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Sous-comité sur la santé des populations

 

Délibérations du Sous-comité sur la Santé des populations

Fascicule 7 - Témoignages du 28 mai 2008


OTTAWA, le mercredi 28 mai 2008

Le Sous-comité sur la santé des populations du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui à 16 h 10 pour examiner les multiples facteurs et conditions qui influent sur la santé de la population canadienne, facteurs qu'on désigne sous l'appellation générique de déterminants de la santé, avant de faire un rapport sur la question.

Le sénateur Wilbert J. Keon (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Il nous manque trois ou quatre sénateurs, mais ils se joindront à nous dès qu'ils pourront se libérer. Nous allons quand même commencer puisque nous avons le quorum.

Nous avons le plaisir d'accueillir aujourd'hui Kathryn White, directrice exécutive de l'Association canadienne pour les Nations Unies; le Dr André Lalonde, vice-président général de la Société des obstétriciens et gynécologues du Canada; Marie Adèle Davis, directrice générale de la Société canadienne de pédiatrie; et la Dre Catherine Bigsby, présidente du Groupe de travail sur la santé des enfants, à l'Association médicale canadienne.

Nous allons commencer par Mme White.

Kathryn White, directrice exécutive, Association canadienne pour les Nations Unies : Honorables sénateurs, au nom de l'Association canadienne pour les Nations Unies, j'aimerais vous remercier de nous avoir invités à vous présenter les résultats de notre travail sur les déterminants sociaux de la santé. Je voudrais également rendre hommage à votre sous- comité, à la Dre Monique Bégin, de la commission de l'OMS, et à un ancien membre de votre comité, qui nous a beaucoup appuyés dans notre travail et qui a été une source d'inspiration dans sa défense des enfants au Canada et dans le monde : Landon Pearson.

Le projet « Les enfants sains dans les communautés saines » a été mis sur pied par l'ACNU dans le but de déterminer les facteurs sociaux et communautaires qui favorisent le bien-être des jeunes et permettent de bâtir des collectivités plus fortes et plus solidaires. Il a été conçu de façon à faire participer les jeunes comme jamais ils ne l'avaient fait auparavant, afin qu'ils comprennent mieux l'importance de cette question et qu'ils soient en mesure de faire des recommandations sur leur propre santé. Ces objectifs découlent de documents internationaux importants, comme la Convention des Nations Unies relatives aux droits de l'enfant, Un monde digne des enfants et Un Canada digne des enfants. Tout en nous fondant sur les principes énoncés dans ces documents, nous nous sommes adressés aux enfants eux-mêmes, aux jeunes de tout le Canada, et nous les avons encouragés à nous raconter leur histoire et leurs problèmes et à nous dire comment ils imaginent des collectivités en santé.

Mais nous ne nous sommes pas arrêtés là. Nous avons aussi interrogé d'autres parties intéressées, comme les parents, les administrateurs communautaires et les professionnels de la santé, sans oublier le public en général, afin de mieux comprendre les conditions sociales qui influent sur la vie et le bien-être des jeunes Canadiens. Nos travaux nous ont amenés à publier Talking Back to Grownups en octobre 2007. Je vous remercie, monsieur le président, de nous avoir aidés à lancer ce document. C'est un rapport que nous vous encourageons tous à lire, si ce n'est déjà fait.

Depuis, l'équipe a préparé un plan d'action pour le progrès et mis sur pied un réseau pancanadien et une trousse d'outils pour encourager les jeunes à participer. En mars dernier, nous avons organisé une table ronde pour parler de la participation des jeunes, des médias et de la technologie, ainsi que des effets de l'environnement bâti sur la santé.

Enfin, la semaine prochaine, nous publierons notre toute dernière étude, réalisée en Colombie-Britannique, qui porte sur les déterminants sociaux de la santé dans le contexte des Jeux olympiques d'hiver de 2010.

Étude après étude, les Canadiens nous disent qu'il faut s'attaquer au problème de la pauvreté sous toutes ses formes, au Canada et à l'étranger. Nous devons reconnaître les incidences négatives considérables que la pauvreté peut avoir sur la santé, surtout sur celle des enfants, car les premières années de la vie d'un enfant sont déterminantes pour ce qui est des soins de santé dont il aura besoin plus tard. Dans notre rapport Talking Back to Grownups, nous indiquons que 74 p. 100 des Canadiens adultes disent vouloir mettre un terme à la pauvreté des enfants, même s'il faut pour cela augmenter les impôts. Environ les deux tiers d'entre eux estiment que les gouvernements canadiens n'accordent pas assez de priorité à la santé des enfants.

Nos indicateurs sur le bien-être émotionnel des enfants révèlent des inégalités entre les enfants d'origine caucasienne, autochtone et ethnoculturelle — l'ONU ne veut plus que nous utilisions l'expression « minorités visibles » — et entre les groupes socio-économiques à revenus élevés et faibles. Ces conclusions ne vous surprennent peut-être pas beaucoup, mais nous avons rencontré des centaines d'enfants dans tout le pays, et avons constaté des impacts visibles de ces pressions sur les enfants dès l'âge de neuf ans, que les enfants ont eux-mêmes signalés.

D'autres conclusions importantes de l'étude révèlent une certaine stigmatisation des questions reliées à la santé émotionnelle, souvent due à une incompréhension de ce problème. Notre étude indique que, pour 98 p. 100 des Canadiens adultes, le bien-être émotionnel est tout aussi important que la santé physique. Par contre, seulement 7 p. 100 des Canadiens estiment que les jeunes ont besoin d'avoir plus d'information sur ce sujet.

Voyons maintenant ce que les jeunes nous ont dit. Pour notre étude, nous avons utilisé un certain nombre d'indicateurs pour mesurer le bien-être émotionnel des jeunes. Quand on leur a demandé, par exemple, si les énoncés suivants reflétaient ce qu'ils pensaient : « Ma vie est une source de préoccupations » et « La santé de la famille m'inquiète », 62 et 40 p. 100 des jeunes, respectivement, ont répondu que oui. Le niveau de préoccupation indiqué ici montre bien que les facteurs de stress sont un problème important qui nécessite davantage de réflexion et de ressources.

Bon nombre de Canadiens à qui nous avons parlé nous ont dit qu'il n'y avait pas assez de spécialistes et de services de santé mentale, surtout dans les collectivités rurales ou éloignées. Nous devons donc faire la promotion de la santé mentale de façon aussi agressive que nous l'avons fait pour la santé physique. À ce propos, nous nous réjouissons de la création de la Commission de la santé mentale du Canada, qui est dirigée par votre ancien collègue.

Nous n'avons fait que survoler certaines des questions que nous avons traitées pendant les trois années de notre étude, mais nous devons aujourd'hui nous poser la question suivante : que faire maintenant? Comment allons-nous régler les problèmes que les jeunes ont mentionnés?

Les déterminants sociaux de la santé, ce sont les relations humaines, la culture, un sentiment d'appartenance et d'attachement à la collectivité et, surtout, une sorte d'engagement et un certain degré de contrôle sur sa propre vie. Un homme et une femme en bonne santé sont de bons citoyens. Voici les mesures que nous recommandons.

Il faut mettre l'accent sur l'équilibre émotionnel et la santé mentale au moyen d'initiatives de sensibilisation et d'information du public, et il faut renforcer les collectivités afin d'améliorer l'état de santé de leurs membres. Nous recommandons également de faire des recherches sur l'influence positive que les infrastructures physiques et sociales peuvent avoir sur la santé.

Plusieurs indicateurs révèlent des différences entre les collectivités. Il faudrait donc faire d'autres recherches au niveau communautaire pour déterminer les facteurs qui contribuent à la santé des jeunes, ainsi que les solutions propres à une collectivité. Il faudrait aussi faire des recherches au niveau des quartiers, afin de voir si leur aménagement est propice à l'épanouissement des gens qui y vivent et qui y travaillent.

Nous recommandons ensuite de mettre en place des politiques de santé intégratives et globales, ainsi que des pratiques axées sur les déterminants sociaux de la santé. La vie des enfants est déterminée par trois grands piliers de leur milieu : les parents et tuteurs, l'école, et la communauté dans son ensemble. Les politiques de santé doivent leur permettre de se soutenir les uns les autres. Les parents doivent avoir la possibilité de jouer un rôle actif et positif dans la vie de leurs enfants. L'école doit être un endroit où l'enfant peut s'épanouir et prendre des initiatives concernant sa propre vie. La communauté doit être un espace où l'enfant peut établir et entretenir des relations positives.

Nous recommandons également de mettre l'accent sur les jeunes vulnérables. On ne saurait trop insister sur la nécessité d'accorder une attention spéciale aux jeunes Canadiens d'origine autochtone, étrangère ou ethnique, car ces jeunes connaissent invariablement un niveau de vie et une qualité de vie inférieurs, et sont victimes d'une répartition inégale des ressources. Nous devons nous sensibiliser à leurs réalités et comprendre que cela fait partie des droits des enfants.

Enfin, il faut donner la parole aux enfants et aux collectivités, et l'amplifier au besoin. L'autonomisation des enfants et des citoyens en matière de santé est sans doute le rôle le plus important que la société civile, le gouvernement et le secteur de la santé peuvent jouer tous ensemble. Nous rendons hommage aux nombreuses organisations de la société civile qui cherchent à donner la parole aux jeunes. Nous recommandons au gouvernement d'en faire davantage dans ce domaine.

Le gouvernement du Canada a déjà fait preuve de leadership en accordant un appui indéfectible à l'initiative EsCs de l'ACNU : Les enfants sains dans les communautés saines, qui nous permet de mieux comprendre les effets des déterminants sociaux de la santé sur les enfants. Mais nous ne devons pas nous arrêter là.

Le président : Merci. Je vais maintenant donner la parole au Dr André Lalonde. Le rapport sur la santé des populations va englober tout le cycle de vie de l'homme, en commençant par l'éducation donnée par les parents, la santé de la mère, la petite enfance, et ainsi de suite jusqu'à la mort. Il est donc tout à fait pertinent que nous recevions aujourd'hui le Dr Lalonde puisqu'il va nous dire ce qu'il faut faire et ne pas faire pour avoir des mères et des enfants en bonne santé.

[Français]

Dr André Lalonde, vice-président général, Société des obstétriciens et gynécologues du Canada : Monsieur le président, j'aimerais d'abord remercier les honorables sénateurs pour cette invitation à comparaître devant le sous-comité aujourd'hui, particulièrement le président du comité, le sénateur Wilbert Keon, et ses collègues ici présents qui sont tous, sans contredit, des champions dévoués aux questions des soins de santé, particulièrement celles qui ont trait à la santé des Canadiens et des Canadiennes.

C'est avec grand plaisir que je me joins à mes collègues de l'Association médicale canadienne, de la Société canadienne de pédiatrie et de l'Association canadienne pour les Nations Unies dans le cadre de ce groupe de discussion. Nous nous entendons sur bien des points et surtout sur le fait qu'une enfance saine est le pilier d'une société saine.

[Traduction]

Je sais que vous recherchez des éléments sur quoi fonder les recommandations de votre quatrième rapport. La Société des obstétriciens et gynécologues du Canada, la SOGC, est heureuse de vous donner des exemples concrets de mesures qui peuvent être prises pour améliorer la santé des enfants. Je ne vais surprendre personne en disant qu'il faut intervenir au tout début, car on ne peut pas sérieusement parler de promouvoir et de garantir la santé des enfants si l'on ne s'intéresse pas à la santé de la mère.

La mère et l'enfant sont une dyade inséparable. La science a clairement démontré que la santé de la mère influe directement sur la santé de son enfant, avant même la conception, pendant la grossesse, pendant le travail et l'accouchement et jusqu'au post-partum. Ces quelques semaines et ces quelques mois peuvent déterminer la santé future de l'enfant, parfois même avant sa naissance. Il vous suffit de taper « origines foetales d'une maladie d'adulte » dans Google pour voir apparaître d'innombrables références à des études scientifiques démontrant que certaines maladies peuvent être liées à un environnement fœtal défavorable : le diabète de type 2, l'hypertension, les maladies cardiovasculaires, l'asthme, et cetera.

