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Sous-comité sur la santé des populations

 

Délibérations du Sous-comité sur la Santé des populations

Fascicule 1 - Témoignages du 26 février 2009


OTTAWA, le jeudi 26 février 2009

Le Sous-comité sur la santé des populations, du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, s'est réuni aujourd'hui à 10 h 45 pour étudier l'incidence des multiples facteurs qui influent sur la santé de la population canadienne et qu'on appelle aussi les déterminants sociaux de la santé.

Le sénateur Wilbert J. Keon (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Sénateurs, nous avons le plaisir aujourd'hui d'accueillir deux personnalités éminentes qui vont nous parler d'une approche pangouvernementale de la santé des populations.

Nos témoins se demandent certainement de quoi il s'agit vraiment, quoique Mel Cappe ait déjà participé à cet exercice à deux reprises : une fois à une table ronde, et une autre fois à une réunion à Toronto, où j'ai demandé un plan d'entreprise.

La raison pour laquelle nous avons entrepris cette étude sur la santé des populations est simple : la population canadienne n'est pas en bonne santé, et nous devons y remédier. Nous occupons entre le 15e et le 20e rang au monde pour ce qui est du niveau de santé et de bien-être de la population, et avons le même classement en ce qui concerne la productivité. Or, nous sommes l'un des pays les plus riches au monde, avec une des populations les mieux instruites, et nous ne devrions donc pas afficher des résultats pareils.

Il est tout à fait possible de prévenir 50 p. 100 des maladies cardiaques, des AVC, des graves maladies vasculaires, des cancers et des diabètes de type 2, car ces maladies touchent des gens qui s'exposent à des environnements insalubres. Nous devons convaincre tous les paliers de gouvernement de se donner la main pour bâtir, tous ensemble, des communautés saines. La création de telles communautés doit faire partie intégrante de tous les programmes des villes, des municipalités, des provinces et du gouvernement fédéral. Nous devons convaincre les citoyens qu'ils sont eux-mêmes responsables de leur propre santé, et convaincre tous les paliers de gouvernement qu'ils ont la responsabilité de montrer aux gens comment adopter des habitudes plus saines.

Sinon, notre système de prestations de soins de santé ne suffira tout simplement pas à la tâche. Il est déjà saturé, alors imaginez ce qui va se produire quand tous les diabètes de type 2 qui se préparent vont se déclarer.

Cela dit, je vais donner la parole à Jim Mitchell pour commencer.

Jim Mitchell, associé fondateur, Le Cercle Sussex : Je vous remercie de m'avoir invité à comparaître devant vous aujourd'hui. La question la plus importante que je tiens à mentionner a trait aux secteurs dans lesquels j'estime avoir une certaine expertise pertinente à offrir au comité, et ceux dans lesquels je n'en ai franchement aucune. Loin de moi l'idée de me faire passer pour ce que je ne suis pas.

Comme vous le savez peut-être, et j'ai passé plus de neuf ans de ma carrière à m'occuper des rouages du Secrétariat du Bureau du Conseil privé, je travaille maintenant depuis déjà plusieurs années comme consultant, ici, à Ottawa, à régler des questions d'organisation gouvernementale, entre autres.

Je me sens donc raisonnablement compétent pour répondre à vos questions à ce sujet, ainsi qu'au sujet du rôle des comités du Cabinet et des comités de sous-ministres, du processus décisionnaire au sein du gouvernement en général, et des rapports entre les ministères et les organismes ou agences. Dans ces domaines, vous pourrez me poser toutes les questions que vous voudrez, et je m'efforcerai de vous donner la meilleure réponse possible.

Je tiens à préciser que je n'ai aucune expertise dans le domaine de la santé des populations en tant que tel, ou concernant les mesures prises par des ordres de gouvernement, autres que le fédéral, pour régler les questions relatives à la santé des populations. Certes, pour me préparer à la réunion d'aujourd'hui, j'ai lu des documents sur ce qu'ils faisaient dans ce domaine, mais je ne voudrais surtout pas me faire passer pour un expert en la matière.

Je ne suis pas un expert non plus en relations fédérales provinciales, bien que j'aie des idées au sujet de ce qui fonctionne ou ne fonctionne pas dans la recherche de solutions avec les provinces.

Bref, je ne voudrais pas me présenter comme quelqu'un qui pourrait vous renseigner au sujet de ce que d'autres ordres de gouvernement ont fait, et de ce qui fonctionne ou ne fonctionne pas en ce qui concerne la population ou la santé publique. Je ne suis pas médecin, simplement ancien fonctionnaire. Il y a une foule d'autres personnes qui pourraient vous être utiles à cet égard.

Cela dit, permettez-moi de mentionner trois choses avant de répondre à vos questions.

La première est que la santé des populations, dans toutes les dimensions de la question à l'étude par le comité, est maintenant un problème de grande importance pour le gouvernement et la population du Canada. Et l'idée du gouvernement d'adopter une « approche pangouvernementale » vis-à-vis de ce problème complexe a bien du sens, vu, surtout, le grand nombre d'acteurs institutionnels en cause. La question dont le comité est saisi est de savoir quels mécanismes ou outils seraient les plus utiles pour concrétiser cette approche pangouvernementale. C'est là une excellente question.

La deuxième est que, comme les membres du comité le savent sûrement, la santé des populations n'est qu'une des lentilles à travers lesquelles le gouvernement peut étudier les enjeux. Et quelle que soit l'importance de cette lentille, je crois que tout gouvernement — tout premier ministre — se devrait d'être prudent afin de ne pas réorienter le processus décisionnel uniquement en fonction de ce seul ensemble de questions. Cela exercerait trop de pressions sur les grands processus du gouvernement.

La troisième est simplement d'informer le comité que, en ce qui concerne les rouages du gouvernement, je suis un adepte du conservatisme philosophique. C'est-à-dire que je crois fortement en l'importance de l'autorité du premier ministre de déterminer la façon dont son administration gère ses affaires, prend des décisions et traite avec les autres ordres de gouvernement.

Bien qu'il soit tout à fait convenable pour le Sénat ou la Chambre d'exprimer leur point de vue au sujet de l'utilité de tel ou tel mécanisme, il revient réellement au premier ministre de déterminer comment procéder.

Ainsi, je ferais preuve de prudence avant d'imposer au premier ministre un mécanisme ou un rouage précis comme solution pangouvernementale, pour régler le problème particulier dont vous êtes saisis.

Le rôle le plus important pour le Parlement consiste à cerner les problèmes auxquels le gouvernement devrait s'attaquer et les solutions qui s'offrent à lui. L'approche à prendre, du moins pour ce qui est de l'organisation interne du gouvernement, est, à mon avis, une question qui relève du premier ministre en poste.

Voilà ce que je voulais vous dire en guise de déclaration liminaire. Je serai ravi de répondre aux questions en temps voulu.

Le président : Nous allons maintenant entendre M. Cappe, qui est actuellement président de l'Institut de recherche en politiques publiques, comme l'indique la convocation. Il a lui aussi acquis une solide expérience à pratiquement tous les niveaux du gouvernement du Canada et dans la bureaucratie, notamment au poste de greffier du Conseil privé.

Nous avons hâte de savoir comment vous allez nous proposer d'articuler les différentes composantes de cette grande mosaïque canadienne.

Mel Cappe, président, Institut de recherche en politiques publiques : Je suis très heureux d'être ici. Quand j'étais fonctionnaire, je préférais toujours comparaître devant un comité de la Chambre des communes car c'était amusant de les voir se renvoyer la balle à droite et à gauche. Par contre, c'était toujours plus difficile de comparaître devant un comité du Sénat, car on y parlait plus de substance. Aujourd'hui que je suis un simple citoyen, je préfère nettement comparaître devant un comité du Sénat pour justement parler de substance.

