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LCJC - Comité permanent

Affaires juridiques et constitutionnelles


Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles

Fascicule 6 - Témoignages du 22 avril 2009


OTTAWA, le mercredi 22 avril 2009

Le Comité permanent des affaires juridiques et constitutionnelles se réunit aujourd'hui, à 16 h 31, pour étudier les dispositions et l'application de la Loi sur l'identification par les empreintes génétiques (L.C. 1998, ch. 37).

Le sénateur Pierre Claude Nolin (vice-président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le vice-président : Honorables sénateurs, la séance est maintenant ouverte. Pour les auditeurs qui nous rejoignent via la magie de la transmission électronique, nous poursuivons aujourd'hui l'étude sur les dispositions et l'application de la Loi sur l'identification par les empreintes génétiques (L.C. 1998, ch. 37). Il s'agit d'une étude statutaire prévue aux termes de cette loi qui prévoit que le Parlement fasse revue tous les cinq ans de ses dispositions législatives.

Nous souhaitons la bienvenue à nos témoins du Commissariat à la protection de la vie privée du Canada, Mme Chantal Bernier, commissaire adjointe, et M. Carman Baggaley, conseiller en politiques stratégiques.

Nous entendrons dans un premier temps vos remarques liminaires puis dans un deuxième temps, les sénateurs procéderont à la période des questions. Vous pouvez vous exprimez dans la langue officielle de votre choix. Vous avez maintenant la parole.

Chantal Bernier, commissaire adjointe à la protection de la vie privée, Commissariat à la protection de la vie privée du Canada : Monsieur le vice-président, je vous remercie de cet accueil. J'aimerais partager avec vous les grands principes qui nous guident dans l'élaboration de notre position sur la loi en question et je laisserai ensuite à mon collègue, M. Baggaley, le soin d'exprimer quelques mises en garde quant à certains développements proposés.

[Traduction]

Je voudrais commencer par vous exposer l'hypothèse de base qui, selon nous, doit nous guider dans l'analyse de cette mesure législative.

Nous croyons qu'il faut admettre au départ que l'inclusion dans une banque de données génétiques représente en principe une atteinte sérieuse à la vie privée d'une personne. Cette atteinte à la vie privée résulte de la vaste portée et du caractère sensible des renseignements contenus dans un échantillon d'ADN. Il s'agit du code même de la vie pouvant révéler pratiquement tout ce qui compose les caractéristiques physiques et psychiques d'une personne.

Le droit à la vie privée, comme l'a affirmé à de nombreuses reprises la Cour suprême du Canada, mérite d'être protégé par la Constitution et fait partie de l'essence même de la démocratie. Il s'ensuit que les pratiques pour le prélèvement et la conservation des échantillons d'ADN doivent correspondre aux normes les plus strictes en matière d'équilibre entre la sécurité et le respect de la vie privée.

Les critères qui régissent ce juste équilibre sont établis dans la législation canadienne et je voudrais vous en présenter un résumé. Premièrement, l'atteinte à la vie privée doit être strictement proportionnelle aux besoins en matière de sécurité que l'on tente de combler. Deuxièmement, le besoin en matière de sécurité doit être établi dans le contexte d'une société libre et démocratique. Troisièmement, les renseignements ainsi recueillis doivent être gérés de manière à garantir que l'atteinte à la vie privée n'outrepasse jamais le besoin établi en matière de sécurité.

[Français]

Ces critères justifient à notre avis l'existence de la Loi sur l'identification par les empreintes génétiques et appuient le cadre de gestion qui a été élaboré pour la soutenir. En particulier, j'aimerais exprimer notre appui à certaines de ses caractéristiques.

Premièrement, nous considérons que les segments d'ADN retenus sont assez limités pour préserver la vie privée et l'identité des sujets. Deuxièmement, nous sommes satisfaits de la séparation entre la banque de données d'ADN et la banque de données d'identité personnelle. Troisièmement, nous approuvons les paramètres d'accès qui restreignent à quelques personnes seulement l'accès à la banque de données.

Nous insistons sur le maintien du régime juridique qui limite l'utilisation des données d'ADN aux strictes fins d'exécution de la loi. Finalement, nous sommes satisfaits du régime de gouvernance à propos de la Banque nationale de données génétiques particulièrement en raison du fait que nous sommes de façon statutaire membres du comité consultatif de la GRC sur la Banque nationale de données génétiques. Je représente d'ailleurs le Commissariat à la protection de la vie privée du Canada à ce comité.

[Traduction]

Comme je l'ai dit dans mon introduction, nous voudrions faire des mises en garde relativement à certaines suggestions qui ont été faites dans le cadre de l'examen de cette loi. Cela dit, je cède maintenant la parole à mon collègue, M. Baggaley.

Carman Baggaley, conseiller en politiques stratégiques, Commissariat à la protection de la vie privée du Canada : Premièrement, je voudrais commenter ce que nous considérons être un inquiétant détournement progressif du motif premier de la banque de données génétiques. Dans l'année écoulée depuis l'adoption de la loi, il y a eu un élargissement constant de la portée du régime, d'abord avec le projet de loi C-36, la Loi antiterroriste, puis avec le projet de loi C-13, et dernièrement avec le projet de loi C-18. À l'origine, la loi prévoyait le prélèvement de l'ADN des contrevenants qui avaient commis des crimes avec violence ou des agressions sexuelles ayant probablement laissé des traces de substances corporelles.

Nous prélevons maintenant l'ADN de contrevenants qui ont commis une gamme d'infractions beaucoup plus vaste — des délinquants qui ont commis ce qu'on appelle souvent des infractions annonciatrices ou précurseures — en se fondant apparemment sur l'hypothèse que ces personnes vont probablement commettre par la suite des crimes plus graves.

Nous sommes assurément conscients des pressions qui s'exercent sur votre comité pour qu'il recommande d'élargir la base de données pour y inclure encore davantage d'infractions, de permettre le prélèvement de l'ADN au moment de l'arrestation, d'autoriser la recherche par liens parentaux et de permettre d'accentuer le partage international des renseignements. Nous vous mettons en garde contre de telles mesures.

Permettez que je m'explique. Premièrement, la recherche familiale permettrait, au sein de la banque de données, de chercher des correspondances avec des parents proches qui ont probablement des profils similaires à celui du délinquant. Du point de vue de la protection de la vie privée, la recherche familiale est troublante parce que les membres de la famille deviennent de fait des « informateurs génétiques », ce qui peut entraîner la communication de renseignements personnels de nature très sensible au sujet de membres de la famille. La recherche familiale transforme les gens en suspects non pas à cause de ce qu'ils ont fait, mais simplement parce qu'ils ont des liens familiaux avec la personne qui a commis une infraction.

Nous sommes également contre le prélèvement d'ADN au moment de l'arrestation. En plus de mettre en cause la présomption d'innocence, cela peut aussi avoir une incidence disproportionnée sur le droit à la vie privée de certains groupes. Les minorités visibles et les Autochtones ont un taux d'arrestations beaucoup plus élevé que le reste de la population. Par conséquent, le prélèvement d'ADN au moment de l'arrestation affecterait de manière disproportionnée leur droit à la vie privée.

La loi permet d'échanger des renseignements provenant de la banque de données génétiques au cas par cas avec des pays étrangers. Nous vous mettons en garde contre les propositions visant à établir un lien entre la banque de données canadienne et un système centralisé qui permettrait aux États étrangers de faire des recherches régulières.

Ce qui m'amène à mon dernier point : le contexte international.

Le comité a entendu des témoins qui considèrent que le Canada devrait suivre l'exemple de l'Angleterre et des États- Unis. Nous ne sommes pas d'accord. En Angleterre et au pays de Galles, toute personne arrêtée et soupçonnée d'avoir commis une infraction prévue au code doit fournir un échantillon d'ADN.

Le prélèvement d'ADN au moment de l'arrestation devient également de plus en plus courant aux États-Unis. La politique britannique consistant à prélever des échantillons d'ADN au moment de l'arrestation et à les conserver indéfiniment a été récemment critiquée dans une décision rendue en 2008 par la Cour européenne des droits de l'homme. La cour a statué que cette pratique était à l'encontre de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme. Il vaut la peine de signaler que dans sa décision, la Cour européenne cite une décision de la Cour suprême du Canada indiquant que le prélèvement et la conservation de l'ADN d'une personne constituent de manière intrinsèque une atteinte à la vie privée de cette personne. L'influence des autres tribunaux a lourdement pesé sur la décision de la cour européenne. Cela démontre à notre avis la responsabilité que les pays démocratiques ont les uns envers les autres lorsqu'on établit des politiques dans un domaine nouveau et controversé comme celui du prélèvement et de la conservation des échantillons d'ADN.

En conclusion, comme madame la commissaire Bernier l'a dit, nous appuyons les mesures de sauvegarde qui ont été mises en place dans le régime pour le prélèvement d'ADN. Nous voudrions que ces mesures soient conservées. Nous appuyons l'interdiction d'utiliser les échantillons dans le cadre de recherches et nous sommes d'avis que les données de la banque doivent servir uniquement à des fins d'identification médico-légale.

Le vice-président : Sénateur Milne, avez-vous une question?

Le sénateur Milne : Je vous remercie beaucoup d'être venus parce que vos observations font écho à mes propres préoccupations.

Nous avons entendu un témoignage selon lequel des échantillons d'ADN n'ont pas été détruits dans la banque de données. Cela m'inquiète, en particulier quand c'est de l'ADN de jeunes contrevenants. À l'âge de 18 ans, leur dossier est effacé; il n'existe plus. Cependant, apparemment, on conserve encore leur ADN dans la banque de données. Quelle est votre opinion là-dessus?

M. Baggaley : Nous sommes assurément au courant de la récente décision de la Cour de justice de l'Ontario et je crois que nous partageons peut-être les préoccupations et l'incompréhension du juge Marion Cohen qui n'arrivait pas à comprendre pourquoi on avait détruit un si petit nombre d'échantillons. Il semble qu'on puisse logiquement conclure ou bien que l'on ne respecte pas la loi, ou bien que 97 p. 100 des jeunes ont récidivé de manière à justifier qu'on concerne leur ADN.

