Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts
Fascicule 4 - Témoignages du 28 mai 2009
OTTAWA, le jeudi 28 mai 2009
Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui à 8 h 10 pour étudier l'état actuel et les perspectives d'avenir du secteur forestier au Canada.
Le sénateur Percy Mockler (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Bonjour, honorables sénateurs, bonjour à nos témoins. Je déclare la séance ouverte.
[Français]
Je vous souhaite la bienvenue au Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts.
[Traduction]
Je m'appelle Percy Mockler. Je suis un sénateur du Nouveau-Brunswick et je suis le président du comité.
J'aimerais commencer par demander aux membres du comité qui sont ici aujourd'hui de se présenter.
Le sénateur Fairbairn : Je viens de Lethbridge, en Alberta.
Le sénateur Cordy : Je suis un sénateur de la Nouvelle-Écosse.
[Français]
Le sénateur Poulin : Je vous souhaite la bienvenue à notre comité. Je m'appelle Marie-Paule Poulin. Je représente le Nord de l'Ontario.
Le sénateur Rivard : Bonjour. Je m'appelle Michel Rivard. Je représente la région de Québec.
[Traduction]
Le sénateur Eaton : Je suis un sénateur de l'Ontario.
Le sénateur Campbell : Je suis un sénateur de la Colombie-Britannique.
Le président : Je précise à l'intention de nos témoins que la réunion d'aujourd'hui est la neuvième réunion du comité consacrée à l'étude spéciale sur l'état actuel et les perspectives d'avenir du secteur forestier au Canada.
[Français]
Aujourd'hui, nous recevons des représentants de deux groupes.
[Traduction]
Aujourd'hui, nous accueillons Mme Carla Grant, directrice exécutive de l'Association forestière de l'Ontario, et M. Terry Clark, président du Conseil canadien des fabricants de meubles. Je souligne en outre la présence de M. Rob Keen, président de l'Association forestière de l'Ontario.
Les membres du comité remercient les témoins d'avoir accepté l'invitation de venir aujourd'hui nous faire partager leurs connaissances afin que nous puissions réaliser une étude et formuler des recommandations qui encourageront tous les intervenants à trouver des solutions pour le secteur de la foresterie de l'avenir.
Carla Grant, directrice exécutive, Association forestière de l'Ontario : Merci de nous offrir l'occasion de venir témoigner devant votre comité. Je commencerai sur une note personnelle. J'ai eu l'occasion de lire les transcriptions des délibérations que le comité a tenues mardi dernier ainsi que les commentaires de M. Tom Beckley, qui a été mon professeur et mon directeur de thèse à l'Université du Nouveau-Brunswick. J'étais ravie de lire ses commentaires. Je suis l'une des exportations de la province du Nouveau-Brunswick dont parle M. Beckley dans sa conclusion. Cela m'a fait plaisir, je dois l'admettre.
Je représente aujourd'hui l'Association forestière de l'Ontario, un organisme de bienfaisance fondé il y a 60 ans et qui se consacre à la sensibilisation et à l'éducation en matière d'intendance forestière. L'AFO collabore avec ses membres qui sont surtout des propriétaires de boisés de cette province, pour accroître les activités et les possibilités d'intendance forestière en Ontario.
L'AFO est une source digne de confiance d'information équilibrée sur les questions forestières dans la province. Nous administrons de nombreux programmes d'éducation et nous travaillons en étroite collaboration avec les enseignants.
L'AFO fait en outre la promotion des bonnes pratiques forestières et de la foresterie durable sur les terres publiques et privées de la province. Nous avons un rôle à jouer pour accroître la sensibilisation du public à ces questions.
Selon nous, l'Ontario est un chef de file mondial en matière de gestion durable des forêts, et tous les ordres de gouvernement doivent le faire savoir davantage. L'industrie a été pendant trop longtemps perçue comme non écologique alors qu'en fait, les forêts gérées de manière durable contribuent davantage que les forêts protégées ou préservées à l'atténuation des changements climatiques.
Le message qui a été diffusé auprès du public était erroné et l'industrie et le gouvernement devraient se tenir aux côtés de groupes tels que l'Association forestière de l'Ontario pour promouvoir l'industrie forestière en tant que secteur d'activité avant-gardiste et membre à part entière de l'économie verte. On a adopté une telle attitude ailleurs dans le monde, où le secteur de la forêt n'a pas été soumis aux mêmes fausses perceptions que celles qu'on constate ici, au Canada. Le public croit que la préservation des forêts est le moyen de combattre les changements climatiques et qu'il est mauvais de couper des arbres, quels qu'ils soient, alors qu'en fait, on a démontré que les forêts gérées de manière durable séquestrent davantage de carbone et que les produits forestiers sont fabriqués à partir d'une ressource renouvelable, ont des émissions nettes négatives grâce au traitement et captent le carbone tout au long de leur cycle de vie. Les produits du bois constituent des choix écologiques judicieux pour les consommateurs, en particulier lorsqu'on les compare aux autres matériaux de construction tels que l'acier, le béton et les plastiques. Le fossé entre les perceptions du public et la réalité s'étend jusqu'à la connaissance de la nature renouvelable de tous les produits forestiers.
L'AFO ne représente pas le secteur de l'industrie forestière de l'Ontario. Nous ne pouvons donc pas parler d'une voix qui fait autorité au sujet des origines et des causes de la crise qui frappe actuellement de plein fouet l'industrie forestière canadienne : le mode de tenure forestière, les coûts de transport élevés et les différends commerciaux sur le bois d'œuvre avec notre plus important partenaire commercial. Je suis certaine que les groupes de l'industrie forestière vous parlent de ces problèmes en long et en large. Nous sommes par contre en mesure de parler de la possibilité pour le gouvernement du Canada de promouvoir l'industrie forestière dans le monde afin de conserver nos marchés historiques, de tirer parti de débouchés nouveaux et prometteurs et d'améliorer notre position dans l'économie verte mondiale en plein essor. On peut faire beaucoup pour prendre le contre-pied des perceptions fausses du public et tirer parti des occasions extraordinaires d'être concurrentiels sur le marché des nouveaux produits forestiers.
L'industrie et le gouvernement doivent faire savoir à tous que nous sommes des chefs de file mondiaux pour ce qui est de la gestion de nos précieuses ressources forestières. Des organisations comme l'Association forestière de l'Ontario s'acquittent de ce mandat à l'échelle de la province depuis plus de 60 ans. Ce faisant, nous sommes constamment étonnés par le peu de connaissance de la population au sujet de la gestion et du renouvellement des forêts ontariennes. Un exemple frappant de ce manque de connaissance est la perception du public au sujet des coupes à blanc dans les écosystèmes alimentés par le feu.
Ce fait nous indique qu'il y a encore beaucoup de travail à accomplir pour informer nos propres citoyens et leur inculquer un sentiment de fierté à l'égard de la gestion de nos forêts. Nous préservons notre patrimoine forestier et nos aires de nature sauvage même si nous soutenons une industrie des produits forestiers. Ce ne sont pas là nécessairement des activités qui s'excluent l'une l'autre.
Je crois que la plupart des Canadiennes et des Canadiens remettraient en question un énoncé tel que « Plus de 70 % des forêts et régions boisées du Canada n'ont jamais été exploitées ». Or, cet énoncé est directement tiré du document de Ressources naturelles Canada intitulé L'État des forêts au Canada 2005-2006.
Malheureusement, les organismes tels que le nôtre sont confrontés à des difficultés durant la présente crise forestière alors même qu'ils s'efforcent de poursuivre leur travail de sensibilisation du public sur les questions concernant la foresterie. En Ontario, notre industrie forestière n'est plus en mesure de soutenir nos efforts, ce qui complique singulièrement notre tâche de diffusion de ces messages auprès du public.
Nous aimerions souligner quelques exemples de l'excellent travail accompli par Ressources naturelles Canada sur ces questions ainsi que la vision dont fait preuve le ministère. L'État des forêts au Canada. Rapport annuel 2008 a été publié en janvier 2009; ce document est passé pratiquement inaperçu.
Nous aimerions attirer l'attention sur la section intitulée « Une vision pour les forêts du Canada : 2008 et au-delà », car elle contient de l'information importante pour comprendre et mettre en contexte la transformation du secteur de la forêt et les changements climatiques en tant que visions d'avenir.