La question dont vous êtes saisis est d'une grande importance pour l'avenir du pays. Je conclurai en vous disant, et je devrais aussi commencer par là, qu'il est essentiel que votre comité prenne la question très au sérieux et s'attaque vraiment au problème. C'est crucial.

Monsieur le président, vous avez commencé par dire que nous ne pouvions pas nous permettre d'avoir une population en aussi mauvaise santé. Pour bien saisir l'importance de ce problème, on devrait parler des conséquences économiques d'un tel état de choses, ce que l'on n'a pas vraiment fait jusqu'à présent. On a parlé d'absentéisme et d'autres phénomènes, mais il faudrait vraiment se pencher sur les conséquences économiques d'une telle situation.

Il y a quelques années, mon prédécesseur, Hugh Segal, aujourd'hui sénateur, avait entrepris, à l'Institut de recherche en politiques publiques, un processus de réflexion sur ce que nous appelions « l'agenda des priorités canadiennes «. D'aucuns disaient que les gouvernements n'avaient pas d'agenda stratégique. Nous nous étions donc demandé, à l'institut, quels étaient les enjeux stratégiques du pays. Nous avons publié un livre à ce sujet, intitulé Programme de priorités pour le Canada. En fait, qu'on parle d'économie, de sécurité du revenu ou d'environnement, on en revient toujours à la santé de la population.

Deuxièmement, dans le document qui a été préparé pour le comité, on pose la question de savoir si, dans un État unitaire comme le Royaume-Uni, où j'ai d'ailleurs été haut-commissaire du Canada pendant quatre ans, il est plus facile de s'attaquer à ce problème. Je réponds sans hésiter que oui, car il est beaucoup plus difficile de le faire dans un État fédéral. Cela ne signifie pas que les solutions trouvées sont meilleures, mais dans un État unitaire, il est plus facile de s'attaquer au problème. C'est à la fois la force et la faiblesse de notre système.

J'aimerais aussi vous faire remarquer que rien ne se fait au gouvernement s'il ne porte pas un acronyme. Nous n'en avons pas encore trouvé un pour la santé des populations, mais nous avons l'APG, l'approche pangouvernementale. C'est rassurant de voir que l'APG fait son chemin, et que nous avons une approche pangouvernementale pour l'Afghanistan. C'est sans doute une bonne chose d'avoir une approche pangouvernementale pour la santé des populations.

[Français]

Une autre question soulevée dans le document concerne la façon d'évaluer le progrès. Je vous encourage à être prudent si vous voulez aller de l'avant en ce sens.

[Traduction]

Il faut faire attention à ce qu'on mesure. Quand j'étais au Royaume-Uni, j'ai constaté que, dans le dossier de la santé, ce pays essayait de mesurer toutes sortes de choses. On y faisait le classement des hôpitaux, on parlait même de ligue, des meilleurs hôpitaux jusqu'aux pires. Ce classement était fondé sur 32 critères, notamment le taux de récidive du cancer du sein, et le niveau de satisfaction des malades vis-à-vis des repas servis dans l'hôpital. Les administrateurs des hôpitaux voyaient bien qu'une mesure était facile à quantifier, et pas l'autre. Ils se sont donc attaqués au problème le plus facile, et les malades britanniques ont dit qu'ils appréciaient la nourriture. Mais cela ne signifiait pas pour autant que ces malades étaient en meilleure santé ou, en l'occurrence, qu'ils recevaient de meilleurs soins. C'est pour cela qu'il faut faire attention à ce qu'on mesure.

En 1994-1995, j'étais sous-ministre de l'Environnement et je présidais un groupe de travail des sous-ministres sur l'horizontalité. Je ne parle pas de la position de tir couché, mais plutôt de la collaboration entre les ministères. Tous autour de la table, nous totalisions une expérience de 450 ans à la fonction publique, et nous avons découvert ce qui aurait dû nous crever les yeux dès le départ : pour que les gens travaillent ensemble, il faut harmoniser leurs objectifs, récompenser les bonnes actions, punir les mauvaises actions, et promouvoir la prise de décisions collective. Le groupe de travail a publié un rapport que je ne vous recommande pas, car il ne vous apprendrait rien.

Au fond, ce qui est important, ce n'est pas l'organigramme du gouvernement, mais la façon dont les gens réussissent à travailler ensemble. On a beau déplacer les pions et modifier les responsabilités, au bout du compte, comme le disait M. Mitchell, c'est le premier ministre qui doit décider. Le premier ministre n'a qu'un nombre limité d'instruments à sa disposition, et l'organisation du gouvernement en est un. Ce qui compte, c'est la façon dont le premier ministre demande à ses ministres, et ces derniers à leurs fonctionnaires, de travailler ensemble.

Le comité a plusieurs choix à faire, et je vais vous en donner sept. Premièrement, vous pouvez politiser ou dépolitiser le dossier. J'estime pour ma part qu'on peut faire beaucoup de choses en coulisse, et que dépolitiser le dossier est une solution. La santé des populations n'est pas un enjeu partisan. Je suis sûr que tous les partis y croient vraiment et que cela ne donnera pas lieu à des joutes politiques.

Deuxièmement, vous pouvez donner une grande visibilité à ce dossier, ou bien jouer la carte de la discrétion. Je suis devenu un adepte de cette deuxième solution, car vous pouvez accomplir beaucoup de choses de cette façon. Et je me souviens quand j'étais à Développement des ressources humaines Canada, DRHC, nous avions des bureaux à côté de ceux du gouvernement de l'Alberta. Chaque fois qu'un dossier devenait politique, il était difficile de le mener à bien. Par contre, quand le dossier n'était pas politique, les fonctionnaires s'en occupaient et collaboraient avec la province.

Troisièmement, vous avez le choix entre centraliser ou décentraliser le dossier. À mon avis, la centralisation est la solution, mais il faut alors du leadership politique et bureaucratique. Je penche plutôt pour la centralisation.

Quatrièmement, vous pouvez utiliser la manière douce ou la manière forte. Là encore, j'estime qu'il vaut mieux éviter la manière forte et privilégier la manière douce, car c'est avec ce type de leadership qu'on peut encourager les gens à travailler ensemble.

Cinquièmement, vous pouvez institutionnaliser ou désinstitutionnaliser la santé des populations. À mon avis, il vaut mieux désinstitutionnaliser. Quand tout le monde est responsable, plus personne ne l'est vraiment. Au final, il faut bien que quelqu'un assume la responsabilité de promouvoir la santé des populations. Si l'on crée un ministère de la Santé des populations, les fonctionnaires d'Environnement Canada vont pouvoir dire que ce dossier ne les concerne plus. À mon avis, ce n'est pas souhaitable.

Sixièmement, vous pouvez adopter une approche descendante ou une approche ascendante. Il en est question dans le document. Quelqu'un m'a dit une fois que c'était plutôt un choix entre l'approche ascendante en partant du haut ou l'approche descendante en partant du bas. À mon avis, il faut partir du haut, que vous alliez ensuite en montant ou en descendant. Je suis tout à fait d'accord avec M. Mitchell lorsqu'il dit que le premier ministre doit avoir le contrôle du dossier et que c'est à lui de donner des consignes à ses ministres sur la façon de procéder.

Septièmement, comme l'indique le document, vous avez le choix entre une approche graduelle et un changement radical. J'aimerais bien pouvoir vous dire que nous savons comment faire pour opérer un changement radical, mais je suis convaincu que nous n'en savons rien. J'ai tendance à privilégier les progrès graduels, qui n'en sont pas moins des progrès. Nous sommes comme des nains juchés sur des épaules de géants. Si votre rapport aboutit à des changements importants, même modestes, au gouvernement, ce sera une bonne chose, car vos successeurs pourront reprendre le flambeau et poursuivre sur la lancée.