Cette décision est très importante dans un autre contexte relativement à tous les délinquants, à savoir la possibilité qu'on prélève l'ADN au moment de l'arrestation. Si l'on fait cela, l'hypothèse est que si la personne est par la suite acquittée, l'échantillon serait détruit. Cependant, comme ce n'est pas ce qui se passe dans le cas des jeunes contrevenants, je pense qu'on doit se demander si l'on peut croire en toute confiance que cela se ferait si l'on devait créer un régime dans lequel on prendrait l'échantillon d'ADN au moment de l'arrestation, en posant l'hypothèse qu'il serait détruit dans l'éventualité où la personne serait acquittée.

Le sénateur Milne : Cela m'amène à une question qui est quelque peu en dehors de votre champ d'étude, mais qui est préoccupante pour l'avenir. À qui appartient l'ADN d'une personne?

Le sénateur Banks : À Disney.

Le sénateur Milne : C'est seulement Mickey Mouse.

M. Baggaley : C'est une question difficile, non seulement en ce qui a trait à cet aspect précis, mais nous commençons aussi à nous pencher sur d'autres aspects.

Le sénateur Milne : Les hôpitaux font des prises de sang; ils possèdent votre sang et votre ADN.

M. Baggaley : Oui, et l'on prend un échantillon de presque tous les nouveau-nés au Canada, et ces échantillons sont conservés. La question de savoir à qui appartient votre ADN devient pertinente avec la prolifération des tests subis directement par les consommateurs.

Le vice-président : Je pense que la question est différente. Il y a une distinction subtile mais importante. Je pense que la question est la suivante : à qui appartient l'échantillon? Je pense que la personne est propriétaire de l'ADN, mais à qui appartient l'échantillon? Voilà la question : qui détient les droits sur l'échantillon?

Le sénateur Milne : Non, cela va plus loin, sénateur Nolin, parce qu'on peut obtenir l'ADN à partir de cet échantillon.

Le vice-président : C'est exact.

Le sénateur Milne : Le propriétaire de l'échantillon possède l'ADN.

M. Baggaley : L'ADN soulève toutefois un problème qui est plus présent dans ce dossier que dans tout autre, à savoir que si les renseignements sur mes champs d'intérêt ne concernent que moi, les renseignements contenus dans mon ADN peuvent aussi vous apprendre quelque chose sur mes enfants et aussi sur les enfants de mes enfants. La question de la propriété de l'ADN est très compliquée parce qu'elle est partagée. C'est l'une des rares catégories de renseignements qui sont à la fois partagés et qui permettent de faire des prédictions, de sorte qu'ils sont très sensibles. D'où l'importance de s'assurer que tout régime, que ce soit pour l'application de la loi ou la mise en œuvre d'un programme de santé, comporte des mesures pour garantir que les renseignements sont protégés dans toute la mesure du possible.

Le sénateur Milne : Il y a actuellement des laboratoires privés qui le font. Quelles garanties existent pour ces laboratoires?

M. Baggaley : C'est l'un des défis auxquels nous sommes confrontés. On peut actuellement envoyer un échantillon d'ADN à un laboratoire et, moyennant 400 $ ou 500 $, on vous fait parvenir des renseignements vous permettant de savoir si vous êtes plus ou moins vulnérable à certaines pathologies, si vous avez des chances de souffrir de la goutte, ou encore quelle est la probabilité que vous deveniez chauve. Tout cela devient de plus en plus courant. Comment ces renseignements sont-ils protégés et qui en est propriétaire, quels sont les droits relativement à l'utilisation de cette information à des fins de recherche, ou à l'éventuelle divulgation de ces renseignements à un service d'application de la loi qui en ferait la demande, voilà autant de questions auxquelles nous devons répondre.

Mme Bernier : Si je peux me permettre, vous soulevez évidemment une question extrêmement pertinente. Comme vous pouvez le voir, nous n'avons pas de réponse.

Je voudrais vous faire deux observations. Premièrement, nous avons établi quatre domaines prioritaires en matière de politiques et la génétique en fait partie. En fait, M. Baggaley est le chef de file pour cette priorité. Nous espérons explorer exactement la problématique que vous nous exposez aujourd'hui.

Deuxièmement, nous avons tenu une réunion d'experts, le 23 mars précisément, pour commencer à explorer toutes ces questions qui surgissent maintenant avec les découvertes scientifiques en génétique. Nous avons l'intention d'approfondir cette question et d'intensifier nos efforts pour élaborer un cadre éthique, juridique et social, précisément sur les questions que vous soulevez.

Le sénateur Milne : Je vous remercie de cette réponse. C'est encourageant.

Le sénateur Baker : Premièrement, je souhaite la bienvenue aux témoins. Nous sommes nombreux à trouver que vous faites de l'excellent travail à votre bureau, avec des effectifs aussi réduits. C'est vraiment extraordinaire.

Pour ce qui est de votre exposé, je constate que vous vous opposez à un changement fondamental qui a eu lieu dans la législation, surtout avec l'adoption récente de deux projets de loi identifiant des infractions désignées qui sont obligatoires et ne relèvent plus du pouvoir discrétionnaire du système judiciaire. Vous dites, comme le sénateur Bryden l'a fait remarquer à la dernière réunion, que certaines de ces infractions sont relativement mineures et entraînent par exemple le prélèvement obligatoire d'ADN dans le cas d'adolescents impliqués dans une bataille dans la cour d'école, ou encore si quelqu'un lance un crayon et est accusé d'agression armée.

Je prends bonne note de votre objection et je veux vous demander si vous êtes d'accord avec la recommandation du comité consultatif dont vous faites partie. Dans votre dernier rapport, je lis, au sujet de la technologie permettant les recherches familiales :

Les parlementaires voudront peut-être envisager l'autorisation de cette technique seulement dans les dossiers portant sur une affaire non élucidée concernant l'une des 16 infractions les plus graves au Code criminel qui entraînent automatiquement la délivrance d'une ordonnance de prélèvement d'ADN au moment de la condamnation.

Comme vous l'avez déjà reconnu, des 16 infractions désignées, certaines sont mineures.

Êtes-vous d'accord avec cette recommandation du comité consultatif voulant que nous recommandions d'autoriser en vertu de cette loi la recherche par liens parentaux?

Mme Bernier : Si je vous ai bien entendu, la recommandation à laquelle vous faites allusion est que les parlementaires envisagent de le faire.

Le sénateur Baker : Oui. Je suppose que vous avez raison. Dois-je en conclure que vous êtes seulement d'accord pour que nous envisagions de le faire et que vous ne seriez pas d'accord pour mettre en œuvre cette recommandation?

Mme Bernier : Je crois que c'est la conclusion que vous devez tirer de ma position et de l'exposé de M. Baggaley.

Le sénateur Baker : J'en arrive à la question principale dans toute cette affaire. Il s'agit de l'utilisation des techniques de recherche par liens parentaux, qui existent aujourd'hui dans les régions, parce qu'elles ne sont pas autorisées par cette loi, mais elles sont permises dans les régions.

On a donné à notre comité l'exemple d'un meurtre qui a eu lieu et les autorités régionales n'avaient aucun élément de preuve sauf l'ADN. Les responsables ont donc prélevé des échantillons d'ADN des membres de la communauté immédiate. L'un des échantillons présentait une correspondance partielle ou un lien familial avec l'ADN prélevé sur les lieux du crime. On a donc testé la famille tout entière et trouvé l'auteur du crime.

Cela se fait de nos jours, mais pas en vertu de cette loi, parce que nous n'avons pas conféré le pouvoir de le faire. À votre avis, existe-t-il un danger de faux positifs et de faux négatifs plus prononcé que ce dont nous avons discuté au sujet de la preuve par l'ADN dans le cas de recherches axées sur les liens parentaux, c'est-à-dire lorsqu'on prend un échantillon partiel et qu'on détermine que la personne fait partie de la famille de quelqu'un qui est détenu en prison après avoir commis une infraction. On a alors un motif permettant d'obtenir un mandat pour prélever l'ADN des membres de cette famille. Quelle est l'objection relativement aux faux positifs? Quelle est votre opinion?

Mme Bernier : Je crois savoir qu'il y a effectivement un risque élevé de faux positifs. Je vais demander à M. Baggaley de donner des explications.

M. Baggaley : Plus la base de données est volumineuse, plus grand est le risque de faux positifs. Bien que les proches parents aient beaucoup plus de chances d'avoir des profils semblables, si l'on prend un grand nombre de gens — disons par exemple la base de données du Royaume-Uni, qui comporte des millions d'échantillons —, on constate que beaucoup de profils sont semblables à celui d'une personne en particulier simplement parce que la base de données est trop volumineuse.

Cela veut dire que, durant une enquête, on pourrait être amené à explorer un grand nombre de pistes dont beaucoup ne mènent nulle part. Ce faisant, on risque assurément de divulguer, de révéler ou de découvrir énormément d'information. Il est clair que les faux positifs sont un risque connu des recherches par liens parentaux.

Selon nous, il peut être attrayant de décréter : « Nous allons seulement l'autoriser pour les 16 infractions qui ont maintenant été rendues obligatoires, parce qu'elles sont les plus graves. » Cependant, on a constaté que, depuis les sept ou huit ans que la Loi sur l'identification par les empreintes génétiques est en vigueur, il y a eu une érosion constante de la loi. Si l'on autorise aujourd'hui les recherches par liens parentaux pour ces 16 infractions, nous craignons qu'on se trouve, en un sens, à ouvrir toutes grandes les portes et que, dans cinq ans, on se retrouve en train de se demander si l'on devrait permettre de telles recherches pour toutes les infractions primaires. Cela entraînerait par la suite une discussion à savoir si nous devrions permettre les recherches par liens parentaux pour toutes les infractions secondaires.

Le sénateur Baker : Il y a donc une véritable possibilité de faux négatifs dans de telles recherches. Vous avez dit dans votre exposé — je vous ai écouté attentivement — qu'au Canada, les minorités visibles et les Autochtones ont un taux d'incarcération et d'arrestation plusieurs fois plus élevé que celui des autres Canadiens.

Si je comprends bien, votre argument est qu'on aurait alors une situation injuste. C'est-à-dire que les familles qui sont dans nos prisons aujourd'hui pourraient être assujetties au test, dans une proportion injuste, je veux dire ceux qui sont autochtones et membres des minorités visibles, par rapport aux autres Canadiens. Est-ce bien cela?

M. Baggaley : Précisément.

Effectivement, la recherche par liens parentaux inclut de manière implicite les proches parents de tous ceux qui figurent dans le fichier des condamnés. Cela comprend les membres de leur famille parce que, si l'on permet les recherches familiales, ceux-ci peuvent être liés de manière disproportionnée à un profil prélevé sur les lieux d'un crime.

