Délibérations du comité sénatorial permanent des
Pêches et des océans
Fascicule 7 - Témoignages - 26 mai 2009
OTTAWA, le mardi 26 mai 2009
Le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans s'est réuni aujourd'hui, à 17 h 6 pour poursuivre son étude sur les questions relatives au cadre stratégique actuel en évolution du gouvernement fédéral pour la gestion des pêches et des océans du Canada.
Le sénateur Ethel Cochrane (vice-présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La vice-présidente : Bonjour à tous. Je suis heureuse de vous souhaiter la bienvenue au Comité sénatorial permanent des pêches et des océans. Je m'appelle Ethel Cochrane, je suis sénateur de Terre-Neuve-et-Labrador, et je suis vice- présidente du comité.
Avant de commencer, j'inviterai tous les sénateurs à bien vouloir se présenter rapidement. C'est la meilleure façon de procéder.
Le sénateur Raine : Sénateur Greene Raine, de la Colombie-Britannique.
Le sénateur Manning : Sénateur Fabian Manning, de Terre-Neuve-et-Labrador.
Le sénateur Cook : Joan Cook, de Terre-Neuve-et-Labrador.
Le sénateur Adams : Sénateur Adams, du Nunavut.
Le sénateur MacDonald : Michael MacDonald, de Nouvelle-Écosse.
Le sénateur Robichaud : Fernand Robichaud, du Nouveau-Brunswick.
Le sénateur Eggleton : Je suis Art Eggleton, de Toronto. Tout le monde a l'air d'être en état de choc de me voir ici. Je remplace le sénateur Hubley, qui n'a pu venir.
Le sénateur Watt : Sénateur Watt, du Nunavik.
La vice-présidente : Cela se trouve dans le Nord québécois. Merci, sénateurs.
Nous accueillons parmi nous aujourd'hui deux témoins : M. Poirier, président de l'Alliance des pêcheurs professionnels du Québec, et M. Frenette, directeur exécutif de la Prince Edward Island Fishermen's Association, ou PEIFA.
Nous vous souhaitons la bienvenue ici et je vous remercie, au nom du comité, d'avoir pris le temps de venir comparaître devant nous. Nous serions reconnaissants à tous les deux de bien vouloir nous faire quelques brèves remarques liminaires. Les sénateurs vous poseront ensuite des questions.
Nous allons commencer avec M. Poirier.
[Français]
Léonard Poirier, président, Alliance des pêcheurs professionnels du Québec : Madame la présidente, je vous remercie beaucoup de nous recevoir. Nous vivons une crise importante dans l'industrie du homard, donc c'est vraiment apprécié de pouvoir témoigner devant vous.
Comme vous le savez, l'industrie de la pêche au homard représente des revenus d'un milliard de dollars. Il y a environ 50 000 tonnes de produits chaque année. C'est 10 000 petites entreprises de pêche, 25 000 personnes sur les bateaux, 25 000 autres sur les quais et ailleurs. C'est une industrie très importante pour toutes les provinces de l'Atlantique, incluant les parties maritimes du Québec, les Îles-de-la-Madeleine et la Gaspésie.
Plus particulièrement chez nous, au Québec, les Îles-de-la-Madeleine comptent pour 75 p. 100 de l'industrie du homard et la Gaspésie, 25 p. 100. La crise touche actuellement deux points. C'est une crise de nature structurelle et conjoncturelle. Si on parle spécifiquement du Québec, les Gaspésiens font face à ces deux défis. Pour les Îles-de-la- Madeleine, c'est plutôt de nature conjoncturelle.
Qu'est-ce qui peut être fait du côté structurel? Il est certain qu'il y a beaucoup d'entreprises. Mes collègues vous en parleront tantôt. On mentionne souvent que la rationalisation serait une avenue potentielle. Je tiens à souligner le rapport du CCRH, le Conseil consultatif des ressources halieutiques, qui conseille le ministre des Pêches et des Océans. Ce rapport a beaucoup de valeur pour nous au Québec, particulièrement aux Îles-de-la-Madeleine.
On a été les premiers à revendiquer que ce conseil se penche sur l'industrie du homard. En 1993 c'était pour le poisson de fond que le Conseil avait été créé. Il y a des recommandations dans ce rapport et des sources de solutions pour pallier les problèmes structurels.
Toutefois pour ceux qui, comme nous, ont fait leurs devoirs, particulièrement aux Îles-de-la-Madeleine, on vit quand même la crise des prix. Les conditions américaines influencent nos exportations et nos prix du homard.
Je tiens à dénoncer les propos qui veulent qu'on ne peut venir en aide à l'industrie du homard d'un point de vue monétaire, à très court terme, à cause des règles du commerce international. Elles ne sont pas, à mon avis, une entrave qui pourrait empêcher le gouvernement de venir en aide aux pêcheurs.
D'abord et avant tout, vous savez très bien que les règles du commerce international sont d'abord des responsabilités politiques. C'est le devoir du gouvernement de veiller à notre sécurité économique, nous qui avons été mondialisés sans l'avoir demandé. Entre les années 1985 et 1990, tous les programmes de soutien dans ce contexte de mondialisation ont été supprimés, particulièrement au fédéral. On se rappellera les assurances des bateaux de pêche. Il y avait un programme. Il y avait des prix maximums pour la question des appâts. Tout a été supprimé.
Toujours dans ce même contexte, il y a eu un transfert des coûts importants du fédéral vers les pêcheurs, notamment les prix des permis. On a dû faire face à un coût des permis pour la récupération des coûts. Dans nos pêches complémentaires au homard, il y a eu les observateurs en mer que nous avons dû défrayer, le pesage, et cetera. Il y a eu des transferts de coût en plus de la suppression des programmes.
Le fédéral et les provinces n'ont jamais amorcé de discussions avec l'industrie sur l'implantation d'un filet de sécurité de deuxième niveau qui viendrait s'ajouter à l'assurance-emploi qui date, comme vous le savez probablement, du milieu des années 1950 dans le secteur des pêcheries.
Vous savez probablement aussi que dans le domaine agricole, le fédéral a des aides à deux niveaux. Il vient s'ajouter l'aide des provinces, entre autres, au Québec d'un troisième niveau pour faire face à des conjonctures comme celles que l'on vit présentement. Ce n'est pas le cas dans le domaine des pêches.
Ce que je préconise depuis plusieurs années est qu'il y ait une réelle étude qui se pencherait sur la situation des pêcheurs de homards, pour trouver des solutions à moyen et long terme. Ce pourrait être un programme de trois ans, car il ne faut pas se maintenir dans la dépendance. Il faut faire des efforts et j'appuie l'idée qu'il faut soutenir ceux qui font des efforts pour s'en sortir.
Un principe important est celui de l'équité. Ce n'est pas un principe nécessairement d'égalité. À court terme, on a besoin d'une aide financière et encore une fois, mes collègues des autres provinces vous en parleront. On a évalué que pour cette industrie, à court terme, un programme qui pourrait s'échelonner sur une année ou deux vaudrait 100 millions de dollars. Cela prendrait un tel investissement du fédéral pour nous aider à supporter la présente crise. Je suggère que ces sommes soient réparties entre le fédéral et le provincial. Il y aurait la création de commission, une aide financière pour le homard, des commissions bipartites fédérales provinciales dans chacune des provinces qui verraient à trouver les solutions adéquates même si on en connaît plusieurs, il y a des particularités à certaines provinces. On va favoriser la rationalisation dans certaines provinces, dans d'autres, autre chose, selon l'avancement des dossiers dans chacune des provinces. Il pourrait y avoir une commission mise sur pied pour trouver les solutions à la crise actuelle.
Ce budget de 100 millions de dollars serait réparti entre les provinces, en fonction d'un montant de base puis un montant proportionnel en fonction de l'industrie. Au Québec, l'industrie étant moins volumineuse, cela pourrait représenter 8 millions de dollars.
Je suis prêt à répondre à vos questions.
[Traduction]
Ed Frenette, directeur exécutif, Prince Edward Island Fishermen's Association : J'ai fourni le texte écrit de ma déclaration à la greffière, mais je n'en ai malheureusement pas de traduction. J'ai également déposé un mémoire sur l'assurance-emploi pour les pêcheurs. Peut-être qu'une fois qu'il aura été traduit, vous pourrez l'examiner.
Mesdames et messieurs les membres du comité, permettez-moi tout d'abord de dire que notre organisation s'est montrée négligente en ne faisant pas pleinement appel à l'expertise et à l'influence de la Chambre haute dans notre lutte pour améliorer la pêcherie de l'Atlantique. Au nom de la Prince Edward Island Fishermen's Association, acceptez nos sincères remerciements pour l'invitation à venir comparaître devant vous aujourd'hui.
Le thème des audiences d'aujourd'hui est l'inquiétude croissante à l'égard de la saison de pêche du homard 2009 dans le Canada atlantique. En tant qu'organisation représentant 1 300 pêcheurs désignés titulaires de permis de l'Île- du-Prince-Édouard, et pour lesquels la pêche du homard est la principale source de revenus, nous sommes particulièrement inquiets pour la saison à venir, ainsi que pour la saison automnale prochaine dans le détroit de Northumberland.
Des prix bas, des contingents imposés, la crise économique et financière mondiale, l'affaiblissement de certains marchés traditionnels, les pressions croissantes imposées aux pêcheurs par le secteur de la transformation, les coûts toujours croissants de la production primaire et de nombreuses autres questions encore sont sources d'inquiétude pour nos membres.
Il y aurait peut-être lieu de mettre les choses en contexte. La pêche côtière n'est pas une activité particulièrement lucrative. Selon des statistiques publiées en 2006 par la Direction des politiques et des études économiques de Pêches et Océans Canada, les pêcheurs de trois zones de pêche du homard, ou ZPH, autour de l'Île-du-Prince-Édouard, avaient tiré les revenus avant impôts que voici de l'ensemble de leurs activités de pêche : dans la ZPH 25 — la zone de pêche du homard 25 — 7 082 $; dans la ZPH 26A, 11 010 $; et dans la ZPH 24, 63 423 $. Cela dépend en grande partie de la ressource qui s'y trouve.
En 2008, les pêcheurs ont subi une baisse de 20 p. 100 du prix du homard débarqué. Celui pour le homard de conserve, de taille plus petite, est tombé jusqu'à 4 $, tandis que celui des homards de table a atteint les 5 $, par rapport à 5 $ et 6 $ la livre respectivement l'année précédente. En même temps, les coûts de production — appâts, carburant, engins de pêche, et cetera — ont augmenté de quelque 37 p. 100 en 2008 par rapport à la moyenne des cinq années précédentes. Cette année à l'Île-du-Prince-Édouard, les prix au débarquement ont chuté de manière catastrophique, passant à 2,75 $ la livre pour le homard de conserve et à 3,50 $ livre pour le homard de table.