En conclusion, je voudrais dire qu'à mon avis, la création d'un comité du Cabinet ne ferait que bureaucratiser le processus, car les bureaucrates serviront le comité plutôt que de faire vraiment avancer le dossier. Je ne suis donc pas en faveur de cette option. Comme l'a dit M. Mitchell, le mandat du premier ministre est l'instrument le plus important que vous ayez à votre disposition.

Lorsque j'étais sous-ministre, j'ai dit un jour à mon ministre que quelque chose n'était pas important; il a alors sorti quelque chose de sa poche, une lettre de mandat du premier ministre, avant de me dire : « bien sûr que si que c'est important, car c'est ce que le premier ministre m'a dit «. Les ministres prennent ces lettres de mandat très au sérieux, et il est préférable d'utiliser cet instrument.

Les comités de sous-ministres fonctionnent uniquement si le greffier et le premier ministre s'intéressent à la question. Si le greffier et le premier ministre donnent un mandat aux membres du comité, ces derniers peuvent beaucoup contribuer à faire avancer le dossier dans le dédale bureaucratique.

En ce qui concerne les évaluations d'impact sur la santé et les examens des dépenses gouvernementales, je suis d'accord avec M. Mitchell. On ne peut pas dire que la santé des populations est plus importante que les affaires étrangères — d'une certaine façon, les affaires étrangères sont la responsabilité de chacun, et le ministère de l'Agriculture s'occupe plus d'affaires étrangères que beaucoup d'autres ministères; ni plus importante que le changement climatique, dossier pancanadien qui, lui aussi, a un impact sur la santé des populations; ni plus importante que les questions relatives à la condition féminine ou aux droits de la personne. Tous ces dossiers concernent l'ensemble des ministères et nécessitent une approche pangouvernementale. Il en va de même pour la santé des populations, sauf que ce dossier-là est négligé. Vous allez donc devoir trouver un moyen de lui donner une certaine visibilité, sans qu'il occupe pour autant le devant de la scène.

L'important est de savoir qui va piloter le dossier. C'est crucial. Si le Bureau du Conseil privé ne mobilise pas les ministères, le dossier n'avancera pas. Le premier ministre ou le greffier du Bureau du Conseil privé doit demander au Bureau du Conseil privé de convoquer une réunion à laquelle les gens seront obligés d'assister; si la réunion est convoquée par le sous-ministre de l'Environnement, les gens n'y vont pas forcément.

Si je mets ma casquette de citoyen, je vous conseille de viser avant tout l'efficacité et de ne jamais la perdre de vue. Personne ne conteste l'importance de la santé des populations, mais personne ne sait comment concrétiser la chose. Privilégiez les politiques concrètes et factuelles : je suis souvent étonné de voir combien d'énoncés de politiques sont basés sur l'idéologie et non sur des preuves découlant de recherches véritables.

Pour illustrer le défi qui se présente à vous, je dirais que c'est comme si vous utilisiez un élastique pour faire bouger le gouvernement. Si vous tirez trop fort sur l'élastique, il va se casser et vous n'aurez pas fait bouger le gouvernement d'un centimètre. Votre défi consiste donc à tirer suffisamment fort sur l'élastique pour faire bouger le gouvernement, mais pas trop pour ne pas vous faire envoyer promener.

Je vous remercie de m'avoir écouté, et vous dis bon courage.

Le président : Avant de permettre aux sénateurs d'entamer la discussion, j'aimerais poser une question à M. Cappe.

Vous étiez présent à une réunion du Conference Board du Canada lorsque cet organisme a présenté une première ébauche d'un rapport sur l'impact économique d'une amélioration du niveau de santé des populations et du niveau de santé en milieu de travail. Ils ont eu l'amabilité de me faire parvenir un exemplaire de cette ébauche, comme je le leur avais demandé. J'aimerais profiter de votre présence parmi nous pour vous demander ce que vous pensez de ce document. Vous en souvenez-vous?

M. Cappe : Très franchement, je préférerais m'abstenir.

Ce document vise à mesurer l'impact d'une amélioration du niveau de santé. Je me souviens que le rapport de l'ex- sénateur Kirby sur la santé mentale abordait lui aussi la question des conséquences économiques des maladies mentales. Aucune des estimations du Conference Board n'est factuelle. Certes, ce n'est pas parce qu'elles ne vont pas jusqu'à la troisième décimale qu'il faut les rejeter. Elles ont quand même une signification, personne ne peut le contester. Le rapport donne une idée de l'importance du problème, et je pense qu'on peut l'utiliser dans cette optique.

Le sénateur Eggleton : J'ai un point commun avec nos deux témoins : j'ai servi au Conseil du Trésor. Lorsque j'ai été nommé ministre du Conseil du Trésor en 1993, M. Cappe en était le sous-ministre adjoint. L'un des premiers entretiens que nous avons eus portait justement sur les liens horizontaux, et j'aimerais revenir là-dessus maintenant.

Le dossier de la santé des populations nécessite l'engagement de plusieurs ministères. Or, tout le monde sait que notre système est fortement cloisonné. Il y a d'un côté la responsabilité ministérielle, et de l'autre, les liens horizontaux. Malgré les efforts déployés, la situation perdure. Il y a certainement eu des progrès à cet égard, mais que je sache, ils n'ont pas été transcendants.

Je pense qu'il faut commencer par l'approche descendante. Autrement dit, il faut que le premier ministre annonce que ce dossier est très prioritaire, sinon je ne vois pas comment vous réussirez à transcender ces cloisonnements pour établir des liens horizontaux. On n'a pas nécessairement besoin d'un ministre de la Santé des populations. À mon avis, la création d'un comité du Cabinet serait souhaitable. Cela pourrait être prévu dans des lettres de mandat. J'ai eu l'occasion de recevoir plusieurs de ces lettres, et je suis conscient de leur importance. Vous semblez être d'accord avec cette façon de procéder.

Parallèlement, il faut avoir une approche ascendante pour ce qui est de la mise en œuvre des programmes. N'oubliez pas qu'il s'agit d'un secteur où une grande partie des programmes sont administrés au niveau provincial ou local. Il faudra d'ailleurs sans doute mettre en place un dispositif à cet effet. Bref, je pense qu'en combinant une approche descendante et une approche ascendante pour la prestation des services, cela fonctionnerait.

En l'absence d'un comité du Cabinet pour mettre en place des liens horizontaux, comment pourrons-nous garder le cap et maintenir la pression?

M. Cappe : Je fais une distinction entre un « comité du Cabinet « et une « réunion ministérielle «.

Le communiqué de presse émis à la suite de la rencontre du premier ministre et du président, cette semaine, énonçait des tâches précises que leurs collaborateurs ont entreprises aussitôt, afin d'améliorer les relations entre les deux pays. Une réunion ministérielle, qui peut avoir un mandat très temporaire, oblige les gens à rendre des comptes et à faire ce qu'il faut. Elle permet aussi de faire faire beaucoup plus de choses.

Je ne suis pas très au courant de la structure actuelle des comités du Cabinet, car j'ai quitté le gouvernement il y a deux ans et demi maintenant. Mais quand j'étais greffier du Conseil privé, nous avions des comités du Cabinet sur l'union économique et sociale. Nous avions aussi ce que nous appelions la réunion ministérielle sur la sécurité et le renseignement. Il ne s'agissait pas du comité ministériel, et c'était donc un peu moins bureaucratique. Cette réunion avait lieu chaque année, selon les besoins. Il y avait aussi des réunions ou comités qu'on disait spéciaux, où le premier ministre déclarait que le dossier était important et qu'il fallait convoquer tous les ministres concernés.

Je me souviens, sénateur Eggleton, que le premier comité du Cabinet qui s'est réuni après les élections de 1993 était celui des infrastructures, et que c'est vous qui le présidiez.