Le sénateur Baker : Si je comprends bien, dans le cas d'une recherche par liens parentaux, il peut arriver qu'on ne trouve aucun lien avec cette personne dans cette famille.

M. Baggaley : Oui.

Le sénateur Baker : L'erreur positive existe parce que vous n'êtes pas certain. Même s'il y a un lien familial, il est possible que personne dans la famille ne possède cet ADN. Est-ce bien cela?

M. Baggaley : C'est une question que vous auriez probablement dû poser au Dr Fourney.

Je crois comprendre que tout proche parent génétique — par opposition aux parents par alliance — aura un profil semblable. Le problème est que beaucoup de gens sans lien de parenté ont aussi tendance à avoir des profils semblables.

Le sénateur Baker : En conclusion, permettez que je lise un passage du conseiller juridique à votre conseiller juridique, une certaine Lisa Campbell, qui a pris la parole le 26 février 2009. Elle a dit :

Nous avons des préoccupations concernant les recherches axées sur un lien de parenté qui peuvent donner des résultats faussement positifs (révéler un lien de parenté alors qu'il n'y en pas) ainsi que des résultats faussement négatifs (des parents dont le profil génétique ne révèle aucun lien de parenté).

Vous laissez entendre qu'il y a une faille dans cette logique, dans ce que certaines personnes nous recommandent de faire.

M. Baggaley : Je ne suis pas certain qu'il y ait une faille dans la logique; le problème se situe plutôt dans le résultat éventuel. L'inquiétude quant aux faux positifs est beaucoup plus grande. On se retrouvera avec un grand nombre de gens qui en fait, ne sont pas parents. Le risque de faux négatifs est beaucoup moindre que le risque des faux positifs.

Le sénateur Angus : Merci pour votre exposé.

Je suis un peu confus quant à la terminologie. Je ne connais pas tellement bien le langage scientifique, étant un nouveau membre du comité. Je voudrais toutefois savoir ce que vous voulez dire par l'expression « recherches familiales ».

Je comprends que vous avez l'échantillon original, celui qu'on a découvert sur les lieux d'un crime; c'est l'échantillon original d'ADN que vous possédez. Vous faites alors des recherches familiales. Qu'arrive-t-il alors? Par exemple, disons que vous avez une mèche de cheveux et que vous consultez la banque de données pour voir s'il s'y trouve des échantillons semblables. Est-ce ainsi que cela se passe?

M. Baggaley : Je vais essayer de vous expliquer. Je tiens à dire clairement que je n'ai aucune formation scientifique.

Premièrement, on prend le profil génétique obtenu sur les lieux du crime et on le compare aux profils qui se trouvent dans le fichier des condamnés dans l'espoir de trouver une correspondance.

Le sénateur Angus : C'est la première chose que vous faites?

M. Baggaley : Cela se fait automatiquement. On envisage de faire une recherche familiale seulement si l'on ne trouve pas de correspondance à cette première étape. L'étape suivante consiste à vérifier s'il y a dans le fichier des condamnés des profils génétiques qui sont suffisamment semblables pour faire croire que la personne en question peut avoir des liens de parenté avec une personne qui se trouve dans le fichier.

Le sénateur Angus : Vous voulez dire un profil suffisamment semblable à l'échantillon trouvé sur le lieu du crime?

M. Baggaley : Non, ils sont suffisamment semblables...

Le sénateur Angus : À quoi?

M. Baggaley : Disons qu'on fait une recherche et qu'on aboutit à 50 profils génétiques qui se trouvent dans le fichier des condamnés.

Le sénateur Angus : Aucun ne correspond parfaitement.

M. Baggaley : Aucun ne correspond parfaitement, mais ils sont tous suffisamment semblables à celui trouvé sur le lieu du crime pour indiquer la possibilité qu'il y ait un lien de parenté.

Le sénateur Angus : Y a-t-il des critères pour déterminer qu'ils sont « suffisamment semblables »? Je veux dire scientifiquement? Y a-t-il un écart de 10 p. 100?

M. Baggaley : Je connais au moins deux moyens de procéder. Une manière consiste à chercher un allèle rare, autrement dit quelque chose qui saute aux yeux, une caractéristique singulière que l'on retrouverait aussi dans un autre profil.

L'autre manière de procéder est très statistique. On décide d'examiner seulement ceux qui ont une correspondance à 80 p. 100 ou à 85 ou 90 p. 100. On obtient alors un groupe de gens qui peuvent être apparentés. Certains le seront et d'autres pas, et il y a alors différentes manières de faire enquête sur ces personnes.

La situation peut devenir très délicate, du point de vue de la vie privée. Si l'on travaille en posant l'hypothèse que quelqu'un est apparenté à la personne qui se trouve dans le fichier des condamnés parce que leurs profils sont très semblables et si l'on commence à poser des questions, une personne peut apprendre, par exemple, qu'un frère disparu depuis longtemps a commis un crime il y a cinq ans et que son ADN se trouve dans le fichier des condamnés. Une enquête de ce genre, si elle n'est pas menée avec doigté, peut causer des problèmes de respect de la vie privée.

Les recherches familiales produisent des pistes. Beaucoup d'entre elles ne mènent nulle part. La recherche par lien de parenté est fondée sur deux hypothèses. L'une est scientifique : que les gens qui sont apparentés ont des profils génétiques très semblables. L'autre hypothèse est, je suppose, un phénomène sociologique et c'est un peu plus troublant pour nous. C'est l'hypothèse que, en particulier dans certains sous-groupes, si un membre d'une famille a commis un crime, un autre membre de cette famille a plus de probabilités d'avoir également commis un crime qu'une personne choisie au hasard. En termes simples, c'est l'idée selon laquelle certaines familles sont portées au crime. C'est l'une des autres hypothèses de base justifiant les recherches familiales.

Le sénateur Angus : Les recherches familiales peuvent s'orienter dans bien des directions. Il faut bien qu'il y ait une certaine sensibilité, comme vous dites, une certaine part de jugement. Essentiellement, cela consiste à chercher une aiguille dans une botte de foin, mais c'est une recherche raisonnée.

M. Baggaley : C'est une bonne manière de présenter les choses.

Le sénateur Angus : Merci. Quant à l'exemple que vous avez donné, celui d'un frère disparu depuis longtemps, je ne trouve pas que ce soit très problématique sur le plan de la vie privée. Pouvez-vous me donner d'autres exemples, en supposant que nous restreignons la recherche aux 12 crimes graves?

Le sénateur Baker : C'est une liste de 16 crimes graves.

Le sénateur Angus : Pourriez-vous nous indiquer certains problèmes relatifs au respect de la vie privée qui, à votre avis, rendraient cela très dangereux du point de vue du respect de la vie privée?

M. Baggaley : Un autre exemple est celui d'une personne qui est actuellement incarcérée depuis plusieurs années; nous savons donc que cette personne n'a pas commis le crime. On a toutefois découvert que...

Le sénateur Angus : De grandes ressemblances.

M. Baggaley : Des ressemblances, et l'on va donc poser à cette personne les questions suivantes : Avez-vous des frères? Avez-vous des enfants? Quel âge a votre père? Premièrement, la personne peut donner tous ces renseignements volontiers, ou sous la contrainte. Si cette personne dit par exemple que oui, elle a cinq enfants de sexe masculin, les responsables de l'application de la loi peuvent trouver un moyen d'obtenir l'ADN des personnes en question, par exemple sur des mégots de cigarettes; je suis certain que vous avez déjà entendu de telles explications. Et l'on découvre alors qu'au moins l'un de ces profils ne ressemble pas du tout à celui de la personne condamnée.

Qu'est-ce que cela nous apprend? Cette personne pensait avoir un fils biologique, mais ce n'est pas le cas. Si cette situation n'est pas traitée avec doigté, on se trouve simplement à informer quelqu'un que celui qu'il pensait être son fils biologique ne l'est pas en réalité.

Le sénateur Angus : Oui, je vois, vous croyez donc que cela va accroître le taux de divorce. Non, je comprends ce que vous dites. Je suis certain que la plupart d'entre nous qui sommes à Ottawa trois jours par semaine nous retrouvons dans nos chambres d'hôtel à un moment donné en train de regarder l'émission CSI, et toutes les émissions du genre comportent maintenant une référence à l'ADN. Depuis que je suis membre de ce comité et que je lis la documentation, cela me frappe davantage.

Cependant, j'ai beaucoup de mal à me convaincre que ces problèmes de vie privée sont aussi graves qu'on le dit. Je m'interroge : suis-je trop insensible pour m'occuper de ce dossier? Quoi qu'il en soit, je comprends maintenant de quoi il retourne.

Le sénateur Banks : Je comprends que deux de vos objections — j'ignore si ce sont les plus importantes — sont, premièrement, le fait que le prélèvement d'un échantillon d'ADN au moment de l'arrestation est une atteinte parce que cela met en doute la présomption d'innocence. Vous avez évoqué cette possibilité en répondant à la question du sénateur Milne, mais un deuxième problème qu'il me semble vous avoir entendu évoquer est le fait que l'ADN est ensuite conservé. Je suppose que l'ADN peut aussi bien disculper quelqu'un que servir à le condamner.

Ai-je raison de dire que si l'ADN disculpe quelqu'un, il n'y a plus de raison valable de le conserver? Est-ce bien le problème que vous avez en tête, qu'il ne convient pas de conserver l'ADN après cela?

Mme Bernier : C'est dans la loi, en fait.

Le sénateur Banks : Supposons que l'on constate que la personne est absolument innocente.

M. Baggaley : Mme Bernier vient de me rappeler qu'il y a dans la loi une disposition prévoyant que l'on supprime l'ADN trouvé sur le lieu d'un crime si l'on constate qu'il n'appartient pas à la victime ou n'est pas pertinent. Il est difficile de faire des conjectures sur ce qu'il adviendrait de l'ADN prélevé au moment de l'arrestation, parce que nous n'avons pas un tel régime.

Oui, l'ADN peut servir à prouver qu'une personne n'a pas commis le crime. Je pense qu'il est utile de garder à l'esprit que ce sont là des exceptions et non pas la règle.

Il y a aux États-Unis un exemple intéressant d'une personne qui a été libérée grâce à l'ADN parce qu'elle a été en mesure de prouver que son ADN ne correspondait pas à celui prélevé sur le lieu du crime. Néanmoins, cet homme a été gardé en prison pendant de nombreuses années. C'est seulement après qu'on ait fait une recherche familiale aux États- Unis pour trouver une autre personne qu'on a été en mesure d'identifier cette personne.