Au cours des deux dernières années, les pertes financières d'ensemble pour les pêcheurs de l'Île-du-Prince-Édouard atteignent, voire dépassent, les revenus cumulatifs gagnés par les industries du porc et du bœuf à leur apogée dans notre prétendue « ferme d'un million d'acres ».
Avec un tel resserrement des marges, il est clair que ce recul de 55 p. 100 du prix au débarquement payé aux pêcheurs résultera inévitablement dans la faillite ou la disparition d'un nombre appréciable d'entreprises de pêche côtière de l'Île-du-Prince-Édouard.
La pêche est une industrie imprégnée d'histoire. La pêche du homard est une pêche compétitive. Les pêcheurs pêchent la même zone année après année. La plupart utilisent des techniques qu'ils ont mises au point au fil de décennies passées sur l'eau. La plupart continuent de vendre à un acheteur avec lequel ils sont depuis longtemps en relation, un acheteur qui fournit les appâts et les fournitures et qui achète le homard. Au cours des deux dernières années, ces traditions ont été menacées.
Des usines de transformation ont été fermées, des acheteurs indépendants à commission sont en train de se faire éliminer, et le MPO a recommandé des projets de gestion des ressources qui sèment inquiétude et confusion parmi les pêcheurs, tout cela, bien sûr, dans le cadre d'une litanie continue de préoccupations face à la situation économique et financière à laquelle nous nous trouvons confrontés. Les pêcheurs ont une relation de dépendance économique à l'égard du secteur de la transformation. Il n'existe aucun régime réglementaire établissant le prix devant être payé aux pêcheurs pour leurs prises à l'Île-du-Prince-Édouard. Traditionnellement, le secteur de la capture a compté sur la concurrence inhérente entre les acheteurs désireux de se procurer le homard. Cette concurrence est aujourd'hui en train d'être éliminée — avec l'aide de décisions gouvernementales — et les pêcheurs sont en train de subir le poids de la baisse des prix au débarquement et de l'augmentation du coût des intrants.
Les pêcheurs de homard reconnaissent que le changement dans leur industrie est peut-être inévitable, mais pour pouvoir s'adapter de bon gré à ce changement, ils demandent un certain niveau de participation et de protection. Par exemple, les pêcheurs de homard de l'Île-du-Prince-Édouard demandent depuis longtemps un programme de rationalisation des permis grâce auquel des permis pourraient être retirés de manière permanente de la pêcherie. Pendant deux brèves années, soit en 2004 et en 2005, la ZPH 25 a pu, grâce à des fonds en provenance de la vente d'un contingent de crabe des neiges, retirer de manière permanente neuf permis de pêche du homard et en mettre plusieurs autres en veilleuse pour une année. Depuis, les pêcheurs de l'Île-du-Prince-Édouard demandent un soutien au gouvernement et, plus récemment, ont entamé des discussions avec les autorités fédérales et provinciales en vue de l'élaboration d'un processus de rationalisation, avec des contributions des deux paliers de gouvernement ainsi que de l'industrie. Je soulignerai ici que le contingent de crabe a été éliminé du fait de décisions judiciaires.
Advenant la négociation d'une entente, nous espérons voir un processus en vertu duquel des pêcheurs plus âgés, surtout, pourront quitter l'industrie avec dignité, ceux y demeurant jouissant d'un accès amélioré à une ressource stable. Une aide ciblée pourrait également être accordée aux jeunes gens désireux d'entrer dans la pêcherie. Nous examinons également des questions plus larges en matière d'éco-étiquetage, étant passés par la pré-évaluation du Marine Stewardship Council et l'approche de la mer à l'assiette pour la capture axée sur le marché. Il s'agit de considérations à long terme, dont l'examen exigera du temps et des discussions, mais nous sommes, dans l'immédiat, confrontés à des préoccupations à court terme.
Le secteur de la capture à l'Île-du-Prince-Édouard est frustré par les écarts entre le prix qu'il touche et ceux qui sont payés ailleurs. Les pêcheurs de la Nouvelle-Écosse qui pêchent les mêmes eaux pour du homard de même taille touchent 75 cents de plus la livre pour le homard de conserve et 50 cents de plus pour le homard de table que leurs collègues de l'Île-du-Prince-Édouard. Chose incroyable, certains transformateurs de l'Île-du-Prince-Édouard paient ce prix en Nouvelle-Écosse — plus les frais de transport jusqu'aux usines dans l'île — alors qu'ils paient 20 p. 100 de moins aux pêcheurs locaux. Interrogés sur la question, les transformateurs ne donnent aucune justification de cette contradiction apparente.
Quels seront les effets de ces prix très bas sur le secteur de la capture cette année? Premièrement, étant donné que la plupart des pêcheurs emploient deux aides, l'une de ces deux personnes sera éliminée. Que va-t-elle faire pour survivre? Où ira-t-elle pour se chercher un emploi? Deuxièmement, étant donné la nature compétitive de la pêche du homard, les pêcheurs augmenteront forcément leur effort de pêche pour gagner un maximum pendant la courte saison de deux mois. Cela pourrait avoir des effets néfastes sur les stocks de homard futurs dans la région. Troisièmement, au fur et à mesure que les revenus évoqués plus tôt reculeront encore, de nombreux pêcheurs seront acculés à la faillite, abandonnant non seulement leur entreprise de pêche, mais également maisons, biens et investissements sur lesquels ils ont déjà emprunté tout simplement pour joindre les deux bouts.
La seule protection contre un désastre économique dans la pêche du homard cette année est l'intervention gouvernementale. La PEIFA avait déposé des recommandations pour inclusion dans le récent budget fédéral, notamment la création d'un fonds de stabilisation du revenu pour les pêcheurs; une aide financière pour la rationalisation; des initiatives visant à faciliter l'accès au crédit pour les pêcheurs et les transformateurs; le consentement d'une aide financière à une agence nationale en vue de la promotion de la vente de poissons et de fruits de mer, de l'éco-étiquetage et d'initiatives de la mer à la table; la réduction de certains droits, notamment pour les permis et les observateurs; des réductions d'impôt en échange de l'adoption de technologies vertes par les entreprises de pêche; une amélioration du travail en science, en recherche, en contrôle ainsi que du côté des programmes pour ports pour petites embarcations du MPO; une aide accrue à la formation pour les pêcheurs; et une intervention auprès des provinces les encourageant à créer ou à améliorer des commissions et des programmes de prêts aux pêcheurs.
Nous avons, parmi tout cela, relevé un effort de marketing à court terme et l'annonce d'initiatives de marketing et de développement à plus long terme, du financement pour des ports pour petites embarcations, et le recrutement par le MPO d'un expert-conseil chargé d'examiner la rationalisation des permis de pêche du homard dans le détroit de Northumberland. Cependant, il n'y a rien eu dans le budget pour alléger les effets d'un sérieux déclin dans la saison 2009.
Un problème immédiat auquel se trouveront confrontés les capitaines et les membres d'équipage de navire advenant des prix faibles sera l'admissibilité à l'assurance-emploi. S'il était instauré un régime en vertu duquel le capitaine et les membres d'équipage pourraient être admissibles à l'AE sur la base des volumes débarqués en 2008, alors cela améliorerait la situation. Premièrement, avec une garantie d'AE, le capitaine n'exercerait pas des pressions supplémentaires sur le stock, contribuant ainsi à la conservation. Les aides rémunérés pourraient pêcher toute la saison, leur salaire étant financé par les prises, et ils seraient eux aussi admissibles à l'AE.
Le carburant est un intrant majeur. En 2008, nous avons vu le carburant atteindre des prix effarants, et il n'y a rien en place pour empêcher que cela ne se reproduise. Nous constatons à l'heure actuelle une montée rapide des prix tant du pétrole brut que du carburant à la pompe. Les secteurs primaires du Canada doivent avoir en place un mécanisme pour protéger les producteurs primaires en cas de hausses énormes et soudaines du coût du carburant.
Un autre gros souci est le coût des appâts, principalement du hareng dans le cas de la pêche du homard. La pêche printanière du hareng est sur le point d'être fermée par le MPO, ce, alors que l'on apportait des modifications aux plans de capture de la grosse flotte de pêche à la senne dans le golfe du Saint-Laurent, lui permettant de pêcher de plus petits poissons, avec des changements au protocole applicable aux petits poissons qui voit cette flotte débarquer des pourcentages toujours croissants du volet printanier dans la pêche à la senne coulissante d'automne. En l'absence d'une pêche du hareng du printemps, des appâts doivent être achetés à des prix exorbitants auprès de sociétés situées à l'extérieur de l'île, ce qui vient augmenter encore les coûts d'exploitation. Des mesures doivent être prises immédiatement pour limiter la destruction par la flotte de pêche à la senne coulissante des stocks de hareng dans le sud du golfe Saint-Laurent.
Nous avons beaucoup vu et entendu parler des programmes de stimulants économiques que des gouvernements de partout dans le monde ont adoptés pour combattre la présente récession. Des incitatifs devraient être mis en place pour encourager les pêcheurs à acheter le matériel dont ils ont besoin auprès de fournisseurs locaux. Si les pêcheurs arrêtent d'acheter le matériel dont ils ont besoin, non seulement les économies locales en souffriront, mais cela viendra augmenter la menace à la sécurité en mer des navires et des pêcheurs.
Dans le cas particulier de l'Île-du-Prince-Édouard, la communauté des pêcheurs est unie dans sa position voulant l'annulation de l'accord dit « Ocean Choice ». Bien qu'il s'agisse d'une question de nature purement provinciale, l'accord limite la concurrence et réduit la capacité de transformation, avec les conséquences que l'on sait pour les pêcheurs. La pression morale que le comité pourrait exercer sur la province ne saurait qu'appuyer l'annulation de cette entente.
En conclusion, madame la vice-présidente, nous vous remercions, vous et les membres du Comité sénatorial permanent des pêches, de l'occasion qui nous a été ici donnée de prendre la parole devant vous. Nous envisageons avec plaisir de répondre à vos questions.
La vice-présidente : Merci, monsieur Frenette.
Il est dommage que nous n'ayons pas eu en même temps les deux autres témoins, car leurs propos auraient complété le tableau.
[Français]
Le sénateur Robichaud : Je tiens à remercier les témoins de s'être présentés devant nous ce soir.
