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POFO - Comité permanent

Pêches et océans


Délibérations du comité sénatorial permanent des
Pêches et des océans

Fascicule 9 - Témoignages


OTTAWA, le mardi 16 juin 2009

Le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans s'est réuni aujourd'hui à 17 h 16 pour étudier les questions relatives au cadre stratégique actuel en évolution du gouvernement fédéral pour la gestion des pêches et des océans du Canada (sujet : enjeux du Canada et des États-Unis dans le Grand Nord).

Le sénateur Bill Rompkey (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Honorables sénateurs, je souhaite à tous la bienvenue ici à cette séance du Comité sénatorial permanent des pêches et des océans. Nous venons tout juste de boucler une visite dans l'Arctique de l'Est et un rapport à ce sujet, et nous comptons nous rendre en septembre dans l'Arctique de l'Ouest. Nous espérons pendant ce voyage aller en Alaska, car nous avons un voisin qui s'appelle les États-Unis d'Amérique, et nous devrions nous asseoir avec lui, l'écouter, le consulter et voir comment nous pourrions améliorer la situation dans l'Arctique.

À cette fin, nous accueillons parmi nous aujourd'hui Betsy Baker. Je vais faire lecture de son court CV, pour la gouverne de ceux qui nous écoutent. Nous en avons une copie papier, mais les personnes qui regarderont plus tard la retransmission de cette séance n'auront pas ce document en main. J'aimerais donc le parcourir, car il a toute son importance dans le contexte de notre étude.

Betsy Baker est professeure agrégée au Vermont Law School, adjointe invitée au Dickey Center Institute of Arctic Studies, à Hanover, dans le New Hampshire, et membre de l'équipe scientifique à bord du navire de la garde côtière des États-Unis (USGC) Healy, qui a mené un exercice prolongé de cartographie du plateau continental de l'océan Arctique en 2008 et 2009. Son blogue, Arctic Mapping and the Law of the Sea, est consulté partout sur la planète. Elle enseigne l'Arctique, le droit de la mer et l'environnement, le droit comparé, le droit de la propriété, le droit international et les organisations internationales. Son CV donne ensuite la liste de ses diplômes, qui sont trop nombreux pour que je vous les énumère, mais il est intéressant de souligner que comptent parmi ses travaux de rédaction en cours des propositions de coopération entre le Canada et les États-Unis sur les questions maritimes et l'examen des liens entre le droit et la science dans les lois et les traités environnementaux. C'est également de cela que nous aimerions parler ce soir.

Je vais demander à Mme Baker si elle a une déclaration à nous faire, après quoi nous passerons aux questions. Madame Baker, bienvenue. Vous avez la parole.

[Français]

Betsy Baker, professeure agrégée, Vermont Law School : Monsieur le président et madame le vice-président Cochrane, je vous remercie de l'invitation à discuter de l'Arctique avec vous. D'abord, j'aime bien la langue française, mais je suis plus à l'aise en anglais, je vais donc continuer mon exposé dans ma langue maternelle.

[Traduction]

Permettez-moi tout d'abord de vous féliciter pour votre excellent rapport intitulé Relever le défi de l'Arctique : Rapport sur la Garde côtière canadienne. J'espère aujourd'hui pouvoir compléter les vastes renseignements que celui-ci renferme en me concentrant sur les mesures prises et devant urgemment être prises par le gouvernement américain face aux changements énormes qui s'opèrent déjà dans l'Arctique nord-américain.

Je m'adresse aujourd'hui à vous à titre de professeure de droit international et du droit de la mer, et, à titre personnel, comme personne dont le coeur a été très touché par la puissance et la vulnérabilité étonnantes de l'océan Arctique. Au cours des 10 derniers mois, j'ai eu le privilège de travailler sur un brise-glace de la Garde côtière afin de cartographier le plateau continental, de consulter les dirigeants des gouvernements du Nunavut et du Canada à Iqaluit, et, plus récemment, de voyager pendant trois semaines en Alaska afin de rencontrer des chercheurs et des scientifiques dans des universités et organismes partout dans l'État.

La façon dont nos pays choisissent aujourd'hui de gérer et de protéger l'océan Arctique et ses ressources aura une incidence sur nos citoyens, sur notre environnement commun et sur nos économies fondées sur l'énergie pour des décennies à venir. Compte tenu de leur solide amitié historique en tant que voisins, je crois que le Canada et les États- Unis ont le potentiel de renverser nos souverainetés respectives grâce à la coopération, tout en offrant des modèles de collaboration à d'autres États circumpolaires.

Puisque vous connaissez manifestement bien la question de l'amincissement de la glace et d'autres conditions environnementales de l'océan Arctique, je ne vais pas vous entretenir de ces questions, sauf pour vous faire rapport sur un message constant qui a de nouveau été repris à un symposium tenu tout juste la semaine dernière à la U.S. Naval Academy et portant sur les répercussions de la réduction de la glace dans l'océan Arctique sur les opérations navales et maritimes. Il existe un besoin urgent d'information et de recherche supplémentaires, en provenance tant d'études scientifiques que de connaissances traditionnelles inuites, afin de mieux comprendre les changements et le potentiel d'adaptation dans l'Arctique. La U.S. Arctic Research Commission a, à juste titre, affirmé que l'Arctique est la région la moins étudiée et la moins bien comprise de la planète, et que l'océan Arctique est le moins bien connu de tous les océans.

Je vais, pendant environ cinq minutes, parcourir comme suit mon mémoire écrit : je vais tout d'abord décrire les récents énoncés politiques du gouvernement des États-Unis, et je suggérerai ensuite des priorités stratégiques en vue d'une coopération continue entre nos deux pays.

Permettez-moi de faire ressortir tout d'abord trois énoncés de politique pertinents publiés cette année par diverses branches du gouvernement américain.

Premièrement, la U.S. national policy for the oceans signée par le président Obama tout juste la semaine dernière, le 12 juin, crée un groupe de travail interorganismes sur les politiques océaniques. Le groupe de travail est chargé d'élaborer deux documents : une politique nationale sur les océans, de même qu'un cadre de coordination stratégique des efforts visant à améliorer l'intendance des océans, des côtes et des Grands Lacs américains; et, d'ici décembre, une recommandation de cadre de planification côtière et spatiale maritime efficace. Ce cadre doit être conforme au droit international, notamment le droit international coutumier tel que reflété dans la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, UNCLOS. Je fais mention de ce document, qui ne porte pas précisément sur l'Arctique, parce qu'il y est question de trois choses : la coordination des politiques, la planification spatiale maritime et la conservation intégrée fondée sur les écosystèmes.

La coordination des politiques offre le potentiel de contribuer à surmonter ce que je crois être un obstacle majeur à une gestion efficace de l'océan Arctique, et de l'Arctique américain en général : le chevauchement des secteurs de compétence, incertains sinon conflictuels, entre les organismes fédéraux en ce qui a trait aux ressources connexes. Ce problème se multiplie lorsqu'on y ajoute les intérêts tout à fait légitimes des différentes autorités locales, autochtones et d'État d'exercer leur compétence dans leur partie de l'Arctique.

En ce qui concerne la planification spatiale maritime, dont l'approche est axée sur les écosystèmes, elle peut éventuellement venir compléter le concept de zones étendues de gestion des océans du ministère des Pêches et des Océans, comme celle établie pour la partie canadienne de la mer de Beaufort. Je m'intéresse particulièrement à cela et à la façon dont nos systèmes de réglementation nationale respectifs pourraient tirer profit l'un de l'autre, voire même la possibilité d'élaborer des pratiques de réglementation exemplaires pour la mer de Beaufort en fonction des lignes directrices du Conseil de l'Arctique et d'autres organismes internationaux. Si les résultats étaient concluants, une telle étude bilatérale et l'harmonisation en découlant pourraient servir de modèle pour d'autres voisins arctiques.

Deuxièmement, vous mentionnez dans votre rapport de mai 2009 la U.S. Arctic Region Policy signée en janvier par l'ancien président Bush. J'aimerais simplement souligner les demandes de collaboration internationale face aux préoccupations en matière d'environnement, de ressources et de sécurité. Dans un autre document de mon blogue je fais ressortir que la politique insiste sur la prise de décisions fondées sur la science et l'amélioration de la connaissance scientifique de l'océan Arctique, y compris par le biais de collaboration internationale.

Troisièmement, le Fishery Management Plan for the U.S. Arctic, adopté en février 2009, interdit la récolte commerciale de toute ressource halieutique dans l'aire de gestion de l'Arctique. En gros, si vous tracez une ligne passant par le milieu du détroit de Bering et suivez notre ligne de traité avec les Russes et la ZEE, ou zone économique exclusive, de notre pays, vous verrez la zone en question dans la mer de Beaufort. Cela n'exclut pas la possibilité d'un développement futur des pêches dans l'Arctique, mais il s'agit d'appliquer aux pêches l'approche préventive, que la politique décrit comme étant l'application :

[...] de pratiques judicieuses et responsables en matière de gestion des pêches fondée sur des recherches et des analyses scientifiques approfondies et proactives plutôt que réactives, pour assurer la durabilité des ressources halieutiques et des écosystèmes qui y sont associés pour qu'en jouissent les générations futures et actuelles.

Il importe de souligner le fait rarement mentionné que le plan demeure ouvert aux commentaires du public jusqu'à la fin du mois de juillet. Le plan fera l'objet d'une conférence internationale à Anchorage, en Alaska, en octobre. Je sais que l'on y compte sur une bonne participation canadienne.

Quatrièmement, l'évaluation de la navigation maritime dans l'Arctique du Conseil de l'Arctique, que vous avez également mentionnée dans votre rapport, étaye des recommandations précises dans trois domaines généraux : l'amélioration de la sécurité maritime dans l'Arctique, la protection des peuples et de l'environnement de l'Arctique, et la création de l'infrastructure maritime de l'Arctique.