Nos forêts sont notre plus grande ressource naturelle. Alors, pourquoi les investissements publics dans les domaines de l'information sur la forêt, sa croissance et son renouvellement ne font-ils pas partie de nos investissements en infrastructure? L'investissement dans la sylviculture permet d'obtenir des avantages en termes de rendements futurs et de qualité de nos forêts. Les investissements dans les nouvelles forêts en accroîtront le nombre, et les investissements en information sur la forêt permettront au secteur de se transformer grâce à l'innovation.
Nous pouvons également investir dans l'information que nous recueillons sur les forêts existantes en améliorant nos inventaires forestiers portant sur les terres publiques et privées dans notre province. Pour ce qui est de la pénurie d'investissements dans la croissance des forêts et la sylviculture, on trouve dans tout le Sud de l'Ontario des exemples sur des terres privées, je le sais.
Il fut un temps où les propriétaires de forêts privées en Ontario avaient accès à du savoir-faire technique et à des ressources, à un coût minime, voire nul. À cette époque, les activités telles que les plantations d'arbres et la sylviculture étaient florissantes. Mais, maintenant que le gouvernement de l'Ontario a supprimé ces services, les propriétaires de forêts doivent assumer le fardeau des investissements personnels dans la gestion forestière.
Le gouvernement d'Ontario a réinvesti récemment dans les plantations d'arbres sur les terres privées par l'entremise d'organismes tels qu'Arbres Ontario, mais un vide demeure à combler pour ce qui est de l'aide à long terme pour le soin et l'entretien des forêts établies.
Il n'est pas rare de voir des plantations du Sud de l'Ontario qui sont négligées depuis des décennies et qui sont maintenant en plein déclin. Si des investissements appropriés avaient été faits en temps opportun, ces forêts seraient très florissantes aujourd'hui.
La seule mesure incitative offerte aux propriétaires de forêts en Ontario en vue de compenser leurs investissements dans l'intendance forestière et le coût de renonciation du maintien de la couverture forestière est le Programme d'encouragement fiscal pour les forêts aménagées. Il s'agit d'un important programme dans la province, mais celui-ci ne va pas assez loin pour compenser les investissements consentis en termes de foresterie durable qui sont nécessaires pour que tous en bénéficient.
Les propriétaires de boisés qui investissent personnellement dans la productivité à long terme de leurs forêts sont pénalisés parce que le régime canadien d'impôt sur le revenu ne reconnaît pas les forêts de petite taille comme des investissements commerciaux comme il le fait pour les exploitations agricoles. Personnellement, je dirais que les forêts méritent tout autant de recevoir un traitement favorable au point de vue fiscal en ce qui a trait aux investissements, en raison de la fonction écologique de ces terres tout au long de leur cycle de vie.
Les forêts contribuent à l'équilibre dans l'environnement, à notre bien-être et à notre santé. C'est particulièrement le cas quand elles sont exploitées de manière durable. Contrairement à ce qui se passe dans le cas d'un bien agricole classique, un bien forestier fournit des écoservices tels que la production d'oxygène, la filtration des eaux, la stabilisation du sol et des habitats essentiels, à tous les stades de son cycle de vie.
Les propriétaires de forêts qui souhaitent investir dans de bonnes pratiques forestières doivent maintenir leurs investissements durant de longues périodes et, selon l'Agence du revenu du Canada, les dépenses engagées pour mener à bien un plan de gestion forestière ne répondent pas aux exigences d'une attente raisonnable en termes de rendement sur l'investissement consenti. Il s'agit là d'une source de mécontentement permanente et, à notre avis, d'une attitude à courte vue, car cette catégorie d'investissements exige que le propriétaire de forêt fasse preuve de vision et s'engage à long terme. Il est vraiment regrettable qu'une telle vision et les possibilités qu'elle ouvre soient contrecarrées par la réglementation de l'impôt sur le revenu.
On pourrait en dire autant des transferts intergénérationnels de terres, mais je suis sûre que Peter DeMarsh, de la Fédération canadienne des propriétaires de boisés, a déjà soulevé ces préoccupations auprès du comité.
J'aimerais terminer mon intervention en disant ceci : nous croyons que le moment est venu pour le gouvernement du Canada de promouvoir l'industrie forestière en tant que secteur d'activité avant-gardiste et membre à part entière de l'économie verte, de créer des investissements dans la gestion de nos ressources forestières et de supprimer les obstacles à l'intendance des forêts.
Nous remercions le comité de nous avoir permis de présenter ces points de vue. Nous répondrons avec plaisir à vos questions, le moment venu et nous développerons au besoin certains des aspects que nous venons de couvrir.
Terry Clark, président, Conseil canadien des fabricants de meubles : Je suis ici aujourd'hui à titre de président du Canadian Council of Furniture Manufacturers, une organisation nationale créée en 1965 et qui représente trois associations de fabricants de meubles pour maison — l'Association des fabricants de meubles du Québec, l'Ontario Furniture Manufacturers Association et Furniture West Incorporated, dont je préside actuellement le conseil.
Je suis depuis 32 ans président et propriétaire d'une entreprise de fabrication de meubles à Winnipeg, je suis donc bien conscient de l'importante contribution des produits forestiers canadiens pour nos membres dans tout le pays. En 2008, il y avait environ 1 600 fabricants de meubles au Canada, dont la production était ainsi répartie : environ 40 p. 100 au Québec, 35 p. 100 en Ontario, 12 p. 100 en Colombie-Britannique et, dans des proportions plus modestes, en Alberta et au Manitoba.
L'industrie est dominée par les petites entreprises familiales qui ont des racines profondes dans les collectivités où elles sont installées. L'entreprise moyenne compte une cinquantaine de travailleurs et consacre environ 70 p. 100 de ses activités à la production de meubles en bois, 20 p. 100 à la production de meubles rembourrés et 10 p. 100 à la catégorie appelée « autres meubles ». L'effectif national s'élève à environ 93 000 employés.
Le principal matériau utilisé dans l'industrie est le sciage de feuillus. Le cerisier noir, le chêne rouge et l'érable représentent 50 p. 100 des sciages utilisés. Le choix des essences varie selon la région, la catégorie de produit, le style et le prix arrondi. En raison de la prévalence des résineux dans l'Ouest du Canada, par exemple, les fabricants dans cette région utilisent plus souvent ce matériau précis.
Outre le bois massif, l'industrie utilise de grandes quantités de panneaux de bois d'ingénierie d'épaisseurs variées, dont les panneaux de particules, les panneaux de fibres de densité moyenne, les panneaux durs et les panneaux à copeaux orientés. Le segment des meubles rembourrés utilise de plus en plus d'éléments techniques dans les bâtis.
Finalement, le contreplaqué de feuillus et de résineux ainsi que le bois de placage viennent compléter la gamme des produits du bois auxquels nos fabricants ajoutent de la valeur. Notre consommation annuelle totale de matériaux de bois qui entrent dans la fabrication de meubles de maison est estimée à plus de 320 millions de pieds-planches, ce qui représente une valeur de près de 1 milliard de dollars.
Les fabricants de meubles canadiens ont une excellente réputation, ce qui a permis à nombre d'entre eux d'exporter aux États-Unis. Quatre-vingt-quatorze pour cent de nos exportations sont destinées aux États-Unis. Ces dernières années, des facteurs externes, notamment la valeur élevée du dollar canadien face à la devise américaine, ont affaibli notre position concurrentielle sur le marché américain. Un autre défi vient de la compétition plus forte des meubles chinois sur les marchés américains comme sur nos marchés nationaux. La Chine a remplacé le Canada comme principal exportateur sur le marché américain, à hauteur de 50 p. 100, et elle nous a laissés loin derrière avec 14 p. 100. Depuis cinq ans, les meubles d'Asie comblent aussi environ 50 p. 100 de la demande interne de consommation. En 2007, ils ont dépassé les 50 p. 100, avec un effet particulièrement marqué sur notre secteur des meubles rembourrés. Toutefois, contrairement à nombre d'entreprises américaines, la majorité des fabricants canadiens n'ont pas encore commencé à déplacer leur production vers l'Asie. Malgré une importante restructuration qui s'imposait en raison de la concurrence accrue de fournisseurs qui utilisent une main-d'œuvre bon marché, l'industrie canadienne du meuble a maintenu sa base dans notre pays.
Nous sommes optimistes et nous croyons que cela constituera un atout précieux dans les années à venir, lorsque la reprise de l'économie américaine stimulera une demande de meubles que l'industrie locale des États-Unis sera incapable de satisfaire. En outre, la proximité du marché américain peut devenir un avantage plus important pour les entreprises canadiennes en raison des coûts croissants du transport dans le monde.