Monsieur Poirier, vous avez parlé d'un filet de sécurité deuxième niveau et, par la suite, vous avez dit : « On a besoin maintenant d'un programme à court terme. » Pouvez-vous nous donner les grandes lignes de ce programme à court terme que vous avez en tête?
M. Poirier : C'est bien sûr qu'à court terme, nous avons besoin d'un programme pour remettre l'industrie du homard sur les rails. Nous avons donc besoin d'une somme quand même assez importante pour restructurer l'industrie. On mentionne la possibilité, dans plusieurs cas, de rationalisation. Dans certains cas, comme aux Îles-de-la- Madeleine, on va favoriser plutôt la stabilisation parce qu'on a déjà fait d'énormes efforts du côté de la ressource. À court terme, c'est sûr qu'on a besoin d'argent puisque l'ensemble de nos entreprises ne couvrent pas leurs frais de production. On a besoin d'argent si on veut éviter la faillite et que nos entreprises qui sont de nature familiale ou artisanale ne se retrouvent pas entre les mains de conglomérat ou quelque chose du genre, ce qui serait très dommageable pour la ressource.
C'est bien beau l'intégration verticale, mais l'histoire prouve que les meilleurs défenseurs de la ressource sont les pêcheurs côtiers. Lorsqu'on sépare la ressource entre plusieurs mains, nous en sommes la preuve aux Îles-de-la- Madeleine, nous sommes reconnus dans l'Atlantique comme des gens qui prennent soin de la ressource alors que lorsqu'on concentre la ressource au niveau industriel, on risque la disparition de cette ressource, comme cela s'est passé avec la morue, le sébaste et bien d'autres. Cela prend un programme à court terme, étant donné qu'on ne fait pas de frais d'exploitation. Lorsque je parle de deuxième et de troisième niveau, depuis 55 ans, depuis l'instauration de l'assurance-emploi, une forme de revenu minimum, cela n'a rien à voir avec l'entreprise en tant que telle de la pêche. Cela n'a pas de lien direct avec les revenus directs et les dépenses de l'entreprise. Il faudrait avoir un deuxième niveau, à moyen et long terme. Il faudrait doter les pêcheurs d'un deuxième niveau de sécurité comme il existe en agriculture.
En agriculture, des programmes de premier et de deuxième niveau existent. Quand il y a une difficulté, selon son ampleur, on peut faire appel à un premier niveau d'aide. Si la crise est plus grave, on va toucher le premier niveau et le deuxième niveau parce que la crise est plus grave.
Certaines provinces rajoutent un troisième niveau. Ils ont des mécanismes de sécurité mieux conçus que ceux des pêches. Il faudrait se pencher là-dessus.
Par contre, je sais que certains sont craintifs étant donné qu'on remet en question la façon dont c'est modulé dans l'agriculture. Je ne peux qu'approuver certaines réformes en agriculture. La grosse différence entre les pêches et l'agriculture, c'est qu'en agriculture, étant donné que c'était basé sur la production, les agriculteurs ont produit et produisent de plus en plus, ce qui fait que les programmes ont coûté très cher parce que c'était en fonction de la production.
On ne vit pas cela dans les pêches. Les pêches, c'est une espèce qu'on récolte et il y a une quantité déterminée. Même si on mettait des filets de sécurité dans les pêches, ce qui n'existe pas à l'heure actuelle, ce serait facilement quantifiable. Il n'y a pas de danger pour l'inflation parce qu'on ne peut pas surproduire dans les pêches. Il y a une quantité donnée de récolte.
Il faut penser à se sortir de la crise. Il faut aussi penser à ne plus la revivre. J'aimerais quand même vous souligner qu'il y a une différence entre la crise de 1990 et celle qu'on vit présentement dans le sens suivant. La crise était à l'époque difficile. Il y avait, à l'époque, à peu près sept p. 100 en bas des coûts de production des pêcheurs. Aujourd'hui, c'est au-delà de 15 p. 100 en bas des coûts de production. D'un point de vue économique, la crise est plus difficile, mais la grosse différence avec 1990, c'est qu'il ne faut pas juste penser à une solution comme à l'époque de courts termes. En 1990, on s'en est sorti de façon graduelle, avec l'aide de certaines provinces, entre autres, mais on ne faisait pas face à une organisation du marché comme on vit présentement en 2009. C'est une grosse différence.
Peu importe les solutions qui seront avancées, du type rationalisation ou d'autres types, il faut penser que maintenant, ceux qui sont plus près du consommateur sont en nombre beaucoup plus réduit et ils nous attendent, comme on dit chez nous, de l'autre bord de la barrière, ce qui n'était pas le cas en 1990.
Vous savez que tout passe par Boston lorsqu'on veut aller en Europe, en Asie ou ailleurs. Ce n'est que deux, trois familles qui contrôlent le marché à partir de là. Au Québec, ce n'est que deux ou trois chaînes alimentaires qui contrôlent le Québec.
Par rapport à 1990, voilà la différence qu'il ne faut pas perdre de vue. Il faut travailler à des solutions tout en ayant à l'esprit des solutions financières, mais il ne faudrait peut-être pas exclure, dans un cas extrême, certaines mesures réglementaires à l'intérieur des provinces si jamais le marché ne se régule pas de lui-même.
Le sénateur Robichaud : Vous parlez de programmes à long terme. Je crois comprendre que vous parlez d'un programme d'assurance-prise qui ressemblerait à l'assurance-récolte. C'est quelque chose qui prend normalement un certain temps à mettre en place.
Est-ce que les pêcheurs seraient prêts à contribuer à un tel plan? Je pense que l'assurance-récolte demande quand même que les agriculteurs contribuent et paient des primes.
M. Poirier : Exact, c'est toujours plus intéressant de présenter un programme comme celui-là lorsque l'industrie va bien. D'où ma grosse déception, on a défendu l'idée pendant certaines années. C'est sûr que comme un pêcheur me disait : « Ce n'est pas quand le feu est pris dans ta maison qu'il faut penser à payer ton assurance .» Mais à court terme, c'est ce que je dis. Je suis ici pour la crise à court terme, il faut trouver une solution à court terme, de là les 100 millions de dollars. Nous nous rejoignons à certains niveaux. Certains vont favoriser la rationalisation et d'autres vont favoriser les mesures de soutien des frais d'exploitation à court terme.
Pour les frais d'exploitation, il y a une alternative. Il s'agirait de réduire les taxes sur le carburant. Il s'agirait de réduire le prix des permis pour un moratoire de quelques années, cela aiderait déjà beaucoup, et cetera. Je pense qu'il y a des pistes de solution pour financer les coûts. Il s'agirait d'aider au financement de l'embauche des pêcheurs auxiliaires. Donc il y a diverses pistes de solution sans qu'on arrive en conflit avec les accords du libre-échange et du commerce international.
En agriculture, cela fait des années qu'ils en parlent. Cela fait des années qu'on tente entre les pays d'en arriver à des ententes. Les pêches étaient en annexe des discussions sur le commerce international de l'agriculture. Il n'y a pas eu d'entente et, à mon avis, ce n'est pas demain la veille qu'il va y avoir une entente entre les pays pour réduire l'aide à l'agriculture.
Dans ce contexte, l'argument des règles internationales du commerce pour ne pas intervenir en soutien aux opérations des homardiers de l'Atlantique et du Québec me paraît injustifié. D'autant qu'en 1990, je peux en témoigner, j'étais là, nous avons reçu de l'aide. On n'a jamais eu de réprimande de la part du commerce international ou d'autres pays. C'est important que l'aide nous parvienne rapidement.
Le sénateur Robichaud : Monsieur Poirier, est-ce que vous seriez d'accord avec la suggestion de M. Frenette pour aider les pêcheurs dans cette période de crise, à ce que l'on assouplisse les règlements de l'assurance-emploi pour que les pêcheurs puissent se qualifier selon les prises de l'année précédente, disons 2008?
M. Poirier : C'est pour cela que je demande ou que je plaide pour une certaine flexibilité. Comme représentant du Québec, on n'a pas nécessairement tous la même problématique. De là, je plaide pour un budget qui est réparti fédéral- provincial avec une certaine flexibilité. Je ne suis pas contre, au contraire, cela peut aider. Mais il faut visualiser que la problématique n'est pas nécessairement la même partout. On n'est pas rendus au même niveau, je ne dirais pas de développement, mais au même niveau de restructuration de nos flottilles. À ce moment, je suis en accord d'aider les flottilles les plus démunies, les flottilles les moins structurées, mais il faut dans tout ce plan de sauvetage de l'industrie, encourager ceux qui ont fait des efforts. C'est un principe d'équité. Ceux qui ont fait des efforts et qui sont mal pris aujourd'hui, que l'on ait la tête 20 pieds sous l'eau ou à 3 pieds, je vais me noyer quand même.
Ce que je dis, c'est que j'ai moins d'efforts à faire, mais je dois être soutenu quand même. Je n'ai aucun problème à ce que les règles de l'assurance-emploi soient revues.
[Traduction]
La vice-présidente : Nous avons maintenant deux autres invités : Earle McCurdy, président de la Fish, Food & Allied Workers Union, la FFAW, et Christian Brun, secrétaire exécutif de l'Union des pêcheurs des Maritimes, l'UPM.
Les deux autres invités ont déjà présenté leur exposé liminaire. Aimeriez-vous faire les vôtres afin que vous quatre comparaissiez ensemble? Nous savons que vous n'avez pas entendu les déclarations des deux autres, mais il vaudrait peut-être mieux que nous vous écoutions maintenant afin que tous les quatre vous formiez un panel.
Earle McCurdy, président, Fish, Food & Allied Workers Union : Je serai bref. Je prie le comité d'excuser notre retard. Nous voulions profiter de notre séjour à Ottawa pour caser autant de réunions que possible. Nous avons été retardés par le ministre MacKay. Cela dit, je ne doute nullement que dans l'intervalle mes collègues vous ont tenus occupés et bien informés et vous ont fait part de toutes sortes d'idées créatives.
La situation dans notre province et notre pêcherie cette année est horrible, même d'après nos normes. Je prévois que notre valeur débarquée — autrement dit, les montants versés aux pêcheurs cette année pour leurs prises à Terre-Neuve- et-Labrador — sera probablement inférieure de 100 millions de dollars au chiffre de l'an dernier. Ce sont là 100 millions de dollars prélevés directement dans l'économie des petites localités côtières — de l'argent disparu, évaporé. Les conséquences pour les familles et les localités sont immenses.