Je me ferai un plaisir d'examiner de manière plus détaillée l'un de ces documents cet après-midi. Je n'ai pas mentionné dans ma déclaration écrite le fait que la semaine dernière l'un des membres alaskiens du Congrès a déposé un projet de loi intitulé Arctic Marine Shipping Assessment Implementation Act. Ce projet de loi, qui est à l'étude, demande une capacité accrue de brise-glace et une collaboration internationale dans le contexte du cadre juridique établi par la Convention sur le droit de la mer et l'Organisation maritime internationale.

Un thème important qui est commun aux quatre instruments que je viens de mentionner est la nécessité d'accroître la compréhension de la région en question. Compte tenu de l'absence de données scientifiques de référence sur l'Arctique, les différentes approches adoptées par deux organismes américains fédéraux sont frappantes. Dans le cas du Arctic Fishery Management Plan que je viens tout juste de mentionner, une division d'un organisme du gouvernement fédéral des États-Unis, la National Oceanic and Atmospheric Administration, a adopté une approche de précaution pour les activités menées dans les mers de Beaufort et de Tchoukotka. Elle demande que davantage de données scientifiques soient réunies avant de lancer quelque activité de développement que ce soit. En même temps, l'organisme américain fédéral responsable de l'octroi de concessions pétrolières et gazières dans ces deux mers, le Minerals Management Service, a instauré des programmes d'octroi de droits d'exploration et d'exploitation dans cette zone. La dernière série de concessions a rapporté le chiffre record de 2,7 milliards de dollars US. Ce processus de concessions et d'autorisations exige cependant des évaluations d'impact environnemental qui ont fait l'objet de contestations judiciaires ayant en partie abouti, mais il repose sur l'hypothèse que des activités de développement peuvent être lancées même en l'absence de données de base générales.

Je vais maintenant traiter brièvement des priorités en matière de politiques et de domaines de coopération pour les États-Unis en vue de la ratification de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer ainsi que de la Convention de Stockholm sur les polluants organiques persistants, du renforcement par les États-Unis de sa flotte de brise-glaces et autres navires arctiques, et d'une meilleure coordination par les États-Unis de sa politique fédérale sur l'Arctique. L'Arctic Research Commission des États-Unis s'est révélée particulièrement efficace en mettant l'accent sur les activités scientifiques dans l'Arctique, tout comme cela a été le cas du Interagency Arctic Research Policy Committee. Il n'existe cependant aucun organisme central chapeautant la coordination des politiques et stratégies fédérales visant tous les aspects de l'Arctique américain. L'accroissement du financement pour la recherche sur l'Arctique est une question dont je me ferais un plaisir de vous entretenir de manière plus détaillée.

Il importe de former des universitaires et des dirigeants spécialisés dans l'Arctique pour une vaste gamme de défis propres à l'Arctique. Il serait ainsi utile de former des chercheurs en sciences sociales pouvant étudier les effets des changements mondiaux sur les populations de l'Arctique ainsi que la capacité d'adaptation de ces dernières, des pilotes de navires qui connaissent la glace, et des chercheurs capables de trouver de nouvelles sources d'énergie.

En ce qui concerne les trois domaines de collaboration continue dont je fais état dans ma déclaration écrite, le sénateur Rompkey a déjà mentionné la cartographie du plateau continental, travail que nous avons mené conjointement l'été dernier et que je vais poursuivre pendant encore au moins deux étés avec le Louis S. Saint-Laurent de la GCC. Je me suis entretenue avec le commandant de la Garde côtière américaine lors du forum sur la glace tenu la semaine dernière. Il a tout de suite souligné la collaboration canado-américaine dans le Forum des gardes côtières du Pacifique Nord et le Forum des gardes côtières de l'Atlantique Nord comme étant des exemples d'excellente collaboration avec ses homologues canadiens. Comme vous le savez, le Canada préside le groupe de travail de prévention, de planification et d'intervention en cas de situation d'urgence au Forum de l'Atlantique Nord, ce qui renferme un certain potentiel. La préparation aux déversements d'hydrocarbures n'est rien de nouveau pour vous, mais je soulignerais qu'il s'agit là pour moi de l'un de mes tout premiers choix en matière de priorités stratégiques.

Toutes les activités que j'ai abordées sont la preuve que la réalité de l'Arctique nord-américain en est une de collaboration et non de conflit. Je me ferai l'écho des propos d'Alan Kessel et vous exhorterai à regarder derrière les manchettes accrocheuses des médias mondiaux, qui dépeignent à tort comme un conflit ce qui est en vérité un processus juridique ordonné et plutôt ardu, qui est en cours et grâce auquel les États côtiers sont en train de soumettre des données à la Commission des Nations Unies sur les limites du plateau continental. Chaque État est en train de faire très précisément ce qu'il doit faire : recueillir des données, souvent en tandem avec d'autres pays, et respecter les règles internationales établies.

J'étais en train de discuter avec le président du comité de votre visite prochaine dans l'Arctique de l'Ouest. Toutes les entités là-bas avec lesquelles je me suis entretenue au cours des trois dernières semaines sont enthousiasmées par votre visite et ont offert de vous aider à l'organiser. Voilà l'autre message que je tenais à vous transmettre.

Je vous remercie de l'occasion qui m'a été ici donnée de m'entretenir avec vous sur notre avenir commun dans l'Arctique nord-américain. J'envisage avec plaisir de répondre à vos questions.

Le président : Avant de passer aux questions, j'aimerais souligner que notre rapport figure dans le blogue de Mme Baker.

Mme Baker : Il s'agit d'un carnet Web.

Le président : Je vais vous lire quelques pages tirées du site :

Le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans du Canada a publié un rapport exhaustif sur les questions maritimes dans l'Arctique canadien intitulé : « Relever le défi de l'Arctique : Rapport sur la Garde côtière canadienne ».

Tout en se concentrant sur la Garde côtière canadienne, le rapport de 73 pages donne un bon aperçu de questions allant de la cartographie du plateau continental à la navigation, à l'enregistrement NORDREG, à l'Étude du plateau continental polaire de Ressources naturelles Canada et à son appui pour la recherche scientifique arctique internationale, la recherche et le sauvetage, en passant par l'utilisation et l'occupation continues de l'Arctique canadien par les Inuits et la situation environnementale dans l'Arctique.

Ainsi, nous n'avons pas fait la une du Globe and Mail mais nous avons été mis en vedette dans le blogue de Mme Baker.

Mme Baker : On a également parlé de vous la semaine dernière à la réunion du National Ice Center.

Le président : C'est formidable. Nous faisons des progrès.

Je balaye la salle pour savoir qui aimerait poser des questions.

Le sénateur Baker : Bienvenue au comité, madame Baker.

Le président : Il n'y a pas de lien de parenté entre vous deux, n'est-ce pas?

Le sénateur Baker : J'en serais fort heureux si c'était le cas. Pour moi, ce genre de réputation serait quelque chose, monsieur le président, comme vous pourrez le confirmer.

Madame Baker, le sénateur Manning et moi nous intéressons à un sujet particulier depuis plusieurs années. Vous en traitez dans la dernière ligne de votre déclaration formelle. Vos dernières paroles concernaient la Commission des limites du plateau continental des Nations Unies.

Le sénateur Manning et plusieurs autres politiciens terre-neuviens cherchent des moyens d'utiliser l'article 76 du droit de la mer pour maintenir la propriété des fonds marins et du sous-sol du plateau continental jusqu'à environ 350 milles marins, je pense. Est-ce là votre norme?

Le sénateur Manning et moi nous intéressons à la question car des navires étrangers font du dragage dans cette zone de 200 à 350 milles sur le plateau continental canadien — le nez et la queue du Grand banc et le Bonnet flamand. Une partie de ces activités n'est pas réglementée et nous cherchons des moyens d'y mettre fin.

C'est pourquoi nous avons pensé obtenir la propriété des fonds marins et du sous-sol jusqu'à 350 milles, en espérant que cela suffise. Cependant, certains experts juridiques nous disent que nous ne pourrions toujours pas empêcher des navires étrangers de draguer les fonds marins et le sous-sol même si nous en étions propriétaires en vertu de la Convention des Nations Unies. Nous ne parvenons pas à comprendre cela.

Pourriez-vous nous expliquer en des termes simples pourquoi, si nous étendions la zone nous relevant, nous ne pourrions pas stopper le dragage par des pays sans scrupules?

Mme Baker : La réponse est que la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer établit deux régimes différents. L'un vise le plateau continental qui, comme vous l'avez décrit, est constitué des fonds marins et du sous-sol ainsi que des ressources desdits fonds marins et sous-sol. L'autre vise les pêches.

Je ne dirais pas que la réponse est définitive et que ces activités ne peuvent pas être empêchées. Je dirais que votre proposition, à vous et au sénateur Manning, vaut la peine d'être poursuivie — l'on pourrait certainement considérer les espèces sédentaires du fond marin comme étant des ressources vivantes du plateau continental.

Le sénateur Baker : Si vous deviez plaider l'affaire devant une cour internationale, verriez-vous là un bon argument juridique?

Mme Baker : J'y verrais un argument juridique plausible, mais discutable. Il n'existe pas de réponse définitive.

Le sénateur Baker : Ne conviendriez-vous pas qu'il vaudrait la peine de s'essayer?

Mme Baker : Il me semble que oui.

Le sénateur Baker : Madame Baker, j'aurais une dernière question. Le Canada, les États-Unis et le Danemark sont en conflit. Eh bien, nous ne sommes pas en conflit. Cependant, comme le confirmera le sénateur Adams, nous sommes voisins. Il semble qu'il y ait eu une petite entente amicale entre les trois pays pour ne pas ratifier le droit de la mer, il y a de cela des années. Pourriez-vous nous dire si c'est bel et bien le cas et pourquoi le Canada ne l'a ratifié qu'il y a un an ou deux?

