Délibérations du Sous-comité sur la Santé des populations
Fascicule 1 - Témoignages du 5 mars 2009
OTTAWA, le jeudi 5 mars 2009
Le Sous-comité sur la santé des populations du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui, à 10 h 45, pour étudier, en vue d'en faire rapport, les divers facteurs et situations qui contribuent à la santé de la population canadienne, appelés collectivement les déterminants de la santé.
Le sénateur Wilbert J. Keon (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Honorables sénateurs, nous tenons ce matin une audience importante sur la collaboration intergouvernementale et intersectorielle dans le domaine de la santé des populations. Nous allons commencer tout de suite par Neil Bradford, de l'Université Western Ontario, qui a écrit beaucoup de choses sur le sujet. Sans plus tarder, monsieur Bradford, nous sommes prêts à écouter votre exposé.
Neil Bradford, professeur agrégé de sciences politiques, Collège universitaire Huron, Université de Western Ontario : Je suis heureux de me joindre à votre groupe et de participer à ces importantes délibérations sur les enjeux touchant la santé des populations. Les brèves observations que je vais formuler aujourd'hui sont peut-être assez générales et destinées à établir un contexte de réflexion au sujet de la gouvernance et de l'élaboration de politiques, dans ce domaine, et elles constitueront peut-être en un sens un cadre pour les exposés sur des sujets plus particuliers. J'aimerais vous présenter cinq thèmes, qui sont ceux du diaporama et qui ont trait à ce qu'on appelle maintenant les façons d'aborder la dimension locale et communautaire des politiques publiques et de la santé des populations. Ces cinq thèmes sont les suivants : les nouvelles connaissances en matière de politiques, les débats sur un nouveau modèle de politiques ou un nouveau cadre d'innovation, une comparaison des expériences faites avec ces approches dans les contextes européen et américain... Je vais vous dire que je pense que le Canada se trouve dans une situation où nous pouvons tirer parti du travail qui a été fait ailleurs, puis je vais vous présenter brièvement des idées pour l'avenir.
Pour ce qui est du contexte et des nouvelles connaissances en matière de politiques, l'intérêt que suscitent les approches à dimension locale et communautaire témoigne d'une conscience et d'une compréhension de plus en plus grandes des problèmes de politique complexes, profonds, étroitement liés, spécifiques au territoire et qui ne peuvent être réglés par un seul acteur. Certains grands sujets de recherche convergent vers la compréhension des problèmes complexes et des répercussions sur le plan des politiques. J'en cite trois pour notre discussion : les déterminants sociaux de la santé, les travaux sur les effets du voisinage et l'habilitation fondée sur les atouts. Chacun de ces ensembles de travaux de recherche décrit non seulement la façon dont les problèmes sont de plus en plus concentrés aux mêmes endroits, mais également les raisons pour lesquelles la participation et l'engagement communautaires sont nécessaires pour faire des progrès.
Le rapport Harcourt sur les villes et les collectivités résume vraiment bien le message essentiel que j'essaie de faire passer ici : il convient de trouver des solutions adaptées aux problèmes à dimension locale ayant des conséquences nationales. Un rapport paru récemment en Ontario et intitulé Rapport sur les causes de la violence chez les jeunes renforce et précise ce message sur l'importance des stratégies à dimension locale et communautaire.
Pour ce qui est des caractéristiques de cette nouvelle approche en matière de politiques, il y a un fort consensus dans la documentation de recherche quant au fait que cette stratégie réunit les gouvernements et les collectivités dans une relation nouvelle et différente, au-delà des catégories de la centralisation et de la décentralisation du passé, et vers une réflexion sur la collaboration horizontale et verticale visant une prise de décisions conjointe et à plusieurs niveaux, axée sur les résultats stratégiques qui transcendent les mandats individuels, mais s'inscrivent dans le cadre de priorités communes. Il y a aussi l'idée de tirer parti du genre de connaissance à dimension locale qui est accessible à l'échelle communautaire, de tirer parti de ces réseaux et atouts pour régler les problèmes et pour améliorer le processus d'élaboration des politiques et de réfléchir à des investissements préventifs, en amont, pour s'attaquer aux causes fondamentales et promouvoir le mieux-être à long terme.
Il y a l'idée de travailler avec des organes de gouvernance locaux souvent assez novateurs et dans le cadre de collaborations du genre, comme des carrefours communautaires. Assurément, dans le domaine de la santé des populations, nous avons vu dans toutes les provinces toutes sortes d'ententes de collaboration régionales, notamment les réseaux d'intégration des services de santé locaux en Ontario et le Programme d'action communautaire pour les enfants du gouvernement fédéral.
J'irais plus loin et j'ajouterais que, lorsque nous examinons les progrès réalisés quant à ce modèle communautaire, au cours des deux dernières décennies, nous avons été témoins d'une chose vraiment intéressante dans tous les pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques, l'OCDE, qui cherchent à mettre à l'essai et à institutionnaliser ce genre de stratégies. Il y a deux pays qui peuvent nous servir de points de référence intéressants pour ce qui est des milieux d'élaboration de politiques du Canada dans l'avenir : l'Angleterre et les États-Unis. Ils se distinguent par la voie qu'ils ont suivie pour l'adoption d'approches à dimension communautaire et locale.
En Angleterre, nous avons été témoins d'un investissement important dans ce qu'on appelle le gouvernement décloisonné, la National Strategy for Neighbourhood Renewal, la Social Exclusion Unit en lien avec des partenariats stratégiques à l'échelle locale — tout un éventail de structures gouvernementales visant à régler ces problèmes locaux de façon davantage axée sur la collaboration.
La documentation de recherche et d'évaluation est intéressante en ce qui a trait à l'approche anglaise. Le modèle du Royaume-Uni a été reconnu comme étant un modèle national complet, même si, en un sens, il est peut-être trop vertical et normatif dans la façon d'aborder les collectivités, et même si une centralisation de l'indicateur et de l'objectif ou du processus d'obtention des résultats a limité la liberté de manoeuvre et la créativité à l'échelle locale.
On pourrait résumer en disant que les Britanniques ont très bien réussi quant à la dimension horizontale de l'établissement de liens et qu'ils ont été moins solides dans leur façon d'aborder le volet vertical du renforcement communautaire.
Les États-Unis, en un sens, sont l'image inversée du modèle anglais. Les États-Unis ont une longue tradition de renforcement communautaire, avec des choses comme les community development block grants, les programmes d'habilitation des collectivités, le travail des fondations nationales, l'établissement d'une infrastructure communautaire pour la mise en commun. La force de l'approche locale et décentralisée des États-Unis a eu également pour conséquence qu'elle est peut-être un peu trop ascendante et fragmentée, et bon nombre des intervenants communautaires ne profitent pas du soutien d'un cadre stratégique national élargi, ce qui fait que les collectivités essaient de se débrouiller par elles-mêmes.
On pourrait résumer en disant que l'expérience américaine a été plus fructueuse sur le plan des relations verticales vers les collectivités, mais qu'elle a été moins concluante pour ce qui est d'inscrire ces relations dans le cadre de politiques nationales et horizontales pouvant les appuyer.
Où se situe le Canada à cet égard? D'après la documentation, le consensus semble être que, au Canada, nous avons eu tendance un peu trop à adopter ces innovations à la pièce et en retard — nous avons connu un départ lent, si vous voulez.
La documentation relève toutes sortes d'obstacles importants ou de problèmes sur le front intergouvernemental pour ce qui est des relations entre les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux, qui demeurent difficiles et contestées — une culture bureaucratique qui se caractérise par une vision ministérielle verticale qui s'enracine dans les importantes responsabilités ministérielles, mais qui demeure une espèce d'obstacle à ce genre de travail de collaboration, puis une culture de hiérarchie dans le domaine des politiques aussi, qui a limité la capacité des collectivités et des municipalités et la participation des intervenants locaux, qui n'ont pas pu prendre part au débat.
Comparativement, à l'Angleterre et aux États-Unis, il est juste de dire pour résumer que les progrès réalisés par le Canada ont été assez modestes. J'ajouterais qu'énormément de travaux de recherche ont été faits sur des questions comme l'horizontalité et la collaboration entre les ministères, mais que ceux-ci n'ont pas vraiment donné lieu à la création d'un cadre national pour les activités d'élaboration des politiques. Je vous dirais qu'il y a un genre d'avantage du retardataire dont peuvent maintenant tirer parti les milieux d'élaboration des politiques du Canada. Nous pouvons apprendre des choses des autres pour ce qui est d'essayer de trouver le bon amalgame de modèles de politiques, descendants et ascendants, l'équilibre entre une certaine marge de manœuvre à l'échelle locale et l'obligation de rendre des comptes à l'échelle nationale.
Nous pouvons assurément tirer des leçons des expériences que nous sommes en train de faire, et j'ai établi la liste de quelques-unes d'entre elles qui sont assez exemplaires. Nous pouvons apprendre des choses en examinant nos propres cadres pancanadiens d'élaboration de politiques ayant été mis au point au cours des dernières années.
Je dirais, pour résumer ces idées, que toutes ces initiatives visent dans une certaine mesure et à des degrés divers à conclure des ententes cadres en ce qui concerne les structures gouvernementales qui préciseront les résultats stratégiques, les rôles et les responsabilités, qu'elles visent à trouver des façons d'intégrer la prestation des services à l'échelle communautaire, qu'elles visent à trouver des façons de mettre le financement en commun et d'élaborer des accords de contribution axés sur les engagements des différents ministères, qu'elles visent à établir un mécanisme normalisé de reddition de comptes pour des intervenants communautaires des différents ministères concernés, et que, en retour, on travaille à l'élaboration de cadres de responsabilisation et du processus d'évaluation commun. Je ne dis pas que ces expériences ou ces modèles dont l'application est en cours au Canada ont tout mis ensemble, mais il y a certainement des leçons importantes à tirer de ces différentes innovations qui sont en cours et de ces expériences qui se déroulent chez nous.
Je pense que, en adoptant l'idée de réfléchir aux possibilités de tirer les leçons de ces expériences en cours, de réfléchir aux cadres de reddition de comptes et d'évaluation adéquats qui, comme je le dis ici, sont patients et communs, en respectant la complexité de ce genre de travail d'élaboration de politiques et le fait que c'est un travail à long terme, nous apprenons à mieux tirer parti de nos réussites, à trouver ce qui fonctionne le mieux de façon à ne pas finir avec une série d'initiatives pilotes ponctuelles et à court terme, et plutôt de déterminer les pratiques et les innovations qui fonctionnent et qui doivent être intégrées plus pleinement à nos démarches en matière d'élaboration de politiques.
Ensuite, il y a cet établissement de liens, cette construction de notre savoir de façon cumulative par ces différentes expériences, le travail de transfert des connaissances entre différents lieux où s'élaborent des politiques en collaboration, la promotion d'un milieu canadien de la recherche et de la pratique. Les deux autres pays dont j'ai parlé sont bien en avance sur nous à cet égard. Au Royaume-Uni, l'Academy for Sustainable Communities a été mise sur pied pour rassembler les différents intervenants qui font ce travail d'élaboration de politiques en collaboration. Aux États-Unis, il y a une longue tradition de fondations nationales qui font le même genre de travail de recherches intensives sur les mesures à prendre et qui diffusent des connaissances sur les meilleures institutions à créer et les meilleures stratégies à adopter.
Je terminerais donc en réfléchissant à ces questions sur le plan du leadership et, de façon plus générale, en ce qui concerne l'avenir du Canada, et en disant que nous pouvons réfléchir ici à un important rôle de leadership que le gouvernement fédéral pourrait jouer. Dans ces approches à dimension locale et communautaire, les responsabilités sont partagées par de nombreuses administrations et de nombreux secteurs. Ces approches sont appliquées dans toutes sortes d'endroits, des plus petites collectivités rurales aux plus gros quartiers de nos centres urbains. Le problème n'est celui d'aucun intervenant en particulier, mais ce genre de leadership national pouvant faire bouger les choses est nécessaire en ce moment.
Je vous dirais qu'une grande partie du travail de fond d'élaboration des politiques se fera à l'échelle provinciale, lorsque nous pensons à ce genre de problèmes complexes sur les plans social et d'élaboration des politiques. C'est le champ de compétence des provinces, mais ça ne veut pas dire qu'il n'existe pas un rôle de catalyseur et de coordination. L'occasion importante qui s'offre au gouvernement fédéral, c'est de faire preuve de ce genre de leadership et de travailler à ces possibilités d'intégration.
Je termine en disant que, compte tenu de la situation économique actuelle, qui fera en sorte que pas mal plus d'argent que d'habitude sera versé aux villes et aux collectivités, dans le contexte d'une série de mesures de stimulation de l'économie, ces leçons peuvent devenir de plus en plus importantes, parce que, sur le terrain, les gens auront la capacité de recevoir ces fonds et de travailler de façon créative et constructive au déploiement des programmes, et, en retour, d'instaurer des cadres pour avoir accès à cet argent et pour pouvoir rendre des comptes à cet égard.
