Délibérations du Sous-comité sur la Santé des populations
Fascicule 3 - Témoignages du 6 février 2008
OTTAWA, le mercredi 6 février 2008
Le Sous-comité sur la santé des populations du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui, à 16 h 12, pour étudier les divers facteurs et situations qui contribuent à la santé de la population canadienne, appelés collectivement les déterminants sociaux de la santé.
Le président Wilbert J. Keon (président) occupe le fauteuil.
[Translation]
Le président : Chers collègues, nous sommes heureux d'accueillir aujourd'hui Mme Pegeen Walsh, directrice de la Prévention des maladies chroniques du ministère de la Promotion de la santé de l'Ontario; le Dr Andrew Pipe, directeur médical du Centre de prévention et réadaptation Minto à l'Institut de cardiologie de l'Université d'Ottawa; et Mme Laura Pisko-Bezruchko, directrice principale de la planification du Réseau local d'intégration des services de santé, ou RLISS, à Toronto.
Pegeen Walsh, directrice, Prévention des maladies chroniques, ministère de la Promotion de la santé de l'Ontario : Merci, monsieur le président. Je suis heureuse d'être ici. En remontant la Colline du Parlement aujourd'hui, je me remémorais des souvenirs et je me suis revue à l'âge de 23 ans, traversant les couloirs du Sénat pour une entrevue d'emploi comme stagiaire parlementaire. Je me rappelle avoir regardé les portraits de tous vos prédécesseurs. Il s'est avéré utile de faire un retour en arrière, car le Canada a été un chef de file en matière de promotion de la santé. Ce secteur nous offre de nombreuses stratégies utiles pour réduire les disparités sur le plan de la santé. Nous avons la possibilité de redevenir un chef de file.
Vous avez entendu parler de nombreuses initiatives communautaires intéressantes ainsi que d'une foule de programmes novateurs partout au pays dont certains, ici en Ontario, sont financés et dirigés par le gouvernement. Je sais que vous avez eu l'occasion de jeter un coup d'œil aux observations que je formulerai aujourd'hui, et je vais souligner certains des points que j'ai déjà abordés avec vous.
Comme on l'a dit, je représente le ministère de la Promotion de la santé de l'Ontario. Je veux parler de quelques-unes des mesures novatrices que nous appuyons, ainsi que des initiatives menées ailleurs au sein du gouvernement de l'Ontario, et formuler quelques recommandations.
Il y a deux ans et demi, le premier ministre McGuinty s'est aperçu que la santé, c'est plus que les soins de santé. J'ai appris avec intérêt, monsieur le président, que vous avez participé à la production du rapport Kirby. Comme nous l'avons vu dans celui-ci, votre comité a effectué des recherches approfondies sur le système de soins de santé et a reconnu, dans le dernier chapitre du rapport, que bien d'autres facteurs influent sur la santé. Notre premier ministre s'est rendu compte que si nous ne commençons pas à penser au vieillissement de la population et au nombre croissant de maladies chroniques, et à trouver de nouveaux moyens novateurs d'aborder les questions liées à la santé, les 42 p. 100 du budget de l'Ontario déjà consacrés aux soins de santé augmenteront, ce qui absorbera une part de plus en plus importante des ressources provinciales.
Notre initiative actuelle a été créée il y a environ deux ans et demi en s'inspirant de concepts tirés de la Charte d'Ottawa et la Charte de Bangkok : notions de santé des populations, stratégies de promotion de la santé et capacité de se faire le grand défenseur de la promotion de la santé et création d'une culture de la santé et du bien-être. On a reconnu que pour atteindre ce but, il nous faudrait travailler en partenariat non seulement avec des intervenants du gouvernement provincial ou d'autres paliers de gouvernement, mais aussi avec différents secteurs. Nous sommes 140 personnes à peu près qui travaillons à cette initiative de 400 millions de dollars qui met l'accent sur des domaines comme une saine alimentation, une vie active, la lutte contre le tabagisme, la prévention et la gestion des maladies chroniques, la santé mentale et les blessures. Nous offrons également notre soutien au système de santé publique en Ontario. J'y reviendrai dans quelques minutes. Ce partenariat est indispensable pour réduire les disparités sur le plan de la santé.
Dans ma déclaration, je souligne différentes initiatives qui sont menées en Ontario. Il y a deux ans, nous avons lancé un plan en faveur d'une saine alimentation et d'une vie active, reconnaissant toute l'importance que les gens aient de l'information sur la façon de manger sainement et de faire des choix santé. Nous avons créé SaineAlimentation Ontario, un service qui offre de l'information gratuite. Les résidants de l'Ontario peuvent consulter des diététistes par téléphone ou par courriel et obtenir des renseignements de première main sur la manière de régler leurs problèmes liés à l'alimentation. C'est d'autant plus important que l'Ontario est l'une des provinces qui compte le moins de diététistes par habitant au pays. Ce service est indispensable, particulièrement pour les gens des régions rurales ou éloignées.
Vous avez peut-être aussi entendu parler de notre programme pilote de consommation de fruits et de légumes dans le Nord. Nous savons qu'il y a des jeunes dans certaines régions du Nord de l'Ontario qui ne consomment pas de fruits et de légumes en quantités suffisantes pour garantir une croissance et un développement adéquats. Il est important que les enfants puissent goûter aux fruits et aux légumes pour pouvoir les intégrer à leur alimentation quotidienne. En collaboration avec les producteurs de fruits et de légumes de l'Ontario, les services de santé publique et les conseils scolaires, nous avons lancé une initiative il y a un an et demi grâce à laquelle jusqu'à 12 000 enfants de l'élémentaire dans le Nord de l'Ontario reçoivent quotidiennement trois portions de fruits et de légumes, cultivés principalement en Ontario. Ils reçoivent non seulement ces fruits et ces légumes, mais ont également l'occasion d'apprendre l'importance d'incorporer des fruits et des légumes dans leur alimentation; leurs parents sont aussi en contact avec ce matériel didactique, qui est intégré au programme d'études.
Nous avons également examiné des façons d'éliminer les obstacles à l'activité physique. Nous savons que ce peut être difficile si les enfants n'ont pas accès à des installations récréatives, de l'équipement ou du soutien. Grâce à notre Fonds Collectivités actives, nous avons aidé plus d'un million d'enfants par l'entremise de différents types d'initiatives, et vous avez d'ailleurs une liste des groupes avec qui nous avons collaboré. Nous sommes particulièrement ravis du travail que Parcs et Loisirs Ontario effectue puisqu'il vérifie partout dans la province où doivent être mises en place des politiques pour éliminer les obstacles à l'activité physique.
En matière de lutte contre le tabagisme, nous travaillons non seulement à établir des programmes, mais aussi des politiques. Par exemple, au printemps dernier, nous avons réussi à supprimer la taxe de vente au détail sur les auxiliaires pour cesser de fumer pour les rendre plus abordables. Nous collaborons également avec des centres de santé communautaire et des centres de soins de santé autochtones parce qu'ils travaillent directement avec des collectivités confrontées à de nombreux obstacles à l'accès aux services, et qu'ils offrent non seulement gratuitement ces produits pour cesser de fumer, mais aussi du counseling. Je suis persuadée que mon collègue vous parlera d'une partie du travail qui se fait en milieu hospitalier pour lutter contre le tabagisme.
J'ai parlé de notre rôle à l'égard de la santé publique. Notre ministère fournit 50 p. 100 du financement qui est injecté dans le système de santé publique pour ces programmes de promotion de la santé. Récemment, nous avons travaillé avec 36 bureaux de santé partout en Ontario pour mettre à jour les normes qui régissent leur travail. Quand vous aurez l'occasion d'examiner ces normes, qui sont affichées en ligne, vous constaterez qu'elles reconnaissent désormais le rôle crucial des déterminants de la santé. À moins de commencer à nous attaquer aux autres facteurs tels que le revenu, l'emploi, le bon développement des enfants et à travailler avec divers autres secteurs sur ces derniers, les améliorations nécessaires dans le secteur de la santé ne se réaliseront pas. Quelque 7 000 professionnels dans le système de soins de santé sont prêts et font depuis longtemps d'énormes progrès pour réduire les disparités sur le plan de la santé.
En Ontario, nous avons un réseau exceptionnel de centres de ressources qui offrent du soutien aux personnes œuvrant dans le domaine de la promotion de la santé. Ces centres fournissent ressources, information sur les pratiques efficaces, formation et services de consultation. Pour bien des gens qui ne sont pas familiers avec la promotion de la santé, les centres offrent des cours en ligne sur le concept de la santé des populations, les déterminants de la santé et la façon de trouver des stratégies efficaces pour mettre ces concepts en pratique.
J'ai décrit une partie du travail que fait notre nouveau ministère de la Promotion de la santé mais, comme je l'ai mentionné au début, nous devons absolument travailler en partenariat, car nous savons que tant de ces autres facteurs ont une incidence sur la santé. Je veux aborder quelques-unes des initiatives qui sont menées actuellement ailleurs au gouvernement de l'Ontario, que ce soit les travaux sur la pauvreté et l'équité ou l'éducation, l'enfance et la jeunesse, et la santé.
Depuis une dizaine d'années, nos collègues au ministère des Services à l'enfance et à la jeunesse appuient les initiatives appelées Meilleur départ et Bébés en santé, enfants en santé. Il s'agit d'un programme universel qui repère toutes les nouvelles mères pour s'assurer qu'elles obtiennent l'aide dont elles ont besoin pour favoriser la saine croissance et le développement de leur enfant.
Par suite de l'entrée en vigueur de la Loi prévoyant l'intégration du système local de prestation des services de santé, le ministère de la Santé élaborera un plan décennal pour la santé. Celui-ci énoncera des buts, des résultats et des stratégies. C'est important, car une fois que le ministère commence à définir ces buts et à se pencher sur des résultats pour la santé, on ne peut faire autrement que se mettre à décortiquer le problème, à en examiner les causes profondes et à se rendre à l'évidence qu'investir davantage dans les soins de santé n'améliorera pas nécessairement l'état de santé.
Ce qui est fascinant à propos de ce plan, c'est que durant les consultations, quand les délégués ont sillonné l'Ontario pour entendre l'avis de milliers de groupes et d'individus, la majorité des gens ont évoqué la nécessité d'axer davantage les efforts sur le maintien de la santé des gens, la prévention des maladies et des stratégies de promotion de la santé. Même ceux n'ayant jamais œuvré dans le domaine de la promotion de la santé l'ont dit.
La province, en reconnaissant ce but, a aussi doublé le nombre de centres de santé communautaires, qui adoptent une approche plus globale et intégrée à l'égard de la santé en travaillant dans les collectivités avec un éventail de professionnels de la santé. Le gouvernement s'est engagé à élaborer une stratégie de prévention et de gestion des maladies chroniques de 150 millions de dollars. On s'emploie actuellement à mettre en œuvre cet engagement.
L'année dernière, le ministère de la Santé a créé une section en matière d'équité. Elle a pour but d'étudier les stratégies nécessaires pour réduire les obstacles aux services sanitaires et sociaux et de travailler avec d'autres ministères du gouvernement provincial.
Vous avez peut-être aussi entendu parler de la création d'un nouvel organisme appelé l'Agence ontarienne de protection et de promotion de la santé. Celle-ci nous fournira une source d'expertise pour étudier des problèmes liés aux maladies infectieuses, mais plus important encore, elle nous informera sur la façon de maintenir les gens en bonne santé, d'acquérir les compétences et connaissances scientifiques en matière de promotion de la santé et de stratégies pour réduire les disparités sur le plan de la santé.
Le ministère de l'Éducation collabore très étroitement avec nous pour bâtir des écoles favorisant la santé des élèves. Pour la première fois, nous avons mis sur pied une table ronde regroupant des représentants des secteurs de l'éducation et de la santé pour examiner des façons de mettre à contribution le milieu scolaire afin de promouvoir la santé. Par ailleurs, le gouvernement est déterminé à améliorer les taux d'obtention de diplôme, à venir en aide aux collectivités à risque et à contribuer à un certain nombre d'autres initiatives que j'ai mentionnées.
Vous avez peut-être lu dans les journaux récemment qu'un nouveau comité du Cabinet a entrepris d'étudier les problèmes liés à la pauvreté. Il a pour mandat de fixer des objectifs et des indicateurs. Il vient de commencer, mais il examinera le rôle des différents ministères du gouvernement provincial et les mesures qu'il convient de prendre pour réduire la pauvreté et offrir des possibilités aux Ontariens. Dans le cadre de cette étude, le gouvernement s'engage également à offrir un programme de soins dentaires aux Ontariens à faible revenu.
Honorables sénateurs, voilà qui vous donne un aperçu de notre ministère et de quelques-unes des initiatives menées actuellement au sein du gouvernement de l'Ontario. J'aimerais prendre quelques instants pour vous faire quelques recommandations.
Puisque la santé est principalement du ressort des provinces, le gouvernement fédéral a de nombreux leviers à sa disposition. Il peut appuyer de nouvelles politiques, offrir du financement, contribuer à l'évaluation et à la recherche et générer de nouvelles connaissances sur ce qui fonctionne. Mais par-dessus tout, il peut créer des mécanismes de collaboration. On oublie souvent ces mécanismes parce qu'ils ne fournissent pas nécessairement un programme ou une initiative où les gens peuvent dire : « Regardez ce que nous avons créé ». Toutefois, la création de ces mécanismes qui regroupent les gens peut permettre de tirer parti des synergies et d'échanger des connaissances.
Quand je vois mon collègue, le Dr Pipe, je pense au travail qui a été fait pour lutter contre le tabagisme. Grâce à l'infrastructure qui a été ainsi créée pour permettre la planification locale, régionale et provinciale, d'énormes progrès ont été réalisés. Il serait utile non seulement de tirer parti des mécanismes fédéraux-provinciaux-territoriaux existants, mais aussi d'examiner quel type de mécanisme de collaboration au sein du gouvernement fédéral peut réunir les ministères pour une planification conjointe et une utilisation optimale des ressources.
L'Ontario a demandé au gouvernement national d'investir dans un programme d'infrastructure parce que nous avons besoin de ces installations pour améliorer l'accès aux programmes de loisirs. Nous aimerions aussi qu'on relance la Stratégie pancanadienne intégrée en matière de modes de vie sains, un plan que le gouvernement fédéral avait mis en branle il y a plusieurs années et qui s'appuyait vraiment sur les concepts de santé des populations et de réduction des disparités sur le plan de la santé. Malheureusement, nous semblons être passés à des stratégies plus axées sur des maladies particulières et privilégier une approche intégrée en matière de prévention des maladies chroniques.
