Délibérations du Sous-comité sur les villes
Fascicule 3 - Témoignages du 28 mai 2009
OTTAWA, le jeudi 28 mai 2009
Le Sous-comité sur les villes du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui à 10 h 51 pour étudier les questions d'actualités des grandes villes canadiennes.
Le sénateur Art Eggleton (président) occupe le fauteuil.
[Français]
Le président : Je vous souhaite la bienvenue au Sous-comité sur les villes qui étudie présentement la pauvreté, le logement et les sans-abri.
[Traduction]
Nous étudions aujourd'hui des stratégies locales de logement et de lutte à l'itinérance. Nous avons touché à ce sujet quand nous étions sur la route. Nous sommes entre autres allés à Calgary la semaine dernière, et nous avons examiné la situation dans d'autres villes également.
Aujourd'hui, nous regarderons particulièrement ce qui se passe dans les villes de Vancouver et de Toronto, et nous tenterons d'en savoir plus sur leur expérience et ce qu'elles entendent faire pour remédier à la situation. Nous examinerons aussi quelques documents en provenance de Montréal. Nous n'entendrons pas de représentants de la Ville de Montréal aujourd'hui, mais nous avons tout de même reçu quelques suggestions de leur part. Nous tentons de déterminer comment le gouvernement fédéral peut travailler avec les provinces afin d'élaborer ce genre de programmes et de stratégies.
Se joint aujourd'hui à nous par vidéoconférence Mme Jill Davidson, directrice ajointe, Politique sur le logement de la Ville de Vancouver. Mme Davidson est responsable des politiques et des programmes en matière de logement. Elle a coordonné la politique de lutte contre l'itinérance et dressé le plan d'action contre l'itinérance et la Stratégie de logement supervisée. Elle a également présidé le groupe de travail sur le logement de l'Accord de Vancouver, un effort intergouvernemental qui a donné lieu à un projet pilote visant à améliorer les maisons de Chambre du secteur privé et les complexes financés d'habitation à loyer modéré.
M. Sean Gadon, au bout de la table, est le directeur du Bureau de logement abordable de la Ville de Toronto. Il a déjà comparu devant nous. Il travaille avec différents intervenants pour aménager 1 000 nouvelles habitations locatives par an et revitaliser de grands terrains publics à Toronto. Je crois que son travail ne se limite pas à cela, mais c'est ce qui est indiqué ici.
Je souhaite la bienvenue à nos deux invités. Mme Davidson sera la première à prendre la parole, mais je veux d'abord noter que nous avons deux sénateurs remplaçants avec nous aujourd'hui. Nous connaissons bien l'un d'eux, c'est-à-dire le sénateur Munson, de l'Ontario et du Nouveau-Brunswick, comme je me plais à dire. Il a déjà fait partie de notre sous-comité et il remplace aujourd'hui le sénateur Cordy. Le sénateur Merchant est ici pour remplacer le sénateur Dyck. Ils sont tous les deux de la Saskatchewan. Tous les autres sénateurs ici présents sont des membres réguliers du sous-comité.
Sur ce, je cède la parole à Mme Davidson.
Jill Davidson, directrice adjointe, Politique sur le logement, Ville de Vancouver : Je vais vous lire quelques notes que j'ai préparées pour vous ce matin. La Ville de Vancouver vous remercie de lui permettre de participer aux délibérations du Sous-comité sur les villes. Nous sommes heureux que le Sénat reconnaisse l'importance du logement abordable, et nous serions enchantés si cela pouvait marquer le retour d'un engagement à long terme de la part du gouvernement fédéral envers le financement stable du logement abordable dans l'ensemble du Canada.
Je vous parlerai d'abord du rôle que joue la Ville de Vancouver dans la promotion du logement abordable et la lutte contre l'itinérance, puis j'aborderai la question des programmes fédéraux — comment nous les utilisons et comment on pourrait les rendre plus efficaces. Je formulerai finalement quelques commentaires à propos d'une stratégie nationale de logement.
Depuis des dizaines d'années, c'est à Vancouver que les maisons et les loyers sont les plus chers au Canada, et c'est aussi là qu'on enregistre les plus faibles taux d'inoccupation au pays. Nous affichons actuellement un taux d'inoccupation de 0,3 p. 100. Vingt-et-un pour cent de tous les foyers vancouverois et 31 p. 100 de nos locataires éprouvent des besoins impérieux en matière de logement, et les familles monoparentales et les personnes âgées vivant seules ont des besoins encore plus grands.
Malheureusement, l'itinérance continue de gagner du terrain à Vancouver. Les dernières données montrent une augmentation de 16 p. 100 sur trois ans; chaque nuit, près de 1 600 personnes n'ont pas d'endroit où dormir. De toute évidence, les besoins sont criants et nous devons offrir davantage de logements abordables à Vancouver, particulièrement des logements que peuvent se permettre les foyers qui éprouvent des besoins impérieux de logement.
La Ville de Vancouver collabore depuis longtemps avec les gouvernements fédéral et provincial afin de créer des logements abordables. On compte aujourd'hui quelque 22 000 unités d'habitation non commerciales sur notre territoire. La Ville a participé à la mise en place de nombre d'entre elles, et environ 8 300 unités sont situées sur des terrains qui sont loués de la Ville.
Le rôle principal de la Ville a été de contribuer à la création d'habitations à loyer modéré en fournissant des terrains propices à la construction de logements abordables. Nous aimerions poursuivre dans cette voie, en collaboration avec le gouvernement fédéral, le gouvernement provincial, les fournisseurs de logements et le secteur privé.
Pour ce qui est de notre expérience avec les programmes fédéraux, nous avons pris part à plusieurs des programmes de logement du gouvernement fédéral : le financement de démarrage; le Programme d'aide à la remise en état des logements (PAREL); l'Initiative des partenariats de lutte contre l'itinérance (IPLI); et l'Initiative en matière de logements abordables (ILA). Tous ces programmes ont permis de construire des logements abordables et d'offrir des services aux personnes itinérantes à Vancouver. Nous avons toute une liste de projets financés par ces programmes à Vancouver. Je vais toutefois me contenter de vous parler de trois d'entre eux aujourd'hui.
L'immeuble Woodward, qui sera inauguré plus tard cette année, contiendra 121 unités simples et 75 unités familiales. Ce complexe apportera un vent de renouveau sur le quartier centre-est de la ville. Il y a aussi un immeuble dans le quartier centre-sud qui offre 87 unités, dont certaines à l'intention d'anciens toxicomanes. L'Initiative des partenariats de lutte contre l'itinérance nous a aussi permis d'aménager une salle de douche dans un de nos centres communautaires. Ce service permettra d'aider des personnes itinérantes en dehors des limites du centre-ville.
Pour ce qui est de savoir quelles devraient être les orientations futures du gouvernement fédéral, nous avons deux principales recommandations à vous faire. D'abord, nous croyons que le programme devrait être mieux coordonné. En outre, nous croyons qu'il devrait y avoir un programme d'habitation national et continu bénéficiant d'un bon financement afin d'accorder des subventions globales aux provinces. Il s'agirait d'un financement conditionnel au consentement de subventions de contrepartie de la part des provinces.
Ce que finance le gouvernement fédéral à l'heure actuelle, c'est-à-dire la recherche, l'élaboration de propositions, la rénovation, les services et les logements supervisés à l'intention des personnes itinérantes, ainsi que le logement abordable, sont des éléments essentiels à tout programme de logement. Comme je l'ai indiqué, nous recommandons de mieux coordonner les programmes du gouvernement fédéral, et les différents partenaires doivent collaborer plus efficacement.
Par exemple, dans le cadre du PAREL, les décisions sont prises indépendamment des villes et des provinces. De la même façon, la Stratégie des partenariats de lutte contre l'itinérance a permis d'allouer des fonds d'immobilisations à des projets qui nécessitent des fonds de fonctionnement continus, mais ces projets n'ont pas tous reçu le même genre d'aide de la part du gouvernement provincial, alors les priorités ne cadrent pas toujours.
Nous croyons qu'un nouveau programme devrait permettre de répondre à toute la gamme des besoins impérieux en matière de logement, à savoir ceux des familles, des personnes seules et des personnes à risque d'itinérance. Ce programme devrait aussi être flexible et adapté aux besoins locaux ici, en Colombie-Britannique, et aux situations des différentes villes du pays.
Nous estimons qu'il est nécessaire de créer un programme de logement global et coordonné afin de mettre en commun les ressources du gouvernement fédéral et des autres partenaires. Nous recommandons de lancer un seul appel de propositions chaque année pour répondre à toute la gamme des besoins en matière de logement — services aux sans- abri, rénovation, projets d'immobilisations, et cetera.