Deuxièmement, risquons-nous d'être désavantagés du fait de ne pas avoir ratifié le droit de la mer, étant donné la procédure qu'il faut suivre pour étendre son ressort territorial sur les fonds marins? Cela importe-t-il, par exemple, que la Russie ait, en 2001, demandé un élargissement de sa compétence, et que les États-Unis n'aient même pas encore ratifié le texte de loi mais envisagent de faire une demande d'ici deux ou trois ans? Cela intervient-il?

Vous êtes en train de dire que tous les pays sont ensemble et que cela ne compte pas en vérité. Tout le monde vise le même objectif. Cependant, dans ce processus d'obtention du contrôle sur son propre plateau continental, cela importe- t-il que vous ayez ratifié le droit de la mer en 2000 ou en 2010?

Mme Baker : La date de ratification est critique en ce sens qu'elle déclenche le chronomètre de 10 ans, qui est la période à l'intérieur de laquelle l'État concerné doit soumettre ses données relativement au plateau continental. Les gens ont différentes interprétations du refus des États-Unis de ratifier le droit de la mer, l'une d'entre elles étant même que cela leur donne plus de temps pour recueillir des données aux fins de leur demande au titre de l'article 76.

C'est là donner beaucoup trop d'importance aux efforts américains en matière d'organisation et de planification. L'explication simple du pourquoi cela n'a pas été ratifié est la politicaillerie au Sénat.

Pour ce qui est de la reconnaissance des demandes ou des données, je crois qu'une base légale beaucoup plus solide pour les États-Unis serait de publier ce qu'ils auront déterminé comme étant les limites de leur plateau continental sur la base des recommandations de la Commission. Or, les États-Unis ne pourront obtenir ces recommandations que s'ils sont partie à la convention.

La convention et l'article 76 laissent libre cours à chaque État quant à la détermination finale de ce qu'il souhaite inclure dans toute loi nationale décrivant les limites de son plateau continental. Cependant, si une telle loi nationale est fondée sur une recommandation émanant de la Commission, alors elle est considérée comme étant définitive et exécutoire, terme qui fait impression, mais qui laisse en même temps ouvertes un certain nombre de questions.

Le sénateur Baker : Monsieur le président, j'aimerais soulever un dernier point.

Le témoin a dit que la porte est ouverte pour que nous étendions notre contrôle jusqu'à 350 milles, et qu'il n'est pas gravé dans la pierre que nous ne pouvons pas empêcher des pays étrangers, des pays sans scrupules, de draguer les fonds marins, mais cela va à l'encontre de ce qui a été exprimé ici à une autre occasion par une personne qui n'a en la matière ni l'expérience ni la formation de Mme Baker. Cependant, il s'agit véritablement de propos formidables auxquels nous devons réfléchir.

Le président : En effet. Merci d'en avoir fait état, aux fins du compte rendu.

Mme Baker : En ma qualité d'avocate, j'ajouterais une distinction technique : la limite de 350 milles marins est une possibilité. L'autre concerne l'isobathe d'un kilomètre et les 100 milles marins au-delà. Il y a donc deux limites possibles.

J'aimerais par ailleurs fournir un éclaircissement technique. En ce qui concerne les pêches, je déduis des commentaires que vous avez faits au sujet de témoins antérieurs qu'ils s'intéressaient uniquement à la façon dont les pêches sont définies, c'est-à-dire ce qui peut y être englobé ou ce qui peut être pêché au chalut, si vous voulez.

Le sénateur Baker : Nous parlons de « dragage », mais votre position est que, si nous étions propriétaires des fonds marins et du sous-sol, alors nous aurions une cause à plaider pour empêcher les gens de nous enlever ce qui nous appartient.

Mme Baker : Ce serait une cause à plaider.

Le président : Vous nous avez fourni là des renseignements intéressants et nous en avons pris bonne note.

Le sénateur Cochrane : Merci, madame Baker. Je sais que nous allons obtenir beaucoup de renseignements de vous, et c'est merveilleux. J'ai le sentiment qu'il y a ici une collaboration entre les États-Unis et le Canada relativement à cette région. Ai-je raison de dire qu'il y a en la matière une merveilleuse collaboration?

Mme Baker : Oui, c'est ce que je crois.

Le sénateur Cochrane : C'est bien. J'aimerais revenir sur la question du droit de la mer. Pensez-vous vraiment que nous verrons de la part des États-Unis la ratification, l'adoption du droit de la mer?

Mme Baker : Vu la composition du Sénat, c'est la meilleure possibilité que nous ayons eue jusqu'ici.

Il s'agit vraiment d'une question de procédure parlementaire et le président du Comité sénatorial américain sur les relations étrangères, le sénateur Kerry, doit trouver suffisamment de temps dans le cadre des travaux du Sénat pour que celui-ci puisse débattre comme il se doit la convention. Bien sûr, la question doit tout d'abord sortir du comité et il doit y avoir un changement, en ce sens qu'en 2005, il y a eu une décision unanime du Comité sénatorial des relations étrangères, mais en 2007, il y a eu, je pense, quatre voix dissidentes. Selon la distribution des votes cette fois-ci, il pourrait y avoir tout autant de voix dissidentes, mais cela n'empêcherait pas la convention d'être déposée au Sénat. Ce qui en empêcherait le dépôt ce seraient des manœuvres parlementaires.

Le sénateur Cochrane : Quelle incidence la ratification du texte par les États-Unis aurait-elle sur des revendications futures relatives à l'Arctique?

Mme Baker : Cela renforcerait l'affirmation par les États-Unis de l'étendue de son plateau continental. Comme je l'ai indiqué, n'importe quel pays peut affirmer le plateau continental étendu au-delà des 200 milles marins, quelles que soient les limites quant au plateau continental lui-même, mais je pense que ces affirmations sont de beaucoup renforcées, pour ce qui est de leur reconnaissance par le reste de la communauté internationale, si l'imprimatur de la Commission est également fourni.

Le sénateur Cochrane : Vous avez récemment entendu des déclarations au sujet de l'UE, l'Union européenne, et son intérêt pour l'Arctique, bien sûr.

Mme Baker : Bien sûr.

Le sénateur Cochrane : Le fait que le drapeau y ait été planté, et cetera. Étant donné votre expertise, estimez-vous que l'UE ait un intérêt légitime dans l'Arctique? Vous avez peut-être une opinion là-dessus.

Mme Baker : L'Union européenne a certainement un intérêt du fait de certains États, mais même si aucun État membre de l'UE ne faisait partie de l'Arctique, je pense qu'il demeurerait un intérêt quant à la préservation de l'un des derniers endroits sauvages de la planète. Il y a un intérêt quant à la possibilité d'y mener des recherches. Un problème que je vois, de mon point de vue, qui est celui d'une personne intéressée par l'interface entre la science et le droit, est que l'actuel régime en vertu de la Convention sur le droit de la mer ne prévoit pas un accès adéquat à la recherche dans l'Arctique pour les nations non arctiques. En effet, supposons que les États-Unis soient intéressés à effectuer des recherches dans les eaux de la Fédération de Russie; sans autorisation, cela ne pourrait pas se faire, ce qui est très bien. Cependant, l'approbation a quelque peu posé problème. Il nous faut envisager un régime de recherche qui ne soit pas parallèle au Traité sur l'Antarctique, mais qui tienne compte des conditions particulières à l'Arctique et qui y permettrait des travaux scientifiques avec un peu moins d'entraves que ce n'est le cas à l'heure actuelle.

Le sénateur Cochrane : Cela relève-t-il également du ressort des États-Unis? Avez-vous dit qu'ils ne faisaient pas beaucoup de travail scientifique?

Mme Baker : Si, ils en font, et je citerais le travail de cartographie conjoint du Louis S. Saint-Laurent et du Healy comme excellent exemple de travail scientifique conjoint, mais à l'heure actuelle, en vertu de la Convention sur le droit de la mer, tout État ayant une côte et une zone économique exclusive peut exiger d'autres États désireux d'effectuer des travaux de recherche dans ses eaux de lui en demander l'autorisation. Le plateau continental étendu élargira cette exigence particulière de permission.

Le sénateur Cochrane : Pour demander la permission de qui?

Mme Baker : Des États côtiers.

Le sénateur Cochrane : Très bien.

Mme Baker : Si les États-Unis désiraient poursuivre des travaux scientifiques dans la zone économique exclusive ou sur le plateau continental de la Fédération de Russie, il leur faudrait au préalable en demander l'autorisation, et de telles autorisations ont été accordées de manière sporadique.

Bien sûr, une solution est l'exécution de travaux de recherche conjoints, ce que je prônerais.

Le président : Il importe de souligner, premièrement, que l'UE n'est pas un État; deuxièmement, elle n'a aucune frontière qui donne sur l'Arctique. Je pense qu'il serait juste de dire qu'aucun de ses pays membres n'a de côte sur l'Arctique. Troisièmement, sans vouloir trop insister là-dessus, nous avons une certaine expérience avec l'Union européenne au large de la côte Atlantique, et cette expérience n'a pas tout à fait été salutaire.

Mme Baker : Ceci relève peut-être davantage de la profession de liseuse de feuilles de thé, mais pour moi, le fait que la Commission européenne ait, en définitive, corrigé la déclaration du Parlement européen au sujet de l'Arctique vaut la peine d'être relevé. La déclaration du Parlement qui a précédé le rapport ou la déclaration de la Commission était beaucoup plus agressive quant aux droits de l'Union européenne dans l'Arctique, et la Commission a rectifié en insistant sur la Déclaration d'Ilulissat et la Convention sur le droit de la mer. J'y vois quelque espoir.

Le président : Nous avons également eu des expériences récentes avec le Parlement européen.