Ce n'était pas un comité institutionnel, mais c'était une façon de réunir les ministres. Je vous mets en garde contre la création d'une structure dans laquelle vous avez un secrétariat et toute une hiérarchie de comités, car les gens qui y participent songent plutôt à servir le système qu'à faire avancer le dossier.

Certes, les ministres doivent surveiller la situation, mais il y a plusieurs façons de le faire.

M. Mitchell : J'aimerais ajouter quelques commentaires, mais dans l'ensemble, je suis d'accord avec M. Cappe.

Premièrement, la chose la plus importante, c'est que le premier ministre fasse de ce dossier une priorité du gouvernement et qu'il l'annonce à la population canadienne.

Deuxièmement, le gouvernement fédéral doit être prêt à avancer des fonds. Comme vous l'avez dit, sénateur, dans ce domaine, la mise en œuvre de la plupart des programmes relève d'autres juridictions. Par conséquent, la pire solution serait d'annoncer qu'on en fait une priorité nationale mais de laisser les provinces et les municipalités se débrouiller toutes seules. Nous savons tous qu'elles n'apprécient pas ce genre de choses. Il nous faut donc en faire une priorité du gouvernement et avancer les fonds nécessaires.

Comme l'a dit M. Cappe, il faut vous organisez pour que ce soit les ministres concernés et leurs ministères qui rendent des comptes, étant bien entendu qu'il s'agit là d'une initiative à long terme. Comme l'a dit le président dans ses remarques liminaires, nous savons bien qu'il nous faudra une trentaine d'années pour que le Canada passe du 15e au 5e rang en ce qui concerne le niveau de santé et de bien-être de sa population. C'est donc un dossier pour le long terme, complexe et multi-juridictionnel.

La seule chose pour laquelle je suis légèrement en désaccord avec mon éminent collègue, c'est qu'à mon avis, une réunion ministérielle est un dispositif efficace pour s'attaquer à un problème immédiat, car cela vous permet d'obtenir un maximum de diligence de la part du ministère, et c'est ce que vous voulez : des résultats. Il faut réussir à susciter l'intérêt des ministres, et ensuite à maintenir cet intérêt pendant une longue période. À mon avis, quels que soient les dispositifs que vous utiliserez pour amener les ministres à travailler ensemble, l'essentiel c'est que les Canadiens comprennent qu'il s'agit d'un problème important pour l'ensemble du pays, et que le gouvernement s'est engagé, pour le long terme, à faire ce qu'il faut pour y remédier. S'il veut être un partenaire crédible aux yeux des provinces, le gouvernement fédéral devra accompagner son engagement des fonds nécessaires.

Le sénateur Eggleton : Merci beaucoup.

Permettez-moi maintenant de vous poser une autre question sur l'approche graduelle par opposition à la présentation d'une vision d'ensemble.

Monsieur Cappe, vous dites préférer l'approche graduelle, mais ne pensez-vous pas qu'il faudrait que la population soit informée de l'objectif global d'une telle initiative? On pourrait aussi avoir une approche graduelle en fonction des besoins, mais ne pensez-vous pas qu'il serait nécessaire d'adopter à la fois les deux types d'approches?

M. Cappe : Je suis entièrement d'accord avec vous, sénateur Eggleton. Vous avez tout à fait raison.

Il faut annoncer clairement l'objectif qu'on s'est fixé. Dans un sens, c'est assez révolutionnaire, car ça ne s'est encore jamais fait. Chaque fois qu'il est question de santé des populations, les gens qui en parlent ont l'air très sérieux, mais ils n'expliquent jamais clairement ce qu'on va faire et pourquoi il est important qu'on le fasse; ils ne présentent pas les grands objectifs qu'on s'est fixés. Je parle de la mise en œuvre. Il faut attendre d'avoir quelques succès à son actif et ensuite poursuivre sur sa lancée, et c'est à ce moment-là que le public se rend compte que le gouvernement fait quelque chose de positif.

M. Mitchell : J'aimerais ajouter quelque chose.

Il faut faire comprendre à la population canadienne qu'il s'agit là d'un grave problème. Par exemple, comme l'a fait remarquer le président, les cas de diabète de type 2 risquent fort de se multiplier au Canada. Le dossier de la santé des populations ressemble à deux autres enjeux que vous avez affrontés au cours des 20 dernières années. Le premier était de faire comprendre aux Canadiens que la dette et le déficit constituaient un grave problème. Cela a pris du temps. M. Cappe et moi-même travaillions tous les deux dans des agences centrales au début des années 1980 et 1990, et il a fallu beaucoup de temps au gouvernement pour faire comprendre aux Canadiens qu'on ne pouvait pas continuer à accuser des déficits de 40 milliards de dollars. Finalement, c'est vers 1995 que le gouvernement de l'époque a décidé de prendre le taureau par les cornes, mais l'opinion publique avait été conditionnée. Il fallait prendre des mesures énergiques.

Le deuxième était le changement climatique. Les Canadiens ont mis du temps à se rendre compte qu'il s'agissait là, en effet, d'un grave problème. À partir du moment où le gouvernement a réussi à les sensibiliser à ce problème, et à partir du moment où le gouvernement fédéral et les provinces se sont entendus pour agir, alors les Canadiens ont dit d'accord, il faut agir.

Toute cette question de la sensibilisation de la population est extrêmement importante, car il faut que celle-ci comprenne toutes les dimensions du problème que vous avez longuement examiné dans votre comité. Ensuite, le premier ministre annonce lui-même que cela devient une priorité du gouvernement, et qu'il allonge les fonds nécessaires. À partir de là, il devient beaucoup plus facile de faire progresser le dossier.

M. Cappe : L'autre problème, c'est que nous savons combien il en coûtera si nous intervenons, mais que nous ne savons pas combien il en coûtera si nous ne faisons rien. Il faut préparer l'opinion publique en expliquant pourquoi, si nous n'intervenons pas, la situation va se détériorer, par exemple, dans les secteurs du logement social et de la sécurité du revenu. Les gens vont alors se demander s'il vaut mieux payer tout de suite plutôt que d'attendre, et ils vont comprendre que oui, il faut agir maintenant, car plus tard, ça coûtera plus cher.

Le sénateur Eggleton : Autrement dit, il faut préparer une analyse de rentabilité.

M. Cappe : En effet.

Le président : Avant de donner la parole à d'autres sénateurs, j'aimerais faire une petite intervention, compte tenu des remarques de nos deux témoins.

Au cours de nos recherches et de nos voyages, nous nous sommes rendu compte qu'il existait des modèles de communautés qui favorisent la santé, le bien-être et la productivité. On ne les trouve pas nécessairement au Canada, même s'il y en a un certain nombre, notamment dans nos communautés autochtones. Par exemple, nous avons été très impressionnés par ce que nous avons vu à Cuba, surtout quand on compare les coûts.

Dans notre rapport, nous présenterons quelques schémas de communautés favorisant la santé, le bien-être et la productivité, qui peuvent être reproduits au centre de Toronto, dans les régions rurales, dans les zones gelées du Nord, dans les communautés autochtones, et cetera. Vous avez dit tous les deux que le premier ministre devait assumer la responsabilité de ce dossier, mais il faut aussi que notre action se traduise par des réalisations concrètes.

Comment pouvons-nous amener le premier ministre au niveau des réalisations concrètes?

M. Mitchell : Comment peut-on passer du niveau du premier ministre au niveau des résultats concrets, sur le terrain?

Le président : C'est une autre façon de le formuler.

M. Mitchell : Supposons d'abord que le premier ministre et son gouvernement reconnaissent avec le comité qu'il s'agit d'un dossier prioritaire. L'étape suivante consiste à trouver des partenaires disposés à travailler avec le gouvernement fédéral, à utiliser les ressources fédérales le cas échéant, à entreprendre des projets pilotes et à faire la preuve de certains résultats.