Comme je l'ai mentionné au début de ma déclaration, le ministre de la Santé du Canada en 1974, Marc Lalonde, avait présenté un rapport portant sur les nouvelles perspectives de la santé. Ce document fournissait de nombreuses réponses aux questions débattues par votre comité actuellement.
Ensuite, le Canada s'est trouvé au premier plan, en collaborant avec l'Organisation mondiale de la Santé en 1986, réunissant des promoteurs de la santé du monde entier pour créer la Charte d'Ottawa, qui a été déclarée lors de réunions subséquentes comme fournissant un plan pour l'avenir.
Comme il est énoncé dans le rapport de 2005 du Conseil canadien de la santé, un groupe d'experts en soins de santé a passé beaucoup de temps à examiner la façon dont nous pouvions renforcer le système de soins de santé et il est arrivé à la conclusion que le principal obstacle avait trait à la réduction des disparités sur le plan de la santé. Il faisait valoir qu'il fallait sensibiliser les gens à l'importance de ces autres facteurs qui influent sur la santé pour l'améliorer.
Nous avons des exemples d'autres gouvernements. Citons notamment l'Angleterre, qui s'est récemment engagée à verser près de un milliard de dollars pour lutter contre l'obésité. Nous savons que bien souvent, les taux les plus élevés de nombreuses maladies chroniques sont enregistrés chez les personnes à faible revenu et peu instruites.
Nous avons les feuilles de route; nous avons un grand nombre des stratégies; nous avons le public qui s'intéresse de plus en plus au sujet et reconnaît à quel point il est important de maintenir les gens en bonne santé. Comme je l'ai dit, il y a beaucoup d'innovation. J'ai souligné certaines des choses qui se font en Ontario, et vous aurez la chance d'entendre ce qui se fait ailleurs dans la province.
Je félicite votre comité de s'intéresser à la question et de saisir l'occasion d'attirer l'attention du public et d'offrir des moyens concrets pour que les gouvernements et les collectivités de tout le pays s'emploient à réduire les disparités.
Le président : Merci beaucoup. C'était un excellent exposé. Pour ceux d'entre vous qui n'êtes pas familiers avec les initiatives de l'Ontario, les réseaux locaux d'intégration des services de santé, ou les RLISS, sont les organisations locales. Ils ne sont pas encore tout à fait régionalisés, mais je pense qu'ils le seront un jour. Il s'agit d'un pas de géant en Ontario en vue de fournir des services sur le terrain dans la province.
Madame Pisko-Bezruchko, vous nous parlerez probablement des RLISS, puis de ce que vous faites précisément. Par ailleurs, nous vous serions reconnaissants de limiter vos remarques, le Dr Pipe et vous, à 10 ou 12 minutes pour que chaque sénateur ait environ 10 minutes pour vous poser des questions par la suite.
Laura Pisko-Bezruchko, directrice principale de la planification, Réseau d'intégration des services de santé de Toronto : Je suis la première directrice principale de la planification, de l'intégration et de l'engagement de la collectivité au Réseau local d'intégration des services de santé du Centre-Toronto, communément appelé RLISS. Quand j'ai commencé il y a deux ans, je suis entrée dans un bureau vide. Je n'avais aucune liste de distribution des intervenants, rien. Quand nous annoncions aux gens au téléphone que nous étions le RLISS, on nous répondait habituellement : « Qui ça? ». Nous en sommes encore à nos premiers balbutiements en Ontario, si je puis dire. Généralement, le public ne comprend pas ce qu'est un RLISS ou en quoi il consiste.
Je vais vous expliquer brièvement ce qu'est le RLISS. Je vais vous parler, d'un point de vue opérationnel, de ce que nous faisons à l'échelle locale en matière de santé des populations et de planification, et de financement d'un système de soins de santé. Merci beaucoup de m'avoir invitée à faire partie de ce groupe d'experts pour vous informer de notre travail en matière de santé des populations.
Je vais aborder trois principaux points. Premièrement, je décrirai la réalité d'une communauté urbaine densément peuplée et très diversifiée et la façon dont nous avons analysé les déterminants sociaux de la santé et les avons intégrés à nos activités de planification et d'établissement des priorités. Deuxièmement, je vous entretiendrai de la manière dont nous nous sommes investis au sein de la collectivité afin d'orienter et d'ancrer nos activités de planification, d'intégration et de financement des services de santé locaux. Troisièmement, j'expliquerai comment nous en sommes arrivés à accorder la priorité à la réduction des disparités en matière de santé et comment nous appliquons les principes de diversité et d'équité à toutes nos activités.
Qu'est-ce qu'un RLISS? Plus particulièrement, le RLISS du Centre-Ontario est l'un des 14 organismes d'État de l'Ontario créés en 2006 en vertu de la Loi sur l'intégration du système de santé local. Sur une carte, c'est à peine si vous verriez le RLISS du Centre-Toronto; nous sommes communément connus sous le nom de RLISS » de la taille d'un timbre-poste », comparativement à celui du Nord-Ouest, qui fournit des services sur une superficie aussi grande que la France. Les RLISS varient énormément les uns des autres. Notre mandat consiste à améliorer la santé des résidants locaux en leur facilitant l'accès à des services de santé coordonnés de haute qualité et en gérant le réseau local de santé efficacement.
Même s'il s'agit d'un modèle régionalisé typiquement ontarien, nos fonctions sont comparables à celles des offices régionaux de la santé créés dans les autres provinces. Au RLISS du Centre-Toronto, nous gérons quatre milliards de dollars en services locaux de santé, sans compter les services médicaux, les services de santé publique et les services d'urgence, y compris les ambulances et les laboratoires.
La région métropolitaine de Toronto a été divisée en cinq RLISS. Le nôtre est le seul à être situé entièrement à l'intérieur de la ville de Toronto. Nous finançons 196 organismes différents, dont bon nombre exercent leurs activités à divers endroits et dans le cadre de programmes multiples. Nous avons appliqué une vision axée sur la santé des populations dans nos activités de planification et notre engagement auprès de la collectivité. Nous desservons l'une des populations les plus nombreuses, soit quelque 1,2 million de résidants, et comptons la plus forte concentration de fournisseurs de services de santé de toute la province.
Étant le seul RLISS entièrement urbain, le RLISS du Centre-Toronto doit répondre à des besoins socioéconomiques particuliers et à des facteurs complexes comme la diversité démographique, culturelle et linguistique, l'orientation sexuelle et l'inconvénient de vivre au centre-ville. D'autres facteurs comme l'inégalité des revenus, l'itinérance et la toxicomanie doivent être pris en compte dans la planification et l'évaluation des services de santé en Ontario. Un aperçu de notre population révèle que nous sommes aux prises avec un vaste écart de revenus et avons certains des ménages et quartiers les plus pauvres de l'Ontario et du Canada et d'autres où les revenus et le niveau de scolarité sont très élevés.
Nous sommes le pays d'accueil des nouveaux immigrants et des réfugiés et nos résidants proviennent de plus de 200 pays et parlent plus de 160 langues et dialectes, ce qui complique encore plus notre travail. Sur le plan socioéconomique, nous enregistrons des taux élevés de chefs de famille monoparentale, de personnes à faible revenu, de résidants qui méconnaissent l'anglais, de personnes atteintes du VIH/sida et d'aînés vivant seuls. Nous avons une forte concentration d'itinérants, notamment des usagers ou survivants du système de santé mentale et des toxicomanes.
Nous accueillons un flux de migrants tous les jours. Près d'un demi-million de personnes transitent par le RLISS quotidiennement, bon nombre d'entre elles préférant utiliser les services de santé de Toronto. Les disparités sont frappantes entre l'état de santé et l'accès aux services. Par exemple, le pourcentage de personnes dont l'état de santé est mauvais ou moyen était trois fois plus élevé dans les groupes à faible revenu que dans ceux à revenu élevé.
Nous avons les taux de prévalence et d'incidence du diabète qui augmentent le plus rapidement en Ontario. Les taux de diabète sont également plus élevés dans les quartiers comptant une forte proportion de nouveaux immigrants et de personnes ayant une connaissance limitée de l'anglais.
Dans nos quartiers, les nouveaux immigrants sont moins susceptibles d'avoir un médecin de famille que le reste des Ontariens. Ils déclarent avoir davantage de besoins non satisfaits en matière de santé et ils sont deux fois et demie plus nombreux à éprouver de la difficulté à avoir accès à des soins de santé et moins nombreux à avoir recours aux services de prévention.
Malgré les ressources et les efforts considérables déployés par notre réseau pour accroître l'accès aux opérations de remplacement de la hanche, les besoins non satisfaits demeurent nombreux. Par exemple, même si les résidants des quartiers à faible revenu sont en moins bonne santé et consultent plus souvent le médecin pour des problèmes d'arthrite, ceux des quartiers pauvres du Centre-Toronto avaient 60 p. 100 moins de chance d'avoir une opération de la hanche que les résidants des quartiers mieux nantis. C'est un exemple des multiples disparités qui existent au sein de notre RLISS.
Comprendre les déterminants sociaux de la santé et agir en conséquence représentent l'un des grands principes de planification pour nous, et je vais maintenant expliquer comment cela a évolué. Nous avons intégré le principe de l'équité dès nos débuts il y a deux ans et demi. Dès la création des RLISS par le gouvernement de l'Ontario, des groupes de travail composés de fournisseurs de services, d'organismes communautaires, de chercheurs et d'autres intervenants ont été mis en place dans chaque RLISS afin de déterminer les priorités initiales en matière d'intégration. Selon le rapport présenté par le RLISS du Centre-Toronto, ces groupes ont convenu que la principale priorité consistait à prendre des mesures à l'égard des déterminants sociaux de la santé et à éliminer les disparités en matière de santé. Nous avons validé ce rapport qui nous a servi de base. Nous savions qu'il était essentiel de consulter les résidants et de nous assurer de leur participation si nous voulions planifier des services de santé efficaces et adaptés à leurs besoins et nous savions également que le processus devait être itératif.
En 2006, nous avons établi un dialogue avec les personnes qui vivent et travaillent sur notre territoire et qui utilisent les services de notre RLISS. Durant cette courte période, nous avons consulté près de 7 000 personnes et plus de 200 fournisseurs de services de santé.
Je ne vais pas énumérer tous les messages que nous avons ici, mais certains d'entre eux rejoignent ce qu'a dit Mme Walsh. Nous devons porter attention aux déterminants sociaux de la santé. Nous devons améliorer l'accès aux services pour les aînés, les personnes souffrant de troubles mentaux, les toxicomanes et les personnes ayant des besoins spéciaux qui sont souvent ignorés, comme les Autochtones et les sans-abri. Nous devons intégrer la promotion de la santé et la sensibilisation à nos activités de planification. En parlant avec les gens, ils nous ont conseillé de nous concentrer non seulement sur les maladies, mais aussi sur le bien-être et la promotion de la santé.
Notre premier plan stratégique a été élaboré à la lumière de nos consultations et de notre examen des études de planification et des résultats de recherche antérieurs. Appelé Plan d'intégration des services de santé, celui-ci prévoit un plan d'action pour les principaux domaines d'intervention tels que ceux que j'ai mentionnés, de même que les services de réadaptation, les priorités provinciales en matière de services de santé administratifs et de soins prolongés, comme la stratégie de réduction des temps d'attente.
Ce plan définit également les principales priorités en vue de la transformation du système, notamment la cybersanté, l'intégration des activités d'arrière-guichet et les ressources humaines en santé et la réduction des disparités grâce à une amélioration de l'accès et de la qualité des services. Dans tous les domaines cliniques, il est indispensable de réduire les disparités en assurant une coordination plus efficiente et efficace. L'une de nos priorités consiste à aider les personnes âgées marginalisées à avoir accès aux soutiens disponibles et à s'orienter dans le système de santé. Je suis certaine que nous avons tous des histoires à raconter sur la difficulté d'obtenir les services dont nous avons besoin pour nos proches.
La prise en compte des déterminants sociaux de la santé est un principe de planification de base. Dans l'étude de cas que j'ai jointe à la présente, je vous explique comment nous intégrons ces principes à notre travail. Faute de temps, je vais vous laisser la regarder.
Nous nous sommes assurés de l'engagement d'un grand nombre de résidants et d'intervenants pour mettre en œuvre les priorités énoncées dans notre Plan d'intégration des services de santé. Nous avons formé des conseils consultatifs multisectoriels proactifs pour chacun des secteurs prioritaires de même que des forums et des mécanismes visant à faire participer les résidants à la mise en œuvre du plan. Au début, les fournisseurs de service de santé nous ont dit que nous ne devrions et ne pourrions pas le faire, mais nous l'avons fait quand même et leur avons prouvé qu'ils avaient tort.
Nous sommes en train d'établir un cadre stratégique concret dans le but de réduire les disparités en matière de santé. Notre conseil d'administration a mis sur pied un groupe de travail composé de membres du personnel et de résidants, et nous avons confié à un spécialiste d'expérience la tâche d'élaborer la feuille de route. Nous voulons utiliser les meilleures pratiques applicables aussi bien localement, qu'à l'échelle nationale ou internationale. Nous mettons à contribution les compétences de nos nombreux fournisseurs de services de santé ainsi que celles d'éminents universitaires et chercheurs de Toronto. Même si la feuille de route n'est pas encore au point, nous nous attendons à ce qu'elle prévoie, par exemple, la détermination des défis prioritaires tels que les barrières systémiques sous forme de problèmes liés aux politiques et aux règlements, le manque d'accès aux soins primaires, les barrières linguistiques, ainsi que les problèmes touchant de nombreux groupes défavorisés et ceux plus faciles à régler ou susceptibles d'avoir le plus d'effet positif sur les groupes défavorisés.
Le manque de données fiables et récentes — par exemple, concernant les besoins en santé des groupes ethnoculturels et des nouveaux immigrants et les services qu'ils utilisent — nous pose un problème. Nous nous efforçons de trouver des moyens originaux pour harmoniser les sources de données et relier les bases de données entre elles afin de connaître les besoins et les préférences en matière de services de santé.
En raison du manque de ressources, nous ne pouvons pas régler tous les problèmes immédiatement. Nous devons planifier judicieusement là où les investissements et les interventions stratégiques auront le plus de répercussions. Jusqu'à maintenant, nous avons misé sur les ressources à portée de main, comme nous les appelons — les projets pilotes ou de démonstration déjà mis en place dans notre communauté que nous pouvons étendre plus globalement à la grandeur de notre système de santé local.