Nous pensons que le gouvernement fédéral devrait investir au moins 500 millions de dollars par an au cours des cinq prochaines années dans les programmes de logement abordable, auquel montant s'ajoutent les sommes allouées pour la rénovation et la lutte contre l'itinérance, pour un investissement fédéral total d'au moins 800 millions de dollars par année dans des initiatives visant à créer de nouveaux logements. Cela ne comprend pas le financement des logements sur les réserves.
Dans le modèle que nous préconisons, le gouvernement assumerait 50 p. 100 du coût des nouveaux logements, et la province 40 p. 100, plus les coûts permanents associés aux services de logement. Les municipalités et les communautés fourniraient les 10 p. 100 manquants.
Si le fédéral investissait 800 millions de dollars par année dans le logement, la Colombie-Britannique pourrait obtenir 100 millions de dollars de ce montant. La province investirait elle aussi 800 millions de dollars par année, plus les coûts des services de soutien, et les municipalités et la communauté investiraient 20 millions de dollars par année.
Cet argent ne permettrait pas de répondre à tous les besoins en matière de logement abordable, mais il ferait certainement une grande différence. Nous croyons qu'en Colombie-Britannique le gouvernement provincial devrait montrer l'exemple, par l'entremise de B.C. Housing, et mettre en place un programme de logement consolidé. La Ville de Vancouver est prête à être un partenaire actif, et elle a les moyens de le faire, notamment en fournissant 10 p. 100 de l'investissement total dans les programmes visant à répondre aux besoins impérieux en matière de logement.
En ce qui a trait à une stratégie nationale de logement, nous adhérons aux recommandations de la Fédération canadienne des municipalités, recommandations que nous avons d'ailleurs aidé à formuler. Elles figurent dans le document Sustaining the Momentum et portent sur un plan national de logement et de lutte contre l'itinérance. Nous sommes persuadés qu'il est nécessaire de mettre en place un programme global de logement qui aborde les questions de l'itinérance, des habitations non commerciales, de l'habitation à loyer marchand et de l'accès à la propriété abordable.
Outre les suggestions dont je viens de vous parler pour le financement fédéral, la Ville s'inquiète particulièrement du parc de logements locatifs privés. Nous sommes en fait sur le point de lancer une nouvelle initiative visant à offrir des incitatifs aux promoteurs de complexes d'unités de location. Il s'agit d'un programme à court terme. La Ville offre ainsi des incitatifs qu'elle a le pouvoir d'accorder, comme des mesures d'assouplissement des frais de stationnement et des prélèvements fiscaux, ainsi que des primes de densité. Nous espérons que ce sera suffisant pour encourager les promoteurs à se lancer dans le marché du logement locatif. Nous savons toutefois que l'engagement des autres ordres de gouvernement est essentiel pour inciter les promoteurs à investir d'importantes sommes dans la création de logements locatifs, mais aussi pour remédier à la pénurie de logements abordables.
Pour le long terme, nous travaillons également sur des changements d'ordre politique, notamment en tentant de déterminer comment les ordres de gouvernement peuvent contribuer au renouvellement du marché des unités locatives.
Nous appuyons ce que la Fédération canadienne des municipalités rapporte dans son document à propos du marché locatif. Aussi, notre conseil municipal a notamment approuvé des modifications fiscales pour permettre aux investisseurs du marché locatif d'être admissibles à des déductions pour petites entreprises. Il a aussi permis le report d'impôt sur les gains en capital, la réduction des paiements de TPS sur les logements locatifs, et l'investissement en actions dans les logements locatifs.
En conclusion, nous croyons que la clé de la réussite réside dans les partenariats pour offrir des logements abordables et des services qui répondent aux besoins des personnes itinérantes. Pour qu'un partenariat soit efficace, il faut que chaque partenaire apporte des ressources réelles, en argent ou en nature, et que les rôles de chacun soient bien définis. La Ville a un rôle bien précis à jouer; nous avons les moyens de faire notre part et nous sommes prêts à collaborer.
Finalement, il est inutile d'essayer de réinventer la roue à l'égard des partenariats, à tout le moins en Colombie- Britannique, car nous avons déjà établi une solide collaboration avec la province, le secteur à but non lucratif et, dans une certaine mesure, le gouvernement fédéral. Tâchons ainsi de miser sur les partenariats efficaces qui sont en place pour régler le problème de l'itinérance et construire des logements qui répondent aux besoins impérieux en matière de logement au Canada, en Colombie-Britannique et à Vancouver. Nous sommes impatients de pouvoir travailler avec le gouvernement fédéral et nos partenaires en vue de remédier à la situation.
Le président : C'était un exposé très détaillé. Les membres du sous-comité et moi-même aurons des questions à vous poser, mais nous le ferons après avoir entendu M. Gadon.
Sean Gadon, directeur, Bureau du logement abordable, Ville de Toronto : Je vous remercie d'avoir invité la Ville de Toronto à comparaître à nouveau devant votre sous-comité. Comme vous vous en souvenez peut-être, je me suis présenté devant vous au mois de mars de l'an dernier, alors que vous recueilliez des données pour votre rapport intitulé Pauvreté, logement et sans-abrisme : enjeux et options, publié en juin 2008.
Au nom du maire, M. David Miller, et du conseil municipal, je tiens à vous féliciter de vos efforts visant à défendre la cause des logements abordables et à éradiquer la pauvreté. Il semble que vos efforts, et ceux de la Fédération canadienne des municipalités, ainsi que ceux de municipalités comme Toronto, aient été payants.
En septembre dernier, le gouvernement fédéral a annoncé la reconduction pour cinq ans du Programme de logements abordables, du Programme d'aide à la remise en état des logements et de la Stratégie des partenariats de lutte contre l'itinérance.
Comme vous le savez, plus tôt cette année, les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux ont annoncé, dans le cadre du plan de relance de l'économie, de nouveaux investissements pour la réparation et la construction de logements sociaux et de logements abordables. En Ontario, au cours des deux prochaines années, cela représente un investissement de 1,2 milliard de dollars, qui prendra fin en mars 2011.
Ce sera un excellent départ pour venir en aide aux 1,4 million de foyers canadiens qui ont besoin d'un logement, dont quelque 250 000 dans la seule Ville de Toronto. Cela aidera les mères célibataires et les personnes handicapées, les personnes âgées et les jeunes, les Autochtones et ceux qui vivent dans la rue à trouver un logement abordable et à le garder.
Comme je l'ai dit au mois de mars dernier, ces programmes nationaux de logement et de lutte contre l'itinérance et les résultats concluant qu'ils donnent ne sont rien de moins que des « radeaux de sauvetage de logement » pour les familles et les citoyens qu'on a laissés partir à la dérive sur un marché turbulent du logement au sein duquel ils ne peuvent pas se battre ou se permettre d'y participer.
La Ville de Toronto reconnaît qu'elle aussi a un rôle crucial à jouer dans la création et la conservation de logements abordables. C'est la raison pour laquelle nous avons consacré les 18 derniers mois à préparer une stratégie approfondie de logements abordables, qui vient tout juste d'être publiée. La stratégie sera présentée au conseil municipal en juillet. Je suis heureux que la stratégie ait été publiée avant ma comparution devant votre sous-comité, car je serai ainsi en mesure de vous en parler.
La stratégie Housing Opportunities Toronto — An Affordable Housing Action Plan 2010-2020 marque l'aboutissement de nos propres recherches internes ainsi que des points de vue d'environ 1 800 organismes et particuliers qui ont participé aux consultations sur ce plan.
Le plan contient 67 mesures recommandées que doivent prendre la Ville de Toronto et les gouvernements fédéral et provincial. Ses auteurs réclament de nouveaux investissements de 484 millions de dollars par an au cours des 10 prochaines années pour venir en aide à quelque 250 000 foyers aux prises avec les coûts élevés du logement ou avec des logements inadéquats. La préservation et la création de logements permettra de générer environ 60 000 emplois.
Le plan propose également la Toronto Housing Charter — Opportunity for All, qui sera la première de son genre au Canada. Cette charte est conçue pour guider le conseil municipal et les fonctionnaires municipaux dans leurs efforts en vue d'aider ceux qui ont des difficultés à se trouver un logement abordable, à savoir les nouveaux arrivants, les familles monoparentales, les personnes âgées et les personnes handicapées.