Ce programme permet de régler les problèmes auxquels nous sommes actuellement confrontés.
Le président : Merci beaucoup, monsieur Bradford. Vos propos sont très pertinents. Nous allons approfondir ces questions tout à l'heure.
Peut-être pouvons-nous céder la parole à Trevor Hancock, qui a écrit beaucoup de choses sur la santé des populations, et surtout sur les organisations communautaires, où nos réflexions peuvent être appliquées
Dr Trevor Hancock, consultant en promotion de la santé, à titre personnel : C'est un plaisir et un honneur d'être ici. J'ai effectivement écrit une réponse assez longue à votre quatrième rapport, que vous avez reçu au cours de l'été, je pense, et j'espère que l'on vous a remis les notes d'allocution que j'ai préparées pour la séance de ce matin. Je ne vais pas aborder tout ce qu'il y a dans ces notes, parce que j'aurais besoin de plus que les cinq ou sept minutes qui me sont accordées. À de nombreux égards, mes notes réitèrent, renforcent et précisent ce que j'ai dit dans la réponse que j'ai rédigée au cours de l'été.
J'aimerais aborder trois questions. J'ai remarqué que vous étiez intéressé à inscrire la discussion d'aujourd'hui dans le cadre de mécanismes, de modèles et de principes. Je voudrais commencer par trois principes et parler brièvement de chacun d'entre eux.
Le premier principe, c'est que les gens doivent être au centre de l'attention. J'ai présenté des allocutions que j'ai appelées « Ce sont les gens, idiot », ce qui est une variante du fameux « C'est l'économie, idiot » lancé par Bill Clinton pendant la campagne présidentielle. Ma réponse, à l'époque, c'était toujours non, ce n'est pas l'économie, ce sont les gens. Les gens doivent être au centre des préoccupations.
Le deuxième principe, c'est que nous sommes tous dans le même bateau. Il y a des coûts que tous les membres de la société paient lorsque nous ne faisons pas un bon travail au chapitre du développement humain et de l'amélioration de la santé des populations, et il y a des avantages dont tout le monde profite lorsque nous faisons du bon travail.
Le troisième principe reprend certains des thèmes que M. Bradford a abordés, c'est-à-dire que la collectivité et l'endroit sont des choses importantes. Essentiellement, nous devons aborder ces problèmes là où les gens vivent, apprennent, travaillent et s'amusent, ce qui est le principe directeur du mouvement des villes et des collectivités saines que j'ai contribué à créer au début des années 80. Comme le sénateur Eggleton le sait, nous faisions un travail novateur à Toronto à l'époque où il était maire, et ce travail se poursuit encore aujourd'hui.
Tout d'abord, pour ce qui est de la place centrale qu'occupent les gens, je dirais que la raison d'être, ça devrait être — ce n'est pas nécessairement le cas, mais ça devrait — le développement humain, c'est-à-dire que nous devrions nous occuper de favoriser le développement des gens. Comment s'y prendre pour favoriser l'accroissement de la capacité humaine, des aptitudes humaines et du potentiel humain? Comment fait-on pour faire en sorte que les gens se développent? C'est de ça que nous devrions nous occuper dans toutes les administrations, que ce soit le gouvernement fédéral, les gouvernements provinciaux, territoriaux ou autochtones ou encore les administrations municipales.
Au fil des ans, j'en suis venu à envisager les choses de façon plus générale, pas seulement du point de vue de la santé des populations, et à inscrire la santé des populations dans le cadre du paradigme plus général du développement humain, et c'est ça, notre but. Les questions de développement social et économique ont pour objectif le développement humain. Il ne s'agit pas de la croissance économique. Il s'agit de l'avancement de la société, mais l'objectif véritable de ça, encore une fois, c'est le développement individuel.
Je suis sûr que nous allons revenir sur ces thèmes plus tard, mais l'un des mécanismes qui me viennent à l'esprit, c'est l'idée de ministres ou de ministères du développement humain. C'est assez bizarre qu'il n'y ait pas, dans la plupart des cas, de comité du Cabinet sur le développement humain. Il y a des comités du Cabinet sur la croissance économique, sur l'exploitation des ressources, sur le développement durable et sur le développement social, mais il n'y en a pas sur le développement des gens.
Il y a l'idée d'une espèce de conseil ou de commission nationale qui réunirait les organisations jouant un rôle avant- plan à l'échelle nationale. Par « nationale », j'entends les différentes administrations — fédérale, provinciales, territoriales et municipales —, mais également le secteur privé, le secteur des ONG et le secteur communautaire.
L'une des idées dont M. Bradford a parlé au sujet du développement humain et des politiques intergouvernementales, c'est celle d'effectuer des évaluations des répercussions sur les gens. Encore une fois, nous procédons à des évaluations de retombées économiques, et, parfois, des répercussions sociales et environnementales, mais, pour une raison ou pour une autre, nous n'effectuons pas d'évaluations des répercussions sur la santé, ou, de façon encore plus générale, d'évaluations des répercussions sur les gens.
Parmi les processus qui font partie de ces évaluations, il y a l'établissement de plans de développement humain assortis de buts et de cibles, et la reddition de comptes, ce qui est lié à certaines des questions abordées par M. Bradford en ce qui concerne la reddition de comptes sur le développement humain. À l'échelle nationale, nous avons besoin de ce grand cadre englobant et d'un leadership important pour ce qui est des questions touchant le développement humain et la santé des populations.
Mon deuxième principe, comme je l'ai dit, c'est que nous sommes tous dans le même bateau, qu'on parle du gouvernement ou du secteur privé, ou encore des collectivités ou des municipalités. Il y a des avantages pour tous à accroître le développement humain — tout d'abord, les gens sont en meilleure santé et plus heureux, il y a moins de douleurs et de souffrances, les collectivités sont plus en santé, il y a moins de coûts sociaux, et la productivité est accrue.
Le rôle du secteur privé à cet égard est intéressant. Je félicite le Conference Board du Canada du rapport qu'il a publié récemment, Healthy People, Healthy Performance, Healthy Profits, qui entame une réflexion sur les raisons pour lesquelles le secteur privé devrait s'intéresser à la santé des populations et aux déterminants de la santé et investir dans ce domaine. C'est quelque chose de très positif.
En lien avec ça, il y a une idée qui remonte à des années, à 1984, en fait. Pour le centième anniversaire du Toronto Board of Health, nous avons organisé une conférence intitulée « Beyond Health Care ». Le sénateur Eggleton y a participé à titre de maire de Toronto. Nous avons commencé à parler à ce moment-là de l'idée de politiques publiques saines.
Plus récemment, j'en suis aussi venu à parler de l'idée de politiques privées saines — des choses comme la taille des portions, qui est une question importante par rapport à l'obésité et à la quantité de nourriture qu'on nous offre et que nous absorbons. Je ne pense pas que les gouvernements pourraient intervenir et commencer à décider des portions de nourriture. Je pense que ça va demeurer une politique privée. Dans ce cas, comment faire, dans le secteur de l'alimentation, pour remplacer la politique actuelle, c'est-à-dire que plus la portion est grosse, mieux c'est, par une politique privée plus saine?
Vu que nous sommes tous dans le même bateau, l'idée de groupes de leadership multisectoriels s'applique. J'ai mentionné l'idée d'une espèce de commission nationale ou de conseil national sur le développement humain et la santé des populations.
J'ai été impressionné par le travail qu'on a fait dans le cadre des conseils du premier ministre en Ontario à la fin des années 1980 et au début des années 1990, lorsqu'on a essayé de mettre en lien les facteurs touchant la santé et les facteurs économiques et environnementaux. C'était un modèle intéressant. Ces conseils étaient présidés par le premier ministre. Le tiers des membres étaient des ministres, le tiers provenaient du secteur concerné, et le dernier tiers étaient des citoyens jouant un rôle d'avant-plan dans différents secteurs. C'était un modèle intéressant de la façon de réunir ces éléments.
Le fait que nous soyons tous dans le même bateau, c'est aussi une question de participation communautaire et de démocratie. Il y a un certain nombre d'années, peu après que le Rideau de fer est tombé, nous avons effectué des travaux financés par le Fonds danois pour la démocratie sur la façon de faire un travail sur les villes saines en Europe de l'Est. Les responsables du Fonds danois pour la démocratie ont financé nos travaux parce qu'ils savaient qu'apprendre à rendre une ville plus saine, c'est aussi apprendre des choses sur la démocratie. Il y a là-dedans un important processus communautaire de démocratie participative.
Je vais rapidement aborder la dernière idée que je voulais aborder, parce que je sais qu'il me reste peu de temps. La collectivité et l'endroit sont des choses importantes. Dans le domaine de la promotion de la santé, il y a ce que nous appelons la démarche axée sur le milieu. Si on veut améliorer la santé des populations, il faut aborder le problème dans le milieu où les gens vivent : les maisons, les écoles, les lieux de travail, les hôpitaux et les quartiers.
Dans mes notes, je décris une autre idée — je ne vais pas en parler en détail tout de suite —, qui concerne la manière d'axer les efforts que nous déployons à l'échelle nationale sur les maisons, les écoles et les lieux de travail en santé. Il existe un réseau national des écoles en santé, mais il est certain que ce réseau pourrait être renforcé. Je n'ai encore rien vu de semblable pour ce qui est des lieux de travail, pas plus qu'en ce qui concerne les maisons et les collectivités en santé, du point de vue général dont je parle.
Au début des années 90, il y avait la Coalition canadienne des communautés en santé. Celle-ci a péri dans les compressions budgétaires de 1992, et elle n'a jamais été remise sur pied, mais je pense qu'il faudrait le faire.
S'il y a un endroit dans la collectivité qui devrait être le lieu de travail le plus en santé, où la nourriture est la meilleure et où on peut bien dormir, cela devrait être l'hôpital, mais nous savons que ce n'est souvent pas le cas. Comment s'y prendre pour créer des hôpitaux en santé et écologiques qui soient des lieux de travail où l'on peut guérir?
Tous ces éléments font partie de ce que fait une collectivité en santé, et le problème global, c'est donc celui de la création de collectivités en santé et la façon, comme M. Bradford l'a dit, de régler ces problèmes complexes à l'échelle nationale et à l'échelle locale. C'est là que se trouvent beaucoup des réponses, et ça signifie également d'examiner le rôle des administrations municipales et les façons de le renforcer.
Je m'arrête ici, et je serai heureux de participer au débat avec vous tout à l'heure.
Le président : Merci beaucoup, monsieur Hancock. Vous nous avez énormément aidés jusqu'à maintenant, et nous allons encore vous demander de l'aide.
Notre prochain témoin est David Hay, qui a écrit lui aussi beaucoup de choses sur la santé des populations et fait beaucoup de recherches dans ce domaine. Monsieur Hay, nous aimerions entendre ce que vous avez à dire.
David Hay, directeur, Information Partnership : Merci à tous de l'invitation; c'est vraiment un plaisir d'être ici.
J'ai fait beaucoup de travail, au cours des 20 ou 25 dernières années, dans le domaine de la santé des populations en général. La question de la prise de décisions a toujours fait partie de ce travail : comment les décisions sont prises, qui les prend et quelles sont les structures et les organisations qui soutiennent la prise de décisions.
Je vous félicite de vous concentrer sur la gouvernance et sur ces questions qui ont trait à la façon d'adopter une démarche pangouvernementale, comme vous l'avez écrit dans votre rapport, pour aborder ces enjeux liés à la santé des populations. C'est une question fondamentale qui fait l'objet de plus en plus de travaux de recherche. M. Bradford et le Dr Hancock ont décrit de meilleurs exemples, mais nous sommes toujours en retard. M. Bradford a décrit la situation au Royaume-Uni, aux États-Unis et ailleurs par rapport à notre capacité de faire la promotion d'une gouvernance commune.
Les observations que je vais formuler aujourd'hui ont trait à ce thème de la gouvernance commune, et je vais parler de certaines des réalités actuelles et de certains des problèmes et des continuums, puis je vais dire deux ou trois choses sur l'avenir. C'est un domaine très vaste, et nous n'abordons ici que quelques questions. J'espère que nous pourrons les approfondir pendant la période de questions.
Je veux parler de quatre choses : ma définition de la gouvernance commune, certaines des réalités actuelles, certains des problèmes à régler et deux ou trois choses au sujet de l'avenir.
Je travaille actuellement en collaboration avec le gouvernement fédéral dans le cadre du Projet de recherche sur les politiques. Il y a un an environ, les responsables du Projet de recherche sur les politiques et ceux du Forum des politiques publiques ont organisé un atelier sur la gouvernance commune et produit un rapport. Ce rapport figure dans le site web du Forum des politiques publiques. Il s'agit d'une décision du rôle du gouvernement fédéral dans le contexte de la gouvernance commune. Si vous ne l'avez pas lue, je vous recommanderais de le faire, car c'est une publication qu'il vaut la peine de consulter. Le document porte sur bon nombre des questions sur lesquelles vous vous penchez.