Avant de céder la parole au sénateur Adams, car notre dernière réunion aura vraisemblablement lieu jeudi et j'espère que le sénateur Adams y sera, mais pour ne prendre aucun risque, je tiens à souligner que nous allons dire au revoir au doyen du Sénat. Le comité est l'un de ceux auxquels il a été le plus fidèle et il y a contribué d'une manière très spéciale, car le Sénat compte plusieurs membres autochtones. Le sénateur Adams y siège depuis longtemps. Il connaît très bien son territoire. Il peut parler pour le compte des siens et s'appuyant sur son expérience personnelle, et en tant que comité nous avons beaucoup bénéficié de son savoir et de son expérience. Je tiens simplement à lui dire merci d'être ici. Nous vous souhaitons bonne chance. Nous savons que vous n'allez pas partir, que vous allez revenir et que nous pourrons continuer de bénéficier de votre savoir et de votre expérience. Merci beaucoup et bonne chance.

Le sénateur Adams : Merci, monsieur le président, et merci au comité, à tous mes amis.

Merci d'être venue, madame Baker. Vous avez été dans le Nord avec les gens qui y vivent et vous savez ce qui s'y passe. Nous poussons pour avoir de l'aide et sommes préoccupés par le changement climatique, et vous avez fait du travail avec le gouvernement du Nunavut. Je pense que vous avez également une idée de l'importance qu'a le règlement de la revendication territoriale entre le Canada et le Nunavut. Cela vise 2 millions de kilomètres carrés, entre l'eau et la terre. Il s'agit d'un vaste territoire, étant donné surtout qu'il s'étend jusqu'à la pointe de la baie d'Hudson et jusqu'à la Baie James. C'est une grosse partie de notre pays.

Je pense que vous êtes allée là-bas il y a deux mois et que vous y avez fait du travail avec les chercheurs. Ils ont pour l'instant choisi trois collectivités pour étudier ce qu'il y a de mieux sur le plan matériel et les travaux futurs qu'entreprendront les chercheurs dans l'Arctique. Ils ont choisi Resolute Bay, Cambridge et Pond Inlet pour voir quel serait le meilleur site pour une étude future.

Je me suis entretenu avec certains de vos collègues qui sont allés là-haut. Je pense qu'ils ont plus de matériel que les Canadiens et qu'ils ont fait un peu de travail sur les effets du changement climatique, le mouvement des glaces, et d'autres choses encore. Pour ce qui est du matériel à installer à l'avenir, ils ont parlé d'un coût d'un peu plus de 60 millions de dollars.

À Resolute, ils travaillent avec des scientifiques depuis longtemps. Il semble que leurs budgets de travail sont chaque année réduits. Je pense qu'il était prévu entre 9 et 10 millions de dollars pour faire la recherche et les études.

Je m'interroge quant à l'incidence que cela aura à l'avenir sur le Canada si cette nouvelle technologie est installée dans l'une de ces trois collectivités. Je pense que cela devrait être fait à Resolute. Qu'en pensez-vous?

Mme Baker : Pour ce qui est de l'emplacement, je regrette, mais je pense que je serais mal placée pour exprimer quelque préférence que ce soit entre les localités que vous avez mentionnées.

Je ne suis pas en mesure de vous offrir autre chose que cela, et je m'en excuse.

Le sénateur Adams : Cette localité est également plus proche des glaces pérennes. Le sénateur Comeau et moi avons fait le voyage de Resolute à Copper Mine, il y a de cela cinq ou six ans. Il s'agit d'une région très importante, surtout pour les mammifères.

Je m'inquiète pour l'avenir du Nunavut et des eaux advenant un développement plus poussé du secteur minier et de l'exploration pétrolière et gazière. Avant qu'il ne soit trop tard, il importerait de multiplier les études sur les mammifères, les baleines et les phoques. Il nous faut savoir où migreront les ours polaires pendant l'été et l'hiver. D'aucuns disent qu'à l'avenir ils emprunteront le détroit d'Hudson et remonteront jusqu'à Igloolik pour l'année tout entière.

Une personne vivant là-haut qui souhaite chasser le morse peut le faire et rentrer chez lui pour déjeuner, car l'eau libre est toute proche. Il y a beaucoup de courant entre Igloolik et Hall Beach.

Le gouvernement devrait examiner l'environnement et le transport pour ce qui est des déplacements là-haut pendant l'été et l'hiver, et il devrait également étudier les mammifères.

Mme Baker : Le symposium que j'ai mentionné, et qui a eu lieu la semaine dernière, a été parrainé par le National Ice Center et la U.S. Arctic Research Commission, et a été tenu à la U.S. Naval Academy. Je suis prête à parier qu'environ les trois quarts des personnes dans l'assistance étaient des chercheurs, dont la plupart effectuent des travaux de recherche sur la glace et certains sur les mammifères marins. La station de recherche canadienne a été mentionnée plus d'une fois, avec une certaine envie. L'on discute du financement de ce genre d'installation.

Pour ce qui est des questions que vous soulevez, maintenant que j'ai eu l'occasion de lire presque dans son entier L'évaluation de la navigation maritime dans l'Arctique, je suis frappée par le fait qu'elle traite de tous les secteurs que vous avez mentionnés et que ces questions sont indissociables de ce qui est à l'heure actuelle, je pense, la pire menace pour l'Arctique — l'augmentation de l'activité maritime. La navigation a augmenté; elle est là; et je pense que des interventions directes, sous forme de politiques, de la part de nos deux gouvernements face à l'évaluation de la navigation maritime seraient un moyen très utile de réagir à certaines des préoccupations que vous soulevez.

Le sénateur Adams : Il y a tout juste un peu plus d'une semaine, le Sénat a adopté le projet de loi C-3, modifiant la Loi sur la prévention de la pollution des eaux arctiques. Le ministre des Transports a comparu devant nous dans le cadre de l'étude du projet de loi.

Il y a une ligne frontière entre les îles de l'Arctique et la ligne frontière de l'Alaska, 200 milles plus loin. La partie orientale passe entre le Groenland et le détroit de Baffin, à 100 milles.

Le ministre n'a pas été clair quant à la façon dont ces questions frontalières ont été résolues entre d'autres pays comme les États-Unis et le Danemark. Il a surtout parlé de la pollution de l'Arctique en cas de déversement de pétrole.

Ceux d'entre nous qui vivons là-haut aimerions qu'il y ait une limite, comme dans n'importe quelle autre province, s'étendant jusqu'à 12 milles.

Il y a eu une réunion l'été dernier au sujet de cette ligne frontière. La situation n'a jamais vraiment été claire pour moi. Nous n'avons pas eu de ligne frontière auparavant, mais si nous devons en avoir une, il faudrait qu'il y ait une entente avec l'autre pays.

Mme Baker : Sur la base de vos commentaires, j'encouragerais le comité à réfléchir un petit peu aux nouvelles limites territoriales qui seraient créées par le processus de l'article 76 au beau milieu de l'océan Arctique, et à des manières originales de gérer les situations pouvant en découler.

Le sénateur Raine : Je conviens que l'expansion de la navigation maritime pourrait poser problème. Pourriez-vous nous expliquer un peu comment le Canada et les États-Unis perçoivent le passage du Nord-Ouest? Je pense que les Canadiens aimeraient voir un contrôle beaucoup plus serré, avec enregistrement obligatoire du trafic dans le Nord et dans le passage du Nord-Ouest. Or, la directive présidentielle en matière de sécurité nationale a identifié la liberté des mers comme étant l'une des premières priorités nationales.

Vous pourriez peut-être nous éclairer quelque peu en la matière.

Mme Baker : Je vous félicite pour votre rapport de mai 2009 dans lequel vous étayez la position des États-Unis, voulant que le passage soit un détroit international par opposition à un passage dans des eaux intérieures. Je peux vous assurer que cette question a été longuement débattue à la conférence sur le droit de la mer à laquelle je viens tout juste d'assister à Seward, en Alaska, conférence au cours de laquelle, je m'empresse de le souligner, il y a presque plus d'universitaires et d'experts canadiens calés en droit de la mer que d'Américains. Le Canada y a été fort bien représenté.

Je crois que les positions ne vont pas changer dans un proche avenir, mais je suis encouragée par les recommandations issues des négociations fictives qu'a tenues votre comité. Si le message peut être transmis à l'actuelle administration — et je ne peux, bien sûr, qu'intervenir personnellement comme universitaire —, le règlement réaliste et pratique de quelque différend qui puisse exister doit être applaudi. J'ai mentionné plus tôt une harmonisation possible de nos lois dans différents domaines.

Si les États-Unis devaient envisager des exigences semblables en matière d'enregistrement, cela pourrait, comme la chose est soulignée dans votre rapport, éliminer certains des conflits quant à l'imposition du NORDREG comme système obligatoire.

Des efforts pouvant être faits pour convaincre les États-Unis que nos préoccupations en matière de sécurité seraient peut-être mieux apaisées du fait que le Canada ait une plus forte présence dans le passage du Nord-Ouest, pour ce qui est d'exigences environnementales et d'autres mesures de protection, pourrait être à notre avantage.

D'autre part, lors de toutes les réunions auxquelles j'ai assisté, il y a eu représentation diplomatique canadienne. Cela témoigne du degré auquel les deux camps diplomatiques considèrent que les différends sont bien gérés, qu'il s'agisse de la ligne frontière dans la mer de Beaufort ou du passage du Nord-Ouest.

Le sénateur Raine : En ce qui concerne le passage du Nord-Ouest, bien que je sois néophyte, il me semble que l'entrée orientale serait le mieux contrôlée par les Canadiens tandis que l'entrée occidentale serait le mieux contrôlée par les Américains. Vous avez raison — il serait tout à fait logique d'avoir un système à l'intérieur duquel tout le monde travaillerait ensemble.