Le simple fait que l'ADN ne correspond pas n'est pas en soi un laissez-passer pour sortir de prison. Il y a eu de nombreux cas de personnes qui ont prouvé que leur ADN ne correspondait pas à celui prélevé sur le lieu d'un crime. Pour diverses raisons, dont certaines très logiques, les responsables n'en ont pas tenu compte et la personne est restée en prison. Je pense que vous pouvez imaginer certains scénarios.

Le sénateur Banks : J'en reviens à votre argument au sujet de la Cour européenne des droits de l'homme. Vous avez dit que c'était contraire aux droits de l'homme de conserver l'échantillon d'ADN d'une personne qui n'a jamais été condamnée. Dans un tel cas, si l'ADN avait été prélevé au moment de l'arrestation, la cour aurait-elle eu des motifs moindres de s'opposer si l'ADN avait été détruit après le fait?

M. Baggaley : J'hésite à faire des conjectures sur une éventuelle décision d'un tribunal, mais si vous lisez la décision de la Cour européenne, vous verrez que le régime du Royaume-Uni est plutôt exceptionnel. Cette décision était fondée sur le régime britannique. Il y a d'autres pays européens où l'on prélève l'ADN au moment de l'arrestation, mais on ne le conserve pas indéfiniment, même si la personne est acquittée.

L'affaire Marper portait sur la pratique britannique de conserver l'ADN indéfiniment après l'acquittement d'une personne. Quelle aurait été la décision de la cour si le Royaume-Uni avait pour politique de détruire l'ADN deux ans après un acquittement, je l'ignore et je ne me prononce pas là-dessus.

Le sénateur Banks : Je vais maintenant poser une question bête et hypothétique. Si l'on démontrait que les personnes qui ont les cheveux roux et des taches de rousseur étaient condamnées en grand nombre pour vol à l'étalage, et si l'on conservait leur échantillon d'ADN et que l'on avait par conséquent de plus grandes chances de consulter le profil génétique des personnes qui ont les cheveux roux et des taches de rousseur, est-ce que ce serait injuste?

Je pose la question parce que vous avez laissé entendre que, étant donné que les membres de certains groupes bien définis sont arrêtés et incarcérés en plus grand nombre, on peut démontrer que la recherche de profils génétiques mettant en cause les personnes de ces groupes est injuste. Pourquoi est-ce injuste?

M. Baggaley : Je vais essayer de répondre à cette question. Dans votre scénario, vous avez posé l'hypothèse que les gens qui ont les cheveux roux commettent en fait plus de crimes. Il y a des raisons de croire que certains groupes au Canada et aux États-Unis et dans la plupart des pays du monde sont surveillés de plus près et arrêtés plus souvent, et sont peut-être amenés au poste de police plus souvent — pas nécessairement parce qu'ils commettent plus de crimes, mais du simple fait qu'ils sont membres d'un groupe ethnique ou racial.

Le sénateur Banks : Vous avez parlé d'incarcération.

Mme Bernier : Et d'arrestation.

M. Baggaley : Si l'on arrête certaines personnes plus souvent, c'est qu'on fait plus d'efforts pour les arrêter. L'autre considération est que si l'on ouvre la porte au prélèvement de l'ADN au moment de l'arrestation — je crois que le Dr Fourney a évoqué cette possibilité —, on ouvre aussi la porte à des abus auxquels ce régime pourrait donner lieu. Ce n'est pas tellement difficile d'imaginer un service de police qui aurait des raisons de croire que vous avez commis un crime il y a cinq ans. On n'a jamais été en mesure d'établir un lien entre ce crime et vous et de l'ADN a été trouvé sur le lieu du crime.

Si vous mettez en place un régime prévoyant le prélèvement de l'ADN au moment de l'arrestation, ce n'est pas tellement difficile d'imaginer — surtout qu'il ne s'agit pas nécessairement, pour être simpliste, des gens les plus irréprochables du monde — que ce ne doit pas être très difficile de trouver une raison d'arrêter la personne en question. Pourquoi arrêtez-vous cette personne? Parce que vous voulez prendre son ADN pour essayer d'établir un lien entre la personne et un crime commis il y a cinq ans et toujours non élucidé.

Le prélèvement de l'ADN au moment de l'arrestation ouvre la porte à de tels abus et comporte clairement d'importantes répercussions en matière de droits civils à cause du nombre disproportionné de gens faisant partie de certains groupes ethniques et minorités.

Le sénateur Banks : Cette injustice serait-elle atténuée si l'ADN était prélevé seulement au moment de la condamnation?

M. Baggaley : Le scénario que j'ai exposé ne serait pas possible si l'on prenait l'ADN seulement au moment de la condamnation. On ne pourrait pas avoir de prétexte pour prendre un échantillon d'ADN pour essayer de résoudre un crime commis antérieurement.

Le sénateur Banks : Cela éliminerait donc l'objection de l'injustice?

M. Baggaley : Oui. Quand on y songe, si la personne est condamnée, on aura son ADN dans trois mois ou dans six mois, en supposant que le régime fonctionne, quand la personne sera condamnée. Prendre l'ADN au moment de l'arrestation ouvre une fenêtre permettant de revenir sur des événements passés. Si la personne est condamnée, on obtient son ADN de toute façon. Prendre l'ADN au moment de l'arrestation permet de dire : « nous avons l'ADN de cette personne que nous avons arrêtée. Comparons-le à l'ADN du fichier de criminalistique ». On pourrait alors faire le lien avec un crime passé. Cela permet de revenir en arrière. Si la personne est condamnée, on l'aura de toute façon.

Le vice-président : Pour reprendre le scénario que le sénateur Banks vient d'évoquer, rassurez-moi en me disant qu'il n'est pas question de profilage. C'est-à-dire par exemple d'essayer d'obtenir un mandat pour arrêter quelqu'un à cause de la couleur de ses cheveux. J'espère que la réponse est : « Pas question! »

[Français]

La possibilité d'utiliser une banque de données parce que la couleur des yeux d'une personne recherchée correspond à celle du profil d'un type d'individus plus enclins à commettre un type d'infraction donné pourrait-elle constituer un argument pour le corps policier? Des mandats d'arrestation pourraient-ils être demandés à des juges uniquement sur cette base?

Mme Bernier : Je n'ai jamais entendu une telle argumentation.

Le vice-président : Le but de ma question était de rassurer les gens qui nous écoutent. Ce genre de procédé n'existe pas au Canada.

Mme Bernier : Je n'ai jamais entendu cela.

[Traduction]

Le sénateur Angus : Je pense que le témoin dit qu'aux États-Unis et au Canada, on a tendance à arrêter plus fréquemment les membres de certains groupes, pas nécessairement les gens qui ont les cheveux roux et des taches de rousseur.

Le vice-président : Au Canada, il faut encore un mandat pour arrêter quelqu'un — c'est-à-dire, à moins qu'on prenne quelqu'un sur le fait.

Mme Bernier : Des études ont été faites là-dessus, notamment dans le contexte de la Commission royale sur les peuples autochtones. Vous vous rappellerez peut-être que l'un des chapitres du rapport portait spécifiquement sur la justice. On a fait ressortir qu'il y a un taux d'arrestations plus élevé et que ce n'est pas nécessairement parce que plus de crimes sont commis, mais plutôt à cause de problèmes systémiques enracinés.

[Français]

Le vice-président : Plusieurs comités sénatoriaux étudient cette question que tous nous déplorons. Les témoins qui comparaissent devant nous témoignent du fait que jamais, officiellement, ils n'ont recours à de tels procédés. Malheureusement, quand on observe les résultats, on voit une tendance se dessiner.

[Traduction]

Le sénateur Wallace : Je voudrais avoir une meilleure idée des questions que vous avez prises en compte pour formuler vos recommandations. À vos yeux, quelles sont les lacunes du système actuel et quels changements faut-il apporter?

Madame Bernier, comme vous l'avez dit dans votre exposé, le prélèvement d'ADN est une atteinte à la vie privée. La question est de savoir si c'est acceptable dans notre société.

Comme vous le dites, il ne s'ensuit pas que le prélèvement et la conservation devraient être interdits, mais plutôt que cela doit se faire en respectant les normes les plus rigoureuses possible pour établir un juste équilibre entre la sécurité et la vie privée. Ce n'est pas simplement une question de vie privée. Il faut aussi mettre dans la balance la sécurité. Ce critère du juste équilibre, comme vous le faites remarquer, est établi en droit canadien. L'atteinte à la vie privée, comme vous le dites, doit être strictement proportionnelle aux besoins en matière de sécurité.

Évidemment, votre rôle est de protéger notre vie privée à tous et, grâce au ciel, vous le faites et, assurément, nous avons entendu haut et clair le message que vous prenez votre travail très au sérieux et le faites très bien.

Monsieur Baggaley, dans votre exposé, vous avez fait des commentaires sur ce que vous appelez un inquiétant détournement progressif du motif premier de la création de la banque de données génétiques. Vous croyez que le nombre d'infractions pour lesquelles des échantillons d'ADN sont prélevés et versés dans la banque de données doit être réduit au minimum et vous avez exprimé vos inquiétudes au sujet des recherches familiales, notamment à cause de vos préoccupations relativement à la protection de la vie privée. Je comprends vos observations. Cependant, à mon sens, cela ne représente que la moitié de l'équation.

En dernière analyse, la question est de savoir si l'on respecte un juste équilibre entre le respect de la vie privée et les besoins en matière de sécurité. Ayant pris en compte toutes ces considérations et ayant abouti à vos conclusions, avez- vous alors mis dans la balance les besoins en matière de sécurité? Avez-vous fait une analyse détaillée des besoins de sécurité pour voir si vos recommandations respectent cet équilibre, ou bien faites-vous plutôt pencher la balance en direction de la protection de la vie privée, ce qui est le rôle fondamental de votre commission?

Mme Bernier : La réponse est oui, absolument. Nous faisons une analyse très poussée et c'est pourquoi j'ai commencé mon exposé en vous donnant le contexte dans lequel nous avons examiné la question. En passant, avant d'être nommée à ce poste, j'étais sous-ministre adjointe au ministère de la Sécurité publique et j'ai donc été amenée à me pencher sur la question de deux points de vue opposés.