À l'avenir, pour réussir à exporter des meubles vers les États-Unis, toutefois, les fabricants canadiens devront également être en mesure de respecter les nouvelles règles américaines concernant les matériaux, notamment celles précisées dans le Consumer Product Safety Improvement Act, qui deviendra loi en 2010. Notre industrie continuera de travailler en étroite collaboration avec les fournisseurs de panneaux de bois d'ingénierie et elle comptera sur ses fournisseurs pour satisfaire à la nouvelle exigence qui limite la teneur en urée-formaldéhyde et pour élaborer des matériaux pour meubles en bois ou rembourrés qui seront conformes aux nouvelles règles environnementales.
Nous voulons insister et bien faire comprendre aux membres du comité que nous comptons sur l'industrie des produits forestiers non seulement pour les fournitures qu'il nous offre, mais aussi pour les travaux de R-D qu'elle mène par l'entremise d'organismes comme Forintek et FPInnovations, qui nous aident à mettre au point les nouveaux produits dont le marché de la consommation aura besoin pour se conformer aux règles environnementales et de protection de la santé instaurées en vertu de lois comme la Consumer Product Safety Improvement Act aux États-Unis.
Nous reconnaissons que même si nous déployons des efforts conscients pour maintenir une masse critique en termes de fabrication de meubles au Canada, il nous faudra établir des alliances avec des fournisseurs de produits forestiers, par exemple les fournisseurs locaux de sciages et les fabricants de composantes.
Voilà qui met fin à mes commentaires, monsieur le président. Je répondrai avec plaisir aux questions du comité le moment venu.
[Français]
Le sénateur Poulin : Madame Grant, je vous remercie de votre très intéressante présentation. Vous aviez raison, nous avons entendu les témoignages de plusieurs témoins. À chacun, je pose exactement la même question. Le premier objectif de notre étude est d'examiner les causes et les origines de la présente crise forestière.
Pourriez-vous nous résumer, en tant que directrice exécutive de l'Association forestière de l'Ontario, comment vous voyez les causes de la crise forestière que nous vivons présentement au Canada, principalement en Ontario?
[Traduction]
Mme Grant : J'ai vu les effets de la crise dans les collectivités du Nord. En Ontario, une grande partie de la discussion a porté sur les coûts énergétiques du secteur forestier, les coûts de transport qui sont élevés eux aussi et ce qu'il en coûte pour amener le bois des zones de coupe jusqu'aux scieries. Ce sont là des facteurs très importants. En outre, l'ascension du dollar canadien a eu un effet considérable sur l'importation de produits du bois aux États-Unis.
Le système de gestion des forêts, en Ontario, a longtemps été considéré comme un élément positif. Il existe un rigoureux système de gestion des forêts dans la province, mais une grande partie du travail est délégué aux entreprises elles-mêmes. L'industrie a notamment mentionné le processus de gestion et le mode de tenure forestière parmi les causes profondes de la crise.
[Français]
Le sénateur Poulin : Monsieur Keen, aimeriez-vous ajouter quelque chose aux commentaires de Mme Grant sur les causes de la crise forestière?
[Traduction]
Rob Keen, président, Association forestière de l'Ontario : Mme Grant a parlé des coûts de gestion que l'industrie forestière doit supporter pour planifier les activités dans les forêts pour les nombreux utilisateurs des forêts du Nord de l'Ontario. L'industrie forestière fait beaucoup de planification pour ces forêts et, malheureusement, elle doit en assumer les coûts. Pour l'instant, de nombreux autres utilisateurs ne contribuent aucunement aux coûts de planification. Cela me paraît injuste, puisque nos forêts servent à de multiples fins, notamment la récréation et le tourisme, et toutes ces autres utilisations. Il ne semble pas équitable que l'industrie forestière doive assumer la majeure partie des coûts de planification.
Le sénateur Poulin : Madame Grant, dans votre exposé vous avez également mentionné que le ministère des Ressources naturelles faisait du bon travail. Pourriez-vous nous dire ce qui constitue, à vos yeux, les principaux rôles et responsabilités du gouvernement fédéral relativement à l'industrie forestière?
Mme Grant : Le rôle principal du gouvernement fédéral serait de promouvoir l'industrie dans le monde et d'investir dans la ressource elle-même à l'échelle nationale. Le gouvernement devrait participer à la réalisation d'inventaires forestiers et s'efforcer de mieux comprendre la ressource forestière. Le gouvernement devrait investir en sylviculture dans toutes les régions du Canada et encourager la fierté des Canadiens à l'égard de l'industrie de calibre mondial que nous avons ici, au Canada.
Le sénateur Poulin : Vous voulez ajouter quelque chose, monsieur Keen?
M. Keen : Il nous faut faire savoir à nos propres citoyens que nos forêts sont très bien gérées. Nous devons leur expliquer les ressources que nous avons et l'importance de notre industrie pour le Canada. Je crois que bien des gens ne sont pas conscients de l'importance de cette industrie au Canada
Le sénateur Poulin : Nous le savons certainement dans le Nord de l'Ontario, avec la dévastation que la crise provoque dans nos collectivités, pour nos habitants et nos institutions.
M. Keen : Précisément, et par ailleurs, si vous lisez ou ne lisez pas au sujet de la dévastation dans le Nord de l'Ontario, les habitants des collectivités du Sud de l'Ontario ignorent ce qui se passe actuellement dans les collectivités du Nord de l'Ontario.
Le sénateur Poulin : C'est parce que nous avons un grand pays.
[Français]
Monsieur Clark, pouvez-vous, en tant que président du Conseil canadien des fabricants de meubles, nous donner votre analyse des causes de cette crise forestière?
[Traduction]
M. Clark : Comme je l'ai expliqué, sénateur, nous sommes des consommateurs de fibres et de bois d'œuvre. Nous avons bien sûr lu au sujet de la crise dont vous parlez, et j'ai lu les commentaires que M. Lazar a formulés devant le comité, mais nous avons sans doute mal évalué la dévastation dans notre propre secteur et nous ignorons l'ampleur des pertes d'emploi et de la disparition de scieries et de capacités de sciage.
Je veux aujourd'hui assurer aux membres du comité que les produits forestiers canadiens sont importants pour nous en tant qu'industrie nationale, et importants pour nous en tant qu'industrie exportatrice canadienne, et nous croyons qu'il ne faut rien ménager pour sauver cette industrie.
Deux des commentaires que M. Lazar a faits portaient sur les méthodes de financement et la façon dont l'industrie des produits forestiers est récompensée, si l'on peut s'exprimer ainsi, pour la recherche et l'innovation. C'est un facteur négatif, puisque nos fabricants ne sont pas admissibles. Je sais qu'il a suggéré au comité et dans la presse qu'il serait bénéfique d'assouplir les dispositions relatives à la déduction accélérée pour gains de capital et aux dispositions de récupération.
M. Lazar a également dit, et nous sommes d'accord avec lui, qu'il faut insister pour que l'industrie soit plus écologique, si vous voulez. Nous recevons de plus en plus de demandes pour que nos produits contiennent des matériaux verts, et nous constatons que cette tendance commence à se manifester également dans le domaine des meubles pour établissements publics. Nous remarquons en outre maintenant que les consommateurs du secteur domiciliaire sont de mieux en mieux informés.
[Français]
Le sénateur Rivard : Monsieur Clark, j'ai été surpris de vous entendre décliner les statistiques à la baisse de nos exportations de meubles Canadiens aux États-Unis et l'importance de la production chinoise importée ici.
Cela veut-il dire que nous devrions avoir un système de protectionnisme pour mettre un frein à cela? Deux importants manufacturiers exportateurs au Québec exportaient en Asie avant soit South Shore Furniture pour les industries de la rive sud, et Shermag à Montréal. Quelles seraient vos prédictions à court et à moyen termes? Et surtout, devrait-on, malgré la mondialisation, mettre un frein à cette débandade de l'industrie du meuble au Canada?