Dans nombre de nos collectivités, les prises de homard ne sont pas aussi importantes que dans celles d'autres provinces, la première espèce pêchée étant plutôt le crabe des neiges. Cependant, j'estime que le homard représente la première espèce pêchée pour 1 500 ou plus de nos entreprises de pêche. Pour ces patrons pêcheurs et pour certaines localités, surtout sur les côtes Ouest et Sud de Terre-Neuve, le homard est aussi important qu'ailleurs.
La situation est désastreuse. Tous les prix dégringolent. Le prix de la morue a beaucoup chuté. Nous pêchons de la morue, vous serez surpris de l'entendre. C'est une petite prise, mais elle existe. Les pêcheurs ramènent des produits magnifiques pour lesquels ont ne les paie pas autant qu'il faudrait. Cependant, dans le cas du homard, le prix est réellement en dessous du seuil de rentabilité.
Il existe des problèmes à plus long terme, dont l'un a fait l'objet d'une mesure annoncée récemment par la ministre des Pêches et Océans, encore que je ne connaisse pas les détails des initiatives relatives au marketing. Cependant, il faut survivre au court terme pour participer au long terme. Néanmoins, il est important d'améliorer nos modes de commercialisation. Nous entendons dire que les bas prix qui nous sont offerts ne sont pas reflétés par les prix à la consommation aux États-Unis et que ce sont plutôt les intermédiaires et les détaillants qui se remplissent les poches.
La rationalisation de la flotte est un autre impératif à long terme : la quantité de permis en circulation est disproportionnée par rapport à la ressource disponible; cela met la ressource sous pression et cela met sous pression la viabilité économique des entreprises de pêche elles-mêmes. Nos membres sont certes prêts à payer une partie du coût d'un programme de rationalisation. Le gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador a fait savoir qu'il participerait à un partage du coût avec le gouvernement fédéral. La pièce manquante pour le moment, c'est la participation du gouvernement fédéral à un plan tripartite visant à tailler sur mesure la pêcherie pour la prochaine génération au fur et à mesure que nous — la génération du baby-boom — nous en retirons.
C'est donc là encore une mesure à long terme. Dans l'immédiat, cette année, la situation est désastreuse. S'agissant de savoir si le programme d'AE peut être un mécanisme pour y remédier, il se trouve que les considérations commerciales et les considérations de protection de la ressource s'imbriquent parfaitement. Laissez-moi vous dire ce qui va se passer si rien n'est fait. La solution aurait été relativement facile jusqu'il y a un an — les gens seraient partis en Alberta ou en Saskatchewan pour travailler et auraient pris un congé de pêche d'un an. Mais cette option n'est certainement plus ce qu'elle était. Aujourd'hui, le mouvement se fait dans l'autre sens, les gens reviennent parce que les emplois qu'ils avaient là-bas ont disparu.
S'il n'y a pas d'autres options, les gens vont intensifier leur effort de pêche pour essayer d'en tirer tout ce qu'ils peuvent. Même s'ils ne dégagent pas de profit d'exploitation, au moins ils établissent la base d'un revenu pour l'hiver. Cela n'apporte rien de plus aux pêcheurs individuels ni ne fait rien économiser, car le fonds d'assurance-emploi sera quand même mis à contribution. Il fallait de toute façon s'attendre à ce qu'autant de prestations soient versées aux pêcheurs cette année que l'an dernier. Mais cela met davantage sous pression la ressource et inonde encore davantage le marché; nous avons déjà trop de stocks. Par conséquent, c'est le pire résultat imaginable.
Un mécanisme de projet pilote comme en autorise la loi sur l'AE serait une option relativement facile à mettre en œuvre que la recherche de fonds pour d'autres initiatives. S'il y avait un projet pilote donnant aux pêcheurs l'option d'utiliser leur revenu de 2008 comme fondement pour leurs prestations de 2009, on éviterait largement l'incitation à pratiquer ce que j'appelle la « pêche du désespoir », que je viens de décrire.
Ce serait avantageux pour la ressource car l'effort de pêche serait réduit, et cela tendrait également à réduire l'accumulation de stocks. Une trop grande accumulation de stocks garantirait en effet que l'année prochaine serait elle aussi désastreuse.
À mon sens, il s'agit de trouver des façons de survivre cette année et de réduire la production. C'est préférable à survivre cette année en accumulant de plus en plus de stocks. On parle de créer des installations de stockage. C'est bien joli, mais si vous accumulez des tonnes de homards, il faut bien à un moment donné les vendre. Il faut trouver quelqu'un qui veuille les manger et payer pour cela. Je perçois très bien la probabilité d'avoir d'énormes stocks accumulés au début de 2010 qui ne vont faire qu'aggraver notre problème.
À mon avis, c'est le même ensemble de circonstances mondiales qui ont semé le chaos dans beaucoup d'autres secteurs de notre économie. C'est juste une tempête parfaite de forces économiques négatives qui ont mis en difficulté tant d'autres secteurs. Nous sommes emportés par ce raz-de-marée. Ce n'est pas rien dans ces petites localités lorsqu'on leur enlève 40 p. 100 sur de rentrées déjà très modestes au départ et qu'on leur dit : « Cela vient de disparaître. Débrouillez-vous. »
Voilà donc l'idée, en substance. Mais il est peut-être déjà trop tard pour cela.
La vice-présidente : L'une de vos solutions est la même que celle prônée par M. Frenette. Nous allons passer à M. Brun. Nous avons également Mme Wallace à la table.
[Français]
Christian Brun, secrétaire exécutif, Union des pêcheurs des Maritimes : Madame la présidente, je pense qu'on a sûrement fait le tour de la question en termes des détails autour de cette crise; en termes de certaines solutions qu'on pourrait mettre de l'avant pour essayer de diminuer les conséquences sur les pêches. Ce que j'aimerais rappeler, cependant, sans nécessairement répéter ce que les autres ont pu dire, c'est qu'on a quand même une industrie qui génère près d'un milliard de dollars pour le Canada atlantique. On a quand même une dizaine de mille pêcheurs qui sont des capitaines, des propriétaires exploitants, une dizaine de mille, si on ajoute les quelques aides-pêcheurs qui travaillent avec eux et les travailleurs d'usine qui en dépendent. On parle quand même d'une trentaine de mille individus au Canada atlantique.
L'industrie est très importante pour ces communautés. Pour illustrer un peu l'impact que pourrait avoir cette crise, éventuellement, si on continue à devoir passer à travers la crise sans intervention, sans avoir d'appui des gouvernements, dans notre région, sur la côte est du Nouveau-Brunswick, on a une soixantaine de communautés qui, pour la plupart d'entre elles, n'ont presque pas d'autres moteurs économiques.
Donc, quand on suggère que ces gens peuvent trouver d'autres emplois, quand on dit qu'ils peuvent trouver d'autres moyens pour subvenir à leurs besoins, on fait fausse route. Que ce soit des communautés comme Pigeon Hill, la Baie Sainte-Anne, la région de Four Roads à Val-Comeau ou bien, plus au sud, à Murray Corner, New Mills ou la région de Cap-Pelé, on parle de régions éloignées des centres urbains offrant très peu d'options en termes de travail.
J'aimerais préciser ici une question fondamentale : la responsabilité au niveau des pêches, c'est une responsabilité évidemment partagée avec l'industrie, mais c'est celle des gouvernements au niveau de sa gestion. C'est quand même un constat important, surtout aujourd'hui, quand on regarde du côté du secteur privé — qu'on parle du secteur de l'automobile ou de l'agriculture, par exemple, des fermes de tabac — qui a reçu récemment des appuis gouvernementaux assez importants. L'industrie de la pêche ne semble pas bénéficier d'un tel appui alors qu'elle se trouve dans une période de crise extrême.
Dans le Canada atlantique, cette industrie est une pierre angulaire des économies, mais aussi, très certainement, tout le long des côtes dans les quatre provinces, et j'inclurais le Québec, évidemment.
Les gens qui m'ont précédé ont parlé de diverses solutions à court terme, comme la flexibilité pour l'assurance- emploi. Nous ne demandons pas de modifier le régime de l'assurance-emploi ou les investissements dans ce programme, ce qu'on suggère, c'est de le rendre accessible aux pêcheurs. Actuellement, un pêcheur doit avoir un certain seuil de revenus pour être admissible à ce programme, mais cette année, si la tendance se maintient — ce qui est fort probable —, si les choses empirent, comme on peut le prévoir très facilement dans les régions comme la région du sénateur Robichaud, par exemple, les travailleurs des pêches risquent de ne pas être au poste cet automne. C'est d'autant plus sérieux pour ces régions.
Tout ce qu'on demande, c'est un accès à l'assurance-emploi et pas nécessairement des changements. On veut que les pêcheurs puissent baser leur demande de cette année sur les données de l'année dernière, tout simplement. Donc, un changement aux règlements d'accès et non pas au niveau de ce qu'ils pourraient retirer en termes de bénéfices économiques.
Deuxième chose, on parle d'essayer de trouver une solution, une méthode qui pourrait nous mener vers un point de rentabilité minimum pour les pêcheurs. Nous avons certaines idées à soumettre, mais surtout, la question du long terme, je pense, ne doit pas être négligée. La question de la rationalisation ne doit pas être négligée. Je pense que c'est non seulement une solution, mais c'est une question inévitable. On ne peut pas imaginer une ressource bien gérée — certains vont débattre la question — quand elle est peut-être à son maximum sans réduire le nombre de pêcheurs. Cela amène trois avantages : un, cela améliore les revenus des pêcheurs qui resteraient après avoir enlevé certains pêcheurs de la pêche, cela réduit l'effort sur cette ressource qui est la responsabilité gouvernementale, dans cette industrie, la plus importante, et cela permet de l'optimisme pour de nouveaux intrants. Il ne faut pas oublier qu'on a 55 p. 100 des pêcheurs actuellement, au Nouveau-Brunswick, qui ont l'âge de la préretraite. Ils devront donc, d'ici quelques années, prévoir du sang nouveau pour s'assurer une prochaine génération de pêcheurs. Évidemment, pour que des gens investissent de façon importante dans cette industrie, un certain optimisme doit régner.
Je suis prêt à répondre à vos questions.
[Traduction]
La vice-présidente : Madame Wallace, vous avez la parole.
Katherine Wallace, directrice exécutive, Gulf Nova Scotia Bonafide Fishermen's Association : Merci de me recevoir et veuillez excuser mon retard. Je vais vous parler un peu de la province de la Nouvelle-Écosse, qui compte deux régions — la région Maritime et la région du Golfe. Nous avons maintes organisations représentant les pêcheurs. Nous sommes constamment en contact, si bien que nous savons ce que pensent les pêcheurs des différentes régions de la province.