[Français]

Des recherches sont en cours pour observer le rôle de facteurs tels que les herbicides, les BPC, la mauvaise nutrition, les conditions défavorables pendant les premiers stades de développement fœtal, les troubles d'anxiété; tous ces facteurs sur les manifestations de maladies telles que la maladie de Parkinson, la démence, le cancer, l'ostéoporose et nombre d'anomalies congénitales.

[Traduction]

Imaginez si nous pouvions réduire les facteurs de risques de ces maladies avant même que l'enfant ne soit né. Songez à l'amélioration de sa qualité de vie et de sa contribution à la société, sans parler de l'impact réel et positif sur les budgets de santé, étant donné que le traitement de ces maladies nécessite des investissements croissants.

Il existe un grand nombre de déterminants sociaux de la santé, mais les femmes ont quatre fois plus de risques d'être victimes du plus important de ces déterminants : la pauvreté. Si vous êtes une femme célibataire autochtone, et que vous êtes enceinte, il y a de fortes chances pour que vous soyez pauvre, que votre grossesse soit affectée par la pauvreté, que votre enfant soit pauvre, et que la santé de votre enfant soit elle aussi affectée par la pauvreté.

C'est particulièrement vrai des collectivités des Premières nations, des Inuits et des Métis. Un enfant sur quatre des Premières nations vit dans la pauvreté, alors que ce chiffre n'est que de un sur six chez les enfants canadiens. Chez les Premières nations, les familles sont trois fois plus susceptibles de vivre dans la pauvreté; plus de la moitié de la population active est au chômage; 70 p. 100 des élèves ne termineront jamais l'école secondaire, et une maison sur six est surpeuplée.

L'an dernier, la SOGC a participé à la campagne « Abolissons la pauvreté : le plan des Premières nations pour créer des débouchés », qui a été lancée par le chef national de l'APN, Phil Fontaine, afin de lutter contre la pauvreté des enfants chez les Premières nations.

[Français]

La SOGC croit que toute initiative doit être fondée sur la participation et la concertation avec les populations des Premières nations, métisses et inuites. C'est pourquoi nous tenons des consultations avec les groupes autochtones en ce qui concerne l'accouchement. Nous croyons qu'une expérience positive en matière d'accouchement nous permettra d'élaborer des bases solides en vue d'améliorer la santé infantile.

[Traduction]

Ayant fait de la santé autochtone une de ses orientations stratégiques, la SOGC a décidé de lancer une Initiative reliée à la naissance en milieu autochtone. Depuis deux ans, la société essaie de mobiliser des appuis pour lancer une Initiative pancanadienne reliée à la naissance, avec une composante autochtone. L'initiative a été préparée avec cinq partenaires : le Collège des médecins de famille du Canada, la Société de la médecine rurale du Canada, l'Association des infirmières en santé des femmes, en obstétrique et en néonatologie, l'Association des infirmières et infirmiers du Canada, et l'Association canadienne des sages-femmes. L'Initiative prévoit sept grandes mesures à prendre pour s'assurer que, de Corner Brook à Comox en passant par Iqaluit, les mères et les enfants reçoivent tous les soins dont ils ont besoin. Sans entrer dans les détails, je vais vous donner les grandes lignes de cette initiative.

Premièrement, il faut écouter les femmes. Deuxièmement, il faut faciliter la collaboration entre les professions. Troisièmement, il faut recueillir des données. Comme vous le savez, nous avons du mal à comparer nos données avec celles d'autres pays car les nôtres ne sont pas exactes. Quatrièmement, il faut mettre en place des lignes directrices standardisées pancanadiennes dans chaque province. Cinquièmement, il faut élaborer un programme de formation postsecondaire standardisé, à l'échelle du Canada, dans le domaine des soins de la mère et du nouveau-né. Sixièmement, il faut créer un programme de formation continue pour améliorer la sécurité des patientes. Septièmement, il faut implanter des modèles de soins à l'échelle nationale.

Aujourd'hui, la SOGC aimerait soumettre plusieurs recommandations à votre comité. Premièrement, le gouvernement du Canada devrait s'engager à réduire la pauvreté chez les mères et les enfants au cours des cinq à dix prochaines années, en versant des allocations dès la 20e semaine de grossesse, plutôt que de seulement attendre après la naissance; en garantissant des soins prénatals dès le début de la grossesse; en mettant sur pied un système national de garde d'enfants; et en offrant de meilleurs services d'éducation pour les enfants en bas âge.

Deuxièmement, le gouvernement fédéral devrait adopter une initiative pancanadienne reliée à la naissance, avec une composante autochtone. Ce faisant, il mettrait en œuvre les recommandations fort novatrices, mais jusque-là restées sans réponse, du Projet de soins primaires obstétriques concertés qui a été soumis à Santé Canada il y a un an et demi.

[Français]

Troisièmement, que la santé infantile soit définie comme allant de pair avec la santé maternelle, confirmant le fait que si la mère n'est pas en santé, les probabilités que son enfant mène une vie saine et exempte de maladies sont grandement réduites.

[Traduction]

Quatrièmement, les mères devraient recevoir les soins dont elles ont besoin pendant la grossesse, pendant le travail, pendant l'accouchement et après la naissance, et la santé du nouveau-né devrait inclure celle de la mère. Cinquièmement, le gouvernement fédéral devrait s'engager à réimplanter des services de maternité dans les régions rurales et isolées et dans les communautés autochtones, afin que les mères ne soient plus obligées de quitter leur famille pour pouvoir aller accoucher dans un établissement bien équipé et avoir ainsi le maximum de chances d'avoir un bébé en bonne santé.

[Français]

Le Canada se doit de faire mieux en matière de santé maternelle et infantile. Ces recommandations permettront d'y arriver.

[Traduction]

Pour terminer, j'aimerais vous dire que la SOGC a entrepris une étude sur notre capacité actuelle en soins obstétrique d'urgence. Il faut en effet se demander, par exemple, s'il y a suffisamment d'obstétriciens au Canada pour répondre aux situations d'urgence. D'après les résultats préliminaires, que nous examinons actuellement, il semblerait que les ressources humaines en soins maternels soient plus problématiques que jamais, et que, d'ici cinq à dix ans, la situation ne fera qu'empirer. Si nous ne prenons pas dès maintenant des mesures pour garantir une meilleure santé aux mères et à leurs nouveau-nés, nous connaîtrons de graves problèmes sur bien d'autres fronts. N'attendons donc pas que la crise se produise et fasse la une des journaux.

[Français]

C'est avec plaisir que je répondrai à vos questions.

[Traduction]

Le président : Merci, Dr Lalonde, de cet exposé et de tout le temps que vous y avez consacré.

Nous allons maintenant entendre Mme Davis, de la Société canadienne de pédiatrie.

Marie Adèle Davis, directrice générale, Société canadienne de pédiatrie : Merci, monsieur le président, de me permettre de m'adresser à votre comité aujourd'hui.

[Français]

Je suis ici au nom de la Société canadienne de pédiatrie, une association professionnelle qui représente plus de 2 600 pédiatres, pédiatres avec sous-spécialité et autres dispensateurs de soins aux enfants et aux adolescents.

[Traduction]

La Société canadienne de pédiatrie défend la cause des enfants et des jeunes depuis 1922. Elle s'est toujours principalement intéressée à ce qu'on appelle des questions médicales : comment endiguer la propagation des maladies infectieuses, s'assurer que les enfants et les jeunes ont accès à des vaccins, et faire la promotion de normes en matière de nutrition et de soins néonatals, et de projets de loi destinés à prévenir les blessures, et cetera.

Malgré les progrès enregistrés à ce chapitre, ces questions sont encore de grandes priorités pour notre société. Dans le domaine de la prévention des blessures, par exemple, le Canada a encore fort à faire. En effet, nous nous plaçons au 22e rang des 29 pays de l'OCDE en ce qui concerne le nombre de blessures et de décès qui auraient pu être évités chez les enfants. La Société préconise ardemment la mise en place d'une stratégie nationale de prévention des blessures, comme le recommande un rapport récent de Kellie Leitch au ministre de la Santé.

Nous savons toutefois que, comme c'est le cas pour bien d'autres aspects de la santé des enfants et des jeunes, une telle stratégie, pour donner des résultats, ne doit pas se limiter au modèle médical traditionnel. Nous devons réfléchir à la façon dont nous pouvons améliorer les conditions qui favorisent une bonne santé. Et pourtant, il nous arrive souvent d'adopter des approches trop limitées lorsqu'il s'agit d'améliorer l'état de santé de la population canadienne. La réduction des délais d'attente, par exemple, est un objectif important, mais ce n'est qu'un cataplasme. Pour améliorer la santé des Canadiens, il faut adopter une approche beaucoup plus large et à plus long terme.

À l'heure actuelle, nous savons beaucoup de choses sur ce qui favorise la bonne santé des enfants et des jeunes. Nous savons aussi que la plupart des principaux déterminants concernent la santé et le bien-être de leur famille et de leur mère, leur communauté, et l'environnement dans lequel ils vivent. Grandir en bonne santé, ce n'est pas seulement avoir accès à des services médicaux. C'est disposer d'un revenu familial stable, vivre dans une maison et une communauté favorisant l'épanouissement, acquérir une solide éducation, avoir des possibilités de s'épanouir et de se développer, et bien d'autres choses encore.

La Société canadienne de pédiatrie, de concert avec l'Association médicale canadienne et le Collège des médecins de famille, a articulé un grand nombre de ces principes dans la Charte canadienne de la santé des enfants et des jeunes, qui a été lancée l'an dernier après consultation de grands spécialistes et d'autres organisations. Malheureusement, le gouvernement fédéral n'a toujours pas indiqué s'il était disposé à endosser officiellement cette charte.

Le Canada n'occupe pas une place très enviable dans les classements internationaux sur la santé et le bien-être des enfants. Selon un rapport récent de l'Unicef, le Canada occupe le 12e rang, parmi 21 pays riches, en ce qui concerne le bien-être général des enfants. Malgré la technologie et les cerveaux dont nous disposons et qui devraient nous permettre d'offrir les meilleurs services de santé au monde, les enfants canadiens ne sont pas aussi bien soignés qu'ils devraient l'être. Pourquoi? En partie, à notre avis, par manque d'une réelle volonté politique de faire des enfants et des jeunes une priorité. Comme l'ont indiqué mes collègues, le Canada réussit moins bien que les autres pays à créer les conditions qui favorisent une bonne santé. Près de 20 ans après l'adoption unanime par la Chambre des communes d'une motion visant à mettre un terme à la pauvreté chez les enfants d'ici à l'an 2000, le taux de pauvreté chez les enfants n'a pas changé.

Il faut donc que quelqu'un se saisisse du dossier, et c'est la raison pour laquelle la Société canadienne de pédiatrie réclame la nomination d'un commissaire fédéral à la jeunesse, qui serait le porte-parole des enfants et des jeunes lors de l'examen de politiques publiques nationales les concernant. L'existence de ce commissaire obligerait le gouvernement fédéral à rendre des comptes aux jeunes Canadiens. C'est ce qu'ont recommandé vos collègues du Comité sénatorial permanent des droits de la personne.

Le gouvernement fédéral dispose d'orientations très claires sur beaucoup de questions concernant la santé des enfants, grâce au rapport du Dre Leitch. L'auteur y indique que la prévention des blessures, la prévention de l'obésité chez les enfants et l'amélioration de la santé mentale devraient être des priorités. Nous appuyons ses recommandations à 100 p. 100, mais nous ne comprenons pas pourquoi le gouvernement fédéral n'a toujours pas répondu officiellement à ce rapport. Nous l'encourageons à travailler avec les défenseurs des enfants et des jeunes pour que les recommandations du rapport soient mises en oeuvre au cours des prochains mois et des prochaines années.

Dans le rapport de la Dre Leitch, la liste explicite des déterminants de la santé figure en annexe, et ce, alors que nous savons parfaitement que, pour faire des progrès sur des questions comme l'obésité et la santé mentale, il est indispensable de tenir compte de la famille des enfants, de leur environnement social, de leur éducation et de bien d'autres choses.