Nous avons trouvé des solutions avec les fournisseurs de services de santé et d'autres intervenants, et nous savons que nous n'obtiendrons de résultats que si nous travaillons en partenariat et en collaboration. Nous avons déjà commencé à encourager les fournisseurs de services de santé à assurer l'équité dans les services qu'ils offrent et au sein de leur organisation. Par exemple, notre conseil d'administration a demandé aux 18 hôpitaux financés par notre RLISS — ce qui représente 3,2 milliards de dollars du budget d'exploitation du système de 4 milliards de dollars — d'élaborer et de présenter des plans concrets pour assurer l'équité en matière de santé. Nous espérons qu'ils utiliseront des méthodes novatrices pour éliminer les disparités. Par exemple, un hôpital peut décider de travailler en partenariat avec des organismes communautaires afin de rejoindre certains groupes ou quartiers et de faire un suivi.
Notre conseil d'administration place l'équité dans la liste des priorités. C'est pourquoi notre feuille de route énoncera tout d'abord des objectifs de rendement clairs afin que nous puissions mesurer nos progrès. Par exemple, un indicateur de succès pourrait être un meilleur accès à certains services dans des quartiers défavorisés ou encore, la réduction des disparités dans l'utilisation des services comme les remplacements de la hanche que j'ai mentionnés tout à l'heure.
Nous avons commencé à travailler en collaboration avec des fournisseurs de services de santé afin d'intégrer des attentes réalistes aux ententes de financement et de responsabilisation que nous concluons avec eux, en utilisant les leviers dont nous disposons pour promouvoir l'équité en matière de santé. La loi sur le financement des RLISS confère à ces derniers d'importants pouvoirs dans le but de responsabiliser les fournisseurs de services. Nous avons le pouvoir de prendre des décisions d'intégration qui servent les meilleurs intérêts du public. Nous pouvons intégrer des objectifs et des indicateurs d'équité aux ententes de responsabilisation que nous concluons avec nos fournisseurs de services de santé.
Par exemple, nous pourrions obliger chaque hôpital à démontrer que ses habitudes d'utilisation des services correspondent à la diversité de la population desservie. Certaines attentes doivent être très précises; par exemple, les hôpitaux du centre-ville doivent démontrer qu'ils fournissent des services pertinents et adéquats aux sans-abri. Nous pouvons penser à bien d'autres exemples.
Vous comprendrez que le RLISS doit prendre des décisions éclairées mais souvent difficiles pour répartir efficacement ses rares ressources. Nous devons d'abord repérer les obstacles auxquels se heurtent les groupes défavorisés. Pour cela, nous adoptons une optique de diversité et d'équité lorsque nous prenons des décisions et élaborons nos méthodes et nos mécanismes de financement. Nous examinerons la possibilité de faire de nouveaux investissements dans les programmes et services que si ces fonds contribuent à réduire les disparités en matière de santé : pour offrir de nouveaux services dans les quartiers défavorisés; investir davantage dans les services communautaires, notamment dans les équipes de soins multidisciplinaires qui ont démontré leur efficacité auprès des groupes défavorisés; et financer les fournisseurs de services de santé communautaires afin qu'ils offrent aux groupes qui se heurtent à des barrières linguistiques et culturelles des programmes de gestion des maladies chroniques et de bien-être adaptés à leur culture.
Nous savons qu'il existe de nombreuses disparités en matière de santé. Malgré l'ampleur du problème — qui nous décourage certains jours —, nous nous sommes efforcés, depuis notre création, de miser sur les atouts et les forces extraordinaires de la collectivité que nous desservons et ce, même dans les groupes les plus défavorisés. Nous nous distinguons de tous les autres RLISS de l'Ontario par notre incroyable bassin de chercheurs et de spécialistes de la santé en poste dans nos universités et nos 18 hôpitaux. Un autre atout est la multitude et la diversité de nos fournisseurs de services communautaires. Un volet important de notre stratégie consiste donc à utiliser et à soutenir les réseaux en place de fournisseurs de santé et de spécialistes; à appuyer les principaux programmes novateurs visant à réduire les disparités ou à répondre aux besoins particuliers des populations défavorisées; à financer des projets pilotes novateurs afin de recueillir des preuves de leur efficacité; à soutenir la recherche communautaire et d'autres recherches afin de recenser les pratiques prometteuses; et à évaluer nos initiatives de promotion de l'équité en matière de santé.
Nous savons que, même en réduisant les obstacles à l'accès et en améliorant la coordination des services de santé, nous n'arriverons jamais à supprimer les disparités dans le domaine de la santé, car elles prennent souvent racine à l'extérieur du système conventionnel de santé. Comme vous le savez, le RLISS ne peut pas construire des logements abordables, accroître le taux d'alphabétisation ni réduire la pauvreté. Cependant, nous tirons deux conclusions de notre démarche : les RLISS occupent désormais une place importante dans le réseau de santé de l'Ontario, leur mandat consistant à apporter des changements dans le but, premièrement, d'améliorer la santé de la population que nous desservons, en partie en facilitant l'accès aux services dont elle a besoin et en prenant des décisions stratégiques visant l'intégration de toutes les composantes du système. Deuxièmement, notre RLISS doit trouver des moyens originaux pour tenir compte des déterminants sociaux de la santé.
Nous essayons de favoriser une collaboration intersectorielle locale avec les municipalités, les écoles, les universités, les services sociaux, les organismes d'aide à l'installation des immigrants et d'autres organismes de secteurs autres que celui de la santé et d'organiser des forums et des tables rondes sur la planification. Nous encourageons nos fournisseurs de services de santé à être novateurs et à offrir des services intersectoriels coordonnés.
Par exemple, dans notre RLISS, les nouveaux centres de santé communautaires travaillent en partenariat afin d'offrir des services de garde d'enfants, d'aide à l'emploi, des services aux familles, et cetera. Nous essayons d'offrir un accès coordonné à guichet unique aux quelque 200 fournisseurs de services de santé de notre RLISS et de fournir des services d'aiguillage et des services sociaux. Nous créons un répertoire électronique de programmes et de services à l'intention des consommateurs et des fournisseurs de services — ils pourront y faire des recherches par quartier et ce service sera éventuellement offert en plusieurs langues.
Pour terminer, nous favorisons la création de liens avec des groupes locaux qui n'ont jamais obtenu de fonds par le biais du système traditionnel de santé. Le RLISS du Centre-Toronto n'est que la première étape sur la route de la transformation de notre système, un parcours qui nous permettra d'améliorer l'état de santé de la population grâce à un système de services de santé plus accessible, plus équitable et mieux coordonné.
Je vous remercie encore de m'avoir invitée. Cela a été un grand honneur pour moi d'être ici aujourd'hui et c'est avec plaisir que je répondrai à vos questions.
Dr Andrew Pipe, directeur médical, Centre de prévention et de réadaptation de l'Institut de cardiologie de l'Université d'Ottawa : Je vous remercie de m'avoir invité aujourd'hui. Je vais tenter d'être bref et de nous amener à un niveau différent. C'est gênant, voire déprimant, de me rendre compte que j'aurai bientôt 35 ans de pratique médicale. Pendant la majeure partie de ma carrière, j'ai travaillé à des approches conçues pour prévenir les maladies et promouvoir la santé.
Je me rappelle très bien les déclarations retentissantes de la Charte d'Ottawa, de la Déclaration de Victoria et du rapport Lalonde. Le fait que nous soyons maîtres dans l'art de produire des « feuilles de route » au Canada commence à m'agacer. Comme l'a dit une fois l'un de vos collègues, nous sommes un pays « de projets pilotes ». Dans le cadre de mes nouvelles fonctions à l'Institut de cardiologie de l'Université d'Ottawa, je suis déterminé à joindre le geste à la parole et à essayer de mettre en œuvre, de manière réaliste, des programmes factuels de pratiques exemplaires pour éliminer des disparités biens réelles dans notre région et d'adopter les meilleures approches en matière de santé des populations en vue d'améliorer la santé des résidants de notre région.
Il y a 20 ans, j'ai été vice-président d'un comité consultatif ministériel sur la promotion de la santé et la prévention des maladies de la province de l'Ontario. Par après, j'ai siégé au Conseil du premier ministre sur la santé de l'Ontario. Par conséquent, je connais bien les nombreuses publications qui décrivent comment nous pourrions améliorer notre façon de faire. Mesdames et messieurs, je veux commencer à prendre des mesures à cet égard. Je veux vous faire part aujourd'hui de quelques situations dans notre région de la province et du Canada qui montrent clairement certaines des disparités présentes dans notre population et qui illustrent comment nous pourrions utiliser différentes composantes de notre système de manière intégrée pour éliminer ces disparités. Je terminerai en évoquant quelques-uns des obstacles qui semblent nous empêcher d'aller de l'avant en ce sens.
Je vais tout d'abord attirer votre attention sur une carte de la région de Champlain. Elle se distingue des autres RLISS en Ontario, car elle est affiliée à trois unités de santé publique. Elle est exceptionnelle également parce qu'elle est, après tout, le cœur de la province. Vous trouverez des collectivités comme Pembroke nichées à la limite de la région desservie par ce RLISS. C'est un microcosme au Canada. Vingt pour cent de la population est francophone. Nous comptons des collectivités autochtones, le grand centre urbain d'Ottawa-Carleton, des communautés éloignées et de petites régions urbaines axées sur les services. Si nous pouvons faire bouger les choses dans la région de Champlain, nous pouvons fournir un modèle que nous pourrions appliquer ailleurs dans notre province ou dans d'autres régions du pays.
Sur le tableau intitulé « Profil des facteurs de risque », les quatre colonnes avec des cercles montrent l'existence d'un écart marqué entre les disparités. La ligne du bas fournit un aperçu des chiffres pour la ville d'Ottawa. J'attire votre attention sur le taux de mortalité par cause cardiovasculaire pour Ottawa — à la dernière colonne de gauche. Ce taux s'élève à 186,5 par 100 000 personnes. Des collectivités situées à 20 minutes à l'Est, à l'Ouest ou au Sud de la capitale enregistrent des taux de mortalité de 50 ou 60 p. 100 plus élevés qu'à Ottawa. De même, les facteurs de risque relevés dans les trois autres colonnes où des données sont encerclées révèlent que cette même disproportion existe entre et parmi les régions de notre RLISS, les facteurs de risque et, par conséquent, la morbidité et la mortalité de nos citoyens évidemment.
Reconnaissant ces iniquités, mes collègues à l'Institut de cardiologie d'Ottawa, qui en savent long sur l'obligation et la responsabilité professionnelles de servir l'ensemble de la collectivité, ont décidé que nous tenterions d'éliminer ces disparités du mieux que nous pourrions, vu notre rôle d'organisation de soins tertiaires, et d'utiliser notre crédibilité pour catalyser la création du Réseau de prévention des maladies cardiovasculaires de la région de Champlain. Nous pourrions éliminer ces disparités et ainsi améliorer la santé cardiovasculaire de nos collectivités grâce à une approche intégrée et une collaboration avec des unités de santé publique, des centres de santé communautaire, des organismes de santé bénévoles, ainsi que les secteurs de l'éducation, du tourisme, des loisirs, de la santé, entre autres.
En passant, il importe de souligner que si vous vous attaquez aux facteurs de risque liés aux maladies cardiovasculaires, vous vous attaquez pratiquement à tous les facteurs de risque liés aux maladies chroniques. Comme vous le savez sans doute, nous sommes confrontés à un tsunami de maladies chroniques. Au cours des cinq à dix prochaines années, les experts en politique publique seront aux prises avec le défi de trouver un moyen d'offrir les services spécialisés en maladies chroniques dont aura besoin notre population, simplement en faisant une projection des tendances que nous observons de nos jours. Raison de plus pour non seulement sortir des sentiers battus, mais aussi, si je peux me permettre, trouver de meilleures approches pour régler ces types de problèmes.
Nous nous sommes également fixé quelques objectifs. Nous espérons pouvoir réduire de 5 000 à 10 000 d'ici 2015 le nombre de décès prématurés causés par des maladies cardiovasculaires ou d'autres maladies chroniques — même si cet ensemble de données n'englobe que les maladies cardiovasculaires, les maladies cardiaques, les accidents vasculaires cérébraux et le diabète. C'est un objectif plutôt ambitieux, mais nous pouvons parfois nous rapprocher de notre but en faisant remarquablement bien des choses ordinaires. Vous avez remarqué que nous avons établi des objectifs précis pour les facteurs de risque. Je suis conscient de beaucoup utiliser une série de données inspirées du modèle médical, mais pour nous y attaquer, toutes sortes d'interventions sociales seront nécessaires, notamment pour éliminer certaines des iniquités sociales dans notre collectivité.
La pyramide qui figure sur l'une des diapos indique que nous espérons intervenir et participer à ces trois niveaux. Nous voulons travailler avec la population en général pour réduire la probabilité que des facteurs de risque se développent, et c'est là où nous obtiendrons le meilleur retour de nos investissements. Nous voulons collaborer avec ceux chez qui les facteurs de risque sont devenus évidents pour éviter qu'ils ne finissent par être victimes des maladies auxquelles ces facteurs de risque mèneraient autrement. Nous voulons mettre en place des processus de prévention secondaire ultramodernes pour gérer du mieux que nous pouvons les gens qui tombent malades à cause de notre incapacité d'agir plus tôt grâce à ces types d'interventions.
Pendant le temps qu'il me reste, je vais vous donner quelques exemples de la manière dont nous nous proposons d'y parvenir. Dans notre région, nous voulons intervenir de façon intégrée auprès des professionnels des soins de santé primaires, des hôpitaux, du système scolaire et de la collectivité et faire participer tous les modes de communication disponibles dans notre région. J'ai choisi deux exemples qui sont intrigants, à mon avis, et qui appliquent une approche axée sur la santé de la population.
Le premier porte sur toutes les personnes admises à l'hôpital. Au Canada, dans les trente minutes suivant la naissance d'un enfant à l'hôpital, quelqu'un doit lui mettre des antibiotiques dans les yeux pour prévenir la conjonctivite néonatale et doit prélever un échantillon d'urine pour s'assurer qu'il n'a pas la phénylcétonurie, pour dépister la cétonurie fœtale. Dans bien des hôpitaux au Canada, le nouveau-né ne peut pas quitter l'hôpital avant qu'une infirmière ait vérifié que l'enfant rentre chez lui dans un siège d'auto approuvé et correctement installé. Qui contesterait ces interventions? Toutefois, que se passe-t-il si vous allez dans la plupart des hôpitaux canadiens et demandez combien de patients fumeurs ont été admis à l'hôpital l'an dernier? Un silence embarrassé s'installe. Le tabagisme au Canada est la principale cause de maladie évitable, d'invalidité et de décès, mais notre secteur hospitalier, jusqu'à tout récemment, a relégué ce problème aux oubliettes.
