Délibérations du Sous-comité sur la Santé des populations
Fascicule 7 - Témoignages du 18 juin 2008
OTTAWA, le mercredi 18 juin 2008
Le Sous-comité sur la santé des populations du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui à 16 h 5 pour examiner les multiples facteurs et conditions qui contribuent à la santé de la population canadienne, appelés collectivement les déterminants sociaux de la santé, et pour en faire rapport.
Le sénateur Wilbert J. Keon (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Honorables sénateurs, nous n'avons pas le quorum mais nous sommes néanmoins autorisés à commencer. Par conséquent, nous entendrons tout d'abord le témoignage de Mme Louise Saint-Pierre, chef de projets, Centre de collaboration nationale — Politiques publique et santé.
[Français]
Louise Saint-Pierre, chef de projets, Centre de collaboration nationale — Politiques publiques et santé : Je tiens tout d'abord à vous remercier de votre invitation. D'entrée de jeu, j'aimerais rappeler que le Centre de collaboration nationale sur les politiques publiques et la santé est un des six centres de collaboration financés par l'Agence de santé publique du Canada. Le Centre de collaboration sur les politiques favorables à la santé est une traduction du vocable « healthy public policy », mieux connu en anglais. Son mandat est de supporter les efforts des acteurs de santé publique à travers le Canada à travailler sur les politiques favorables à la santé. Pour ce faire, nous faisons la synthèse de connaissances et nous identifions les stratégies qui nous semblent les plus prometteuses pour travailler sur les politiques publiques favorables à la santé. C'est la raison pour laquelle on s'est intéressé à l'évaluation d'impact à la santé qui nous apparaît comme étant une stratégie très prometteuse pour arriver à implanter des politiques publiques favorables à la santé.
Depuis la création du centre en 2006, nous avons fait une revue littérature pour nous documenter sur cette approche. En 2007, nous avons mené une mission en Angleterre, au pays de Galle et en Suisse. Nous avons organisé une table canadienne sur l'évaluation d'impact sur la santé pour voir comment les acteurs canadiens perçoivent cette approche. Nous observons avec beaucoup d'intérêt l'expérience québécoise à l'intérieur du gouvernement en matière d'évaluation d'impact sur la santé. Nos commentaires se sont donc basés sur cette information.
Nous félicitons le sous-comité pour son rapport et l'intérêt qu'il porte à la santé des populations. Nous croyons, comme l'ensemble des acteurs de la santé publique, que pour améliorer la santé de la population au Canada on doit passer par la réduction des inégalités de santé et par une meilleure convergence et implication des secteurs en dehors de la santé. D'ailleurs, comme vous l'avez signalé dans votre rapport, 60 p. 100 des facteurs de santé sont en dehors du secteur de la santé. C'est la raison pourquoi, pour la première fois, on a créé un centre sur les politiques publiques favorables à la santé au Canada. Nous espérons pouvoir contribuer à cette stratégie.
Pour notre réunion de ce soir, vous posiez deux questions principales. La première est à savoir s'il est nécessaire et réaliste d'imposer un mécanisme d'évaluation d'impact sur la santé au palier fédéral? Et si oui, quel serait le rôle des différentes instances et organismes de soutien?
À titre de réponse à la première question, je crois qu'il est intéressant de rappeler qu'en 1969 les États-Unis furent les premiers à institutionnaliser l'évaluation d'impact environnemental. C'est vraiment sur ces succès que l'évaluation d'impact de la santé connaît un intérêt grandissant, particulièrement en Europe où la démarche est plus connue qu'en Amérique et au Canada.
Plusieurs observateurs considèrent qu'il est maintenant temps que le même phénomène se produise en regard de la santé de la population, à savoir qu'il s'agit là d'une préoccupation transversale, tout comme l'environnement. Si on ne réussi en environnement d'arriver à un point où l'ensemble des juridictions et des pays industrialisés ont institutionnalisé une approche d'évaluation d'impact en environnement, plusieurs observateurs considèrent que le même phénomène devrait maintenant se produire pour la santé.
Par contre, nous avons constaté dans la littérature et dans les rencontres que nous avons faites, plusieurs défis et conditions associés à l'implantation de l'évaluation d'impact de la santé au sein des gouvernements. Nous les avons résumés en trois grands thèmes. Le premier est le besoin d'un leadership et d'un soutien politique fort. On sait qu'une approche comme celle-là demande des changements de culture et des façons de faire différents. Deuxièmement, des arrangements institutionnels à l'intérieur des ministères doivent être apportés. Troisièmement, le soutien au développement des connaissances est nécessaire — j'en parlerai très rapidement après quoi nous aurons l'occasion d'échanger à ce sujet.
En ce qui concerne le premier grand thème, un leadership et un soutien politique fort, je crois que vous avez pu constater dans la revue de littérature sur les expériences dans d'autres pays à quel point il est important d'avoir une position claire de la plus haute autorité, qui puisse supporter les promoteurs et les champions de cette approche en toute légitimité. À ce titre, nous avons trouvé dans la littérature quatre grands moyens. L'institutionnalisation de la pratique, dont vous faites état dans votre document, assure une condition qui permet la pérennité d'une telle approche en allant au-delà des promoteurs. En Colombie-Britannique, par exemple, des champions promoteurs ont réussi à instaurer l'évaluation des impacts de la santé au sein du gouvernement. Lorsque le gouvernement a changé et que ces champions ont quitté, la pratique a diminué.
L'institutionnalisation ou la réglementation permet d'assurer une certaine pérennité. C'est en se basant sur cette expérience de la Colombie-Britannique que le Québec a décidé d'institutionnaliser la pratique EIS en la réintroduisant dans une loi.
Un deuxième moyen que nous avons repéré, et je crois que vous l'avez aussi souligné dans vos travaux, est l'existence d'une instance chargée de la reddition de compte ou du suivi de l'implantation.
Ce chien de garde permet d'assurer, encore une fois, le changement nécessaire.
Une autre mesure qui nous semble efficace consiste en une position claire de la plus haute autorité — dans ce cas-ci le gouvernement fédéral — souvent sous forme de déclaration publique, afin de fournir un ancrage solide. À titre d'exemple, on trouve de telles déclarations officielles au Royaume-Uni et à la Commission européenne avec le Traité d'Amsterdam.
Et la quatrième mesure pour ce thème, le leadership fort, serait l'établissement d'objectifs de santé populationnelle basés sur une vision à long terme. C'est entre autres une des grandes conclusions à laquelle en était venu un groupe canadien mandaté par Santé Canada, en 1996 je crois, pour essayer de comprendre comment on pourrait instaurer cette pratique d'évaluation d'impact sur la santé. Ce groupe en était venu à conclure que sans ces objectifs de santé de vision à long terme, il était très difficile d'atteindre les objectifs parce que c'est une approche qui est difficile et il faut pouvoir s'accrocher à cette vision santé qui est définie largement.
Nous avons observé que l'instauration de la pratique de l'ÉIS nécessite des ajustements à l'intérieur des ministères, dans les relations interministérielles et aussi dans les relations entre les ministères et les instances législatives. Les principales conditions qui semblent émerger des expériences rapportées sont, premièrement, la mise sur pied de mécanismes interministériels ou l'intégration de cette préoccupation à l'intérieur d'un mécanisme déjà existant — nous l'avons vu dans plusieurs pays aussi — et, deuxièmement, une attention à l'égard du fardeau imposé aux différents ministères devant la multiplication des clauses d'impact. Et c'est ce qui se passe un peu dans l'expérience québécoise, on se retrouve avec une panoplie d'évaluations d'impact sur la santé, sur l'économie, sur les Autochtones, et il faut apporter une sensibilité à cet égard.
Finalement, la troisième condition — encore une fois, on le voit un peu dans l'expérience québécoise —, consiste en l'instauration d'un mécanisme clair entre l'exécutif et le législatif. Beaucoup de travail peut se faire au niveau administratif au sein du ministère pour adopter de nouvelles façons de faire. Parfois, le législatif change et tous n'ont pas intégré cette préoccupation, cette nécessité d'inclure des considérations de santé dans leur décision.