Les auteurs parlent de la gouvernance commune comme d'une relation non hiérarchique entre les gouvernements et des intervenants non gouvernementaux. J'ajouterais aussi au sein des gouvernements et des organisations non gouvernementales et entre eux, parce qu'un certain nombre de choses touchant la collaboration doivent se passer au sein des organisations elles-mêmes ou d'un gouvernement donné, puisque la collaboration a de nombreux objectifs.
Il y a des fonctions d'intégration dans le cadre desquelles il faut réunir les gens des finances, des politiques et des programmes. Il y a une collaboration entre les administrations afin de mettre ces intervenants en contact et de régler certains problèmes particuliers ayant trait aux politiques. Il y a une collaboration entre les intervenants des différents domaines et les différents ministères; lorsque nous parlons d'» horizontalité », c'est généralement à ce genre de choses que nous pensons. La collaboration est également nécessaire pour ce qui est de l'intégration des sources et des types d'information, par exemple l'information de recherche quantitative et qualitative, et si nous tirons l'information de recensements, d'enquêtes auprès de certains échantillons, d'études de cas, et ainsi de suite. Il est nécessaire de collaborer à cet égard, et aussi de regrouper l'information. Il y a une collaboration entre les secteurs et les gens qui ont différents intérêts. Dans le vocabulaire du domaine des politiques sociales, on dit que la famille, les collectivités, les organisations communautaires, le gouvernement et les entreprises sont des secteurs. Il s'agit de définitions générales et qui se recoupent, mais ces secteurs doivent trouver des façons de collaborer ainsi que de régler les problèmes.
Une autre chose dont on ne parle parfois pas autant, c'est la nécessité d'une collaboration sur le plan des perceptions, des attitudes et des valeurs, d'un dialogue. Les gens qui participent à un débat ne perçoivent pas toujours un problème donné de la même façon. Il y a donc là-dedans aussi un besoin de collaboration et d'échange.
Les relations de gouvernance doivent également être des relations assorties d'objectifs dans le cadre desquels on a une idée commune du problème stratégique et des buts à atteindre pour régler ce problème. C'est l'objectif qui réunit les gens et qui les aide à orienter et à intégrer leurs efforts des façons que j'ai décrites pour régler ces problèmes particuliers.
Il faut parler de certaines réalités actuelles pour mettre en lumière les tensions qui existent. M. Bradford a écrit des choses sur la caractérisation du fédéralisme du gouvernement actuel et des gouvernements précédents. Il a écrit que les gouvernements précédents pratiquaient un fédéralisme pur alors que les objectifs stratégiques exigeaient une collaboration à la fois horizontale et verticale.
Le gouvernement actuel a dit prôner un fédéralisme d'ouverture et respecter davantage la répartition constitutionnelle des pouvoirs et éviter d'empiéter sur le champ de compétence des autres. Il est difficile, évidemment, du point de vue du gouvernement fédéral, de travailler dans le domaine de la santé, puisque, sur le plan constitutionnel, c'est un champ de compétence provincial. Notre position par rapport au fédéralisme et notre façon d'aborder la question dépendra du point de vue du gouvernement sur les questions qu'il appuie ou qu'il conteste et de la façon les problèmes sont réglés.
Où nous situons-nous dans le continuum du leadership ou de l'unilatéralisme? Le leadership est toujours quelque chose de nécessaire, mais, dans certains cas, il est simplement unilatéral et autocratique. Ainsi, il faut toujours qu'il y ait une réflexion lorsque nous parlons de leadership. S'agit-il de leadership au sein d'un partenariat ou de leadership qui sert à obtenir ce qu'on veut obtenir d'un partenariat ou d'une collaboration donnée?
Il y a aussi la question de la reddition de comptes dans le processus décisionnel. Respectons-nous vraiment le principe du triple bilan? Nous assurons-nous d'envisager les choses dans l'optique sociale, économique et environnementale lorsque nous prenons des décisions? Dans certains cas, le processus d'élaboration de politiques sociales a été décrit comme étant un processus de « fiscalisation », dans le cadre duquel les objectifs d'efficience et de viabilité financière supplantent les objectifs d'équité et de justice sociale. Dans ces cas, il y a moins d'équilibre, et le bilan économique est favorisé.
Y a-t-il surabondance ou insuffisance d'information? Nous vivons dans un monde où nous avons accès à tellement d'information que nous ne savons pas quoi en faire. Cependant, l'accès à l'information n'est pas le même pour tous ni partagé ni soutenu. Pour beaucoup d'organisations communautaires, c'est quelque chose qui s'est grandement amélioré au cours des dernières années, mais ces organisations n'ont pas accès au même genre d'information que les politiciens, les bureaucrates et les fonctionnaires fédéraux. Il y a des inégalités au chapitre de l'accès à l'information.
Puisque nous parlons de nos réalités, sommes-nous en retard au chapitre de l'innovation? Manquons-nous d'idées pour résoudre les problèmes ou y a-t-il des lacunes dans notre soutien à l'innovation? Lorsque Thomas Homer-Dixon a publié son livre sur le manque d'ingéniosité il y a quelques années, j'ai échangé des courriels avec lui et lui ai dit que c'est moins un manque d'ingéniosité qu'un manque de structures et d'organisations qui appuient l'ingéniosité et l'innovation, qui les incubent et leur permettent de prendre de l'ampleur. Il y a de nombreux obstacles structurels à cet égard.
Quels sont les obstacles à la collaboration? Si je me place du point de vue du gouvernement fédéral, la culture organisationnelle pose problème en soi. Le gouvernement fédéral est généralement réticent à prendre des risques. Il n'offre pas beaucoup de récompenses aux gens font évoluer le dossier et qui essaient de faire les choses différemment. Dans bien des cas, lorsqu'il prend part à des partenariats ou à des initiatives de collaboration, le gouvernement fédéral est vu comme le grand frère et comme celui qui dirige les choses, plutôt que de jouer un véritable rôle de partenaire.
En ce qui concerne la structure verticale des pouvoirs et la reddition de comptes, il y a beaucoup de débats, et on a écrit beaucoup de choses au sujet de l'« horizontalité ». Cependant, un obstacle important qui empêche de faire bouger les choses, c'est tout simplement les lignes très directes de la structure verticale des pouvoirs et de la reddition de comptes. Cela caractérise la façon de faire les choses et la capacité de travailler de façon horizontale. C'est difficile lorsqu'il faut chaque fois s'écarter de l'initiative de partenariat et revenir à l'origine, aux structures verticales, pour s'assurer que les décisions sont approuvées de ce côté-là également.
Notre régime de responsabilité à l'égard du public est assez rigide dans l'ensemble. Il est important, évidemment, de s'assurer que les données publiques sont bien utilisées, mais cette exigence limite la capacité d'agir de la fonction publique. Le fardeau administratif est très lourd, s'en acquitter exige beaucoup d'heures-personnes, et l'argent sert à autre chose qu'à effectuer le travail.
Il y a un problème qui touche les réseaux de soutien, les institutions et l'engagement. Il existe beaucoup de réseaux officieux, mais il n'y a pas de bons modèles de soutien en étoile visant à s'assurer qu'il y a des voies de transmission de l'information et de prise de décisions. M. Bradford a parlé de ça aussi.
J'ai parlé des lacunes au chapitre de l'information, et l'infrastructure de l'information pose également problème et doit faire l'objet d'un certain travail.
Bon nombre de ces initiatives de collaboration n'ont pas lieu s'il n'y a pas d'argent qui puisse être utilisé dans le cadre d'un processus de prise de décisions conjointes ou dont les gens puissent prendre une partie pour travailler à leurs propres initiatives. Lorsque j'étais membre des Réseaux canadiens de recherche en politiques publiques, nous avons rédigé un rapport sur la structure de gestion des programmes visant les enfants, ce qu'on appelait l'infrastructure de gestion conjointe, pour le Programme canadien de nutrition prénatale et le Programme d'action communautaire pour les enfants, et nous avons découvert que l'une des principales raisons pour lesquelles les gens participaient à l'initiative de collaboration, quoique ce modèle a d'autres répercussions positives, points forts et points faibles, c'était l'argent. On nous a dit clairement que, lorsque l'argent est allé ailleurs et que les initiatives de développement de la petite enfance ont été créées par la suite, la majeure partie de l'énergie consacrée à tout le modèle s'est envolée.
Pour l'avenir, il est clair qu'il faut un leadership et des chefs de file. On parle beaucoup de toute cette affaire de gouvernance commune dans le monde complexe dans lequel nous vivons et dans le contexte de la répartition constitutionnelle des pouvoirs, et c'est tout à fait sensé, mais il faut un leadership appuyé qui vienne non seulement d'en haut, mais de partout, et il faut que des chefs de file défendent cette idée. Comme je l'ai dit déjà, s'il n'y a pas de chef de file au sein du gouvernement fédéral, de façon générale, qu'on n'envisage pas de nouvelles initiatives sans ce genre de leadership.
Comme je l'ai dit brièvement tout à l'heure, pour que les choses avancent, il faut une définition claire des problèmes stratégiques en fonction des objectifs, afin de promouvoir la collaboration. Il y a beaucoup d'activités au pays à l'heure actuelle, surtout dans les provinces et dans les collectivités, et on fait des choses dans le domaine de la pauvreté et pour régler le problème de la pauvreté au Canada, et c'est le fait de mettre l'accent sur le problème qui aide à établir une collaboration.
Pour ce qui est des secrétariats ou des centres, au fil des ans, bon nombre des organisations qui réunissaient les gens et qui faisaient la promotion de réseaux et de l'échange d'idées ont disparu. Bon nombre d'entre elles faisaient partie du secteur sans but lucratif. Certaines étaient issues du gouvernement, par exemple, le Conseil économique du Canada et la Commission de réforme du droit au Canada. Ces organisations ont disparu, et ce réseautage et cette fonction d'intégration sont des choses très importantes.
Je dirais pour conclure qu'il y a deux questions fondamentales à aborder. La première, c'est évidemment la gouvernance, comme je l'ai dit, et l'autre, c'est les problèmes qu'il faut régler, comme l'ont mentionné M. Bradford et le Dr Hancock, dans le renforcement des capacités pour s'assurer que les citoyens du pays ont la capacité de véritablement participer à ce genre d'exercices. Merci.
Le président : Merci beaucoup, monsieur Hay.
Nous allons faire une pause à 11 h 30 le temps de permettre à des témoins de la Colombie-Britannique de se joindre à nous par téléconférence, mais il nous reste cinq minutes, alors permettez-moi de vous exploiter tous les trois pendant cinq minutes. Les autres sénateurs vont vous poser des questions plus tard, lorsque tout le monde sera là.
L'objectif de notre rapport était d'améliorer la situation au Canada sur les plans de la santé, du mieux-être et de la productivité, qui n'est pas très bonne compte tenu de toutes les ressources auxquelles nous avons accès, de notre situation en matière d'éducation et de notre système de prestation de soins de santé. Les témoignages nous ont poussés à croire que l'accent doit être mis sur la création de collectivités saines. Cependant, comme la diversité est très importante au Canada, les organisations qui fonctionnent sur le mode descendant auront beaucoup de difficulté à joindre, par exemple, la communauté chinoise de Vancouver, la communauté chinoise de Toronto, la communauté indienne de Toronto et certaines des communautés de Montréal, ainsi que certaines collectivités rurales et certaines des petites provinces, bien entendu. Néanmoins, comme vous venez de le dire, monsieur Hay, il faut qu'il y ait un leadership. Nous cherchons tant bien que mal un moyen d'envelopper tout ça.
Nous voulons adopter une démarche pangouvernementale, mais comment faire pour que tout le monde participe? Nous ne voulons pas que le système soit administré de façon descendante. Il faut que ce soit ascendant, que ça parte de la collectivité. Je veux savoir ce que vous avez à dire là-dessus, mais j'essaie de vous orienter. Je ne peux plus tourner autour du pot. Je n'avais pas dit ça avant aujourd'hui, mais je pense que le temps file. Il faut que nous rédigions notre rapport, alors je vous lance ça. Ce que je pense, pour ma part, c'est que nous avons besoin d'un ministre fédéral du développement humain et d'un ministre qui joue le même rôle dans chacune des provinces. Nous avons besoin d'un fonctionnaire qui joue le même rôle dans chacune des grandes villes, et il faut qu'il y ait une personne chargée de la même tâche dans chacune des collectivités, mais les collectivités doivent s'organiser. Dites-moi à quel point j'ai tort.
Dr Hancock : Eh bien, je ne dirais pas que vous avez tort. Lorsque j'ai parlé des collectivités, j'ai souvent parlé de ce que c'est à la fois descendant et ascendant. C'est le phénomène du casse-noisette, et un casse-noisette à deux branches, une branche ascendante et une branche descendante.
Comme M. Hay l'a mentionné, ça ne fonctionnera que si les ressources sont utilisées à l'échelle locale. On ne peut pas avoir ça pour rien. Ces ressources doivent être fournies par le gouvernement fédéral et par les gouvernements provinciaux et territoriaux aux administrations municipales et aussi aux collectivités, parce que ce n'est pas nécessairement la même chose, et, évidemment, les deux doivent travailler ensemble.