[Traduction]
M. Clark : La concurrence étrangère, celle de la Chine surtout et de l'Asie en général, touche principalement les tranches de prix inférieures à moyennes. Les fabricants canadiens ont créé des créneaux pour les produits haut de gamme, qu'il est possible d'adapter et de livrer plus rapidement. La concurrence étrangère ne peut pas réagir aussi rapidement. Comme nous tous, ici, sommes des consommateurs des produits que nous fabriquons et du genre d'activités qui nous fait vivre, il y a une « uniformité » sur le marché des produits importés qu'une entreprise comme Shermag peut se permettre d'ignorer. Elle peut adapter le produit au client en en modifiant la couleur, le fini ou le style, et elle peut le faire dans des délais raisonnables, contrairement aux fabricants étrangers, mais nous ne pouvons pas soutenir la concurrence au niveau des prix. Il faut que les volumes soient élevés, que le style et le fini soient identiques. Nous croyons que l'augmentation des coûts de transport dans le monde viendra éliminer en partie cet avantage de la concurrence.
Le sénateur Rivard : Pensez-vous que certaines entreprises, par exemple South Shore Furniture, iront s'établir en Chine pour fabriquer leur produit là-bas et le réimporter au Canada?
M. Clark : Au contraire, sénateur Rivard, des fabricants canadiens, et en particulier ceux dont vous parlez, ont bien essayé d'obtenir des composantes de la Chine, mais ils n'ont pas été très satisfaits en termes de qualité et de service. Les deux exemples que vous mentionnez sont des entreprises qui ont éprouvé beaucoup de difficultés et qui se sont restructurées avec diligence pour pouvoir maintenir leur base au Canada.
Le sénateur Eaton : J'aimerais continuer dans la même voie que le sénateur Rivard. Il s'agit de créneaux caractérisés par des produits de grande qualité et des délais de livraison serrés. Est-ce que cela nous rend concurrentiels si le dollar poursuit sa montée? Nous aurons bien sûr un déficit, cette année, mais il semble que nous soyons quand même en bien meilleure position que les autres pays du G7. Notre PIB est très supérieur; nous sommes beaucoup mieux placés que d'autres pays pour sortir de la récession. Cela signifie que, si les États-Unis continuent de dépenser, notre dollar s'appréciera probablement à court terme. Êtes-vous prêts à faire face à cette éventualité?
M. Clark : J'aimerais vous répondre, sénateur Eaton, que nous faisons notre possible. Un dollar qui se situe aux environs de 80 ¢ est très avantageux pour les exportateurs canadiens de meubles. Au-delà de 90 cents, il est non seulement nuisible, il profite en outre aux Américains qui produisent encore et qui veulent exporter chez nous.
Le sénateur Eaton : Mais est-ce que vous envisagez diverses options?
M. Clark : Oui.
Le sénateur Eaton : Vous vous préparez?
M. Clark : Oui, nous le faisons.
Le sénateur Eaton : Croyez-vous que, dans l'ensemble, nous sommes aussi solides que possible en matière de conception et aussi solides que possible en matière de marketing?
M. Clark : C'est une question subjective, sénateur.
Le sénateur Eaton : J'espère que vous nous donnerez quelques précisions.
M. Clark : Selon moi, nous nous en tirons très bien. La concurrence, en particulier celle dans les tranches de prix inférieures ou moyennes, s'est réinstallée à l'étranger et a créé l'uniformité sur le marché, comme je l'ai expliqué au sénateur Rivard, et nous avons maintenant la possibilité d'exceller. Notre stratégie comprend le sur-mesure de masse, et ce secteur de l'industrie continue de s'améliorer
Le sénateur Eaton : Le sénateur Rivard a parlé d'une politique de création d'obstacles. En écoutant les témoins, au fil des semaines, il me semble que nous ne répétons pas constamment aux consommateurs qu'il faut acheter des produits canadiens, qu'il faut créer des emplois pour les Canadiens, qu'il faut appuyer notre industrie. Nous ne le faisons pas, n'est-ce pas? Nous ne sommes pas naturellement portés à mettre le Canada en évidence. Nous sommes très discrets. Est-ce que nous avons essayé de procéder ainsi?
M. Clark : Certainement, sénateur Eaton. L'une des grandes entreprises de la région du sénateur Rivard fait de la publicité, elle commercialise ses produits et encourage l'achat chez nous, l'achat de produits faits au Canada par des Canadiens.
Dans le secteur du détail, lorsque les vendeurs de nos produits mettent l'accent sur les prix et les conditions plutôt que sur la valeur, le coût de vie et la qualité, le combat est très difficile. Toutefois, les consommateurs sont de mieux en mieux informés, car les méthodes de commercialisation et de distribution évoluent. De plus en plus d'entreprises utilisent Internet pour commercialiser leurs produits, et les consommateurs sont beaucoup mieux informés de cette façon. Le prix n'est pas le premier renseignement qu'ils voient lorsqu'ils font des recherches sur Internet, quand ils cherchent un article; ils voient les caractéristiques de fabrication, la durabilité, les garanties, et cetera.
Les personnes qui procèdent ainsi montrent que les consommateurs veulent avoir de l'information. C'est un message difficile à faire comprendre, comme le disaient en quelque sorte les autres témoins qui ont parlé de mieux faire connaître l'industrie à la population. Le meuble est un article esthétique, mais au niveau de la distribution la publicité est surtout axée sur les prix.
Le sénateur Poulin : J'ai entendu un reportage ce matin à Radio-Canada. Un ancien banquier prédit que le pétrole atteindra les 200 $ le baril au cours des 24 prochains mois, et que cette évolution favorisera les fabricants canadiens.
Mme Grant a affirmé que le coût du transport était l'une des principales causes de la crise de l'industrie forestière, et voilà qu'on nous dit maintenant que cela profitera au secteur manufacturier. Avez-vous quelque chose à dire à ce sujet, monsieur Clark? Comment faut-il interpréter cela?
M. Clark : Sénateur Poulin, les exportateurs canadiens de nombreux produits, pas seulement les fabricants de meubles pour maison, préfèrent qu'il y ait un écart de 20 cents entre notre dollar et la devise américaine. Certains d'entre nous croient, pour des raisons d'économies d'échelle dans nos industries, que cela uniformise les règles du jeu en termes de démographie et de possibilités. Toutefois, nous devons transporter des produits dont le ratio volume/valeur est élevé. Alors si la prévision que vous venez de mentionner est juste, cela menacera aussi la distribution du produit — son expédition sur le marché.
Le sénateur Cordy : Nous savons que les meubles des fabricants canadiens sont des produits haut de gamme. Nous savons que le coût est certainement un facteur déterminant quand les Canadiens achètent les produits importés d'Asie. Nous savons que leur qualité n'est certainement pas la même que celles des produits canadiens. D'autres ont mentionné précédemment que nous devrions insister sur certains types de messages — par exemple la publicité écologique, l'embauche de Canadiens et la qualité — pour promouvoir les meubles canadiens.
Vous avez parlé du coût des transports et du fait que nous sommes voisins du marché américain, mais cela touche aussi les marchés au Canada. Le Canada est un grand pays, et le transport est également un facteur ici.
Je ne suis pas certaine que nous puissions nous fier à cela. Je savais que le marché canadien était inondé de meubles provenant de la Chine. Je n'ai pas vu de chiffres, mais il me semble que l'on vend beaucoup plus de ces meubles que des meubles d'autres régions du monde. J'ignorais toutefois que les importations chinoises aux États-Unis représentaient 50 p. 100 du marché alors que celles du Canada s'établissent à 14 p. 100. C'est un écart très important à combler.
Devrions-nous faire plus que simplement espérer être sauvés par les coûts de transport? Que devrions-nous faire, du point de vue du gouvernement fédéral? Plutôt que de simplement attendre les fluctuations de la devise canadienne ou une évolution des coûts de transport, ne devrions-nous pas être proactifs? Quel genre de mesures devrions-nous prendre pour que nos fabricants de meubles soient encore viables dans 40 ans?
M. Clark : C'est une excellente question, sénateur Cordy. Merci de louer ainsi la qualité des produits de notre industrie.
Je peux entre autres faire remarquer au comité que l'emballage représente entre 8 et 10 p. 100 du coût de nos produits. Là encore, comme je l'ai dit, il est très coûteux d'expédier les produits que nous fabriquons au Canada ou à l'extérieur du Canada.
Comme les normes environnementales sont de plus en plus strictes en ce qui concerne l'emballage, nous devrons relever notre efficacité à cet égard. Cela intéresse nos collègues de l'industrie des produits forestiers, car nombre de leurs produits sont utilisés pour fabriquer des palettes, des caisses à claire-voie et des conteneurs. Si nous trouvons des moyens de simplifier l'emballage, de recycler les matériaux et de réduire nos coûts d'emballage, cela nous aidera beaucoup au chapitre de la distribution. Nous travaillerons en étroite collaboration avec l'industrie forestière pour écologiser nos pratiques.
