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Sous-comité sur la santé des populations

 

Délibérations du Sous-comité sur la Santé des populations

Fascicule 2 - Témoignages du 12 mars 2009


OTTAWA, le jeudi 12 mars 2009

Le Sous-comité sur la santé des populations du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui, à 10 h 47, pour examiner, en vue d'en faire rapport, l'incidence de divers facteurs et situations qui contribuent à la santé de la population canadienne, appelés collectivement les déterminants sociaux de la santé.

SUJET : Renforcement de l'action communautaire pour la santé des populations.

Le sénateur Wilbert J. Keon (président) occupe le fauteuil.

Le président : Honorables sénateurs, nous sommes heureux de recevoir ce matin Mme Katherine Scott, vice-présidente à la recherche au Conseil canadien de développement social; M. Bob Gardner, directeur, Politique et Recherche, à l'Institut Wellesley et Mme Connie Clement, directrice générale, Nexus Santé.

Qui commence?

Bob Gardner, directeur, Politique et recherche, Institut Wellesley : C'est un plaisir d'être ici. Je dois vous dire que j'ai passé plusieurs années dans le monde de la politique. J'ai été directeur des Services de recherche et d'information à l'Assemblée législative de l'Ontario. Pour ceux d'entre vous qui sont ici depuis un bon moment, j'étais le Hugh Finston de l'Ontario.

Nous croyons tous que vous effectuez un travail remarquable qui peut donner des résultats réels. Je dois également vous dire que je collabore avec une de vos consultants en recherche, Mme Laura Corbett, qui travaille à un projet avec le ministère de la Santé et des Soins de longue durée de l'Ontario. Ce projet vise la création d'un cadre de planification interministériel, collaboratif et intersectoriel sur les déterminants sociaux.

Vous abordez la question essentielle des disparités omniprésentes en santé, et la façon de tenir compte des déterminants sociaux de la santé généraux dans les politiques et les programmes gouvernementaux. Je crois que c'est possible. Il y a eu de nombreuses initiatives communautaires intéressantes et de nombreux exemples intéressants provenant d'autres pays, qui démontrent qu'il est possible de vraiment faire une différence.

J'aimerais me pencher rapidement sur la façon dont cela peut être fait. J'examinerai le quatrième rapport du sous-comité intitulé Politiques sur la santé de la population : enjeux et options, et je tenterai de définir concrètement quelques orientations qui pourraient aider à progresser vers la prise de mesures sur les déterminants sociaux de la santé.

Votre défi est d'assimiler un sujet très vaste. Je devrai être bref et je suis heureux de pouvoir assurer un suivi avec les recherchistes et le greffier pour vous donner des renseignements supplémentaires.

Tout d'abord, commençons par la situation dans son ensemble sur laquelle se penche le sous-comité et le comité présidé par le sénateur Eggleton; le travail que vous effectuez consiste à essayer d'élaborer un cadre stratégique global qui vise à faire connaître les déterminants sociaux de la santé et à aider à se rallier derrière le gouvernement de façon concertée et ciblée.

Je crois qu'il est très profitable d'élaborer ce genre de cadre global. C'est symbolique dans le sens où ce genre de cadre constitue un engagement du gouvernement à prendre au sérieux les disparités en santé et les déterminants sociaux et dans le sens où les gouvernements s'engagent à agir sur ces éléments. De façon concrète, ce genre de cadre est habilitant. Si les gouvernements mettent en place un cadre global, les différents ministères pourront travailler de concert de diverses façons pour créer des forums de coordination. Le cadre est également habilitant au-delà des gouvernements; ce type de cadre permet et encourage l'établissement de partenariats avec des fournisseurs de services, et des organismes communautaires et encourage les initiatives continues partout au pays.

Un des aspects importants est qu'il y a énormément d'imagination, d'enthousiasme et de dynamisme d'un bout à l'autre du pays. Une des tâches des responsables de la politique publique et des gouvernements est d'exploiter, d'encourager et de cultiver cet enthousiasme.

J'ai fait ce que tout analyste des politiques fait; j'ai présenté un plan simple en 12 points qui pourrait servir de feuille de route pour l'équité en santé. Vous avez examiné ce qui se fait de mieux dans les autres pays et vous savez qu'il y a énormément de choses intéressantes qui se passent.

Pour la question d'ensemble, il y a un danger d'être paralysé par la portée des déterminants sociaux de la santé et par les défis qui y sont associés. Nous pouvons tous réfléchir à ce que sera le point de départ. Nous avons besoin de logements à prix abordable, nous devons réduire la pauvreté et nous devons promouvoir la santé en amont. Nous ne pouvons pas tout faire en même temps.

Mon message est simple; il faut commencer quelque part, formuler la meilleure hypothèse possible. J'imagine que j'appellerais ça une expérience stratégique. Si vous êtes un décideur, formulez la meilleure hypothèse possible en empruntant les avenues les plus prometteuses pour agir et faire des expériences. Puis, évaluez rigoureusement les résultats et misez sur ce qui fonctionne. Graduellement, nous aurons une meilleure idée de ce qui fonctionne et nous élaborerons une stratégie globale cohérente.

Il faudra en partie restructurer le fonctionnement des gouvernements. Votre travail sera examiné attentivement par le fédéral et par les autres ordres de gouvernement. Ce travail n'est pas exclusivement interne. Ça signifie qu'il faut établir des partenariats avec les collectivités et les autres intervenants. Ça signifie de faire les choses autrement. Encore une fois, il faut examiner les trouvailles et les expériences d'autres pays, nous savons qu'il existe de nombreux forums de coordination interministériels intéressants. Nous savons qu'ils travaillent à rassembler les gens afin de déterminer les questions communes. Nous savons qu'il est important d'avoir des objectifs précis et d'avoir des outils. Nous pourrions peut-être revenir et en parler plus en détail.