Dans une certaine mesure, ces ressources ne doivent pas s'assortir de contraintes. Ça rend les gens fous dans les collectivités, surtout lorsqu'on s'éloigne des très grandes villes et qu'on s'approche des petites collectivités, de recevoir toutes ces contributions en cloison, qui ont toutes un but précis défini par les gens « d'en haut » dont aucun n'a discuté avec les autres avant la contribution, et les gens des collectivités font des pieds et des mains pour essayer de répondre à toutes ces choses différentes. Ce dont ils ont vraiment besoin, c'est qu'on leur donne de l'argent et qu'on leur laisse la liberté de déterminer quels sont leurs problèmes et leurs priorités et comment ils vont utiliser cet argent. Ce n'est pas notre façon habituelle de faire des affaires. C'est risqué, et M. Hay a parlé de la réticence naturelle au risque dans le processus décisionnel, mais, pour que ce genre d'innovation ait lieu, il faut prendre certains risques et admettre que tout ne fonctionne pas. Il faut aussi que nous comprenions qu'» échec » ne signifie pas que ça a été un échec. On apprend de ses erreurs autant que de ses succès, et nous devons avoir une plus grande tolérance à l'échec pour pouvoir faire cet apprentissage.
Je serais d'accord avec vous, et j'ajouterais que c'est peut-être là que tous ces bureaux seraient regroupés, l'idée d'une commission quelconque qui aurait une certaine autonomie, qui serait protégée par la loi de façon à ne pas pouvoir être supprimée par le prochain gouvernement si c'est son caprice, peu importe qui formera le prochain gouvernement, et qui réunit les leaders du secteur privé et les leaders du secteur communautaire. Il faut les faire participer eux aussi.
M. Bradford : Je suis certainement d'accord avec ce que le Dr Hancock a dit, et je dirais la même chose que le Dr Keon. Ce genre de ministère pourrait avoir trois fonctions. La première, ce serait de s'occuper de la question de l'argent. L'expérience américaine des community development block grants est intéressante. Un ensemble de normes ou d'objectifs nationaux est déployé et permet une certaine marge de manœuvre pour l'intégration et l'adaptation en fonction de priorités et des suggestions de la collectivité. C'est un peu ce que nous avons fait dans le cas de la remise de la taxe sur l'essence par le gouvernement fédéral : il y avait des objectifs généraux, mais nous avons permis une certaine diversité à l'échelle locale.
La deuxième chose dont pourrait s'occuper ce ministère, ce serait la recherche. Une meilleure compréhension des problèmes administratifs et également du genre de problèmes complexes en question est une vraie priorité. Il faut vraiment que ce genre d'échange de connaissances et d'activités de recherche ait lieu.
La troisième chose, ce serait de lier ça à l'action grâce au genre de démonstrations et de projets pilotes dans lesquels nous sommes bons au Canada. Ce qui manque, au Canada, c'est d'apprendre les choses et de tirer parti de l'éventail d'expériences et de projets quinquennaux qui sont en cours dans le domaine de l'itinérance et de la santé des populations, dans le cadre des ententes sur le développement urbain. S'il y avait un ministère qui assurerait la coordination de ce genre de projets pilotes et d'activités de démonstration et qui en tirerait systématiquement les leçons, ce serait un excellent début pour ce genre d'organisation.
M. Hay : C'est une bonne idée. Je proposerai qu'il y ait une sorte de programme établissant les priorités pour orienter ça. Il faut qu'il y ait une sorte d'orientation quant à la nature des problèmes stratégiques, il serait important de simplement proposer l'adoption d'une démarche pangouvernementale en matière de développement humain qui serait définie comme un petit ensemble d'enjeux. L'intégration verticale qui en résulterait serait une très bonne chose.
Il y a beaucoup d'expérience. Mon premier emploi, après les études supérieures, a été au sein d'un conseil de planification en Colombie-Britannique. J'ai travaillé avec des gens qui avaient des années d'expérience dans le domaine du développement communautaire dans les villes avec le financement du gouvernement fédéral, dans les années 60 et 70. Ce sont des choses qui ont déjà été faites, mais peut-être pas en lien direct comme vous l'avez décrit.
La recherche est une chose importante, mais l'infrastructure de l'information est également quelque chose d'important, ce qui signifie l'accès général et public à l'information, sans frais ou à peu de frais, en un sens. Il y a dans la collectivité des gens qui ont des aptitudes dans le domaine de la recherche. Les gens veulent l'information sur laquelle ils peuvent travailler dans leur collectivité à leurs fins, plutôt que ce soit quelqu'un d'autre qui le fasse. Je sais que ce n'est pas ce que M. Bradford a voulu dire, mais il s'agit de regrouper ces deux choses.
Le président : Merci. Mme Michelle Neilly, directrice générale, Opérations de la Colombie-Britannique, Diversification de l'économie de l'Ouest Canada, et Mme Christine Lattey, coordonnatrice exécutive, Accord de Vancouver, se joignent maintenant à nous.
Vous avez la parole, madame Neilly.
Michelle Neilly, directrice générale, Opérations de la Colombie-Britannique, Diversification de l'économie de l'Ouest Canada : Merci. J'aimerais vous présenter rapidement l'histoire, le contexte et les orientations stratégiques de l'Accord de Vancouver.
Pour ce qui est des chiffres, l'Est du centre-ville de Vancouver a une population d'environ 16 000 habitants, et, si l'on envisage les régions définies selon le code postal, c'est celle qui est considérée comme étant la plus pauvre du Canada du point de vue du revenu par habitant. Il est important de signaler que le secteur englobe également les quartiers historiques de Chinatown, de Gastown, de Strathcona, de la place Victory et les zones près du parc Oppenheimer et le port de Vancouver. Il a déjà été l'un des centres de commerce dynamiques de la région. On y trouve beaucoup de grands magasins de vente au détail, d'usines de fabrication et d'attractions touristiques. L'un des grands magasins qui s'y trouvaient à l'époque était Woodward, qui a fermé ses portes en 1993.
Le revenu médian des habitants du quartier est d'environ 12 000 $, et on considère que la majeure partie de la population touche un revenu faible. Environ 6 000 résidents du quartier reçoivent l'aide du gouvernement. Malgré les nombreux problèmes de ce quartier, ses habitants ont un fort sentiment d'appartenance. Il y a un réseau d'organisations communautaires actives. Beaucoup d'événements, de festivals et de célébrations ont lieu dans ce quartier d'une grande richesse culturelle. La population est formée pour plus de la moitié de Chinois, et pour 11 p. 100 de Vietnamiens, et près du tiers des habitants du quartier parlent une langue autre que l'anglais.
De 1997 à 1999, le taux d'infection au VIH et le taux de mortalité ont augmenté. Les autorités locales ont déclaré que l'Est du centre-ville était en situation de crise sur le plan de la santé publique. On a demandé aux différents ordres de gouvernement de mieux coordonner leurs programmes et leurs services, parce que leurs activités étaient en grande partie compartimentées. Comme le dit l'adage, une crise, c'est une occasion qui ne se rate pas, alors la Ville de Vancouver a joué un rôle de chef de file. Elle est allée bien au-delà de son mandat et elle a demandé à la province de la Colombie-Britannique et au gouvernement du Canada de se joindre à la municipalité dans son intervention.
L'objectif principal de cette intervention et de l'Accord de Vancouver, c'est d'améliorer l'efficacité de l'administration et le rendement des interventions communautaires dans les quartiers précis et dans le cadre de certaines initiatives précises visant l'ensemble de la ville, ainsi que d'améliorer la situation des gens, des entreprises et l'ensemble de la collectivité. Pendant l'été 1999, le gouvernement du Canada, la province de la Colombie-Britannique et la Ville de Vancouver ont conclu une entente sur le développement urbain qu'on a appelée l'Accord de Vancouver. L'objectif de l'accord était de coordonner et de maintenir une intervention efficace pour régler les problèmes économiques, sociaux et de sécurité publique dans le centre-ville de Vancouver. L'intervention vise également la santé et le logement. L'entente de développement urbain est une entente pluriannuelle à frais partagés entre trois ordres de gouvernement. Au départ, l'Accord de Vancouver devait être en vigueur pendant cinq ans, mais il a été renouvelé et prolongé jusqu'au 31 mars 2010.
Dans le cadre de l'Accord de Vancouver, les ordres de gouvernement ont convenu de se concentrer sur quatre objectifs : premièrement, l'accroissement du nombre, de la taille et de la diversité des entreprises locales et la multiplication des possibilités d'emploi pour les résidents; deuxièmement, l'amélioration des résultats en santé pour les résidents; troisièmement, l'amélioration de la sûreté et de la sécurité; et quatrièmement, l'amélioration de l'offre en matière de logements, notamment aux chapitres des logements abordables, des logements supervisés et des logements de transition.
L'Accord de Vancouver a six grands principes directeurs. Le premier, c'est la prise de décisions éclairées, afin que l'on puisse s'assurer que les décisions sont liées à une bonne planification stratégique. Le deuxième, c'est l'innovation. L'Accord favorise et soutient les façons novatrices d'aborder les problèmes et d'offrir les services. Le troisième, c'est le respect de la diversité. Beaucoup de communautés du centre-ville de Vancouver ont des intérêts différents et ont besoin d'être comprises et soutenues et d'avoir la possibilité de trouver un équilibre. Le quatrième principe, c'est la mobilisation de la collectivité, qui vise à faire participer les membres de la collectivité et les intervenants. Le cinquième, c'est la collaboration. L'organisation de l'Accord de Vancouver travaille avec d'autres organisations, avec le secteur des organismes sans but lucratif, avec les établissements d'enseignement et avec le secteur privé. Le sixième principe, c'est la responsabilité à l'égard des fonds publics.
L'Accord de Vancouver soutient, mais ne remplace pas, les buts et les responsabilités des organismes publics. Les stratégies de l'Accord sont appliquées soit par des organismes publics, soit dans le cadre d'accords conclus entre des organismes publics et des organismes sans but lucratif. Par l'intermédiaire d'une série de comités et d'équipes de projet et grâce à la communication interministérielle au sein des trois ordres de gouvernement, l'Accord de Vancouver aide les organismes publics à réaliser la vision commune et les quatre objectifs communs.
Ces liens sont fondés sur les responsabilités de chacune des organisations concernées. Chacune des parties à l'Accord de Vancouver suit ses programmes et s'acquitte de ses responsabilités en matière de prestation des services, mais l'Accord offre aux groupes l'occasion de travailler ensemble et de créer des initiatives conjointes.
L'Accord de Vancouver a permis d'aborder certains problèmes socio-économiques complexes dans le cadre d'une démarche globale. Grâce à cet accord, les gouvernements sont davantage en mesure de coordonner leurs programmes et leurs services et de collaborer.
À la diapo 5, vous pouvez voir un résumé de la situation à la fin des années 90 et les progrès qui ont été réalisés. Le taux de criminalité a diminué de 14 p. 100 entre 2000 et 2005. Les revenus ont augmenté, chez les hommes comme chez les femmes. Les activités des entreprises se sont accrues. Il y a eu beaucoup de projets de construction dans le quartier. Il y a aujourd'hui 3 600 unités de logements du marché en construction ou déjà construites, et les secteurs privé et public ont investi 500 millions de dollars dans le domaine de l'immobilier. Le nombre de décès attribuables à la consommation d'alcool ou de drogues et aux surdoses, au VIH/sida n'est plus à des niveaux épidémiques. Il y a aujourd'hui une meilleure collaboration entre les différents ordres de gouvernement.
En juin 2005, l'organisation de l'Accord de Vancouver a été l'un des huit bénéficiaires dans le monde du Prix de l'ONU en matière de service public pour avoir accru la transparence, la responsabilité et la capacité d'intervention de la fonction publique.
Toutes les relations ne sont pas équivalentes dans le cadre de l'Accord de Vancouver. Les mandats, les programmes et d'autres facteurs ont une incidence sur le degré de participation et l'intérêt d'un ministère ou d'un organisme.
La structure de gouvernance de l'Accord de Vancouver est décrite dans le texte même de l'Accord, et elle est composée de trois comités principaux. Il y a un comité de la gouvernance ou des politiques, qui est composé d'un ministre du gouvernement du Canada, d'un ministre de la province de la Colombie-Britannique et du maire de Vancouver.
Il y a aussi un comité de gestion, composé d'un sous-ministre adjoint, encore une fois du gouvernement du Canada et de la province de la Colombie-Britannique, ainsi que du directeur municipal de la Ville de Vancouver. Ce comité est responsable des relations intergouvernementales tripartites, de la facilitation de la participation du personnel à l'Accord et des décisions relatives au financement.
Il y a aussi un comité de planification qui est composé de personnel, comme Mme Lattey et moi, de personnel, donc de tous les ordres de gouvernement, et nous travaillons à soutenir le comité de gestion dans le processus de prise de décisions relatives au financement et aussi les équipes de projet dans leur travail de définition et de planification des projets.