J'ignore si les membres du comité connaissent l'existence du California Air Resources Board, le CARB. Ce conseil a fait adopter de nouvelles normes sur la teneur en formaldéhyde. Cela s'applique aux panneaux de particules, aux panneaux de fibres de densité moyenne et au contreplaqué de feuillus utilisés pour la fabrication de structures pour meubles rembourrés. À compter de 2010, les exportateurs canadiens de meubles en bois ou de meubles rembourrés qui vendent des produits en Californie devront respecter les nouvelles règles concernant le formaldéhyde.
Cela signifie que l'industrie forestière devra nous fournir des matériaux à plus faible teneur en formaldéhyde. Ces matériaux doivent avoir été testés et certifiés par un laboratoire indépendant, et je sais que cela posera des difficultés à l'industrie des produits forestiers. Le fabricant de meubles doit tenir des registres pour la chaîne de possession et il doit étiqueter le produit pour pouvoir le vendre en Californie en vertu de la nouvelle norme.
La non-conformité entraîne de lourdes amendes. Le sénateur Rivard n'est pas ici, mais l'une des sociétés qu'il a mentionnées ce matin a déjà été pénalisée en Californie pour non-conformité d'un produit chez le détaillant. Les inspections se font au hasard. Malheureusement, dans notre industrie, nous savons d'expérience que ce qui commence en Californie se répand généralement dans d'autres États.
Ma réponse n'est pas concise, sénateur Cordy, mais si nous nous conformons pour vendre en Californie et aux États-Unis des produits à teneur réduite en formaldéhyde, nous aurons une longueur d'avance sur les importateurs asiatiques. Cela serait un avantage.
Le sénateur Cordy : Est-ce que le Canada s'apprête à légiférer en matière de produits à teneur réduite en formaldéhyde?
M. Clark : Pas à notre connaissance.
Le sénateur Cordy : Cela serait utile pour votre industrie.
M. Clark : Il y a déjà des producteurs de panneaux de particules et de panneaux de fibres de densité moyenne au Canada qui offrent des produits sans formaldéhyde. Ces produits nous sont offerts.
Le sénateur Cordy : Si cela devenait loi au Canada, puisque nombre de nos fabricants le font déjà, cela aiderait l'industrie du meuble au Canada.
M. Clark : En effet.
Le sénateur Cordy : Plutôt que de compter sur les États-Unis pour formuler des lois, nous devrions peut-être le faire nous-mêmes. Vous êtes d'accord?
M. Clark : Vous présentez un argument très intéressant.
Le sénateur Cordy : Madame Grant, une partie de votre mandat consiste à éduquer. Vous avez parlé de promouvoir l'industrie dans le monde et vous avez parlé de ce que le gouvernement canadien pourrait faire, lui aussi. Si je me souviens bien, vous avez dit que pour des organisations comme la vôtre — vous êtes un organisme sans but lucratif — il était de plus en plus difficile, dans l'économie actuelle, de consacrer des sommes importantes à l'éducation, et que c'était un rôle que le gouvernement canadien pourrait assumer.
Pourriez-vous être plus précise? Vous avez parlé de la vision pour les forêts du Canada, énoncée dans un rapport que Ressources naturelles a publié en janvier 2009. Vous avez dit que peu de personnes étaient au courant, mais que ce rapport contenait une information intéressante.
Pourriez-vous nous donner quelques précisions, plutôt que de simplement dire que le gouvernement fédéral devrait promouvoir l'industrie? Qu'est-ce que le gouvernement fédéral devrait faire, précisément, pour promouvoir l'industrie et éduquer les Canadiens?
La majorité de notre population vit dans les villes, et même si les dossiers de l'industrie forestière devraient en principe intéresser tous les Canadiens, nous ne leur accordons pas toute l'attention qu'ils méritent. Que devrait faire le gouvernement fédéral pour éduquer la population?
Mme Grant : Je constate certainement cette désaffection dans les régions urbaines. Puisque nous sommes à Toronto, nous participons à un certain nombre de manifestations publiques, nous parlons à la population de la foresterie dans notre province. Il y a un large fossé, d'après ce que je constate, entre le Nord et le Sud, entre les régions urbaines et les régions rurales du Canada. Je crois que les zones urbaines font porter leur attention sur les dossiers urbains et qu'elles restent sourdes aux difficultés de l'industrie forestière.
Au Canada, nous ne sommes pas conscients de la gravité de la crise que connaît l'industrie forestière. Si quelque chose se passe dans l'industrie de l'auto, nous suivons de près le débat. L'industrie forestière vient au deuxième rang derrière l'industrie de l'automobile, mais, malgré cela, la population en général aurait de la difficulté à vous dire combien de scieries ont dû fermer et combien de personnes ont été touchées par ces fermetures dans les collectivités à industrie unique.
En matière de sensibilisation, il faudrait expliquer à la population que l'industrie forestière traverse une crise. Il faudrait lui dire que nous faisons un excellent travail pour gérer nos ressources naturelles. Comme je l'ai dit, nous réussissons à préserver la nature dans notre pays tout en appuyant le secteur de l'industrie forestière. Nous sommes en mesure de concilier les deux.
En tant que Canadiens, nous devons tous connaître l'existence de cette industrie et en tirer fierté. Je parle du secteur des produits aussi, puisqu'acheter des produits canadiens devrait être considéré comme écologique. Acheter un produit forestier canadien devrait être perçu comme un geste écologique et comme une décision qui sert bien notre pays.
Le sénateur Cordy : Il y a aussi l'effet domino; la situation ne touche pas seulement le secteur forestier, elle a des effets dans un certain nombre d'autres secteurs.
J'aimerais parler des incitatifs fiscaux. Vous avez dit, avec raison, qu'un plan de gestion des forêts ne peut pas être exécuté en un an. La foresterie étant ce qu'elle est, cela se fait sur de longues périodes. Pourtant, selon Revenu Canada, cela ne satisfait pas aux attentes raisonnables en matière de rendement des investissements.
Cela me paraît illogique, dans le cas de l'industrie forestière. Cet argument serait logique si je fabriquais des montres, mais pas si je fais pousser un arbre. Est-ce que votre association a tenté de faire comprendre la situation à Revenu Canada?
Mme Grant : Nous avons fait quelques efforts. Nous avons travaillé dans le dossier des questions d'impôt foncier dans la province. Je sais que la Fédération canadienne des propriétaires de boisés a collaboré avec des représentants fédéraux pour tenter de faire comprendre ces questions d'impôt sur le revenu.
Je parle du point de vue des boisés privés, dans ce cas, pour faire la comparaison avec les exploitations agricoles. Un bon plan de gestion forestière a un horizon de 20 à 40 ans. Personne, dans ce domaine, ne pourrait obtenir un rendement annuel sur l'investissement. Chaque année, il y a des coûts de maintenance à payer, et ces coûts ne peuvent pas être déduits des revenus parce que l'horizon de rendement des investissements est trop éloigné, selon Revenu Canada.
M. Keen : En ce qui concerne la question sur l'industrie du meuble et l'utilisation des produits forestiers, je crois que nous reconnaissons qu'il faut continuer d'ajouter de la valeur à nos propres produits forestiers. Pendant des années, nos matières premières étaient exportées et le produit fini était ensuite importé au Canada, ce qui nous faisait perdre des occasions d'accroître la valeur de nos matières premières ici même, au Canada.
Nous pouvons dire que le Canada offre des produits verts et nous devrions saisir l'occasion de promouvoir ce fait aux yeux des Canadiens. Les consommateurs canadiens sont de mieux en mieux plus informés et ils veulent acheter des produits écologiques. De fait, certains grands détaillants accordent la préférence aux produits forestiers certifiés pour les ventes importantes de produits forestiers. C'est une bonne occasion pour les Canadiens de promouvoir leurs produits écologiques comme produits à valeur ajoutée et, peut-être, de convaincre le consommateur de les acheter.
Le sénateur Cordy : Bien dit. Notre gouvernement devrait commencer par promouvoir les produits écologiques.