Enfin — et je vais terminer là-dessus —, la troisième mesure qui nous semble impérative est le soutien au développement des connaissances et des capacités.
La pratique d'évaluation d'impact sur la santé, surtout au niveau des politiques qui sont très complexes, demande vraiment une meilleure connaissance des méthodologies d'évaluation ou d'analyse des impacts. Dans cette approche, il ne faut pas oublier qu'il s'agit de faire une analyse prospective des impacts potentiels sur la santé d'une politique qui n'a pas comme premier objectif la santé. Donc, il y a des approches méthodologiques à développer. Il existe beaucoup de connaissances maintenant, mais les acteurs de santé publique qui devront faire, par exemple, cette analyse n'ont pas tous cette formation.
Donc, concernant le développement des compétences et des capacités de plusieurs acteurs, encore une fois, nous avons repéré, dans la littérature et dans ce que les gens nous ont dit en regard de cette pratique, trois moyens ou trois conditions qui pourraient favoriser ou qui nécessitent, en fait, d'accompagner cette mesure : premièrement, la contribution d'organisation externe de développement des connaissances à la fois sur les méthodes d'analyse dont je viens de parler, mais aussi sur le processus politicoadministratif et sur les données de Santé publique — je crois que c'est aussi des constats que vous avez faits comme sous-comité —, deuxièmement, des organisations ou des instances qui permettent le développement de capacités de formation et de soutien au développement des capacités des personnes — au Canada, on a beaucoup de ces capacités, il s'agirait de les mettre en synergie —, et, troisièmement, des ressources financières accrues. Parfois, dans certaines évaluations de tentatives d'implantation de cette approche, le manque de soutien financier a été identifié comme étant un problème, soit pour faire des projets-pilotes — pour bien comprendre comment cela peut se faire — soit pour les évaluations d'impact.
Peut-être que mes collègues auraient aussi des choses à rajouter là-dessus.
En ce qui concerne ce soutien, je crois au développement, au soutien, à la pratique de l'EIS. Je crois qu'il peut être intéressant de mentionner l'exemple québécois et vous n'êtes pas sans savoir que le gouvernement québécois a instauré cette pratique d'évaluation d'impact à la santé. Ce sont les ministères et organismes autres que la santé qui ont la responsabilité d'initier les évaluations d'impact à la santé, et le ministère de la Santé vient en appui aux autres ministères.
En adoptant cet article de loi de la Santé publique qui instaure la pratique d'évaluation d'impact à la santé, le gouvernement a quand même mis en place des mesures comme la création de deux postes à temps plein au sein du ministère de la Santé. Il y a une entente de service avec l'institut de santé publique du Québec qui fournit une expertise plus pointue et des avis scientifiques, ce qui ne peut pas se faire à l'intérieur du ministère de la Santé. Il y a aussi un projet assez important, du financement assez important pour la recherche. Donc, le ministère de la Santé a développé un consortium avec deux fonds de recherche en santé et en culture et appuie des activités de recherche, à la fois pour comprendre le processus politicoadministratif dont je vous parlais tantôt — et je crois que vous avez rencontré France Gagnon de ce groupe de recherche —, mais aussi pour les impacts de santé.
Donc, en conclusion, nous croyons que l'évaluation d'impact sur la santé constitue un outil puissant et nécessaire pour favoriser le changement des cultures après qu'on ait fait le constat, que la santé de la population est importante, et que le gouvernement du Canada pourrait agir sur les inégalités. Mais comme mesure seule, ce n'est pas suffisant et cela prend nécessairement des mesures d'accompagnement et de soutien. Et je crois que plusieurs de ces mesures font partie de vos recommandations.
Je m'excuse pour avoir un peu excédé le temps imparti pour les présentations. Je suis disponible pour vos questions, évidemment.
[Traduction]
Le président : Merci, madame Saint-Pierre. Monsieur Smith, allez-y.
John Smith, directeur, Affaires législatives et réglementaires, Agence canadienne d'évaluation environnementale : Merci, monsieur le président de me donner l'occasion de témoigner devant le comité. Tim Smith, conseiller principal en politiques, Agence canadienne d'évaluation environnementale, m'accompagne. Il s'occupe principalement d'évaluation environnementale stratégique.
Nous savons que le sous-comité réfléchit notamment à la possibilité d'utiliser les évaluations de l'impact sur la santé lors de l'élaboration des politiques et programmes fédéraux. Nous voudrions vous donner un bref survol du processus établi actuellement pour mesurer les impacts environnementaux des politiques, des plans et des programmes proposés au niveau fédéral. Nous avons fourni aux membres du comité un petit document que je vais parcourir avec vous.
Le cadre de l'évaluation environnementale fédérale comporte deux éléments principaux. Tout d'abord, il y a les exigences législatives qui s'appliquent aux projets pour lesquels le gouvernement fédéral a un rôle de décideur. Par projets, nous entendons les infrastructures, les mines, les exploitations hydroélectriques, et cetera. Selon la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, une évaluation environnementale doit être faite pour toute proposition de projet exigeant un financement fédéral, l'utilisation de terres fédérales, une autorisation fédérale ou encore si c'est le gouvernement fédéral qui est à l'origine du projet.
Le deuxième élément du cadre est sans doute celui qui se rapporte le plus à notre discussion et il s'agit de l'évaluation environnementale stratégique, dite EES. L'EES porte sur les propositions de politiques, les plans et les programmes envisagés et elle est régie par une directive du cabinet depuis 1990. L'objectif est de fournir aux décideurs les renseignements les plus à jour sur les effets potentiels de ces projets sur l'environnement évitant ainsi les coûts occasionnés par d'éventuels dégâts écologiques résultant de ces programmes ou politiques.
Sur la diapositive suivante figurent les principaux éléments de la directive du cabinet. La directive s'applique quand une politique, un plan ou un programme proposé exige l'approbation du ministre ou du cabinet et quand la mise en œuvre du projet pourrait entraîner des effets positifs ou négatifs importants sur l'environnement.
Les éléments essentiels d'une EES comprennent une évaluation de la nature et de la portée des effets environnementaux de chacun des choix envisagés dans la proposition. Je souligne ici la nécessité de mesurer les effets positifs et négatifs. La directive exige de déterminer la nécessité de mesures d'atténuation au besoin ou la façon de maximiser les effets positifs. Enfin, l'EES doit évaluer l'importance des effets environnementaux et des mesures d'atténuation au total.
En tout état de cause, la directive du cabinet exige que le gouvernement fasse une déclaration publique sur les effets environnementaux annonçant le résultat de l'EES.
La diapositive suivante décrit les rôles et les responsabilités. La directive du Cabinet exige que tous les ministères et organismes fédéraux procèdent à une EES de leurs politiques, plans et propositions, au besoin. Le ministère ou l'organisme doit veiller à intégrer les résultats de l'EES aux analyses des diverses options et recommandations présentées au ministre ou au Cabinet. C'est ce que nous appelons l'autoévaluation pour promouvoir l'intégration de considérations environnementales dans le processus d'élaboration de politique et de prise de décisions à l'échelle du gouvernement.
L'Agence canadienne d'évaluation environnementale, grâce à des sessions de formation et à des directives, offre aux autres ministères fédéraux des conseils pour l'application de la directive du Cabinet. Nous participons à l'élaboration d'une politique pour promouvoir l'application de l'EES.
Dans ce processus, le Bureau du Conseil privé joue un rôle important car au moment où il revoit les propositions des ministères et organismes, il vérifie si ces derniers se sont conformés à la directive. En outre, Environnement Canada a un rôle d'expert-conseil.
En 2004, la commissaire à l'environnement et au développement durable a fait une vérification pour déterminer si le gouvernement fédéral respectait la directive du Cabinet. Récemment, il y a eu une vérification de suivi pour mesurer les progrès réalisés. La première vérification portait sur 12 ministères, sur notre agence et sur les organismes centraux.