Les différentes ZPH de la Nouvelle-Écosse appliquent différentes limites de taille. Malheureusement, le prix semble être le même pour toutes les tailles. Dans la partie centrale du détroit de Northumberland, les pêcheurs enregistrent des captures allant de 3 000 à 7 000 livres. Lorsque le prix descend entre 3 $ et 3,50 $, cette pêche n'est pas viable. Cette faiblesse des prix, jointe à la pénurie d'appâts et au coût élevé du carburant fait qu'il est difficile pour ces pêcheurs de continuer à pêcher. Comme mes collègues l'ont déjà dit, si les prestations d'AE étaient reconduites, cela leur donnerait un certain soulagement et ils ne seraient pas amenés à accroître la pression sur d'autres espèces, telles que le pétoncle ou le poisson de fond, dont la pêche est également assortie de coûts élevés.
En disant cela, je réitère ce qui a déjà été dit. Il incombe au ministère des Pêches et des Océans de protéger les ressources. La structure actuelle des pêcheries n'est pas propice à cette protection et les pêcheurs n'assument pas leur part de responsabilité, qui est pourtant réelle.
Les pêcheurs et l'industrie de la pêche à l'échelle de l'Atlantique semblent prêts à accepter un certain changement. Ils admettent que les choses doivent changer, et le gouvernement doit commencer à investir dans la pêche afin que nous ayons la capacité de la changer. L'industrie de la pêche est confrontée aujourd'hui à maints défis de nature différente, tels que la certification, l'éco-étiquetage, le Marine Stewardship Council ou MSC, qui tous représentent de grosses responsabilités. Les consommateurs et le public lui imposent leurs exigences et exercent des pressions et, dans certains cas, à juste titre, mais pour changer nous avons besoin d'aide.
Malheureusement, la perception par le public de la pêche au Canada n'est pas la meilleure. Nous devons éduquer les Canadiens et donner à la pêche une meilleure image.
La vice-présidente : Le sénateur MacDonald attend avec impatience de poser des questions.
Le sénateur MacDonald : Monsieur Frenette, je suis intrigué par la différence de prix du homard débarqué en Nouvelle-Écosse et dans l'Île-du-Prince-Édouard, avec un écart de 50 à 75 cents pour le homard consommé localement et encore plus pour le homard exporté aux États-Unis.
M. Frenette : Ce n'était pas des pourcentages, sénateur.
Le sénateur MacDonald : Je comprends. Je voudrais croire que ces prix sont dictés par des forces américaines, particulièrement aux États-Unis. C'est un produit haut de gamme et en période de récession économique, le prix du homard est directement touché. Vous nous avez dit, et je vous crois, qu'il existe une différence entre le prix du homard débarqué en Nouvelle-Écosse et dans l'Île-du-Prince-Édouard. Lorsque vous avez demandé la raison aux transformateurs, vous n'avez pas eu de réponse. Quelle est à votre avis la raison?
M. Frenette : Je ne peux que supposer qu'il y a plus de concurrence côté Nouvelle-Écosse que côté Île-du-Prince- Édouard. Il y a eu une contraction de la capacité de transformation dans l'Île-du-Prince-Édouard ces dernières années. Je ne vois pas d'autre raison, sinon peut-être une plus grande prise de profit.
Le sénateur MacDonald : Madame Wallace, vous avez indiqué que le gouvernement fédéral doit prendre l'initiative du règlement de certains problèmes de la pêche du homard en Nouvelle-Écosse. Cependant, vous n'avez indiqué aucune mesure précise. Pourriez-vous nous dire quelles mesures précises vous aimeriez voir?
Mme Wallace : Oui, il y aurait la certification, le MSC, la restructuration de la flotte, ce qui suppose racheter des entreprises de pêche. Je ne pense pas que le gouvernement fédéral devrait prendre l'initiative à cet égard, mais il devrait s'asseoir à la table en compagnie des gouvernements provinciaux et des représentants des pêcheurs.
Le sénateur MacDonald : J'ai encore une autre question pour les deux témoins, car ils ont tous les deux mentionné cet aspect, soit le prix et la disponibilité des appâts. Vous avez surtout mentionné le hareng. Quand j'étais enfant à Louisbourg, on utilisait surtout du maquereau. D'ailleurs, jeune garçon, j'avais coutume de pêcher du gaspareau à l'épuisette pendant la fraie. La pêche du homard est aujourd'hui plus sophistiquée qu'à l'époque. Y a-t-il pénurie d'appâts à cause des espèces que l'on utilise, ou bien est-ce un manque généralisé d'appâts à l'heure actuelle?
Mme Wallace : Je vais commencer et parlerai de notre région. Il semble que les modes migratoires de différentes espèces ont changé. Il y a beaucoup de phoques et ils tendent à pousser plus au large les différentes espèces. Là où les pêcheurs posaient habituellement leurs filets à appâts, ils ne prennent plus de poisson.
Nous avons demandé au ministère des Pêches et des Océans d'assouplir sa réglementation. Cela fait plusieurs années que nous demandons de pouvoir utiliser le piège à poissons, qui est propre à un site et peut prendre différentes espèces telles que la plie rouge. Il y avait une ouverture précoce le 25 mai, mais s'ils pouvaient poser les pièges le 1er mai, ils auraient de meilleures chances. Nous avons demandé au MPO d'autoriser à titre expérimental quelques pêcheurs à utiliser la folle, ce qui a été accepté, et nous lui demandons également d'autoriser le carrelet. Il est intéressant que vous ayez fait cette remarque.
Le sénateur MacDonald : Manifestement, l'explosion du nombre des phoques sur la côte Est influe également sur le prix des appâts pour la pêche du homard.
M. Frenette : Je conviens que les phoques sont un problème sur la côte Est, non seulement du point de vue des appâts mais aussi des dégâts qu'ils causent aux équipements et aux engins.
Sénateur, j'estime aussi que la flotte de gros senneurs qui pêchent dans la partie sud du golfe pose un autre problème. Nous avons des difficultés dans l'Île-du-Prince-Édouard, sur notre côte Nord, du fait que les senneurs prennent tout simplement trop de poisson. Comme vous le savez peut-être lorsque ces gros navires pêchent l'automne, ils prennent aussi beaucoup de gaspareau. Leur prise de gaspareau a augmenté grâce aux modifications apportées aux règles que le MPO applique à cette flotte. Aujourd'hui, nous constatons une chute brutale des captures de gaspareau. Cela signifie qu'il n'y a pas de hareng frais à la disposition des pêcheurs de homard. De ce fait, ils sont obligés d'aller s'approvisionner à Terre-Neuve ou dans la région de Scotia Fundy.
Le sénateur MacDonald : Est-ce du poisson congelé?
M. Frenette : Une partie est congelée, et une partie nous arrive soi-disant « fraîche », mais principalement pourrie. Cela coûte très cher et alourdit réellement les coûts d'intrants.
Le sénateur MacDonald : En ce qui concerne les appâts et les phoques, est-ce au hareng qu'ils nuisent surtout ou bien nuisent-ils tout autant au maquereau?
M. Frenette : À tout, monsieur — poisson de fond, hareng, maquereau, même les homards.
Le sénateur Cook : Bienvenue à tous. Je viens de recevoir une masse d'information et je confesse d'emblée que j'ai vécu en des temps plus simples dans un petit port isolé où il y avait une saison du homard, et c'était très simple. Peut- être l'un de vous peut-il répondre à mes questions.
En ce qui concerne les principes de la rationalisation de la flotte qui sont énoncés ici, où en êtes-vous sur le plan de la concrétisation? Les choses ont-elles bougé? Quelque chose a-t-il été fait? J'ai sous les yeux une citation de la FFAW datée de 2006. Est-ce que, parmi ces principes, il y en a que le MPO a fait siens, ou bien où en êtes-vous sur ce plan?
M. McCurdy : Nous en sommes à peu près au même point qu'au départ. Dans l'administration du MPO, il semble régler l'idée fixe idéologique que la seule façon de rationaliser la flotte est ce qu'ils appellent par euphémisme l'auto- rationalisation, qui est une forme de cannibalisme. Le problème est que cela suppose que quelqu'un soit assez prospère pour acheter une deuxième entreprise. Premièrement, cela ne marche que dans les pêcheries contingentées, et le homard n'est pas une pêcherie contingentée. Il y a des pêcheries de crabe des neiges basées sur des quotas individuels, si bien qu'une personne peut racheter le quota d'une autre. Le problème est que ce n'est une bonne idée que si vous ne payez pas trop cher. Le cliché ici est que trop de pêcheurs courent après trop peu de poissons, mais nous avons un problème encore plus gros, à savoir trop de dettes courant après trop peu de poisson.
Nous avons la génération du baby-boom qui approche de la retraite. Nous avons fait une enquête par voie postale il y a quelques années et avons reçu 1 500 réponses à un questionnaire assez détaillé, ce qui est considérable. Un nombre élevé de répondants se disaient intéressés à vendre leur permis si le prix était bon. Cela tient en grande partie à la démographie et en partie à la situation économique.
Nous avons réellement besoin d'une participation tripartite : industrie, gouvernement provincial et gouvernement fédéral. Si tous les trois étaient à la table, je pense que nous pourrions mettre en place un bon programme de rationalisation qui donnerait à la prochaine génération de titulaires de permis une meilleure possibilité de gagner décemment leur vie.
Le gouvernement de Terre-Neuve a dit être prêt à contribuer 30 p. 100 du coût d'un programme de rationalisation si le gouvernement fédéral apportait 70 p. 100. Sachant que c'est une ressource fédérale, ce n'est pas une offre négligeable.
J'insiste sur le caractère volontaire. Seuls partiraient ceux qui le veulent. Nous pensons qu'il y a là un potentiel. Cela ne va pas régler le problème urgent de cette année, mais il y a là le potentiel d'ajuster la flotte au fil du temps, avec l'arrivée de la nouvelle génération et le départ de la génération du baby-boom.
Malheureusement, jusqu'à présent, et il y a encore deux ou trois jours, j'ai entendu la ministre parler d'auto- rationalisation. Premièrement, je n'ai aucune idée comment cela pourrait marcher dans la pêcherie du homard. Le conseil pour la conservation des ressources halieutiques, qui est une émanation du MPO, est arrivé avec cette idée complètement folle de convertir la pêcherie du homard aux quotas individuels transférables. Je ne sais pas ce qu'ils fumaient le jour où ils ont concocté cela, mais cela rapporte sûrement plus gros que la pêche du homard, je pense. Malheureusement, tout progrès ne se mesurera qu'en millimètres.