Au cours des dix prochaines années, plus de 100 000 jeunes Torontois emménageront dans leur premier logement. Il est extrêmement important que ce soit pour eux une expérience positive, car on a maintes et maintes fois démontré qu'un jeune qui connaît un mauvais départ, qu'on parle de travail ou de logement, plongera souvent dans un cycle de mauvaises expériences. Nous sommes donc déterminés à faire en sorte que ces 100 000 jeunes qui formeront pour la première fois un foyer dans notre ville au cours des 10 prochaines années aient une bonne expérience lorsqu'ils tenteront de se trouver un logement.
De la même façon, 80 000 autres personnes âgées entreront sur le marché. Ces personnes auront des besoins bien précis en matière de logement.
Mais surtout, Toronto accueillera entre 800 000 et 1 million d'immigrants, et ces nouveaux arrivants auront besoin de se loger. Il est de notre devoir de veiller à ce que leur expérience soit également positive et que des possibilités s'offrent à eux.
On reconnaît par contre que la Ville de Toronto, tout comme Vancouver, dispose de ressources financières très limitées. C'est pour cette raison que nous lançons un appel à nos partenaires fédéral et provincial pour qu'ils fassent leur part à long terme. À court terme, il est vrai que nous disposons de fonds pour assurer la relance économique. Nous avons toutefois besoin de certitudes au-delà de mars 2011.
L'élan dont j'ai parlé plus tôt, à court terme, est un signe encourageant que notre plan d'action portera fruit.
Permettez-moi de conclure en vous lisant une citation que nous avons insérée dans l'introduction du plan d'action de Toronto. Peut-être que certains historiens ici présents la reconnaîtront. Elle se lit comme suit :
Votre problème immédiat n'est pas tant le droit de l'âme à s'épanouir, mais le besoin de procurer une habitation décente à tout un chacun; ce n'est pas de faire de toutes les maisons de véritables manoirs, mais de s'assurer qu'aucune d'entre elles ne sera un taudis. En effet, très rares sont les âmes qui peuvent s'épanouir dans un taudis.
Cet objectif de logements décents doit à tout prix être atteint dans notre société démocratique. [traduction]
Ces propos ont été formulés par le premier ministre Lester B. Pearson dans un discours qu'il a donné devant l'Ontario Association of Housing Authorities en septembre 1965. Ils demeurent tout aussi valables aujourd'hui qu'à cette époque. Je suis impatient de pouvoir travailler avec vous en vue d'atteindre ces objectifs qui ont été fixés il y a une quarantaine d'années.
Le président : Merci, monsieur Gadon. Le sénateur Cordy vient de se joindre à nous. Nous avons maintenant deux représentants. Nous vous invitons à rester avec nous quand même, sénateur Munson.
Le sénateur Munson : Très bien, je vais rester jusqu'à la fin.
Le président : Permettez-moi d'entamer la ronde de questions et de commentaires des membres du comité.
Je m'intéresse particulièrement aux mécanismes fédéraux. Vous nous avez tous les deux dit qu'il fallait investir davantage, et nous en sommes conscients. Il est évident qu'une stratégie nationale de logement et de lutte contre l'itinérance nécessiterait des fonds supplémentaires, mais qu'en est-il des mécanismes en place? Est-ce que les mécanismes fédéraux sont suffisants, ou faudrait-il les revoir pour répondre à vos attentes en ce qui a trait aux transferts?
Il y a aussi la question des incitatifs fiscaux, en particulier pour le secteur privé. Madame Davidson, vous en avez énuméré deux ou trois, dont un qui ressemble beaucoup à une mesure appliquée à Calgary et dont je voulais vous parler, c'est-à-dire une version canadienne de la réduction d'impôts fonciers pour faible revenu adoptée aux États- Unis. Je m'adresse à nos deux témoins. Croyez-vous qu'il est approprié d'adopter une version canadienne d'une réduction d'impôts de ce genre? Est-ce que cela pourrait être efficace selon vous? Si vous avez d'autres commentaires à formuler à ce sujet qui pourraient nous être utiles, j'aimerais les entendre.
J'aimerais aussi connaître votre point de vue sur les suppléments au loyer et les paiements de transfert. Est-ce une option possible au niveau fédéral? On propose souvent l'idée des suppléments au loyer, mais je ne vois pas comment cette solution pourrait cadrer exactement avec les transferts fédéraux.
J'aimerais donc que vous me disiez ce que vous pensez des mécanismes fédéraux. Madame Davidson, voulez-vous commencer?
Mme Davidson : Notre conseil municipal a déclaré publiquement qu'il était totalement en faveur de changements fiscaux concernant les logements locatifs. Le marché des logements locatifs de Vancouver connaît des moments très difficiles. Nous voulons trouver des moyens pour encourager le secteur privé à réinvestir dans les marchés locatifs. Dans le cadre des mesures dont je vous ai parlé, on prévoit la création d'un fonds d'investissement pour le financement de logements locatifs.
Je sais qu'on a eu recours à des réductions d'impôt ailleurs dans le monde; c'est ce qu'on a fait aux États-Unis, par exemple. C'est une façon de faire on ne peut plus délicate, car cet argent sert à différentes étapes du processus, alors l'investissement réel dans les logements locatifs est plus ou moins important au bout du compte. Nous ne serions pas prêts à recommander une telle mesure au Canada.
Nous avons proposé de créer un fonds d'investissement à l'aide des mécanismes déjà en place au Canada, ce qui implique, si je ne m'abuse, de rendre admissibles les investissements dans les logements abordables dans le cadre d'un fonds d'investissement de travailleurs.
Nous croyons que les suppléments au loyer doivent faire partie de la solution globale. Pour ce qui est des transferts, le gouvernement provincial peut servir d'organisme de coordination, une approche qui fonctionne très bien avec les municipalités en Colombie-Britannique. Nous aimerions poursuivre dans cette voie, et il serait souhaitable que le gouvernement provincial puisse administrer davantage de programmes de cette façon. Ce serait une bonne chose pour le Programme d'aide à la remise en état des logements et pour le financement des programmes de lutte contre l'itinérance, par exemple.
Le président : Monsieur Gadon?
M. Gadon : Merci de me poser la question. Malheureusement, il ne semble y avoir aucune uniformité dans les politiques et les programmes de logement au Canada. En tout cas, aucune mesure prise au cours des 10 dernières années ne laisse transparaître les vues du gouvernement fédéral sur le logement; les investissements fédéraux ne pointent pas non plus vers une stratégie particulière. On a plutôt assisté à la naissance de toute une série de programmes résultant de décisions politiques et de campagnes électorales. Certains programmes, comme le Programme d'aide à la remise en état des logements, datent de 35 ans et s'essoufflent tranquillement. La Stratégie des partenariats de lutte contre l'itinérance a été annoncée en 1999. Les fonds versés par ce programme n'ont pas augmenté au cours des 10 dernières années.
Il ne semble pas y avoir d'approche politique cohérente. Il n'y a à peu près pas d'orientation stratégique pour ce qui est du logement, et certainement aucune vision à long terme, alors on avance au gré des marées.
Évidemment, les programmes de subventions et de financement sont extrêmement utiles. À Toronto, le marché locatif est plutôt restreint et peu de nouveaux investisseurs décident de construire des logements locatifs; un programme de subventions d'investissement pourrait toutefois les inciter à le faire, et c'est dans cette direction que nous nous dirigeons actuellement.
J'ai tenu une séance le 7 avril. Nous avons reçu 250 intervenants du secteur du développement qui étaient prêts à participer au programme de relance économique que le gouvernement avait annoncé. Cette situation est largement attribuable au fait que le marché de l'habitation s'est effondré et qu'il n'y a pas de marché pour la construction d'immeubles en copropriété. Beaucoup des promoteurs de projets de condominiums non rentables tentent aujourd'hui de transformer ces immeubles en complexes d'unités locatives, en vue d'être admissibles à des subventions du gouvernement.
Il est primordial pour nous en ce moment de bénéficier de ces fonds de relance économique pour promouvoir le secteur de la construction et créer des emplois. Cela permettra, par le fait même, de créer des logements abordables. Nous sommes très heureux de voir que les choses se passent de cette façon.
Pour ce qui est des suppléments au loyer ou des allocations de loyer, je remettrai une copie de notre stratégie au greffier du comité. La première stratégie que nous proposons en matière d'investissement porte sur les suppléments au loyer. Au cours des 10 prochaines années, on pourrait ainsi aider 70 000 foyers formés de personnes âgées, de familles et de jeunes, ce qui représente environ la moitié des foyers éprouvant des besoins impérieux dans la Ville de Toronto. Il est évident que la construction ne suffira pas à répondre aux besoins impérieux en matière de logement au Canada. Il nous faudrait près de 100 ans pour construire tous les logements dont nous avons besoin. Cependant, il faut penser que certains foyers disposent peut-être de logements adéquats, mais ils doivent parfois consacrer entre 40 et 60 p. 100 de leurs revenus à leur loyer. Il serait facile de mettre en place un programme pour aider ces personnes. Les États-Unis ont des programmes de ce genre; le Département du logement et du développement urbain offre un programme de subventions au loyer. Nous n'avons rien de tel au Canada. Certaines provinces tentent de s'inspirer de ce modèle, mais il s'agit certainement d'une énorme lacune dans la politique de logement du Canada.