Le résultat de la vérification fait l'objet de la cinquième diapositive. La commissaire à l'environnement et au développement durable a conclu qu'il existe des lacunes importantes dans l'application de la directive. Parmi les facteurs responsables de la situation elle a noté : le soutien insuffisant de la part du personnel de la haute direction, l'absence de prise en charge centralisée et d'encadrement, la faible prise en compte des facteurs environnementaux dans le processus décisionnel, et un manque de transparence. La commissaire a fait plusieurs recommandations, notamment que le gouvernement procède à une évaluation détaillée de la directive du Cabinet.
Le gouvernement a accepté cette recommandation et nous avons commencé le travail nécessaire. Nous voulons déterminer dans quelle mesure on se conforme à cette directive dans les ministères et, ce qui est peut-être plus important, son efficacité. Nous allons examiner dans quelle mesure les considérations environnementales sont intégrées à l'élaboration de politiques, plans et programmes et quelle incidence cette intégration a eu sur le résultat de ces politiques, plans et programmes.
Nous espérons que notre travail aboutira à des recommandations en vue de stimuler l'intégration de considérations environnementales aux politiques, plans et programmes et d'en mesurer l'incidence. Notre rapport final devrait être prêt dès mars 2009 et il comportera des recommandations pour améliorer l'application de la directive et les mesures que j'ai citées.
Il y a des points communs entre le processus d'évaluation environnementale stratégique et l'évaluation de l'impact sur la santé que l'on envisage. Les deux mécanismes évaluent l'impact des politiques, plans et programmes. Pour la plupart des ministères, toute évaluation, environnementale ou de l'impact sur la santé, exige que l'on tienne compte d'impacts au-delà des limites du mandat spécifique au ministère. Nous nous attendons à retrouver lors de l'application de l'évaluation de l'impact sur la santé les mêmes défis que nous avons dû relever en adoptant une approche pangouvernementale, exigeant une reddition de comptes, une application rigoureuse et une transparence réalisées grâce au travail de la commissaire à l'environnement et au développement durable. Mme Saint-Pierre a fait allusion à cela.
Le rapport de la commissaire à l'environnement et au développement durable et le résultat de notre évaluation de l'application de la directive du Cabinet pourraient permettre de tirer des leçons profitables de nos processus. Cela pourrait éclairer les éventuelles évaluations de l'impact sur la santé menées par le gouvernement fédéral.
Le président : Merci. Nous allons passer aux questions.
[Français]
Le sénateur Pépin : Lorsqu'on parle des études de l'EES, à ce moment, on se dit : est-ce réaliste de songer que cela puisse devenir un élément permanent de toutes les lois et de tous les nouveaux programmes fédéraux? Est-ce qu'on dispose des ressources nécessaires, de la capacité et des connaissances voulues pour être capables d'effectuer ce programme? Quel serait le coût, juste pour dire, à peu près?
Mme Saint-Pierre : Est-ce réaliste de croire? Je crois qu'une province au moins l'a fait.
Le sénateur Pépin : Au Québec.
Mme Saint-Pierre : Des pays l'ont fait, et certains cantons de la Suisse l'ont instauré. C'est pour cela que d'entrée de jeu, on rappelait l'évaluation d'impact en environnement. Cela se fait maintenant dans tous les pays, dans toutes les juridictions. Tous les pays industriels ont instauré de façon systématique l'évaluation d'impact sur l'environnement. C'est la raison pour laquelle nous disons que la première condition est sans doute la volonté politique.
Le sénateur Pépin : Comme vous l'avez dit, le leadership. On revient au Québec. Combien de ministères font des EES au Québec? Sont-ils faits dans toutes les propositions ou ne sont-ils faits qu'avec des propositions politiques? Comment cela fonctionne-t-il? Est-ce le personnel ministériel qui s'occupe de cela? Comment font-ils la coordination?
Mme Saint-Pierre : Selon l'article de loi de santé publique, on demande aux ministères et organismes de s'assurer que leurs lois et règlements n'aient pas d'impacts négatifs sur la santé. Le ministère de la Santé est responsable de s'assurer que cet article de loi soit mis en vigueur. La décision qui a été prise était que ce sont les ministères et organismes qui sont responsables de faire la première étape, le « screening » et de s'assurer que l'évaluation, les lois et les règlements n'ont pas d'impact. Le ministère de la Santé apporte un soutien très important à l'ensemble des ministères et organismes, entre autres, en ayant développé un guide en cinq étapes.
La beauté de l'approche EES, qui s'est développée beaucoup en Europe, comme je l'ai dit un peu plus tôt, et qui se base sur les expériences de plusieurs années en environnement, c'est qu'il y a beaucoup d'outils, de guides, de façons de faire qui ont été développées et qui sont disponibles sur la toile.
Donc le ministère de la Santé et des Services sociaux au Québec a développé un guide à l'intention des ministères. Ils ont mis aussi sur pied un réseau de répondants. Chacun des ministères a, à la demande du ministre ou du cabinet, délégué une personne par ministère qui fait partie de ce réseau. On l'appelle davantage réseau que comité parce que l'objectif est de sensibiliser et d'informer sur les impacts et les déterminants larges de la santé. Ce n'est pas une approche « go » ou « no go ».
Il s'agit davantage d'éducation, d'échange et de partage. Le fait que ce soit dans la loi oblige les ministères et les organismes. Dans les faits, il y a des ministères pour lesquels les objectifs de santé sont beaucoup plus prêts de leur mission que d'autres ministères et sont plus enclins à faire l'évaluation d'impact à la santé.
Le sénateur Pépin : Monsieur Smith, lorsqu'on regarde tout le processus qui a été fait de l'étude d'impact environnemental, cela a été un succès. Nous avons lu sur vos documents que cela a été un succès. Est-ce qu'on pourrait avoir un processus semblable pour appliquer le EES?
[Traduction]
M. John Smith : Les rouages du processus sont assez simples. Autrement dit, au moment de l'élaboration d'une politique, d'un plan ou d'un programme qui exige l'approbation du ministre ou du cabinet, on est tenu, pour que l'élaboration soit exemplaire, de mesurer l'impact de la proposition dans divers domaines, à savoir si la politique va aboutir au résultat escompté, si elle va résoudre le problème que l'on tente de résoudre et on doit en analyser les coûts et les impacts pour la société.
Un élément de cette analyse est l'analyse des impacts sur l'environnement. La directive du Cabinet exige outre l'analyse générale que l'on doit effectuer pour que l'élaboration de la politique soit exemplaire, de mesurer les effets sur l'environnement. À ce niveau-là, c'est simple. La directive est-elle justifiée? Comme je l'ai dit, cette directive existe depuis 1990. Est-elle efficace? C'est ce que nous tenterons de déterminer grâce à l'évaluation que nous menons à bien actuellement.
Le rapport de la commissaire à l'environnement et au développement durable révèle que dans la mise en œuvre, certains problèmes surgissent. Nous soupçonnons que l'application de la directive et la qualité des évaluations sont plutôt inégales. Nous savons, grâce à des cas exemplaires, que les choses ont été faites plutôt correctement.
Quant à la méthodologie, au fil des ans nous avons beaucoup appris sur les méthodes d'analyse des impacts environnementaux des projets ou des politiques mis en œuvre. L'essentiel est d'agir promptement, avec rigueur, et d'intégrer cette analyse à l'élaboration des politiques et des programmes.
[Français]
Le sénateur Pépin : Dans la loi du Québec, le ministre peut donner des ordres à d'autres ministres, il est proactif. Pensez-vous qu'en définitive, on pourrait appliquer cela à un gouvernement fédéral?
Mme Saint-Pierre : Je ne sais pas si je peux répondre. Je dirais, en fait, que cet alinéa de l'article 54 — il y en a 2 — confère cette possibilité au ministre de la Santé d'aviser ses collègues. Je crois que ce genre d'échange se fait autour des tables de décision des ministres où chacun peut voir un peu les impacts.
Pour mettre en œuvre cette partie de la loi, cela nécessite que le ministre de la Santé ait des informations solides basées sur des données probantes. Je crois que l'évaluation d'impact de la santé est dans cette mouvance de politique publique basée sur des informations de recherche, des données probantes, d'où la raison de cette entente avec l'Institut de santé publique du Québec qui développe des avis de santé publique à la demande du ministère de la Santé.