Le sénateur Cook : C'était ma première crainte lorsque j'ai lu les principes et je me demandais où vous en étiez avec eux. Alors, passons à la situation d'aujourd'hui. Parlons des pêcheurs de homard. Que va-t-il leur arriver?
M. McCurdy : Les gens sont de plus en plus désespérés. Les pêcheurs de homard de notre province ont gardé leurs bateaux à quai pendant quatre jours pour protester contre le prix. C'était un peu un appel au secours. Est-ce qu'il y a quelqu'un pour les écouter? Nous avons un problème urgent. Je crois qu'il y a eu quelques perturbations aujourd'hui au Nouveau-Brunswick. Les gens deviennent de plus en plus désespérés lorsqu'ils voient l'année leur filer sous le nez. Nous n'avons pas les moyens de perdre 100 millions de dollars de revenu de la pêche dans notre province sans que beaucoup ne plongent dans la misère noire. Comment cela va se manifester et va évoluer, Dieu seul le sait.
Le sénateur Cook : Dites-vous que toutes ces idées et tous ces mécanismes que vous avez lancés ces dernières années n'ont pas donné grand-chose?
M. McCurdy : On peut le dire.
Le sénateur Cook : Je sais ce qui se passe en ce moment. Je vis là-bas, j'en fais partie. Je connais le prix de l'essence et je connais le prix du homard. Je ne comprends pas pourquoi il est à un niveau à l'endroit A et à un autre niveau à l'endroit B. Sur le plan moral, l'une de mes filles a dit : « Maman, nous allons manger du homard pour pas cher. » J'ai répondu « Je n'en veux pas. » J'en fais une affaire personnelle. Que va-t-il advenir de notre population?
Vous êtes leurs chefs; vous êtes là pour savoir ce qui peut être fait ou doit être fait. Ma question est sûrement déplacée : Est-ce que vous avez envisagé la série des mesures de stimulation? Je suppose que vous avez tout envisagé.
M. McCurdy : Nous l'avons examinée de très près. J'aimerais bien que quelqu'un vienne nous stimuler. Jusqu'à présent, l'ampleur de ce problème n'est pas comprise. En ce qui concerne la commercialisation, je pense que les acheteurs profitent de la situation. Je ne suis pas réellement adepte des gadgets ou de la technologie, mais j'ai été forcé de me doter de l'un des ces trucs. Ceci vient de seafood.com, un bulletin quotidien respecté distribué électroniquement. L'un des titres d'aujourd'hui était « Les détaillants profitent des bas prix des produits de la mer pour gonfler leurs marges — ne transfèrent pas les baisses de coût aux clients ».
Le problème tient en partie à ce que nous n'avons aucune stratégie nationale. N'importe qui disposant d'un permis d'acheteur ou d'exportateur est parfaitement libre de saccager nos marchés d'exportation comme bon lui semble — en déversant des produits à bas prix sur le marché, en bradant au rabais, et cetera. Il n'existe aucune stratégie pour dire : Comment tirer le meilleur parti de la richesse naturelle pour obtenir un bon rapport permettant aux gens de vivre? Cela semble élémentaire.
Le sénateur Cook : Les pêcheurs sont totalement vulnérables, soumis à toutes sortes de tensions. Cependant, si les acheteurs parviennent à prendre l'avantage sur le marché, ils gagnent quelques dollars de plus.
M. McCurdy : Notre approche du marché n'est pas organisée. Nous supplions presque le marché de nous exploiter; voilà comment nous nous conduisons. C'est certainement vrai dans notre province et je ne crois pas que ce soit très différent dans les autres, mais je les laisse parler pour eux-mêmes.
Dans notre province, nous n'avons aucune stratégie pour aucune de nos espèces pour retirer le meilleur rapport possible, pour éviter de sous-enchérir l'un sur l'autre et nous couper l'herbe sous les pieds. De fait, il y a eu un vote, croyez-le ou non : le gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador a offert de contribuer 5 millions de dollars sur trois ans à un office de commercialisation des produits de la mer de Terre-Neuve-et-Labrador pour essayer de commencer au moins à réfléchir à certaines de ces choses, à savoir comment promouvoir, donner une image de marque et commercialiser nos produits.
Les transformateurs ont opposé un refus à l'occasion d'un vote. Je ne sais pas pourquoi on leur a même donné l'occasion de voter, mais ils ont voté contre. « Nous ne voulons pas de votre argent. Nous préférons continuer à brader les produits à vil prix car nous avons une solution à tous ces problèmes : nous allons baisser le prix de la matière première payée aux pêcheurs. » Voilà leur solution. Je ne sais pas comment les choses vont tourner, mais j'ai hâte au 31 décembre 2009, croyez-moi, rien que pour tourner la page de cette année.
Le sénateur MacDonald : Nous sommes des preneurs de prix, non des faiseurs de prix. Voilà le principal problème. Il faut que ça change.
Le sénateur Cook : La cupidité capitaliste a tué la morue dans ma province et on dirait que cela recommence.
Le sénateur MacDonald : C'est bien possible.
Le sénateur Cook : Je suis sûre qu'en lisant ceci je comprendrais un peu mieux, mais la seule solution que j'ai retirée de ce que vous avez dit, vous les spécialistes de cette industrie, c'est la solution AE. Pouvons-nous essayer de l'obtenir?
M. McCurdy : Pour l'immédiat?
Le sénateur Cook : Qu'allez-vous faire maintenant? Il n'y a rien à capturer, pas d'argent pour le carburant; il n'y a rien, sauf que les pêcheurs sont à la merci de je ne sais qui. Nous devons faire quelque chose pour eux maintenant.
M. McCurdy : Il y a un besoin immédiat. La prestation AE à l'automne, sur la base du problème de l'an dernier, même si cela va être très utile pour les raisons que j'ai expliquées tout à l'heure, ne va pas mettre d'argent dans la poche de quiconque à l'instant même.
Une solution, à mon avis, qui serait conforme à ce qui a déjà été accordé à la plupart des prestataires de l'AE, serait d'appliquer rétroactivement aux demandes des pêcheurs le prolongement de cinq semaines appliqué récemment à tous les prestataires ordinaires de l'AE en reconnaissance des difficultés économiques que nous vivons en ce moment.
Ce serait une solution rapide qui aiderait les gens au moins à...
Le sénateur Cook : Cela ne s'applique pas?
M. McCurdy : Cela n'a pas été appliqué aux pêcheurs pour des raisons qui m'échappent. Ce serait quelque chose qui représenterait une petite aide immédiate.
Cependant, cela suppose d'abord que quelqu'un en situation de pouvoir dise : « Nous réalisons qu'il y a là un problème très sérieux qui requiert l'intervention du gouvernement fédéral. Nous allons nous mettre au travail. » Nous avons eu une réunion il y a une semaine et demie à Moncton et, pour parler carrément, cela a été un fiasco; il n'en est rien sorti. C'était une perte de temps.
Le sénateur Cook : Quelqu'un va devoir m'aider à comprendre pourquoi il y a un marché libre pour les acheteurs de homard. Il me semble qu'ils peuvent établir leur propre marché et imposer leurs prix et se remplir les poches sur le dos des pêcheurs. Est-ce là ce que j'entends?
M. McCurdy : Tout dépend du niveau de concurrence dans une région donnée, mais dès que vous avez des problèmes de stocks excédentaires, intervient cette étrange mentalité. Je veux dire par là que les homards ne sont pas plus chers, voire même moins chers, que la mortadelle, mais les gens achètent de la mortadelle parce qu'ils n'ont pas les moyens d'acheter du homard. Voilà le genre d'état d'esprit auquel nous sommes confrontés.
Ils disent : « Nous ne sommes pas intéressés par ces coquillages et crustacés », peut-être parce qu'ils tendent à être consommés davantage dans les restaurants et que l'on ne va guerre au restaurant. Les gens mangent davantage chez eux parce qu'ils n'ont pas les moyens de sortir. S'ils vont dans un restaurant, au lieu d'aller dans un restaurant à nappe blanche où ils pourraient commander un plat principal de homard, ils vont dans un restaurant-minute parce qu'ils ont moins d'argent dans leurs poches.
Le sénateur Cook : Que pouvons-nous faire pour aider?
M. McCurdy : Je suppose que c'est réellement le gouvernement du Canada qui a le pouvoir de nous aider, et nous apprécierons grandement toute influence que vous pourrez exercer sur lui.
Le sénateur Manning : Avant de poser des questions, j'aimerais faire un commentaire sur ce qui a été dit tout à l'heure. Un gros obstacle est la difficulté à faire comprendre aux gens dans cette ville ce qui se passe dans le secteur de la pêche, pas seulement à Terre-Neuve-et-Labrador, mais dans toute la région Atlantique. On parle des problèmes de l'industrie automobile en Ontario, qui sont réels, on entend parler des problèmes de l'agriculture dans l'Ouest, qui sont réels.
Cependant, il semble que, pour une raison qui m'échappe, vos doléances n'ont pas le même retentissement ou ne parviennent pas aux bonnes oreilles ici. J'espère que vos efforts ici aujourd'hui vont aboutir à ce que certaines personnes vont faire attention à ce qu'il se passe.
Je reviens sur le prolongement de cinq semaines. Pourriez-vous nous donner quelques options que nous pourrions essayer de promouvoir? J'ai écouté attentivement lorsque vous avez parlé des problèmes à long terme et aussi des soucis immédiats.
M. McCurdy connaît ma ville d'origine où 500 à 600 personnes dépendent totalement de la pêche. J'étais sur le quai dimanche pour la bénédiction des navires et j'y ai parlé à quelques pêcheurs. Je vais vous donner quelques exemples de ce que j'ai entendu : les prix du crabe sont en baisse légère cette année. La morue, dont la quantité autorisée a encore été réduite dans notre région, est tombée de 1,05 $ l'an dernier à 50 ¢ la livre cette année. C'est une pêcherie à somme zéro dans notre région cette année.
Le homard n'est pas ma spécialité. Je m'intéresse aux chiffres de Terre-Neuve-et-Labrador. Cependant, il semble que si le homard fait les grands titres, il y a aussi un problème majeur dans tout le secteur de la pêche. Lorsque M. McCurdy a parlé d'une perte de 100 millions de dollars, je pense que notre industrie vaut plus d'un milliard de dollars, peu ou prou, à Terre-Neuve-et-Labrador. Une perte de 100 millions de dollars représente une somme majeure.