Le président : Proposez-vous que les suppléments au loyer soient versés aux locataires ou aux propriétaires des unités?
M. Gadon : Tout dépend de la situation. Selon moi, étant donné ce qui se passe à Toronto, il serait préférable de les verser aux locataires. J'ai reçu un courriel d'une dame de 84 ans l'autre jour. Elle a besoin d'un supplément au loyer, mais son propriétaire refuse de s'inscrire au programme, alors elle ne peut pas en obtenir. Soixante-dix pour cent de ses revenus servent à payer son loyer. Ce n'est pas au propriétaire de déterminer si une personne devrait recevoir de l'aide ou non. Si le locataire est admissible, il devrait pouvoir recevoir un supplément au loyer.
Le président : J'ai une dernière question à vous poser. Madame Davidson, vous avez affirmé que les programmes devraient être mieux coordonnés. J'ai été quelque peu surpris de vous l'entendre dire, parce que vous avez conclu une entente de développement tripartie. Peut-être que cela ne s'applique qu'au quartier centre-est. Est-ce un modèle efficace? Est-ce le genre d'approche que vous préconiseriez pour contribuer à la mise en œuvre de programmes axés sur des zones locales?
Mme Davidson : L'Accord de Vancouver n'a jamais été considéré comme un moyen pour canaliser les fonds versés par les programmes en place, ni pour prendre des décisions collectivement. On disposait de ressources limitées, bien qu'on ait reçu quelques sommes additionnelles. L'accord a permis de réaliser, dans une certaine mesure, les objectifs qui avaient été fixés. Par exemple, le projet de 87 unités dont j'ai parlé accueille des anciens toxicomanes. Le fédéral et le provincial ont accordé des fonds de contrepartie pour certains des investissements faits dans le cadre de l'Accord de Vancouver. L'accord a quand même porté fruit.
Je ne suis cependant pas persuadée que ce soit le modèle à suivre pour les années à venir. Le gouvernement de la Colombie-Britannique est le premier responsable de la prestation des programmes de logement. L'offre continue des services requis constitue la priorité numéro un, surtout quand il s'agit de loger les sans-abri.
Nous recommandons de nous tourner vers un modèle qui prévoit le transfert des fonds aux provinces, qui savent et qui comprennent comment traiter avec les communautés, les municipalités et le gouvernement fédéral.
En ce qui concerne les suppléments au loyer, nous avons deux programmes en Colombie-Britannique. Ils sont administrés par le gouvernement provincial. Ces programmes fonctionnent très bien. Un s'adresse aux personnes âgées, l'autre aux familles. Ces programmes sont limités par secteur.
Nous croyons qu'il s'agit d'un mécanisme efficace, qui doit être rattaché à des projets de construction. Ce qui pose problème à Vancouver, c'est que la prestation de suppléments au loyer combinée aux faibles taux d'inoccupation permet en effet d'aider certaines personnes, mais elle contribue aussi à l'augmentation globale des loyers.
M. Gadon : Si vous jetez un coup d'œil aux interventions en matière de logement au cours des dix dernières années dans l'ensemble du pays, ailleurs qu'en Colombie-Britannique et au Québec, il a fallu que le gouvernement fédéral montre l'exemple pour que les provinces et les territoires investissent de nouvelles sommes, comme ce fut le cas avec les fonds de relance économique qui ont été versés récemment. Les autres gouvernements se sont par la suite engagés à partager les coûts.
Je ne saurais trop insister sur le fait que rien de tout cela ne serait arrivé sans le leadership fédéral, tant du gouvernement libéral que du gouvernement conservateur. Le leadership dont a fait preuve le gouvernement fédéral a permis d'aller chercher des investissements de taille de la part des provinces et des territoires.
Les villes ont aussi pu faire leur part. La Ville de Vancouver a annoncé une formule qui lui permettrait d'investir avec ses partenaires. Je peux vous assurer que la Ville de Toronto est prête à faire sa part. Par exemple, la Ville de Toronto a décidé de lever les impôts fonciers sur une période de 25 ans afin de rendre les unités locatives nouvellement construites encore plus abordables. Nous avons aboli des droits d'aménagement que nous devrions normalement percevoir. Nous avons fourni gratuitement entre 15 et 20 terrains dans la région de Toronto pour le développement de logements abordables au cours des 10 dernières années.
Les municipalités sont prêtes à contribuer — c'est vrai à Vancouver, à Toronto et un peu partout au pays. Je crois que cette ouverture résulte du travail de la Fédération canadienne des municipalités. Toutes les villes et municipalités du pays sont vendues à l'idée.
Comme vous pouvez vous en doutez, nous sommes à même de voir les problèmes qui se posent sur place. Je vous ai parlé de cette dame de 84 ans. Les gens se tournent vers leur municipalité pour trouver une solution à leurs problèmes. Ils ne s'adressent pas nécessairement à leur député fédéral, parce qu'ils ne croient pas que ce dernier puisse s'occuper de ce genre de problème fondamental. Cependant, c'est seulement en partenariat avec le gouvernement fédéral que nous pourrons remédier à la situation.
Le président : Ce sont là des arguments pertinents.
Le sénateur Munson : Merci pour vos exposés. J'ai quelques courtes questions à vous poser.
Nous traversons actuellement une période de récession. Les gens doivent se serrer la ceinture. Mme Davidson propose un investissement annuel de 500 millions de dollars; c'est énorme. Nous savons quel est le problème. Le comité a pu prendre pleinement connaissance du dossier. Les membres du comité ont aussi été à même de le constater lors de leur passage à Vancouver.
Combien de temps vous donnez-vous pour réunir tout cet argent? Devrait-il s'agir d'une entente ponctuelle, ou est- ce que cette mesure devrait faire partie du prochain budget fédéral?
Mme Davidson : Je crois qu'il est important de mettre en place un programme viable à long terme. L'ensemble du Canada a souffert de ces programmes par à-coups. M. Gadon a indiqué comment nous passons notre temps à attendre qu'on annonce un nouveau programme. On les maintient pendant un certain temps, sans savoir quelles seront les prochaines étapes. Nous avons souffert d'un secteur du développement en mode accordéon — suite de mesures provoquant l'accélération puis le freinage des activités —, ce qui a eu des effets très négatifs.
Pour ce qui est de l'échéancier que nous nous sommes fixé, nous voulons agir le plus rapidement possible. Une chose est sûre, c'est que nous avons besoin de mesures stables, afin d'avoir une idée de ce que les dix prochaines années, au moins, nous réservent.
M. Gadon : De l'argent est sur le point d'être injecté dans le système de logement. Il est primordial que les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux et les municipalités s'organisent pour que ces investissements soient faits immédiatement. Dans le cadre du budget fédéral lancé plus tôt cette année, le gouvernement a annoncé quelque 7,8 milliards de dollars en allégement fiscal et en financement visant à stimuler le secteur de l'habitation. À mon avis, cela indique qu'il est question d'un élément clé du secteur des affaires au Canada. Compte tenu que ces investissements ont déjà été faits, il s'agit donc de les maintenir à moyen et à long terme.
Le sénateur Munson : Madame Davidson, pouvez-vous me dire dans quelle mesure l'initiative Insite contribue aux stratégies de lutte contre l'itinérance à Vancouver?
Mme Davidson : C'est une initiative extrêmement importante. Elle a permis d'offrir de la stabilité à beaucoup de gens. Elle apporte aussi un peu de civilité aux affaires qui se trament dans les ruelles du quartier centre-est. Il s'agit d'une initiative sanitaire positive, et nous espérons qu'elle sera maintenue.
Le sénateur Martin : Madame Davidson, je suis heureux de pouvoir parler à une concitoyenne vancouveroise. Le soleil de là-bas me manque, surtout par les journées nuageuses comme aujourd'hui, ici, à Ottawa. Merci pour votre exposé.
Quelques éléments clés sont ressortis de vos commentaires. Il est important de bâtir des partenariats efficaces, et nous devrions miser sur ce qui fonctionne, plutôt que de tenter de réinventer la roue.