Mme Baker : Encore une fois, je pense que le potentiel que les Américains et que le Canada montrent qu'ils peuvent travailler en collaboration dans l'Arctique serait un précieux modèle pour d'autres nations circumpolaires.

Le président : Cette série de questions est intéressante, et j'en suis fort heureux, mais si vous permettez que j'apporte un éclaircissement, la discussion fictive dont vous avez fait état ne s'est pas inscrite dans le cadre de la structure des comités mais a été organisée par le professeur Michael Byers, de la Colombie-Britannique.

Mme Baker : Merci de cette correction.

Le président : C'est lui qui a dirigé l'équipe canadienne et c'est l'ancien ambassadeur américain, M. Cellucci, qui a dirigé l'équipe américaine. Ils ont bel et bien eu un débat et une discussion et ce sont entendus sur une position, mais la position a été la même que celle qu'a en tête le sénateur Raine et sur laquelle vous vous êtes prononcée, soit qu'il serait sans doute préférable que nous visions un genre de collaboration, de travail conjoint, ce qui servirait non seulement nos deux pays, mais toute la communauté de l'Arctique.

Mme Baker : Merci de cet éclaircissement. Je regrette d'avoir confondu l'existence de cet appui enthousiaste en faveur de ces recommandations avec leur endossement.

Un autre point mentionné dans ces recommandations et au sujet duquel j'ai eu différentes conversations au cours des dernières semaines avec divers groupes est la possibilité de la création de voies de circulation, l'idée étant que l'on pourrait prévoir des couloirs de navigation pour certains types de navires. L'Organisation maritime internationale, ou OMI, est une robuste plate-forme.

Je n'ai pas inclus cela dans ma déclaration écrite, mais j'aimerais ajouter à mon témoignage, aux fins du compte rendu, que nos deux pays ont fait une demande conjointe au comité sur la protection de l'environnement marin de l'Organisation maritime internationale en vue de la création d'une zone protégée contre le dioxyde de soufre et d'autres polluants émanant des navires. Cela s'inscrirait dans le cadre de la Convention MARPOL, la Convention internationale pour la prévention de la pollution par les navires. L'on s'attend à ce que soit approuvée en juillet de cette année la création d'une zone de protection conjointe autour de nos zones économiques exclusives, excluant pour le moment l'Arctique, car nous voulons recueillir davantage de données là-haut, mais il s'agirait d'exiger l'installation d'épurateurs très efficaces dans les cheminées des navires qui, comme vous le savez, sont responsables de la production d'un pourcentage élevé des suies et d'autres problèmes. Il n'est pas question ici de couloirs de navigation, car il ne faut pas confondre les deux choses, mais le fait que les pays aient pu si bien travailler ensemble sur ce genre de problème très précis à l'OMI et s'entendre sur une proposition conjointe est à mes yeux très encourageant.

Le président : Pourriez-vous nous expliquer un petit peu ce qu'est l'OMI? Je ne sais pas ce qu'il en est pour les autres, mais je ne sais pour ma part pas grand-chose de cette organisation.

Mme Baker : Certainement. Je crois que 168 États sont aujourd'hui membres de l'Organisation maritime internationale. Celle-ci est le dépositaire de plusieurs traités concernant la pollution de l'environnement marin — qu'il s'agisse de pollution par le pétrole, les eaux usées et d'égouts, de pollution d'origine terrestre, de pollution attribuable à la propulsion des navires, comme par exemple celle rejetée par les cheminées — et dans le cadre de la Convention MARPOL, il y a une annexe six que le Canada est, je pense, sur le point de ratifier et qui traite précisément du problème dont je viens de parler, soit la pollution attribuable aux organes de propulsion des navires.

Le président : L'OMI relève-t-elle du droit de la mer?

Mme Baker : Il s'agit d'un traité distinct et qui a été par deux fois modifié.

Le président : Le Canada y a-t-il adhéré?

Mme Baker : Le Canada a adhéré à la Convention MARPOL, et, d'après ce que je comprends, l'on s'attend à ce que le Canada ratifie la sixième annexe. Mes recherches en la matière ne sont peut-être pas à jour à la minute près, mais certains rapports parlent de la réunion prochaine de juillet 2009 et du fait que le Canada envisage de signer, car cette zone spéciale de protection contre le dioxyde de soufre autour des frontières de nos deux pays et s'étendant jusqu'à la limite des 200 milles marins est conditionnelle à la ratification par le Canada de cette annexe à la convention.

Le sénateur Raine : J'ai encore une autre question. Nous avons la Commission mixte internationale qui sert de modèle dans les Grands Lacs. Pensez-vous qu'il y aurait lieu de créer une commission semblable pour traiter des eaux de l'Arctique?

Mme Baker : Cela offrirait un énorme potentiel.

Le sénateur Raine : La commission a une longue tradition de s'occuper des dossiers en temps opportun.

Mme Baker : Je suis d'accord. D'autre part, lors de conversations avec différents membres de la Garde côtière, j'ai entendu cette suggestion proposée de manière informelle, les gens estimant que cet organisme travaille merveilleusement bien. Ils ont également cité les Grands Lacs et la Voie maritime du Saint-Laurent comme modèles possibles, non pas qu'ils puissent être appliqués de manière précise, mais l'on pourrait puiser certains éléments dans chacun et créer un nouvel hybride. En ma qualité d'universitaire, j'y vois énormément de potentiel en matière de projets de recherche pouvant occuper des étudiants.

En ce qui concerne les projets de recherche, je soulignerai de nouveau l'Évaluation de la navigation maritime dans l'Arctique, ou ENMA, qui suggère diverses pistes de solution. Il n'y est à ma connaissance pas fait mention de ce type de commission mixte, mais il y est certainement clairement dit que nous ne pourrons pas relever les défis dans l'Arctique sans une collaboration internationale formelle et informelle.

Le sénateur Raine : Quel est le nom de l'organisme arctique qui est en place à l'heure actuelle?

Mme Baker : Il s'agit du Conseil de l'Arctique.

Le sénateur Raine : Il n'est pas très musclé; il s'agit davantage d'un forum de discussion; cela est moins formel.

Mme Baker : Il est vrai que ce conseil ne produit pas de documents exécutoires. Les documents qu'il a produits ont cependant eu une incidence énorme. Si l'on prend l'Évaluation de l'impact du changement climatique dans l'Arctique de 2004, je pense, et les réactions sur le plan politique que cela a enclenché, et je pense que l'on pourra prévoir la même chose dans le cas de l'Évaluation de la navigation maritime dans l'Arctique, il s'agit de documents très approfondis qui, sans aller à un niveau de détail inutile, étayent très clairement les défis en matière d'infrastructure, comme l'a mentionné le sénateur Adams, ainsi qu'en matière de protections environnementales. La beauté du Conseil de l'Arctique est qu'il ne s'agit pas d'un forum dont les décisions sont exécutoires, et les différents États ont de ce fait l'impression de pouvoir participer sans pour autant être liés à certaines choses.

Je tiens à souligner que chaque mot de l'Évaluation de la navigation maritime dans l'Arctique a été négocié — ce n'est donc pas comme si l'on rédigeait tout simplement ces textes pour voir ce qui arrivera, car il est bien compris que ces documents servent de lignes de référence, si vous voulez, en vue d'action nationale, binationale ou multilatérale future.

Le sénateur Raine : L'Évaluation de la navigation maritime dans l'Arctique a-t-elle été produite par le conseil?

Mme Baker : C'est exact, et un contingent canadien a fait une importante contribution à la partie traitant de la structure légale pour la navigation, et il mérite d'être félicité pour son excellent travail. C'est le professeur David VanderZwagg, de l'Université Dalhousie, qui a dirigé cet effort. Y ont participé quelque 185 personnes de tous les pays arctiques, et il s'agit donc véritablement d'un document international.

Le sénateur Manning : Merci de votre exposé. J'aimerais revenir sur une chose que vous avez dite presque à la toute fin de votre déclaration liminaire, concernant l'état de préparation en cas de déversement d'hydrocarbures. Cela fait quelque temps maintenant que nous discutons au Canada de déversements de pétrole, et, originaire que je suis de Terre-Neuve-et-Labrador, c'est un souci constant pour nous avec notre nouvelle industrie qui évolue de jour en jour. D'ailleurs, j'habite une partie de Terre-Neuve-et-Labrador, la baie Placentia, où un rapport, le rapport Brander-Smith, a été commandé en 1990. Selon ce rapport, mon coin de pays est celui qui risque le plus de subir un déversement de pétrole au Canada. Nous y connaissons 200 jours de brouillard sur 365 chaque année, et un fort trafic maritime dans les deux sens.

Dans vos commentaires au sujet du Plan d'urgence bilatéral des États-Unis et du Canada en cas de pollution des eaux — nous l'appellerons dorénavant le PUB —, englobant la côte Atlantique, la côte Pacifique, la mer de Beaufort et la région de l'entrée Dixon, vous avez dit que celui-ci a pour la dernière fois été mis à jour en 2003.

Quelles préoccupations ont été soulevées depuis et sur quoi faudrait-il s'attarder? S'il est question d'ouvrir l'Arctique au développement, une part importante de ce développement sera axée sur le pétrole et le gaz naturel, et l'on discute depuis quelques années avec l'ensemble des pays pour ce qui est de leur souveraineté à l'égard de certaines parties de l'Arctique. Je suppose que c'est là que nous tirerons les traits dans l'eau, et pas forcément dans le sable. Je ne dirais pas qu'il y a beaucoup de sable dans l'Arctique. Quelles sont les préoccupations sur lesquelles devraient se pencher le comité et le gouvernement en ce qui concerne notre état de préparation en cas de déversement de pétrole dans l'Arctique?