Par exemple, dans certaines provinces, on fait beaucoup d'innovations dans le système de soins de santé. Au Québec, par exemple, les centres locaux de services communautaires, les CLSC, fonctionnent bien, mais ce modèle n'a pas été reproduit ailleurs.

Si le gouvernement du Canada est disposé à travailler avec d'autres juridictions, par exemple avec les Territoires du Nord-Ouest ou le Nunavut pour les petites communautés autochtones, ou avec une province disposée à entreprendre des projets pilotes impliquant de nombreux intervenants, le gouvernement fédéral peut jouer un rôle de soutien. Il peut fournir de l'aide et des encouragements sans pour autant prendre les commandes.

Et à force de persévérance, vous allez commencer à avoir des résultats positifs, les médias vont en parler, et les Canadiens vont apprécier ce qui aura été fait. C'est de cette façon qu'on peut impulser le changement. En résumé, il faut énoncer le problème et trouver ensuite les mécanismes pour obtenir des résultats concrets.

M. Cappe : Je suis tout à fait d'accord. Plusieurs d'entre vous ont fait de la politique avant d'être sénateurs, et vous savez bien qu'on n'a pas souvent d'encouragements positifs, au début, quand on adopte une approche graduelle. Où sont les retombées politiques?

C'est comme les investissements dans les sciences, qu'on a supprimés pour les remettre après. Les présidents d'université sont tous venus discrètement à Ottawa pour apporter leurs encouragements, mais on avait l'impression que c'était des demi-applaudissements. Quelles ont été les retombées politiques de ces énormes investissements?

On a besoin d'encouragements. M. Mitchell a mis le doigt sur quelque chose d'intéressant, car à l'heure actuelle, on reçoit des encouragements lorsque les organisations non gouvernementales locales et les groupes communautaires locaux insistent pour qu'un projet se fasse, et qu'ensuite, ils applaudissent haut et fort lorsque le projet marche bien.

À propos des investissements dans les sciences, le seul exemple d'encouragement qui me vienne à l'esprit remonte à la crise du SRAS, le syndrome respiratoire aigu sévère, qui a frappé Toronto. L'Université de la Colombie-Britannique a fait passer une publicité d'une page entière disant qu'elle avait fait revenir au Canada, pour lui confier une chaire de recherche, le chercheur qui avait réussi à faire la séquence du génome responsable. C'est le seul exemple qui me vienne à l'esprit. Si vous dépensez 10 milliards de dollars et que le seul encouragement que vous en recevez est une publicité dans un journal, c'est un peu mince.

C'était la chose qu'il fallait faire, et je n'ai pas l'intention de faire preuve de partisannerie à ce sujet. Je pense que le gouvernement a fait beaucoup de choses qu'il fallait faire; il a reconduit certains investissements dans les sciences. Mais personne n'a fait passer une publicité dans les journaux pour le féliciter de l'avoir fait. Par contre, quand le gouvernement refuse d'accorder une rallonge, alors là, les critiques dans les journaux ne manquent pas.

Le dossier qui nous intéresse aujourd'hui pourrait certainement avoir des retombées politiques positives, mais je n'ai pas vraiment réfléchi à la façon de s'y prendre. M. Mitchell a peut-être trouvé la solution quand il a dit que ces retombées devaient se situer au niveau des collectivités locales.

Le président : Quand je suis allé dans le Nord pour annoncer des investissements dans les infrastructures, où j'ai d'ailleurs attrapé une mauvaise grippe, je me souviens qu'il fallait que ce soit un tiers, un tiers, un tiers. Dans ce cas-là, ça a bien marché.

J'aimerais demander à nos deux témoins comment nous devrions traiter de cette question-là dans notre rapport, car pour une petite collectivité qui veut améliorer le bien-être de ses habitants, la productivité, l'éducation, l'alimentation des enfants, la santé des mères, l'éducation parentale, et cetera, il est très difficile de trouver des fonds en contrepartie de l'argent offert par la province.

Y a-t-il une façon de tourner les règlements?

M. Cappe : J'ai du mal à croire que les petites collectivités n'ont pas les moyens suffisants. Premièrement, trouver des fonds de contrepartie n'est pas une question d'avoir les moyens ou pas, car ce que nous voulons, c'est que les collectivités provoquent le déblocage des fonds au fédéral, ou que le fédéral provoque le déblocage des fonds des collectivités. La question est plutôt de savoir clairement ce qu'on veut : si c'est une priorité pour la collectivité, qu'elle en fasse une priorité locale. Ce n'est pas une priorité fédérale, c'est une priorité locale. Et si la collectivité réussit à allonger les sommes nécessaires, le gouvernement fédéral en fera autant et la province aussi.

Deuxièmement, toutes ces sommes sont fongibles. En fait, il s'agit d'investissements, et c'est un autre problème dont nous devrions parler, car actuellement, elles sont considérées comme des dépenses alors que ce sont des investissements.

Quoi qu'il en soit, ces investissements signifient non seulement qu'une priorité a été établie, mais que les fonds locaux ont été réunis. Le gouvernement fédéral verse alors sa part, ce qui apporte d'autres fonds dans la collectivité. Je comprends la situation, et je sais bien que les municipalités n'ont pas l'assiette fiscale suffisante pour lever des fonds de contrepartie, mais en faisant ces investissements, elles montrent qu'elles prennent un engagement, au lieu que cet engagement soit pris par Ottawa, et elles conservent une certaine marge de manœuvre dans la répartition de ces fonds.

M. Mitchell : Généralement, M. Cappe et moi sommes toujours sur la même longueur d'onde, mais dans ce cas-ci, comme il s'agit de la santé des populations, je pense qu'il en coûtera plus cher de faire les choses au niveau local. Dans bien des cas, les collectivités risquent de ne pas avoir suffisamment d'argent. Les provinces n'auront peut-être pas l'argent non plus. Et quand il faut faire plus, cela coûte plus cher. La question qui se pose est de savoir où on va trouver l'argent pour faire ces investissements, car comme l'a dit M. Cappe, et je suis entièrement d'accord avec lui, il s'agit bien d'investissements.

Les collectivités arrivent avec des équipes locales, une capacité locale et des problèmes locaux auxquels il faut trouver une solution. Elles apportent aussi des idées locales, et veulent des résultats. Les provinces, elles, représentent une juridiction, une certaine capacité et de l'argent. Le gouvernement fédéral, quant à lui, apporte une perspective plus vaste, une capacité de recherche, une connaissance de ce qui se passe dans le reste du monde, et de l'argent.

Quand le gouvernement fédéral veut entreprendre une action quelconque, il commence par étayer sa position en consultant des documents comme le rapport d'un comité sénatorial, car comme l'a dit M. Cappe, il faut que les idées soient étayées par des recherches. Ensuite, le gouvernement établit des contacts avec les autres juridictions, et il met l'argent sur la table, ce qui est une preuve de son engagement.

Vous ne pouvez pas vous attendre à ce que Baker Lake soit capable de mettre de l'argent sur la table, pas plus que bon nombre d'autres petites villes de la Colombie-Britannique ou de la Saskatchewan, ou que des villes du Québec comme Gatineau, où j'habite. Elles n'ont pas d'argent, mais elles ont des problèmes, des idées et de la capacité.

M. Cappe : Pour vous montrer que nous sommes toujours sur la même longueur d'onde, M. Mitchell et moi, je vous dirai que je suis entièrement d'accord avec lui. La répartition un tiers / un tiers / un tiers n'est pas une formule magique. En fait, j'ignore complètement d'où elle vient, peut-être du programme des infrastructures, mais en tout cas, ce n'est pas la bonne formule.