À l'Institut de cardiologie de l'Université d'Ottawa, nous avons élaboré ce que nous appelons à l'échelle nationale et internationale le modèle d'Ottawa. Il s'agit d'un processus par lequel nous identifions chaque patient admis à l'hôpital comme étant fumeur ou non-fumeur et offrons du soutien adapté, non moralisateur et adéquat à tous ceux qui sont en sevrage de nicotine pendant leur séjour à l'hôpital en vue d'accroître considérablement les chances qu'ils cessent de fumer par après. Le système de santé réaliserait d'énormes économies si nous pouvions réduire le tabagisme, ne serait- ce que d'un pourcentage minime, au sein de notre population au cours des dix prochaines années. La façon la plus efficace de rejoindre ce groupe, si vous faites les calculs, c'est en multipliant le nombre de fumeurs admis dans les hôpitaux canadiens par le nombre d'hôpitaux et en appliquant ce stratagème particulier; les répercussions seraient profondes. Nous pouvons prendre des mesures très novatrices dans le milieu hospitalier pour régler ce grave problème de santé publique.
Permettez-moi d'attirer votre attention sur la consommation de sel dans l'alimentation, qui constitue un autre exemple d'approche que nous vous encourageons d'examiner vraiment du point de vue de la santé de la population. Il y a quelques siècles, le chasseur-cueilleur moyen n'avait besoin que de 1 500 milligrammes de sel par jour. Notre organisme est conçu pour fonctionner avec cette quantité. La consommation de sel des Canadiens est généralement deux fois et demie plus élevée de nos jours. Si nous pouvions réduire la consommation de sel, nous pourrions faire nettement baisser la tension artérielle de l'ensemble des Canadiens, ce qui nous permettrait de réduire de 12 à 14 p. 100 tous les accidents vasculaires cérébraux au pays. Nous diminuerions le nombre de décès prématurés attribuables aux maladies du cœur et, de manière générale, nous aurions une grande incidence sur la santé de la population. Ironiquement, les Canadiens sont, d'une certaine façon, impuissants quant à leur consommation de sel. Pourquoi? Même si vous cessez de saler vos aliments, la majorité de notre consommation de sel provient des aliments transformés ou raffinés introduits par l'industrie alimentaire. Une approche axée sur la santé de la population qui prévoit l'adoption d'une politique gouvernementale, comme celle instaurée au Royaume-Uni, en Suède et ailleurs, qui oblige à réduire le sodium dans nos aliments transformés, ferait très facilement et nettement chuter la morbidité et la mortalité prématurées. Dans le passé, les politiques alimentaires ont souvent eu une énorme incidence sur la santé des collectivités, notamment celles adoptées en Europe dans les années 1930, dont j'ai franchement bénéficié. En raison des pénuries alimentaires nuisant au développement intellectuel, qui étaient monnaie courante en Europe dans les années 1930, les gouvernements européens ont adopté des politiques qui subventionnaient la disponibilité du lait, d'aliments à forte teneur en gras et du jus d'orange. Puisque j'ai grandi en Angleterre, on me donnait à boire une bouteille de lait tiède rance tous les jours à la récréation, et c'est peut-être grâce à cela que je mesure maintenant six pieds. Ces politiques gouvernementales ont grandement contribué à améliorer la situation en Europe à l'époque.
Un grand biologiste et philosophe a dit un jour que toute société a des tendances qui lui sont uniques en matière de maladie. Toute force ou tout facteur qui modifie le contexte social ou physique engendrera nécessairement un changement dans la nature des maladies qu'affronte la société. Mesdames et messieurs, 40 p. 100 des enfants du Canada présentent déjà un important facteur modifiable de maladie cardiovasculaire. Ils sont obèses et inactifs. C'est précisément la conséquence de l'existence, maintenant, de ce qui a été appelé un environnement obésigène. Il faudra que la population adopte des habitudes saines que favorisent des politiques publiques délicates mais néanmoins stratégiques si nous voulons rétablir ce contexte environnemental et prévenir ce raz-de-marée prochain de maladies chroniques.
Dans la région de Champlain, nous commençons à étudier les moyens par lesquels nous pourrons, dans notre région particulière de la province, susciter ce genre de changements. Nous étudions des moyens de collaborer avec les administrations urbaines et les planificateurs urbains. Nous essayons de transformer la pratique des soins primaires et de l'intégrer de manière coordonnée notre mode de gestion des maladies chroniques. On a dit qu'il faut un professionnel de la santé pour diagnostiquer une maladie, mais il faut tout un système pour la gérer. Jusqu'à maintenant, nos systèmes ont été fragmentés; c'est ce qui doit changer.
Ce n'est qu'un bref instantané de ce que nous faisons dans notre région, et ce à quoi nous aspirons. Qu'est-ce qui fait obstacle à notre succès? C'est que la réaffectation des ressources n'a pas suivi le discours. Nous avons eu trois décennies de discours sur la nécessité de prévenir les maladies et de promouvoir la santé, mais les mécanismes de financement n'ont pas encore été reconfigurés de manière à faciliter la création de ce genre de modèles de pratiques exemplaires intégrées, de pointe et fondés sur les preuves. Tout ce que vous pourrez faire, mesdames et messieurs, en usant de votre position pour influencer les responsables des politiques publiques dans le domaine serait très apprécié, et je dirais qu'on a assez tardé.
Je vous remercie infiniment d'avoir pris le temps de m'écouter ainsi cet après-midi, et je répondrai volontiers à vos questions, commentaires ou critiques.
Le président : J'ai cru comprendre que le Dr Pipe doit nous quitter à 17 h 30, alors honorables sénateurs, ceux d'entre vous qui voulez l'interroger, faites-le maintenant, parce que je n'ai jamais été capable de le manœuvrer. Voilà près de 30 ans que j'essaie.
Je tiens à vous remercier, tous, et je dois vous dire qu'il est merveilleux de voir la manière dont l'univers s'épanouit en Ontario. Ce n'est pas dire que tout le monde est satisfait des RLISS et de leur structure, mais je dois admettre que je pense que la province a, actuellement, l'un des meilleurs ministres de la Santé qu'elle ait jamais eu. Il a le cœur à la bonne place.
Le sénateur Eggleton : Je lui transmettrai ce commentaire.
Le président : C'est un fait, parce qu'il va dans le bon sens.
J'ai été étonné que les témoins qui sont venus devant nous n'aient jamais parlé de ce que disait M. Romanow dans son rapport, soit que 50 p. 100 des maladies sont la conséquence de déterminants sociaux; on en règle 25 p. 100 au moyen des systèmes de santé et pourtant, nous dépensons 140 milliards de dollars, pas moins, rien que là. Nous ne dépensons à peu près rien sur les 50 p. 100 de maladies liées aux déterminants de la santé.
Docteur Pipe, vous avez parlé de la manière dont nous pouvons y parvenir. Je vous interrogerai tous les trois, mais permettez-moi une petite entrée en matière. Il est dommage que nous n'ayons pas pu avoir quelqu'un de l'Agence de santé publique avec vous aujourd'hui. Nous les avons déjà accueillis ici, mais nous ne le pouvions pas aujourd'hui. Il aurait été intéressant d'avoir quelqu'un de l'Agence de santé publique du Canada avec vous, madame Walsh, madame Pisko-Bezruchko et docteur Pipe, pour cet examen du système de pied en cap.
J'aimerais vous poser une question à tous parce que Mme Pisko-Bezruchko a parlé à maintes reprises des centres de santé communautaire. Je pense que notre rapport plaidera vigoureusement en faveur d'un plus grand nombre de centres de santé communautaires. À ce niveau-là, ils peuvent être combinés aux autres centres, et cetera, et aussi aux autres déterminants de la santé.
J'aimerais vous demander à tous les trois de nous dire comment nous, en tant que comité, pouvons enfin faire comprendre aux autorités du Canada, y compris à notre population, que nous n'investissons pas là où il faut, et qu'il nous faut modifier notre mode de pensée. Nous sommes à peu près en quinzième place dans le monde, au plan de l'état de santé, et les disparités en matière de santé, au pays, sont vraiment catastrophiques.
Le RLISS de Mme Pisko-Bezruchko est des plus intéressants pour les énormes disparités en matière de santé qu'il y a là même. Nous avons la chance d'avoir parmi nous l'ancien maire de Toronto, qui vous posera quelques questions dans un moment. Je ne dis pas que c'est sa faute.
Permettez-moi de préciser ma pensée : comment pouvons-nous créer un système sur le terrain qui puisse intégrer les agences, qui puisse composer avec les sans-abri, avec la pauvreté, avec les banques alimentaires, avec l'éducation et les huit ou dix forces qui sont les déterminants de la santé? Est-ce que ce serait au moyen du secteur de la santé à lui seul, avec les centres de santé communautaires? Je ne le pense pas. Comment pouvons-nous combiner les centres de santé communautaires avec les services sociaux et les intégrer dans les écoles, et cetera?
Mm Walsh : Je pensais au RLISS de Champlain parce que vous y avez réuni des organismes de santé publique et bien d'autres encore avec le secteur de la santé. Voilà longtemps déjà que le secteur de la santé publique de l'Ontario applique l'optique des déterminants de la santé et s'intéresse au lieu de travail, au secteur de l'éducation, qu'il travaille avec les sans-abri et quoi encore. C'est ce genre d'infrastructure, un mécanisme de collaboration, qui fait que les gens s'unissent et appuient cette planification.
L'autre problème, c'est alors les ressources qui seront investies dans ces autres aspects dont vous avez parlé, parce que si on regarde les chiffres, au Canada, nous investissons dans les stratégies qui s'efforcent de prévenir la maladie et de promouvoir la santé entre 2 à 3 p. 100 de ce qui est investi dans les soins de santé. C'est un déséquilibre phénoménal.
L'autre chose que je voulais dire, c'est que je pense qu'en Ontario, bien des collectivités voient aussi dans l'école une plate-forme importante pour rayonner dans la communauté et fournir une gamme de services. C'est quelque chose que nous observons en Ontario, la manière dont le ministère de l'Éducation intègre diverses initiatives par l'intermédiaire de l'école qui tient aussi lieu de carrefour communautaire.
Mme Pisko-Bezruchko : Depuis deux ans que je suis au RLISS, l'une des choses que j'aurais à dire, c'est qu'il nous faut une combinaison d'approches : il nous faut l'approche du style descendant, et aussi une approche ascendante, en plus de quelque chose d'intermédiaire. Nous nous sommes beaucoup concentrés sur l'approche descendante, et nous avons donné beaucoup d'attention aux voix les plus fortes dans notre société, et il est temps de vraiment laisser la population s'exprimer. C'est une part du mandat des RLISS.
Notre raison d'être, c'est l'engagement communautaire, travailler avec le public, nous assurer que ces voix et ces besoins soient entendus, que les citoyens aient voix au chapitre des décisions sur le système qu'ils souhaitent avoir. Ils disent clairement, dans notre RLISS qu'ils ne veulent pas seulement qu'un système de santé, mais un système de santé et de services sociaux, ce sont des quartiers sains, des collectivités saines. C'est une vaste perspective que les Ontariens apportent dans le débat. Ils ne pensent pas en termes de système traditionnel de soins de santé quand ils commencent à parler de leur santé. Ils parlent de leur famille. La majorité d'entre eux sont des soignants dans notre société. Quatre- vingt pour cent des soignants des aînés sont des membres de leur famille ou des amis. Ce ne sont pas des travailleurs rémunérés. Les Ontariens apportent cette perspective plus exhaustive dans le débat, et nous devons continuer de les écouter et essayer d'intégrer leurs idées au système.
Mme Walsh a dit plus tôt que le ministère de la Santé de l'Ontario va proposer un plan décennal. Il est important d'avoir une vision à plus long terme de l'objectif qu'on veut atteindre. Nous entendons tellement dire qu'on en a beaucoup parlé, et je crois d'ailleurs que le Dr Pipe l'a dit aussi; nous en avons parlé interminablement, mais il nous faut quelque chose qui se retrouve dans tous les programmes politiques, dans tous les mandats, et si je peux m'exprimer ainsi, qui vise plus loin. Il nous faut quelque chose qui stimulera vraiment les gens, qui les poussera à se mobiliser et à s'unir.
Il y a une chose que nous faisons, actuellement, dans notre RLISS, et c'est que nous travaillons sur une stratégie du vieillissement à domicile, que le gouvernement a annoncée; le ministre de la Santé a annoncé une stratégie à laquelle il a réservé 700 millions de dollars. Une part de cette stratégie est vraiment excitante. Elle s'appuie sur les organismes populaires et le bénévolat qui existent au sein de nos collectivités actuellement, en commençant par regarder ce qu'ils font pour ensuite concevoir de nouveaux moyens de s'occuper des gens, d'aider, dans ce cas-ci, les aînés dans la communauté.
Il nous faut rassembler les partenariats et les collaborations dont nous avons parlé tous les trois, je crois, non seulement au niveau gouvernemental ou au niveau des systèmes conventionnels de santé ou de services sociaux, mais aussi toutes les autres personnes. Il faudra l'apport de multiples niveaux de gouvernement. Je ne sais pas exactement comment nous pouvons y parvenir, mais je pense qu'en Ontario, en tout cas, nous reconnaissons que le gouvernement fédéral doit travailler en partenariat avec le gouvernement provincial.
L'une des choses que j'estime vraiment importantes pour nous aider à créer un système intégré, c'est la technologie électronique, les systèmes d'information, pour aider les gens à naviguer dans ce qui se trouve à être un système vraiment complexe; pas seulement les services de santé, mais aussi les services sociaux.
Pardonnez-moi d'avoir pris tellement de temps pour dire tout cela, mais vous voyez que ce sujet me passionne. Le moment d'agir est venu. Bien des éléments sont bien positionnés, et nous avons la possibilité de faire de véritables progrès.
Dr Pipe : Nous avons un énorme défi à relever, en ce qui concerne l'éducation du public. Bien que je pense que nous nous entendons tous sur le bien-fondé du genre d'approche que nous avons appuyé jusqu'ici, je ne suis pas sûr que le public en soit nécessairement à ce point-là. Je pense qu'en dépit de notre expérience dans certains secteurs, aux yeux du public, la santé, c'est l'accès aux établissements de soins de santé et aux professionnels de la santé. Je ne suis pas sûr, quand je retournerai dans ma ville d'Avonmore, en Ontario, près de Cornwall, que le genre de conversation que j'aurai sûrement avec des passants dans la rue reflétera nécessairement l'appréciation ou l'entendement des déterminants sociaux de la santé. Nous avons d'énormes défis à relever pour mettre ces aspects en perspective. Une énorme organisation comme l'Agence de santé publique du Canada peut faire beaucoup pour aider à stimuler le genre de discours qu'il faudra faire.