Le ministère de la Santé consulte les autres ministères pour connaître un peu leurs préoccupations et ce qu'ils aimeraient avoir à partir du moment où ils sont de plus en plus sensibilisés aux impacts sur la santé que peuvent avoir leurs décisions, que ce soit sur le logement ou sur le transport. Des préoccupations de connaissance sont soulevées.
À ce moment l'Institut de santé publique est sollicité pour développer des avis solides, cela peut prendre quelques mois, et ces avis sont donnés au ministre de la Santé qui les utilise lorsqu'il en a besoin.
[Traduction]
M. John Smith : Tout comme ce qu'a dit Mme Saint-Pierre, lors de l'élaboration des politiques et des plans présentés au cabinet, divers ministères se concertent et procèdent à des discussions pour multiplier les points de vue présentés.
Votre question porte essentiellement sur le processus en tant qu'autoévaluation. L'autoévaluation est-elle supérieure? Les organismes qui élaborent une politique donnée connaissent bien leur domaine, connaissent la politique, savent les résultats visés et les secteurs d'application. Ils trouvent avantage à intégrer des considérations environnementales à toute la réflexion qui précède l'élaboration d'une politique. Le processus d'autoévaluation offre des avantages.
Je le répète, la commissaire à l'environnement et au développement durable s'est dite inquiète de l'absence de prise en charge centralisée. Il peut arriver qu'un ministre ou un organisme tire profit du fait d'avoir fait une évaluation mais, avec les leçons tirées de cette évaluation-là, le ministre ou l'organisme peut être inspiré au moment où ils doivent s'attaquer à un domaine différent, qu'il leur est moins bien connu car la responsabilité des décisions leur incombe. Je ne pense pas qu'il y a ait une seule réponse valable. On doit prendre en compte les mérites relatifs des deux systèmes, sans doute, et tenter de constituer un bassin de références dont les autres ministères pourraient s'inspirer pour veiller à la qualité de leurs évaluations.
Le sénateur Callbeck : Madame Saint-Pierre, vous avez parlé de la Colombie-Britannique. Je pense qu'on a procédé à une évaluation de 1993 à 1999, dont on n'a pas encore les résultats. Le système en place au Québec diffère-t-il de l'évaluation menée en Colombie-Britannique?
[Français]
Mme Saint-Pierre : C'est très similaire puisque cette approche vient quand même de tout le courant de promotion de la santé ou santé de la population. C'est similaire.
En fait, l'idée est de s'assurer que lors du développement des politiques publiques, un éclairage santé soit apporté comme un éclairage économique ou d'autres types d'éclairage sur les impacts possibles. C'est sensiblement ce que je connais, parce que cela a duré quelques années, c'est la même approche. En Colombie-Britannique, il n'y a pas eu de loi pour obliger l'ensemble des ministères.
[Traduction]
Le sénateur Callbeck : Vous pensez donc qu'il est essentiel de légiférer, n'est-ce pas?
Mme Saint-Pierre : Oui.
Le sénateur Callbeck : C'est une chose que nous avons apprise.
Mme Saint-Pierre : Oui.
Le sénateur Callbeck : A-t-on tiré un autre enseignement de l'expérience de la Colombie-Britannique?
[Français]
Une autre leçon a été la présence des champions. C'est une façon de faire différente. Ce sont des innovations. Nous avons appris de la rencontre que nous avons tenue le 22 où il y avait des gens de la Colombie-Britannique. Des leaders, pas seulement au sein du gouvernement, mais des leaders académiques et des ONG ont un peu tracé les grandes leçons. Ensemble ils ont envoyé plusieurs messages pour créer le discours et faire en sorte qu'il y ait le plus de gens possible qui adhèrent. Il y avait cette leçon.
L'autre leçon était l'établissement des objectifs de santé large, c'est une époque où la Colombie-Britannique développait son programme de santé des populations avec une vision à long terme, et une santé définie largement.
Ce sont les points positifs qui ont apporté cette approche au sein du gouvernement. Une des difficultés qu'ils auraient éprouvée, selon un observateur, aurait été la difficulté méthodologique à laquelle je faisais référence, puisque cette approche vient de l'environnement où les évaluations d'impact en environnement sont des évaluations d'impact sur la santé physique, avec une causalité linéaire, comme un site d'enfouissement avec un dégagement d'émanations toxicologiques. On peut très bien faire ce lien avec la santé et la population.
Dans le domaine social, il est très difficile de faire ce même lien de relation exposition effets sur la santé. Donc l'approche n'avait pas la crédibilité scientifique que pouvait avoir l'approche en environnement et cela a créé des difficultés lorsque le gouvernement a voulu évaluer l'efficacité de cette approche qui a été jugée inefficace à changer la santé de la population. C'était irréaliste, en si peu de temps.
C'est une des raisons pour lesquelles cela ne s'est pas maintenu dans le temps.
[Traduction]
Le sénateur Callbeck : Je voudrais revenir au conseil proactif offert par le ministre de la Santé. Est-ce la loi qui donne ce pouvoir au ministre de la Santé?
Mme Saint-Pierre : Oui.
Le sénateur Callbeck : Le ministre de la Santé est-il censé donner ce conseil une fois l'étude d'impact terminée?
[Français]
Mme Saint-Pierre : Oui c'est la raison de cette entente avec l'Institut de santé publique.
[Traduction]
Le sénateur Callbeck : Monsieur Smith, y a-t-il eu des problèmes graves ou des défis dans la mise en œuvre des évaluations environnementales?
M. John Smith : Je rappellerais ici les propos de la commissaire à l'environnement et au développement durable, à savoir qu'elle estimait qu'il y avait une absence de prise en charge centralisée et d'encadrement. Une des principales difficultés est l'absence de prise en charge centralisée pour garantir que les conclusions des évaluations ont été suivies jusqu'au bout.
Le sénateur Callbeck : Vous avez dit que le Bureau du Conseil privé surveillait les ministères pour s'assurer qu'ils respectent les directives. C'est bien cela n'est-ce pas?
M. John Smith : Le bureau a pour rôle de surveiller l'ensemble des politiques et des programmes présentés au Cabinet. Ainsi, il prend connaissance des mémoires et des énoncés de politique pour s'assurer que les analyses et les recommandations qu'ils contiennent sont prêtes à être examinées par le Cabinet.
Le président : Je voudrais que tous deux vous répondiez à ma requête. Notre rapport est en cours de préparation. Il sera prêt en décembre. Nous avons rédigé quatre rapports préliminaires, comme vous le savez. À moins que des témoins comme vous nous amènent à changer de cap, nous avons l'intention de recommander une approche pangouvernementale même si cette notion a rencontré un grand nombre de détracteurs. Toutefois, l'approche a été retenue dans d'autres pays, dans certaines provinces, même en Ontario actuellement. D'emblée, nous avons l'intention de recommander une approche pangouvernementale en matière de santé des populations.
Nous allons souligner fermement la nécessité de redresser les inégalités en matière de santé, lesquelles, au Canada, sont énormes et souvent inadmissibles. Peu importe que je le dise en public mais en fait j'irais jusqu'à dire que ces inégalités sont une violation des droits de la personne, à mon avis.
Nous allons être très fermes et réclamer qu'on remédie à ces inégalités. Nous allons dire haut et fort que nous estimons que l'analyse d'impact sur la santé est possible, peut être faite, et doit l'être à l'échelle du pays. Nous allons recommander une autoroute information santé en matière de santé des populations qui va interrelier les collectivités, les banques municipales de données, les banques provinciales et fédérales et toute autre banque de données pertinente. Nous allons demander la participation de Statistique Canada, de l'Inforoute Santé Canada, de l'Institut canadien d'information sur la santé, et cetera.
Voilà ce que nous souhaitons pour l'essentiel. Nous sommes très impressionnés par le programme en vigueur à Terre-Neuve, et c'est grâce au sénateur Cook que nous avons été convaincus d'aller nous renseigner sur place, car elle est de Terre-Neuve. Le programme offre promptement des renseignements sur le bien-être de toutes les collectivités terre-neuviennes. Qui plus est — et c'est vraiment impressionnant — le programme permet de visualiser les modifications dans le bien-être de toutes les collectivités terre-neuviennes.