Le sénateur Campbell : J'aimerais commencer en reprenant le commentaire du sénateur Poulin, au sujet du pétrole qui pourrait atteindre les 200 $ le baril. Il faut être prudent lorsque l'on avance de tels chiffres. Nous avons un gouvernement qui a déclaré il y a neuf mois qu'il n'y aurait pas de récession, il y a huit mois, qu'il n'y aurait pas de déficit, et nous savons où nous en sommes maintenant. Si un banquier affirme que le pétrole va atteindre les 200 $ le baril, nous devrions simplement nous dire que c'est sur ce chiffre que s'est plantée la fléchette sur la cible accrochée au mur de son bureau, ce matin-là.
Les Canadiens sont modestes, c'est à la fois une vertu et une malédiction. Je suis allé en Chine, j'ai vu comment les meubles étaient fabriqués. Mes poumons ont bien souffert de ma visite à l'usine. Nous savons que la question est environnementale, quel que soit le niveau. Ne pensez-vous pas que nous devrions tenir compte de ce que dégagent non seulement les produits que vous avez dans vos maisons, mais aussi les processus utilisés pour les fabriquer? Il me semble que les normes manufacturières et environnementales canadiennes dont M. Clarke a parlé sont beaucoup plus strictes que tout ce que nous pourrions trouver dans le tiers monde.
Je crois que peut-être les Canadiens accueilleraient bien une publicité dans laquelle on dirait : « Voici vos choix. Vous pouvez avoir une usine qui libère certains des produits chimiques les plus nocifs jamais imaginés par l'homme ou vous pouvez avoir une usine au Canada qui respecte le règlement, non seulement pour ce qui est du produit, mais aussi pour l'air. » Est-ce quelque chose que nous devrions envisager, monsieur Clark?
M. Clark : Dans une certaine mesure, nous supposons que les fabricants des produits que nous achetons se conforment à toutes les normes relatives à l'environnement, dans leur milieu de travail et dans les processus utilisés et leur effet sur l'environnement dans lequel ils vivent. Attirer l'attention des consommateurs canadiens sur des situations comme celle que vous avez vue, quand l'air devient pratiquement irrespirable, comme vous l'avez découvert, serait sans doute classé parmi les méthodes de commercialisation négatives pour les produits de nos concurrents. Il est difficile de faire comprendre ce que vous avez vu à un consommateur qui regarde un produit chez un détaillant quand le produit fabriqué au Canada coûte le double de celui qui a été fait là où vous étiez.
Le sénateur Campbell : Monsieur Clark, vous luttez pour votre survie.
M. Clark : C'est exact.
Le sénateur Campbell : Ce n'est qu'une question de temps. Si la tendance se maintient, il n'y aura plus de fabricants de meubles au Canada. Nous n'exportons pas vers la Chine. Je me soucie peu que les Chinois considèrent la publicité de mauvais goût. Pour survivre, vous devez vous imposer sur ce marché.
Je crois que vous avez tort de supposer que les Canadiens comprennent que vous suivez des règles différentes, que vous respectez vos principes et que vous vous souciez de l'environnement. Nous savons à quel point les Canadiens se soucient d'environnement, mais vous devez leur faire remarquer que votre produit est supérieur. Nos concurrents arrivent sur nos marchés avec des produits inférieurs, et si nous les achetons c'est uniquement parce qu'ils sont moins chers, alors que nous ignorons tout du contexte de leur fabrication, de ce qui entre dans leur composition, du milieu de travail, de l'environnement, de l'origine du bois, des méthodes de récolte.
Je crois qu'il nous faut retrousser nos manches. J'en suis convaincu. Je le ferais aussi pour les États-Unis, parce que j'ai visité certaines usines, dans les États du Sud et ce n'était pas un pique-nique là non plus.
La TPS a été réduite de 1 p. 100. L'objectif était de stimuler la consommation. Avez-vous constaté que cela portait fruit? Est-ce que les gens se sont dit : « Chouette, il en coûte maintenant 1 p. 100 de moins pour acheter des meubles de qualité »?
M. Clark : Cela serait plus sensible, sénateur Campbell, dans le secteur du détail. Je ne crois pas que cela soit pertinent pour nous. Du moins, les détaillants qui distribuent nos produits n'en ont pas fait mention.
Le sénateur Campbell : Votre chiffre d'affaires a chuté de 60 millions de dollars entre 2007 et 2008.
M. Clark : Oui. La mesure a peut-être aidé les produits de consommation, ce que l'on appelle les articles de prix unitaire élevé, mais pour le détaillant, l'électronique, les gros électroménagers, les meubles de maison, c'est du pareil au même. Personne n'a indiqué que nous en avions directement profité.
Le sénateur Campbell : Je n'ai pas bien compris. La Californie vient d'imposer des normes au sujet de quelles émissions?
M. Clark : La Californie impose une norme sur les émissions de formaldéhyde. Le formaldéhyde est l'une des résines utilisées dans la fabrication des panneaux de particules, des panneaux de fibres de densité moyenne. Ce produit se trouve dans les armoires de cuisine. Il y en a dans les meubles de maison. Il y en a dans de nombreux articles dans nos foyers. Les émissions ont été réduites pour cet État, mais comme je l'ai expliqué, en règle générale d'autres États lui emboîtent le pas.
Le sénateur Campbell : La Californie n'a plus d'argent. Et si cet État est au bord de la faillite, c'est entre autres parce qu'il a des attentes irréalistes. Je ne suis pas du tout convaincu que d'autres États vont se précipiter pour imiter la Californie dans ce dossier, parce que nombre des produits fabriqués aux États-Unis ont les mêmes qualités que ceux qui sont faits au Canada.
J'espère que vous allez tenir le coup. Nous avons de graves problèmes, en Colombie-Britannique. Cette crise est paralysante, et si vous y ajoutez le dendrochtone du pin, vous devez reconnaître que nous avons de sérieuses difficultés. Je crois que nous pouvons lutter contre la concurrence avec des faits, pas pour essayer de détruire nos concurrents, mais simplement pour dire : « Voici les faits. C'est ce qui entre dans nos produits; c'est ce qui entre dans leurs produits. Que préférez-vous avoir dans votre environnement? »
M. Clark : Merci de ces commentaires.
Le président : Y a-t-il d'autres commentaires en réponse à la question du sénateur Campbell sur de meilleurs concepts de commercialisation pour les produits?
Mme Grant : Nous pourrions présenter ainsi les systèmes de gestion de nos forêts au Canada.
Le sénateur Campbell : C'est un autre aspect, oui.
Mme Grant : Nous pourrions faire des comparaisons à l'échelle mondiale.
Le sénateur Campbell : Est-ce que quelqu'un a déjà envisagé d'amortir le bois pendant sa durée de vie comme nous amortissons l'équipement? Vous savez, chaque année vous devez ajouter quelque chose pour que les arbres continuent de grandir. Est-ce quelqu'un a songé à traiter cela comme un amortissement? Je sais que cela nous vaudrait toutes sortes de problèmes en raison de l'Accord sur le bois d'œuvre résineux, qui est selon moi le pire traité que nous ayons jamais signé avec eux.
Cela leur ferait peur. Mais c'est vrai : pendant un certain temps, vous investissez de plus en plus d'argent dans la forêt, mais vous n'avez pas de rendement monétaire tant que le bois n'a pas été récolté et transformé.
Bravo à Revenu Canada, qui ne croit pas vraiment dans la vertu de la libre entreprise. Il serait quand même bon que vous puissiez amortir la forêt, ou même simplement vos coûts de maintenance. Le forestier ne devrait pas absorber les pertes en série.
Mme Grant : Le risque est important, surtout pour le propriétaire de boisé qui investit dans la gestion de forêts pendant de longues périodes, compte tenu des risques environnementaux connexes, par exemple les insectes et les maladies. Les propriétaires de boisés sont vraiment sur la corde raide. Si vous comparez une forêt bien gérée, de façon viable, et une forêt que l'on se contente de laisser pousser et évoluer sans intervention, il y a une nette différence dans la qualité du produit forestier.
Le sénateur Campbell : Dieu sait que nous ne ménageons rien pour sauver les usines d'autres industries.
Mme Grant : En effet.
Le sénateur Campbell : Les installations de l'industrie de l'acier et de l'automobile.
Vous devriez peut-être nous en dire un peu plus sur les forêts gérées.