L'Accord de Vancouver a permis la création d'un mécanisme efficace pour obtenir le soutien du secteur privé. Bell Canada a annoncé en 2005 un investissement de deux millions de dollars sur quatre ans dans des initiatives de nature économique encadrées par l'Accord de Vancouver. Nous avons également été en mesure d'obtenir 100 000 $ d'une coopérative locale d'épargne et de crédit pour soutenir des initiatives de nature économique dans l'Est du centre-ville.
Avec la collectivité et les entreprises, nous avons amorcé d'autres possibilités de partenariats dans le but de mieux coordonner les services offerts par les différents ordres de gouvernement. Il y a, par exemple, le Plan de revitalisation économique de l'Accord de Vancouver, dans le cadre duquel les trois ordres de gouvernement ont contribué à payer les coûts liés à la recherche pendant deux ans. Dans le cadre de ce plan, 11 rencontres avec des intervenants et séances publiques ont été tenues, et 200 résidents et 200 représentants du milieu du développement économique y ont participé. Le plan a été parachevé en 2004, et il a été adopté par le conseil municipal et par l'ensemble des partenaires.
En 2005, l'Accord de Vancouver a été l'une des trois initiatives horizontales du gouvernement fédéral choisies pour l'examen effectué par le Bureau de la vérificatrice générale. La vérificatrice générale a conclu que l'Accord de Vancouver était doté d'un modèle de gouvernance prometteur et favorisait la collaboration entre les gouvernements provincial et fédéral et l'administration municipale pour répondre aux besoins de la collectivité.
Cependant, la vérificatrice générale ne part jamais avant d'avoir formulé une recommandation, et l'une des recommandations qu'elle nous a faites, c'était de mettre au point un cadre fédéral de responsabilité. Nous n'avions pas de cadre officiel précisant les rôles et les responsabilités de chacun.
Nous sommes en train de faire une étude. Nous avons recours à une technique qui porte le nom de diagramme d'attribution, qui nous aide à examiner les rôles et les responsabilités des différents ministères et organismes qui participent à l'accord sur les plans de la planification, de la surveillance, de la reddition de comptes et la communication.
Nous travaillons avec des ministères et des organismes, et le degré de participation varie. On peut être responsable de prendre certaines décisions, on peut avoir le pouvoir d'approuver certaines décisions, on peut simplement vouloir être informé ou encore donner son appui ou être consulté. Nous travaillons ensemble à la mise au point d'un cadre de responsabilisation, compte tenu des divers degrés de participation.
J'ai fait pour vous un bref survol de l'Accord de Vancouver. Madame Lattey, voulez-vous ajouter quoi que ce soit?
Christine Lattey, coordonnatrice exécutive, Accord de Vancouver : Non, c'était une très bonne description. Je vais attendre de voir de quoi les sénateurs veulent parler.
Mme Neilly : Nous serons heureuses de répondre à toutes vos questions.
Le président : Merci beaucoup, madame Neilly.
Le sénateur Eggleton : Merci à tous d'être ici. Il s'agit de l'une des parties les plus importantes de nos délibérations sur la santé des populations. La question des déterminants sociaux de la santé touche plusieurs administrations et plusieurs ministères au sein de chacun des gouvernements, et les gouvernements ne sont pas particulièrement réputés pour leur capacité d'établir des liens horizontaux. Ça fait des siècles que nous essayons de faire ça.
Ayant déjà été ministre moi-même, je comprends ce système cloisonné ou vertical dans lequel nous travaillons et le désir des gens qui font partie de ce système de s'assurer que le ministre connaît toujours les réponses et n'est jamais pris au dépourvu. C'est la bonne vieille question de la responsabilité. Il est très difficile d'établir ces liens horizontaux à moins d'obtenir un engagement des gens d'en haut et à moins que ceux-ci ne fassent preuve de leadership.
Tout ce que les gens ici présents ont dit aujourd'hui est valable. Je suis certainement d'accord avec le Dr Hancock sur la question des principes, et avec M. Bradford sur ce qu'il a dit au sujet des programmes et des politiques à dimension locale et communautaire. M. Hay a pour sa part précisé la question de l'approche commune, bien entendu.
Le dernier exposé nous offre un bon exemple de la façon dont ça peut être fait. Est-ce le genre d'exemple dont nous devrions nous inspirer, en fait? Il est évident que ça a fonctionné à Vancouver. Ça fonctionne dans l'Est du centre-ville. J'ai visité ce quartier, et je sais que l'Accord de Vancouver a donné des résultats là-bas. Il y a une autre initiative à Winnipeg, et il y en a peut-être d'autres, des initiatives différentes, mais c'est certainement une approche commune, qui réunit tous les ordres de gouvernement et les intervenants de la collectivité pour aborder des questions précises.
À quel point pouvons-nous utiliser cette approche de façon générale dans le contexte de la santé des populations? Est-ce un bon modèle? Quelles sont les choses à faire et les choses à éviter? Quelles sont les bonnes choses et les choses moins bonnes que vous allez avoir apprises à ce sujet? Selon vous, y a-t-il une quelconque autre façon d'appliquer cette idée de créer tous ces liens horizontaux? Les cinq témoins peuvent répondre à la question.
Dr Hancock : M. Bradford a parlé du fait que c'est une étude pilote, et je pense que c'est Monique Bégin qui a dit que le Canada est un pays d'études pilotes. Je ne suis pas sûr que de faire ça ville par ville, accord par accord soit la bonne façon de procéder. Ça peut fonctionner si c'est fait dans une demi-douzaine ou dans une douzaine de grandes villes, mais comment faire alors pour utiliser cette approche à Bradford, à Kelowna ou encore à Fredericton? Comment systématiser l'approche de façon à ne pas avoir à négocier une entente distincte pour chaque ville? Je ne pense pas que ce soit une façon efficace de procéder à long terme.
En outre, comment s'assurer, au sein du gouvernement fédéral, par exemple, que l'approche commune est utilisée comme modèle dans les différents ministères qui doivent travailler ensemble là-dessus? Je ne suis pas sûr de pouvoir répondre à ces questions, mais, ce qui m'inquiéterait, c'est que ça devienne une série de cas particuliers, de situations ponctuelles.
Le sénateur Eggleton : Il n'y a pas de solution universelle.
Dr Hancock : C'est certainement un élément de la solution. Chaque collectivité est différente. Je crois qu'on peut appliquer certains des principes et des procédés globaux dont il s'agit, mais si c'est pour essayer de prendre l'affaire de haut ou de l'aborder comme nous l'avons fait ici à Vancouver, en disant voici ce que vous devez faire à Fredericton, ça ne fonctionnera pas.
En même temps, on ne veut pas être pris pour négocier 300 ententes distinctes pour l'ensemble du pays; il faut donc chercher une solution qui se situe entre les deux possibilités. Il serait utile de discuter avec les représentants de la Fédération canadienne des municipalités, la FCM, de la façon dont ils aborderaient cela, de leur côté.
Le sénateur Eggleton : D'accord.
Mme Lattey : Je vais faire quelques observations en réponse à cela. À mon avis, le premier point que vous avez fait valoir, à propos du leadership, est très important. Compte tenu du système politique que nous avons au Canada, où les élus fédéraux, provinciaux et municipaux changent, il y a une continuité qui se perd. Si l'Accord de Vancouver a tant porté fruit les premières années, c'est que les trois ordres de gouvernement, depuis les hautes instances mêmes, s'étaient engagés fermement à l'appliquer. Dès que les gouvernements changent, on a tendance à laisser tomber bon nombre des initiatives du gouvernement précédent, puis il y a cet engagement qui s'érode. Il faut trouver une façon d'assurer la continuation; sinon, on ne fait qu'avancer par à-coups. C'est là un élément clé de l'équation; si nous ne réglons pas ce problème-là, je ne crois pas que le projet puisse porter fruit.
En deuxième lieu, vous avez demandé jusqu'à quel point il faut élargir le champ d'application du projet. Une des difficultés que nous avons éprouvées en rapport avec l'Accord de Vancouver réside dans son champ d'action très vaste, justement. L'accord englobe les questions sociales, l'économie, la santé et la sécurité. Il est très difficile pour un seul groupe de s'attaquer à toutes ces questions et de tout coordonner avec les administrations fédérale, provinciales et municipales, à tous les niveaux, en rapport avec toutes les initiatives en question. Il faut définir beaucoup plus clairement les limites du projet.
Avant moi, quelqu'un a dit que le Canada était comme un savant dans un laboratoire, friand d'expériences. Chacun des projets dont nous parlerons représente bel et bien une expérience dont nous pouvons tirer des enseignements. Implanter un projet comme cela dans l'ensemble du Canada, auprès de toutes sortes de collectivités, représenterait une tâche redoutable. Il faudrait choisir avec circonspection les endroits où on mettrait cela à l'essai.
Mme Neilly : J'ajouterais ceci aux commentaires de Mme Lattey : il faut encore adopter une approche globale. Voilà pourquoi c'est si difficile. On ne peut s'occuper de logement sans songer aux besoins en santé des personnes qui occupent un logement. Quelles sont leurs dépenses? Quels sont leurs liens avec la collectivité? Ont-elles des amis? Ont- elles quelque chose à faire pendant la journée — un emploi ou un travail bénévole gratifiant? Il faut encore adopter une approche globale.
M. Bradford : Je dirai rapidement ici que je ne suis pas d'accord avec le point de vue du Dr Hancock. S'il est question de principes et de développement humain, il faut dire ceci : le point fort du modèle d'accord sur le développement urbain dont nous discutons réside dans le fait que les trois ordres de gouvernement amènent à la table des ressources différentes qu'ils peuvent mettre à profit pour résoudre les problèmes complexes inhérents à la situation. De même, il faut solliciter la participation de la collectivité.
Diversification de l'économie de l'Ouest applique depuis 1981 ou 1982 cinq de ces projets, dans les provinces de l'Ouest. Les responsables des organismes de développement régional de l'Est et du Centre du Canada pourraient commencer à réfléchir à ce qui constituerait un modèle approprié pour la région de Toronto, compte tenu de certaines questions, par exemple les immigrants qui y sont établis, dans la mesure où cet endroit-là, cette collectivité-là présente des problèmes particuliers.
On peut imaginer l'application de projets du genre dans un plus grand nombre de centres urbains; c'est un complément très intéressant au Programme de développement des collectivités, qui permet d'accomplir un travail d'intégration semblable dans les villes et localités de moins de 100 000 habitants. Il y a 268 sociétés d'aide au développement des collectivités disséminées au Canada. C'est précisément ce travail d'intégration-là qu'elles prennent en charge dans les régions rurales du pays.
Le fait que le cadre de développement urbain des grandes villes et celui du Programme de développement des collectivités, à plus petite échelle, se complètent bien devient intéressant dans la mesure où nous pouvons encourager un dialogue sur les pratiques exemplaires. Le travail systématique que nous réalisons a ainsi pour référence des lieux comme l'Angleterre ou les États-Unis, là où les responsables des projets de cette nature réfléchissent aux notions de lieu, de collectivité et de politique publique.
Dr Hancock : Je n'ai rien contre cela. J'essaie de savoir comment on peut systématiser le travail. C'est une très bonne idée.
M. Hay : Je vais contester le point de vue du Dr Hancock moi aussi, car, à mon avis, l'approche locale, par ville — avec les dirigeants et les ressources et tout le reste — représente une occasion à saisir. Le mouvement proviendrait de la base. Dans la mesure où il y a à l'échelle provinciale et à l'échelle locale des dirigeants et des leaders, il faut capitaliser sur l'énergie et l'effort qu'ils déploient, et construire un système depuis la base.
En même temps, l'idée du sénateur Keon, soit qu'il y ait un ministère fédéral en particulier qui entre en jeu avec une responsabilité qui part de là et descend jusque dans la collectivité, est judicieuse, car elle favoriserait une meilleure coordination des éléments en cause.
Nous pouvons prendre pour point de départ un grand nombre de systèmes, d'institutions et, pour parler de manière générale, d'éléments d'infrastructure, sans avoir forcément à dire aux responsables d'une collectivité : nous devons créer un accord sur le développement urbain. Les gens connaissent déjà la situation, du moins dans les hautes sphères, ils ont en commun dans la plupart des régions et des collectivités en question une certaine compréhension des problèmes et des défis qui se posent, de même que des organismes et des structures conçus pour s'y attacher.
Pour ce qui est de la santé de la population, le rapport de l'administrateur en chef de la santé publique énonce toute une série de priorités concernant la santé publique et la santé de la population. En prenant ces priorités-là pour référence, vous pouvez formuler des propositions touchant les modèles et les structures de gouvernance, les politiques particulières à adopter. À ce moment-là, vous avez en main un programme d'action qui aura pour point d'ancrage les diverses structures mentionnées.
Peut-être faudra-t-il établir quelque chose de plus officiel, par exemple un accord sur le développement urbain. Peut- être que la chose officielle en question existe déjà et qu'il vous suffira de la modifier ou de l'enrichir. Tout de même, l'approche locale, ville par ville, me semble représenter une bonne option, dans la mesure où les instances nationales ne mettent pas à contribution les ressources et la volonté nécessaires à un projet de plus grande envergure, qui pourrait être perçu comme solution imposée par la hiérarchie. Il y a là un certain nombre de conflits possibles.