Je pense surtout à cette roue à laquelle vous faites référence, et à ses rayons. Naturellement, nous pensons souvent aux différents ordres de gouvernement. Ici, à Ottawa, nous contribuons au rôle important que doit jouer le gouvernement fédéral. Même si je fais partie de ce comité depuis peu, j'ai eu l'occasion de voir les résultats fructueux du modèle actuel dont vous avez parlé, notamment lors de mon récent passage à Calgary et à Edmonton.
Il est essentiel pour le gouvernement fédéral d'assurer une présence et d'accorder du financement, et vous nous avez confirmé que c'est ce qu'il fait. Les provinces doivent elles aussi jouer un rôle de premier plan, puisqu'il s'agit d'une problématique régionale. Chaque province a en effet des besoins biens particuliers. Certains besoins sont toutefois les mêmes à l'échelle nationale, et nous pouvons à cet égard échanger des connaissances et des pratiques exemplaires.
Toutefois, les villes ont probablement le rôle le plus important à jouer, car ce sont leurs résidants qui sont dans le besoin. Vancouver, New Westminster et Surrey sont toutes des municipalités distinctes. Chaque ville doit déterminer quelle est la meilleure façon de s'attaquer chez elle aux problèmes d'itinérance et de logement.
Ma question porte sur des partenaires clés, c'est-à-dire les promoteurs du secteur commercial. A-t-on procédé à des consultations adéquates auprès des promoteurs et des investisseurs pour savoir quelles sortes d'incitatifs ils aimeraient qu'on leur offre? Offrons-nous les mesures incitatives réclamées à l'heure actuelle? De quelle façon avons-nous consulté ces partenaires?
Mme Davidson : Vous avez peut-être entendu parler d'une nouvelle organisation appelée Street to Home Vancouver, un organisme du secteur privé qui réunit des bailleurs de fonds du secteur privé, dont des intervenants du secteur du développement immobilier. Nous commençons à travailler ensemble. Ils commencent à mieux comprendre de quelle façon ils peuvent s'impliquer et comment nous pouvons collaborer.
Cette relation est encore naissante. J'ai bon espoir qu'en nouant des liens solides, nous pourrons trouver des moyens pour travailler en collaboration. Plus précisément, je crois que cela pourrait notamment se concrétiser dans le cadre de projets dans lesquels la province être prête à investir. La ville peut fournir des terrains ou absorber les coûts de location, et le secteur privé et les intervenants du secteur du développement immobilier peuvent décider de contribuer financièrement au projet, d'entreprendre la construction même, ou encore d'intervenir de la façon qu'ils jugent la plus appropriée.
Généralement parlant, savons-nous ce que les promoteurs immobiliers peuvent faire? Nous avons tenu des discussions informelles au fil des ans. Nous n'avons pas tiré profit de l'approche employée par la Ville de Toronto récemment pour élaborer sa stratégie, une excellente façon de faire, à mon avis, qui nous permettrait de mettre en place une approche plus globale. Nous tentons d'instaurer une stratégie à long terme pour stimuler le marché des logements locatifs, et nous veillons dans le cadre de ce processus à consulter davantage les intervenants du secteur du développement pour savoir comment ils peuvent selon eux faire leur part.
Nous savons que certaines incitations fiscales pour les logements locatifs du secteur privé ont l'heur de plaire aux promoteurs. Nous avons de la difficulté à donner suite à certaines de ces propositions au Canada. La Fédération canadienne des municipalités les appuie, mais il faut réfléchir à une échelle plus nationale sur les moyens à prendre pour encourager davantage les promoteurs ou travailler davantage avec eux afin de donner un nouveau souffle à la construction de logements par le privé.
Le président : Il s'agit d'un élément qu'il nous est indispensable de connaître, parce que c'est à l'échelon fédéral que nous intervenons. Quelles mesures fiscales feraient la différence? D'après vos échanges avec les promoteurs, qu'est-ce qui les amènerait, d'après vous, à construire plus de logements locatifs, par exemple?
M. Gadon : J'aurais des éléments de réponse. Nous abordons peut-être le problème suivant une approche plus ciblée; notre stratégie des 10 prochaines années consiste à revitaliser 13 de nos ensembles de logements sociaux, en partenariat avec le secteur privé. Dans son témoignage devant le comité, en novembre 2007, Derek Ballantyne a fait allusion au travail effectué à Regent Park, où un ensemble de 2 083 unités de logements sociaux, dont les occupants étaient ghettoïsés et coupés de la communauté locale, a subi une cure de rajeunissement pour devenir un nouvel ensemble de 5 000 domiciles neufs, parmi lesquels 3 000 ont été construits par le secteur privé puis vendus. Nous prévoyons faire la même chose dans 13 autres ensembles immobiliers, mais nous avons besoin de l'appui fédéral et de l'appui de la province pour concrétiser ces plans. Les promoteurs se sont montrés intéressés à devenir nos partenaires dans ce projet. L'occasion est belle, parce que nous possédons les terrains. L'expérience nous a appris que le secteur privé recherche la certitude. Il veut savoir dans quoi il s'embarque et connaître avec certitude ce qui en ressortira.
À vrai dire, la fiscalité est très changeante. Parfois, même si une mesure fiscale a été modifiée, une nouvelle équipe d'élus peut tout bouleverser. Les promoteurs de Toronto veulent savoir avec certitude à quel endroit ils peuvent construire et connaître les règles du jeu entre la municipalité et eux.
Je vous ferai parvenir sous peu un rapport que nous avons rédigé en 2001. Il s'intitule Unlocking the Opportunity for New Rental Housing : A Call to Action. Nous y examinions certains projets de réforme fiscale, mais, avec le gouvernement de l'époque, nous prêchions dans le désert. Des promoteurs ont contribué à sa rédaction. Nous n'avons pas poussé le dossier plus à fond, car cela aurait exigé des efforts considérables. Nous avons plutôt consacré une plus grande partie de notre temps à travailler avec la collectivité, pour cerner les occasions et amener les promoteurs à se joindre à nous. Ils ont d'ailleurs manifesté leur intérêt à le faire.
Le sénateur Martin : Merci de votre réponse. C'est un domaine, j'en suis convaincue, à explorer davantage. Comme vous le dites, c'est une occasion à saisir. Je viens du secteur des associations sans but lucratif et, souvent, les groupes communautaires peuvent être extrêmement ingénieux. Je pense surtout à la coordination du travail des partenaires et à la nécessité de s'assurer, quand on obtient leur concours, de discerner leurs objectifs et de trouver le moyen de parachever ce partenariat pour optimiser son fonctionnement.
L'autre sujet sur lequel je voulais vous interroger, c'est la nécessité d'être innovant pour toutes les grandes villes. Nous en avons vu des exemples éloquents dans les villes que nous avons visitées — Calgary, Edmonton et Vancouver où je travaille. Par exemple, je suis en relation assez étroite avec la communauté coréenne, dont les personnes âgées ont besoin de logements. Après avoir repéré différentes communautés chrétiennes possédant des terrains, nous avons obtenu le concours de la ville pour les permis et les autorisations requises afin d'affecter une partie de ces terrains à la construction de logements pour les personnes âgées, qui peuvent fréquenter l'église et bénéficier du soutien de la communauté. C'est du court et du long terme, mais des partenaires comme ceux-là pourraient faire partie du rouage.
Il faut de la coordination. Pour les besoins d'une étude sur les secteurs communautaire et privé, peut-être est-il plus facile pour le gouvernement fédéral d'organiser ce genre de réunion et d'examiner ce que les protagonistes veulent en retirer. Nous pouvons sans contredit jouer le rôle de coordonnateur. Nous avons entendu cela dans d'autres villes. Comment susciter l'effort coordonné, alors que chaque ville et chaque région a tant d'éléments et de partenaires différents ainsi que tant de pratiques exemplaires? Comment faire connaître cela efficacement et profiter mutuellement de l'expérience de tous? Pour ce qui concerne la dimension communautaire à laquelle j'ai fait allusion, quelle est votre expérience à Toronto et Vancouver du travail avec ce genre de partenaires?