Mme Grant : D'accord. Dans les milieux de la forêt et de l'agriculture, on discute actuellement des biens et services écologiques. Nos forêts ne nous offrent pas simplement des produits forestiers à la fin de leur vie; elles nous fournissent des biens écologiques pendant toute leur vie, des biens qui profitent à tous et en particulier aux habitants des zones urbaines. Je crois que les habitants des régions rurales voudraient que les citadins reconnaissent que les forêts qu'ils entretiennent offrent toute une gamme de bienfaits.
Le sénateur Fairbairn : Madame Grant, quand vous avez commencé à parler du Sud de l'Ontario et des forêts de cette région, cela a éveillé mon intérêt. Vous avez dit, pendant votre exposé :
Les propriétaires de boisés qui investissent personnellement dans la productivité à long terme de leurs forêts sont pénalisés parce que le régime canadien d'impôt sur le revenu ne reconnaît pas les forêts de petite taille comme des investissements commerciaux comme il le fait pour les exploitations agricoles.
J'ai le bonheur d'avoir chez moi des objets en pin extraordinaires et très anciens, qui proviennent du Sud de l'Ontario. C'est exceptionnel.
J'ai beaucoup de difficultés à accepter ou même à comprendre un tel écart entre le traitement réservé aux forêts et le traitement réservé aux exploitations agricoles dans ce domaine. Vous en parlez, et nous pouvons voir à quel point vous êtes frustrée.
Comment expliquez-vous qu'il n'y ait pas d'aide, aucun soutien pour cette industrie particulière, et cette région du pays dont l'histoire remonte à des centaines d'années?
Je viens d'une région où le passé, c'est l'agriculture et l'élevage. On considère ces activités avec respect, on les aide. J'ai du mal à comprendre pourquoi l'attitude serait différente dans certaines des plus belles régions du pays, compte tenu de l'historique de la question et du fait que cette activité est toujours bien vivante.
Mme Grant : Cela tient à la nature à long terme de la gestion des forêts et à l'investissement qu'il faut faire. Lorsque vous êtes un grand producteur forestier — une entreprise forestière qui exploite un vaste territoire dans le Nord de l'Ontario ou ailleurs au Canada —, votre territoire est de dimensions suffisantes pour que vous puissiez récolter chaque année.
Par contre, un propriétaire de boisé qui possède peut-être 50 ou 100 acres, une toute petite forêt, ne tire pas de revenu annuel de cette forêt. La forêt est entretenue pour des raisons particulières et très variées, notamment pour la production éventuelle de produits du bois. Je crois que c'est là que Revenu Canada éprouve des difficultés.
Ma frustration vient directement de mes contacts avec les propriétaires de boisés; ils m'appellent et me demandent des conseils au sujet des vérifications auxquelles ils seront peut-être soumis alors qu'ils ont, selon eux, très correctement déduit les coûts de la gestion des forêts. Puis Revenu Canada leur pose des questions et menace de venir faire des vérifications.
La seule explication se rapporte à l'échéancier et au plan d'activités traditionnel. J'ai déjà entendu des fonctionnaires de Revenu Canada se demander : « Quel type de plan d'activités nécessite un investissement de 20 ans sans revenu pendant toute cette période? Ce n'est pas une entreprise. » Je crois que c'est la différence avec l'agriculture, où il y a une récolte annuelle, alors que ce n'est pas le cas pour la forêt. Tout cela est très frustrant.
Le sénateur Fairbairn : C'est troublant. En un sens, c'est troublant dans le contexte contemporain, mais aussi si l'on songe que cela fait partie de notre histoire.
Mme Grant : En effet, c'est une partie de notre patrimoine. Nombre de ces propriétaires de boisés gèrent non seulement pour eux-mêmes ou pour leur profit personnel, mais aussi pour les générations futures. Nombre d'entre eux espèrent que ces boisés seront transmis de génération en génération.
Je le constate dans l'attention que les propriétaires de boisés accordent à l'élaboration des plans de gestion de leurs forêts et à l'établissement d'une documentation. Ils prennent vraiment ces activités au sérieux. C'est quelque chose qui fait partie de la famille, un aspect de leur identité. Ces plans sont transmis pendant des générations. Même lorsqu'un propriétaire vend un boisé — et il y a qui y sont forcés —, neuf fois sur dix, ce propriétaire veille à ce que le nouveau propriétaire ait un exemplaire du plan de gestion. Les vendeurs informent les acheteurs de leurs objectifs personnels pour la forêt. Les propriétaires de boisés veulent continuer, même s'ils ne sont plus eux-mêmes propriétaires.
Il y a cette philosophie d'intendance à long terme dont sont imprégnés de nombreux propriétaires de boisés. Il est triste de voir qu'ils sont pénalisés.
M. Keen : J'aurais un commentaire à faire au sujet des facteurs qui dissuadent les propriétaires de boisés d'entretenir leurs forêts. Dans le Sud de l'Ontario, les propriétaires terriens sont assujettis à d'énormes pressions, de la part des promoteurs, pour le développement urbain. Les promoteurs peuvent offrir de fortes sommes d'argent aux propriétaires de boisés, et ils finiront par dénuder le terrain et y faire pousser des maisons.
Tout ce que nous pouvons faire, par opposition aux facteurs dissuasifs, pour encourager les propriétaires de boisés à maintenir ces forêts est un atout. Mme Grant a mentionné le Programme d'encouragement fiscal pour les forêts aménagées, qui est une mesure incitative partielle. C'est un bon programme, mais comme les propriétaires de boisés ne sont pas considérés comme des entreprises pour leurs activités de gestion des forêts, les coûts sont énormes. Nous devrions faire tout ce que nous pouvons pour encourager les propriétaires de boisés à entretenir les forêts, pour les inscrire dans une catégorie à caractère plus commercial pour ce qui est des coûts d'entretien de la forêt.
Le sénateur Fairbairn : J'espère que vous continuerez tous les deux à vous battre.
Le sénateur Cordy : Je sais que vous avez discuté avec Revenu Canada, mais avez-vous consulté Environnement Canada ou Ressources naturelles Canada? Ces deux ministères devraient mieux comprendre le plan de gestion de la forêt et la nécessité de dresser des plans qui reconnaissent qu'une telle entreprise ne peut pas porter fruit au bout d'un an.
Mme Grant : Nous avons discuté des taxes foncières, parce que cela est propre à l'Ontario, mais dans le domaine de l'impôt fédéral sur le revenu, nous n'avons pas travaillé avec les ministères provinciaux.
Le sénateur Cordy : Il y a aussi les industries fédérales.
Mme Grant : Je crois que la Fédération canadienne des propriétaires de boisés œuvre à l'échelle nationale auprès de certaines de ces industries, mais je ne suis pas vraiment en mesure de parler de leurs tactiques.
Le président : On nous dit souvent qu'il ne se fait pas suffisamment de R-D dans le secteur des bois de feuillus. Avez- vous des commentaires à formuler sur ce que nous pourrions faire pour encourager la R-D?
Nous avons vu le travail de Forintek et d'autres intervenants au Canada. Compte tenu de la crise que nous traversons, que recommandez-vous au gouvernement de faire pour la R-D? Quel secteur devrions-nous examiner, pour le volet manufacturier, mais aussi pour le domaine forestier?
M. Clark : Je vais répéter ce que j'ai dit précédemment : nous comptons sur la R-D menée par le secteur des produits forestiers pour offrir des produits nouveaux ou améliorés qui nous permettront de respecter les nouvelles règles.
Nous avons parlé avec le sénateur Campbell des composants à teneur réduite en formaldéhyde, et la même observation vaut pour tout effort visant à promouvoir les produits écologiques. Nous comptons sur nos fournisseurs, qui eux-mêmes comptent sur des organisations comme Forintek et FPInnovations, pour développer certains matériaux que l'on connaît sans doute dans les milieux scientifiques aujourd'hui, mais qui ne sont pas encore sur le marché.
L'intérêt d'être les premiers à se conformer à ces nouvelles règles, c'est que cela vous donne une longueur d'avance sur d'autres pays qui exportent également vers le marché américain. Cela viendrait s'ajouter aux atouts que sont notre qualité et notre conformité avant que d'autres n'y parviennent. Cela constituerait un avantage, si le gouvernement fédéral continuait à appuyer des organisations comme FPInnovations et Forintek. La recherche est importante.
Le président : Croyez-vous qu'il se fait suffisamment de R-D pour le bois de feuillus?
M. Clark : Je ne peux pas parler de la question du sciage feuillu. La R-D dont nous avons besoin se rapporte aux panneaux composites.