Comme je l'ai dit dans mon exposé, nous croyons que le Canada ayant choisi une société démocratique, nous devons établir au départ que nous allons protéger les droits fondamentaux. La vie privée est un droit fondamental et par conséquent, quand nous évaluons les accrocs aux droits fondamentaux pour voir s'ils sont justifiés, nous devons nous fonder sur un critère de nécessité. C'est dans cette optique, en tenant compte des faits, que nous avons analysé la Loi sur les empreintes génétiques et que nous en sommes venus aux conclusions que nous vous présentons aujourd'hui.

Le sénateur Wallace : Encore une fois, il y a le droit à la vie privée des personnes qui fournissent les échantillons, mais il y a aussi le droit à la vie privée des victimes, qui peuvent être inconnues à ce moment-là, et il y a aussi la protection du public de manière à réduire au minimum le nombre de victimes. Il y a des droits à la vie privée qu'il faut également protéger. À cause de cela, pour ceux qui préconisent d'élargir la portée de la banque d'empreintes génétiques en raison de la protection que cela donnerait aux victimes potentielles, pour en réduire le nombre, je crois qu'il faut également tenir compte d'un très fort élément de vie privée à protéger également.

Très franchement, je n'ai pas eu l'impression que vous en teniez compte dans votre exposé. Vous semblez mettre davantage l'accent sur le droit à la vie privée des personnes qui fournissent les échantillons, ce qui est légitime. Comme toujours dans la vie, il doit y avoir un équilibre. Je tiens à obtenir l'assurance que vous prenez en compte cet équilibre.

Mme Bernier : Je vous remercie de me donner l'occasion d'apporter des précisions. Il est certain que notre analyse est éclairée par la preuve que nous fournissent les criminologues, les services de police et les statistiques du système judiciaire qui nous informent quant à l'opportunité et l'efficacité de certains accrocs aux droits fondamentaux. La Charte autorise certains empiètements aux droits fondamentaux dans le contexte d'une société démocratique et pour les fins que vous énoncez, l'une d'entre elles étant évidemment la sécurité publique. C'est pris en compte dans notre analyse, absolument. J'espère pouvoir vous rassurer là-dessus.

Le sénateur Wallace : Je suis rassuré. Merci.

Le sénateur Bryden : Je crois que le sénateur Angus et moi-même avons tous deux raison de dire que l'ADN et le droit d'avoir accès à l'ADN sont fondés sur l'identification des infractions désignées pour lesquelles on peut recourir à l'ADN. Cette liste a été allongée et le sénateur a dit que la liste des infractions désignées servirait à limiter la portée des recherches pour avoir accès à l'ADN des suspects.

Une fois qu'on a l'ADN, la loi fourmille de dispositions indiquant comment on peut communiquer les renseignements qu'on possède dans la banque de données, si la demande est présentée en bonne et due forme, à un organisme local d'application de la loi ou à une organisation internationale. Vous pouvez partager l'ADN et je suppose qu'il doit s'agir d'ADN qui a été prélevé ou fourni parce que des infractions désignées étaient en cause.

Le paragraphe 6(1) donne le droit de communiquer l'information aux agents d'application de la loi, canadiens ou étrangers, et l'on ajoute ensuite au paragraphe 6(2) que l'information communiquée en vertu du paragraphe (1) peut l'être subséquemment à toute personne à qui la communication est nécessaire pour les besoins d'une enquête ou d'une poursuite relative à une infraction criminelle.

Le sénateur Baker : C'est assez vaste.

Le sénateur Bryden : Les mesures que nous pensions limitées à la liste des infractions désignées peuvent très bien être élargies considérablement par cette disposition permettant de partager ces renseignements pour les besoins d'une enquête ou d'une poursuite relative à toute infraction criminelle. Je dis « toute », mais le texte dit « une infraction criminelle »; or le code est rempli d'infractions criminelles. Une fois qu'on a franchi l'obstacle et obtenu l'ADN et la possibilité de s'en servir parce qu'une infraction désignée est en cause, c'est alors qu'entre en jeu cette disposition qui permettrait à la police, non pas que celle-ci en élargirait la portée, d'étendre ensuite ses filets et d'utiliser l'ADN relativement à n'importe quelle infraction criminelle.

Outre les autres considérations, je pense que nous devons nous demander si tel est bien le cas. Je voudrais votre opinion là-dessus, mais vous n'êtes pas avocats.

Mme Bernier : Je suis avocate et nous avons notre conseiller juridique ici présent.

Le sénateur Bryden : C'est peut-être un élément que le comité devrait prendre en compte et il pourrait être utile de tirer cela au clair.

[Français]

Le vice-président : Le point que soulève le sénateur Bryden est important, mais le temps prévu pour la période de questions est presque terminé. Si vous pouvez retenir votre réponse et nous la fournir par écrit, cela vous permettra de réfléchir à la question et de nous donner une réponse plus élaborée que si vous nous l'aviez donnée verbalement.

Mme Bernier : Je vous dirais cependant que la question que soulève le sénateur relève plus du ministère de la Justice, parce que ce n'est pas seulement une question de droit à la vie privée, mais plutôt une question d'interprétation de la loi en question. Ce serait vraiment le ministère de la Justice qui pourrait être saisi de cette question.

[Traduction]

Le sénateur Bryden : Je ne crois pas que vous puissiez vous décharger complètement de l'affaire.

Le vice-président : C'est pourquoi je vais écrire au témoin.

Le sénateur Bryden : Dans une certaine mesure, vous faites contrepoids — je dois choisir mes mots avec soin — au ministère de la Justice. Il serait utile que vos collaborateurs et vous-même nous donniez une idée de l'effet de cet article. Bien sûr, nous obtiendrons aussi une explication du ministère de la Justice.

Mme Bernier : Nous nous ferons un plaisir de le faire.

Le sénateur Bryden : Il a été question des recherches familiales dans la banque d'ADN. Nous devons nous rappeler que dans certains pays, dont le Royaume-Uni, l'ADN est prélevé comme nous prenons les empreintes digitales. Plus encore, si l'on veut l'ADN d'une personne, il suffit de l'arrêter à un feu de circulation et on peut l'obtenir. En outre, une fois qu'on l'a obtenu, seule la police peut enlever l'ADN de la banque de données, à moins que j'aie mal lu.

Chose certaine, l'indication que j'ai eue du comité de surveillance de cette loi est que personne au sein de ce comité — en tout cas pas le juge qui était présent — ne souhaite établir un tel système au Canada.

Sénateur Wallace, je sais où vous vouliez en venir. Nous devons nous occuper des victimes et de l'intérêt du public et tout le reste, mais il est possible d'aller trop loin dans un sens. C'est regrettable pour les citoyens de Grande-Bretagne qu'il n'y ait pas dans ce pays de charte des droits et libertés. Voilà ce que j'avais à dire ce soir.

Le vice-président : Comme je l'ai dit, je vais écrire au témoin pour lui poser la question.

Le sénateur Angus : Est-ce une question d'interprétation de la loi?

Le vice-président : Nous allons poser la question aux témoins et ceux-ci auront le temps d'y réfléchir et de consulter leur conseiller juridique. Nous verrons bien quelle sera leur réponse et nous pourrons comparer avec la réponse que nous recevrons du ministère de la Justice.

Le sénateur Dickson : Je m'intéresse en particulier au fichier des personnes disparues. Quelles seraient les préoccupations en matière de respect de la vie privée si nous devions créer un fichier des personnes disparues?

Il serait probablement préférable que vous répondiez à cette question par écrit dans la lettre que vous enverrez au président, mais si vous voulez donner une brève réponse verbale, je serais ravi de l'entendre.

M. Baggaley : Une consultation a eu lieu en 2005. Nous avons réagi à cette consultation et déclaré que nous ne serions pas contre la création d'un tel fichier.

Notre préoccupation à cet égard porte sur des questions comme celle de savoir s'il serait possible d'utiliser ce fichier pour faire des recoupements avec la banque de données génétiques de criminalistique?

À notre avis, un fichier des personnes disparues serait essentiellement conçu à des fins humanitaires, pour identifier les restes humains, pour aider les familles. Par conséquent, nous aurions des réserves si l'on voulait établir un lien avec le fichier de criminalistique. Cela pourrait peut-être résoudre l'affaire des pieds retrouvés sur la côte Ouest dont vous avez discuté dans une réunion précédente.

Le sénateur Milne : Vous avez comparu en février 2009 devant le comité de l'autre endroit. Je crois savoir que vous avez demandé des renseignements au gouvernement fédéral pour justifier l'élargissement de la banque de données par l'adoption de la Loi antiterroriste et de nouveau par le projet de loi C-13. Avez-vous reçu ces renseignements?

M. Baggaley : Quand le projet de loi C-13 était à l'étude, notre commissaire a écrit une lettre au ministre de la Justice de l'époque, Irwin Cotler, pour lui demander d'expliquer pourquoi on avait ajouté diverses infractions. Nous espérions une réponse un peu plus scientifique. Les réponses que nous avons reçues étaient « les autorités provinciales insistent pour qu'on ajoute ces infractions » et « il est ressorti de la consultation que nous avons tenue en 2002 que cette disposition devrait être ajoutée ». Nous espérions qu'on nous présenterait des arguments portant sur la probabilité que des substances corporelles soient laissées sur le lieu du crime dans de telles infractions, ou encore une preuve qu'une certaine infraction débouche probablement sur une infraction plus grave. Nous n'avons pas obtenu d'explications de ce genre; c'est tout ce que nous avons reçu.

Le sénateur Milne : Seulement une explication superficielle.

[Français]

Le vice-président : Nous vous remercions d'être venus nous aider dans notre étude, cependant, plusieurs questions restent en suspens. Nous avons de bons recherchistes et souhaitons que leur travail porte fruit, alors nous vous écrirons pour vous poser ces questions.

[Traduction]

Nous vous remercions, monsieur Baggaley, pour votre participation à notre effort.

Le sénateur Banks : Dans votre lettre, en plus de demander si « une infraction criminelle » invalide la liste des 16 infractions, pourriez-vous aussi demander qui détermine ce qui est « nécessaire à une enquête criminelle »?

Le vice-président : En dernière analyse, c'est le Parlement, mais nous allons poser la question.

Madame Bernier et monsieur Baggaley, merci beaucoup.

[Français]

Honorables sénateurs, nous poursuivons notre étude sur les dispositions et l'application de la Loi sur l'identification par les empreintes génétiques (L.C. 1998, ch. 37).