Dr Hancock : Si vous le permettez, j'apporterai une précision là-dessus, car, à mon avis, nos positions ne sont pas si éloignées l'une de l'autre. Par exemple, l'Accord de Vancouver s'applique au Downtown Eastside. Il ne s'applique pas à la ville dans son ensemble.
Le sénateur Eggleton : Cela est vrai.
Dr Hancock : C'est très différent; et certaines des ententes conclues pour régler un problème particulier dans un secteur particulier de la ville diffèrent sensiblement de l'entente globale qui s'appliquerait à toute la ville de Vancouver.
S'il faut évidemment adapter la solution à chaque ville, s'il est question d'appliquer cela à toutes les collectivités — songeons un instant au fait qu'il n'y a pas que les villes, pensons à ces localités de 10 000, 20 000 ou 30 000 habitants —, il est inutile de réinventer la roue chaque fois. Quels sont les principes généraux qui peuvent s'appliquer à l'ensemble des collectivités en question? Sachant cela, on peut adapter les accords particuliers aux besoins.
Voilà où doivent se situer le leadership et les approches nationales et générales dont il est question. Quelles sont les règles et les approches générales qui peuvent s'appliquer à l'ensemble des collectivités? Pour agir, il faut pouvoir compter toujours sur une forme quelconque d'appui local. Évidemment, l'affaire doit être pertinente localement et dirigée localement aussi, mais il y a tout de même des questions générales qui peuvent s'appliquer à l'ensemble. Il ne s'agit pas de savoir s'il faut choisir un ou l'autre; les deux options se complètent.
Le sénateur Eggleton : Ma dernière question s'adresse à Mme Neilly. Je lui demanderai de me parler des autres accords qui relèvent de Diversification de l'économie de l'Ouest. M. Bradford a mentionné le fait qu'il y a de tels accords, et je sais pour moi-même qu'il y en a un à Winnipeg. Quelles sont les différences entre ces accords? Est-ce qu'ils portent fruit?
Mme Neilly : Winnipeg, Regina et Saskatoon ont chacune leur accord, différent des autres. L'Accord de Winnipeg s'applique depuis 25 ans environ, je crois, ce qui veut dire qu'il est le plus vieux. Dans tous les cas, les partenaires s'entendent pour dire qu'une approche globale et concertée des problèmes particuliers qui sont les leurs porte fruit.
Le sénateur Champagne : Je vais aborder un aspect très particulier de la grande question de la santé de la population. Docteur Hancock, vous m'avez ouvert la porte en parlant de la santé des hôpitaux. Tous ces problèmes socioéconomiques disparaîtront-ils un jour? Je sais très bien de quoi je parle : j'ai subi un choc septique dû à la bactérie méningococcique. Heureusement, je n'ai pas été infectée à Clostridium difficile, ou, comme on le dit couramment, C. difficile. Comment allons-nous faire pour que nos hôpitaux soient des lieux sains et quand allons-nous le faire?
Dr Hancock : Voilà une bien grande question. Il y a aura toujours des germes; nous ne nous déferons jamais entièrement de telles infections. Comment faire pour réduire cela au minimum? Pendant un certain temps, il y a 30 ans de cela, nous pensions avoir vaincu les infections bactériennes, mais nous n'avions pas gagné le combat, et nous ne le gagnerons jamais. Les bactéries ont une plus grande faculté d'adaptation que nous, et elles réagissent mieux. Elles ne disparaîtront pas; il nous faut donc déterminer comment procéder pour réduire au minimum leur présence. C'est une tâche importante dont il faut s'acquitter pour se donner des hôpitaux sains, mais il y a bien plus que cela qui entre en ligne de compte.
Comment créer un environnement sain pour les patients, au-delà des nécessités, par exemple être protégé contre les infections, pour qu'ils puissent dormir sur leurs deux oreilles, se sentir à l'aise, se détendre? Comment faire pour que ce soit un milieu de travail sain du point de vue du personnel? Curieusement, les hôpitaux ne constituent pas des lieux de travail sains, pour toutes sortes de raisons. Comment faire pour que les hôpitaux soient responsables du point de vue environnemental? Je suis membre fondateur de la Canadian Coalition for Green Health Care. Nous nous attachons à cette question-là depuis plus de 10 ans et, progressivement, l'idée fait des adeptes. Comment réduire l'impact environnemental du secteur de la santé, qui représente 10 p. 100 de l'économie canadienne? C'est un grand impact environnemental auquel nous ne sommes pas vraiment attachés, jusqu'à une époque récente.
Certes, les infections existent, et elles ne vont pas disparaître. Il s'agit de savoir comment les réduire au minimum.
Le sénateur Champagne : J'espère quand même que les ressources mobilisées, les recherches effectuées, les informations réunies et le plan d'action établi permettront d'améliorer la situation sur ce point. Trois chocs septiques en trois semaines : c'est à déconseiller à toute grand-mère.
Le sénateur Cook : Monsieur Bradford, je me préoccupe du concept des projets pilotes. Il me semble que notre pays repose entièrement sur des projets pilotes. Qu'advient-il au terme d'un projet pilote? Quel pourcentage est intégré à un système? Je prendrai pour exemple le programme de santé cardiaque. À Terre-Neuve-et-Labrador, ma fille, après avoir terminé ses études supérieures, est devenue la femme-orchestre responsable du projet et a décroché son premier emploi. Cela a été pour elle une expérience merveilleuse. J'ai appris à bien connaître le programme, mais, après cinq ans, le financement s'est tari. C'était un programme fédéral administré par la province de Terre-Neuve-et-Labrador. Les soignants provinciaux qu'il fallait avaient été prêtés à l'organisme; tout était en place. À moins de prévoir un droit de regard sur l'affaire et de contrôler les projets afin de pouvoir reconnaître qu'il faut faire telle ou telle chose à un moment donné, faut-il croire que les projets pilotes du genre sont antiproductifs? Quel en est le coût au Canada?
M. Bradford : Merci de poser la question. Je n'ai pas les statistiques devant moi; je ne sais pas quel pourcentage représentent les programmes pilotes en question. Je ne prétendrai donc pas connaître cette affaire-là. Pour répondre à la question plus générale que vous posez, quant à savoir si ces projets sont antiproductifs, je dirais : non, ils ne le sont pas. Au contraire, ils représentent une ressource précieuse et inexploitée de notre système fédéral. Il y a là un avantage comparatif particulier que l'on peut observer à l'échelle fédérale au Canada : nous sommes en mesure de lancer et d'étudier des projets de collaboration sur de terribles questions de politique qui relèvent principalement des provinces. De même, nous y allons de manière à expérimenter ou à apprendre d'une manière ou d'une autre. Le défi principal qui se pose et la raison pour laquelle il s'agit d'une ressource précieuse et inexploitée de notre système fédéral, c'est que nous ne prévoyons pas les mécanismes de transition nécessaires face aux problèmes qui surviennent inévitablement. Le gouvernement fédéral doit lier les connaissances acquises grâce à l'expérimentation aux transferts d'argent effectués — vers les gouvernements provinciaux, les administrations municipales et les organismes communautaires comme Centraide; c'est qu'ils participent aux projets pilotes sur les cinq années prévues. Il faut réfléchir à la transition en planifiant le projet pilote. À ce moment-là, il y aura une sorte d'interaction dynamique entre les autorités fédérales, provinciales et municipales, où le gouvernement prend davantage à sa charge le leadership touchant les recherches d'avant-garde et la mise à l'essai des approches nouvelles. Nous n'en sommes pas encore là.
Le sénateur Cook : Pourrions-nous y arriver? Recommandez-vous que nous essayions cela? Il y a un autre projet qui portait sur la nutrition dans les collectivités. Les gens qui se lancent dans de tels projets, d'habitude, sont des jeunes qui viennent de décrocher leur premier emploi et qui croient que tout est possible. Ils s'investissent à fond dans le projet, puis il n'y a plus rien pour eux une fois que le projet prend fin. Que pouvons-nous faire pour nous assurer que les projets pilotes en cours deviennent un élément de notre style de vie?
M. Bradford : Pour parler du ministère du développement humain qui est proposé, un des éléments fondamentaux de son mandat consisterait à s'assurer que nous excellons entre tous les pays à ce genre de projet pilote. Il nous faut réfléchir dès le début aux questions relatives aux transferts d'argent et nous assurer que le gouvernement fédéral collabore avec les divers partenaires des provinces et des municipalités à faire avancer le dossier. Cela suppose peut-être un financement de transition, un mentorat ou un transfert de connaissances. Nous pouvons faire un très bon travail sur ce point. Si nous disposions d'un centre institutionnel de leadership sur ce point, les possibilités seraient exaltantes.
Le sénateur Cook : L'accord de Vancouver a permis d'accomplir des choses merveilleuses. Le quatrième point de votre exposé évoque un solide attachement à la collectivité. Indéniablement, s'il y avait cet élément-là au départ, pour quelque programme que ce soit parmi ceux-là, il appartiendrait au gouvernement de maintenir la donne, de chercher à conserver cet acquis. Quand je regarde les résultats, je vois qu'il y a toutes sortes de bonnes choses qui sont intégrées à ce projet pilote, mais je me demande ce que nous pouvons faire pour nous assurer que ça demeure un processus organique. Les gens auront toujours besoin de ce genre de service. Ce n'est pas la charité, c'est un coup de main.
M. Bradford : Il y a deux façons de concevoir cela. Soit on renouvelle le cadre pilote tous les cinq ans, comme on l'a fait à Vancouver. Winnipeg l'a fait quatre ou cinq fois. Soit on réfléchit à la façon d'effectuer le transfert et d'officialiser l'accord sur le développement urbain de manière à en faire un modèle de politique valable pour l'ensemble du pays; à ce moment-là, il faut nouer des liens avec le nouveau ministère du développement humain. Il faut lier cela à la nouvelle entente sur les villes et les collectivités. Cela donne donc un transfert ministériel structuré qui s'inscrit vraiment l'affaire dans l'approche canadienne du développement humain et du développement social. C'est une façon d'aller au delà des projets pilotes.
Dans un cas comme dans l'autre, il est impératif de procéder à une bonne évaluation des cas de réussites et d'échecs, et de déterminer ce que les accords en question nous apprennent, car il faut établir les arguments en faveur de ce genre d'officialisation.
Le sénateur Cook : Je les félicite de ce que leur partenariat apporte au domaine. Je crois que c'est là l'élément clé de l'équation.
Je l'affirmerai avec simplicité et humour, vu que je suis originaire de Terre-Neuve : c'est l'épicier qui détermine si je suis en santé ou non. C'est de lui que j'achète ma nourriture. Les Canadiens ont ou n'ont pas les moyens d'acheter des aliments sains, du point de vue non seulement des coûts, mais aussi de l'emballage. Mon épicier local doit trouver que je suis une femme étrange : je vis seule et je demande toujours qu'on coupe le chou en deux.
C'est simple : c'est se soucier des gens que l'on côtoie. Je crois que nos épiceries ou chaînes d'alimentation doivent faire partie intégrante de la solution, pour que nous puissions aller de l'avant et nous donner une structure de santé publique globale.
M. Hay : Je veux certainement confirmer ce que M. Bradford a dit; je suis tout à fait d'accord avec lui.
Je crois qu'il faut reconnaître que la gouvernance et les institutions et les autres trucs dont nous parlons représentent des outils de travail et des institutions qui permettent de soutenir la résolution de problèmes. Lorsqu'on étudie un problème, par exemple la mauvaise alimentation ou la pauvreté, il faut cela pour légitimer son action, qu'il s'agisse d'un soutien qui passe par le renouvellement d'accords établis ou d'un schéma qui s'officialise grâce à la planification et au dévouement que M. Bradford a évoqués. Tout cela est très important.
Une façon d'y arriver — vous en avez parlé dans certains de vos rapports —, c'est de fixer des buts et des cibles. Si vous voulez agir devant la pauvreté qui existe, vous devez, je présume, la réduire d'un certain pourcentage dans un certain délai. Dans une certaine mesure, il existe une autre façon d'officialiser les mécanismes — il s'agit ici de mécanismes collaboratifs —, soit de s'assurer que le but est atteint durant la période en question. Dans la mesure où un groupe tient à atteindre ce but, les membres vont continuer à travailler ensemble à résoudre ces problèmes-là ou ils vont déterminer que cela prend plus de temps que prévu et qu'ils doivent donc trouver d'autres façons d'y arriver en élargissant le partenariat ou je ne sais quoi encore.
Il existe des façons de légitimer l'action et de privilégier divers moyens d'officialiser et de soutenir l'action au fil du temps, au-delà des seuls projets pilotes.