Mme Pisko-Bezruchko a déjà dit qu'il nous faut stimuler les horizons à plus long terme, dans la réflexion politique. Nous devons essayer d'encourager nos politiciens, que j'admire. La tâche qu'ils assument est phénoménale, et ils ne reçoivent qu'un minimum de remerciements, mais nous devons les encourager à viser plus loin que le cycle électoral à court terme. Nous devons nous efforcer, si c'est possible, de moins mettre l'accent sur l'approche discrète en matière de politiques de santé en faisant des enjeux partisans des questions liées aux problèmes d'accès aux soins de santé. Je ne dis pas cela dans le sens général, mais il y a des points politiques à marquer immédiatement avec ce genre de questions.
Il faut parvenir à élever la conscience publique. L'évolution démographique y contribuera. Tandis que de plus en plus de gens de ma génération devront s'occuper de nos parents, nous ne pourrons, soudainement, que comprendre l'importance et la nécessité de services intégrés, que nos collègues européens tiennent pour acquis depuis des dizaines d'années.
Enfin, il y a les systèmes d'information. Je suis gêné, quand je sors du pays, de voir les systèmes d'information auxquels mes collègues d'autres systèmes de santé ont accès. Nous avons des systèmes d'information archaïques dans bon nombre de nos établissements du Canada. Si nous voulons gérer les maladies chroniques, il nous faut pouvoir examiner et évaluer un éventail de facteurs, ce qui ne sera tout simplement pas possible à moins d'avoir à notre disposition des outils de gestion de l'information, comme un fichier médical électronique universel.
Le sénateur Eggleton : Merci beaucoup pour vos présentations. Je vais essayer de poser rapidement quelques questions.
Madame Walsh, vous avez parlé dans votre présentation de ce que fait le gouvernement de l'Ontario dans des domaines relatifs aux déterminants sociaux de la santé. Vous avez parlé du système de soins de santé, qui en fait comme toujours partie, mais aussi du système d'éducation, de la lutte contre le tabagisme et du comité du Cabinet qui se penche sur la réduction de la pauvreté, sous la direction du ministre Matthews. Ces démarches semblent typiques de ce que fait le gouvernement. Il fait dans un contexte cloisonné; vertical, ascendant et descendant. Comment proposez- vous de coordonner tout cela? Comment formuler une série coordonnée de priorités et une stratégie pour composer avec tous ces déterminants sociaux de la santé dans un contexte global, par opposition à la méthode cloisonnée traditionnelle?
Mme Walsh : Je pense au comité interministériel que nous avions sur le mode de vie sain. Quand le ministère de la Promotion de la santé de l'Ontario a été créé, il y a deux ans, un élément du mandat de notre ministre consistait à créer un comité interministériel qui lui permettrait d'examiner le gouvernement provincial pour voir ce que faisaient d'autres ministères. C'était une chance de créer cet inventaire et de trouver des moyens de mieux le coordonner. Au bout du compte, nous avons créé diverses initiatives, comme le programme des Écoles en santé, et celui des fruits et légumes dont j'ai parlé tout à l'heure. Nous envisageons un nouveau mandat avec le nouveau ministre. Nous nous interrogeons sur le genre de système que nous pouvons appuyer, qui unifiera la planification dans tout le gouvernement. Je ne connais pas très bien le comité sur la pauvreté, parce qu'il vient seulement de se mettre au travail, mais j'ai l'impression que c'est ainsi que le gouvernement le voit, c'est-à-dire comme un véhicule pour imprimer cette optique à tous les investissements et initiatives divers, dans le but de voir comment ces différentes activités peuvent ouvrir des portes aux Ontariens et les sortir de la pauvreté.
Le sénateur Eggleton : Vous dites qu'il y a certaine coordination. Qu'en est-il des échelons inférieurs au niveau ministériel ou au niveau du gouvernement central de l'Ontario, comme les RLISS, par exemple, ou d'autres entités? Est-ce qu'un message passe entre le gouvernement et eux, un message du premier ministre, disant nous voulons que vous teniez en compte tous ces déterminants sociaux de la santé; c'est-à-dire, que vous ayez une approche axée sur la santé de la population? Est-ce qu'ils sont encouragés à le faire?
Mme Walsh : Je ne suis pas au ministère de la Santé, mais il a créé un nouveau Bureau de l'équité. Celui-ci a commencé à étudier le genre de plan qui peut être mis en place pour examiner la question de la santé en rapport avec l'élément social. Ce Bureau de l'équité a rassemblé des fonctionnaires de partout en Ontario qui doivent commencer à appliquer cette optique. Là encore, c'est tout nouveau. Je peux vous donner les coordonnées d'une personne-ressource, et des renseignements sur le genre de travail qui se fait. C'est très intéressant, parce que ce sont des fonctionnaires qui y travaillent.
Le sénateur Eggleton : Permettez-moi de m'adresser maintenant à Mme Pisko-Bezruchko. Je pense que je comprends un peu les RLISS, mais je ne suis pas sûr d'avoir vu juste. Qui les crée? Qui assiste aux réunions?
Mme Pisko-Bezruchko : À nos réunions du conseil d'administration?
Le sénateur Eggleton : Oui.
Mme Pisko-Bezruchko : Nos conseils d'administration sont composés de personnes qui y sont nommées, des membres de la collectivité. Ils sont nommés par décret, par le gouvernement provincial.
Le sénateur Eggleton : Ce ne sont pas nécessairement des représentants des intervenants comme les hôpitaux?
Mme Pisko-Bezruchko : Non, pas du tout. Ils représentent la collectivité elle-même. Actuellement, notre conseil a trois postes vacants. Le recrutement se fait de manière à refléter la diversité de notre communauté.
Le sénateur Eggleton : L'impression que j'aie des LRISS, c'est qu'ils sont centrés, en premier lieu, sur les professionnels de la santé ou les institutions, les hôpitaux, et cetera, la recherche de fonds, et ce genre de choses. Il y a beaucoup de grands hôpitaux dans le LRISS central, mais vous avez parlé au moins trois fois des sans-abri. Que faites- vous précisément, ou qu'envisagez-vous de faire précisément, en ce qui concerne les sans-abri? Est-ce que c'est un sujet de discussion fréquent aux réunions des LRISS, comparativement aux débats constants au sujet des hôpitaux?
Mme Pisko-Bezruchko : Absolument. Notre conseil d'administration a créé un groupe d'étude spécial, un comité du conseil, composé de membres du conseil et d'experts de la collectivité. Il a nommé un conseiller spécial d'une organisation de recherche axée sur la communauté de Toronto pour dresser un plan pour le RLISS. Nous allons nous concentrer sur les disparités en matière de santé, qui seront un aspect très important du travail que nous faisons. Le conseil a établi très clairement que, bien qu'il soit très important de pouvoir rendre compte des 4 milliards de dollars investis dans le système de santé, nous devons nous efforcer de travailler sur les résultats en matière de santé, ou sur l'état de santé de la population que nous desservons. Nous savons que nous avons des segments de population très défavorisés au RLISS central de Toronto. Nous savons aussi qu'ils recourent de manière disproportionnée aux services de santé à cause des piètres conditions dans lesquelles ils vivent, par exemple, ou parfois à cause de leur constitution génétique ou d'autres problèmes attribuables à leur situation personnelle. Nous essayons de nous concentrer sur ceux qui ont le plus grand besoin d'accès aux systèmes de santé pour pouvoir commencer à atténuer les pressions sur le secteur des soins primaires, par exemple. Le secteur des soins primaires est le plus coûteux du système de soins de santé conventionnel, par comparaison aux services communautaires. Si nous augmentons la capacité du secteur communautaire, il soulagera le secteur des soins de santé primaires, ou atténuera les pressions sur lui.
Le sénateur Eggleton : Cela paraît très prometteur. Je suis très impressionné. Est-ce que les autres RLISS font la même chose — pas nécessairement pour les sans-abri, mais à propos de tout autre enjeu social qui pourrait relever d'un RLISS?
Mme Pisko-Bezruchko : Chaque RLISS est différent, au plan géographique et de la population qu'il dessert, alors ils ont des points de mire différents. J'entends de plus en plus mes collègues parler de l'importance que prend l'optique et de la perspective de la santé de la population dans leur travail.
Le sénateur Eggleton : Merci. Docteur Pipe, cette nouvelle crise de maladies chroniques fait certainement couler beaucoup d'encre ces jours-ci, dans les médias. Que pouvons-nous amener le gouvernement fédéral à faire à ce sujet? Nous avons eu des programmes de lutte contre le tabagisme pendant un certain temps, mais au sujet de l'obésité et l'inactivité, que peut faire le gouvernement fédéral, selon vous, pour faire avancer la cause?
Dr Pipe : Nous nous débattons encore sous les préjugés voulant que tellement de ces problèmes sont la conséquence d'un mauvais comportement individuel. Je pense que nous partons naïvement du principe que les gens ont plus de contrôle sur leur comportement qu'ils n'en ont en réalité. Par exemple, il peut circuler tous les messages de promotion de la santé que l'on veut sur la consommation de fruits et de légumes, mais pour un parent célibataire au revenu limité, si la source de calories la moins coûteuse est à un dépanneur de quartier parce qu'il n'y a pas de grandes chaînes d'alimentation dans ce quartier, il n'est pas tellement possible d'acheter des aliments sains. Vous savez où je veux en venir.
Tout cela revient aux éléments comme les instruments de politique publique que nous avons à notre disposition. Dans les mêmes mesures où nous pouvons influencer la teneur en sel des aliments, nous pouvons aussi modifier les incitatifs économiques pervers qui existent pour faire du fructose à haute teneur en calories avec du sirop de maïs, l'un des ingrédients les moins coûteux que nos fabricants puissent employer. La Suède, par exemple, a modifié sa structure fiscale pour stimuler ou subventionner l'achat de fruits et de légumes sains en augmentant les taxes sur les aliments malsains à haute teneur en gras et en sodium sans qu'il y ait le moindre effet sur les recettes publiques, mais cela a modifié de manière remarquable les habitudes alimentaires de la population. C'est un moyen brillant, simple et direct de commencer à faire face à l'épidémie d'obésité.
La manière dont nous concevons nos collectivités est celle dont nous nous concevons, au bout du compte. Il suffit de faire un quart d'heure dans une direction ou dans l'autre d'ici, pour constater la propagation maligne des banlieues dans lesquelles on ne peut naviguer qu'avec un petit véhicule d'assaut, dépourvues de trottoirs et qui échouent au test du « popsicle ». Le test du popsicle en planification urbaine, c'est qu'on devrait pouvoir concevoir une communauté dans laquelle un enfant, à bicyclette ou à pied, peut aller au dépanneur du coin acheter un popsicle et être rentré à la maison avant que le popsicle ait fondu. C'est le genre de quartier où l'activité physique concrète, quotidienne et valable est possible.
La manière dont nous structurons nos villes, dont nous subventionnons ou non certains aliments, sont des moyens percutants d'influencer le développement de l'obésité. Divers instruments de politique publique existent, qui nous permettent de le faire.
Le sénateur Eggleton : Merci pour ces réponses.
Mme Walsh : À propos de la dernière question, j'ai parlé de la stratégie pancanadienne en matière de modes de vie sains. Les gouvernements fédéral-provinciaux et territoriaux se sont concertés pendant plusieurs années pour dresser ce plan. Il enchâssait l'optique de l'équité et étudiait les disparités et les preuves. Nous aimerions voir un engagement et un investissement plus résolus à l'égard de ce type d'approche.
Le sénateur Fairbairn : Il est réjouissant de vous entendre aujourd'hui, avec vos expériences si diverses. Vous nous avez parlé d'une manière que, personnellement, j'ai trouvée facile à comprendre. Toute cette question relève en si grande partie, et vous l'avez fait comprendre dans vos présentations, du simple bon sens et non de la science. Vous êtes de ceux qui le font si bien comprendre.
À vous écouter, nous pouvons cerner le problème de santé. Il est possible de l'entendre, de le voir et puis de tourner la médaille, et de voir à l'endos comment nous en sommes arrivés là. Vous avez parlé de tabagisme; vous avez parlé de manque d'activité, vous avez parlé d'obésité. Vous avez même parlé de difficultés d'apprentissage, un sujet qui me tient beaucoup à cœur depuis très longtemps.
Je pense que nous ressentons tous de la frustration, ici. La frustration vient du fait que ce n'est pas une science inapprochable, alors qu'est-ce qui nous empêche de réaliser certains de ces programmes, plutôt que de chercher à créer pour la population un avenir si élevé qu'on la laisse derrière ce faisant, que ce soit au plan de la santé, de l'apprentissage ou quoi que ce soit d'autre. On dirait que c'est la faute des gouvernements. Je ne sais pas si quiconque, autour de cette table, peut me dire, aussi, pourquoi nous, gens publics, sommes incapables de suggérer fermement le genre d'activités qui pourraient être intégrées à la vie des gens qui éprouvent le plus de difficulté?
Mme Walsh parle d'un rapport du Conseil canadien de la santé, et des disparités entre groupes de la société canadienne, une inégalité qu'il faut dénoncer et faire ressortir, et vous dites que c'est un message difficile à faire passer dans le contexte actuel où le public se préoccupe du financement des soins de santé, mais il faut néanmoins le faire.
Comment se fait-il que nous, qui siégeons sur la Colline parlementaire, ne semblons pas pouvoir nous unir en tant qu'institution, avec un parti au pouvoir, des partis de l'opposition et tout le reste? Pourquoi est-il si difficile de faire passer le message à des gens qui sont en mesure de changer les choses, et qui pourtant, font trop peu? Je dois dire que ce comité-ci, depuis quelques années, a certainement fait beaucoup pour sortir du Parlement et aller sillonner le pays, pour faire passer le message.
Quels sont, selon vous, les plus grands obstacles à un objectif si clairement nécessaire? Qu'est-ce qui freine les gouvernements, les programmes, ce genre de choses? Sur papier, tout a l'air parfait, mais ce n'est pas la réalité pour les gens qui sont en difficulté et ont besoin d'aide.
Mme Walsh : La plupart des gens pensent : en quoi est-ce que cela me concerne, en quoi est-ce que cela me touche? Je pensais justement au développement d'un enfant en santé, et comment il y a 15 ans, les gouvernements provinciaux et fédéraux investissaient tellement peu dans le développement sain des enfants. Vous vous rappelez sûrement des champions comme Fraser Mustard.