Il y a quatre ans, le gouvernement fédéral a signé un document intitulé Un Canada digne des enfants, qui souligne la nécessité d'adopter une approche plus vaste en ce qui concerne la santé des enfants et des jeunes. Or, les gouvernements passés et le gouvernement actuel continuent d'adopter une approche trop étroite. Nous espérons que, dans votre rapport, vous encouragerez le gouvernement à adopter une approche plus large. Nous savons ce qu'il faut faire pour améliorer la santé et le bien-être des enfants et des jeunes; il ne manque plus que la volonté politique et une intervention immédiate.

En tant que représentante d'une association de pédiatres, je dois aussi vous sensibiliser, comme l'a fait le Dr Lalonde, à la grave pénurie de ressources humaines que nous connaissons. Lorsque des enfants et des jeunes ont besoin de soins de santé, ils doivent pouvoir avoir accès, sans attendre, à des professionnels qui vont encourager leur croissance et leur développement, promouvoir leur santé et leur sécurité, et leur fournir les soins actifs et de longue durée dont ils ont besoin. Malheureusement, les pédiatres sont de moins en moins nombreux à se partager le travail, alors qu'il y a de plus en plus d'enfants avec des problèmes médicaux complexes.

Les pédiatres font partie intégrante des services de santé pour les enfants et les jeunes au Canada. Non seulement ils dispensent des soins cliniques, mais ils travaillent aussi activement à l'amélioration des communautés dans lesquelles vivent les enfants. S'il y a moins de pédiatres, cela signifie qu'il y aura moins de personnes résolues à améliorer les déterminants de la santé pour les enfants et les jeunes.

Ce n'est pas un problème qui interpelle les gouvernements provinciaux et territoriaux. Ils n'ont mis en place aucune stratégie de ressources humaines pour répondre aux besoins des enfants et des jeunes. Dans son rapport de 2007 sur les politiques publiques, notre Société indique qu'aucune province et aucun territoire ne s'est doté d'un plan de ressources humaines en pédiatrie.

[Français]

Les enfants et les adolescents ont droit aux normes de santé les plus élevées que ce pays a à offrir. Quel que soit leur lieu de résidence, le revenu de leurs parents ou la couleur de leur peau, ils ont droit à la meilleure santé possible et nous sommes tenus de contribuer à y parvenir.

[Traduction]

Le président : Merci, madame Davis.

Dre Kathryn Bigsby, présidente du Groupe de travail sur la santé des enfants, Association médicale canadienne : Au nom de l'AMC, je vous remercie de nous donner l'occasion de prendre la parole devant vous aujourd'hui, et je félicite le sous-comité de se concentrer sur la question critique de la santé des enfants.

Mon propos d'aujourd'hui portera sur trois aspects. Premièrement, ce que l'Association médicale canadienne a fait et prévoit faire dans le domaine de la santé des enfants. Deuxièmement, la raison pour laquelle l'Association médicale canadienne a choisi de se concentrer en priorité sur les premières années de la vie. Et troisièmement, les interventions que nous recommandons au Sous-comité et au gouvernement en matière de santé des enfants.

Les médecins sont très souvent témoins des effets néfastes de la mauvaise santé chez les enfants. Nous sommes convaincus que tous les enfants devraient bénéficier du meilleur départ possible dans la vie, ce qui comprend la possibilité de grandir et de se développer dans un environnement sécuritaire favorable et d'avoir accès aux services de santé nécessaires.

L'AMC a été fière de participer à l'Initiative sur la santé des enfants, alliance entre l'AMC, la Société canadienne de pédiatrie et le Collège des médecins de famille du Canada, qui a exercé des pressions en faveur de l'amélioration de la santé des enfants et du développement d'objectifs en matière de santé des enfants.

L'ISE a tenu l'an dernier un Sommet sur la santé des enfants et des jeunes, dont une des principales réalisations a été la production d'une Charte de la santé des enfants et des jeunes qui repose sur trois principes : un environnement sécuritaire et protégé; une bonne santé et un bon développement; un éventail complet de ressources de santé disponibles à tous. La Charte stipule que tous les enfants doivent bénéficier de la propreté de l'eau, de l'air et du sol, être protégés contre les blessures et l'exploitation, et avoir accès à des soins prénatals et maternels pour être en meilleure santé possible à la naissance.

La Charte reconnaît en outre que les enfants ont droit à une bonne nutrition pour une croissance saine et une bonne santé à long terme, à des possibilités d'apprentissage et de soins de grande qualité pendant les premières années, à domicile et dans la communauté, et à des soins de santé de base, y compris la vaccination, les médicaments et les soins de santé mentale et dentaire.

Les délégués au Sommet ont aussi approuvé la Déclaration sur la santé des enfants et le Défi santé des enfants et des jeunes, appel à l'action visant à faire de la Charte une réalité. Pour ce qui est de l'avenir, l'AMC consacrera beaucoup de temps et d'efforts à l'élaboration d'une politique sur les premières années de la vie, soit de la naissance à cinq ans. À cette fin, l'AMC parrainera une Séance de stratégie et de consultation d'experts en santé des enfants les 5 et 6 juin 2008. Cette consultation vise à créer un document de discussion pour, tout d'abord, déterminer comment l'AMC peut aider les médecins à améliorer la santé des enfants de moins de cinq ans; et, deuxièmement, cerner les principaux déterminants de la santé des enfants durant leurs premières années, fixer des objectifs et recommander des façons d'optimiser l'état de santé des enfants de moins de cinq ans.

Ce document éclairera une table ronde d'experts en santé des enfants qui se tiendra à l'automne 2008, grâce à laquelle nous espérons produire un rapport final sur les principaux déterminants de la santé des enfants au cours des premières années de la vie. Nous espérons être invités de nouveau devant votre sous-comité pour vous présenter ce rapport et discuter de nos conclusions et de nos recommandations.

L'Association médicale canadienne se concentre sur les premières années de la vie, de la naissance à cinq ans, car elles sont les plus critiques pour les enfants et parce que les médecins du Canada sont sans doute alors les mieux à même d'améliorer la situation. Des recherches récentes sur le développement humain indiquent que les six années qui suivent la conception sont les plus déterminantes pour le développement du cerveau.

Nous savons également que le Canada peut et doit faire mieux, comparativement à d'autres pays de l'OCDE, sur le plan de nombreux aspects clés comme la mortalité infantile, les traumatismes et la pauvreté. Nous savons aussi que le dépistage précoce des maladies héréditaires ou congénitales doit se faire entre zéro et cinq ans pour que l'on puisse intervenir efficacement, et que les voies cérébrales et biologiques au cours de la période prénatale et des premières années ont une incidence sur la santé physique et mentale à l'âge adulte. Les médecins sont bien placés pour définir et optimiser certaines conditions de la croissance et du développement en santé des enfants, et pour déterminer et prescrire des interventions efficaces en cas d'expériences négatives pendant l'enfance afin d'améliorer l'évolution de l'état de santé à l'âge adulte.

L'AMC est d'avis qu'il y a de nombreuses choses que le gouvernement pourrait faire aujourd'hui dans le domaine de la santé des enfants. Tout d'abord, le Canada ne devrait pas venir en queue de peloton des pays industrialisés sur le plan des dépenses en pourcentage du PIB consacrées aux programmes et au développement de la petite enfance. Il est essentiel d'investir dans le développement au cours des premières années afin d'optimiser le début dans la vie pour permettre aux enfants de vivre en santé physique, mentale et sociale.

Deuxièmement, nous devons améliorer notre surveillance afin de suivre de près les changements apportés à la santé des enfants, parce qu'il est impossible de gérer ce que nous ne pouvons pas mesurer. C'est pourquoi l'AMC recommande la création d'un bulletin annuel sur la santé des enfants au Canada.

Troisièmement, près d'un enfant sur six vit dans la pauvreté au Canada. Cette situation peut avoir une incidence sur la croissance et le développement des enfants, sur leur santé physique et mentale et, finalement, sur leurs capacités de réussir à l'adolescence et à l'âge adulte. Les gouvernements peuvent et doivent faire plus à cet égard.

Enfin, le rapport Leitch publié récemment contient de nombreuses recommandations sur des aspects comme la prévention des blessures, les vulnérabilités à l'environnement, la nutrition, les Autochtones et la santé mentale. L'Association médicale canadienne appuie fermement ses recommandations et exhorte le Sous-comité à les étudier.

Il y a toutefois deux recommandations du rapport Leitch auxquelles l'Association médicale canadienne croit que le gouvernement peut et doit donner suite sur-le-champ, soit la création d'un Bureau national de la santé des enfants et l'instauration d'une stratégie pancanadienne sur la santé des enfants.

Pour terminer, j'aimerais vous dire que l'Association médicale canadienne appuie fermement le travail du Sous- comité et sa convergence sur la santé des enfants. Si vous me posez des questions auxquelles je ne peux pas répondre, je me ferai un plaisir de les soumettre à notre groupe consultatif d'experts, qui se réunit la semaine prochaine. Je serais également ravie de vous parler de mes propres expériences, notamment en ce qui concerne le syndrome de l'alcoolisme fœtal. Mais revenons au texte de ma déclaration.

Comme je l'ai déjà dit, nous espérons revenir vous voir cet automne pour vous présenter des recommandations précises sur les déterminants de la santé des enfants et, plus précisément, ceux qui ont une incidence sur les enfants de zéro à cinq ans.

Le Canada peut et doit faire partie des chefs de file mondiaux en matière de santé des enfants. Nos enfants ne méritent pas moins.

Le président : Merci. Je crois que j'ai signé votre charte. Nous allons vous convoquer à nouveau à l'automne, cela ne fait aucun doute. Je regrette de ne pas pouvoir assister à votre table ronde, mais je serai à l'extérieur d'Ottawa, en train de présider d'autres audiences. Je le regrette donc, mais je suis vos travaux de près et je vais demander à d'autres personnes d'en faire autant.

Mais je ne vais pas vous accaparer trop longtemps, car un certain nombre de sénateurs veulent vous poser des questions. Il est très intéressant de réfléchir à cette grande mosaïque canadienne que sont les services de santé. Je vais d'ailleurs aborder le sujet cette semaine, car je dois prendre la parole à la conférence annuelle de l'Association canadienne de santé publique, à Halifax. Je n'en dirai pas plus pour l'instant car c'est vous que je veux écouter.

Nous allons bientôt rédiger nos recommandations finales. Après un certain nombre d'études sur la santé, la dernière étant le rapport sur la santé mentale, je constate que le vrai problème, ce sont les gens que le système abandonne, à un moment ou à un autre de leur vie.

S'agissant de santé mentale, je me souviens qu'au cours de nos audiences sur le suicide chez les Autochtones, un jeune homme m'a dit : « J'étais très entouré quand j'étais petit, mais quand je suis devenu un jeune adulte, tout d'un coup, il n'y avait plus rien; les gens m'ont dit que, dorénavant, je devais me débrouiller tout seul ». La vie d'un jeune adulte dans une communauté autochtone n'est pas facile, car leur mode de vie a bien changé.

L'une des raisons pour lesquelles nous voulions entendre votre témoignage tout au début, c'était que nous voulions prendre un bon départ. Toute cette question est terriblement importante, et je pense à ce qu'a dit le Dr Lalonde. Il faut voir plus loin. Nous sommes allés à Cuba, et nous avons constaté que les services de conseil offerts aux parents étaient incroyables. On leur explique à quel moment ils sont susceptibles d'avoir des enfants, comment être un parent idéal, bref on leur enseigne l'art d'être parent. Avec du recul, et compte tenu de la mosaïque que représentent les services sociaux et sanitaires au Canada, je pense aujourd'hui qu'on aurait dû entreprendre cette étude en premier, avant le rapport sur la santé mentale. J'étais vice-président quand nous avons fait ce rapport, et je pensais qu'il était essentiel de faire cette étude avant les autres. Mais les professionnels de la santé mentale ont énormément insisté pour que nous commencions par le rapport sur la santé mentale.