Nos prochains témoins viennent du Bureau du vérificateur général du Canada. Ils sont presque des habitués de nos comités. Nous accueillons, Mme Sheila Fraser, vérificatrice générale du Canada et mandataire du Parlement du Canada. Mme Fraser est accompagnée de MM. Hugh McRoberts, vérificateur général adjoint, et de Gordon Stock, directeur principal. Nous souhaitons à tous la bienvenue à notre comité.

Nous écouterons vos remarques liminaires, par la suite nous vous poserons des questions. Si des questions restent en suspens ou si vous souhaitez explorer certains sujets plus en détail, je vous écrirai afin que nous puissions compléter le travail que nous avons à faire, ce qui vous donnera la chance de soumettre une ou des réponses plus détaillées.

[Traduction]

Sheila Fraser, vérificatrice générale du Canada, Bureau du vérificateur général du Canada : Merci de nous avoir invités pour discuter du chapitre 7 de notre rapport de mai 2007 intitulé La gestion des services de laboratoire judiciaire — Gendarmerie royale du Canada. Je suis accompagnée aujourd'hui de Hugh McRoberts, vérificateur général adjoint, et de Gordon Stock, directeur principal, qui était chargé de cette vérification.

Nous avons effectué cette vérification à la demande du Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes après que ce dernier eut entendu des témoignages contradictoires en 2004 et en 2005 au sujet du rendement des Services de laboratoire judiciaire de la GRC. La vérification a assuré un suivi des questions que nous avions soulevées dans nos rapports antérieurs de 1990 et de 2000.

[Français]

Notre examen de 2007 a mis l'accent sur la gestion des Services de laboratoires judiciaires dans trois secteurs : les arriérés et les délais d'exécution pour les cas d'analyse d'empreintes génétiques; le processus d'assurance de la qualité utilisé par les Services de laboratoires judiciaires pour gérer les résultats des tests; et les rapports sur le rendement au Parlement.

Nous n'avons pas évalué la qualité des analyses et des décisions scientifiques qui ont mené aux résultats obtenus en laboratoire. De plus, la vérification ne portait pas sur les autres fonctions de la GRC ni sur la Banque nationale de données génétiques.

Dans notre chapitre de 2007, nous avons constaté que la GRC a apporté un certain nombre de changements depuis notre vérification de 2000. Elle a adopté une méthode de travail selon laquelle certains laboratoires s'occupent de fonctions particulières telles que les demandes concernant la biologie, par exemple, les analyses d'empreintes génétiques, la toxicologique, les armes à feu, les éléments de preuve, la contrefaçon et l'examen de documents.

Par ailleurs, des membres du personnel ont été affectés à différentes étapes du processus, notamment la réception des cas, la collecte des éléments de preuve, l'analyse et l'établissement des rapports.

Nous avons constaté que la direction des Services de laboratoires judiciaires ne respectait pas les cibles qui avaient été fixées pour compléter les résultats des analyses et communiquer les résultats. De plus, dans certains cas, le personnel a changé la date d'échéance prévue des demandes de services laissant ainsi croire que les services de laboratoires judiciaires atteignaient leur cible alors que cette cible avait tout simplement été déplacée.

Par conséquent, une telle façon de procéder empêchait de mesurer adéquatement le rendement. De plus, la direction des Services de laboratoires judiciaires n'a pas consulté les services de police provinciaux et municipaux et ses autres clients pour savoir s'ils répondaient à leurs besoins en matière de services de laboratoire de priorités et de normes de services.

[Traduction]

Dans notre rapport de 2000, nous avions indiqué que les processus d'assurance de la qualité des Services de laboratoire judiciaire étaient faibles. Le processus d'accréditation des laboratoires et le programme de vérification de la compétence des experts scientifiques n'étaient pas à jour. En 2007, des mesures avaient été prises pour rectifier les faiblesses signalées. Cependant, quand il y avait des problèmes de qualité, la direction n'a pas toujours assuré le suivi nécessaire et veillé à ce que des mesures correctives soient apportées.

À titre d'exemple, mentionnons la nouvelle méthode automatisée d'analyse d'empreintes génétiques, utilisée pour la première fois en septembre 2005. La méthode automatisée se sert de robots à différentes étapes de l'analyse pour pouvoir traiter un plus grand nombre d'échantillons simultanément. Peu après la mise en application de cette méthode, des préoccupations ont été exprimées à la haute direction en ce qui concerne la qualité, car des incohérences avaient été relevées entre les résultats obtenus de façon automatisée et ceux obtenus manuellement. La haute direction des Services de laboratoire judiciaire n'a reconnu ce problème de qualité qu'en octobre 2006.

Nous avons également soulevé des inquiétudes à propos de la validation et de la mise en application de la méthode automatisée. Bien que cette méthode ait été examinée par le personnel des Services de laboratoire judiciaire, elle n'a pas fait l'objet d'un examen externe par les pairs qui aurait fourni une assurance indépendante à la direction quant au bon fonctionnement de la méthode, avant sa mise en œuvre. Nous indiquons aussi dans notre chapitre que les systèmes de mesure du rendement des Services de laboratoire judiciaire comportaient des lacunes et que ces derniers n'ont pas fait de rapport sur leur rendement au Parlement comme ils l'avaient promis.

Nous n'avons pas exécuté de procédés de vérification concernant les Services de laboratoire judiciaire depuis notre vérification de 2007. Toutefois, nous avons examiné les rapports d'étape des Services de laboratoire judiciaire ainsi que le rapport ministériel sur le rendement de la GRC pour l'exercice terminé le 31 mars 2008. Je trouve encourageant que les Services de laboratoire judiciaire semblent mettre beaucoup d'ardeur à combler les lacunes signalées dans notre rapport. Nous comptons effectuer une vérification des Services de laboratoire judiciaire en vue de présenter un rapport intitulé Le point au Parlement au printemps de 2011.

Permettez-moi de vous remercier, monsieur le vice-président. Je termine ainsi ma déclaration d'ouverture. Nous serons heureux de répondre aux questions du Comité.

[Français]

Le vice-président : Vos collègues ont-ils des remarques à faire? Non? Ça va.

[Traduction]

Le sénateur Milne : Madame Fraser, je vous remercie d'être venue ce soir. Votre paragraphe 10 est la seule raison possible que je peux voir pour expliquer votre présence ici. Je m'excuse si nous vous avons fait venir inutilement.

Vous avez des réserves sur les processus automatisés pour l'analyse d'ADN. On a fait cela pour pouvoir tester un nombre beaucoup plus élevé d'échantillons d'ADN en beaucoup moins de temps. Avez-vous quelque chose à ajouter là-dessus ou cela vous préoccupe-t-il toujours?

Mme Fraser : Comme je l'ai dit, nous n'avons pas fait de travaux de suivi depuis octobre 2007. À l'époque, cependant, les scientifiques ont fait observer que le processus automatisé ne décelait pas toujours l'ADN quand il était présent, alors qu'il aurait été décelé en appliquant le processus manuel. Je crois que c'était essentiellement le principal problème, que le système automatique ne décelait pas l'ADN. Nous donnons de plus amples explications là-dessus dans la vérification elle-même.

L'une des principales inquiétudes que nous avions était que ces problèmes de qualité étaient soulevés depuis très longtemps. Même si l'on avait mis en place un processus d'assurance de la qualité, on ne faisait pas une gestion active du dossier pour identifier les causes des différences et trouver la manière d'y remédier.

Le sénateur Milne : Avez-vous l'intention de faire une vérification du laboratoire d'ADN?

Mme Fraser : Nous allons faire une vérification de suivi. Dans celle-ci, nous examinons les recommandations que nous avons faites dans la vérification précédente et vérifions précisément si le ministère ou l'agence a fait ce que l'on s'était engagé à faire au moment de la vérification originale.

Le sénateur Milne : Je suis contente d'entendre que vous ferez cela, mais l'une de mes préoccupations est que cela ne met pas seulement en cause la Banque nationale de données génétiques, puisque l'on traite aussi des échantillons dans des laboratoires provinciaux, par exemple ceux du Québec et de l'Ontario et beaucoup d'autres petits laboratoires judiciaires au Canada.

Je sais que ce n'est pas de votre ressort de faire des vérifications de ces petits laboratoires provinciaux ou privés, mais savez-vous si, disons, les laboratoires provinciaux ont été vérifiés par vos homologues provinciaux?

Mme Fraser : Je crains de ne pas posséder ce renseignement; nous ne sommes pas au courant de cela. Je ne crois pas que nous ayons examiné cela dans cette vérification en particulier. M. Stock pourrait peut-être vous répondre.

Gordon Stock, directeur principal, Bureau du vérificateur général du Canada : Nous n'avons pas examiné cela dans cette vérification. Nous n'avons pas ce renseignement ici, mais nous pourrions vérifier à votre intention si les vérificateurs généraux provinciaux ont fait ce travail dans leurs provinces respectives.

Normalement, les laboratoires de la GRC ne font pas de test pour l'Ontario et le Québec. Normalement, ce sont les laboratoires de l'Ontario et du Québec qui s'en chargent.

Le sénateur Baker : Je remercie les témoins d'être venus ce soir et je signale qu'ils font du très bon travail pour le Canada.

Mme Fraser : Merci.

Le sénateur Baker : Nous aimerions que vous soyez au poste encore 10 ans.

Mme Fraser : Non. Une période de 10 ans, c'est assez.

Le vice-président : Prenez note que le témoin secoue la tête.

Le sénateur Baker : Vous remarquerez, monsieur le président, que le témoin a dit que 10 ans, c'est assez.

Le vice-président : Oui; le langage corporel était dans la même veine.

Mme Fraser : À tous les intéressés, je dis que 10 ans, c'est assez.

Le sénateur Baker : Ce qui saute aux yeux dans votre rapport, pour un profane qui le lit, se trouve en petits caractères à la page 23. Je vais en donner lecture.

Il confirme :

Les SLJ ont reçu des pièces à conviction recueillies dans le cadre d'une enquête sur un meurtre. Un échantillon prélevé sur un suspect devait être utilisé comme échantillon de comparaison. Une fois l'échantillon examiné, l'analyse a été répétée pour confirmer le profil.

Nous avons donc un profil et on va maintenant en obtenir un deuxième. Vous ajoutez :

Le deuxième profil ne correspondait pas au premier. L'expert scientifique responsable de l'analyse a signalé le manque de résultats fiables à titre de problème de qualité. Ce problème n'a jamais été officiellement identifié comme un problème de qualité et n'a jamais été réglé au moyen du système de gestion de la qualité.