M. Gadon : Si je commence par Toronto, il y a énormément de volonté communautaire, tant chez les groupes confessionnels que dans les associations ou coopératives de logement sans but lucratif. Il faut toutefois souvent déplorer un manque de capacité, ce qui explique pourquoi nous avons retenu ce modèle de partenariat. Le groupe confessionnel ou sans but lucratif n'a pas, alors, à apprendre à devenir promoteur, mais il établit un partenariat avec un promoteur qui s'occupe de la construction en son nom. Cela permet également d'éviter des erreurs coûteuses. L'argent à consacrer au logement est très rare, c'est pourquoi nous essayons d'éviter l'échec des projets. On ne peut pas réussir à tous les coups, mais la recette consiste à réunir tous les bons partenaires et à faire tenir à chacun son rôle. Il n'y a pas longtemps, quelqu'un m'a montré une liste des professionnels et des organisations dont on avait besoin pour mener à terme un projet de logements abordables. Sauf erreur, la liste alignait, à titre indicatif, 88 noms d'individus et d'organisations. C'est également un travail pénible. Mme Davidson confirmera le fait que, effectivement, en vertu du programme de stimulation économique, la construction de logements est financée pour deux ans, mais que, en moyenne, la réalisation d'un projet de logements, au niveau municipal, nécessite de trois à cinq années. À cause de cela et du nombre de partenaires réunis, nous avons besoin de certitude sur un horizon de plus de deux ans.
Mme Davidson : C'est vrai que, par l'entremise des groupes confessionnels ou des sociétés à but non lucratif, la communauté nous procure beaucoup d'énergie, de compétences et d'enthousiasme. C'est la particularité du Canada d'avoir mis au point, au fil des ans, des stratégies de construction de logements à faible coût. Nous possédons ce tiers secteur vigoureux. Ces dernières années, nos difficultés nous sont venues du fonctionnement par à-coup de nos programmes. Les groupes sans but lucratif acquièrent une expertise de l'offre de logements, mais les occasions de démontrer ces habiletés peuvent ne pas se représenter avant de nombreuses années. Cela montre bien, je pense, le besoin de certitude à long terme dans la mise en œuvre des programmes de logement.
Le président : Nous voyons bien se dégager le thème du financement stable, à long terme.
Le sénateur Merchant : Madame Davidson et monsieur Gadon, je vous remercie. Comme vous l'avez dit, les constructeurs seront de la partie s'il y a certitude. Le gouvernement ne pourrait-il pas, par exemple, garantir les taux d'hypothèque? Parfois l'entreprise privée peut réaliser des choses qui ne sont pas si compliquées et, peut-être même, y parvenir à peu de frais. Je ne sais pas ce que vous en pensez.
Il y a plusieurs années, on a mis sur pied des programmes d'immeubles résidentiels à logements multiples ou IRLM. Il y a 25 ans environ — vous aviez reculé de 10 ans —, on construisait des logements à faible coût, abordables, parce que le marché offrait un niveau de certitude suffisant. Aujourd'hui, le gouvernement peut emprunter à des taux peu élevés. S'il pouvait en faire profiter l'entreprise privée, cela pourrait être un stimulant. Si la construction est profitable, elle se fera.
Vous êtes tous deux de la ville. Avez-vous senti des résistances à ce genre de projet de construction qui se ferait trop près du domicile de certains? Vous avez fait allusion à la ghettoïsation. Qu'en pensez-vous?
Le président : Je me souviens des IRLM.
Mme Davidson : Sur la question des hypothèques, je cède la parole à M. Gadon.
M. Gadon : D'accord. Actuellement, le marché est intéressant, parce que les taux d'intérêt ne descendront probablement pas davantage. Ce qui serait peut-être inquiétant, à moyen terme, après 2011, pour un financement découlant de mesures de stimulation économique, ce serait d'entamer une période de taux d'intérêt plus élevés et d'inflation. Cela poserait problème au secteur du bâtiment en général et à la construction résidentielle en particulier.
Oui, il est très important que la Société canadienne d'hypothèques et de logement prête attention à la disponibilité du capital. Par exemple, l'Ontario a créé un mécanisme de crédit hypothécaire. Un certain nombre de promoteurs de logements abordables l'utilisent, car les prêteurs ne sont pas préparés à leur faire confiance. Voisin immédiat de l'Hôpital pour enfants, le YWCA derrière l'hôtel de ville, sur la rue Edward, construit 300 unités de logement abordable pour les femmes et les Autochtones. Les travaux viennent de commencer. Tout cela, grâce à la création, par l'Ontario, d'un fonds de placements hypothécaires duquel proviennent 40 millions de dollars de fonds hypothécaires. Il est très bon de pouvoir compter sur ces mécanismes lorsque le marché des prêteurs se dérobe.
Le deuxième point concerne le syndrome « pas de ça chez nous ». Indéniablement, c'est un problème. Dans notre stratégie de construction de logements, nous nous sommes proposé de le combattre en partie par l'adoption d'une charte à l'intention des conseillers municipaux et des résidants locaux, selon laquelle n'importe qui a le droit de vivre dans le quartier de son choix sans subir d'ostracisme. On peut prendre toutes les décisions qu'on veut concernant les immeubles, mais les formes d'occupation du sol et les décisions à l'échelon local ne devraient pas se fonder sur une catégorisation des personnes.
Je n'ai pas besoin de vous parler de l'ampleur de la maladie mentale au pays; à Toronto, c'est un enjeu. Cela ne nous empêche pas d'aller de l'avant. Au début des réunions que je tiens, le président de mon comité avertit les participants qu'il ne tolérera aucune remarque discriminatoire et qu'on n'interdira la construction de logements abordables, de logements de transition ou de logements supervisés dans aucun quartier de la ville. Pour les 10 dernières années, le conseil municipal présente une fiche parfaite, ayant approuvé près de 100 nouveaux projets. J'en suis très fier, malgré les oppositions qui se sont manifestées.
Curieusement — et tout élu le sait d'expérience —, après l'arrivée des nouveaux venus, tout va très bien. Les relations sont même meilleures qu'avant dans la communauté.
Le président : Je pourrais en raconter sur le sujet, mais ce sera pour une autre fois.
Mme Davidson : Je suis sûre que nous avons tous des expériences à raconter et des cicatrices à montrer relativement à l'arrivée de logements supervisés dans divers quartiers.
D'après notre expérience, cela exige vraiment du leadership politique, dans le sens de ce que nous relatait M. Gadon, pour bien faire savoir que la présence de ces logements dans tous les quartiers nous importe à nous en tant que Canadiens et qu'elle crée le type de villes et la diversité sociale que nous recherchons. Ce leadership peut se manifester chez nos dirigeants de tous les échelons.
L'autre facteur qui s'est révélé vraiment efficace contre le syndrome « pas de ça chez nous », c'est le temps. Ainsi, quand nous avons acheté des terrains pour un projet de logements supervisés dans l'un de nos quartiers de l'ouest, un groupe d'opposants s'est formé, le NIABY, que l'on pourrait traduire par « pas de ça chez personne ». Nous avons ensuite connu des échanges tumultueux, mais cela a permis de mieux faire connaître la réalité de la maladie mentale et des personnes qui travaillent à vaincre leurs dépendances. La construction est maintenant à la veille de débuter. Les habitants du quartier sont majoritairement disposés à bien accueillir les futurs occupants de ces logements et ils essaient de trouver des moyens d'interagir avec eux. Je crois qu'ils considèrent désormais cette maison comme faisant partie de leur quartier. J'ai également constaté que les personnes d'abord opposées à un projet controversé au centre-ville de Vancouver participent maintenant avec nous à des émissions radiophoniques de discussion, pour dire à quel point ce projet a vraiment enrichi leur communauté.
Le syndrome « pas de ça chez nous » est un problème. Il faut lui opposer un leadership réfléchi, bien se préparer à un long dialogue et à un long échange d'idées pour dissiper nos peurs. Comme M. Gadon l'a dit, une fois les logements construits, les gens du voisinage comprennent que leurs craintes n'étaient pas fondées.
Le sénateur Merchant : Je veux vous remercier tous les deux. Que l'on vienne d'une grande ou d'une petite ville, on affronte les mêmes problèmes. C'est bon d'entendre des témoignages de personnes venant des deux extrémités du pays, parce que, en Saskatchewan, nous avons nos propres problèmes et nous essayons de les résoudre. Vous avez raison de dire que, sachant à qui on a affaire, on se sent plus à son aise avec les gens, ce qui favorise la création d'un esprit national.
Le président : Merci beaucoup. À propos, nous allons en Saskatchewan. Une partie de notre enquête nous mènera à Regina.
Le sénateur Cordy : Merci beaucoup de la part de quelqu'un de l'autre bout du pays. Il y a quelques semaines, un groupe de sénateurs s'est rendu à Vancouver pour des réunions. Le sénateur Campbell nous a amenés visiter la partie est du centre-ville, et nous avons eu l'occasion d'entendre parler d'Insite, un centre qui ne nous était pas totalement inconnu. Un membre de l'organisation nous a parlé de l'excellent travail accompli au bénéfice des personnes souffrant de problèmes de santé mentale à cause de leur toxicomanie. C'était très édifiant, et la description des merveilleuses réussites de l'organisation était très réjouissante.
