions d'alimentation, les spécialistes de la lutte contre le tabagisme, les techniciens en prévention des blessures, le personnel d'octroi des licences et permis, etcetera. Cela étant, nous avons lancé un vaste projet de mobilisation à l'occasion duquel nous avons demandé aux districts scolaires comment nous pourrions parvenir à mieux collaborer avec eux pour améliorer la santé des enfants et pour déterminer le rôle que devrait jouer l'autorité sanitaire. Ce projet a donné lieu à de fantastiques échanges et je pense que les choses vont bouger dans l'année à venir parce que les conseils scolaires s'intéressent maintenant de près à ce projet. C'est devenu un point de mire très clair. Nous ne leur disons pas «Voici votre projet; allez-vous pouvoir le faire?»

Le président: Nous espérons revenir fréquemment sur le thème des écoles saines dans notre rapport.

Monsieur Frankish, il y a une chose dont je voulais vraiment vous parler, mais je devrai le faire après cette réunion, en tête-à-tête avec vous.

Le sénateur Munson: Il faut que tout le monde soit présent quand on traite ce genre de sujet, et il n'a pas été du tout question du secteur privé. Est-ce que le secteur privé est représenté quand vous faites des études de faisabilité sur la santé des populations et, si oui, comment les choses fonctionnent-elles? Quel rôle stratégique le secteur privé peut-il jouer à l'égard du financement des programmes au centre des villes?

Nous avons recueilli des témoignages, ici et ailleurs, sur le fait que les choses fonctionnent mieux avec les entreprises, chez nos voisins américains. Les commerçants vont dans la rue et remettent des fonds pour financer des projets collectifs, au palier municipal, à celui des États et au palier fédéral.

M.Frankish: Jusqu'ici, le secteur privé n'a pas été représenté aussi souvent ni aussi visiblement qu'il l'aurait dû. La santé des populations sera limitée sans la participation de ce secteur. Parmi les déterminants de la santé, on retrouve l'emploi, les conditions de travail et l'éducation, autant de dimensions qui sont étroitement liées au secteur privé. Je ne vois pas comment nous allons pouvoir aboutir dans le domaine de la santé des populations au Canada si le secteur privé n'est pas présent.

Si nous cherchons à améliorer la santé des populations, c'est aussi pour améliorer la productivité sociale, la réintégration sociale et la qualité de vie, éléments qui ont tous un rapport avec la santé, vue sous l'angle des soins de santé. Cela exige la participation du secteur privé. Ce secteur possède une vaste compétence et énormément de ressources; des ressources potentielles qui ne consistent pas à retirer quoi que ce soit du système de soins de santé. Le secteur privé sait comment s'attaquer aux problèmes. Il faut amener les acteurs du secteur privé à participer à ce genre de réunions et à échanger avec nous.

Dans les petites entreprises, il y a des gens qui peuvent avoir de véritables difficultés. La vaste majorité des entreprises au Canada comptent moins de huit employés. Avant, j'oeuvrais dans le secteur de la promotion de la santé en milieu de travail et je peux vous dire qu'il est facile de parler de BCTel ou d'UBC qui comptent des milliers d'employés. Cependant, histoire d'enfoncer le clou, on peut se demander quel rôle les petits entrepreneurs peuvent jouer. Ils représentent environ 90p.100 du secteur privé au Canada, surtout dans les petites collectivités rurales et éloignées. Il va donc falloir tenir un véritable débat sur ce plan.

M.Baas: J'ajouterai une dernière chose. Les chercheurs ont étudié la B.C. Healthy Living Alliance Initiative à laquelle participe le gouvernement provincial. Je ne suis pas sûr qu'il ait été question de la subvention de 25 millions de dollars.

Le président: Merci à vous deux. Nous vous sommes énormément reconnaissants.

Le comité poursuit ses travaux à huis clos.


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