Le sénateur Baker : Au début de votre exposé, vous avez dit, au paragraphe 4 : « Nous n'avons pas évalué la qualité des analyses et des décisions scientifiques qui ont mené aux résultats obtenus en laboratoire. »

Eh bien, c'est peut-être exact, mais vous avez assurément évalué la qualité des résultats du laboratoire. Ces résultats du laboratoire sont plutôt inquiétants. Pourriez-vous commenter cela? Vous avez un échantillon de sang prélevé sur le lieu d'un meurtre, et le deuxième profil ne correspond pas au premier. Il semble que ce soit un problème de qualité assez grave.

Mme Fraser : Oui, je suis d'accord avec le sénateur pour dire que c'est une affaire grave. Comme j'ai essayé de l'expliquer, nous n'avons pas vérifié la qualité des différents résultats de laboratoire. Nous nous sommes penchés sur ce que nous appelons le système de gestion de la qualité. Autrement dit, comment s'assure-t-on que le travail dans les laboratoires est de bonne qualité? Quand on constate des anomalies ou des problèmes, comment y remédie-t-on?

Le processus automatisé est l'un des problèmes qui nous a semblé grave. De nombreux problèmes ont été soulevés presque depuis le début de sa mise en œuvre. Plus d'un an a passé avant qu'on déclare que ce système comportait un problème de gestion de la qualité.

Divers scientifiques soulevaient des problèmes de ce genre, mais cela n'a jamais été identifié de sorte que personne n'a jamais cherché activement à vérifier. Cela a toujours été traité ponctuellement, en quelque sorte.

Nous avons signalé dans le rapport — et je suis certaine qu'il y a ici des gens qui connaissent la question mieux que moi — que l'un des problèmes que nous avions identifiés était celui des bâtonnets de diagnostic Hemastix dont les résultats manquaient d'uniformité ou étaient même contaminés. Il faut les utiliser d'une manière particulière. On ne peut pas les mettre dans l'échantillon. Je suis certaine que certains sénateurs connaissent très bien tout cela. Certains produits chimiques peuvent être dilués dans l'échantillon et contaminer les résultats.

Voilà le genre de problème qu'on a commencé à identifier une fois qu'on a vraiment traité cela comme un problème de gestion de la qualité, et l'on a alors commencé à se demander quelles pouvaient être les causes de ces anomalies.

Le sénateur Baker : Bien sûr, vous avez donné aussi d'autres exemples. Avez-vous reçu des renseignements précis qui nous donneraient l'assurance que la cause de cette différence dans les profils à partir du même échantillon sanguin a été trouvée et qu'on y a remédié?

Mme Fraser : Non, je ne peux pas vous donner cette assurance. Nous savons qu'on a bel et bien identifié ce problème du bâtonnet Hemastix, mais nous ne sommes pas entrés dans les détails des divers échantillons pour vérifier si l'on a vraiment trouvé la cause du problème. Nous voulions nous assurer que leur système de gestion de la qualité permettait d'identifier immédiatement de tels problèmes, qu'on s'y attaquait et qu'on s'était engagé à mettre en place certaines mesures pour y remédier à l'avenir. Nous ne saurons pas si cela a été fait avant de faire cette vérification de suivi.

Le vice-président : En attendant, nous ferons peut-être le suivi.

Mme Fraser : M. McRoberts veut ajouter quelque chose.

Hugh McRoberts, vérificateur général adjoint, Bureau du vérificateur général du Canada : À la conclusion de notre vérification, cette question demeurait non résolue. C'est une question que vous devriez peut-être à un moment donné poser à la GRC.

Le vice-président : Nous en prenons bonne note.

Le sénateur Campbell : Merci beaucoup d'être venue ici aujourd'hui. Je remarque que durant vos 10 années, vous n'avez pas obtenu de remise de peine pour bon comportement.

Pour établir le contexte de mon intervention, je voudrais dire que j'ai été membre de la GRC pendant 12 ans et qu'à cette époque, nous n'avions pas de preuve par empreintes génétiques. Cela n'existait pas. Cependant, durant ces 12 années, j'ai eu beaucoup de problèmes avec le laboratoire. Pendant les 20 années suivantes, j'ai été coroner et je me suis donc intéressé de très près à la question, de même que l'American Academy of Forensic Sciences, la Société canadienne des sciences judiciaires et la Northwestern Association of Forensic Sciences. Je me rappelle quand la preuve par l'ADN a fait ses débuts.

Quand on parle d'ADN, nous devons nous rappeler que c'est une science très récente qui est utilisée depuis moins de 25 ans. Pour les enquêteurs, ce fut comme la découverte des empreintes digitales. C'était de la même ampleur. S'il m'arrive souvent de critiquer le laboratoire, je comprends par ailleurs.

Il faut aussi comprendre que, du point de vue de l'enquêteur, l'ADN est comme une baguette magique. J'ai l'habitude d'appeler cela l'effet CSI. Dans certaines affaires de fraude, le jury a trouvé l'accusé non coupable parce qu'il n'y avait pas de preuve fondée sur l'ADN. C'est un projectile magique et l'on compte dessus.

Dans le domaine de la biologie, au-delà de l'ADN, ce laboratoire s'occupe-t-il d'autres aspects biologiques ou seulement de l'ADN?

M. Stock : Je n'ai pas une liste complète des tests biologiques, mais je sais qu'on y fait aussi d'autres tests en plus des tests d'ADN.

Le sénateur Campbell : Vous voulez dire d'autres tests biologiques?

M. Stock : Oui. Cela pourrait être n'importe quoi, par exemple l'analyse de fibres végétales.

Le sénateur Campbell : Ce problème des délais pourrait être en partie attribuable à autre chose que l'ADN. Nous prenons le département de biologie comme un tout.

M. Stock : C'est exact. Cependant, la majorité des cas et la plus grande partie de l'arriéré mettent en cause l'ADN.

Le sénateur Campbell : Au paragraphe 7.32, à la page 16 du rapport, on dit que la police trouvait que les résultats n'étaient pas fournis à temps. Je peux vous dire qu'un policier veut toujours obtenir l'information en date d'hier. Ce n'est jamais assez rapide pour la police.

J'essaie d'envisager tout cela dans un certain contexte, de mon point de vue. Je trouve que c'est un excellent rapport. Du point de vue de la vérification, c'est un excellent rapport.

Au sujet du contrôle de la qualité, quelqu'un a établi ce système; le gouvernement fédéral l'a acheté et l'a mis en place. Quand vous avez fait la vérification, avez-vous vérifié quelle formation cette compagnie donne pour mettre en place ce système automatisé? Le fabricant n'a pas simplement livré les machines. A-t-on fait de la formation?

M. Stock : Nous nous sommes penchés sur la formation dans le cadre de la vérification. Nous n'avons pas fait rapport sur la formation car c'était plutôt une question accessoire. On a examiné la formation des employés au laboratoire, par opposition à la formation portant plus précisément sur l'équipement servant à l'analyse d'ADN.

Le sénateur Campbell : Pourtant, le problème qui se pose est que le département de biologie, enfin le service de biologie, relativement à tous les autres services judiciaires, ne s'améliore pas. Ils vous disent qu'il s'améliore, mais nous savons que ce n'est pas le cas.

Il me semble que l'un des problèmes est la formation que ces gens-là reçoivent. Pourquoi leur donne-t-on des machines qu'ils ne sont pas capables d'utiliser ensuite, pour une raison quelconque?

M. McRoberts : Je pense que la réponse tient en partie au fait que ce n'était pas un système clé en main. Quand le système a été établi, certaines machines ont évidemment été achetées dans le commerce. Cependant, le système consiste en fait en un amalgame de machines et de procédés dans le cadre d'un protocole qui a été conçu par le laboratoire lui- même. Autrement dit, on l'a en quelque sorte assemblé sur place.

Le sénateur Campbell : Vous parlez d'accréditation. Je ne trouve nulle part que ces gens-là soient accrédités, sinon par eux-mêmes. Je peux vous dire que dans toute l'Amérique du Nord, l'ASCLD, c'est-à-dire l'American Society of Crime Lab Directors, accrédite la plupart des laboratoires. Une chose m'inquiète : si l'on prend toute une série de machines et que l'on conçoit ses propres processus, qui peut attester que ce que l'on fait est bien fait et, si tout va mal, quelle serait votre réaction? Je parle de la qualité. Je croyais que ce laboratoire était accrédité par l'ASCLD et je m'étonne qu'il ne le soit pas.

Mme Fraser : Je ne suis pas certaine que nous ayons examiné cette question précise. Je rappelle au comité que la vérification était très restreinte parce qu'un comité nous avait demandé de résoudre une contradiction entre des témoignages. Nous n'avons pas fait une vérification complète des laboratoires. Si nous l'avions fait, nous aurions examiné des éléments comme l'accréditation, la formation du personnel, et cetera. C'était en fait un exercice d'une portée très limitée.

Les problèmes du système de gestion de la qualité nous ont semblé importants et il nous fallait les signaler. C'était toutefois une vérification très restreinte et ciblée.

Le vice-président : Vous n'aviez pas le mandat d'examiner l'ensemble de la banque d'ADN, n'est-ce pas?

Mme Fraser : Non, non.

Le vice-président : Seulement le laboratoire, n'est-ce pas?

Mme Fraser : Je dirais que notre vérification portait essentiellement...

Le vice-président : Je lis la page 8 de votre rapport.

Mme Fraser : Le sommaire se trouve à la page 31. Qu'ont dit les témoins devant le comité, au Parlement, et qu'avons-nous constaté dans notre vérification? Des fonctionnaires ont comparu devant un comité de la Chambre des communes et ont fait certaines déclarations, après quoi d'anciens employés des laboratoires ont témoigné et ont contredit les premiers témoins. Le comité nous a donc demandé d'aller vérifier.

Le sénateur Campbell : À la page 31, j'en reviens à votre point no 13 dans votre document, quand vous dites que vous n'avez pas effectué de vérification particulière des SLJ depuis votre vérification de 2007.

Compte tenu de l'histoire de cette organisation, êtes-vous satisfaite de leur réponse? Nous ne verrons rien ici avant 2011, c'est-à-dire dans deux ans. Compte tenu de vos constatations aux pages 31 et 32, êtes-vous satisfaite de la réponse, quand on vous dit que l'on travaille fort pour remédier aux lacunes?