Le sénateur Fairbairn : Absolument, Dieu le bénisse.
Mme Walsh : Il a commencé à traduire les messages pour les rendre faciles à comprendre. Plus important encore, il a tendu la main au secteur non traditionnel, les dirigeants d'entreprises. Quels en sont les effets sur l'économie? Quels en sont les effets sur la prospérité du Canada? Il nous faut trouver un moyen d'éliminer les termes qui ne sont que du jargon et qui forment des obstacles. Qu'est-ce que la promotion de la santé? Ce n'est pas intuitif. Qu'est-ce que la santé de la population? Nous avons une barrière autour de la langue. Il nous faut trouver un moyen de toucher les secteurs qui, de toujours, n'ont pas pensé à ces questions ou ne s'y sont pas intéressés, et cerner les effets qu'il pourrait y avoir sur la compétition mondiale pour le talent; en quoi cela touche-t-il les collectivités dans lesquelles on vit? Peut-être pouvons-nous trouver des champions qui pourraient facilement faire passer ces messages. Quand le rapport Romanow a été publié, il y avait un tout petit paragraphe qui traitait de ce genre de problèmes. Récemment, Roy Romanow est venu prononcer une allocution à une conférence que nous avions à notre ministère, et je lui ai demandé si ce chapitre était une tentative pour expliquer aux Canadiens : « Voilà, j'ai fait ce qu'il faut pour expliquer le système de soins de santé, mais le point crucial, c'est qu'il faut examiner les causes fondamentales qui font que les gens deviennent malades, et qui le devient ». Il a réfléchi à ce chapitre non écrit. Il serait bon maintenant que vous l'écriviez. C'est la même chose avec le rapport Kirby. Il y avait un endroit où on lisait que c'était un problème très complexe, sans vraiment offrir de réponse. Ceci est une chance de rédiger ce chapitre non écrit, et que des tas de champions aillent faire une percée dans les secteurs non traditionnels.
Fraser Mustard a ouvert bien des portes pour d'autres qui étaient des champions de programmes d'appui au développement de l'enfance et qui n'arrivaient pas à obtenir l'accès ou à attirer l'attention, rien qu'en présentant cette analyse.
En Ontario, par exemple, grâce au leadership de Sheela Basrur, elle est allée voir ses collègues du ministère du Travail et a dit « Créons une table autour de laquelle nous réunirons des représentants des entreprises et les syndicats pour amorcer un dialogue sur la constitution de milieux de travail sains ». Plusieurs dirigeants d'entreprise ont reconnu que si on pouvait préserver la santé de l'effectif, cela aurait une incidence sur leur bilan. Et pourtant, la plupart des milieux de travail n'ont toujours pas de programme exhaustif de santé au travail. Je me demande déjà depuis un certain temps comment on peut tendre la main au-delà des secteurs traditionnels qui se préoccupent de la santé et des enjeux sociaux, vers le secteur des affaires, pour faire comprendre l'incidence que ces enjeux peuvent avoir sur la prospérité du Canada.
Le sénateur Fairbairn : Nous sommes dans une société, maintenant, où l'apprentissage revêt une importance absolument fondamentale. Cependant, pour une raison ou une autre, le gouvernement et d'autres segments de la société ont négligé tout l'aspect de l'alphabétisation, à quelque niveau que ce soit, qui aide la population dans le quotidien.
Vous avez parlé de Fraser Mustard, Dieu le bénisse. Il était à l'Université de Lethbridge il y a trois ans, pour parler de ce sujet, et de la nécessité de se mettre à l'œuvre dès le moment où naît l'enfant. De là, on peut espérer pouvoir créer toute une génération d'êtres capables de grimper cette échelle et de comprendre le genre de choses dont vous parlez. Il y a eu un certain laisser-aller depuis quelques années, aussi.
Que pouvons-nous faire, simplement — avec nos amis du Parlement, du gouvernement, de tous les partis — pour rendre tout cela très clair, pour qu'ils ne disent pas « Laissez, vous n'avez pas à vous en inquiéter »? De quoi devrions- nous le plus nous inquiéter, à part les enfants?
Mme Pisko-Bezruchko : Je ne sais pas exactement pourquoi tout le monde me regarde, mais je pense avoir parlé de la cybersanté et de la nécessité d'une plate-forme commune, d'un outil habilitant qui nous aide à mieux nous informer sur la population que nous avons au Canada; pour créer les liens afin d'aider les gens à accéder au système et à obtenir les soins dont ils ont besoin, quand ils en ont besoin. Actuellement, bien des gens ne savent pas vers qui se tourner pour obtenir de l'aide.
Il faut rayonner dans les quartiers pour engager les passants dans la rue, les voisins, les amis, la famille — pour les aider à comprendre leurs amis et voisins, et à leur tendre la main. Là encore, on revient à une perspective qui part de la base.
C'est un peu un exemple de microcosme. Quand nous avons lancé notre initiative d'engagement communautaire au RLISS de Toronto Centre, comme le secteur était tellement vaste, nous l'avons divisé en quartiers socioéconomiques relativement homogènes. Nous avons rassemblé beaucoup de renseignements sur ces quartiers et nous avons distribué une petite feuille de faits saillants. Nous avons dit « Voici une description du quartier; voici vos comportements en matière de santé, et voici votre portrait, en termes d'éducation », et cetera. Les gens disent « Eh bien, nous n'en savions pas tant à notre sujet; pouvez-vous nous en dire plus? »
La méthode consiste en partie à engager la population dans le débat et à le rendre concret pour eux. Pour qu'il soit concret, on ne peut pas leur donner des données et des renseignements au niveau canadien. Il faut que ces données concernent leur quartier, leur magasin d'alimentation, leur pharmacie, leur banque — tous ces éléments non traditionnels dont nous parlions aujourd'hui — pour commencer à avoir un débat très différent sur la nature des soins de santé, ou ce que signifie la santé pour les gens de l'Ontario ou du Canada.
Dr Pipe : Je crois que c'est un véritable défi que d'enrichir la notion qu'a le public de ces facteurs. Il y a une diapositive que je montre souvent, qui illustre la réduction de la mortalité attribuable à la tuberculose sur une période de 135 ans; elle est allée de là à ici. Ce qui est intéressant, c'est qu'elle était à peu près à ce niveau-ci avant que nous cernions les causes de la tuberculose; et il a fallu qu'elle se rende jusque-là avant qu'on trouve un moyen d'intervenir pour traiter ou prévenir la tuberculose. Cela démontre de manière percutante le lien entre le milieu social et la santé, parce que ce sont des changements apportés dans le milieu urbain — le génie civil, l'accès aux aliments et le niveau général de bien-être économique — qui ont contribué à réduire l'incidence de cette maladie. On pourrait superposer toutes les maladies de la fin du XIXe et du début du XXe siècles sur ce graphique.
De même, quand on entend l'histoire du Dr John Snow, qui a enrayé l'épidémie de choléra à Londres en démantelant la pompe qui crachait de l'eau infectée, ils ont immédiatement saisi le lien entre l'environnement et un problème de santé particulier. Ils doivent faire le même rapport avec d'autres problèmes qui influencent et touchent maintenant notre environnement social et physique.
Je suis un disciple de Fraser Mustard, comme la plupart d'entre nous dans cette salle, j'en ai l'impression. Je pense qu'il dirait que si on veut avoir le meilleur rendement possible sur un placement, il faut avoir des mères en santé et de jeunes enfants en santé. C'est alors qu'on aura une société en santé et en sécurité. La mesure dans laquelle on comblera les disparités entre les plus riches et les plus pauvres de notre société est la mesure dans laquelle on arrivera à produire la société la plus saine, la plus sûre et, on pourrait le soutenir, la plus civile. Ce sont des messages difficiles à faire comprendre aux gens d'allégeances politiques diverses, alors c'est un défi pour nous.
Le sénateur Fairbairn : Il y a un défi pour nous aussi. Chacun d'entre nous, ici, a eu l'occasion, où que nous vivions au Canada, de beaucoup apprendre grâce à ce que nous faisons — comme nous apprenons encore aujourd'hui. C'est une question, presque, de ce que tout devient tellement scientifique. Vous pouvez le constater avec tous les chiffres qui circulent dans tout le Canada, presque chaque jour — que nous avons un problème parce que nous n'avons pas une population active capable de tirer parti des nouveaux modes d'apprentissage. Cette science fascinante nous a offert un nouveau mode d'apprentissage, mais l'individu ne peut même pas se rendre jusque-là.
Il me semble que c'est ce qu'il nous faut mieux comprendre. Quant à dire à la population ce qu'elle devrait faire, nous devrions plutôt essayer de lui faire comprendre que les choses ont changé; elles sont différentes. Cependant, l'apprentissage de la manière de vivre sa vie, de faire son chemin et d'apprendre à lire et à manger correctement, de faire toutes ces choses — ce sont encore des éléments très fondamentaux. Parfois, nous allons bien au-delà des éléments fondamentaux.
Peut-être est-ce ce qu'il nous faut apprendre. Y a-t-il des commentaires là-dessus?
Le président : Nous avons étudié le programme de santé des mères à Cuba. Ce sera au sénateur Cook de prendre la parole, et je ne sais pas si elle en parlera, mais il est fascinant de voir combien ils ont pu faire avec si peu.
Le sénateur Cook : Je me sens dépassée quand je comprends tout ce qui est présenté, de divers points de vue. Je viens de Terre-Neuve-et-Labrador. Vous faites passer par votre système en une journée plus de personnes que n'en a toute la population de ma province. Quand j'ai essayé de comprendre comment vous arrivez à faire ce que vous faites — pardonnez-moi, je ne veux pas vous sembler désinvolte — je me rends compte qu'il faudra que je réfléchisse. Avant de réaliser le monde idéal que recherche le Dr Keon et entreprendre ce périple, nous rencontrerons beaucoup d'obstacles ou d'ornières sur le chemin.
Docteur Pipe, vous avez parlé de tout sauf du secteur alimentaire. Comment légiférer le bon sens? Quand j'étais enfant, j'ai reçu un sac de chips; je crois qu'il coûtait 25 ¢, ou quelque chose comme ça. Maintenant, il y en a toutes sortes de variétés à l'épicerie; et ce ne sont plus de petits sacs, maintenant, ce sont de gros sacs. Ils sont bourrés de sel, et ils sont délicieux.
Jusqu'où peut-on aller dans une démocratie pour légiférer contre le secteur alimentaire? Par où commencer?
Si je regarde la situation du point de vue d'un enfant, quand j'étais à l'école, j'allais manger à la maison le midi. Les enfants prennent l'autobus maintenant, et ils font beaucoup de chemin. Que mettre d'autre dans un sandwich que des aliments traités? Qu'est-ce que nous pouvons manger? Comment gérer cela?
Dr Pipe : Merci pour votre question. Ce n'est certainement pas facile, mais le grand triomphe du mouvement de santé publique du XXe siècle a été la législation de normes pour les secteurs des aliments et de l'eau. Ces normes touchent à la qualité et à la pureté. Maintenant, une norme doit, forcément, viser des aspects comme la quantité — la teneur en sel des aliments, par exemple. On peut exploiter tous les instruments et leviers politiques pour influencer les pratiques du secteur alimentaire. Cela se fait dans d'autres territoires de compétence. Je suis sûr que nous avons des politiciens tout aussi déterminés que nos collègues suédois. Pourquoi ne pouvons-nous pas faire ce que d'autres font ailleurs? Nous créons des incitatifs qui favorisent la production d'aliments plus sains. Nous en observons l'émergence dans la communauté ultime du marché libre des États-Unis. Des gens en des lieux comme New York veulent réglementer la densité des franchises de restaurants-minute.
Je comprends les défis que pose l'élaboration de politiques publiques qui touchent les grandes industries. La guerre contre le tabagisme m'a laissé plusieurs cicatrices. Cependant, il est possible de faire des choses ordinaires extraordinairement bien en commençant par s'attaquer à ces problèmes. Ce faisant, on influence les modèles de consommation des enfants et des mères, et on fait en sorte que les aliments plus sains soient accessibles et plus abordables.
Vous avez parlé des enfants qui vont à l'école à pied. Nous avons des politiques très inusités au Canada, qui font que nous enfournons les enfants dans des conteneurs jaunes avec des roues à chaque coin de rue, pour les transporter. Quatre-vingt-onze pour cent des enfants du Canada ont des bicyclettes; seulement 5 p. 100 d'entre eux s'en servent pour se rendre à l'école.
J'étais à Fredericton il y a quelques semaines, à une conférence sur l'obésité chez les enfants. Quelqu'un a dit qu'il fallait qu'un directeur d'école donne une directive pour empêcher les enfants d'aller à l'école à bicyclette, parce que les bicyclettes étaient laissées dans des secteurs où les fourgonnettes venaient déposer des enfants. Il y a dans ce tableau quelque chose qui ne va vraiment pas.
Les humains sont brillants et logiques, mais ils sont aussi remarquablement bêtes et illogiques, parfois. Edmond Burke a dit un jour « le défi est de faire aujourd'hui ce que les hommes et les femmes souhaiteront dans dix ou quinze ans qu'elles aient été faites ». Nous avons déjà atteint en Ontario un taux d'obésité qui avait été prévu pour 2015. Nous ne pouvons pas nous permettre d'attendre plus longtemps certaines de ces interventions des politiques publiques créatives. J'ai constaté la crise, et elle est véritable.
Le sénateur Pépin : En ce qui concerne les aliments dans les écoles, le Québec a adopté une loi pour qu'aucun restaurant-minute ne puisse être installé dans les écoles et que celles-ci ne puissent offrir de frites ou d'autres aliments de ce genre. Je suis d'accord avec ce que vous avez dit sur les bicyclettes, mais je ne sais pas si à Montréal, je laisserais les enfants se rendre à l'école à bicyclette.
Peut-être les écoles pourraient-elles envoyer à la maison des suggestions de collations que les parents pourraient préparer pour l'école? Y a-t-il un réseau, dans les écoles, pour réaliser un plan de ce genre?
Dr Pipe : Je comprends, et je suis d'accord avec vous dans une large mesure. Cependant, de véritables défis se posent à nous. Nous nous concentrons sur les écoles comme si c'était la clé de l'influence sur le comportement des enfants. Dans la région de Champlain, nous nous concentrons sur les enfants d'âge scolaire, parce qu'ils passent tellement de temps en dehors de l'école.