Mme Baker : Le plus gros changement est la diminution considérable des glaces marines, non pas que cela ait un effet immédiat sur les nouvelles activités de prospection et, certainement, d'exploitation dans l'Arctique. Je dirais que toutes les personnes avec lesquelles je me suis entretenue au cours de mes déplacements du dernier mois diraient, et je pense que l'on pourrait parier là-dessus, que, pour être réaliste, il faudra attendre encore 30 ans avant de voir du véritable travail de forage, mais la prospection se poursuivra, et il y aura peut-être un trafic accru.

La principale chose à faire serait d'envisager l'élargissement de ce qui est couvert par cette entente, au-delà des eaux limitrophes, car c'est là sa couverture territoriale actuelle. En ce qui concerne la technologie, la recherche et la collaboration en matière d'exercices d'intervention pourraient certainement être menées indépendamment de ce plan d'urgence, mais il s'agirait davantage de réfléchir à la couverture, car la fonte des glaces permet de s'aventurer de plus en plus loin.

Le sénateur Manning : En ce qui concerne l'élargissement de la portée du plan au-delà des eaux limitrophes, pourriez-vous nous livrer certaines de vos idées en la matière? Quelle expansion faudrait-il envisager, précisément, car il y en a parmi nous qui ne savent pas exactement ce qui est couvert en ce moment, comparativement à ce qui devrait selon vous l'être?

Mme Baker : Les eaux limitrophes s'étendent jusqu'à 24 milles, et c'est certainement dans les eaux les plus proches des côtes que l'on relève les effets des déversements de pétrole. Plus ces déversements surviennent loin des côtes, moins nous en sommes au courant. S'il est une chose à laquelle je suis devenue très sensible pendant mon séjour à bord du Healy, examinant le plateau continental dans son entier, ce merveilleux élément de l'océan Arctique, c'est que lorsque quelque chose survient sur la terre, cela aura une incidence non seulement à proximité, dans les eaux limitrophes, mais également, petit à petit, sur le plateau continental et jusqu'au plancher océanique. Je sais que nous parlons du long terme et d'effets diffus, mais il nous faut envisager de manière beaucoup plus large les effets néfastes possibles de tout déversement. L'élargissement de la portée du plan d'urgence au-delà des eaux limitrophes pourrait être bénéfique pour les eaux au-delà de la limite des 24 milles, et je parle ici non seulement des eaux elles-mêmes mais également du plateau, sous les eaux.

Le sénateur Manning : Le sénateur Adams a parlé de l'infrastructure portuaire et de son absence. Nous comprenons tous que l'Arctique est une région éloignée. À Terre-Neuve-et-Labrador, j'ai eu l'occasion de me trouver sur des plages lorsque des oiseaux mazoutés sont venus s'y échouer. L'élimination des déchets est un gros problème avec les navires qui vont et viennent dans notre province. Comment s'attaquer à ce problème, vu l'éloignement et l'absence d'infrastructure portuaire dans le Nord? Auriez-vous quelques suggestions quant à ce que nous pourrions faire face au rejet de déchets par les navires sillonnant ces eaux?

Mme Baker : Je vous renverrai à l'Organisation maritime internationale et aux traités visant les eaux usées de navires et d'autres types de pollution émanant des bâtiments. L'une des recommandations d'un rapport du Fonds mondial pour la nature sur les écarts en matière de gouvernance juridique dans l'Arctique concernait la façon dont les différents États circumpolaires exécutent leurs obligations dans le cadre de l'Organisation maritime internationale. Cela se situe davantage au niveau de la réglementation. L'autre aspect qui a un effet beaucoup plus pratique est que l'infrastructure n'est tout simplement pas en place, et je n'ai pas de réponse quant à la façon de l'établir.

Je soulignerai, non pas en ma qualité d'avocate mais en tant que simple observatrice à l'occasion de certaines des réunions scientifiques auxquelles j'ai assisté, que ce n'est que maintenant que nous commençons à sonner l'alarme, des populations autres que les Inuits étant touchées. Je suppose qu'il s'agit davantage là d'un commentaire en passant qu'autre chose.

Le fait qu'il n'y ait pas d'infrastructure est un problème. Supposons qu'il y ait un navire en détresse en mer et que ce navire est à propulsion nucléaire. Il existe un devoir traditionnel et coutumier d'abriter tout navire en détresse. Si nous n'avons aucun port en mesure de le faire, sans même parler de vouloir le faire, qu'advient-il de la cargaison du navire? C'est un gros problème.

Le président : J'aimerais tirer au clair la question de l'élargissement de la zone contiguë. Le sénateur Adams nous a rappelé que nous venons tout juste d'étendre l'application de la Loi sur la prévention de la pollution arctique jusqu'à la limite des 200 milles. Je ne pense pas que nous ayons de loi sur la prévention de la pollution des eaux atlantiques ni de loi sur la prévention de la pollution des eaux pacifiques. N'avons-nous compétence que sur 24 milles au large de la côte Atlantique?

Mme Baker : Le plan d'urgence lui-même ne couvre que les eaux limitrophes situées à l'intérieur des zones économiques exclusives des deux pays, et cela ressemble jusqu'à un certain point à cette zone protégée par l'Organisation maritime internationale. Si cela n'a pas d'incidence sur les eaux au-delà de ces limites, alors il serait possible d'élargir cette protection au-delà des 24 milles. Sur le plan pratique, peut-être que ma recommandation ne changerait pas grand-chose dans l'immédiat, car les effets des déversements de pétrole sont reconnus et ressentis le plus sévèrement par les collectivités côtières à l'intérieur des 24 milles. En ce qui concerne notre capacité d'intervention en cas de déversement dans l'Arctique, nous ne possédons pas de navire qui puisse se rendre rapidement sur le lieu d'un déversement éloigné.

Le président : Ni l'un ni l'autre des deux pays?

Mme Baker : Ni l'un ni l'autre.

Le sénateur Johnson : Je suis curieuse de savoir ce qui se passe avec la Convention de Stockholm sur les polluants organiques persistants, les POP, que ni les États-Unis ni la Russie n'ont signée. Pourriez-vous me renseigner là-dessus, et sur l'entente elle-même?

Mme Baker : Les États-Unis ont signé mais n'ont pas ratifié la Convention de Stockholm sur les polluants organiques persistants. Je dirais de ce traité qu'il est un brillant exemple de ce que la Conférence circumpolaire inuite a pu accomplir en une assez courte période de temps. Pardonnez-moi de plonger un peu trop dans l'histoire technique, mais le problème des polluants organiques persistants n'avait au départ été visé que par une annexe d'un bien plus ancien traité, la Convention sur la pollution atmosphérique transfrontalière à longue distance. Grâce aux efforts de Sheila Watt-Cloutier et d'autres, au lieu que ce ne soit qu'une annexe à un traité indépendant plus ancien, qui est néanmoins assez bien respecté, cela est devenu un traité de plein droit qui exige en gros des États qu'ils réglementent les polluants organiques persistants.

Le sénateur Johnson : Cela a-t-il réussi? Ce traité a-t-il livré des résultats?

Mme Baker : Oui, le traité sur la pollution atmosphérique transfrontalière à longue distance est cité comme étant un modèle des premiers traités environnementaux, du milieu des années 1970, jouissant d'une vaste participation internationale. Je ne peux pas me prononcer sur le stade auquel en est la Russie en ce qui concerne la ratification du traité sur les POP, mais celui-ci figure sur la liste des priorités de ratification par le Congrès du président Obama et de la secrétaire d'État Clinton.

Le sénateur Johnson : Pensez-vous que l'actuelle administration, sous le président Obama et la secrétaire d'État Clinton, apportera un changement quant à l'approche américaine face aux questions et aux problèmes relatifs à l'Arctique? Auriez-vous quelque renseignement à nous livrer en la matière?

Mme Baker : De manière générale, l'approche aux questions environnementales est notablement différente. Par exemple, l'approche de précaution mentionnée dans le plan de gestion des pêches que j'ai évoqué était certainement à l'étude avant l'élection du président Obama. Cependant, la facilité avec laquelle ces restrictions seront imposées dans le cadre de règlements est tout à fait nouvelle.

Pour ce qui est d'initiatives visant tout particulièrement l'Arctique, nous n'avons pas encore vu grand-chose de concret. Par exemple, la U.S. Arctic Research Commission fait l'objet de nominations politiques. Il n'y a eu aucune indication que le président entende intervenir rapidement sur ce plan. Mon impression est qu'il a d'autres priorités. Nous aimerions qu'une plus grande place soit accordée à l'Arctique, mais nous n'avons encore entendu aucune déclaration précise en la matière.

Le sénateur Johnson : Existe-t-il aux États-Unis un sentiment que le pays est un pays arctique? Les gens perçoivent- ils leur pays comme étant une nation arctique?

Mme Baker : Ils le pensent certainement en Alaska.

Le sénateur Johnson : Notre pays est physiquement beaucoup plus proche de l'Arctique, et les Canadiens sont nombreux à considérer le pays comme une nation arctique.

Mme Baker : Nous ne nous percevons pas comme étant une nation arctique. Si la population s'y intéresse, c'est grâce au travail de cartographie et à la science « choc » qui capte l'attention des gens.

Le sénateur Johnson : Et qu'en est-il de la fonte de la calotte glaciaire?

Mme Baker : L'ours polaire est un peu l'enfant-vedette d'affiche. Mon message à tous les auditoires américains est qu'ils disent à tous leurs interlocuteurs que l'Alaska vit aujourd'hui les effets du changement climatique et que la Floride les vivra dans un avenir pas très lointain.

Le sénateur Johnson : Cela est très intéressant.

Mme Baker : C'est la connexion du changement planétaire, mais je ne pense pas que nous soyons sur le point de nous considérer comme une nation arctique.

Le sénateur Johnson : Pour ce qui est du transport maritime, Scott Borgerson a parlé du leadership conjoint canado- américain à l'OMI en vue de l'établissement d'un code polaire obligatoire pour la navigation. Un tel code devrait-il exister?