Si l'on part du principe que c'est le gouvernement responsable qui doit payer, alors on peut fort bien dire que la collectivité locale doit financer 10 p. 199 des coûts, la province, 75 p. 100, et le gouvernement fédéral, 15 p. 100. Mais ce n'est pas de la province que vient l'initiative. Certes, elle est mieux placée pour financer ces investissements et pour en assumer la responsabilité; par contre, il est préférable que les idées viennent de la collectivité locale, et que l'argent vienne de ceux qui pilotent le dossier, en l'occurrence, le gouvernement fédéral. Alors ne pensez surtout pas qu'un tiers / un tiers / un tiers soit la formule magique.

M. Mitchell : Je suis tout à fait d'accord là-dessus.

Le président : Chers collègues, je suis désolé d'avoir insisté, mais je voulais approfondir la discussion puisque j'en avais exceptionnellement l'occasion.

Le sénateur Callbeck : Je vous remercie de comparaître ce matin. J'aimerais parler de l'approche ascendante. Je suis convaincue que c'est la bonne approche; il faut adopter l'approche descendante mais aussi l'approche ascendante. Si vous n'avez pas la population avec vous, le programme fait long feu. Si les gens sont convaincus que la santé des populations est une priorité importante, les politiciens les écouteront. Et même si des élections ont lieu, le programme se poursuivra aussi longtemps que la population le jugera nécessaire.

Vous avez parlé de la dette et du déficit, et c'est vrai que les Canadiens ont mis du temps à en comprendre l'importance. Quelles leçons en avez-vous tirées qui pourraient nous aider à mieux informer les Canadiens de l'importance de la santé des populations?

M. Cappe : C'est une bonne question. L'une des leçons que j'en ai tirées est que, comme l'a dit M. Mitchell, il faut savoir attendre et marteler toujours le même message. Je me souviens avoir demandé un jour à Don Mazankowski s'il était furieux de voir que c'était à Paul Martin qu'on attribuait le mérite d'avoir réduit la dette, alors que c'était lui- même et Michael Wilson qui avaient commencé à sensibiliser les Canadiens à la gravité de la situation. M. Mazankowski m'a répondu : « non; nous en avons parlé, certes, mais ce n'est pas nous qui avons agi ».

Cela m'amène à un autre aspect de la question. J'ai dit que je privilégiais l'approche graduelle, plutôt que l'approche radicale, révolutionnaire. Toutefois, en situation de crise, il faut parfois prendre des mesures radicales qu'on ne prendrait pas autrement. Dans le cas de la dette, je pense qu'avec le temps, le public a fini par comprendre que c'était un problème grave. Le facteur temps et le fait de continuer à en parler sont des éléments importants. Je suis assurément un partisan de l'approche graduelle, mais dans certains cas, il faut savoir être pragmatique. Lorsque la Nouvelle- Zélande s'est retrouvée face à une crise énorme à cause de sa dette, le Canada devait en tirer une leçon, et la population a vraiment pris conscience de la gravité du problème.

Pour ce qui est de la santé des populations, le président a parlé des résultats positifs qu'on a enregistrés dans certaines communautés des Premières nations. C'est intéressant, car généralement on n'entend parler que des communautés des Premières nations où il y a des problèmes. Il faut donc savoir repérer les programmes qui marchent et poursuivre sur la lancée.

D'une certaine façon, tous ces problèmes ne datent pas d'hier. Ce ne sont pas non plus des problèmes de bureaucratie. Je pense que les élus politiques sont mieux placés pour prendre des décisions. Il n'est pas nécessaire de voir à trop long terme. Le simple fait de dire aux Canadiens combien il nous en coûtera si nous ne faisons rien suffira à les convaincre que la santé des populations est un dossier important.

M. Mitchell : Dans le document de travail préparé par votre personnel, on parle du rôle des champions. À mon avis, les champions sont utiles s'ils sont visibles. Deux exemples me viennent à l'esprit, dans lesquels des sénateurs ont été des champions visibles. Le premier est celui du sénateur Kirby, dans le dossier de la santé mentale. Il a fait la promotion de ce dossier non seulement au Sénat mais dans la société en général. Il s'est vraiment associé à ce dossier, en a beaucoup parlé et, grâce à des interventions bien calculées de divers parlementaires, des choses grandioses ont pu se faire.

Un autre exemple est celui du sénateur Kenny, qui a réussi à mettre le dossier de la sécurité nationale à l'ordre du jour. Tout le monde n'est peut-être pas d'accord avec ce qu'il dit, mais il a magnifiquement réussi à sensibiliser le public à toutes ces questions.

Pour ce qui est de la santé des populations, si vous voulez sensibiliser les Canadiens à ce problème, il vous faut des champions visibles, idéalement des personnalités politiques comme vous, ou des députés, un ministre ou encore un premier ministre. Il vous faut quelqu'un qui va vraiment promouvoir ce dossier pendant plusieurs années.

André Picard écrit des articles sur la santé dans le Globe and Mail. Il est certainement très au courant du problème, et il pourrait écrire quelques articles là-dessus. Il faudrait faire faire des études dans les communautés autochtones et dans les autres collectivités où les cas de diabète de type 2 se multiplient, de sorte qu'on aurait une campagne concertée, avec des champions visibles, pour faire la promotion de ce dossier auprès des Canadiens. C'est de cette façon qu'on obtient des résultats.

M. Cappe : Il y a aussi un autre groupe qu'on devrait mobiliser; je veux parler des ONG, les organisations non gouvernementales. Elles sont crédibles. Malgré tout le respect que je vous dois, honorables sénateurs, je dois dire qu'avec le gouvernement actuel, la population ne fait pas la distinction entre un parti ou l'autre. La crédibilité des ONG est un élément important.

Je pense aussi au développement de la petite enfance, à la Prestation nationale pour enfants, et cetera. Martha Friendly, le sénateur Landon Pearson et Fraser Mustard ont joué un rôle décisif dans la sensibilisation de la population à ces questions. C'est ce niveau de sensibilisation qu'il faut viser.

Le sénateur Callbeck : L'approche ascendante est cruciale, car si on réussit à convaincre le gouvernement, mais que la population ne suit pas, le gouvernement suivant peut tout changer.

Le président : Merci, sénateur Callbeck.

Je suis sûr que vous connaissez tous les deux l'ancien premier ministre de l'Île-du- Prince-Édouard. Elle a de l'expérience.

M. Cappe : Bien sûr, c'est pour cela que nous nous sommes respectueusement inclinés lorsque nous avons parlé des provinces.

Le sénateur Callbeck : J'ai vécu ce genre d'expérience.

Le sénateur Eaton : Monsieur Cappe, j'aimerais poursuivre dans la même veine que le sénateur Callbeck. Vous avez dit tout à l'heure qu'il fallait jouer la carte de la discrétion. Quand je pense au déficit et à l'approche ascendante, je me demande si c'est la bonne solution. Le dossier de la santé des populations devrait peut-être faire l'objet d'un débat général entre le ministre fédéral de la Santé et ses homologues des provinces.

Je crois aussi que les écoles et le secteur privé ont un rôle à jouer. Dans les entreprises, on pourrait organiser des programmes de formation pour mieux gérer la santé des employés afin que l'absentéisme passe de six jours à deux jours. Dans les écoles, on constate que de plus en plus d'enfants souffrent d'une surcharge pondérale. On pourrait convaincre les parents et les écoles d'organiser une heure de cours de gym chaque matin, et de supprimer les boissons gazeuses. Je ne suis pas un expert en la matière, mais il y a toutes sortes de petites choses qu'on pourrait commencer par faire.

Quant aux retombées politiques dont on parlait tout à l'heure, ne pensez-vous pas qu'elles se traduiront par une diminution des dépenses de santé, que les ministres pourront attribuer aux programmes qu'ils ont mis sur pied?

Pensez-vous vraiment que nous devrions jouer la carte de la discrétion et éviter d'en faire la une des journaux? C'est horrible de voir des enfants de 10 ans atteints du diabète, ou ayant des AVC ou des crises cardiaques. Je ne comprends pas pourquoi vous nous recommandez de jouer la carte de la discrétion.