Il y a une dizaine de jours, nous étions à Regent Park. Nous y avons rencontré trois adolescents formidables qui nous ont parlé du programme de mentorat auquel ils participent à leur école secondaire. C'était un plaisir de les entendre. Nous devions partir vers 15 h 40. Pour moi, le clou de la visite a été le retour des élèves de l'école, les familles rassemblées et le fait de constater la beauté du quartier et les possibilités qu'il offrait.
Monsieur Gadon, vous avez déploré le manque de cohérence de l'action fédérale. Tous deux y avez fait allusion en termes différents. Selon vous, certains de nos programmes sont à bout de souffle. Devrait-on les maintenir? Y mettre fin? Vous avez également mentionné les accords à court terme que l'on conclut pour les projets de logement.
L'été dernier, à St John's, le ministre Skinner qui est chargé de la lutte contre la pauvreté nous a parlé d'ententes de ce genre qui prenaient fin en mars 2009. Il nous a avoué que personne ne voulait s'engager un an à l'avance dans un programme alors qu'il n'y avait rien de prévu pour effectivement obtenir une partie des fonds.
Vous avez parlé des ententes à court terme que l'on conclut pour les projets de construction de logements et du fonctionnement intermittant des programmes.
Madame Davidson, vous avez dit que le financement stable à long terme serait une solution, mais quelles autres solutions pourraient nous donner un plan cohérent, qui orientera les autres partenaires, les municipalités et les provinces? Vous deux et beaucoup d'autres témoins avez insisté sur la nécessité du leadership fédéral en matière de logement.
Mme Davidson : La solution se trouve en partie dans l'élaboration d'une stratégie nationale du logement, qui nous fait réellement défaut. Nous avons une mosaïque de programmes, ils fonctionnent par à-coup, mais le flou entoure nos objectifs à long terme ainsi que les divers rôles que les joueurs — gouvernement fédéral, provinces et municipalités, secteur privé et fournisseurs de logements sans but lucratif — peuvent tenir.
Une stratégie nationale globale représenterait un formidable pas en avant.
M. Gadon : Il est curieux que dans plus de 60 collectivités du Canada, à la faveur de la Stratégie des partenariats de lutte contre l'itinérance, nous disposions de plans pour l'itinérance, mais d'aucun plan pour le logement. Personne à l'échelon fédéral ne nous a demandé d'élaborer un plan local de logement. L'étape suivante serait qu'on nous demande d'établir, comme nous l'avons fait à Toronto et ailleurs au pays, des plans de logement que le gouvernement fédéral pourrait examiner. La Fédération canadienne des municipalités l'a proposé. À Toronto, nous en avons élaboré un, mais nous ne savons pas s'il trouvera preneur. Nous avons un plan pour l'itinérance. Que, d'un bout à l'autre du pays, le gouvernement fédéral ait financé et appuyé des solutions pour l'itinérance, c'est formidable. Toutes les collectivités concernées s'y sont totalement vouées. Elles ne font qu'un avec vous. Cependant, pour le logement, rien de tel. Il suffit d'examiner ce qui se fait dans les autres pays développés. Le Royaume-Uni s'est donné un plan décennal, qu'il finance et dont les objectifs et les résultats sont mesurés. Au Canada, rien qui ne ressemble à cela. Il est indispensable de franchir ce pas.
Le sénateur Cordy : Vous avez entièrement raison. Yogi Berra ne disait-il pas que celui qui ne sait pas où il va risque fort de se retrouver ailleurs? Nous devons absolument établir un plan, des objectifs et des résultats. Je suis une ancienne enseignante. En septembre, nous fixions toujours nos objectifs pour l'année, sans quoi nous ne pouvions pas avancer.
Comme vous l'avez si bien dit, on a entrepris de brillantes initiatives partout au pays. Toutefois, il nous faut une certaine cohésion pour assurer l'efficacité des partenariats.
Je me souviens particulièrement de notre visite à la Stella Burry Corporation, à St. John's. Cet organisme était également aux prises avec des problèmes de financement. Il était enseveli sous la paperasse, et compte tenu de tous ces programmes qui sont mis sur pied et ensuite abolis, il avait presque besoin d'un employé à temps plein pour savoir quels programmes fédéraux étaient en vigueur. Avez-vous de la difficulté à déterminer quels sont les programmes offerts, ainsi que leurs dates de début et de fin, et à gérer toute la paperasserie qui s'y rattache?
M. Gadon : Je connais Jocelyn Green, de Stella Burry, qui vous a probablement dit ça; c'est effectivement vrai. Le financement est complexe. Sachez, par exemple, que les gouvernements fédéral et provincial, l'administration municipale et la communauté imposent leurs conditions à l'égard du financement. Lorsque le Programme de logement abordable a été reconduit en 2003, on accordait un financement de 29 000 $, assumé à parts égales par les gouvernements fédéral et provincial, pour construire un logement locatif abordable.
En 2005, on a déterminé que ce n'était pas suffisant, et le financement est passé à 70 000 $. Dans le cadre de son nouveau programme de relance économique, l'Ontario a augmenté son financement à 120 000 $. Imaginez comment doivent se sentir les partenaires qui n'ont reçu que 29 000 $ en 2003 ou 2004 pour construire une unité d'habitation locative, alors qu'aujourd'hui, ils en obtiendraient 120 000 $. Évidemment, ils doivent se sentir floués. Ils doivent également se dire qu'ils auraient dû attendre de voir si le programme permettait d'obtenir les résultats souhaités. La situation s'est améliorée, mais il a fallu beaucoup de temps, et on n'a pas cessé de modifier les règles depuis.
Nous avons besoin de certitude. Je ne le dirai jamais assez, surtout en ce qui concerne l'élaboration de nouveaux programmes de logement abordable et de subventions. On a besoin de certitude relativement aux règles, mais aussi de souplesse afin de mieux répondre aux besoins locaux et d'engagements à long terme.
Le président : Avant que Mme Davidson ne réponde, j'aimerais permettre au sénateur Keon de poser une question, car il doit partir plus tôt.
Le sénateur Keon : C'était très intéressant de vous entendre tous les deux. Vous avez abordé la même question de deux manières différentes, mais vous vous êtes entendus sur la majorité des aspects.
Monsieur Gadon, vous avez élaboré un plan municipal à Toronto, ce qui est excellent, et madame Davidson, vous avez insisté pour que la coordination se fasse au bureau provincial, car, selon vous, c'est plus efficace. Il est intéressant de voir que la masse critique de gens est pratiquement la même en Colombie-Britannique et à Toronto. Je suppose qu'elle est un peu plus importante à Toronto, ce qui pourrait expliquer la situation.
Voici donc ma question. Vous venez juste d'en parler, monsieur Gadon. Comment réussissez-vous à coordonner les initiatives d'aide aux sans-abri et les initiatives de logement? En tant que personne de l'extérieur, il me semble que les itinérants à Vancouver se trouvent à un seul endroit, tout comme à Toronto. Comment arrivez-vous à les convaincre de se rendre à l'un de vos 13 sites à Toronto ou à quelque part dans la partie ouest de Vancouver?
M. Gadon : En 2003, il y avait 100 itinérants qui vivaient dans des tentes aux abords du Lac Ontario. Cette histoire a fait le tour du monde. La plupart d'entre eux étaient sans-abri depuis sept ans. Lorsqu'ils ont été expulsés du site, je leur ai parlé et demandé ce qu'ils voulaient. À Toronto, ils n'ont pas le choix de se tourner vers les refuges. Par contre, ils ont tous déjà vécu dans des refuges par le passé. Ils veulent maintenant vivre de façon indépendante, et les refuges ne leur offrent pas cette possibilité. Ils veulent leur propre chez-soi. Nous avons mis sur pied un programme d'urgence de supplément de loyer pour les aider à se trouver un logement abordable.
Cinq ans plus tard, 90 p. 100 d'entre eux étaient encore logés. Nous nous en sommes donc inspirés et avons créé un programme intitulé « Streets to Homes ». Ces trois dernières années, plus de 2 000 sans-abri sont parvenus à se sortir de l'itinérance et à se loger. À Toronto, neuf sans-abri sur dix vous diront qu'ils ne veulent pas un sandwich ou une couverture, mais bien un endroit où habiter.
Nous considérons que le programme donne de bons résultats. Évidemment, vous trouverez encore des itinérants dans les rues de Toronto, mais pas autant qu'il y a trois ou quatre ans.