Quoi qu'il en soit, nous devons adopter une approche pancanadienne, même si aucun palier de gouvernement ne veut s'en occuper. J'en ai parlé avec des gens en qui j'ai confiance, à divers paliers de gouvernement, et je pense que c'est ce genre d'approche pancanadienne vis-à-vis de la santé des populations que nous devons recommander. C'est en tout cas ce que va préconiser le nouveau gouvernement américain, après les élections.

J'aimerais que chacun d'entre vous me dise comment nous pouvons convaincre les gouvernements et organismes fédéraux, provinciaux et communautaires d'adopter une approche pancanadienne vis-à-vis de la santé des populations, c'est-à-dire de la préconception jusqu'à la fin de la vie d'un individu.

Dre Bigsby : Ce que vous venez de dire m'intéresse beaucoup, car nous savons bien que nous avons un problème. Mais il y a eu tellement d'expériences malheureuses.

Vous avez parlé de ce jeune Autochtone qui a l'impression d'avoir été abandonné par le système. Il existait certainement des services d'aide, mais ce n'était sans doute pas ceux dont il avait besoin. Il faut que nous changions notre approche. Nos interventions doivent être davantage axées sur l'enfant et la famille. Si nous nous limitons à des interventions superficielles, nous faisons du gardiennage d'enfants, ce qui n'est pas la même chose que le développement de la petite enfance.

Je parlais il y a quelque temps des jeunes enfants qui ont besoin de développer leurs connexions nerveuses pour pouvoir devenir des individus capables de penser et de résoudre leurs problèmes. Il faut que nous donnions aux parents les compétences nécessaires pour qu'ils puissent accompagner leurs enfants tout au long de leur transformation vers l'âge adulte. C'est cela qui manque. Si le gouvernement créait un bureau de la santé de l'enfant, celui-ci pourrait se charger d'évaluer systématiquement les expériences positives, comme les programmes que j'ai mentionnés. Les résultats pourraient ensuite être diffusés à toutes les collectivités du pays.

Il y a beaucoup de gens bien intentionnés qui sont prêts à prendre votre argent et à créer quelque chose. Mais il faut s'assurer que c'est la bonne chose. Il y a eu tellement d'expériences malheureuses que cela peut être très décourageant. Mais ces expériences seront positives si nous savons nous y prendre.

Le président : J'en ai discuté avec un ministre provincial influent, en qui j'ai toute confiance. Il m'a dit que cela relevait essentiellement de la compétence provinciale, et qu'il était inutile de parler du rôle du gouvernement fédéral.

Il faut pourtant que nous trouvions un moyen pour que nos besoins et nos attentes soient pris en compte. Qu'en pensez-vous?

Dre Bigsby : Je suppose que les trésoriers provinciaux veulent être sûrs de dépenser leur argent à bon escient, et qu'ils ne savent pas vraiment comment s'y prendre.

Je pense que le gouvernement fédéral a un rôle à jouer dans l'élaboration de normes et d'objectifs nationaux en matière de santé. Je ne suis pas un politicien, mais je comprends la réaction des gens quand vous leur dites quoi faire mais que vous les laissez se débrouiller tous seuls.

Nous pourrions avoir des gens à Ottawa dont la tâche consisterait à recueillir les informations dont nous avons besoin, à entreprendre des recherches dans le domaine, et ensuite à en communiquer les résultats aux bailleurs de fonds en leur disant qu'ils en auront pour leur argent s'ils procèdent de telle façon. Si nous nous y prenions ainsi, nous aurions une chance d'être bien reçus.

Dr Lalonde : On parle toujours d'interventions. L'Alliance sur les temps d'attente n'avait que ce mot à la bouche. Si nous voulons parler de santé des populations, nous devons parler des compétences que doivent avoir les parents, comme nous l'avons dit tout à l'heure, même si ce n'est pas très populaire de parler des compétences de la mère.

Pourquoi la mère est-elle une figure importante dans la vie des Canadiens? Il faut bien comprendre que, si l'on a fait beaucoup de progrès au Canada, c'est grâce à des mères qui ont compris qu'il était important de bien élever leurs enfants. Ce n'est pas moi, en tant que médecin, qui suis important, c'est l'aide que je peux apporter aux mères.

L'expression « santé des populations » fait peur aux gens. Ils ne savent pas ce qu'elle veut dire. C'est très abstrait. La santé des populations, c'est savoir comment rester en bonne santé. Nous n'avons pas réussi à présenter les choses de cette façon. Il y a quelques années, nous avons mis sur pied un programme d'exercices physiques, mais il a été abandonné. Il faisait pourtant partie de la santé des populations, puisqu'il s'agissait de rester en forme et en bonne santé.

Lorsque nous avons lancé des campagnes contre le tabac en montrant des photos du cancer du poumon, cela ne donnait rien. Par contre, quand on a expliqué à des jeunes qu'ils ne pourraient plus courir, aller en vélo aussi vite que leurs camarades ou jouer au football aussi longtemps que leurs copains, là ils ont commencé à comprendre ce que signifiait la campagne.

En matière de santé des populations, il faut commencer par les fondamentaux de la médecine préventive. Le Canada était jadis numéro un dans ce domaine. Pour retrouver cette place, nous devons réfléchir sérieusement à ce vilain mot qu'est la « pauvreté ». Nous devons essayer de savoir pourquoi les femmes restent pauvres pendant tout leur cycle de vie. Si vous êtes une femme autochtone, une jeune femme enceinte ou une femme âgée, vous êtes beaucoup plus susceptible d'être pauvre. Les femmes sont beaucoup plus pauvres que les hommes

Nous devons faire passer des messages à tous les Canadiens pour promouvoir l'acquisition de meilleures connaissances pratiques. Je sais ce qu'ils font à Cuba, et c'est fantastique. Quand une jeune femme est enceinte, tout le monde est content et tout le monde s'empresse autour d'elle.

En tant que gynécologue, j'avais l'habitude de dire à mes amis : attendez de voir ce qui se passera dans six semaines, lorsque le bébé sera né et qu'il pleurera toute la nuit. Qui sera là pour vous guider dans l'art d'être parents?

Mme Davis : Permettez-moi de revenir à votre première question, où vous nous demandez comment convaincre les gens d'adopter une approche pancanadienne. À mon avis, il faut les faire sortir de leur torpeur et bien leur faire comprendre ce qui se passera si nous n'adoptons pas une telle approche. Je représente un groupe de pédiatres, et, par conséquent, j'hésite à parler d'économie et de viabilité future du pays. Toutefois, si nous ne commençons pas dès maintenant à améliorer les principaux déterminants de la santé pour nos enfants et nos jeunes, notre inaction aura un impact considérable sur notre économie. En effet, les enfants ne finiront pas l'école ou n'iront pas à l'université, et ils ne pourront donc pas exercer les fonctions qu'exige le développement de notre économie.

Je me surprends moi-même à vous dire cela, car je n'aimais pas beaucoup l'économie quand je faisais mon MBA. James Heckman, qui a eu le prix Nobel vers 2005, était le principal conférencier à la conférence de l'American Academy of Pediatrics. Il nous a montré différents tableaux économiques, qu'il avait beaucoup simplifiés pour que nous, les pédiatres de l'auditoire, puissions les comprendre. Ces tableaux montraient que, si nous nous ne commençons pas dès maintenant à nous occuper de nos enfants et de nos jeunes, au sens le plus général du terme, c'est l'économie qui en pâtira à long terme. En l'occurrence, il parlait des États-Unis.

Il faut aussi supprimer les cloisons, et faire connaître les expériences positives que nous avons réalisées. S'agissant des enfants, le décloisonnement doit d'abord se faire entre la santé et l'éducation. Partout au Canada, nous avons des exemples d'écoles où l'on a réimplanté des services de santé. Ce sont des services limités, certes, et c'est pour cela qu'on n'en parle pas beaucoup.

Au Cap-Breton, une école secondaire a implanté des cliniques pour les adolescents. En l'espace de trois ans, elle a réussi à diminuer de moitié le taux de grossesse chez les adolescentes. La plupart des enfants passent au moins une partie de leur journée à l'école, et c'est donc l'endroit idéal pour leur parler de toutes ces questions, avec des mots qu'ils comprennent.

Votre deuxième question portait sur les compétences fédérales, provinciales et territoriales. Les provinces estiment que la santé relève de leur compétence, mais il y a des exemples, quoique pas très nombreux, où des stratégies nationales ont vraiment permis d'améliorer la santé de la population. L'exemple le plus pertinent qui me vient à l'esprit est la stratégie nationale de vaccination. Tous ceux qui s'intéressaient aux maladies infectieuses se sont rencontrés et ont décidé d'établir des normes. L'objectif n'est pas de dire aux provinces ce qu'elles doivent faire, mais plutôt de donner aux provinces l'information dont elles ont besoin pour prendre de bonnes décisions en matière de vaccination. Depuis cinq ans que cette stratégie est en place, la vaccination gratuite des enfants et des jeunes contre les maladies infectieuses est aujourd'hui nettement supérieure aux normes recommandées.

Mme White : Vous vous souvenez que, dans ma déclaration, j'ai indiqué que 74 p. 100 des adultes canadiens qui avaient participé à l'étude disaient vouloir mettre un terme à la pauvreté chez les enfants, même si cela se traduisait par une augmentation des impôts.

Dans ses recherches, l'ACNU accorde une grande importance à la formulation des questions. Les politiciens ont toujours un agenda limité dans le temps à cause du cycle électoral. Dans d'autres études, nous avons dit la même chose. Nous essayons de dire clairement aux politiciens quel est notre sujet de préoccupation, par exemple, l'appui que les Canadiens manifestent pour l'ONU et, partant, pour les agences sanitaires de l'ONU. Cet appui est plus élevé chez les femmes et dans certaines régions du pays, régions qui peuvent être importantes pour les prochaines élections, par exemple. Il faut savoir être pragmatique.

Vous vous demandez par quel moyen on pourrait faire accepter cette initiative. À mon avis, en faisant exactement ce que vous avez fait aujourd'hui avec votre sous-comité : amener les gens à se rencontrer. Les gens qui travaillent uniquement avec des pédiatres ne travaillent pas avec des organisations de la société civile comme l'ACNU, qui fait elle aussi de la recherche et amène les gens à se rencontrer.

Pour une partie importante de notre travail, et c'est pour cela que le rapport s'intitule Talking Back to Grownups, nous avons réellement reçu des enregistrements. Nous allons vous laisser un mémoire que nous avons encouragé des jeunes gens à préparer à votre intention. Il est important que les politiciens écoutent cela, car encore une fois, ces jeunes font partie de l'électorat. C'est ça faire participer la société civile, et pour faire accepter votre approche, vous devez reconnaître qu'il y a d'autres parties prenantes derrière les cloisons fédérales, provinciales et territoriales.

Le président : Merci. Un autre exemple de succès est celui de l'Agence de la santé publique du Canada, qui a réussi à collaborer avec les provinces et à se ramifier un peu partout. Elle a maintenant des antennes et des sous-antennes...

Le sénateur Trenholme Counsell s'intéresse tout particulièrement au développement de la petite enfance, et elle va d'ailleurs rédiger un rapport sur la question. Celui du sous-comité, comme je l'ai dit, va porter sur la totalité du cycle de vie, mais nous sommes conscients de l'importance que revêtent, au départ, l'éducation des parents et le développement de la petite enfance.

Le sénateur Trenholme Counsell : Bienvenue parmi nous, et merci à tous de vos déclarations, qui confirment ce que nous pensions.

Docteure Bigsby, je serai heureuse de participer à vos consultations de la semaine prochaine, avec l'AMC et les autres associations. Merci de l'invitation.