Mme Fraser : Je peux assurément dire qu'au moment de la vérification, la commissaire de l'époque, Beverley Busson, a pris l'affaire très au sérieux. Ils ont établi un plan d'action très complet qui a été déposé au Comité permanent des comptes publics et je pense qu'il y a eu deux ou trois audiences à l'autre endroit sur cette question. Chose certaine, nous avons constaté un engagement de sa part et de la part de ses principaux collaborateurs.

J'utilise beaucoup cette expression, mais nous étions d'un optimisme prudent. Cependant, nous ne le saurons pas avec certitude avant de faire un suivi. Nous devons aussi donner aux laboratoires le temps de mettre tout cela en place. Nous ferons également un suivi de plus vaste portée et nous y inclurons cette question. Le comité pourrait certainement leur demander ce plan d'action et un rapport d'étape pour savoir où ils en sont.

Le vice-président : Nous allons le faire.

Le sénateur Angus : Comme la vérificatrice générale l'a dit, le contexte de l'audition des témoins d'aujourd'hui est très restreint. Dans le document que la bibliothèque a rédigé à notre intention, on dit que la GRC a comparu devant le comité de la Chambre et a dit que les services de laboratoire judiciaire étaient parmi les meilleurs au monde, que les laboratoires n'avaient aucun arriéré de cas et que la priorité était accordée à toutes les affaires de crimes violents. Ils ont dit que leurs clients — les services de police et les procureurs de la Couronne — étaient satisfaits. Tel était leur témoignage devant le comité.

Les gens du Bureau du vérificateur général sont ensuite allés vérifier et, si je comprends bien, ont constaté que ce n'était pas le cas, en résumé.

Mme Fraser : C'est bien cela.

Le sénateur Angus : Nous allons maintenant visiter les laboratoires nous-mêmes.

Le vice-président : En effet.

Le sénateur Angus : J'ai été frappé par l'une de vos déclarations dans votre exposé d'aujourd'hui. Les mots sont toujours très révélateurs. Vous avez dit : « Je trouve encourageant qu'ils semblent mettre beaucoup d'ardeur à combler les lacunes signalées dans notre rapport. »

Maintenant, je trouve que vous semblez les féliciter du bout des lèvres. Comment se débrouillent-ils vraiment?

Mme Fraser : Je suppose que cela témoigne de la prudence d'un vérificateur qui s'abstient de dire que les choses s'améliorent avant d'avoir vérifié de ses propres yeux. Tout ce que nous avons fait, c'est de passer en revue certains documents et nous ne sommes donc pas vraiment allés vérifier si l'arriéré de dossiers augmente et s'ils nous présentent vraiment la situation réelle. Tel était le problème. Ils disaient qu'ils respectaient leur échéance de 30 jours. Cependant, le délai était considérablement plus long que cela. Nous pourrons nous en assurer seulement quand nous irons faire une vérification.

Le sénateur Angus : Monsieur le vice-président, j'hésitais même à aborder ce sujet, ces pauvres agents de la GRC, au moment même où on semble s'en prendre à eux de toutes parts. J'ai une certaine idée de la GRC, comme tous les Canadiens, j'en suis sûr. Il y a eu dernièrement certains événements malheureux.

En lisant cela et en vous écoutant, je me suis dit qu'ils recevaient encore une volée de bois vert et bien méritée, manifestement, parce que vous ne dites pas dans votre témoignage que tout va pour le mieux quand ce n'est pas le cas.

Je vous remercie pour votre franchise et, à vrai dire, je trouve que cela nous donne une feuille de route pour guider notre étude.

Le sénateur Dickson : Je m'adresse à la vérificatrice générale. Pour faire suite au point no 13 de votre résumé, je ne serai probablement pas ici en 2011 ou 2012 ou quand vous reviendrez nous faire rapport sur votre deuxième examen. Seriez-vous plus à l'aise si cette vérification était d'une portée beaucoup plus vaste que celle que vous avez faite initialement et dont vous faites état dans votre dernier rapport? Je trouve que c'est trop restreint, en toute franchise.

Mme Fraser : Nous pouvons envisager de le faire. Devrions-nous faire spécifiquement une vérification des laboratoires? Peut-être, après avoir pris connaissance des travaux du comité, pourrons-nous décider que non, ce n'est pas suffisant. Nous avions prévu au départ que cela s'inscrirait dans le cadre d'un suivi plus vaste que nous faisions sur un certain nombre de questions. Nous verrons, selon ce que le comité découvrira, mais aussi selon les résultats de notre propre suivi. Si nous constatons qu'ils n'ont rien fait, en réalité, alors je crois qu'une vérification complète s'imposerait.

Le sénateur Dickson : Quel est le rôle du comité consultatif dans le fonctionnement du laboratoire?

M. Stock : Je ne le sais pas, mais je peux vous obtenir ce renseignement.

Le sénateur Angus : Nous les avons déjà entendus au comité, y compris un juge de la Cour suprême à la retraite, et nous nous demandions ce qu'ils faisaient vraiment.

Mme Fraser : Je crains que nous ne possédons pas cette information.

Le vice-président : Les témoins ne sont probablement pas les mieux placés pour répondre à cette question.

Le sénateur Milne : Vous avez dit que la GRC devrait créer un comité consultatif national en matière judiciaire. Que ferait ce comité? Quel serait son mandat?

Le sénateur Milne : Cela se trouve dans l'annexe A, à la page 43.

Mme Fraser : C'était en rapport avec la consultation des clients et l'établissement des attentes en matière de rendement, si je ne m'abuse.

M. Stock : Je crois que c'est exact. L'un des points que nous avons fait valoir dans le chapitre était que l'on ne consultait pas suffisamment les clients pour déterminer si les processus que l'on appliquait répondaient aux besoins des clients. C'est dans ce contexte que nous disions qu'il fallait obtenir davantage de conseils pour s'assurer de répondre aux besoins des clients.

Le sénateur Wallace : En faisant votre vérification, vous avez manifestement senti le besoin d'examiner ce que faisaient d'autres laboratoires, pour renforcer vos propres connaissances, certainement, et peut-être aussi pour avoir un point de repère objectif pour évaluer ce qui se passe au laboratoire de la GRC. Dans cette partie de votre travail, avez- vous établi des critères précis, à partir de ce qui se fait dans les autres laboratoires, pour servir de points de repère et mesurer ce qui se fait au laboratoire d'ADN? Si vous ne l'avez pas fait, avez-vous senti le besoin de le faire pour qu'on puisse toujours faire cette comparaison avec ce qui se fait ailleurs et pour savoir quelle peut être l'influence des nouvelles technologies et techniques? L'établissement de tels points de repère nous permettrait de mieux comprendre où nous en sommes et à quoi nous devrions nous attendre sur le plan de l'assurance de la qualité.

Mme Fraser : Nous avons fait une comparaison très limitée, qui se trouve à la page 13 du rapport, avec certains autres laboratoires, par exemple en Ontario, au Québec, en Géorgie, en Floride, au Royaume-Uni et en Suède, uniquement parce que nous voulions évaluer la déclaration qui avait été faite devant le comité, quand ils ont dit qu'ils étaient les meilleurs au monde.

Comme vous pouvez le voir, nous avons examiné des éléments de base, par exemple les délais d'exécution. Nous n'avons pas fait une analyse comparative plus poussée comme vous le proposez. Notre bureau hésite généralement beaucoup à faire cela parce que nous croyons qu'en fait, les organisations elles-mêmes devraient s'en charger dans le cadre de leurs efforts d'amélioration de la gestion et les responsables devraient le savoir.

Je crois qu'ils ont participé à un groupe dont je ne me rappelle pas le nom grâce auquel ils partagent certaines pratiques. Ils devraient faire cela eux-mêmes et devraient pouvoir nous le dire. Ils devraient connaître les nouvelles techniques qui arrivent, les nouvelles procédures, et les intégrer à leurs propres activités. Ce serait peut-être à nous d'examiner cela et de voir s'ils le font vraiment, mais pour ce qui est de faire nous-mêmes l'analyse comparative, nous le faisons rarement.

Le sénateur Wallace : Vous avez déjà en partie répondu à ma question supplémentaire : compte tenu de votre expérience de vérificatrice, est-ce que vous vous attendez à ce qu'ils possèdent de tels outils d'analyse comparative dans le cadre de leur système et si vous constatez qu'il n'y en a pas, est-ce que vous feriez la recommandation que cela se fasse?

M. Stock : L'un des aspects qui ont rendu difficile de faire la comparaison est que les méthodologies ou les procédés sont légèrement différents dans les différents pays que nous avons examinés. Il serait très difficile d'établir une référence qui serait applicable à tous les pays.

Mme Fraser : Toutefois, nous nous attendons certainement qu'ils soient au courant de ce qui se fait dans d'autres pays, qu'ils sachent quelles sont les nouvelles technologies et quelles améliorations sont apportées au fonctionnement des laboratoires.

Le sénateur Wallace : Autrement, qu'est-ce qu'ils ont pour appuyer leur déclaration selon laquelle ils sont les meilleurs au monde? Ils doivent vous en convaincre.

Mme Fraser : Eh bien, la vérification montre qu'ils n'ont pas vraiment grand-chose pour appuyer cette déclaration.

Le sénateur Milne : Madame Fraser, après votre examen de 2007, avez-vous constaté des lacunes dans la loi qui seraient à l'origine de l'une ou l'autre des préoccupations que vous avez soulevées? Nous nous penchons là-dessus en ce moment. Avez-vous des améliorations à suggérer à la loi?

Mme Fraser : Nous n'avons pas examiné la loi comme telle. Nous nous sommes concentrés sur les aspects opérationnels. Je ne vois aucune de nos conclusions qui pourrait avoir une incidence sur la loi.

[Français]

Le vice-président : Je vous remercie, madame, d'avoir accepté notre invitation. Comme je l'ai dit aux témoins précédents, je vais consulter les recherchistes, et s'il y a des questions qui méritent d'être complétées, je vous les enverrai par écrit. De votre côté, si vous estimez qu'il y a des éléments qui devraient faire partie de nos témoignages, je vous invite à nous en faire part par écrit.

[Traduction]

Chers collègues, merci d'être venus. Demain, nous faisons notre petite visite aux laboratoires. Peut-être la greffière peut-elle nous en dire plus là-dessus.

Jessica Richardson, greffière du comité : L'autobus nous attendra à l'arrière de l'édifice de l'Est à 10 h 30 et on prévoit que tous les sénateurs seront de retour sur la Colline à 13 heures.

Le sénateur Angus : À la porte du Sénat?

Mme Richardson : Oui.

Le vice-président : La séance est levée.

(La séance est levée.)


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