Dr Hancock : Les projets pilotes représentent peut-être le trait distinctif du système, mais ils sont aussi l'expression tragique du système, car ils éveillent le cynisme au sein des collectivités. Lorsqu'ils débouchent sur quelque chose d'original et de bon, après trois ans, le financement se tarit, et c'est foutu. Parfois, particulièrement lorsqu'il s'agit de ces problèmes complexes, il faut deux ou trois ans pour seulement mettre les choses en marche, puis, dès que les effets de son action commencent à se faire ressentir, le projet pilote s'éteint.
Ce qu'il faut faire notamment, comme M. Bradford l'a dit, c'est assurer la transition. Réfléchir à ce qui doit arriver au départ, mais, dans la mesure où un projet pilote fonctionne, il est à présumer que son action est supérieure à ce qui a été fait auparavant. Il faut donc que les gens s'engagent d'une façon ou d'une autre à transférer les fonds de la chose qui ne fonctionne pas à celle qui fonctionne. Il faut qu'il y ait un transfert de fonds en tant que tel, et c'est ce qui permet de poursuivre.
Le sénateur Eaton : Je vous suis reconnaissant à tous d'être là; notre discussion a été très intéressante. Je faisais un peu de lecture en fin de semaine. Mon Dieu, que c'est frustrant; cela fait combien de temps que les problèmes de santé de la population sont présents? Durant les années 90, nous avions le plan pour le régime d'assurance-maladie d'ici 2001. Dieu merci, Le Dr Keon est là, et nous allons peut-être pouvoir agir.
À propos de ce que M. Bratford et le sénateur Keon ont souligné concernant le ministère du développement humain, ce qui me frappe, c'est l'absence de continuité. Les gouvernements changent, ils sont minoritaires à l'occasion, les priorités changent. Plutôt qu'un ministre du Développement humain, ne pourrions-nous pas avoir un conseil consultatif du développement humain qui serait « dépolitisé » et fédéral, et qui recevrait les données de projets merveilleux comme celui de l'Accord de Vancouver et qui représenterait peut-être une force à la disposition des autorités provinciales et municipales? Je suis vraiment inquiet de constater qu'un ministre fédéral exploite la question de la santé de la population à des fins politiques.
L'autre réflexion que j'ai est la suivante : le gouvernement fédéral devrait-il commencer bientôt à sensibiliser les Canadiens aux objectifs à atteindre du point de vue de la santé de la population? J'étais là à l'époque des campagnes que je suis sur le point de mentionner, et j'espère que vous l'étiez tous aussi. Si vous vous rappelez, la campagne ParticipACTION a vraiment suscité la discussion. On pourrait dire la même chose de la campagne contre la cigarette. Ni l'une ni l'autre de ces campagnes était dotée d'un ministère, mais le travail de sensibilisation accompli a bel et bien été utile aux Canadiens. Croyez-vous que des programmes comme ceux-là seraient utiles?
M. Hay : Je suis d'avis que des programmes comme ceux-là sont certainement utiles. Je crois qu'il faut discuter de votre idée de déterminer s'il faut un conseil consultatif plutôt qu'un ministère. Je comprends certainement la préoccupation, voire la peur de voir certains des procédés dont il est question exploités à des fins politiques, comme l'ont mentionné le Dr Hancock et M. Bradford, avec l'histoire des mandats et la façon dont les choses peuvent changer et dérailler.
Quant aux organismes politiques et organismes consultatifs, ils doivent incarner une autorité légitime, particulièrement s'il s'agit de modifier les dispositions relatives à la gouvernance. Certes, on peut organiser des activités pédagogiques, par exemple au moyen d'une campagne du style ParticipACTION, à propos de l'activité physique et de l'idée de cesser de fumer, pour renseigner les gens sur les dangers de la fumée secondaire et d'autres questions du genre. Ce doit être un élément du jeu, et il y aura toujours un réseau d'organismes communautaires, d'organismes gouvernementaux, d'intérêts privés et ainsi de suite qui apporteront leur contribution à ce débat pédagogique.
Tout de même, pour nous assurer que les gens passent bien d'un point à l'autre, et je ne parle pas simplement du comportement, mais aussi des choses qui sont plus difficiles, en vérité, il nous faut des systèmes décisionnels qui soutiennent les mutations souhaitées. Sur ce plan, à mes yeux, il faut un peu plus d'autorité légitime. D'après la description qui en est faite, un ministère du développement humain apporterait une pierre à cet édifice-là sans constituer toutefois la solution universelle au problème. C'est toujours une combinaison de ces facteurs qu'il faut prendre en considération plutôt que de penser que c'est l'un ou l'autre.
Le sénateur Eaton : Dans la mesure où il y a un ministère, il faut savoir qui est premier ministre, quelle importance il accorde au dossier et si la personne qu'il nomme au poste de ministre est un personnage de premier ou de second rang. Vaudrait-il mieux avoir une société d'État avec certains droits?
M. Hay : Comme le sénateur Eggleton l'a dit plus tôt, la question du leadership revêt une importance capitale. J'ai fait la même remarque plus tôt moi-même.
Un ministre fédéral se retrouverait devant l'ensemble des questions et des préoccupations que vous avez décrites, très exactement, sénateur Eaton. Le système qui est verticalement intégré comporte aussi un mandat horizontal et une responsabilité horizontale, de façon générale. Quoi qu'il advienne du premier ministre ou du gouvernement fédéral ou encore des priorités, qui peuvent évoluer, il y a tout ce système qui est déjà fonctionnel et qui éveille l'activité à l'échelle communautaire. C'est l'occasion de faire des liens entre le sommet et la base, de sorte que la base, parfois, détermine beaucoup ce qui anime les gens au sommet.
L'honorable Monique Bégin siégeait au conseil consultatif responsable du rapport sur la santé de la population que j'ai produit au moment où j'étais à l'Institut canadien d'information sur la santé, ou ICIS. Elle a posé le problème très clairement : à qui faut-il rendre des comptes? Bien entendu, le ministre rend des comptes au premier ministre et agit suivant les consignes du Cabinet. Par contre, il y a le public, aussi. C'est le point que Monique Bégin m'a répété maintes et maintes fois. L'action depuis la base concerne d'abord et avant tout l'activité sur le terrain et le souci du grand public. Par conséquent, le système intégré ne peut prendre en considération toutes les questions que vous évoquez; il peut seulement aider à maintenir l'énergie dans l'ensemble du système.
Le sénateur Eaton : Croyez-vous que les Canadiens savent à quel point la santé de la population est mauvaise?
M. Hay : Non, je ne crois pas. À l'ICIS, nous avons effectué des sondages d'opinion publique sur les déterminants de la santé et sur la compréhension de la santé. Les gens étaient bien au courant des problèmes de comportement — le tabagisme, l'absence d'activité physique et ainsi de suite —, mais ils possédaient des connaissances très limitées sur les grands déterminants sociaux de la santé. Je parle de recherches qui ont été faites il y a cinq ans de cela.
Monique Bégin affirme que nous avons une raison de fêter cela : le temps d'une génération, nous avons eu le rapport Lalonde et, maintenant, la sensibilisation à tous les déterminants liés au comportement. Par contre, il faudra une autre génération encore pour faire passer dans l'esprit du grand public cette compréhension des grands déterminants sociaux et des liens complexes qu'il y a entre eux.
Le sénateur Eaton : Comment pouvez-vous affirmer que nous sommes conscients de la situation à un moment où le nombre d'enfants d'âge scolaire qui sont obèses monte en flèche?
M. Hay : Comme le sénateur Cook l'a souligné, c'est un problème structurel qui touche les produits alimentaires offerts, l'éducation et le contexte familial qui permet que cela advienne. Encore une fois, il y a dans notre rapport, intitulé Améliorer la santé des Canadiens, un chapitre qui traite de ces questions-là. Il y a aussi un chapitre sur l'obésité.
Le sénateur Eaton : Tout de même, nous n'avons rien fait pour contrer le problème depuis que votre rapport a été publié.
M. Hay : Encore une fois, c'est toute une série de questions qui entrent en jeu. Le Dr Hancock pourrait parler des nombreuses activités qui sont organisées en Colombie-Britannique et ailleurs pour s'attaquer à ce genre de questions.
Dr Hancock : Je parlerai de trois choses, si vous le permettez. Premièrement, je me plais à croire qu'un ministre du Développement humain est tout aussi essentiel au Canada qu'un ministre de la Défense ou des Finances, et que son organisation n'est pas un ministère périphérique qui peut naître ou disparaître selon la bonne volonté d'un gouvernement donné. C'est un organisme central.
Le sénateur Eaton : Vous êtes plus idéaliste que moi.
Dr Hancock : J'ai toujours été idéaliste. Selon moi, il faut une vision, même si on ne sait pas très bien comment la concrétiser. C'est peut-être ce degré d'engagement-là que nous recherchons. Le hic avec les conseils consultatifs, c'est qu'ils peuvent naître et disparaître sur l'ordre du premier ministre, d'un ministre, sous le coup d'un décret du Cabinet. C'est pourquoi j'ai parlé d'une commission créée sous l'effet d'une loi, et qui ne peut donc disparaître lorsque le gouvernement, le premier ministre ou le ministre s'en va.
Les symboles importent, mais ce n'est pas qu'un symbole : il y a un ministre du Développement humain, et il est établi que la question est une priorité au pays, et qu'il faut maximiser le niveau de développement humain.
Quant à la conscientisation du public et à sa compréhension des choses — je ne crois pas inventer cela —, nous avons accueilli il y a quelques semaines Diana MacKay du Conference Board du Canada, pour le suivi du rapport que j'ai mentionné. Le Conference Board fait circuler une idée qu'elle qualifie de « Déterminaction », sorte de ParticipACTION, mais centrée sur les déterminants de la santé et visant à sensibiliser le grand public à la question, à lui montrer que ce n'est pas qu'une affaire de mode de vie; que c'est lié à tous les autres déterminants d'une plus grande portée. Je crois que c'est une idée intéressante qu'il vaut vraiment la peine de suivre.
Pour ce qui est de la question de l'obésité, il faut revenir dans le temps, il y a 30 ou 40 ans de cela, dans le cas du tabagisme. Il y a 30 ans, il y aurait eu ici, sur la table, des cendriers, et les gens auraient fumé dans la salle elle-même et ailleurs dans le bâtiment. Nous avons modifié la norme sociale en la matière, au point où le comportement est devenu minoritaire. Je n'affirme pas que fumer n'est plus un problème, puisqu'il l'est clairement, encore, mais il y a eu toute une mutation à ce chapitre. Tout de même, il a fallu une génération pour que cela se fasse.
Nous en sommes aux premiers stades de la démarche en ce qui concerne l'obésité. Il y a une sensibilisation qui se fait, tout comme ça se faisait durant les années 70 dans le cas du tabagisme, mais nous en sommes au début de la démarche, qui prendra 10 ou 20 ou 30 ans, comme cela a été le cas du tabagisme.
Rappelons-nous l'époque où le sénateur Eggleton était maire de Toronto et que nous proposions à l'échelle municipale certaines des premières dispositions contre le tabagisme en milieu de travail. Il y a eu à l'époque tout un combat là-dessus, puis toute une évolution des normes sociales. Maintenant, plus personne n'y pense à deux fois; on ne fume pas en milieu de travail et, bien entendu, les villes appliquent des règlements contre le tabagisme. Ce sera la même démarche dans le cas de l'obésité.
Il faut comprendre que la Fondation des maladies du cœur du Canada, la Société canadienne du cancer et les autres organismes se penchent tous aujourd'hui sur la question de l'obésité. La Société canadienne du cancer présentera dans quelques semaines une conférence sur l'environnement bâti et le rôle qu'il joue en ce qui concerne l'activité physique. La Fondation des maladies du cœur du Canada a financé des recherches dans le domaine.
Il y a un principe fondamental en promotion de la santé : il faut faire du choix santé un choix facile. Trop souvent, en tant que société, par les politiques que nous adoptons — du côté public et du côté privé —, nous faisons du choix malsain le choix facile. Prenez l'exemple de la taille des portions. Si on vous présente une grande assiette, vous allez tout manger, parce que c'est ce qui vous a été inculqué durant votre jeunesse. Si on crée des environnements où le choix malsain devient le choix facile, il ne faut pas s'étonner de voir les gens faire des choix malsains. Nous devons changer les normes sociales.
Le sénateur Eaton : J'ai l'impression que nous n'y mettons pas beaucoup d'effort. Je comprends ce que vous dites.
Dr Hancock : Il y a beaucoup de choses qui se passent. Nous en sommes encore aux premiers stades.
Nous ne saisissons pas assez bien l'ampleur des inégalités au sein de la société, du point de vue de la santé, ni le rôle que jouent les déterminants sociaux et les déterminants environnementaux à l'égard des inégalités en question. À mon avis, c'est une question extrêmement importante. Pour cette question-là, nous ne sommes même pas aussi avancés que nous le sommes dans le cas de l'obésité.
Le président : Je crois que ça nous ramène à l'idée de bâtir des collectivités en santé. Regardez donc les terribles programmes de santé de la population que nous avons à certains endroits au pays, notamment en ce qui concerne nos Autochtones; certains ont quand même pu surmonter les difficultés en se donnant des collectivités en santé. Ils ont pris pour référence la panacée évoquée et, de leur propre initiative, ils changent les choses. Il s'agit de mettre en place un cadre structurel qui leur permettra d'agir, de faire ce qu'ils souhaitent faire, plutôt que de voir quelqu'un arriver et leur dire quoi faire.