Madame White, vous avez dit que ces pressions avaient un impact visible sur les enfants dès l'âge de neuf ans, et vous parliez de l'impact de la pauvreté et des conditions socio-économiques sur la santé et le bien-être émotionnel. J'ai été médecin de famille pendant longtemps, et moi, je constatais ces impacts bien plus tôt que cela, dès l'âge d'un an, et souvent chez des enfants de deux ou trois ans. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle je me suis intéressée au développement de la petite enfance lorsque j'ai cessé d'exercer la médecine, car j'estime que cette période-là est déterminante et que c'est à ce moment-là qu'il faut intervenir si l'on veut améliorer les choses. Certaines personnes ont peut-être fait ces observations chez des enfants de neuf ans, mais ces impacts sont visibles beaucoup plus tôt.

Aucun d'entre vous n'a donné des chiffres sur la mortalité infantile au Canada. Avez-vous des chiffres récents? Avons-nous des chiffres sur la mortalité des nouveau-nés, pour la population autochtone ou simplement pour l'ensemble de la population canadienne? Je m'adresse au Dr Lalonde.

Docteur Lalonde, vous avez recommandé la mise en place d'un système national de garderies et de développement de la petite enfance. Comme l'a dit le sénateur Keon, j'étudie cette question avec mes collègues depuis plus d'un an, et je suis de plus en est convaincue que nous ne pouvons pas avoir un système national. Nous pouvons certes avoir des normes, une vision et un leadership à l'échelle nationale, mais il est très difficile d'implanter un système national dans un pays qui compte dix provinces et trois territoires. Pourtant, vous en faites la recommandation, et j'aimerais bien savoir pourquoi vous y croyez.

Il y a tellement de variations dans la façon dont les programmes de garderies, d'éducation de la petite enfance, d'éducation des parents, et cetera. sont administrés que cela n'est pas simple. Le Dr Fraser Mustard a utilisé le mot « réseau », mais nous avons besoin d'une vision et de normes nationales, qui seront applicables à tous. J'aimerais bien entendre le pour et le contre du système par opposition au non-système.

Dr Lalonde : S'agissant de mortalité infantile, de mortalité périnatale et de mortalité maternelle, le Canada enregistre des résultats médiocres, d'après les statistiques de l'OCDE. En fait, nous avons reculé. À la fin des années 1980 et au début des années 1990, nous occupions la première ou la deuxième place dans le monde, mais aujourd'hui, nous avons reculé au 20e ou 25e rang des pays développés.

Malheureusement, étant donné que nous « aseptisons » nos données au Canada, nous n'avons pas de statistiques en fonction de l'origine. Nous ne savons donc pas si les chiffres s'appliquent aux Inuits, aux Premières nations, aux nouveaux immigrants ou aux immigrants en provenance de l'Inde, par exemple. Nous ne pouvons plus recueillir des données nationales sur des groupes spécifiques. Nous ne faisons donc plus de rapports là-dessus, et c'est dommage, car les professionnels de la santé publique ne peuvent pas se concentrer sur une communauté qui a un problème particulier.

Je vais vous donner un autre exemple. J'ai rencontré hier quelqu'un du Système canadien de surveillance périnatale, qui me disait qu'ils ne peuvent toujours pas utiliser les données de l'Ontario pour la mortalité maternelle. Hier, nous avons atterri sur Mars, mais nous n'avons pas le droit d'envoyer à Ottawa des statistiques de Toronto ou de Timmins. Il va falloir recommander avec fermeté que les données soient rendues disponibles. Les citoyens canadiens le réclament, n'en déplaise à certaines provinces. Si ça ne leur plaît pas, elles peuvent montrer elles-mêmes au monde entier leurs piètres résultats. C'est une honte que nous ne puissions pas avoir un rapport sur la mortalité maternelle au Canada simplement parce qu'une ou plusieurs provinces refusent de donner leurs statistiques.

Pour ce qui est de la mortalité périnatale, le Manitoba n'a pas fourni de statistiques pour le dernier rapport. Pourquoi? Nous n'avons que 230 hôpitaux au Canada, et ils sont tous informatisés. Le 1er février, nous devrions avoir toutes les statistiques là-dessus; il n'y a aucune raison pour que nous ne les ayons pas.

Deuxièmement, pour ce qui est du système national de garderies, mes paroles ont peut-être dépassé ma pensée. Je voulais dire qu'il doit y avoir des lignes directrices. Nous avons un bon système au Québec, où j'ai des enfants qui ont des enfants en garderie. Ils en ont les moyens. Ils songent à aller s'installer en Ontario pour leur travail, mais ils m'ont dit : « Si nous habitons en Ontario, ça va nous coûter une fortune, probablement un salaire, pour avoir les deux enfants en garderie ». C'est regrettable, pour un pays aussi riche que le Canada.

Troisièmement, les normes dont nous avons parlé sont exactement celles qu'ont mentionnées Mme Davis et l'AMC. Nous avons travaillé avec des sages-femmes, des infirmières, des médecins généralistes et des médecins ruraux. Ils disent tous que nous devrions avoir un seul programme de formation pour la santé maternelle au Canada. Pourquoi en avoir 15 différents? Nous ne sommes que 38 millions d'habitants. Les pays qui ont 80 ou 100 millions d'habitants n'ont qu'un seul programme de formation, qu'une seule ligne directrice. C'est d'ailleurs les mêmes gens qu'on y retrouve. Si vous siégez dans un comité de l'AMC ou de la Société canadienne de pédiatrie, on retrouve toujours les mêmes personnes. Nos comités sont composés de représentants de toutes les régions, de l'Alberta au Québec en passant par Comox; une vésicule biliaire à Comox ou une vésicule biliaire dans le Canada atlantique, c'est toujours une vésicule biliaire.

Établissons des normes nationales, et ensuite, les provinces et les hôpitaux locaux pourront les adopter. Les comités locaux décident en fonction de leur situation particulière, et il se peut qu'ils aient à modifier certaines lignes directrices pour en tenir compte. Mais au moins, vous leur avez donné un cadre général. En fait, lorsque nous parlons de compétence fédérale ou provinciale en matière de santé, nous parlons de politiques nationales cadres.

Mais tout n'est pas négatif. La Société des obstétriciens et gynécologues du Canada a réussi à faire accepter par la province de Québec l'idée d'un programme national de gestion du risque pour les soins de maternité. Le ministre Couillard a signé, ainsi que tous les hôpitaux du Québec qui ont un département d'obstétrique. Ils protègent leurs prérogatives, mais quand on leur explique qu'un programme a été mis sur pied en collaboration avec des médecins du Québec, de Colombie-Britannique et de partout ailleurs au Canada, ils comprennent que ça peut être très bénéfique pour leurs compatriotes. Si nous leur expliquons notre approche et que nous leur démontrons que c'est rentable, nous avons une chance de la leur faire accepter.

Mme Davis : J'estime moi aussi qu'il faut une vision nationale pour ce qui est des normes et des attentes. La stratégie nationale en matière de vaccination est exactement le format que nous avons suivi.

Pour ce qui est de l'éducation de la petite enfance, et je n'entrerai pas dans les détails avec vous aujourd'hui, la SCP va publier en novembre prochain la troisième édition d'un livre intitulé Well Beings. Il s'agit d'un guide sur la façon de gérer une garderie saine. Jusqu'à présent, le guide se limitait à la prévention des blessures et des maladies infectieuses. Comme je l'ai dit dans ma déclaration liminaire, c'était jadis les priorités de notre Société. Cette nouvelle édition porte sur la santé mentale, le bien-être social et certains des défis que doivent relever des enfants issus de certains milieux ethniques. Je serais ravie d'en parler plus longtemps avec vous, si vous le désirez.

Dre Bigsby : J'aimerais ajouter quelque chose. Lorsque j'entends parler de plans visant à mettre en place un programme national de garderies, je suis surprise de voir que le contenu du programme proposé ne correspond pas à ce que veulent les gens. J'ai un frère qui est chirurgien, et pour lui, une garderie est un endroit où les gens se débarrassent de leurs enfants parce qu'ils ne veulent pas s'en occuper. C'est pour cela qu'il ne veut pas subventionner un tel système.

Mais ce n'est pas de cela que nous parlons. Nous parlons des principaux déterminants de la santé. Il y a des gens qui aimeraient bien travailler mais qui ne le peuvent pas parce qu'ils n'ont pas les moyens de payer les frais de garderie. Parmi les enfants que je vois dans mon cabinet, ceux qui ont le plus besoin de garderies sont ceux dont la mère est célibataire et ne peut pas travailler. J'essaie par tous les moyens de leur trouver une place en garderie pour que leur mère ait le temps de souffler, que les enfants connaissent un environnement plus enrichissant, et que la mère puisse rencontrer quotidiennement des gens qui pourront l'aider à élever ses enfants. Il s'agit donc d'un service axé sur l'enfant et la famille, et intégré à l'éducation de la petite enfance. Ce n'est pas simplement du gardiennage.

Mme White : Comme je ne connais rien à la vésicule biliaire, je m'abstiendrai de faire un commentaire à ce sujet. Il me semble toutefois que nous avons aussi l'obligation — et je sais que nous la prenons au sérieux — d'informer les provinces et les territoires, ainsi que les établissements, des résultats de nos recherches. C'est une façon de les encourager à participer à l'élaboration des normes, car un système national a besoin de leur participation.

Sénateur Trenholme Counsell, j'aimerais aussi vous dire que je suis tout à fait d'accord avec vous lorsque vous dites qu'on peut déceler les effets des déterminants sociaux de la santé chez les nouveau-nés et même avant la naissance. Ce qui est nouveau, par contre, c'est que des enfants de 9 ans soient conscients des effets négatifs de ces déterminants, parce qu'ils vivent dans la pauvreté, qu'ils sont de race différente, et cetera.

Le président : Docteure Bigsby, je crois que votre frère, comme bien d'autres chirurgiens d'ailleurs, devrait être plus prudent dans le choix de ses termes. Je me souviens avoir fait le même genre d'erreur à l'une de nos audiences et d'avoir dit à peu près la même chose que votre frère, à savoir que les garderies ne devraient pas être un endroit où les mères peuvent se débarrasser de leurs enfants pour pouvoir aller travailler. C'est à peu près ce que j'avais dit, et croyez-moi, cela n'a pas été bien accueilli.

[Français]

Le sénateur Pépin : Le Dr Lalonde a répondu à la question que je voulais poser, qui portait sur le fait que de 1990 à 2005, le Canada est passé du sixième au 25e rang mondial en ce qui a trait au taux de mortalité infantile.

Et on sait maintenant qu'il y a un autre problème. Un article publié cette semaine nous apprend que des femmes vont accoucher aux États-Unis. L'article en question donnait le nombre de femmes de la Colombie-Britannique et même de l'Ontario. Je comprends que le personnel infirmier et les médecins nous quittent et il semble que les futures mères aient décidé d'aller accoucher aux États-Unis.

Dans votre quatrième recommandation, vous dites — je cite en anglais :

[Traduction]

Les mères devraient recevoir les soins dont elles ont besoin pendant la grossesse, pendant le travail, pendant l'accouchement, et après la naissance, et la santé du nouveau-né devrait inclure celle de la mère.

[Français]

Lorsque vous disiez tantôt que le Québec était sur le point de donner des soins d'obstétrique un peu partout, faites- vous référence à ce programme? Je sais que la SOGC essaie d'établir une initiative pancanadienne à ce sujet. Est-ce que cela se fait par le biais de cette approche?

Dr Lalonde : Non, pas particulièrement. Il y a de gros problèmes dans les principales villes comme Montréal et Toronto et les femmes ont de la difficulté à avoir un médecin tôt durant la grossesse. Aussi, on connait maintenant l'importance du dépistage génétique, mais on sait qu'il n'est pas possible d'avoir une consultation en génétique après 20 semaines de grossesse.

Le programme du Québec est basé sur la gestion des risques, ce qui permet aux infirmières, aux sages-femmes et aux médecins de travailler en équipe. On analyse toutes les complications qui peuvent survenir et on rebâtit le programme du département d'obstétrique dans le but de réduire les complications.

Le programme connaît beaucoup de succès présentement. La province de Québec et la province de l'Alberta ont signé au complet. Les autres provinces tirent un peu de la patte, mais on continue notre engagement avec elles.