Voici des défis uniques : nous avons les statistiques sur l'incidence de l'obésité et de l'inactivité chez les enfants dans la région de Champlain, parce que nous avons fait nos devoirs, et elles sont semblables au niveau national. Nous avons effectué, mais pas encore diffusé, un sondage auprès des parents dans la région de Champlain, pour leur demander de nous parler de leurs enfants. Fait peu étonnant, tous les parents sondés de la région de Champlain nous ont dit que leurs enfants ne sont pas obèses, qu'ils sont tous dynamiques et font de l'activité physique. Il y a un écart remarquable entre ce que les statistiques nous révèlent et ce que les parents comprennent et reconnaissent à propos de leurs propres enfants.
Il y a ici d'énormes défis pour l'éducation, et certains des moyens dont vous avez parlé pourraient être utiles pour relever ces défis. Pour tout éventail complexe de problèmes, il existe probablement un éventail de solutions, dont aucune ne suffirait à elle seule.
[English]
Le sénateur Pépin : La mise en œuvre des politiques de la santé exige évidemment non seulement des interventions auprès des différents gouvernements, mais aussi auprès des organisations gouvernementales, du secteur privé ou peut- être des universités. Tantôt, quelqu'un a brièvement mentionné le rôle du gouvernement fédéral, alors je me demande quel rôle, le cas échéant, le gouvernement fédéral a-t-il joué pour appuyer ou entraver la transition vers une approche centrée sur la santé de la population dans votre province?
Les municipalités ont-elles été également impliquées? Y a-t-il eu une résistance, disons, à l'appui de votre programme? Et est-ce que différents secteurs, comme le secteur privé ou des universités, se seraient impliqués? Sinon, reste-t-il des choses à faire pour avoir leur appui?
Je parle des écoles, des universités et des différents secteurs privés, mais notre rôle au fédéral a-t-il été bon? Devrait- on agir de manière différente? Au niveau municipal, cela a-t-il fonctionné aussi? Que doit-on faire pour que cela fonctionne?
[Translation]
Dr Pipe : L'un de nos comités d'experts, que nous appelons en fait notre comité des politiques, est sur le point d'entreprendre un examen approfondi des politiques municipales et autres qui favorisent l'atteinte d'une bonne santé ou y font obstacle, que ce soit des politiques en matière de planification urbaine, de transport, de loisirs, ou autres. En Ontario, les modules de santé publique sont harmonisés avec la municipalité, et sont une branche de l'administration municipale. Par conséquent, dans notre organisation, tous les modules de santé publique de notre région sont engagés, alors il y a collaboration avec les autorités municipales. Nous allons collaborer avec les autorités en matière de logement, et cetera. Il y a une volonté d'engagement chez les individus, au sein de l'administration municipale.
Mme Walsh : J'ai parlé plus tôt de mécanismes de collaboration. À titre d'exemple, le gouvernement fédéral a appuyé la rencontre des provinces afin qu'elles puissent discuter de la santé en milieu scolaire. Il s'agit d'un investissement minime, mais nous espérons qu'il se poursuivra, car il est essentiel d'avoir ces types de réseaux. Par exemple, en Ontario, nous élaborons des lignes directrices nutritionnelles. Nous avons des coordonnateurs partout au pays, que nous pouvons appeler pour leur demander ce qu'ils font.
Ce genre de mécanismes peut être très constructif. Il est inutile, en revanche, d'apprendre dans un communiqué de presse ce que le gouvernement fédéral peut faire avec une communauté. Nous avons parlé plus tôt de concevoir la santé comme un système et toutes ses parties, plutôt que comme des éléments fragmentés. Pour que le gouvernement fédéral puisse collaborer efficacement avec les gouvernements provinciaux, il faut respecter le fait que nous essayons de créer un système dans la province et que nous devons avoir un dialogue sur la façon dont les programmes de financement fédéraux ou les politiques fédérales peuvent soutenir le travail de la province.
Nous étudions actuellement les stratégies de réduction de la pauvreté, et il serait fantastique que le gouvernement fédéral, avec de nombreux autres partenaires, collabore avec nous pour ce qui ressemblerait à un partenariat doté d'une planification conjointe, et qu'on dispose des mécanismes qui facilitent ce genre de dialogue.
Le sénateur Cook : Vous avez parlé du cas des vélos bloquant le chemin des fourgonnettes scolaires. J'imagine que ces véhicules déposent des enfants provenant de garderies, parce que peu d'enfants se rendent à l'école en fourgonnette.
Existe-t-il un moyen d'influencer les politiques publiques?
Dans des villes plus grandes que la mienne, la mère, le père ou quelqu'un d'autre déposera ses enfants très tôt le matin à la garderie, ou quelque autre nom qu'on choisira de lui donner. Ensuite, ils seront conduits à l'école pour y passer la journée, puis retourneront au service de garde parascolaire, où les parents viendront les chercher après le travail. Il faut que nous examinions où nos enfants vivent, et qui prend soin d'eux. Cela ne s'arrête pas à l'école; il y aussi ce qui vient avant et après.
Voyez-vous comment nous pourrions influencer les politiques publiques en ce qui concerne les centres de développement de la petite enfance, les garderies ou autres? C'est là que les enfants se nourrissent la plupart du temps, sauf la fin de semaine.
Dr Pipe : Je crois que vous mettez le doigt sur ce qui constitue un problème pour un sous-ensemble d'enfants canadiens, et il est vrai qu'il y a des défis. Mme Walsh a parlé tout à l'heure de faire de l'école le point central des services et des activités communautaires. Jusqu'à récemment, les écoles fermaient en effet leurs portes à 15 h 30 pour ne les ouvrir qu'à 9 heures le lendemain matin, et mettaient carrément des cadenas aux grilles entourant les cours d'école, de sorte que les gymnases et d'autres installations dans les écoles étaient essentiellement isolés de la communauté pour le reste de la journée.
On peut prendre des mesures imaginatives pour faire en sorte que l'école devienne le point central des programmes communautaires, en particulier ceux qui mettent l'accent sur l'activité physique, de 6 à 22 heures.
Encore aujourd'hui, un grand nombre d'enfants ne vont pas à la garderie et se rendent à l'école en automobile, avec leurs parents, ou encore en autobus, à pied ou à vélo.
L'un des autres défis auxquels nous sommes confrontés, c'est que les enfants ne vont plus jouer dehors. Certains d'entre nous ont sans doute terrorisé leur quartier en roulant à bicyclette, en envoyant des rondelles de hockey dans les fenêtres et ce genre de choses. Votre question renvoie au fait que les enfants, aujourd'hui, rentrent à la maison et se font dire de rester à l'intérieur jusqu'à ce que le parent arrive. Lorsque la porte de la cuisine se referme, une autre porte s'ouvre, et c'est habituellement celle du réfrigérateur. Ensuite, les enfants s'assoient sans rien dire devant un écran de télévision et consomment des calories plutôt que d'aller jouer dehors. Il y a une perception erronée selon laquelle, d'une façon ou d'une autre, les collectivités ne sont pas sécuritaires pour des enfants qui jouent, et c'est une grande difficulté.
Il y a donc toute une série de forces sociales et de facteurs qui sont apparus et que nous devons essayer de contrer. Je ne pense pas que quiconque d'entre nous ait la solution à tous ces problèmes, mais nous pouvons être beaucoup plus imaginatifs que par le passé en nous attaquant aux difficultés.
Le sénateur Cook : Il s'agit de gérer le changement, n'est-ce pas?
Dr Pipe : Oui.
Le président : Le sénateur Callbeck est l'ancienne première ministre de l'Île-du-Prince-Édouard, alors elle en sait beaucoup sur tous les systèmes; elle les connaît sur le bout de ses doigts.
Le sénateur Callbeck : Nous avons acquis une certaine expérience à cet égard.
Vous parliez des gouvernements fédéral et provinciaux. Comme nous le savons, la santé est une priorité provinciale. Madame Walsh, vous avez parlé de la promotion de la santé en Ontario et des mesures précises que vous avez prises. Ensuite, votre première recommandation consistait à ce que le gouvernement fédéral renforce ces initiatives, en premier lieu par un financement et, en deuxième lieu, par la création de politiques. À quelles politiques songez-vous?
Mme Walsh : Certaines choses sont de compétence fédérale, par exemple l'étiquetage des aliments. Regardez la gamme de leviers dont dispose le gouvernement fédéral en ce qui a trait aux politiques, et ayez une discussion avec les gouvernements provinciaux. Comme nous le disons, voilà ce que nous faisons en ce qui a trait au diabète ou dans le cadre de notre stratégie de prévention du crime. Voici ce que nous pouvons faire dans notre sphère de compétence, et ce que nous estimons que vous pouvez faire dans la vôtre.
En Ontario, notre ancien médecin hygiéniste en chef, Sheela Basrur, a publié un rapport intitulé Poids santé, vie saine, qui a vraiment tiré la sonnette d'alarme au sujet de l'obésité. Dans ce rapport, Mme Basrur a précisé les mesures que le gouvernement fédéral, les autorités locales, le secteur privé, l'industrie alimentaire, les restaurants, et cetera, pourraient prendre. C'est le genre d'exercice dans le cadre duquel on examine les stratégies pour déterminer de quels gouvernements et de quels secteurs elles relèvent. L'objectif de cet appel à l'action est gagner la participation de tous les secteurs, de sorte qu'il ne s'agit pas seulement d'un groupe ou d'un autre.
Le sénateur Callbeck : Docteur Pipe, vous avez dit que nous devions davantage éduquer le public. Pensez-vous que le gouvernement fédéral joue un rôle important à cet égard?
Dr Pipe : Je tiens à préciser que lorsque je parle d'une éducation accrue du public, il ne s'agit probablement pas du genre d'éducation qui prend la forme d'une exhortation, et qui consiste à dire aux gens de faire plus de ceci ou de cela. Nous avons besoin du type de sensibilisation qui entraîne une prise de conscience en ce qui a trait aux problèmes et facteurs déterminant l'état de santé des communautés, et non de dire : « Faites-le! » ou ce genre d'exhortations.
Néanmoins, le gouvernement fédéral peut être très utile dans sa façon d'utiliser ses capacités à monter et à mener des projets pilotes dans un certain nombre de provinces diverses, en évaluant l'efficacité et la validité de ces approches dans différentes populations et différents contextes. Il peut faire un usage stratégique des ressources qu'il fournit aux provinces en imposant des conditions à l'octroi de certaines formes de financement fédéral.
Par exemple, si l'on finance certaines formes d'infrastructures urbaines, un certain pourcentage devrait aller dans des mesures visant à faciliter ou à encourager le recours à des moyens de transport personnels actifs grâce à la façon dont on conçoit ou construit une communauté particulière. Il existe tous ces types d'approches, et c'est là où le gouvernement fédéral peut jouer un rôle très intéressant.
Encore une fois, pour ramener la question à quelque chose de plus personnel, peut-être, notre programme d'abandon du tabac en milieu hospitalier est désormais partie intégrante de chaque hôpital de cette partie de l'Ontario. Grâce à Santé Canada, il est maintenant repris par la Vancouver Coastal Health Authority, en Colombie-Britannique, et par la River Valley Health Authority, au Nouveau-Brunswick, dans l'espoir qu'il devienne probablement, à un moment donné, une norme nationale. Le gouvernement fédéral joue un rôle capital sur le plan des pratiques exemplaires dans le domaine du transport, si vous voulez, dans diverses provinces.
Le sénateur Callbeck : Madame Pisko-Bezruchko, avez-vous des données là-dessus?
Mme Pisko-Bezruchko : Il est difficile pour moi de commenter, étant donné que je représente une entité relevant d'un gouvernement provincial. L'aspect qui intéresse les RLISS, en ce qui a trait à la participation fédérale, c'est l'ensemble de l'autoroute de l'information et la façon dont nous pouvons mieux relier les gens aux services et les fournisseurs de soins de santé entre eux, afin de donner aux gens les informations dont ils ont besoin. Ce sujet est éloigné du débat qui nous occupe.
Le sénateur Callbeck : Votre organisation n'existe que depuis 2006?
Mme Pisko-Bezrochko : Oui.
Le sénateur Callbeck : Vous avez accompli beaucoup de choses en très peu de temps. Vous avez parlé d'un vaste engagement communautaire. Comment avez-vous réussi à l'obtenir?
Mme Pisko-Bezruchko : Le gouvernement provincial a mis sur pied différentes mesures qui ont donné le ton à un débat et à un dialogue au sujet des priorités à l'échelon local. Comme nous ne voulions pas réinventer la roue, nous avons pris comme point de départ les éléments qui étaient déjà connus. Nous avons tenté de mobiliser les réseaux et les groupes ayant déjà épousé une cause commune, et nous avons établi le contact avec ces gens, plutôt que d'attendre qu'ils nous approchent.
Qu'est-ce qu'un RLISS? Les gens ne le savent pas et, en toute franchise, je ne crois pas qu'ils devraient chercher à le savoir. Ils devraient seulement s'assurer de connaître les services qui sont offerts et la façon dont ils peuvent y avoir accès lorsqu'ils en ont besoin. Nous ne sommes pas là pour créer de nouvelles infrastructures, mais bien pour aller consulter ces groupes là même où ils se rassemblent tout naturellement.
Le sénateur Callbeck : Est-ce que les postes de vos conseils d'administration sont tous dotés par voie de nomination?
Mme Pisko-Bezruchko : Effectivement.
Le sénateur Callbeck : Prévoit-on des conseils d'administration élus pour l'avenir, ou en a-t-il été question?
Mme Pisko-Bezruchko : Je dois vous répondre que nous sommes encore une entité nouvelle. Les RLISS n'ont pas encore fait l'objet d'une évaluation ou d'un examen de leur efficacité, car nous débutons à peine notre mandat.
Mme Walsh : J'aimerais revenir à votre question maintenant que j'ai eu le temps d'y réfléchir davantage. Il faut penser aux nombreux programmes de soutien du revenu qui existent à l'échelon fédéral. Lorsqu'il est question de disparités en matière de santé, il va de soi que le revenu joue un rôle crucial.