Mme Grant : La majorité de nos bois durs de grande qualité se trouvent dans le Sud de l'Ontario. Il y a quelques très belles forêts dans le sud-ouest de l'Ontario.
Ces forêts, et ces produits, n'offrent toutefois guère de possibilités manufacturières. On investit très peu dans la petite industrie artisanale. Le fait de permettre aux entrepreneurs d'investir dans ce genre de marché et de profiter de ces belles ressources serait bénéfique, à mon avis. Il serait bon de permettre à de petits producteurs forestiers spécialisés d'utiliser nos meilleurs bois durs.
M. Keen : Nous avons parlé des biens et services écologiques des forêts et de leurs contributions à la société. On s'efforce actuellement de quantifier cette information, d'établir une valeur monétaire pour cela.
Je suis certain que vous suivez le dossier du marché du carbone. Les spécialistes essaient d'établir des protocoles pour évaluer, cerner et valider la valeur commerciale du carbone produit ou capturé par nos forêts. Cette évaluation est en cours.
Comme nous l'avons dit, les forêts sont beaucoup plus qu'un simple puits de carbone. Le concept de biens et services écologiques nous donne l'occasion d'établir la véritable valeur de ce que ces forêts offrent à notre société. Si nous arrivons à mieux cerner la valeur monétaire, si cela est nécessaire, nous pourrons nous tourner vers des interlocuteurs comme Revenu Canada et calculer la valeur monétaire véritable de nos forêts.
En ce qui concerne le changement climatique, nous voyons nos forêts changer, nous savons qu'elles ne pourront pas suivre le rythme de l'évolution de l'environnement. Nous devons absolument créer des lots de recherche pour pouvoir étudier la façon dont les forêts s'adaptent au changement climatique ou en souffrent et donc prendre des mesures en conséquence. Grâce à la gestion adaptée, nous pouvons certainement le faire, mais il nous faut des ressources pour créer ces lots et réaliser les études nécessaires pour déterminer comment nous devons réagir aux changements.
Le président : Nous constatons que le gouvernement a lancé le programme Valeur au bois et l'initiative appelée Le bois nord-américain d'abord. Quelle incidence auront ces programmes pour ce qui est d'améliorer les marchés et d'en ouvrir de nouveaux? Je songe à l'aspect manufacturier, les meubles par exemple, mais aussi aux activités de gestion forestière, la sylviculture par exemple.
M. Keen : Il est certainement avantageux d'avoir plus de ressources pour assurer des services de sylviculture adéquats dans nos forêts, en particulier dans les forêts de feuillus. Elles ont en besoin, et en raison des pratiques de gestion antérieures il y a bien des possibilités d'améliorer la qualité de ces forêts. Malheureusement, dans certains cas, la valeur des matériaux qui sont tirés de ces forêts ne suffit pas à payer le travail nécessaire pour améliorer et accroître leur productivité. Il faut avoir des ressources pour prendre des mesures d'amélioration standard, pour mener certaines activités non commerciales afin d'accroître la valeur de la forêt.
Le président : Pour ce qui est des programmes Valeur au bois et Le bois nord-américain d'abord, les sénateurs ont mentionné la concurrence asiatique. Qu'avez-vous à dire au sujet de la concurrence mexicaine en Amérique du Nord?
M. Clark : Prenons le programme Valeur au bois. Premièrement, Ressources naturelles Canada finance ce programme, et cela permet à une organisation comme Forintek d'aider directement les utilisateurs en aval. Le produit est suivi de la forêt à la scierie et jusque dans les locaux de l'utilisateur final. Les spécialistes de Forintek aident les fabricants de meubles de tout le pays à rationaliser leur production pour optimiser l'utilisation du bois qu'ils achètent. À cet égard, même les fabricants bénéficient des fonds distribués par le programme Valeur au bois.
Le Mexique exporte aux États-Unis, mais il n'est pas un joueur de premier plan. Je crois qu'il parvient à peine à se hisser dans le groupe des 10 principaux exportateurs. Ce n'est pas un gros exportateur de meubles en bois sur le marché américain, et sa présence sur le marché canadien est négligeable.
Le président : Quel est le volume de bois de feuillus canadiens et de feuillus importés?
M. Clark : Quatre-vingt-dix pour cent du bois que nous utilisons vient du Canada. Une essence de feuillus, le cerisier noir, vient parfois des États-Unis, mais je n'ai pas les chiffres exacts. Je peux trouver cette information et la transmettre au comité.
Le président : Oui, s'il vous plaît.
Qu'avez-vous à dire au sujet de la situation de nos fabricants de meubles? Pouvons-nous faire plus pour les aider à trouver des créneaux? Pouvons-nous faire plus pour aider les entrepreneurs canadiens à produire des articles à plus grande valeur ajoutée au Canada plutôt que d'expédier notre matière première vers le Sud pour ensuite acheter les produits dans les grandes chaînes étrangères? Qu'avez-vous à dire sur la façon dont nous pourrions aider votre industrie à élargir son marché?
M. Clark : Monsieur le sénateur, nous en avons parlé ici, la solution viendra de la conception et du développement. Souvent, les entreprises visitent un marché, peut-être la Chine ou l'Europe, à la recherche de nouveaux produits et qu'elles pourraient être les premières à offrir sur le marché intérieur. La conception n'est jamais axée sur le consommateur.
L'industrie canadienne est handicapée parce qu'elle ne traite pas directement avec le consommateur. Nous ne connaissons pas ses exigences de première main. Nous avons laissé cet aspect aux canaux de distribution. Nous devons nous efforcer de fabriquer les produits que veulent les consommateurs. L'industrie de l'avenir s'emparera de créneaux en offrant des produits personnalisés qu'elle pourra livrer dans des délais plus courts que ne pourraient le faire nos concurrents outre-mer. Le secteur de la recherche et développement de nouveaux produits pourrait beaucoup nous aider.
Mme Grant : Les forêts de feuillus de qualité et la proximité des installations de transformation de ces forêts constituent un défi en Ontario et dans d'autres régions du pays. Un fort volume de bois de feuillus quitte le pays. Le bois sort du pays, il est transformé de l'autre côté de la frontière, et nous achetons ensuite le produit fini.
La solution, selon moi, serait d'investir dans l'industrie artisanale pour mettre au point certains de ces produits ici, au pays. Il faudrait installer ces industries à une distance raisonnable de la forêt, car les coûts de renonciation augmentent à mesure que l'on s'éloigne de la forêt.
Le président : Je rappelle à nos témoins que s'ils ont quelque chose à ajouter à notre étude, ils ne doivent pas hésiter à nous transmettre leurs commentaires par écrit.
Je ne peux pas mentionner les entreprises avec lesquelles j'ai discuté ces dernières années au sujet des stratégies de commercialisation, mais du côté manufacturier, monsieur Clark, quel pourcentage de l'industrie vend ses produits en ligne?
M. Clark : Pour l'instant, monsieur le sénateur, c'est un très faible pourcentage, car les canaux de distribution entrent en conflit. Il est difficile pour les producteurs de rompre leurs liens de dépendance envers les grands détaillants présents dans toutes les collectivités du pays pour soudainement traiter directement avec le consommateur. À l'heure actuelle, les fabricants diffusent de l'information sur Internet à l'intention des consommateurs avertis, mais ils ne font pas de vente électronique.
Le président : Je sais que certains fabricants de meubles canadiens ont récemment utilisé l'Internet pour vendre des produits haut de gamme ou des meubles prêts à monter. Ils sont entrés dans un créneau auquel ils n'avaient jamais pensé grâce à la génération qui achète des gadgets et qui travaille sur Internet.
Cela a stimulé leur volume de ventes de 20 à 40 p. 100. Lorsque nous voyons de tels progrès du volume des ventes, cela devrait nous inciter à aider et à promouvoir l'industrie, à chercher de nouveaux débouchés et à appliquer de nouvelles stratégies de commercialisation.
Au nom des membres du comité, je vous remercie tous sincèrement d'être venus ce matin. Comme je l'ai dit précédemment, n'hésitez pas à nous écrire si vous continuez à suivre les travaux du comité. Plus tard cette année, nous irons dans diverses collectivités et nous serions certainement heureux de pouvoir visiter des entreprises de fabrication de meubles.
Je demande aux sénateurs de ne pas partir immédiatement, nous allons tenir une brève réunion à huis clos.
(Le comité poursuit ses travaux à huis clos.)