Si l'on combine cela avec certaines initiatives lancées en Saskatchewan, au Manitoba, au Québec, en Ontario et des banques de données sur les réserves autochtones — et j'entends par là les bonnes banques de données —, je pense que le Canada, grâce à un effort collectif, pourra s'attaquer aux inégalités en matière de santé et les redresser. Cela ne se fera pas du jour au lendemain mais je pense que le Canada, en tant que nation, ne pourra pas se dérober plus longtemps et ce sera là le message fondamental de notre rapport.
Madame Saint-Pierre, vous connaissez la situation au niveau provincial. Monsieur John Smith, vous avez l'expérience d'une tentative d'approche pangouvernementale en matière d'environnement. Signalez-nous les anicroches. Comment vous y prendriez-vous à notre place?
Mme Saint-Pierre : Vous me demandez ce que nous pensons de votre plan?
Le président : Oui. Dites-nous quelles sont les lacunes de notre plan, ce qui va marcher et ce qui ne marchera pas.
[Français]
Mme Saint-Pierre : En fait, je crois que votre position est très en phase avec celle de la majorité des pays, où on réfléchit sur la façon d'améliorer la santé de la population. Vous avez raison de dire qu'au Canada, il y a beaucoup de ressources que l'on ne connaît pas nécessairement.
Deux choses me viennent à l'esprit. L'idée les banques de données, les informations est sans doute la pierre angulaire pour pouvoir bâtir des projets et surtout pouvoir évaluer les interventions à faire, peu importe les stratégies que l'on choisit pour suivre l'amélioration de la santé de la population. Je crois que c'est sans doute la première étape.
Ce que nous réalisons avec beaucoup de bonheur, au Centre de collaboration nationale de santé publique, qui est un organisme pancanadien et transversal, ce sont les initiatives faites, très différentes les une des autres, dans chacune des provinces et ce manque de connaissances des initiatives d'une province à l'autre.
Vous parliez de Terre-Neuve; le centre est relativement nouveau, on ne connaît pas encore très bien toutes les initiatives. Mais les gens de l'Alberta seraient très certainement intéressés à entendre ce qui se passe en Saskatchewan, et vice-versa.
C'est un des rôles des centres de collaboration de développer ce réseautage et cette meilleure connaissance, d'une province à l'autre. Parce que vous avez raison, il y a beaucoup de réseautage qui existe et on commence à voir aussi des infrastructures de santé publique davantage pancanadienne.
Et je pense aux écoles de santé publique; les six écoles de santé publique qui sont en train de se mettre en place contribueront certainement à favoriser cette meilleure connaissance et ce partage d'information.
[Traduction]
M. John Smith : Il y a deux ou trois choses qu'il faut prendre en compte. Vous avez dit que votre rapport annoncerait qu'une analyse d'impact sur la santé était possible. À en juger par l'évaluation environnementale stratégique, je dirais que oui c'est possible. La notion est relativement simple. D'après notre expérience du processus, il importe de veiller à ce qu'il y ait une nette définition des responsabilités et de la reddition de comptes.
J'ai donné le pour et le contre tout à l'heure de l'approche auto-évaluative par rapport à l'approche centralisée. Toutefois, quelle que soit l'approche retenue en matière de responsabilité, il faut s'assurer qu'on peut compter sur un nombre adéquat d'experts, que ce soit dans plusieurs ministères ou dans un seul, et peu importe où se trouvera la prise de décision, il faut prévoir des experts.
Il est intéressant que vous ayez fait allusion à l'autoroute information santé pour la santé des populations et au lien avec les banques de données. En matière d'étude d'impact sur l'environnement, on utilise des systèmes d'information géographique reliés à des banques de données et à des sites Internet pour cerner la situation dans une localité donnée.
Quand nous procédons à une évaluation environnementale, nous examinons un projet dans un endroit donné, et il est très précieux de pouvoir compter sur des outils robustes comme ceux qui renseignent sur les conditions physiques et environnementales de la région et sur les autres projets menés en parallèle. Ce genre de travail en est probablement à ses balbutiements. On s'attelle ardûment à cette tâche au Canada et aux États-Unis.
C'est une approche valable. Les renseignements existent en quantité et c'est réalisable. Je suis loin d'être un expert informaticien mais d'après ce que j'ai vu, on peut assez facilement définir des systèmes qui peuvent réunir des renseignements disparates provenant de diverses sources pour en faire un tableau instantané. Pouvoir compter sur ce genre de renseignement serait très précieux.
Le sénateur Cook : Ma première question comporte un petit risque, du moins de mon point de vue. Au moment de l'élaboration des politiques, on procède à une évaluation environnementale et à une évaluation de l'impact sur la santé. Pour nos fins, est-il possible, pour être pratique, d'amalgamer ces deux évaluations au niveau des banques de données, des connaissances recueillies dans une province, afin de constituer une sorte de prototype, pour ainsi dire? Sera-t-il possible de fusionner les deux en cernant les éléments qu'ils ont en commun? Je crains d'être assez ignorante des études d'impact sur l'environnement par rapport à la santé. Je voudrais savoir si, sous l'angle pratique, ce serait possible?
M. John Smith : Les exigences actuelles, selon la loi pour l'évaluation des projets et d'après la directive du cabinet sur l'évaluation environnementale stratégique, imposent que l'on tienne compte des impacts sur la santé, mais sous certains angles seulement. Cela tient à la façon dont la directive et les dispositions législatives sont charpentées. On s'intéresse aux situations où un changement dans l'environnement entraîne des impacts pour la santé. Il y a donc des éléments sanitaires en l'occurrence mais cela n'englobe certes pas toute la gamme des déterminants de la santé sur lesquels porterait l'évaluation de l'impact sur la santé.
C'est la situation actuelle. Est-il possible de fusionner les deux? Je dirais que oui. Il faudrait toutefois se demander si en les fusionnant, nous ne risquons pas d'avoir une vision moins claire et définie des considérations environnementales. Autrement dit, les considérations sanitaires qui pourraient surgir surpasseraient-elles les considérations environnementales?
D'un point de vue strictement écologique, il serait peut-être avantageux de bien marquer la distinction pour ne pas perdre de vue les objectifs. Au moment où on élabore une politique et un programme dans un secteur, il y a d'autres problèmes dont on doit tenir compte également et au moment de la décision finale, une forme d'intégration se produit si bien que plusieurs secteurs s'emboîtent. Il serait peut-être avantageux de mettre en lumière de façon précise les divers secteurs qu'il faut aborder séparément afin d'éviter qu'un seul ne prenne pas le pas sur les autres.
Le sénateur Cook : C'est ma grande crainte. Je ne voudrais pas que le système soit bombardé. Je souhaite une définition claire. Si au niveau fédéral nous concevons quelque chose, je souhaiterais que les provinces puissent s'en servir facilement. Il faudrait éviter une base trop lourde même si l'objectif est la santé des gens au sommet.
Il faudrait recommander aux provinces d'apporter leur contribution ou d'en tirer ce dont elles ont besoin. À quel moment des mesures législatives fédérales seront-elles nécessaires pour garantir la protection qui s'impose?
Je vais ajouter ici une question sur le processus d'évaluation. Quelle durée devrait s'écouler entre l'étude d'impact et la demande d'évaluation? À Terre-Neuve, je pense que c'est deux ans.
Mme Saint-Pierre : Cela prend-il vraiment deux ans à Terre-Neuve?
Le sénateur Cook : Le processus est enclenché. La planification stratégique en est à sa deuxième année. Quand nous y sommes allés au mois de mai, l'évaluation commençait sur le terrain, après deux ans. Le processus d'évaluation est enclenché. Tous les ans, un rapport est déposé à l'assemblée législative par l'intermédiaire d'un comité du Cabinet mais à Terre-Neuve les choses sont dirigées fermement, avec un financement suffisant.
J'essaie de voir comment cela se compare à l'ensemble. Où situez-vous les études d'impact? En Colombie- Britannique, c'était obligatoire mais ça n'a pas abouti. Il faut des mesures législatives. Comment concevoir des mesures législatives pratiques pour garantir qu'on pare à l'essentiel, s'il faut faire la distinction entre santé et environnement? Il ne faudrait pas que le système soit alourdi à tel point qu'on répugne à l'utiliser en temps utile. Toutefois, je veux m'assurer que certaines choses ne sont pas facultatives. Voilà où je veux en venir.