M. Cappe : Mon message a peut-être été confus, car je reconnais avec vous que ce dossier a besoin d'une certaine visibilité, que la volonté de changement doit venir de la population, et que les politiciens doivent aborder cette question avec beaucoup de sérieux et de persévérance. Je suis d'accord avec vous.

Je disais tout à l'heure que vous aviez le choix de politiser ou non le dossier. Si vous lui donnez de la visibilité, vous aurez inévitablement des gagnants et des perdants; pour ma part, je préfère trouver une solution où tout le monde est gagnant.

Le sénateur Eaton : Comment le seul fait de donner de la visibilité au dossier peut-il faire des perdants?

M. Cappe : Lorsque le gouvernement fédéral annonce une initiative, il met les provinces dans l'embarras parce qu'elles ne sont pas intervenues plus tôt, et le ministre provincial est furieux, ou vice versa. Si au contraire nous favorisons la collaboration parce que nous estimons qu'une initiative est dans l'intérêt de tous, et qu'elle n'est ni partisane, ni fédérale, ni provinciale, alors tout le monde est prêt à collaborer.

La Prestation nationale pour enfants en est un bon exemple. Le gouvernement fédéral et les provinces se sont entendus pour mettre sur pied un nouveau programme, et tout le monde a été félicité d'avoir pris la bonne décision. Des sommes importantes ont été versées à des gens qui en avaient besoin. Si le système avait été organisé de façon à ce que l'un des intervenants s'en voit attribuer tout le mérite, ça n'aurait pas marché.

Vous avez raison de dire que la réduction des dépenses qui résultera des investissements dans la santé de la population aura des retombées politiques positives, mais ces retombées profiteront aux successeurs de ceux qui auront pris des mesures. Étant donné que ce dossier se situe dans le long terme, il y aura inévitablement des gagnants et des perdants.

Le sénateur Eaton : Je ne comprends pas. C'est peut-être parce que je suis nouveau dans ce comité. On parle de dépenses, et bien sûr tout coûte de l'argent, mais je croyais qu'en ce qui concerne la santé des populations, c'était surtout une question d'éducation et d'information. Je ne peux pas obliger quelqu'un à cesser de fumer, mais je peux essayer de lui faire comprendre les raisons pour lesquelles il devrait cesser de fumer. La campagne antitabac a été un succès, et c'était essentiellement une campagne d'information.

On parle de dépenses, mais on devrait réfléchir davantage à tout ce qu'on peut faire grâce à l'information, à l'éducation et aux services de soutien.

M. Cappe : L'information est cruciale dans ce domaine, mais même ça, ça coûte cher. Quand j'étais sous-ministre de l'Environnement, nous avons supprimé, dans le budget de 1995, le rapport sur l'état de l'environnement. Ce n'était qu'un programme d'information, mais il était important. Nous devions à l'époque prendre des décisions difficiles, et nous avons décidé de supprimer ce programme, car il coûtait de l'argent.

Le sénateur Eaton : D'accord, mais la campagne antitabac a eu des résultats extraordinaires, n'est-ce pas?

M. Cappe : Je suis d'accord avec vous, c'est rentable.

M. Mitchell : Je suis tout à fait d'accord avec M. Cappe. La campagne antitabac est un exemple de programme fédéral, car c'est le gouvernement qui a conçu le programme et qui l'a financé. À long terme, ça a été un succès. De plus, on ne demandait pas, par exemple, aux provinces de fournir des statistiques potentiellement embarrassantes sur 14 déterminants de la santé.

Quand on donne trop de visibilité aux programmes, et qu'on fournit trop de faits et de preuves, vous mettez les provinces dans une situation embarrassante. Et elles n'aiment pas ça. Elles n'aiment pas qu'on leur donne des statistiques sur ce qu'elles font ou ne font pas, ce qui entraîne des comparaisons négatives avec d'autres provinces.

Pour beaucoup de ces déterminants de la santé, certaines provinces affichent de piètres résultats, d'autres ont des résultats un peu moins mauvais, mais aucune n'a des chiffres mirobolants. Dans ce domaine, ce sont les provinces qui sont les principales responsables, et elles n'aiment pas se faire donner des leçons par le gouvernement fédéral. La solution est donc que la collaboration entre le gouvernement fédéral et les provinces mette l'accent sur la substance du dossier, et pas sur ceux qui font du mauvais travail.

Le sénateur Eaton : Je suis entièrement d'accord avec vous. Selon moi, il faut mettre en valeur l'aspect positif de cette collaboration, plutôt que de donner des leçons aux autres. Pour moi, cela revient à de l'entraide.

Le sénateur Cook : Merci de comparaître devant nous aujourd'hui et de m'obliger à me triturer les méninges ce matin.

Nous parlons de santé publique, c'est-à-dire de la santé de la population. Les gens ne savent pas où aller, et on ne peut pas leur montrer. On a parlé du coût des aliments. On peut parler tant qu'on veut des avantages d'une saine alimentation, mais si quelqu'un n'a pas les moyens d'acheter les aliments qu'il faut, ce qui arrive souvent, que peut-on faire?

Dans les années 1990, et même un peu avant, ma province de Terre-Neuve et du Labrador a connu un grave problème social : l'effondrement de l'industrie de la pêche du poisson de fond. Heureusement, le gouvernement de l'époque a fait preuve de sagesse en mettant sur pied un programme informatique qui s'appelle Community Accounts. En avez-vous entendu parler?

M. Cappe : Non.

Le sénateur Cook : Notre comité est allé voir sur place comment fonctionne ce programme. Il consiste à dresser un profil détaillé de la collectivité, ses ressources, l'âge de ses habitants, ce qu'on y trouve, et cetera. On peut consulter ces profils en ligne à www.communityaccounts.ca, ce qui est important. C'est un programme du ministère des Finances, qui est financé par le gouvernement. Celui-ci s'en sert non seulement pour mesurer les déterminants de la santé, mais aussi pour calculer leur impact. Je pourrais vous raconter toutes sortes d'histoires. Je connais bien le type qui dirigeait le programme. Le gouvernement a conçu le programme en ciblant une collectivité. Des fonctionnaires de St. John's sont allés sur place et ont demandé à faire un exposé à la Chambre de commerce. Ils éprouvaient une certaine appréhension, car ils craignaient que les habitants locaux ne leur reprochent de se mêler de leurs affaires. Finalement, leur exposé a été très bien accueilli. Les gens qui étaient présents ont dit qu'ils étaient surpris de voir que c'était là le portrait de leur collectivité, et d'apprendre qu'il y avait des choses qu'ils pouvaient faire pour eux-mêmes sans que cela leur coûte de l'argent. C'est ainsi qu'on a réussi à sensibiliser la population. Cet outil est gratuit, et n'importe qui peut l'utiliser.

Je sais que c'est une solution simpliste à un problème complexe, mais ce genre d'approche pourrait peut-être servir de catalyseur pour présenter une certaine vision et sensibiliser la collectivité au niveau local. Qu'en pensez-vous?

Le premier ministre nous demandera certainement des explications, mais je crois que nous devons sensibiliser les gens, pour le long terme. C'est simple, le modèle existe déjà, et je vous encourage, vous qui savez tant de choses, à le prendre en considération. C'est un modèle qui a déjà été utilisé en Australie, et même en Turquie. C'est une formule qui marche. C'est gratuit, grâce à la générosité de ma province, et les résultats en sont extrêmement positifs, car ils sont allés voir les gens, sur place, pour leur expliquer ce qu'ils pouvaient faire pour eux-mêmes. Et les gens ont embarqué.