Dans l'immédiat, est-ce que l'AE est la solution ou bien le gouvernement pourrait-il faire autre chose pour répondre à ce problème immédiat?
M. McCurdy : Je voudrais clarifier un peu le chiffre de 100 millions de dollars. Un milliard de dollars représentent approximativement la valeur à l'exportation; les 100 millions de dollars perdus concernent la valeur débarquée. L'an dernier, la valeur débarquée tournait entre 300 et 400 millions de dollars, et c'est donc un gros morceau de ce que nous avions comme valeur débarquée réelle. C'est une estimation, ce pourrait être pire que cela.
Je suppose que le moyen le plus simple serait d'augmenter le prix ou de subventionner le prix. D'aucuns disent que cela poserait des problèmes au regard des accords commerciaux et ce genre de choses, mais il me semble que les règles ont été pas mal jetées aux orties au cours des huit ou derniers neuf mois dans le monde. Les gouvernements un peu partout dans le monde ont déversé des quantités phénoménales d'argent pour soutenir des entreprises privées par divers moyens qui seraient totalement exclus normalement; ils ne seraient même pas envisagés. Au premier rang de ces secteurs figure celui des services financiers.
Par conséquent, je ne suis pas sûr que les anciennes règles soient réellement applicables aujourd'hui. Ce serait certainement une façon.
Nous avançons l'idée de l'AE parce que les fonds sont là et que l'on s'attendait à dépenser cet argent de toute façon, à l'exception des cinq semaines supplémentaires. La disposition de la loi autorisant des projets pilotes rend cet argent facilement accessible pour des solutions rapides à des problèmes urgents. Ce semble donc être un véhicule logique pour régler ce problème. Je suis tout à fait d'accord avec vos remarques sur le marché de la morue et le marché des coquillages portugais qui se sont totalement effondrés. Nous ne pouvons pas donner notre marchandise pour rien. Tous les facteurs négatifs imaginables se rejoignent cette année, et c'est assez désastreux. Lorsque les gens seront au désespoir, Dieu sait ce qu'il va arriver.
Le sénateur Manning : Au sujet de la rationalisation, je vais de nouveau poser une question sur Terre-Neuve-et- Labrador. Pouvez-vous nous donner une indication des chiffres qui seraient requis si ces 70 p. 100 n'entraient jamais en jeu? Combien cela coûterait-il au gouvernement fédéral?
M. McCurdy : C'est probablement dans le document, mais je ne m'en souviens pas exactement.
Le sénateur Cook : C'est à page 19.
Le sénateur Manning : J'aimerais que les chiffres figurent au compte rendu.
Le sénateur Cook : Si je regarde bien la bonne page, c'est la page 19.
M. McCurdy : Dans ce document nous proposons le retrait volontaire étalé dans le temps et un financement pour un programme à frais partagés de retrait de façon à éliminer un tiers des permis sur une période relativement courte. Le coût estimatif pour la province de Terre-Neuve-et-Labrador est de 169 millions de dollars.
Le sénateur Manning : Est-ce là le coût estimatif total?
M. McCurdy : Oui. Je suppose que vous faites ce que vos moyens vous permettent de faire à un moment donné, et aujourd'hui nous n'avons absolument rien — zéro. Par conséquent, nous ne faisons rien sur le plan de la rationalisation. À long terme, ce serait un bon investissement, car cela réduirait au moins sensiblement au fil du temps la ponction sur le fonds AE.
Le sénateur Manning : Pour que ce soit clair, lorsque vous parlez des trois niveaux — industrie, gouvernement fédéral et gouvernement provincial — quel serait le rôle de l'industrie?
M. McCurdy : À l'heure actuelle, une rationalisation est en cours dans certaines pêcheries, mais pas celle de homard ou de crabe, mais dans la pêcherie de la crevette elle est financée à 100 p. 100 par l'industrie. Cela impose une dette excessive aux acheteurs de ces quotas par rapport à leur valeur. Certains regrettent déjà d'en avoir racheté.
Le sénateur Manning : En ce qui concerne les prix du carburant cette année, après avoir parlé aux pêcheurs sur le quai dimanche dernier, je sais qu'ils sont satisfaits, en un sens, que les prix ne soient pas au niveau de l'an dernier, vu tous les autres problèmes cette année. Néanmoins, est-ce que des efforts sont déployés pour trouver une solution au problème du carburant pour les pêcheurs?
M. McCurdy : Cette question a certainement été en bonne place sur notre liste de magasinage ces dernières années, en particulier en 2008 lorsque les prix sont devenus complètement fous. Nous n'avons guère rencontré de succès, même si nous avons essayé les achats groupés et d'autres idées. Les fournisseurs se partagent la province et le prix n'est pas négociable. Nous avons lancé quelques projets de recherche pour voir comment réduire la consommation de carburant. On peut faire de petites choses pour réduire la consommation dans une certaine mesure, mais on est quand même obligé d'en consommer. On peut économiser peut-être 20 p. 100 ou quelques avec certaines innovations technologiques.
Le sénateur Manning : Mais vous devez commencer par payer pour les installer.
M. McCurdy : Oui. C'est toujours le même vieux problème.
La vice-présidente : Qu'en est-il des 10 millions de dollars alloués vendredi dernier par le gouvernement fédéral? Je sais que c'est pour la promotion et la commercialisation du homard. Quand cet argent sera-t-il disponible? Savez-vous comment il sera utilisé et en quoi il profitera aux pêcheurs de homard?
M. Frenette : Nous ne savons pas encore comment il sera utilisé. Nous savons que ce fonds de développement proviendra d'un organisme et sera administré par un organisme nouvellement créé, appelé Conseil de développement du homard de l'Atlantique. Il a tenu sa réunion inaugurale il y a une semaine. Je crois savoir que c'est cet organe que le ministre et les gouvernements provinciaux voudraient voir superviser l'utilisation de ce fonds de 10 millions de dollars. Tout est si nouveau à ce stade que nous n'avons pas encore d'indications précises.
Le sénateur Robichaud : Quelles sont les chances que les 10 millions de dollars aident ceux qui sont en crise?
M. Frenette : Nous convenons tous, sénateur, que la réponse est zéro.
Le sénateur Robichaud : Est-ce un effort à long terme?
M. Frenette : Oui.
Le sénateur Robichaud : Nous parlions d'appât. J'ai demandé à Mme Wallace quel est le prix des appâts et elle a répondu, entre 40 cents et 1 $ la livre. Le prix des appâts n'a pas suivi celui des homards, n'est-ce pas?
Mme Wallace : Non, certainement pas. Ils sont si rares que certains pêcheurs ont du mal à en trouver. Ils ne parviennent pas à trouver leurs appâts préférés mais ils ont néanmoins une facture d'appâts extrêmement élevée. Un pêcheur m'a montré ses reçus pour trois jours d'appâts et elle totalisait plus de 800 $.
Le sénateur Robichaud : Les pêcheurs chez moi me disent que les appâts coûtent cher et sont difficiles à trouver.
[Français]
Actuellement, au Nouveau-Brunswick, dans le nord-est, on est en pleine saison de pêche au homard. On a entendu à la radio qu'il y a eu une certaine manifestation tout simplement parce que les pêcheurs réalisent qu'ils ne couvriront pas leurs dépenses. On sait que pour se qualifier pour l'assurance-emploi, les pêcheurs doivent débarquer leur prise. Leur qualification dépend en fait de la valeur de ce qu'ils débarquent.
M. Brun : C'est exact.
Le sénateur Robichaud : Est-ce qu'il y a dans le nord-est des pêcheurs qui ne pourraient pas se qualifier étant donné les prix tellement bas?
M. Brun : Le minimum requis ne sera pas atteint dans certaines régions. Vous avez raison. Le calcul du seuil afin d'accéder à l'assurance-emploi est établi non seulement en fonction des débarquements, mais du prix aussi. C'est le revenu brut qu'on réussit à générer pendant la saison qui détermine si on a accès à un certain niveau d'assurance — emploi. Certains auront accès à un seuil minimum, mais plusieurs n'auront pas accès au même niveau d'assurance- emploi que l'an dernier.
À titre d'information, même si les pêcheurs dans le nord-est du Nouveau-Brunswick réussissaient à accéder à l'assurance-emploi, ces montants vont immédiatement être utilisés pour compenser l'énorme perte subie durant la pêche qui ne couvrira pas toute leur perte. Qu'est-ce qu'ils vont faire pour couvrir cette perte et continuer à vivre durant le reste de l'année est une question toujours indéterminée. Le revenu de ces gens au cours des trois ou quatre dernières années — ces chiffres sont du ministère des Pêches et des Océans — est extrêmement bas.
En moyenne sur la côte est du Nouveau-Brunswick, dans les alentours d'une dizaine de milliers de dollars longtemps avant qu'on entre dans une phase de crise. Donc on imagine ce qu'on est en train de vivre en ce moment puisque les prix ont accusé une chute très importante depuis le début de la saison.
Le sénateur Robichaud : Les pêcheurs de ma région, qui pêchent dans le détroit de Northumberland ont raison de s'inquiéter, si l'inventaire demeure haut et que les prix restent à leur niveau actuel, n'est-ce pas?
M. Brun : Ils ont raison de s'inquiéter pour leur avenir très rapproché cet automne. On parle déjà si on va avoir un effet vers la baisse encore pire que ce qu'on est en train de vivre. Cela ne permettrait pas de faire la pêche, ce serait un montant ridicule, ce serait des pertes impossibles à imaginer. Ces gens n'auraient pas nécessairement d'autres options.
Vous avez mentionné qu'il y avait eu des sorties dans les rues, c'est la deuxième qu'on a eue, en fait, il y a deux semaines, qui faisaient suite au mouvement à Terre-Neuve. Ils voulaient, en premier lieu, appuyer les pêcheurs de Terre-Neuve. C'était important de démontrer une solidarité avec leurs collègues et aussi, puisqu'ils sont en état de panique, ils voulaient au moins exprimer au public et au gouvernement ces frustrations de façon organisée. Je pense qu'il y avait 500 pêcheurs aujourd'hui dans la région de Tracadie, donc presque la moitié de notre membership au Nouveau-Brunswick qui était présent aujourd'hui.
[Traduction]
La vice-présidente : Comment la situation du homard au Canada se compare-t-elle à celle aux États-Unis, dans le Maine, par exemple? C'est un gros État de pêche aussi.