M. John Smith : L'évaluation environnementale stratégique du point de vue du gouvernement fédéral n'est pas facultative. Elle correspond à une directive du Cabinet. Diverses organisations ont réclamé que cela soit inscrit dans la loi. Sera-t-il nécessaire de le faire? L'évaluation que nous ferons sous peu nous renseignera, espérons-le. Jusqu'à présent, cela n'a pas été nécessaire.
Il faut que l'évaluation de l'impact environnemental soit menée à bien dans le cadre de l'élaboration de la politique et qu'on présente aux ministres et au Cabinet des options et des recommandations. D'une certaine façon, si on légifère, on légifère tout le processus d'élaboration de la politique et de la prise de décision au sein du gouvernement et cela peut présenter des embuches.
Comme je l'ai dit, jusqu'à présent c'est grâce à une directive du Cabinet que cette exigence est obligatoire. Je le répète, le commissaire à l'environnement et au développement durable a rappelé que la reddition de comptes était capitale pour garantir que les choses sont faites correctement, et que les ministères puissent compter sur une source de référence dont ils peuvent s'inspirer.
Comme je l'ai dit, la possibilité d'une mesure législative a été évoquée mais je pense que les mécanismes fondamentaux sont tout aussi importants pour garantir l'atteinte de l'objectif. Cela répond-il à votre question?
Vous avez posé une question au sujet de l'échéancier en vue de l'évaluation. L'évaluation à laquelle on procède actuellement vise à s'assurer que la directive du Cabinet est respectée de façon générale. Autrement dit, nous ne faisons pas une évaluation chaque fois qu'une mesure est prise. C'est fait ponctuellement. Il y aura peut-être d'autres évaluations à l'avenir, mais le processus actuel, espérons-le, aboutira d'ici mars prochain. Nous vérifions l'application générale de la directive.
Le sénateur Cook : Dans ma province, le rapport se fait annuellement. Au nom de la transparence, l'évaluation ne devrait-elle pas être à l'avenant?
M. John Smith : Actuellement, on exige que les résultats de l'étude d'impact stratégique sur l'environnement soient divulgués. Il n'en va pas de même pour l'évaluation mais on exige qu'une étude d'impact stratégique sur l'environnement soit faite et que les résultats en soient divulgués.
M. Tim Smith, conseiller principal en politique, Agence canadienne d'évaluation environnementale : J'ajouterais qu'outre la divulgation de ces résultats, on s'attend à ce qu'un ministère qui entreprend une étude d'impact stratégique sur l'environnement, par exemple, se préoccupe du suivi des conclusions de cette analyse. Si l'analyse révèle que des mesures d'atténuation des impacts seraient souhaitables, on s'attend à ce que le ministère veille à ce que ces mesures aient l'incidence souhaitable sur le résultat de la politique. D'une certaine façon, je suppose que c'est une évaluation au cas par cas.
Le sénateur Cook : Forcément, tout système suppose des tensions étant donné que la santé relève des provinces. Mon instinct maternel me pousse à vouloir créer un système qui sera solide, obligatoire et adapté. Un système qui ne permette aucun désistement mais qui soit convivial pour que les provinces souhaitent s'en servir.
Je voudrais avoir votre opinion. Nous avons à peu près cerné l'impact environnemental mais je voudrais que vous me parliez de l'impact sur la santé.
[Français]
Mme Saint-Pierre : Votre préoccupation pragmatique touchant l'intégration et l'échéancier sont deux enjeux importants de la pratique d'évaluation de l'impact à la santé, qu'il s'agisse des projets ou au niveau politique. D'ailleurs, la littérature, surtout en Europe, en fait état. Devons-nous, l'intégration est-elle souhaitable afin d'éviter le fardeau pour les ministères? Comme le dit M. Smith, le risque d'édulcorer existe toujours. La préoccupation en santé est plus difficile en ce qui a trait aux aspects sociaux de la santé. Cet aspect est difficile à évaluer.
La préoccupation avec les inégalités en santé fait partie de l'approche d'évaluation d'impact à la santé, ce qui n'est pas le cas nécessairement en environnement. En tentant d'intégrer l'environnement et la santé, on risque d'éliminer les inégalités en santé. En même temps, pour être pragmatique et favoriser cette pratique au sein du gouvernement, il faut essayer de voir comment l'intégrer. Pour ce faire, l'approche pangouvernementale est nécessaire. Un des gains au sein du gouvernement québécois est la meilleure compréhension d'un ministère à l'autre. Au ministère de la Santé, les intervenants en santé publique comprennent un peu mieux les impératifs et les besoins des autres ministères. Cette approche permet un rapprochement entre les ministères.
Une étude intensive fut menée sur l'efficacité de l'approche d'évaluation d'impact de la santé en Europe. Cette étude s'est échelonnée sur trois ans. Dix-neuf pays ont contribué à cette évaluation de l'efficacité de l'approche. L'étude s'est penchée sur des projets parfois au niveau municipal, parfois au niveau provincial ou régional. Le bureau européen a mené cette étude. De façon générale, on a conclu que l'approche était efficace. Cette efficacité s'est révélée particulièrement en misant sur la capacité du processus à influencer les décideurs hors santé sur les déterminants larges de la santé. L'approche est efficace aussi lorsqu'il s'agit de changer les politiques en cours de route et pour renforcer le système administratif. Celui-ci devient alors plus cohérent, puisque le gouvernement est obligé de travailler moins en silo et de façon plus horizontale.
Il existe beaucoup d'enjeux. Le facteur temps est aussi important. Les politiques publiques se développent parfois rapidement. Il est alors difficile de faire des analyses rigoureuses sur la santé et d'apporter une information scientifique en temps voulu. Il y a donc des ajustements à faire de la part de tous les acteurs. Les décisions sont prises parfois sans prendre le temps de faire des recherches sur l'ensemble des considérations.
[Traduction]
Le sénateur Cook : Merci beaucoup. Je vais devoir faire ma propre analyse.
Le président : Je vais maintenant vous poser des questions très pointues.
Depuis quelques années, je suis vraiment fasciné par l'analogie entre le dossier de l'environnement et celui de la santé des populations. Ni l'un ni l'autre ne peuvent être résolus sans une approche d'ensemble de la part du gouvernement. Qui plus est, ni l'un ni l'autre ne peuvent être résolus sans une approche internationale qui chapeauterait celle du gouvernement.
J'ai parlé de la boucle afférente, c'est-à-dire la façon dont on recueille des renseignements à l'échelle communautaire, lesquels sont transmis à l'administration municipale, puis aux provinces, puis au gouvernement fédéral, et cetera. Ensuite, une fois rendu là, que les inégalités sont cernées — et nous avons dès maintenant une petite idée de ce qu'elles sont —, une fois qu'elles sont définies de façon plus précise, il faut, grâce à la boucle afférente, les redresser. Faute de quoi, l'exercice est une perte de temps. L'évaluation environnementale se rapproche de l'évaluation sanitaire. Je ne peux pas vous dire comment procéder avec l'environnement — vous en connaissez bien plus que moi là-dessus — mais en l'occurrence, vous devez vous préoccuper tant des 747 qui vont de Vancouver à St. John's, Terre-Neuve, que d'une population de 100 âmes dont le dépotoir contamine la nappe phréatique.
Si vous voulez avoir mainmise sur l'environnement, vous devez vous occuper de tout cela. N'en convenez-vous pas, monsieur Smith?
M. John Smith : Oui.
Le président : S'agissant de la santé des populations, nous faisons face au même dilemme. Nous ne pouvons lutter contre les pandémies à l'échelle provinciale. Nous pouvons apporter des modifications, et cetera. mais dans le cas d'une pandémie, il faut un plan national au moins, voire un plan international.