Mme Baker : Oui, il devrait exister un tel code.

Le sénateur Johnson : N'existe-t-il rien en la matière à l'heure actuelle?

Mme Baker : Il existe une ligne directrice non contraignante et des progrès ont été faits sur ce plan. Au départ, le code polaire était censé s'appliquer aux deux pôles mais, pour diverses raisons, il y a eu scission entre les deux. Nous sommes aujourd'hui de nouveau sur les rails en vue d'un code obligatoire pour la construction navale, peu importe où le bâtiment est construit s'il sillonne l'Arctique ou l'Antarctique. Je ne voudrais pas donner de délai temporel, mais nous espérons qu'il y aura des normes obligatoires, amenées en partie par ce que l'industrie des assurances est prête à tolérer.

Le sénateur Johnson : Tout est interrelié. Je viens du centre du pays, où nous avons le port de Churchill, dans lequel a pénétré un navire russe l'an dernier. Les Russes souhaitaient nous prouver qu'ils pourraient se rendre jusqu'à Churchill aux fins de l'expédition de marchandises à l'échelle de la province. Bien sûr, nous avons aujourd'hui CentrePort, qui sera une grosse plaque tournante nationale au Canada du fait d'être située au centre du continent.

Comment envisagez-vous cela? Rêvons-nous en technicolor en pensant que cela puisse se faire? Cela règlerait certainement de nombreux problèmes de transport avec les déplacements constants nord-sud et est-ouest. Avez-vous songé à autre chose en ce qui concerne les autres ports?

Mme Baker : Je vais m'appuyer sur l'expertise des scientifiques du symposium du National Ice Center la semaine dernière. S'il est une chose qui est claire en ce qui concerne l'évolution de la couverture de glace dans un proche avenir, c'est que le Canada sera la partie de l'océan Arctique qui comptera la plus forte concentration de glace. Cela présenterait des défis n'importe où le long de la côte Nord du Canada. Les schémas de circulation dans la mer de Beaufort sont tels qu'ils poussent la glace vers l'archipel canadien. Même l'été, ce serait là que les glaces seraient les plus épaisses.

Je soulignerai également, bien que ce ne soit sans doute pas nécessaire, que lorsque nous parlons d'un Arctique libre de glace, nous ne parlons pas d'un océan ouvert à la navigation toute l'année. Nous parlons plutôt d'une mer plus périlleuse du fait des conditions de glace incertaines.

Le sénateur Johnson : Merci, madame Baker.

Le président : Aux fins d'éclaircissement, dans votre échange avec le sénateur Johnson, vous avez parlé de normes pour les navires. Qu'en est-il de réglementation en matière de navigation? Notre NORDREG, le Système de trafic de l'Arctique canadien, n'est pas obligatoire, mais seulement facultatif. Est-ce la même chose aux États-Unis?

Mme Baker : À ce stade-ci, nous exigeons des gens qu'ils déclarent, aux fins de recherche, les navires pénétrant dans notre zone économique inclusive. Cette exigence est différente de celle du système NORDREG.

Le président : Qu'en est-il des autres? Leur faut-il faire rapport? Vous dites qu'il leur faut déclarer leur présence aux fins de recherche.

Mme Baker : C'est exact.

Le président : Les navires transportant des marchandises doivent-ils se déclarer?

Mme Baker : Certainement, avant qu'ils ne pénètrent dans un port, il nous faut être au courant.

Le président : Cela est-il obligatoire?

Mme Baker : Je ne connais pas la réponse à cette question.

Le président : C'est quelque chose que nous pourrions explorer ensemble.

[Français]

Le sénateur Robichaud : Bienvenue, madame Baker. Dans votre présentation écrite et orale, vous avez parlé du Plan de gestion maritime pour l'Arctique. En ce moment, vous interdisez toute pêche de la ressource halieutique. Y a-t-il a des recherches qui se font actuellement pour évaluer les ressources, à savoir de quelle façon les communautés pourraient participer et bénéficier de cette ressource, si ressource il y a?

Mme Baker : Je vais vous répondre en anglais.

[Traduction]

De la recherche très intéressante a été faite. Lorsque la U.S. National Oceanic and Atmospheric Administration traite des pêches, il lui faut une pêcherie pour pouvoir fermer une pêcherie. Étant donné qu'il n'y a eu à toutes fins pratiques aucune pêche commerciale dans ces eaux, il s'est agi de prendre des données de référence minimales et de faire de la modélisation et des extrapolations quant aux stocks pouvant être présents dans ces eaux, et d'essayer de deviner à quoi pourrait ressembler la pêcherie pour pouvoir dire : « Pour l'instant, nous n'allons pas pêcher ».

Cela n'a aucune incidence sur la pêche de subsistance. D'après ce que je sais du processus, il y a eu des consultations dans les différentes collectivités de la région. Dans le cas des collectivités non désireuses de s'adonner à une pêche commerciale, l'interdiction n'est pas un sujet de préoccupation.

Certaines communautés autochtones ont exprimé certaines inquiétudes, se demandant ce qui se passerait si elles souhaitaient s'adonner à une pêche commerciale. Je compte que ces genres de préoccupations seront déposées pendant la période de commentaire publique qui est ouverte jusqu'à la fin juillet et qui a justement pour objet de permettre aux différents groupes de s'exprimer. J'espère que j'ai bien compris votre question.

[Français]

Le sénateur Robichaud : Au Canada, lorsque de nouvelles zones sont ouvertes à la pêche pour certaines espèces, le ministre des Pêches octroie des permis pour l'exploration. Peut-être avez-vous lu notre rapport qui mentionne que des permis exploratoires ont été accordés à des intérêts qui n'étaient pas originaires de la région, qui sont devenus par la suite des permis permanents. Cela a causé des problèmes et le sénateur Adams ne manque jamais de le rappeler au ministère des Pêches. Le même problème pourrait-il se présenter chez vous, sur la côte de l'Alaska?

Mme Baker : Je ne sais pas.

[Traduction]

Je sais que l'interdiction s'étend jusque dans cette région. À ma connaissance, il n'y a rien de prévu en matière de permis expérimentaux ou de recherche. Mais, encore une fois, je serais mal placée pour me prononcer sur les politiques en matière de pêche dans d'autres régions.

Si vous permettez, cependant, votre commentaire me permet de faire état d'un effet néfaste possible d'une chose que j'appuie de manière générale, soit l'ouverture de l'accès aux eaux arctiques à des fins de recherche — une plus grande ouverture que celle que l'on connaît à l'heure actuelle.

Ce serait précisément là le problème à l'échelle internationale. Disons que tout pays de pêche est intéressé à faire de la recherche scientifique sur les stocks de poisson. Comment tirer ce trait? C'est un problème partout, que les eaux soient recouvertes de glace ou non.

Je vous encouragerais, lors de votre voyage à Juno, où vous allez, si je comprends bien, rencontrer des représentants du North Pacific Fishery Management Council, à soulever la question avec eux. Ils pourront certainement vous fournir des renseignements beaucoup plus détaillés.

[Français]

Le sénateur Robichaud : Je vois aussi qu'il se tiendra une conférence internationale à Anchorage, qui traitera de ce sujet.

Ce serait probablement, monsieur le président, une bonne idée pour nous ou certains d'entre nous d'aller observer ce qui se passera à cette conférence.

J'aimerais revenir au passage du Nord-Ouest. Il est question d'une commission telle que nous avons dans les Grands Lacs. Si les Canadiens devaient consentir à une telle commission, elle serait totalement différente, n'est-ce pas, car les Grands Lacs sont des espaces d'eau qui sont communs aux deux pays tandis que le passage du Nord-Ouest, à mon avis, c'est de l'eau intérieure. Si on considérait faire cela avec une nation, quelle serait la réaction des autres pays qui font partie de la région circumpolaire? Ne demanderaient-ils pas la même participation? N'auraient-ils pas le même droit de participation à cette commission?

[Traduction]

Mme Baker : Je pense que ce problème pourrait être évité, selon le modèle choisi pour la commission. Encore une fois, ce ne serait pas une copie conforme de l'une quelconque des commissions qui existent à l'heure actuelle. Cependant, si ce pouvait être un organe — je suis presque en train de réfléchir ici à voix haute, ce qui est dangereux.

Le sénateur Robichaud : Allez-y.

Mme Baker : J'ai mentionné plus tôt la nécessité d'étudier les pratiques exemplaires en matière de réglementation. S'il y avait moyen de permettre au Canada d'affirmer ses meilleures pratiques de réglementation à l'égard de ce que le Canada considère comme étant ses eaux intérieures, et aux États-Unis d'affirmer les siennes à l'égard des eaux qui sont clairement les siennes au-delà du passage, ce pourrait fort bien être le travail de la commission d'aller en ce sens. Comme quelqu'un l'a mentionné, une voie d'accès au passage du Nord-Ouest par la mer de Beaufort exige forcément de passer également dans des eaux américaines.

Si l'on parvenait à rassembler ces règlements non pas afin qu'ils soient identiques mais simplement pour les harmoniser, ce pourrait être une tâche pour la commission d'œuvrer dans ce sens, comme je l'ai mentionné. Il s'agit d'un projet intéressant auquel il me faut réfléchir davantage. Cependant, je prends bonne note de votre préoccupation.

Je me hasarderais à dire que cette préoccupation est partagée par les États-Unis. Même si, du point de vue américain, ce devrait demeurer un détroit international, ce ne devrait pas devenir une commission internationale. Le contrôle devrait demeurer binational.

[Français]

Le sénateur Robichaud : Je suis certain qu'il y a d'autres nations qui souhaitent que ce passage demeure des eaux où le passage inoffensif peut avoir lieu. Ils ne disent rien actuellement et, en fait, ils se fient sur les États-Unis, utilisant l'argument qu'ils ont le droit de passage, n'est-ce pas?