M. McCurdy : Ils se débattent avec pas mal les mêmes difficultés que nous, tels que les bas prix, et je crois que leur situation est très similaire.
La vice-présidente : N'ont-ils pas de solution non plus?
M. McCurdy : Non. En gros, leurs prix sont bien inférieurs à la normale et ils peinent tout autant à survivre que les pêcheurs chez nous.
M. Brun : Certaines flottilles de Nouvelle-Angleterre et d'ailleurs préconisent en fait à peu près les mêmes solutions que nous ici, depuis le début de cette réunion. Je me hasarderais à dire que les réactions des gouvernements aux États- Unis, d'après ce que nous avons lu, comprennent des mesures de stimulation pour le court terme et le long terme dans certaines régions.
La vice-présidente : Quelque chose a-t-il déjà été annoncé?
M. Brun : Oui.
M. McCurdy : Dans quelques États de Nouvelle-Angleterre, je ne me souviens pas de tous les détails, mais je sais que dans le New Hampshire des fonds considérables ont été alloués à la restructuration de la flotte.
M. Brun : Un programme de rationalisation de la Nouvelle-Angleterre doit entrer en vigueur sous peu et on y parle d'options à court terme qui équivalent à une forme de subvention versée aux pêcheurs pour leur permettre de boucler l'année.
M. McCurdy : On dit toujours que nous devons être compétitifs. C'est ce que l'on vous dit en ce moment. Virtuellement tous les pays que nous sommes censés concurrencer sur le marché mondial des produits de la mer ont injecté des sommes considérables dans la rationalisation de la flotte. Le gouvernement du Canada parle d'auto- rationalisation, ce qui revient à dire à l'industrie : prenez la facture, mettez-la dans votre poche et trouvez moyen de la payer. Cela signifie, d'emblée, que nous aurons une longueur de retard dans la concurrence avec des pays comme la Norvège, l'Islande, l'Union européenne, divers États américains et ainsi de suite, qui ont reconnu ce problème, qui est universel, à savoir que la combinaison de la technologie de pêche et de l'état des stocks de poisson fait que les flottes sont excessives. Il y a davantage de pêcheurs sur l'eau que le nombre que la ressource peut faire vivre décemment, et ces pays disent qu'il faut y remédier et que le secteur public a un rôle à jouer pour cela, mais pas le Canada. On nous dit que nous devons néanmoins aller les concurrencer.
Cela me rappelle le gars dans un film qui était lanceur de baseball, avec toutes les bases chargées, et à qui l'on dit de ne lancer que des prises mais de ne rien leur donner à frapper. Allez-y et livrez concurrence mais, au fait, vous devez le faire avec les deux mains liées derrière le dos.
Le sénateur Raine : Je suis de Colombie-Britannique et je connais donc mal le sujet, mais je le trouve fascinant, et aussi douloureux, car je vois bien que c'est un problème sérieux pour un grand nombre de familles.
Je suis un peu confuse. M. Poirier a dit qu'il y a 25 000 pêcheurs à bord et encore 25 000 à quai. L'autre chiffre que je vois c'est 10 000. En ce qui concerne ces 25 000, cela signifie-t-il les 10 000, plus un marin et demi par titulaire de permis pour atteindre le chiffre de 25 000?
M. Brun : C'est 10 000 patrons pêcheurs, des propriétaires exploitants, dirais-je, et habituellement en moyenne, deux marins. Cela vous donne de 25 000 à 30 000.
Le sénateur Raine : Lorsque nous parlons de rationalisation, savons-nous quelle réduction de la flotte il faudrait, quel pourcentage de ces navires? Je réalise que cela varie d'une région à l'autre et il me semble que peut-être certaines des zones de pêche sont trop petites pour le nombre de gens qui y pêchent. A-t-on déterminé le chiffre optimal qu'il faudrait viser?
M. McCurdy : Je pense que nous-mêmes, l'UPM, le groupe de Mme Wallace et quelques autres qui ont réfléchi à cela estiment qu'il ne faut contraindre personne, mais que l'on pourrait fixer un objectif réaliste dans un plan facultatif bien conçu qui aboutirait à réduire la flotte d'environ un tiers en l'espace de peut-être cinq ans ou une période de cet ordre — si vous avez une stratégie réelle pour essayer d'organiser cela pour la prochaine génération. Ce serait de cet ordre de grandeur. Le sondage que nous avons fait auprès de nos membres a donné un résultat conforme, du point de vue du nombre de personnes qui seraient intéressées et voudraient voir les détails du plan. Ce sondage a été effectué il y a quelques années lorsque les facteurs économiques étaient certainement meilleurs qu'ils ne le sont aujourd'hui.
Le sénateur Raine : Il est désolant que le MPO propose une solution qui ne marche pas pour les permis de zone et uniquement pour les permis à contingent.
M. McCurdy : Ce n'est pas du tout une solution au problème et c'est décourageant.
Le sénateur Raine : Je le vois bien. Je serais certainement intéressée à trouver une rationalisation qui soit bonne pour tout le monde.
J'ai une autre question. Encore une fois, je suis naïve, mais cela s'adresse à Mme Wallace. Vous dites que les phoques sont une cause de la pénurie d'appâts. Beaucoup de gens sur la côte Ouest de Terre-Neuve préconisent un abattage sélectif des phoques. Nous ne parlons pas ici de bébés phoques, mais d'abattage des mères. Est-ce que cela aiderait?
Mme Wallace : Ce serait certainement un pas dans la bonne direction. Tous ces activistes qui vilipendent la chasse aux phoques font beaucoup de tort à la pêche dans tout le Canada atlantique. Ils utilisent des arguments de propagande dépassés et, malheureusement, le grand public les écoute. Je soupçonne que cela a également un effet sur les marchés. Oui, un abattage sélectif serait certainement une solution, encore que nous ne sommes pas censés utiliser ce mot.
Le sénateur Raine : Pourquoi cela?
Mme Wallace : Le public n'aime pas le mot « abattage ».
Le sénateur Raine : Quoi qu'il en soit, la population est excessive aujourd'hui et il n'est pas rationnel de ne pas faire quelque chose du genre.
Mme Wallace : Non, et d'ailleurs les scientifiques disent maintenant, au moins, que les phoques mangent les morues et ont un effet sur les stocks. Il nous a fallu de nombreuses années pour les amener à le dire. Il y a un nombre énorme de phoques et si nous en abattions des centaines de milliers, on ne verrait pas d'effets avant cinq ans. C'est énorme.
Le sénateur Raine : Il nous faudrait quelques photos dans nos médias pour montrer la masse de phoques qui ont proliféré.
Mme Wallace : Oui, je suis d'accord avec vous, l'éducation est l'un des outils que nous devons employer. Je siège à un comité. L'une des grandes recommandations de l'industrie est qu'il faut éduquer le public. Cela n'a pas aidé lorsque l'UE a interdit l'entrée des produits du phoque. Cela nuit à la pêche.
Je sais que nous parlons ici directement du homard, mais toutes les espèces sont touchées par la faiblesse des prix. Le crabe des neiges est en baisse cette année, de même que la morue, comme M. McCurdy l'a dit. C'est décourageant pour les pêcheurs.
M. Frenette : C'est la population de phoques gris qui dévaste principalement les stocks de poisson, particulièrement dans le sud du golfe du Saint-Laurent et la région de Scotia-Fundy. Cette population s'est multipliée par sept depuis les années 1970. On l'estime maintenant entre 350 000 et 400 000 animaux. Un phoque gris adulte mange nettement plus d'une tonne de poisson par an. Il suffit de faire le calcul pour voir la conséquence pour la ressource.
Leur principale rockerie est l'île de Sable, une zone écologique protégée à laquelle on ne peut accéder. On estime, je crois, à 52 000 le nombre de phoques qui sont nés rien que là. Les effets sur toutes les espèces dans ces régions de la présence de cette population de phoques gris sont réellement prononcés. Ils sont une force vraiment destructive et je pense qu'il serait approprié de procéder à un abattage sélectif, combiné à une chasse commerciale.
Mais c'est très difficile à faire car les bébés naissent en hiver. Nombre de nos ports sur la côte sont pris par les glaces; on ne peut y aller pour chasser les veaux. Pour ce qui est d'abattre les phoques adultes, on peut les tirer au fusil mais au premier coup de feu ils disparaissent, et ce n'est donc pas facile. Il est question de stériliser les femelles, mais il y a beaucoup de difficultés techniques et autres à surmonter. Qui veut s'approcher si près en premier lieu?
Le sénateur Raine : Si vous me permettez la question, quels étaient les prédateurs naturels des phoques?
M. Frenette : Les baleines et les requins.
Le sénateur Raine : Par conséquent, la disparition des baleines et des requins a créé ce déséquilibre; est-ce exact?
Une voix : Et les ours polaires.
M. McCurdy : Certaines choses me fâchent réellement, moi et d'autres. M. Frenette a mentionné l'interdiction de l'UE. J'ai été à d'innombrables réunions où j'ai entendu des représentants de l'UE parler de la nécessité d'une approche écosystémique de la gestion des pêches. Qu'est-ce que l'on veut?
Considérant le phoque, disons-nous qu'on va le faire dans le contexte des stocks de hareng, des stocks de morue, et cetera et de l'interaction entre tout cela, ou bien va-t-on grimper sur ses grands chevaux et dire que peu nous importe l'écosystème, nous allons juger les gens qui vivent des ressources de la mer?
C'est extrêmement choquant d'entendre cela venant de l'Union européenne. Je serais enclin à leur répliquer : « Que celui d'entre nous qui n'a jamais péché jette la première pierre. »
La vice-présidente : Au cours des années 1980 et 1990, le sénateur Marshall, qui était alors président du Comité des pêches, était réellement préoccupé par les phoques et la quantité de morue qu'ils dévoraient. Je crois que le sénateur Marshall disait à l'époque qu'ils en mangeaient bien plus d'un million de tonnes. C'était dans les années 1980. Depuis, ils ont proliféré, alors imaginez ce que c'est aujourd'hui.
Je vous remercie sincèrement de votre présence aujourd'hui. Nous sommes nombreux ici à venir de l'Est du Canada et, bien entendu, nous rentrons chaque fin de semaine et nous entendons parler de tous les problèmes que vous avez évoqués : le désastre dans la pêcherie du homard et le marasme économique à cause de la pêche. Nous connaissons donc la situation de première main.
Nous sommes heureux que vous soyez venus aujourd'hui nous éclairer encore plus et je vous remercie d'être venus. Je rappelle au comité que nous entendrons M. Sullivan au sujet des phoques jeudi.
(La séance est levée.)