Je me suis également souvenu du Congrès sur la saine alimentation et la vie active où l'un des experts a souligné les préoccupations qu'entretenait le gouvernement fédéral au sujet de la santé et du mieux-être des aînés il y a plus de 15 ans. En réponse à ces préoccupations, des changements importants ont été apportés au chapitre du soutien du revenu, et nous avons pu noter une amélioration considérable de la santé des personnes âgées. Je suis ici en tant que représentante du gouvernement, mais j'aimerais parler en tant que citoyenne œuvrant depuis de nombreuses années dans le domaine de la promotion de la santé. Dans nos discussions d'aujourd'hui, nous n'avons pas abordé la question des volumes de cas. Je vous ai parlé tout à l'heure de champions et de leadership. Vous avez la possibilité de faire montre d'un tel leadership tant par le truchement de vos discussions que par les valeurs que vous préconisez. Je me rappellerai toujours de cette journée où je suis sortie du métro à Dundas Square. J'étais enceinte d'environ sept mois et il y a avait une autre jeune femme, enceinte elle aussi, qui mendiait. J'ai alors pensé à ma mère qui me parlait d'acide folique et me demandait si je dormais bien et si je mangeais sainement; j'ai songé à toutes ces choses et au soutien que tout le monde m'offrait. J'ai vu cette mendiante et je me suis dit que ma fille avait déjà une longueur d'avance. Voilà une valeur fondamentale qui nous cause des difficultés au Canada, car nous croyons que nous partons tous du même point, alors que ce n'est pas le cas. Lorsqu'il s'agit de déterminer les secteurs où il faut investir et s'engager davantage, ce sont nos valeurs qui nous compliquent la tâche. C'est un élément à prendre en compte dans votre examen des questions touchant les disparités.
Que ce soit à l'échelon communautaire ou au sein du gouvernement provincial, les politiciens appuient leurs décisions d'investissement sur les valeurs préconisées par la collectivité. Nous avons parlé tout à l'heure d'infrastructures. On pourrait voir ces installations de loisirs comme un luxe comparativement aux sommes qui pourraient être engagées pour promouvoir une saine alimentation et de bonnes habitudes de vie de telle sorte que nos enfants soient mieux aptes à participer à la vie communautaire et à obtenir de bons résultats à l'école, notamment. Nous n'établissons pas les liens entre ces différents éléments. Dans votre rapport, vous pourriez peut-être souligner cette lacune et mettre en lumière les liens avec d'autres valeurs que nous adoptons en matière de prospérité, de mieux- être et de qualité de vie.
Le président : Je vais devoir vous interrompre parce qu'il ne nous reste que quelques minutes.
Mme Pisko-Bezruchko : Pour répondre à votre question, je vous dirais que le gouvernement fédéral fournit actuellement des fonds pour lutter contre l'itinérance au Canada. On n'est pas certain que ce financement va être maintenu. Cela inquiète tout particulièrement notre RLISS, car bon nombre des programmes qui ont produit d'excellents résultats ont été établis avec l'aide de ces fonds. On se demande vraiment si ces programmes pourront survivre si on met fin à cet appui financier.
Le sénateur Brown : Docteur Pipe, je pense que vous et vos collègues avez soulevé un gros problème ici aujourd'hui, mais aussi apporté la solution. Si vous réexaminez votre propre graphique, les réponses sont là, ainsi que dans les observations que vous avez faites.
J'ai commencé à interpréter votre graphique, notamment les données sur l'ingénierie sociale et le changement sociétal fondamental. Je me suis penché sur les trois flèches qui disent « réduire la pression artérielle, diminuer l'apport en sel et augmenter le niveau d'activité physique », de même que celles indiquant « manger moins, manger mieux et faites plus d'exercice ». Je pense que tous les trois sont des choix individuels, ce qui revient exactement à ce que vous avez dit.
Je sais que nous avons apporté des modifications au régime fiscal par le passé en vue d'influencer les comportements. Je ne pense pas que nous pouvons changer nos collectivités du jour au lendemain; il y en a tellement. Cependant, nous pouvons nous concentrer sur le changement de comportement. Je crois que c'est ce que nous avons fait avec le fléau du tabagisme. Nous ne l'avons pas encore enrayé, mais nous l'avons certainement maîtrisé au cours de la dernière génération.
Quand j'étais jeune, presque tout le monde fumait. Grâce à toute une génération de publicité négative — et je pense que la télévision fonctionne bien à ce niveau-là, tout comme l'étiquetage négatif sur l'emballage lui-même —, nous avons réussi. À long terme, c'est nécessaire pour remodeler la société. Une grande partie des 140 milliards de dollars que nous dépensons en soins de santé doit être consacrée à la publicité. Il faut promouvoir l'exercice physique et décourager la consommation d'aliments à haute teneur en sel de même que la suralimentation. Toutefois, cela pourrait être un problème. Dès qu'on cible cette question, on commence à s'attarder sur la silhouette des gens. Cela pourrait provoquer beaucoup de réactions à l'égard des droits de la personne ou ce genre de choses. Comme vous l'avez dit, vous faites les frais de la lutte au tabagisme. Cela pourrait être pire si nous commençons à mettre l'accent sur la suralimentation ou l'obésité.
Il s'agit vraiment d'un changement d'attitude dans ces trois cas. Même quand les gens n'ont pas accès à de grands complexes récréatifs, et ainsi de suite, ils peuvent faire de l'exercice. Il existe des programmes. L'ARC avait une brochure d'exercice intéressante qui n'exigeait aucun équipement. J'avais l'habitude de l'utiliser il y a des années. Je me sers maintenant d'un vélo stationnaire couché d'une valeur de 500 $, mais pas de la même façon que quand je suivais le plan d'exercice.
Dr Pipe : Si je pouvais faire une observation, même si ce sont des comportements individuels, je pensais avoir été clair en disant que, contrairement à ce que l'on pourrait penser, ceux-ci ne découlent pas toujours d'un choix personnel. Nous vivons dans un environnement obésogène. Par exemple, il est clair que les jeunes d'aujourd'hui, au Canada, font beaucoup plus de sports qu'à l'époque, sauf que pendant le reste de la semaine, ils sont aussi beaucoup moins actifs. Les approches, les exhortations, les campagnes et les slogans peuvent être nécessaires, mais c'est loin d'être suffisant. C'est un des enseignements que nous avons tirés de la guerre au tabac : vous devez revoir les politiques publiques pour changer l'environnement social. Vous dénormalisez le tabagisme et interdisez les publicités sociétales.
Je suis certainement d'accord avec vous que ce sont des comportements individuels, mais nous devons être capables de créer un environnement social dans lequel il est plus probable que les gens adopteront ces comportements. Cela nécessite des changements environnementaux.
Le sénateur Brown : Je suis d'accord avec vous. Je crois que vous avez juste besoin d'une combinaison d'information sur les côtés positifs et négatifs de la perte de poids ou d'un régime pauvre en sodium, par exemple. Vous pouvez consacrer beaucoup d'argent aux publicités télévisées, car il y a peu de gens qui ne regardent pas la télévision. Je pensais à la famille Simpson, qui pourrait donner l'exemple en montrant des gens minces et en bonne santé en raison de leurs habitudes; ce genre de choses, par exemple, un clip ou une publicité diffusée sur une longue période.
Le sénateur Munson : Docteur Pipe, vous avez dit que vous avez vu la crise et qu'il faut maintenant y faire face. Comme le Dr Keon l'a indiqué, nous nous sommes intéressés au système de santé cubain. Les Cubains accomplissent beaucoup de choses avec si peu de polycliniques. Pour ce qui est de la médecine préventive ou de la promotion des soins de santé au niveau de la rue, devons-nous adopter une attitude pragmatique dans la prestation des soins de santé? Dans ces polycliniques, par exemple, vous avez parlé de la hausse des impôts en Suède, mais ce que nous avons vu dans l'une de ces cliniques, dans ces installations multidimensionnelles, c'étaient des grands-parents, âgés de 60 à 70 ans, à qui l'on enseignait, par le biais de programmes sur la psychologie de l'enfant, comment interagir avec leurs petits-enfants et en quoi consiste le développement de la petite enfance.
Faut-il réorienter nos priorités en ce qui concerne la médecine préventive? Dans ce pays, nous associons automatiquement la maladie à l'hôpital. Nous ne pensons jamais aux cliniques de la rue Elgin parce que si nous nous rendons là-bas, à ces cliniques unidimensionnelles, on nous répondra : « oui, nous allons vous traiter, mais vous devrez ensuite allez là-bas pour ça ». Je voudrais votre avis sur cette évaluation.
Dr Pipe : Chose certaine, ce que les Cubains ont réussi à faire avec des ressources aussi limitées en matière d'alphabétisation et de soins de santé est tout à fait remarquable. Cela contraste presque avec certaines des choses que j'ai dites. Que fait-on de ceux qui ne peuvent pas bénéficier du système préventif parce qu'ils ont déjà une maladie? C'est une autre réalité à laquelle nous sommes actuellement confrontés au Canada.
Tous les jours, je vois des gens qui n'ont pratiquement pas accès à des soins de santé primaires. Je passe une grande partie de mes journées à essayer de trouver un médecin de famille aux personnes qui n'en ont pas. On leur a déjà diagnostiqué une maladie, mais ils ne peuvent pas accéder à ces types de services.
Oui, je pense que nous devrons reconfigurer notre système de santé. En Ontario, il existe des modèles de soins, de même que des équipes et des groupes de santé familiale qui cherchent à réunir sous un même toit divers professionnels, non seulement des praticiens de la santé, mais aussi des conseillers et des travailleurs sociaux. De toute évidence, cela est la voie de l'avenir. Je crois que vous l'avez bien cernée.
Le sénateur Munson : Il a été question d'une barrière linguistique en ce qui concerne « la santé de la population » et ce genre de choses. Je sais que vous vous rendez sur le terrain dans le cadre de vos études. À Cuba, compte tenu du système en place, personne n'est obligé de répondre, mais on aime les statistiques, et on les compile réellement. Quand il y a un problème, on interroge un échantillon de 12 000 personnes, et celles-ci seront heureuses de parler de leur situation; on pourra ainsi examiner le problème et s'y attaquer à l'aide d'un nouveau médicament ou de tout ce qui pourrait s'avérer nécessaire. Dans ce pays, il doit s'agir d'une question de droits de la personne. Brossez-vous le véritable tableau quand vous menez ces études? Vous avez évoqué le fait que les parents et les enfants vous donnent chacun une version différente de l'histoire. Est-ce difficile de se mettre au niveau de la rue?
Mme Walsh : Un rôle qui convient parfaitement au gouvernement fédéral est l'appui à la recherche et à l'évaluation ainsi que l'acquisition de nouvelles connaissances. Le rôle que Statistique Canada a joué a été fantastique. Je suis sûre que cet organisme dirait qu'il peut utiliser des investissements supplémentaires. Par exemple, l'Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes est une ressource incroyable, mais on ne la réalise pas tous les ans. Pour ce qui est de la taille de l'échantillon, en Ontario, nous devrons acheter des unités d'échantillonnage supplémentaires afin d'obtenir l'information dont nous avons besoin. Il serait utile de se pencher sur toutes les différentes mesures et les indicateurs, et de savoir si Statistique Canada obtient suffisamment d'appui pour nous fournir le type de données nécessaires. Il y a différents investissements, par exemple, par l'intermédiaire de l'Institut canadien de recherche en santé, le Population Health Institute et le Centre national de collaboration. Certaines institutions font des recherches très pertinentes. Je suis certaine qu'il dirait pouvoir davantage mettre à profit les investissements par rapport à d'autres domaines. C'est un rôle fédéral que nous valorisons. Il est plus logique d'avoir quelque chose du genre au niveau national. On nous a consultés sur les types de questions qui seraient utiles, et nous travaillons ensemble, partout au pays, pour générer de l'information qui profiterait à tous.
Le président : Malheureusement, notre temps est écoulé. C'est une question vraiment importante, et il s'agit du talon d'Achille.
Nous entendrons Glenda Yates le 13 février. Mme Yates est à la tête de l'Institut canadien d'information sur la santé. Je vais entre autres lui poser la question suivante : Pouvez-vous concevoir des outils permettant aux différentes personnes concernées, comme Mme Pisko-Bezruchko, le Dr Pipe et vous-même, d'évaluer les impacts sur la santé du travail que vous faites? Ce sera un défi pour l'avenir. Si l'un d'entre vous peut imaginer comment cela serait possible, nous aimerions le savoir afin d'en faire état dans notre rapport.
Mme Pisko-Bezruchko : Je suis tout à fait d'accord avec Mme Walsh. Nous devons réaliser cette étude plus fréquemment. Nous devons relancer la discussion sur le type de renseignements que nous recueillons sur les personnes qui bénéficient du système de santé. En ce moment, nous ne demandons rien au sujet de l'appartenance raciale ou ethnoculturelle, du revenu, ou des facteurs qui ont une incidence sur la santé, même si nous savons que ceux-ci sont très importants.
Mon poste au RLISS de Toronto-Centre m'oblige à trouver des moyens créatifs d'extrapoler les différents éléments des bases de données et à en déduire qu'une population ou une collectivité donnée a ces types de besoins en matière de santé et ces comportements. Il ne devrait pas en être ainsi. Nous devrions avoir les preuves à notre disposition et ne plus avoir la pénible tâche de recueillir ce type d'information. Il faut comprendre de quoi il s'agit réellement et réaliser que c'est beaucoup plus vaste que des services hospitaliers traditionnels. Cela concerne tout le milieu social dans lequel nous vivons.
Dr Pipe : Nous avons aussi besoin de populations mères. Le problème avec la plupart des données recueillies à l'échelle nationale ou provinciale, c'est qu'elles proviennent d'un échantillon de la population tellement étendu qu'il est pratiquement impossible de les appliquer à l'échelle locale, car elles ne veulent rien dire. Nous avons besoin de données et de populations de référence. Il nous faut non seulement des sondages, mais aussi, dans certains cas, des mesures concrètes. Une grande partie de nos données sur l'obésité au Canada proviennent de sondages téléphoniques où nous demandons aux gens leur grandeur et leur poids. Devinez quoi? Quand nous mesurons les Canadiens, ils sont en fait plus petits et leur tour de taille est plus gros que ce qu'ils nous ont indiqué par téléphone. Toutes nos données ont été faussées dans ce sens. Nous devons régulièrement aller sur le terrain et recueillir des données concrètes. Il s'agit d'une méthode d'échantillonnage qui pourrait, en définitive, permettre d'appliquer les données à un niveau opérationnel. Plutôt que d'examiner 50 000 pieds à l'échelle nationale, nous devons regarder de plus près différentes populations canadiennes. Les informations recueillies dans de nombreux ensembles de données sont inutiles lorsqu'on tente d'offrir des programmes dans le district de Champlain ou le RLISS de Toronto.
Le président : Merci beaucoup à vous trois. Vous avez été absolument fantastiques. Vous nous avez donné beaucoup de renseignements.
Honorables sénateurs, nous irons à huis clos pendant quelques minutes pour régler certaines questions.
Le comité poursuit ses travaux à huis clos.