Vous pouvez commenter. Vous êtes une universitaire et vous pouvez répondre à des questions hypothétiques. Ce n'est pas comme les ministres ou les politiciens qui sont gênés lorsqu'on leur pose des questions hypothétiques.

Si nous devions utiliser votre expertise pour nous préparer à défendre l'argument du Canada disant que ces eaux sont intérieures, pourriez-vous nous donner des pistes qui seraient défendables à l'échelle internationale?

[Traduction]

Mme Baker : La chose est discutable. Quant à savoir si elle est défendable, il s'agit là d'une question tout autre. Cependant, les arguments pourraient être défendus de manière tout à fait plausible devant un tribunal international. Il y a des opinions divergentes quant à certains usages historiques, par exemple, mais il ne faut pas les ignorer complètement.

Je pense qu'il y a une raison pour laquelle cette question n'a pas été plus facilement réglée en ce sens que, si un point de vue était clairement le bon, alors il y aurait peut-être une plus grande volonté d'en arriver à une résolution. J'espère avoir répondu à votre question en bonne universitaire, en maintenant suffisamment de flou.

[Français]

Le sénateur Robichaud : Le fait que les Inuits aient habité cette région depuis longtemps, bien avant nous, et qu'ils aient utilisé la glace qui recouvrait ces régions comme plate-forme dans leur mode de vie, de chasse et de pêche, quelle force cet argument peut-il avoir pour justifier que ce sont des eaux intérieures qui devraient demeurer sous le contrôle canadien?

[Traduction]

Mme Baker : À ce stade-ci, j'aimerais faire mention d'un livre que je recommanderais vivement aux membres du comité, s'ils ne le connaissent pas encore. Il s'agit du nouveau livre du professeur McDorman intitulé Salt Water Neighbors. C'est un merveilleux livre au sujet des relations maritimes entre le Canada et les États-Unis.

Bien que l'auteur ne réponde pas directement à cette question, il souligne le fait que chaque différend est unique, de telle sorte que l'usage historique sera une indication mais non une réponse définitive. Encore une fois, il vaut certainement la peine de soulever ces arguments.

Je vous renverrai également aux arguments du professeur Byers, et je regrette de ne pas connaître le détail de certains engagements au titre de traités intervenus entre le Canada et les Inuits — ces engagements conventionnels constituant peut-être une base plus solide que l'argument amorphe de l'usage historique. Peut-être qu'une combinaison de ces deux arguments serait encore plus porteuse.

Le président : On vient tout juste de nous aviser que la sonnerie nous convoque pour un vote à 19 h 2. Il ne nous faudra pas beaucoup de temps pour traverser la rue, mais il nous faut garder ce vote à l'esprit et nous rendre sur place à temps.

Le sénateur Adams avait une courte question supplémentaire, mais le sénateur Campbell souhaitait lui aussi poser une question et il n'a pas encore eu son tour.

Le sénateur Adams : C'est une très courte question. J'ignore quelle a été l'entente pour ce qui est de la frontière et de l'eau pour le Nunavut. Certains fonctionnaires du MPO, le ministère des Pêches et des Océans, nous ont un jour dit que tant et aussi longtemps que la glace est prise, nous pouvons chasser, même au-delà des 12 milles. Je ne sais pas si cela figure réellement dans l'entente ou bien si nous n'avons qu'une limite de 12 milles pour la chasse commerciale.

Même si les glaces là-haut devaient fondre, nous devrions pouvoir utiliser ce territoire pour ce genre de pêche commerciale. À l'heure actuelle, au Nunavut, tant et aussi longtemps que la glace est présente, nous pouvons sortir. Dès que la glace n'est plus, nous ne pouvons aller que jusqu'à la limite des 12 milles. C'est là une bonne question pour le sénateur Robichaud.

Le sénateur Robichaud : J'espère que vous n'avez pas démoli mon argument.

Mme Baker : J'espère que non.

Le sénateur Campbell : Je songe à des détroits comme le détroit de Georgie, le détroit de Juan de Fuca, le détroit de Belle-Isle. S'agit-il de détroits internationaux au même titre que le détroit de Gibraltar? Si un navire pénètre dans ces détroits, est-il ou non tenu d'en aviser le Canada?

Mme Baker : Encore une fois, cette question s'inscrit à l'extérieur de mon champ de compétence. Je ne connais pas aussi bien ces détroits que je le souhaiterais.

Le sénateur Campbell : Le détroit de Gibraltar, la Manche, le détroit d'Hormuz, ce sont tous là des eaux internationales et ces passages sont très étroits, mais ce n'est pas le même pays qui se trouve de part et d'autre. Je suppose que c'est là le problème auquel je veux en venir. Je suis d'accord avec le sénateur Robichaud. Les Canadiens considèrent toujours le passage du Nord-Ouest comme nous appartenant.

Mme Baker : Oui.

Le sénateur Campbell : J'essaie de faire le tri, dans le contexte où nous avons l'île de Vancouver et le Mainland britanno-colombien ou encore Terre-Neuve et le Labrador. Ce sont les mêmes détroits — s'agit-il d'eaux internationales et, dans la négative, qu'est-ce qui fait que ces eaux sont canadiennes et pourquoi alors exclurait-on de la même logique les Territoires du Nord-Ouest?

Mme Baker : Il vous faudrait notamment regarder de part et d'autre. Y a-t-il un autre pays qui intervient de l'autre côté?

Le sénateur Raine : Il y a le détroit de Georgie.

Le sénateur Campbell : Eh bien, une partie du détroit. Le détroit de Juan de Fuca concerne le Canada et les États- Unis. Cependant, le détroit de Georgie est au Canada; il sépare l'île de Vancouver du continent. Belle-Isle est à Terre- Neuve-et-Labrador et c'est donc le Canada des deux côtés, là également. En quoi cela diffère-t-il du passage du Nord- Ouest pour lequel nous exerçons la souveraineté en ce qui concerne la terre? Il n'y a aucun doute en la matière. En quoi cela est-il différent? Je ne comprends pas quel pourrait être l'argument.

Mme Baker : D'après ce que je comprends, sans avoir en tête une image physique du détroit, les eaux de part et d'autre sont canadiennes, alors que ce n'est pas le cas avec le passage du Nord-Ouest. Vous finissez par déboucher dans des eaux navigables internationales.

Le sénateur Campbell : Vous faites la même chose dans ce cas-ci. Vous arrivez par le détroit de Juan de Fuca, qui est canado-américain, et vous remontez le détroit de Georgie. L'argument est que, peu importe d'où vous venez, vous arrivez en empruntant des eaux internationales. Ma seule question est que je ne pense pas qu'il y ait de doute quant à notre souveraineté à l'égard des îles entourant le passage du Nord-Ouest. Ces eaux sont canadiennes. Je ne comprends tout simplement pas pourquoi les eaux, en conséquence, ne seraient pas canadiennes, et pourquoi il faut absolument qu'il s'agisse d'un détroit international.

Mme Baker : Pour vous livrer la vision classique, les entrées aux deux extrémités du passage sont ouvertes aux navires de plus d'un pays.

Le sénateur Robichaud : Si vous permettez que je pose une question supplémentaire, avec la disparition des glaces, ce passage ne va plus être aussi pratique, car les glaces s'entasseront dans la partie canadienne de l'Arctique, alors il y aura une autre route. Il ne sera pas nécessaire d'emprunter le passage du Nord-Ouest.

Mme Baker : La route maritime du Nord est certainement considérée comme étant une option plus praticable, ou en tout cas elle le sera plus tôt.

Le sénateur Robichaud : Voilà : vous venez à l'instant d'exposer notre argument, ou mon argument.

Mme Baker : Bien sûr, le choix optimiste pour peut-être la seule route du Nord, directement en face.

Le sénateur Baker : Tous les partis politiques au Canada proclament que leur politique visant l'élimination de la pêche par des étrangers à l'extérieur de la zone des 200 milles, et sur le plateau continental canadien, pourra être réalisée grâce à ce qu'ils appellent une gestion de la garde des biens. Avez-vous jamais entendu ce terme, et, à votre connaissance, cela représente-t-il quelque chose en droit?

Mme Baker : Rien d'exécutoire. Il s'agit d'un concept de gestion qui peut être considéré en tant que tel.

Le sénateur Baker : Lorsque nous en serons arrivés au point de demander d'étendre notre compétence jusqu'au plancher océanique pour inclure le nez et la queue du Grand banc et le Cap flamand devant une commission, un comité composé, je pense, de 20 personnes...

Mme Baker : Vingt-et-une.

Le sénateur Baker : Il y a 21 personnes au comité. La moitié des membres du comité viennent des pays mêmes qui draguent le fond marin et dont nous voulons nous débarrasser. N'aurons-nous pas, selon vous, quelque difficulté à faire adopter quelque chose par cette commission?

Mme Baker : Non.

Le sénateur Baker : Pourquoi pas?

Mme Baker : Parce qu'il s'agit d'une commission d'hydrographes et de géophysiciens. Je ne nierais pas l'existence de quelque intérêt politique, mais cette commission a été structurée dans le but précis d'y faire siéger des chercheurs et non pas des avocats ou des diplomates, afin d'éviter, dans toute la mesure du possible, ce problème.

Le sénateur Robichaud : Nous avons une chance.

Le président : Je tiens à vous remercier, madame Baker, d'avoir été des nôtres. Vous avez été très patiente et exhaustive dans vos réponses. Vous nous avez été d'une aide incommensurable pour comprendre ce sur quoi nous allons nous pencher. Nous espérons avoir de nouveau l'occasion de vous rencontrer dans le cadre de nos délibérations.

Mme Baker : Merci de m'avoir reçue.

(La séance est levée.)


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