Ma recommandation ici, c'est qu'on a des garanties pour les chirurgies, mais il faut aussi des garanties pour les soins prénataux. Une femme devrait pouvoir recevoir la garantie qu'en dedans de deux à quatre semaines, elle pourra parler à un médecin de famille, une sage-femme ou à un gynécologue. Et présentement, ce n'est pas le cas à travers le Canada.

[Traduction]

Mme Davis : Permettez-moi de répondre à votre question sur la pénurie de certains médecins. Il y a plusieurs dimensions à ce problème; il ne suffit pas de dire qu'il y a moins d'étudiants dans les facultés. Il faut tenir compte de l'évolution des comportements chez les femmes en âge de féconder. Le Dr Lalonde pourrait sans doute vous en parler mieux que moi, mais beaucoup de femmes, aujourd'hui, décident d'avoir des enfants à un âge plus avancé, où elles risquent davantage de faire une grossesse multiple ou un accouchement prématuré. Dans ces cas-là, le Dr Lalonde a besoin de l'aide d'un périnatologue, et moi, de celle d'un néonatologue. Les femmes ont aussi accès à toutes sortes de technologies pour réussir à être enceintes, mais cela les expose davantage aux risques d'avoir des jumeaux, des triplés ou des enfants prématurés.

Même si le taux de natalité est resté relativement stable au Canada au cours des dernières années, il faut dire que la santé des nouveau-nés est devenue beaucoup plus complexe. Certains enfants survivent aujourd'hui alors qu'il y a à peine dix ans, les médecins n'auraient même pas pu essayer de leur venir en aide. C'est l'une des raisons pour lesquelles nos unités néonatales sont aussi remplies. Souvent, quand vous entendez dire que des femmes ont dû aller accoucher aux États-Unis ou dans une autre ville du Canada, ce n'est pas seulement parce que nous manquons d'obstétriciens, c'est aussi parce qu'il n'y a plus de place dans les unités néonatales.

Dre Bigsby : Cela montre bien que nous n'avons pas su planifier. Nous nous sommes tous préoccupés, à juste titre d'ailleurs, du vieillissement de la population, mais nous n'avons pas prévu cela.

Dans ma petite province, où j'ai exercé la néonatologie, le gouvernement nous a donné une estimation des besoins, il y a un peu plus de dix ans, lorsque nous avons restructuré notre unité néonatale. Il a ensuite réduit le nombre de lits de notre unité. Il y a un an environ, il a pris la brillante décision, suite à de nombreuses démarches de notre part, d'augmenter le nombre de lits. Cela n'a pas été facile de convaincre les fonctionnaires du ministère de la Santé de l'existence de ce phénomène, qui n'était pas limité à notre province, loin s'en faut. Le problème a donc été causé par notre manque de prévoyance. Cela nous ramène à la nécessité d'avoir une stratégie pancanadienne.

Le président : À l'heure actuelle, divers comités du Sénat ont entrepris des études qui se recoupent d'une certaine façon. Je me suis entendu avec le sénateur Eggleton pour avoir une stratégie commune, lui au Comité sur les villes, moi au Comité sur la santé des populations. Au cours de nos travaux, il y a eu énormément de recoupements, mais le succès de nos deux rapports dépend beaucoup de cette interdépendance.

Le sénateur Eggleton : Dans le cadre de son étude sur les villes, mon comité s'intéresse en ce moment à la pauvreté, au logement et aux sans-abri, qui sont des questions intimement liées à la santé des populations. Je vous remercie de vos commentaires. L'effet en sera multiplié par deux.

J'avais une question, mais le Dr Keon l'a posée. Je vais donc faire plutôt un commentaire, mais n'hésitez pas à compléter la réponse que vous lui avez donnée, si vous le jugez bon. Le sénateur Keon a parlé d'une approche pancanadienne, ce qui est difficile étant donné la répartition des compétences fédérales et provinciales. Nous travaillons dans un univers trop cloisonné. La santé des populations et les déterminants sociaux transcendent beaucoup de ces cloisons, et le système de gouvernement que nous avons ne nous rend pas la tâche facile. Comme l'a dit la Dre Bigsby, les politiciens, ce n'est pas vous mais nous, et c'est donc à nous de régler ce problème. Il n'en reste pas moins que nous aurons sans doute besoin de votre aide, car il va falloir exercer beaucoup de pressions pour faire tomber ces cloisons.

Mais il y a des moyens d'y arriver. Tony Blair a réussi à le faire pour la pauvreté, et il a aussi implanté un système de garderies en Grande-Bretagne. Le chancelier de l'Échiquier de l'époque, qui est aujourd'hui premier ministre, en était le responsable général, ce qui était une bonne chose puisque c'est lui qui avait les fonds.

L'autre question à régler est celle des responsabilités provinciales et des responsabilités fédérales. Les recommandations que vous nous avez faites aujourd'hui sont excellentes. Elles me plaisent toutes, mais je constate qu'elles mettent l'accent sur les responsabilités fédérales. Personnellement, je n'ai rien contre, mais ce n'est pas le cas de tout le monde. Sur cette question, les avis sont partagés, et d'aucuns estiment que nous devrions respecter à la lettre la répartition des pouvoirs telle qu'elle est définie dans la Constitution. Il est vrai que nous avons passé des accords avec les provinces, mais nous devons être très prudents lorsque nous empiétons sur leurs plates-bandes.

Le concept de stratégie nationale me plaît, et je crois que c'est réalisable. Par contre, un système national, c'est différent, et tout le monde n'en accepte pas le principe. Quoi que nous fassions, le fédéral va devoir jouer le rôle de chef de file pour l'élaboration de la stratégie, mais il aura besoin de la collaboration des provinces et des territoires s'il veut qu'elle donne des résultats. Votre aide, là aussi, nous sera très précieuse, surtout si nous voulons établir des normes nationales, car le gouvernement fédéral ne pourra pas les établir tout seul. Il aura besoin de la collaboration des gouvernements provinciaux et territoriaux.

Je voudrais dire aussi que la garde d'enfants est un élément important de toute cette question. En fait, je préfère parler d'apprentissage ou de développement de la petite enfance. Pour beaucoup de gens, la garde d'enfants ou les garderies, c'est une responsabilité des parents. Mais la majorité des Canadiens comprennent que l'éducation est une responsabilité de la société. Je pense qu'il faut insister là-dessus.

Avez-vous quelque chose à ajouter au sujet de ces grandes fractures qui existent entre les gouvernements et à l'intérieur même des gouvernements? Il va falloir que nous trouvions une solution.

Dr Lalonde : Dans l'exemple que j'ai donné, celui de l'Initiative pancanadienne reliée à la naissance et de la Stratégie de gestion du risque, l'initiative a été acceptée parce qu'elle venait de médecins de toutes les provinces. Je ne pense pas que cela aurait marché si nous avions dépêché un fonctionnaire de Santé Canada auprès du gouvernement du Québec pour lui dire comment implanter cette nouvelle initiative sur la gestion du risque. Ils ont bien vu, dès le départ, que nous représentions les médecins, les infirmières et les sages-femmes de tout le Canada, et que, si cela marchait dans les autres provinces, cela devrait marcher aussi chez eux.

Nous essayons de voir comment nous pouvons répartir les ressources humaines dont nous disposons. Guelph, en Ontario, a un besoin criant d'obstétriciens; les services d'obstétrique y sont saturés. Ils sont en train de calculer combien de sages-femmes, de médecins de famille, de gynécologues, de néonatologues et de pédiatres il leur faut pour faire fonctionner l'établissement.

Nous allons devoir trouver de nouvelles façons de communiquer notre message. Les provinces ne semblent pas avoir compris qu'il y avait un problème. Si nous allons les rencontrer avec une équipe multidisciplinaire, avec quelques exemples à l'appui, comme celui de la Saskatchewan, de Guelph ou de Trois-Rivières, je pense que les gouvernements provinciaux finiront par accepter de financer ces initiatives.

Nous ne réclamons 300 millions de dollars; ce budget, c'est pour la prestation des soins. Dans notre initiative reliée à la naissance, il n'y a pas un sou qui va à la prestation des soins. Il s'agit uniquement de la stratégie, des modèles et de leur implantation dans quelques communautés. Ensuite, il nous faudra convaincre les gouvernements provinciaux.

Les sous-ministres de l'Ontario et du Manitoba m'ont déjà dit qu'ils étaient intéressés. Ils ont tellement de soucis avec la prestation des soins qu'ils n'ont pas le temps de réfléchir à d'autres stratégies. Nous sommes là pour le faire. Il est important que le Sénat joue un rôle de chef de file, car je crois que les gens vous écouteront.

Mme Davis : Quand on parle des rapports fédéraux-provinciaux-territoriaux, il ne faut pas oublier les organisations intergouvernementales. Comme l'a dit le Dr Lalonde, nous pouvons jouer ce rôle d'intermédiaires. L'activité principale de nos deux organisations est d'établir des normes. Dans le cas de notre société, il s'agit de normes relatives au soin des enfants et des jeunes. Lorsque les provinces reçoivent les normes de la Société canadienne de pédiatrie, elles les mettent généralement en œuvre car elles savent qu'elles ont été établies par un groupe d'honnêtes pédiatres. Si elles provenaient du gouvernement fédéral, elles seraient peut-être plus réticentes.

L'Agence de la santé publique du Canada commence à nous intégrer à ses activités, et plus des groupes comme nous seront intégrés, plus cela enrichira le dialogue.

Mme White : J'aimerais féliciter vivement le sénateur Keon et le sénateur Eggleton de travailler ensemble sur tout ce dossier, y compris sur l'environnement bâti.

Nous avons collaboré à un projet pancanadien, Jeunes d'aujourd'hui, Ville de demain, qui s'est rattaché au Forum urbain mondial de Vancouver. De plus en plus, nous travaillons avec les provinces et les territoires, et nous sommes souvent surpris de la réaction enthousiaste de nos partenaires fédéraux. Je le vois encore davantage aujourd'hui, par vos commentaires.

Mais ce qui me préoccupe un peu, c'est la cohésion de notre approche. Quand nous proposons des solutions typiquement canadiennes à des tribunes internationales, je ne suis pas sûre que la voix du Canada réussisse à se faire entendre... alors si vous avez 13 ou 14 voix pour le Canada...

Cela dit, il y a beaucoup d'enthousiasme, et je sais que nous travaillons en étroite collaboration. Je vais rencontrer prochainement des représentants des provinces de l'Ouest et de l'Est. Nous disposons des appuis nécessaires, y compris les partenariats et les budgets. Le problème, par contre, c'est d'intégrer tout cela; autrement dit, il nous faut un chef de file. C'est l'un des problèmes qui se posent à l'échelle du pays. Vous avez parlé de Tony Blair. Je sais que le gouvernement de l'Ontario étudie actuellement une stratégie intégrée de lutte contre la pauvreté. Il nous a demandé de présenter une série de projets que nous avons réalisés avec différents groupes d'âge, notamment. Même si cela représente beaucoup de travail pour les organisations de la société civile comme l'Association des Nations Unies pour le Canada, il est important, et vous l'avez dit, que nous ayons ces bilatérales avec les provinces et les territoires ainsi qu'avec vous, ici à Ottawa.

Le sénateur Brown : J'aimerais remercier les témoins. Manifestement, vous êtes tous très professionnels. En ce qui concerne la collecte de statistiques, l'un de nos problèmes est la protection de la vie privée. La solution consisterait peut-être à collecter les données avec un système de codage double ou triple, qui utiliserait un code pour l'origine ethnique, un code pour le lieu de résidence, et cetera. Seuls les services de santé en connaîtraient la clé, de sorte qu'ils pourraient savoir exactement à quels groupes se rapportent les statistiques.

Le Canada est le deuxième pays au monde par sa superficie, et environ 80 p. 100 de ses habitants habitent à moins de 200 miles de sa frontière avec les États-Unis. Certains des témoins qui ont comparu devant notre comité nous ont dit que c'est surtout dans les petites communautés qu'il y a le plus de pauvreté et qu'il y a le plus de problèmes.