Dans le cas de certains autres déterminants de la santé auxquels on peut très bien apporter des correctifs, comme les collectivités qui n'ont pas d'eau potable, l'approvisionnement insuffisant en nourriture, en particulier dans le nord, les écoles et une instruction inadéquates, les cliniques médicales insuffisantes, et cetera. le redressement semble relativement simple même s'il exige beaucoup d'argent, sans doute, ou peut-être pas autant que ce que nous dépensons actuellement, parce que nous ne nous attaquons pas aux déterminants de la santé.
Voici où je veux en venir : serait-il possible de créer des réseaux grâce à l'autoroute information — santé, des réseaux verticaux? Voyez-vous la possibilité d'un réseau du haut au bas afin de redresser les inégalités en matière de santé ou est-ce une illusion?
M. John Smith : Il existe des possibilités inouïes de faire fonctionner de tels réseaux. Notre agence s'emploie à se connecter à des systèmes d'information portant sur les décisions prises en matière d'environnement. Et nous constatons qu'il est possible de relier ces renseignements pour les diffuser davantage afin qu'un décideur travaillant sur un dossier particulier puisse y accéder plus facilement.
Il n'est pas forcément facile d'obtenir tout ce dont on a besoin rapidement mais je pense que les possibilités existent. Il existe quantité de sources d'information et de banques de données et, dans le domaine de l'environnement, on a réussi à rassembler tout cela. Par conséquent, c'est faisable.
Votre autre question ne relève pas de mon domaine de compétence et je m'en remettrai à d'autres en ce qui concerne les défis que vous avez évoqués.
Le président : Excusez-moi, mais vous vous occupez d'environnement.
M. John Smith : La question d'environnement met en cause bien des situations, bien des enjeux, tous interreliés. Un de nos défis est d'éviter de faire fi des problèmes qui se posent. Nous devons au contraire nous assurer qu'ils sont fractionnés de façon gérable, sans quoi on est submergé. C'est une chose à ne pas oublier dans l'objectif que vous avez décrit. En matière de santé, comme en matière d'environnement, tout est inter relié. Il faut se garder de perdre de vue cette interrelation mais il ne faut pas qu'elle masque l'objectif. Les études d'impact doivent être faites impérativement et les plans doivent viser des tranches gérables afin que nous puissions progresser. Je ne sais pas si cela répond à votre question.
Le président : Oui. C'est une réponse encourageante.
Je vais maintenant aborder le cadre législatif. Tant en matière d'environnement qu'en matière de santé des populations, on peut envisager un cadre législatif similaire applicable dans les deux cas. Il y a les lois fédérales, les lois provinciales, les lois municipales et dans les plus petites agglomérations, les règlements municipaux, et cetera.
Je sais, parce que j'ai vérifié, que vous régissez, par exemple, la façon dont les ordures sont traitées dans les petites municipalités.
Comment avez-vous pu imposer cela à partir d'en haut?
M. John Smith : Je ne dirai pas que nous régissons la façon dont les ordures sont traitées dans les municipalités.
Le président : Vous avez raison. Je ne voudrais pas que cela figure au compte-rendu, et je vous remercie d'avoir rétabli les choses.
Vous avez prévu un incitatif pour vous assurer que quelqu'un va exécuter le travail, n'est-ce pas?
M. John Smith : Reprenez-moi si je digresse mais votre question porte surtout probablement sur les études d'impact faites pour des projets particuliers et prescrites par la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale. En l'occurrence, le processus fédéral est déclenché si des décisions au niveau fédéral s'imposent de sorte que nous nous occupons de toute une gamme de projets.
Dans n'importe quel projet, des conséquences environnementales peuvent être déterminées et des mesures d'atténuation imposées pour les contrer. Ces mesures d'atténuation sont déclenchées lorsque le gouvernement fédéral prend une décision concernant la réalisation de ces projets. Par exemple, si le projet est financé grâce à des fonds fédéraux, il peut être assorti de conditions pour veiller à ce qu'on remédie aux effets environnementaux, sans quoi le financement serait refusé. Qu'il s'agisse des modalités de financement ou de location ou encore de l'obtention d'un permis fédéral, le processus garantit que toute une gamme de problèmes environnementaux sont couverts.
Le processus ne donne pas au gouvernement fédéral le pouvoir de réglementer toutes les questions environnementales qui relèvent des municipalités et des provinces, mais il permet au gouvernement fédéral de décider d'imposer diverses mesures d'atténuation.
Les études d'impact permettent également de cerner toutes les exigences d'un projet car l'étude d'impact fédérale n'est pas la seule à intervenir. Il y a toute une gamme d'exigences provinciales ou municipales et d'autres contraintes fédérales.
Le processus d'évaluation environnementale est important et il peut être utile dans une gamme de situations, surtout quand il y a des imprévus, mais en soi, il ne prétend pas être l'autorité législative environnementale suprême. Il ne va pas jusque là.
Le président : Il faut la bonne volonté et l'adhésion des provinces, n'est-ce pas?
M. John Smith : Le processus fédéral s'applique aux décisions fédérales, à tout ce qui touche notre palier. Les gouvernements provinciaux ont aussi des processus d'évaluation environnementale, de sorte que nous nous efforçons de veiller à ce que les deux processus se complètent et nous coopérons dans les études d'impact de divers projets.
Le président : C'est essentiellement ce que nous recherchons pour notre cadre structurel.
Madame Saint-Pierre, je m'adresse à vous, parce que nous avons la chance d'avoir une agence de la santé publique du Canada et des agences semblables dans les provinces. Il y a des agents de santé publique dans les grandes villes et dans les petites agglomérations. Nous avons donc déjà un réseau sur le terrain.
Dans notre rapport, nous allons recommander une initiative majeure, à savoir consolider et en fait étayer considérablement le volet santé des populations de l'Agence de la santé publique du Canada et de ses homologues provinciales et quand les polycliniques seront instaurées, qu'une organisation semblable soit créée afin que les agents de santé publique puissent travailler avec les autorités sanitaires et municipales dont relèvent la douzaine environ de déterminants de la santé.
Au Québec, vous avez une vaste expérience. Pensez-vous que ce que je viens de décrire pourrait fonctionner au Québec?
[Français]
Mme Saint-Pierre : Je pourrais rajouter, que je suis heureuse que vous apportiez cet élément puisque c'est vraiment le rôle du centre de collaboration national sur les politiques publiques. Nous travaillons principalement avec les acteurs de santé publique qui œuvrent au niveau des régions de santé publique, des districts et des municipalités. L'évaluation d'impact sur la santé se pratique très bien aussi au municipal.
Nous avons participé, entre autres, à une rencontre le 22 février dernier où il y avait des répondants des différents ministères et de différents niveaux, concernant cette approche d'évaluation d'impact sur la santé, au niveau local. On leur demandait s'ils pensaient que c'était réaliste de promouvoir l'évaluation d'impact au niveau local, c'est-à-dire la santé publique avec les municipalités; il y a eu un consensus pour dire que oui puisque les acteurs de santé publique sont plus nombreux au niveau local, que dans les provinces au niveau gouvernemental; que les différents secteurs, que ce soit le logement, le transport ou l'éducation, travaillent plus facilement de façon intersectorielle.
Comme vous le dites, il y a des ressources de santé publique à ces niveaux. Les inégalités de santé sont souvent mieux perçues sur le terrain et les décideurs municipaux sont plus proches des effets de leurs décisions puisqu'ils les voient. Donc travailler à ce niveau semble être très porteur.
Les déterminants sociaux de la santé ont des causes structurelles, qui viennent souvent des décisions au provincial ou au fédéral. Donc le travail au niveau local seulement n'est pas suffisant, mais le fait de travailler en synergie augmente de beaucoup la capacité d'influence sur les politiques publiques ou sur le changement de culture.
Pour répondre à votre question, c'est un peu ce qui se passe au Québec. L'évaluation d'impact à la santé est instaurée au niveau gouvernemental. La Loi sur la santé publique au Québec donne aussi des leviers législatifs aux responsables de santé publique dans les régions et au niveau local, dernièrement. Cette loi a permis d'introduire des projets-pilotes entre le milieu local et les autorités de santé — pas seulement les autorités publiques, mais les autorités de santé — qui ont maintenant une responsabilité envers la santé de la populaire de leur territoire et les municipalités.