Mme Davidson : En collaboration avec la province, nous sommes en train d'élaborer un système d'accès centralisé pour essayer de trouver un logement aux sans-abri. Les gens dans la rue nous disent la même chose : ils ne veulent pas aller dans un refuge; ils veulent un logement. Grâce à ce système centralisé, nous sommes mieux en mesure d'aider les gens, non seulement dans la partie est du centre-ville, mais aussi dans d'autres secteurs de la ville.
Un nouveau conseil a été établi en décembre. L'une de ses premières initiatives a été de venir en aide aux 800 personnes qui couchent dans la rue tous les soirs. À l'aide du financement du gouvernement provincial et du secteur privé, on a ouvert cinq refuges d'urgence.
On a réussi à aider près de 400 personnes. Ces refuges sont toujours ouverts. Nous espérons pouvoir obtenir des fonds supplémentaires afin que les refuges en construction puissent accueillir des gens avant les Jeux Olympiques.
Les gens avec qui je parle dans les refuges sont très reconnaissants d'avoir un toit où dormir. Cependant, ils aimeraient que les refuges ouvrent leurs portes plus tôt pour pouvoir y rester durant la journée et avoir davantage accès aux douches. Chose certaine, ils souhaiteraient par-dessus tout occuper un logement autonome.
C'est l'une des difficultés auxquelles nous sommes confrontés. Nous avons beau trouver des moyens de contrer l'itinérance, il n'en demeure pas moins que la solution à long terme est de construire des habitations.
Le sénateur Keon : Connaissez-vous autant de succès que votre ami, M. Gadon, à Toronto, où on réussit à loger 90 p. 100 des gens?
Mme Davidson : Malheureusement, notre situation est un peu différente. Nous n'avons pas les habitations nous permettant de loger tout le monde. Par le passé, Toronto affichait un taux d'inoccupation beaucoup plus élevé que nous. Nous n'avons pas la capacité de diriger les gens vers des logements appartenant au secteur privé, comme c'est le cas à Toronto.
Nous allons effectuer un essai, en collaboration avec la Commission de la santé mentale du Canada, pour déterminer si nous pouvons utiliser davantage cette approche. Nous tenterons de loger 200 ou 300 personnes dans des appartements du secteur privé.
Nous voulons avant tout construire des immeubles d'habitation subventionnés par les gouvernements provincial et fédéral. Nous disposons actuellement de 14 sites de construction, et le gouvernement provincial nous a récemment confirmé qu'il en financerait six. Nous sollicitons donc l'aide du gouvernement fédéral pour pouvoir mettre en chantier les huit autres immeubles résidentiels.
Le président : J'ai une autre question qui s'adresse à vous deux. Elle porte sur les quelques programmes, dont nous avons discuté, qui pourraient s'avérer très prometteurs. L'un d'eux est le plan décennal d'élimination de l'itinérance de Calgary. Ce plan s'apparente à celui d'Edmonton et d'autres villes. Il ressemble également beaucoup à ce qui a été fait aux États-Unis, comme certains d'entre vous le savent.
Où vous situez-vous par rapport à ces plans? Les plans de Vancouver et de Toronto sont-ils différents des plans décennaux qui semblent être utilisés dans plusieurs villes?
À Toronto, nous avons visité les immeubles d'Options for Homes, dans le Distillery District, et nous avons parlé à des résidants. Il s'agit d'une formule abordable d'accession à la propriété qui facilite l'accès des condominiums aux personnes à faible revenu ayant une seconde hypothèque à payer qu'au moment de la vente. Je pense que vous savez de quoi il est question.
J'aimerais que vous nous parliez de l'une de ces initiatives prometteuses.
Mme Davidson : Nous avons également un plan décennal visant à mettre fin à l'itinérance. Il ressemble beaucoup aux plans de Calgary et d'Edmonton. La plupart des plans en matière d'itinérance sont relativement semblables partout au pays. Le nôtre s'appelle « 3 Ways to Home ». Il s'apparente à notre plan régional de lutte contre l'itinérance, selon lequel, pour régler le problème des sans-abri, il faut avant tout offrir aux gens un revenu décent, un logement abordable et des services visant les principales causes à l'origine du sans-abrisme.
Je trouve intéressant que le gouvernement fédéral nous ait permis d'élaborer nos propres plans d'action. Cela s'est avéré très bénéfique. À Vancouver, notre plan nous a réunis en tant que région. La ville de Vancouver travaille avec Surrey et Burnaby, et nous avons élaboré un plan pour la région et pour la ville. Il s'agit d'une mesure très importante.
Cependant, nous n'avons rien de tout cela sur le plan du logement. D'ailleurs, je félicite Toronto pour ses initiatives. On pourrait nous inciter, à l'échelle nationale, à élaborer nos propres plans d'action en matière de logement.
Je connais l'approche d'Options for Home. Nous l'avons même explorée à Vancouver, mais nous sommes limités en raison du prix élevé des terrains. En revanche, quelques-unes de nos coopératives de crédit essaient de collaborer avec certaines municipalités périphériques où les terrains coûtent un peu moins cher.
L'accession à la propriété à des conditions abordables demeure une option des plus intéressantes. Nous allons continuer d'explorer les diverses options qui s'offrent à nous pour voir ce que nous pouvons faire à ce chapitre, car nous sommes conscients que cela fait partie de la solution pour loger les gens de notre région.
M. Gadon : En janvier 2009, cela a fait 10 ans qu'Anne Golden a mis sur pied un groupe de travail visant à régler les problèmes d'itinérance et de logement. Je suis allé à Vancouver et à Calgary, et ça m'a rappelé ce à quoi Toronto ressemblait il y a dix ans, particulièrement Calgary. Ces deux villes doivent absolument se doter de plans dynamiques en matière d'itinérance pour faire face à la crise du logement.
Dans le cas de Toronto, toutefois, nous estimons qu'il est temps de franchir une nouvelle étape. C'est pourquoi, plutôt que de nous concentrer uniquement sur un plan d'aide aux sans-abri, nous avons présenté un plan de logement. Beaucoup de gens dans le besoin sont à deux doigts d'être à la rue ou font appel aux banques alimentaires ou à d'autres services pour survivre. Le plan de logement traite à la fois de leurs problèmes de logement et de revenu.
On a entrepris des initiatives prometteuses partout au pays. Par contre, il ne faut pas oublier que les marchés de l'habitation sont locaux, tout comme les constructeurs et les sociétés immobilières. Tout se fait localement. Mis à part le gouvernement, tous les intervenants sont locaux, d'où la nécessité d'avoir des approches flexibles. Une communauté peut faire face à une crise des sans-abri ou à des problèmes liés aux Autochtones, alors qu'une autre peut avoir de la difficulté à offrir des logements à prix abordable.
Par conséquent, ces plans commencent à prendre forme. Ils sont tous échelonnés sur 10 ans. Personne n'a de plan sur deux ans, à moins que le gouvernement en ait demandé un.
En ce qui concerne les plans d'aide aux sans-abri, on nous a tous demandé d'élaborer des plans sur deux ans. J'aimerais avoir un plan sur dix ans. Nous en avons élaboré un il y a dix ans. Nous avons maintenant un plan décennal en matière de logement. J'aimerais pouvoir parler de sa mise en œuvre à chacune des années.
Il y a des modèles tels qu'Habitat pour l'humanité et Options for Homes qui encouragent les gens à acquérir une première habitation. Dans le cas de Toronto, où nous avons revitalisé et proposé de revitaliser 13 de nos collectivités de logement social au cours des dix prochaines années, je ne voudrais pas, pas plus que le conseil municipal ou le maire, qu'on remplace les logements sociaux par des condominiums que les gens n'ont pas les moyens de payer. Nous devons combler cet écart pour les gens qui sont constamment pauvres et ne peuvent se permettre d'habiter une maison. Certains de ces modèles pourraient contribuer à régler le problème.
Le président : Merci beaucoup à vous deux. La séance s'achève. Nous vous remercions de l'information que vous nous avez donnée sur les stratégies et programmes locaux en matière de logement et d'itinérance. Nous reconnaissons que le logement est d'abord la responsabilité de chaque province, n'empêche que le gouvernement fédéral intervient depuis longtemps dans ce dossier. Je pense que nous sommes tous conscients que les trois ordres de gouvernement doivent collaborer auprès des collectivités afin de remédier à cette situation difficile.
Cela dit, nous nous pencherons davantage sur la question et espérons pouvoir formuler des recommandations d'ici l'automne sur un certain nombre de problèmes concernant la pauvreté, le logement et l'itinérance.
(La séance est levée.)