Cela m'amène à vous poser trois questions bien simples : de combien de nouveaux médecins et professionnels de la santé avons-nous besoin? Comment peut-on les encourager à aller travailler en dehors des grandes villes et à s'y installer vraiment? Comment le gouvernement peut-il encourager ce genre de choses? Doit-il l'imposer?

Dre Bigsby : Je crois que cette question s'adresse à moi. Nous y avons beaucoup réfléchi. Nous avons au Canada une pénurie de professionnels de la santé, et, comme vous l'avez dit, ce n'est pas seulement une question de nombre. En effet, il y a le problème de la répartition des ressources dont nous disposons. Dans certaines régions du pays, il n'y a pas de pénurie.

Il n'y a si longtemps, on a réduit délibérément le nombre d'étudiants dans le domaine de la santé, et je parle notamment des médecins. On en ressent aujourd'hui les conséquences, qui ne se dissiperont pas de sitôt.

Nous nous rendons compte également que nous avons fait des erreurs de planification dans nos écoles de médecine. Celles-ci ne se sont pas demandé à quelles fins notre pays formait des médecins et vers quelles spécialités il fallait les orienter. Elles n'ont pas conçu leurs programmes d'études de façon à encourager les étudiants à s'orienter vers la médecine familiale ou la médecine familiale en milieu rural. C'est en train de changer, mais il y a toujours un certain décalage entre le moment où vous décidez d'adopter de nouveaux programmes et le moment où ces programmes commencent à avoir des effets.

Vous parliez non seulement des médecins mais de l'ensemble des professionnels de la santé, et je m'en réjouis car, parfois, lorsqu'on envisage des solutions, on se rend compte que les soins peuvent être dispensés par quelqu'un d'autre qu'un médecin. Malheureusement, d'après les informations que nous avons, ces substituts aux médecins ont eux aussi tendance à préférer les centres urbains.

Il y a des façons de rendre l'exercice de la médecine dans les zones rurales et éloignées beaucoup plus attrayant. Je parle en connaissance de cause puisque j'ai été médecin de famille en milieu rural pendant deux ans. C'était l'une des meilleures expériences de ma vie professionnelle. J'ai beaucoup aimé.

Certaines provinces ont envisagé des contrats de service, comme cela existe dans l'armée. Nous avons pensé que ce n'était pas une bonne solution, car l'objectif est d'avoir des médecins qui sont heureux d'exercer là où ils sont établis, et je crois qu'il y a d'autres façons de les encourager à aller s'installer dans ces régions.

Je sais que je ne vous donne pas de réponse concrète, mais le problème se situe à bien des niveaux. Au risque de me répéter, je dirais que nous avons de graves difficultés aujourd'hui parce que de mauvaises décisions ont été prises il y a une vingtaine d'années, et je veux parler de la formation des médecins. Mais la situation commence à changer.

J'habite dans une région relativement rurale, car on peut dire que toute l'île du Prince-Édouard est rurale. Les étudiants en médecine qui viennent s'installer dans notre province sont ravis. Nous espérons pouvoir en faire venir davantage.

L'accès aux soins médicaux n'est qu'une partie du problème. Ce que nous voulons, c'est faire en sorte que la population n'ait plus autant besoin de soins médicaux. C'est vraiment un objectif que nous devons poursuivre.

Mme Davis : Je ne peux pas vous dire de combien de nouveaux pédiatres nous avons besoin. Il y a trois ou quatre ans, nous avons proposé au gouvernement fédéral de calculer ce chiffre, mais notre proposition n'a pas reçu de financement. On ne peut pas calculer isolément le nombre de pédiatres nécessaires, car c'est toute une équipe de professionnels de la santé qu'il vous faut pour soigner les enfants et les jeunes.

Nos membres consacrent la majeure partie de leur temps à des problèmes de santé mentale. Ceux que l'on appelle les pédiatres communautaires passent 30 à 50 p. 100 de leur temps avec des enfants qui ont des problèmes de santé mentale. Dans certains cas, ils ne vont pas à l'école parce qu'ils souffrent d'anxiété. Les pédiatres peuvent s'en occuper, mais s'il y avait davantage de psychologues ou de travailleurs sociaux dans les écoles, ils pourraient se répartir la tâche et travailler en équipe.

Ce concept de travail en équipe est très important pour l'avenir des soins de santé destinés aux enfants et aux jeunes. Les gouvernements devraient encourager les professionnels de la santé à travailler ensemble lorsqu'ils s'occupent d'enfants et de jeunes.

Nous examinons aussi différents modèles de rémunération. Dans les provinces où les soins sont payants, il est très difficile de trouver des façons novatrices de dispenser des soins de santé aux enfants et aux jeunes. Au Manitoba, par exemple, où les pédiatres touchent un salaire ou une autre forme de rémunération, ceux qui exercent à Winnipeg se rendent régulièrement dans les petites communautés pour soigner les enfants et les jeunes Autochtones; ils dispensent également des soins grâce à la télémédecine. S'il n'est pas justifié d'avoir un pédiatre à Thompson, au Manitoba, on peut utiliser différentes méthodes de rémunération pour y envoyer des pédiatres, à intervalles réguliers. De cette façon, le médecin connaît l'enfant et peut lui donner de meilleurs soins, même à distance.

Il faut donc encourager le travail en équipe, et il faut examiner d'autres modèles de rémunération de nos professionnels de la santé afin de les encourager, ne serait-ce que temporairement, à quitter les grands centres universitaires et à aller dans les écoles, les communautés et les régions plus éloignées.

Dr Lalonde : J'aimerais faire un commentaire sur la pauvreté. À mon avis, elle n'est pas circonscrite aux petites villes, comme à Ottawa, par exemple. J'ai entendu dire qu'à Ottawa, les Autochtones et les membres des Premières nations représentent moins de 10 p. 100 de la population, mais plus de 70 p. 100 des sans-abri. Nous savons tous qu'il y a de la pauvreté à Toronto, à Montréal et à Vancouver. Il y en a partout, et pas seulement dans certaines régions.

De combien de nouveaux médecins avons-nous besoin? Ma collègue a dit que, il y a quelques années, le gouvernement n'a pas osé demander aux sociétés spécialisées au Canada d'essayer de répondre à cette question. À la fin des années 1980, d'éminents économistes de Vancouver nous ont dit, et j'étais vraiment furieux de l'entendre car j'étais présent, que nous avions trop de médecins au Canada. Je savais bien que ce n'était pas vrai.

Je vais vous expliquer pourquoi ces gens-là en arrivent à de mauvaises conclusions. D'abord, ils ne parlent pas à ceux qui travaillent sur le terrain. Il y a plus de 1 650 gynécologues / obstétriciens au Canada. Si vous divisez la population par 1 600, cela vous donne une idée. Il n'y en a que 1 000 qui exercent vraiment l'obstétrique car il y en a qui font de l'administration, d'autres de la recherche sur la stérilité, le cancer, et cetera. Si nos comptables n'utilisent pas les bonnes statistiques, ils ne peuvent pas parvenir aux bonnes conclusions.

Nous sommes en train de faire des sondages. Je ne peux pas vous donner un chiffre exact, mais je peux vous dire que nous avons besoin d'utiliser différents modèles, comme le fait la Société de pédiatrie. Nous devrons trouver le moyen de mieux utiliser les sages-femmes et les infirmières. Il faut supprimer les cloisons.

Il faut constituer des équipes. Nous devons être en mesure de dire que, s'il y a 2 000 naissances dans une région donnée, cela fait autant d'enfants dont il faudra s'occuper, et par conséquent il nous faut tant d'équipes. Peut-être qu'il faudra quatre infirmières, deux médecins, un pédiatre, et cetera. C'est ça qu'il faut faire.

Nos systèmes provinciaux sont extrêmement rigides. C'est tant de l'acte, et si vous essayez de sortir de ce modèle, ça peut vous prendre 5 ou 10 ans pour réussir à faire financer une façon novatrice de soigner les Canadiens.

Deuxièmement, il y a la médecine rurale. La Colombie-Britannique et l'Ontario ont trouvé la solution avec leurs écoles de médecine rurale. Je suis né dans une région rurale de l'Ontario, et si on m'avait dit, quand j'étais à l'école de médecine, que je pourrais toucher 10 000 dollars par an pour chaque année passée dans une zone rurale, j'aurais été le premier à m'engager. Nous étions endettés jusqu'au cou, et personne ne s'en souciait. Nous avons dû emprunter.

Il y a des moyens d'encourager les jeunes. On sait que, de plus en plus, les étudiants qui sortent de l'école de médecine sont très endettés. À Toronto, ils s'endettent de 30 000 à 35 000 dollars par an. C'est un véritable scandale. Venant d'une région rurale, je n'aurais jamais eu les moyens d'aller à l'école de médecine de l'Université de Toronto.

Troisièmement, il ne faut rien imposer, il faut plutôt offrir des incitatifs. Lorsque j'exerçais à Montréal, je me souviens d'avoir rencontré un ami qui travaillait dans un grand projet à la Baie James. C'était dans les années 1970. Je lui avais alors demandé s'il avait du mal à recruter des ingénieurs. Il m'avait répondu que non, pas du tout, ils avaient tous les travailleurs dont ils avaient besoin — électriciens, médecins, chirurgiens et autres — parce qu'ils leur offraient des incitatifs.

Il faut donc trouver quels incitatifs on pourrait offrir, et aussi encourager les gens des régions éloignées. Nous avons un programme spécial, dont l'AMC fait la promotion, je crois, à l'intention des étudiants en médecine d'origine autochtone. Voilà le genre de solution qu'on peut mettre en place pour pallier notre pénurie d'effectifs. J'aimerais profiter de l'occasion pour suggérer à l'AMC de nous inviter la prochaine fois qu'ils discutent de ressources humaines.

Le président : Merci. Je vais maintenant donner la parole au sénateur Fairbairn. Chacun d'entre nous s'intéresse à une question en particulier, et en ce qui concerne le sénateur Fairbairn, je vous préviens, c'est la littéracie, à toutes les étapes de la vie. Elle s'y intéresse depuis très longtemps.

L'une des audiences les plus intéressantes auxquelles j'ai assisté portait sur la littéracie chez les adultes et comment certains adultes parvenaient à apprendre à lire et à écrire. Je ne sais pas si c'est pertinent, mais je voulais vous dire ce qui intéresse le sénateur Fairbairn.

Le sénateur Fairbairn : Je suis très heureuse d'avoir entendu vos témoignages. Comme l'a dit le bon docteur, j'ai travaillé pendant longtemps auprès du Secrétariat national à l'alphabétisation.

On a beaucoup parlé aujourd'hui de la nécessité, premièrement, de collaborer avec les partenaires, et d'aller sur place, dans ces régions où l'on réussit à mettre en place des solutions très encourageantes, grâce à la collaboration. Cette collaboration ne doit pas être ponctuelle, elle doit se faire à l'échelle du pays, car ce n'est que de cette façon qu'on obtiendra vraiment des résultats visibles. Le travail que vous faites, la façon dont vous le faites, et cette initiative pancanadienne dont vous avez parlé, je trouve tout cela extraordinaire. Je suis sûre que vos efforts vont aboutir.

C'est avec affection, et en même temps une certaine tristesse, que je pense au Secrétariat national à l'alphabétisation. C'était un groupe d'environ 22 personnes, qui chapeautait en quelque sorte l'ensemble du pays, les provinces et les territoires. Il s'intéressait non seulement aux échelons supérieurs de l'éducation, mais aussi à l'apprentissage des nouveau-nés. Il y a d'autres sénateurs ici présents, de Terre-Neuve et de l'Île-du-Prince-Édouard, qui s'y sont intéressés.

Ce que vous faites, vous savez comment le faire et vous savez où vous voulez aller. Le problème, ce sont les outils dont vous avez besoin. Vous faites un travail fantastique. Votre enthousiasme est extraordinaire. Il est même palpable.

Je constate que, même si nous n'avons pas le même niveau de collaboration au niveau national qu'il y a quelques années, récemment, les provinces et les territoires ont décidé de conjuguer leurs efforts pour mettre en place, tous ensemble, un programme pancanadien d'apprentissage. C'est grâce à ces réseaux de collaboration que vous pouvez ensuite, dans vos domaines de spécialités, venir en aide à ceux qui en ont le plus besoin.