Je crois que le sénateur Eaton a très bien parlé. C'est une question qui est extraordinairement préoccupante. Je me débats avec le problème, et c'est pourquoi j'ai lancé l'idée d'un ministre pour cela aujourd'hui. Il faut bien commencer quelque part. Je ne suis pas sûr que nous puissions persuader les autorités de mettre sur pied une autre commission royale en ce moment; je ne suis pas sûr non plus que ce soit même une bonne idée.
Nous devons faire une certaine confiance à notre système politique. Sénateur Eaton, J'ai davantage confiance que vous. Je crois que nos politiciens en arrivent au point où ils ne sont pas heureux de constater que nous venons au 15e rang dans le monde pour la santé, le bien-être et la productivité. J'ai demandé au Conference Board du Canada de produire pour nous le rapport auquel le Dr Hancock a fait allusion, pour que nous puissions l'inclure dans notre rapport. Les gens de cet organisme-là ont eu la gentillesse de faire le travail en question.
Même le monde des affaires monte dans le train. Les gens d'affaires disent : « Nous ne pouvons nous permettre d'avoir des milieux de travail qui ne sont pas sains. Nous ne pouvons nous permettre que les gens prennent tous ces congés. Il nous faut des effectifs en santé. » Par exemple, certaines entreprises fournissent un service de garderie auquel les parents peuvent confier leurs enfants si la garderie locale ne peut assurer le service.
Je veux revenir à ce que disait le sénateur Eggleton encore une fois. Il ronge son frein depuis un certain temps déjà.
Le sénateur Eggleton : Pas tout à fait. Je veux simplement m'assurer que tout le monde a l'occasion de formuler des observations ou des questions.
Votre idée de ministère me plaît. Ayant siégé au Cabinet, je sais qu'il faut un engagement au sommet. C'est le Cabinet qui délie les cordons de la bourse. La volonté d'agir doit venir du sommet
Vous pouvez vous doter de toutes sortes de structures plus bas, pour mobiliser les gens à l'échelle de la collectivité et pour mobiliser tous les ordres de gouvernement, et c'est important, particulièrement pour trouver des idées intéressantes... Cependant, il faut cet engagement-là au sommet, car si le Cabinet n'est pas saisi de la question, il n'y pensera même pas. D'autres priorités l'emporteront.
Je ne sais pas si vous pourriez tous répondre à la question que je vais poser, mais j'espère qu'une personne saura le faire. Du point de vue de la bureaucratie, nous avons eu le Comité consultatif sur la santé de la population de 1994 à 2004. Puis, en 2005, le Groupe d'experts sur la promotion de la santé de la population a pris sa place. C'est un des six groupes d'experts à la disposition d'un réseau pancanadien de la santé publique. Si je ne m'abuse, ce sont des gens qui occupent le poste de sous-ministre ou un rang inférieur au gouvernement fédéral et dans les administrations provinciales et territoriales.
Je souhaite comprendre les conséquences de ce changement-là. La situation s'est-elle améliorée ou est-elle demeurée la même? Quelqu'un sait-il où nous en sommes?
Dr Hancock : J'ai coprésidé le travail du groupe que vous avez mentionné, qui a remplacé le comité consultatif. Le Conseil du Réseau pancanadien de santé publique réunit les médecins hygiénistes ou sous-ministres adjoints des provinces et des territoires, et du gouvernement fédéral aussi. À certains égards, son champ d'action est plus vaste que l'était celui du Comité consultatif sur la santé de la population : il englobe tous les services de santé publique. Cela comprend la lutte contre les maladies infectieuses. Pour une grande part, l'incitation à agir en ce sens provient de l'épidémie de SRAS et d'autres flambées de maladies infectieuses, qui ont amené les responsables à reconnaître le fait que l'infrastructure de santé publique au Canada était faible.
Le conseil lui-même et le réseau dans son ensemble sont en train de se roder. Ils existent depuis deux ou trois ans. Ils se sont prêtés à un examen; nous en sommes toujours aux premiers stades de l'exercice qui vise à déterminer à quel point la structure est efficace. Cela ne fait aucun doute, il y a du bon travail qui se fait. Par l'entremise du groupe, nous étudions les questions des indicateurs d'inégalité et du coût de la pauvreté pour la santé. Nous faisons le lien avec la Commission de la santé mentale de l'ex-sénateur Kirby. Il s'agit d'un engagement des très hautes instances face à la population de la santé; les responsables rendent des comptes aux sous-ministres de la Santé.
Le sénateur Eggleton : Il est question ici des déterminants sociaux de la santé et non pas seulement des maladies infectieuses.
Dr Hancock : Le groupe d'experts dont je préside les travaux a justement cela pour travail. C'est notre principale raison d'être. Le rapport final issu des travaux du Comité consultatif sur la population de la santé traitait du rôle du secteur de la santé quand il s'agit de réduire les disparités du point de vue de la santé. C'est le document qui nous sert de référence au groupe d'experts.
M. Hay : Je dirais que ces activités-là ne sont pas si transparentes aux yeux des personnes qui n'y mettent pas la main. Nous avons l'occasion d'ouvrir les structures à l'apport d'une plus large gamme d'intervenants, peut-être pas le grand public, mais, en tout cas, une plus large gamme d'intervenants.
Je ne crois pas qu'il y ait eu de changement, nécessairement, entre les comités consultatifs dont il est question et ces nouveaux réseaux de santé publique. Cependant, on pourrait accroître la participation à l'exercice ou, tout au moins, se donner une idée de ce qui figure au programme d'action. Or, il importait de bien donner forme à ce programme d'action.
Le sénateur Eggleton : Merci.
M. Bradford : Pour donner suite brièvement à ce que les sénateurs Eaton et Eggleton ont fait valoir, je dirais que, selon moi, les options structurelles en question ne s'éliminent pas nécessairement les unes les autres. Un conseil consultatif pourrait faire partie de la proposition. Celle-ci pourrait prévoir un ministère du développement humain ou un ministre responsable de cette question et privilégier en même temps la nécessité de l'innovation et de l'engagement dans les hautes sphères de la fonction publique. Par exemple, au Royaume-Uni, le premier ministre Blair a créé la Social Exclusion Unit, dont le mandat consistait à travailler auprès des organismes centraux et du cabinet du Royaume-Uni aux questions interministérielles et « transversales ».
Nous parlons de l'idée de nous doter de politiques nationales dans des domaines qui sont intrinsèquement complexes et multidimensionnels. Il faut toute une série d'intervenants autour de la table. Un conseil consultatif public, un ministère et une structure bureaucratique dans les hautes sphères — tout cela s'inscrit dans une proposition viable et nécessaire. Nous nous devons d'être ambitieux et d'insérer ces éléments-là dans une approche intégrée.
Dr Hancock : Quand j'ai parlé d'une commission, je ne voulais pas dire une commission royale. C'est plus qu'un simple conseil consultatif. J'avais à l'esprit quelque chose comme le Conseil du premier ministre sur la santé en Ontario, qui réunit des dirigeants du monde politique, de la société civile et du secteur de la santé. Par contre, je propose d'établir quelque chose du genre au moyen d'une loi. Appelez ça une commission, un conseil ou je ne sais quoi encore. Je ne veux pas dire toutefois une commission royale sur le développement humain. Je veux dire un organisme créé au moyen d'une loi et qui réunit des secteurs importants de notre pays, non seulement du milieu politique, mais cela comprendra certainement le milieu politique. C'est ce que j'avais à l'esprit.
Le président : Pour vous taquiner, je dirai que j'ai lancé aujourd'hui pour la première fois l'idée de ministres fédéral et provinciaux du développement humain parce que, à mon avis, les gouvernements ne peuvent plus se dérober à cette tâche. Nous nous retrouvons devant une situation qu'il serait possible d'éviter au Canada. Si nous nous donnons les collectivités en santé qu'il nous faut, il n'y aura pas la moitié des maladies prises en charge dans le réseau de la santé au départ. Notre productivité passera du 15e rang au premier rang, je l'espère.
Le sénateur Eaton : Je voulais poser une question à nos invitées de Vancouver, mesdames Neilly et Lattey : vous a-t- on déjà demandé de faire part de ce que vous savez à d'autres collectivités?
Mme Lattey : Non. Nous recevons des demandes de nombreux chercheurs et représentants des médias, mais on ne nous a pas encore demandé de faire part de ce que nous avons appris, autant que je sache. D'autres collectivités ne nous ont pas approchées à ce sujet. Au Royaume-Uni, on a manifesté un certain intérêt. Cependant, c'est la seule partie qui nous ait vraiment approchées. Aviez-vous autre chose à dire sur ce point, madame Neilly?
Mme Neilly : En 2004 ou 2005, il y a un groupe de Santiago, au Chili, qui a découvert, grâce à Internet, l'existence de l'accord de Vancouver. Les représentants du groupe nous ont rendu visite à Vancouver et ont jeté un coup d'œil au modèle que nous employons. Ils utilisent maintenant certains de nos outils de travail pour intervenir auprès des jeunes et pour orienter les jeunes vers des activités gratifiantes. Il y a eu un certain intérêt international.
Le sénateur Eaton : Y avait-il un grand responsable du dossier? Y a-t-il une personne de votre secteur qui a agi, sinon étiez-vous plusieurs autour de la table? Comment cela a-t-il commencé et vers qui vous êtes-vous tournés au départ? La municipalité, le gouvernement fédéral ou le gouvernement provincial?
Mme Lattey : Je n'étais pas là au départ. Par contre, d'après mes lectures, il y avait une poignée de personnes qui ont très bien défendu l'affaire. La directrice responsable du dossier à Vancouver a très bien défendu l'affaire; elle a obtenu du maire de l'époque et du maire subséquent qu'ils s'engagent. Les deux ont très bien fait évoluer le dossier par la suite.
La responsable de Diversification de l'économie de l'Ouest à Vancouver à l'époque a également très bien défendu le dossier. À l'échelle provinciale, le député responsable du Downtown Eastside a aussi joué ce rôle. Ce sont les gens qui ont travaillé pour que l'accord soit mis en place.
En même temps, le gouvernement fédéral disposait de la structure nécessaire aux accords sur le développement urbain. Il était très important que cela soit déjà en place. Certaines autres personnes ont parlé de la nécessité de ces structures institutionnelles. Le fait que de tels responsables aient fait valoir le projet et le fait qu'ils aient été investis d'un certain pouvoir dans leur propre domaine ont revêtu une importance capitale pour le lancement de l'initiative.
Le président : Avant de terminer, puis-je vous demander, madame Neilly ou madame Lattey, de parler de votre système d'information? Vous avez maintenant des comptes à rendre. Avez-vous réussi à mettre en place un système d'information solide qui vous simplifie la vie, sinon cela laisse-t-il à désirer?
Mme Lattey : C'est une question importante. Franchement, oui, ça laisse à désirer. L'initiative nous a permis d'apprendre beaucoup de choses sur la manière de construire ces systèmes d'information. L'idée, c'est que chaque ordre de gouvernement dispose de son propre système d'information; or, pour pouvoir rendre des comptes, tous doivent conserver le système d'information qui est le leur, quelle qu'en soit la conception. Puis, il y a un organisme de concertation, c'est-à-dire le ministère dont vous avez proposé la création, ou encore le ministre, s'il faut parler d'une personne, qui aurait un système qui reflète les systèmes des trois ordres. Autrement, le fait de passer d'un ministère à l'autre devient tout à fait déroutant : il est difficile alors de savoir de quoi on parle et de trouver un vocabulaire commun. Ce n'est pas une tâche si difficile, mais c'est un travail qui doit se faire au tout début, et qui doit reposer sur une reconnaissance de l'intégrité de chacun des systèmes existants.
Mme Neilly : Je suis d'accord avec Mme Lattey et je suis d'accord aussi pour dire qu'il importe d'avoir un système d'information commun. C'est un système d'information que le gouvernement du Canada et les provinces respectives emploient pour exécuter collectivement de nombreux programmes d'infrastructure. Le système d'information commun ajoute certainement de la valeur à l'exécution du programme.
Le président : Je vous remercie, beaucoup, toutes les deux. Nous allons organiser une table ronde sur la conception d'un système d'information qui fonctionnera, du sommet à la base de ce réseau de santé de la population. Il se peut très bien que je communique avec vous de nouveau.
Quoi qu'il en soit, merci beaucoup aux cinq témoins. La séance nous a été extrêmement utile. Nous en sommes maintenant au stade de production du rapport où il faut se mettre en marche vraiment. Vos observations ont vraiment éclairé notre lanterne, et je dois moi-même poursuivre une discussion majeure avec le sénateur Eaton là-dessus. Merci à tous.
Mme Neilly : Merci de nous avoir invités aujourd'hui et de nous inclure.
(La séance est levée.)