Et puisqu'elle propose une façon de faire très structurée, lui permettant d'agir dans un contexte un peu difficile, intersectoriel, l'approche de l'évaluation d'impact à la santé est vue comme une façon de rapprocher les deux univers : les municipalités et la santé publique.
Et le Centre de collaboration ce n'est pas seulement au Québec. Dans les consultations que nous avons effectuées dans plusieurs provinces, nous retrouvons dans cet intérêt de la santé publique, une volonté très manifeste de mieux travailler avec les municipalités qui prennent des décisions, qui ont des impacts sur la santé de la population.
Il y a un projet de recherche en cours qui se déroule à partir de la Saskatchewan afin d'aider à mieux comprendre les décisions que prennent les municipalités et la façon dont la santé publique pourrait travailler. Donc, c'est vraiment une autre avenue intéressante.
[Traduction]
Le sénateur Cochrane : Monsieur Smith, en tant que directeur de l'Agence canadienne d'évaluation environnementale, avez-vous des résultats positifs à partager avec nous? Pouvez-vous nous décrire un de vos succès — une de vos réalisations au sein de l'Agence et qui pourrait nous être utile?
M. John Smith : Je pourrais citer certaines réalisations et j'essaie de penser à quelque chose qui aurait un rapport avec notre discussion d'aujourd'hui.
La responsabilité d'appliquer la directive du cabinet est un processus d'auto-évaluation. Notre rôle consiste à offrir de la formation et du soutien, si bien que je vais citer certaines activités conçues à l'intention des ministères. M. Tim Smith pourra vous fournir des détails.
Notre rôle est plutôt limité mais nous avons offert de la formation avec bonheur et cela a suscité un vif intérêt au sein des ministères. Les ministères tiennent à appliquer la directive correctement et ils s'adressent à nous pour obtenir des conseils. Nous avons fait de l'assez bon travail à cet égard.
Le sénateur Cochrane : Dites-nous-en davantage sur la formation.
M. Tim Smith : Nous offrons un cours normalisé aux ministères, à l'intention des analystes des politiques afin qu'ils comprennent mieux le contenu de la directive du cabinet et les principes de l'évaluation environnementale stratégique. Ce cours est offert deux fois par an.
En outre, en collaboration avec une équipe interministérielle, nous avons préparé des documents de soutien. Par exemple, nous expliquons comment l'évaluation environnementale stratégique rejoint la notion de développement durable et nous expliquons l'intention qui a inspiré la révision de la directive du cabinet en 2004 au moment où on a inclus l'exigence d'une déclaration publique des résultats de l'EES.
Voilà le genre d'outils avec lesquels nous travaillons avec les ministères pour stimuler une application plus cohérente de la directive du cabinet et aplanir certaines des difficultés que le commissaire avait cernées dans son rapport de vérification de 2004.
Quant au succès que nous avons obtenu en la matière, nous en trouvons l'illustration dans les travaux du cabinet car nous encourageons les ministères à appliquer la directive du cabinet rigoureusement dans la préparation des documents qui lui sont destinés. Nous savons comment les ministères appliquent la directive du cabinet. Il y a bien entendu des ratés, mais des cas exemplaires également.
Le sénateur Cochrane : Pouvez-vous nous donner certains exemples?
M. Tim Smith : Je songe par exemple au deuxième volet de financement des programmes d'infrastructure. Très tôt dans le processus de conception de la politique — et c'est l'élément sur lequel j'aimerais insister un peu — l'équipe interministérielle s'est dit que c'était peut-être le moment de tenir compte des considérations environnementales. Cela a mené à un mécanisme stratégique.
Comme vous le savez, le deuxième volet du programme d'infrastructure vise en priorité les secteurs comme le traitement des eaux usées, les transports en commun, l'épuration de l'eau — autrement dit les investissements municipaux écologiques. Je ne voudrais pas aller jusqu'à dire que c'est la directive du cabinet à elle seule qui a ouvert la voie à cette fonction stratégique mais elle a contribué un tant soit peu à ce succès en l'occurrence. Nous mesurons le succès de l'application de la directive du cabinet quand les considérations environnementales sont prises en compte très tôt dans le processus d'élaboration de la politique.
Le succès est moins retentissant quand on y pense après coup, une fois la politique conçue. Autrement dit quand après coup on se demande s'il pourrait y avoir des impacts sur l'environnement et, le cas échéant on essaie de les atténuer rétroactivement.
Le sénateur Cochrane : Avez-vous fait une évaluation des impacts?
M. Tim Smith : Non. Mon collègue vous a parlé du travail que nous effectuons actuellement, à savoir l'évaluation de la directive du cabinet. Nous espérons que cela nous donnera une idée assez nette de l'incidence que l'évaluation environnementale stratégique aura sur les politiques.
Le sénateur Cochrane : Quand comptez-vous le savoir?
M. Tim Smith : Notre rapport devrait être prêt d'ici la fin de l'exercice financier.
Le sénateur Cochrane : Monsieur le président, il serait bon que nous l'obtenions.
M. John Smith a-t-il quelque chose à ajouter? Je cherche des exemples positifs.
M. John Smith : Je n'ai rien à ajouter à ce qu'a dit M. Tim Smith.
Le sénateur Cook : Si je comprends bien, le gouvernement fédéral a un rôle de surveillance et de promotion mais la mise en œuvre incombe aux provinces. Vous travaillez en collaboration avec les provinces, n'est-ce pas?
M. John Smith : Le cadre fédéral comporte deux éléments. Le premier, dont nous avons parlé abondamment aujourd'hui, est l'évaluation environnementale stratégique. Cette évaluation porte essentiellement sur la prise de décisions par le gouvernement fédéral et l'élaboration de politiques, de plans et de programmes. Elle porte sur tout ce qui est conçu par le gouvernement fédéral et concrétisé. Par conséquent, l'évaluation de l'impact environnemental mesure les incidences et les solutions possibles et, comme l'a dit M. Tim Smith, par la suite, vise à participer au rajustement qui s'impose en cours d'élaboration de ces politiques.
Je vous ai parlé des évaluations au niveau du projet. Il y a des mécanismes provinciaux pour l'évaluation environnementale de projets et il y a un mécanisme fédéral également. Le mécanisme fédéral consiste essentiellement à fournir des renseignements pour appuyer les décisions fédérales, sur le plan du financement, du site ou de l'autorisation en vertu de la réglementation. Il sert aussi dans le cas où le fédéral est le promoteur du projet car il fournit les renseignements nécessaires à la décision de consacrer des ressources financière ou foncières à un projet ou de lui accorder l'approbation réglementaire.
Au confluent d'un même projet, les deux processus d'évaluation environnementale, le provincial et le fédéral se rencontrent. La loi fédérale ne s'applique pas et elle n'a aucun effet sur la loi provinciale. Toutefois, les deux paliers se rencontrent quand ils sont tous deux actifs à l'occasion d'un même projet. À ce moment-là, la coopération règne car, dans la mesure du possible, on souhaite qu'un seul processus réponde aux exigences des deux paliers du gouvernement. C'est à ce moment-là qu'il y a interaction et coopération.
Nous avons des accords avec bien des provinces qui prévoient le cadre général de coopération. Ainsi, au cas par cas, nous collaborons et mettons au point, dans la mesure du possible, des processus communs. En l'absence d'accords, la coopération peut exister de toute façon, ce qui arrive très souvent. Toutefois, il n'y a pas superposition de mesures. Nous collaborons au niveau des évaluations individuelles.
Le sénateur Cook : Peut-on encore dire que le Canada a pour fondement des projets au niveau municipal?
Le président : Il faut mettre un terme à la discussion. Comme vous le savez, le sénateur Cook est de Terre-Neuve. Elle est difficile à suivre.
Le sénateur Cook : J'essaie de comprendre. Vous possédez quantité de connaissances que je convoite. Je n'ai même pas posé de questions à propos du changement climatique dans le contexte de l'environnement. Ce sera pour une autre fois.
Le président : Nous devons mettre un terme à la partie publique de notre séance, honorables sénateurs, car nous manquons de temps.
Le comité poursuit ses travaux à huis clos.