M. Mitchell : C'est une idée épatante, et c'est précisément le genre d'outil ou mécanisme qu'on pourrait reproduire à l'échelle du pays, ou de toute juridiction qui est prête à l'adapter sur son territoire. C'est encore mieux si c'est gratuit, car normalement, il faut de l'argent pour que ce genre d'outil soit efficace, pour que les différents comptes contiennent des données exactes sur la santé des collectivités et tous les autres critères dont vous parlez, et pour finalement en arriver à un tableau de la situation qui puisse être présenté aux habitants de la collectivité afin de connaître leurs réactions. C'est vraiment une idée épatante. Ça coûtera certainement de l'argent, mais ce n'est pas une raison pour ne pas la mettre en œuvre. À mon avis, si une province accepte ce genre d'approche, le gouvernement fédéral pourrait allonger les fonds nécessaires.

Le sénateur Cook : Je répète que l'outil est gratuit. Qui l'utilise? Les infirmières de santé publique, le ministère de l'Éducation et les dirigeants communautaires s'en servent dans le cadre de leur mandat, car ça les aide à accomplir leur tâche. Il n'y a aucune dépense, sauf l'entretien du compte. Ce programme a été légiféré, il relève de la responsabilité du ministère des Finances et il émarge à son budget.

M. Cappe : Vous dites que c'est gratuit, mais ça nous coûte quand même quelque chose. Il faut bien que quelqu'un recueille les données et les entre dans le site Web. La beauté de la chose, c'est que quand je lis l'information, ça ne vous empêche pas de la lire aussi. Il n'y a pas d'exclusivité. M. Mitchell a parlé de responsabilité. Il fut un temps où le gouvernement fédéral aimait bien que les provinces rendent des comptes sur la façon dont elles avaient dépensé l'argent qu'il leur avait donné. Mais un jour, elles décidèrent qu'elles ne voulaient plus rendre des comptes au gouvernement fédéral, seulement à leurs électeurs.

Ensuite elles ont commencé à tergiverser un peu, et, pour bon nombre des transferts en santé, elles sont revenues sur leur décision. C'est ainsi que nous avons opté pour un système national plutôt qu'un système fédéral, et l'Institut canadien d'information sur la santé, l'ICIS, a pour vocation de mettre des informations à la disposition du public. Ces informations ne proviennent pas des collectivités, contrairement à ce que vous proposez, et c'est vous qui avez raison, car c'est la bonne solution. Il faut que les informations viennent des collectivités. En subdivisant les informations recueillies par l'ICIS, on pourrait fournir des informations aux gens d'une façon qui ne constituerait pas une menace pour la communauté locale ou la province.

Le sénateur Cook : Ce n'est pas menaçant puisque l'objectif est de montrer à la collectivité quels progrès elle a faits et où elle se situe exactement. Si vous êtes curieux, vous pouvez aller voir sur Internet les résultats de votre collectivité pour cette année, comparé à l'an dernier. Cette information est gratuite. Cet outil est essentiel pour le bien-être des gens. Si vous allez voir le premier ministre pour lui montrer les barèmes et les informations factuelles que vous utilisez, pourquoi ne serait-il pas en faveur d'un système alimenté par des données factuelles, provenant des collectivités elles- mêmes?

M. Mitchell : À mon avis, c'est exactement le genre d'outil que les gouvernements, qu'ils soient fédéral ou provincial, pourraient utiliser dans le cadre d'une approche nationale et globale de la santé publique au Canada. Les barèmes sont établis au niveau communautaire, les données sont factuelles et la technologie est accessible. C'est parfait.

Le sénateur Cook : La première chose qu'ils regardent, c'est le prix des aliments et le coût d'acheminement de ces aliments aux consommateurs. S'il est vrai que notre santé dépend de ce que nous mangeons, nous ne serons jamais en bonne santé si une orange coûte 1,49 $. Qui peut se permettre des prix pareils?

Le président : J'aimerais poursuivre dans la même veine, car c'est très intéressant. L'outil en question sera inclus dans notre rapport, car nous l'avons examiné en détail. Les collectivités sont identifiées par une pastille verte, jaune ou rouge, selon leur niveau de bien-être. Et elles ne sont pas intimidées par de mauvais résultats; au contraire, elles sont motivées, elles veulent passer du vert au jaune et ensuite au rouge. Elles se sont organisées en comités pour ce qui est des 12 déterminants de la santé. Elles ont changé les programmes d'alimentation dans les écoles. Elles ont modifié certains programmes d'éducation publique. Elles ont amélioré les programmes de santé publique. Elles ont amélioré les programmes d'emploi. Elles ont amélioré les programmes de logements. Résultat, elles sont passées du vert au jaune et ensuite au rouge.

Le sénateur Cook : Permettez-moi de conclure par une petite anecdote. J'essayais d'utiliser l'outil pour avoir des informations sur ma province, mais je ne savais pas trop comment m'y prendre. Je posais toutes sortes de questions bizarres. Comme j'ai une chercheure qui vit chez moi, qui est britannique, je lui ai demandé de m'aider et elle m'a proposé d'imprimer les renseignements concernant ma région.

Il y a 13 zones, et ma zone englobe neuf collectivités. Elle m'a dit de lire ce qui concernait les ressources. J'ai examiné les informations concernant la collectivité dans laquelle je suis née et dont je fais encore partie, et je lui ai dit que les informations étaient fausses, que le revenu moyen devrait y être inférieur au mien. Nous avons discuté pendant un moment puis elle m'a dit : « Joan, réfléchissez un peu ». C'est là que je me suis rendu compte qu'il y avait une école secondaire régionale, et devinez où tous les professeurs et autres personnels de l'école habitaient? Est-ce que cela m'a embarrassée? Sans doute. Mais cela ne m'a certainement pas intimidée ou choquée. Tout ça pour vous dire que les profils de ces collectivités sont très précis. Si, comme l'a dit le sénateur Callbeck, vous faites monter l'information à partir de l'individu, le système s'alimente tout seul. Ça viendra. Le système me préoccupe moins que la sensibilisation de la population.

M. Mitchell : Permettez-moi d'ajouter une dernière chose à ce qu'a dit le sénateur Cook. Si on met à la disposition du public des informations qui, comme vous l'avez décrit, sont des informations utiles et accessibles, en rouge, en jaune ou en vert, ce qui est très important, la population concernée va immédiatement faire des pressions sur les responsables locaux et provinciaux pour qu'ils corrigent les problèmes mis au jour par ces informations. Par conséquent, je vous recommande fortement de ne pas utiliser ce genre d'outil si vous n'êtes pas prêts à donner aux collectivités les mesures correctrices qu'elles demandent.

Le sénateur Cook : C'est ce que je voulais dire. Dans la collectivité d'où je viens, l'infirmière est une institution; elle a un bureau, elle fait son travail, et ce travail, elle le fait de façon encore plus efficace lorsqu'elle connaît les forces et les faiblesses de la population qu'elle dessert. C'est donc un investissement, et pas un coût.

M. Mitchell : Nous sommes entièrement d'accord avec vous, sénateur. C'est un investissement, et pas un coût.

Le président : Nous vous sommes infiniment reconnaissants d'être venus ce matin. Je sais que vous devez partir à midi, et il est midi. Nous allons donc mettre un terme à cette réunion. Nous allons avoir une importante table ronde, avec tous les gurus des données. Je vous ai envoyé un exemplaire de ce document. Ils m'ont assuré qu'ils pouvaient maintenant l'envoyer par Internet, surtout depuis l'apport de 500 millions de dollars. Si nous pouvons faire cela pour la société canadienne, nous réussirons peut-être à améliorer un tantinet la santé de la population dans un avenir pas trop lointain. Je vous remercie d'avoir pris le temps de venir nous voir, car je sais que vous êtes très occupés. Nous avions besoin de discuter avec vous, à cette étape de notre rapport.

(La séance est levée.)


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