Je ne saurais vous dire à quel point j'ai apprécié vos exposés. J'étais prête à applaudir à bien des moments, car vous êtes en train de faire quelque chose d'extraordinaire pour notre pays, et je vous en remercie.

Le président : Merci, sénateur Fairbairn. Le sénateur Cochrane vient de Terre-Neuve.

Il y a deux endroits où nous avons vu des modèles de santé des populations qui fonctionnaient vraiment. Le premier est Cuba, où les polycliniques s'occupent de tous les citoyens et leur offrent même des services de conseils prénatals, des services de conseils aux grands-parents, et cetera. Grâce à ces cliniques, chaque citoyen cubain a accès à un médecin et à un professionnel d'une équipe soignante. Ce sont des résultats phénoménaux pour un pays aussi pauvre que Cuba. Leurs statistiques sur la santé maternelle et sur la mortalité infantile sont les mêmes que les nôtres. Leurs résultats sont vraiment fantastiques. Leurs polycliniques s'occupent de tous les citoyens à toutes les étapes de leur vie. Vous connaissez le vieil adage : « L'enfant a besoin du village pour grandir ». Pour les Cubains, c'est la communauté qui remplace le village et qui accompagne l'enfant dans son cheminement vers l'âge adulte.

Au Canada, le modèle le plus proche du modèle cubain est celui de Terre-Neuve, et c'est de cette province que vient le sénateur Cochrane. Leur système d'information sur la santé des populations est le meilleur au Canada. Sur une carte représentant Terre-Neuve, vous avez toute une série de points, allant du jaune au rouge, qui indiquent l'état de santé de la population dans chaque zone, que ce soit par code postal, par collectivité, par ville ou autre.

Je n'ai aucune idée de la question que va vous poser le sénateur Cochrane, mais je peux vous dire que c'est une autorité en la matière.

Le sénateur Cochrane : Nous avons fait pas mal de progrès, en grande partie grâce au dévouement de certains de nos fonctionnaires. Ils ont été extraordinaires. Nous avons mis en place une stratégie qui nous permet de cibler une activité en particulier au niveau d'une collectivité, quelle que soit la région.

Je suis sûre que cela vous intéresserait, surtout l'Association médicale canadienne, d'en savoir davantage sur ce programme absolument phénoménal. Après l'avoir étudié, l'Île-du-Prince-Édouard est sur le point de le mettre en œuvre, et la Nouvelle-Écosse et la Colombie-Britannique ont déjà manifesté de l'intérêt.

Docteur Lalonde, je suis d'accord avec vous : il faut adopter le principe des équipes. Il faut supprimer les cloisons, car ce n'est pas ça le Canada. Nous devons partager. Si nous trouvons des solutions efficaces, il faut les faire connaître aux autres, au monde entier même. C'est ce que j'ai toujours pensé.

Pouvez-nous nous dire quelques mots de la stratégie nationale de vaccination? C'était une stratégie positive, et j'aime bien entendre parler de choses positives. Je ne cherche pas à me renseigner sur les expériences négatives; ce sont les expériences positives qu'il faut faire connaître, au moyen des médias et des journaux, à tous les hôpitaux, à tous les médecins participants. Il y a des choses positives qui se font, à l'heure actuelle, mais nous pouvons faire plus.

Mme Davis : Plusieurs facteurs ont contribué à son succès. D'abord, il y a eu un partenariat entre les gouvernements fédéral-provinciaux-territoriaux ainsi qu'avec les ONG. En général, nous étions sur un pied d'égalité. Nous avons proposé des objectifs de vaccination pour les enfants et les jeunes. Nous avons dit que nous voulions que 95 p. 100 des nouveau-nés canadiens soient vaccinés contre la coqueluche avant un certain âge.

Ensuite, ce sont les provinces et les territoires qui ont dû décider comment mettre en œuvre le programme. Nous étions tous d'accord sur les objectifs. Les gouvernements se sont adressés à des groupes comme la Société canadienne de pédiatrie pour fixer les objectifs à transmettre aux médecins. Nous nous occupons d'éducation en mettant au point, par exemple, des guides et des outils que peuvent utiliser un médecin ou une infirmière lorsqu'ils doivent convaincre une famille de la nécessité de faire vacciner son enfant.

Fort heureusement aussi, le gouvernement fédéral avait mis de côté une somme de 300 millions de dollars à l'intention des provinces qui acceptaient de mettre en œuvre les quatre nouveaux programmes de vaccinations que nous avons recommandés au cours des 10 dernières années.

Le succès de cette stratégie tient au fait que nous avons réussi à fixer des objectifs nationaux avec la participation de tous — les bailleurs de fonds, les gouvernements et les professionnels de la santé. Ensuite, c'est à chaque province ou territoire qu'il appartenait de décider de la meilleure façon d'administrer le programme.

Le sénateur Cochrane : Non seulement cela a été un succès, mais vous avez réussi à réduire les dépenses. Qu'en est-il de vos cliniques pour adolescents? J'ai entendu dire que c'était aussi un succès.

Mme Davis : C'est très positif. Je vais prendre l'exemple de Cap-Breton, où nous avons des membres actifs. À peu près deux après-midi par semaine, une infirmière assure une permanence à l'école secondaire; les élèves peuvent aller la consulter sans rendez-vous, pour parler de contraception, par exemple. Il faut que les élèves puissent la consulter librement, sans entraves.

Des pédiatres de Cap-Breton participent aussi au projet, et lorsque l'infirmière constate qu'un élève ne va pas bien, elle peut l'orienter vers le pédiatre qui se rend, lui aussi, à l'école.

C'est ainsi qu'on réussit à apporter des soins à une population vulnérable, car j'estime que les jeunes constituent une population vulnérable. La vie n'est pas toujours facile pour eux. Alors, plutôt que de penser qu'ils vont aller chercher les soins dont ils ont besoin, ce qu'ils ne font pas souvent, nous avons décidé de leur apporter nous-mêmes ces soins.

Un autre exemple, même s'il ne s'agit plus d'adolescents, est celui de l'Université de l'Ile-du-Prince-Édouard. Il y a là-bas un médecin de famille que je connais et qui se spécialise dans la santé des hommes. Il se rend dans les résidences et y assure une permanence, pour que les étudiants puissent venir discuter avec lui. Ce sont là des exemples qui vous montrent qu'on peut apporter des soins à certaines populations, plutôt que d'attendre qu'elles fassent l'effort de venir vous voir.

Le sénateur Cochrane : Vous faites partie de l'Association médicale canadienne. Avez-vous présenté cette superbe stratégie à d'autres provinces?

Mme Davis : Je fais partie de la Société canadienne de pédiatrie. Quand nous en avons l'occasion, nous le faisons. Nous encourageons toujours la promotion de pratiques exemplaires. Le problème, c'est qu'il y a certainement beaucoup de pratiques exemplaires dont nous n'entendons pas parler.

À nos conférences annuelles et dans d'autres tribunes, nous essayons d'encourager les gens à écrire des articles sur ces expériences positives et à les diffuser.

Le sénateur Cochrane : C'est justement là où je voulais en venir : ces pratiques exemplaires sont souvent méconnues. Les autres provinces, les médecins, les familles et les mères ne sont certainement pas au courant.

Dre Bigsby : Je vais répondre à votre question, et à celle sur le cloisonnement. L'Association médicale canadienne a beaucoup réfléchi au problème du cloisonnement, et aux raisons pour lesquelles certaines personnes ont du mal à obtenir des soins de santé. Les cloisons existantes sont assurément un problème.

J'ai essayé de réfléchir à toute cette question en me demandant comment faire pour qu'une personne, qui ne connaît absolument rien du système, puisse savoir à quelle porte frapper. Celui qui a besoin de soins de santé ne devrait pas à avoir à se demander à quel service s'adresser.

Cela me fait penser à une métaphore qu'on m'a rapportée. Je travaille avec l'Association des femmes autochtones sur le problème du syndrome de l'alcoolisme fœtal. Prenez le cas d'une jeune mère qui croit que son enfant a un problème; elle se demande peut-être si c'est parce qu'elle a consommé de l'alcool pendant sa grossesse. Mais à qui peut- elle parler de ses craintes? Comment peut-elle en avoir le cœur net, et savoir si oui ou non ses craintes sont justifiées? La personne à qui elle va en parler ne sera peut-être pas bien informée, et elle essaiera peut-être de la rassurer, à tort, parce qu'elle ne saura pas auprès de qui l'envoyer. Il ne devrait pas en être ainsi. C'est difficile pour une mère de poser ce genre de question.

Il faut donc créer un système qui guidera la personne directement vers le service dont elle a besoin.

Mme White : S'agissant de Terre-Neuve et du Labrador, il y a de plus en plus diversité sur l'île. La cohésion sociale y est très forte, et je dirais même que c'est l'une des raisons pour lesquelles il existe un soutien communautaire très solide. Il sera intéressant de voir comment tout cela est mis en place et comment les Néo-Canadiens sont intégrés.

Pour ce qui est du projet Les enfants sains dans les communautés saines, nous avons mis au point des outils et des guides des pratiques exemplaires à l'intention des communautés. Nous avons constaté que l'éducation entre pairs donnait des résultats extraordinaires.

Nous avons préparé une trousse d'outils sur le VIH/sida intitulée « Il est temps d'agir », parce que nous avions été surpris de constater, dans nos recherches, la grande ignorance des jeunes dans ce domaine. Et pourtant, il s'agissait de jeunes très prometteurs, qui faisaient partie de notre Modèle ONU. Leur ignorance de la contraception en général par opposition aux précautions à prendre pour prévenir le VIH/sida était surprenante. Nous leur avons donné les informations dont ils avaient besoin tout en les encourageant à informer à leur tour leurs camarades de la communauté. Cette méthode d'apprentissage par les pairs est très importante.

De la même façon, nous avons mis sur pied un modèle pour Les enfants sains dans les communautés saines. L'objectif est d'amener des organisations qui s'intéressent, comme nous, aux moyens à la fois officiels et officieux d'éduquer les jeunes, à encourager ces derniers à parler de leur santé et de leurs problèmes et à prendre l'initiative d'aller en parler à des groupes comme le vôtre ou comme l'AMC ou des ONG. Comment leur donner les compétences qui leur permettront de raconter leur histoire, de parler de leurs problèmes? Cela se fait déjà, et c'est très positif. En fait, nous sommes heureux d'avoir pu faire quelques expériences à Terre-Neuve.

Le président : Permettez-moi de vous demander une faveur. Vous nous avez donné des statistiques peu encourageantes sur la santé des populations, et la plus déprimante était sans doute que nous occupons le dernier rang de 30 pays développés pour ce qui est de l'efficacité de notre système de santé, et le 23e rang pour ce qui est de l'état de santé général de notre population.

Depuis au moins 10 ans, je suis convaincu que la situation ne s'améliorera pas tant que nous n'aurons pas adopté une approche pancanadienne vis-à-vis de la santé des populations, pour toutes les étapes de la vie, de la conception à la mort, et en fait, en commençant avant la conception, par l'éducation des parents. Les initiatives ponctuelles ne sont que des cataplasmes sur une jambe de bois.

J'en ai parlé en privé à pas mal de personnes, et j'en parlerai pour la première fois en public à la conférence sur la santé publique qui a lieu à Halifax la semaine prochaine. Je suis absolument convaincu, et ce sera difficile de me faire changer d'avis, que c'est la seule solution.

J'aimerais que vous réfléchissiez tous à la façon dont nous pourrions faire accepter une telle approche aux gouvernements fédéral, provinciaux et locaux. Je veux parler d'une approche pancanadienne vis-à-vis de la santé des populations, de la conception à la mort. Je vous demande aussi de réfléchir à la façon dont nous pourrions mettre en place le genre de système communautaire que nous avons vu dans les polycliniques de Cuba, où chacun participe au bien-être de la communauté.

Merci et bonne soirée.

La séance est levée.


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