L'organisation pour laquelle je travaille dirige l'élaboration d'un outil d'évaluation de l'incidence de l'équité en santé en collaboration avec le réseau local d'intégration de services de santé de Toronto-Centre, le RLISS, et avec le ministère de la Santé et des Soins de longue durée de l'Ontario.

Grâce à sa vue d'ensemble, le sous-comité pourra s'intéresser aux activités de collaboration intergouvernementales Selon mon interprétation de ce qui se passe dans d'autres pays, il existe un potentiel réel en ce qui concerne les fonctions de secrétariat, pour s'assurer que tout le monde sait ce qui se passe. L'Agence de santé publique du Canada a fait du bon travail à cet égard et on peut l'aider et l'encourager à en faire plus. Des mécanismes de coordination solides doivent être mis en place.

Les sous-ministres et les sous-ministres adjoints discutent des politiques sociales et économiques à l'occasion de réunions tenues dans le cadre de forums réguliers. Le comité pourrait recommander que l'équité en santé et que l'incidence sur la santé fassent partie du mandat des comités intersectoriels pertinents.

L'autre élément est ce que nous avons appris de l'Angleterre, de la Suède et des pays qui agissent par rapport à l'équité en santé et aux déterminants sociaux. Nous avons appris que ces questions doivent être dirigées par une autorité centrale. Il doit y avoir un champion à la tête de tout ça. Quelqu'un à la tête qui, comme l'équivalent du Bureau du Conseil privé ou du ministère des Finances, dirige les mesures intergouvernementales. Nous pouvons mettre sur pied tous les comités possibles, mais si personne ne les dirige, rien ne se passera.

On peut examiner quelques exemples intéressants provenant de partout dans le monde et on peut faire des recommandations à cet égard. Je suis heureux de pouvoir en parler en détail.

Un des éléments essentiels des grandes stratégies des autres pays susceptibles de connaître du succès est qu'elles traitent de questions générales, à un haut niveau — elles traitent des politiques économiques, de logement et de lutte contre la pauvreté, mais elles favorisent également l'action locale, et y prévoient des investissements.

Je crois que la grande différence par rapport aux déterminants sociaux de la santé et à la réduction des disparités en santé se situe à l'échelle communautaire et locale. Les gouvernements ont le rôle essentiel d'investir dans les efforts communautaires locaux et de voir à ce que le secteur communautaire local soit fort. Mes collègues vous en parleront. Les gouvernements doivent également mettre sur pied les forums de planification intersectoriels qui permettront à la collectivité, aux gouvernements et à tous de se parler et d'apprendre les uns des autres. Je souligne l'importance de ce point.

Vous avez une très grande influence et vous pouvez conseiller le gouvernement sur ce qui doit faire partie de son budget. Il faut s'assurer de mettre en place des mesures sociales et des mesures de relance économique; il faut investir dans les infrastructures communautaires et, évidemment, dans les projets d'infrastructure.

J'ai collaboré avec le RLISS de Toronto-Centre, qui est l'équivalent ontarien des régies régionales de la santé. Nous avons essayé de faire deux choses en même temps; nous avons essayé d'atteindre l'équité dans tous les domaines qui touchent la planification de la santé — et cela s'appliquerait également dans les autres secteurs sociaux — mais nous avons également visé une proportion de vos investissements et de vos initiatives dans les collectivités où les populations particulièrement désavantagées sur le plan de la santé ou dans celles qui affrontent une barrière particulière — barrière liée à la langue, au faible revenu ou à l'alphabétisme. Cette façon de faire n'est probablement pas un mauvais modèle à examiner dans le cadre d'une intervention plus vaste sur les déterminants sociaux; autrement dit, en travaillant simultanément à ces deux niveaux.

L'un des problèmes auxquels nous devons souvent faire face est le manque de données. Par exemple, si nous voulons nous assurer qu'une certaine communauté linguistique reçoit bien les services de santé et les services sociaux requis, nous ne possédons pas les données concernant la race, l'origine ethnique et le contexte ethnoculturel pour comparer les profils démographiques et les services.

Je crois qu'une des recommandations que le sous-comité devrait étudier serait de réunir les principaux intervenants du niveau national ainsi que ceux de niveau provincial pour essayer de s'entendre sur des définitions communes ainsi que sur un cadre de données commun.

Je veux revenir à l'idée des interventions locales. Je crois que si l'on vise une population en particulier ou une collectivité très mal desservie, il faut le faire au niveau local. Le coup de pouce peut venir d'un gouvernement provincial ou du gouvernement fédéral, ou encore d'une administration régionale de la santé ou d'une administration municipale, mais les efforts se concrétisent sur le terrain au sein des collectivités.

Je sais que l'on manifeste beaucoup d'enthousiasme et d'intérêt au sujet de ces questions. J'ai d'ailleurs donné quelques exemples dans mon document de toutes ces choses vraiment intéressantes qui se produisent au pays. Je crois que votre tâche, en tant que décideurs, consiste à trouver des moyens d'encourager et de promouvoir l'action communautaire.

Je crois qu'une des difficultés est que la plupart de ces organismes communautaires sont financés ici et là par des fonds ponctuels et qu'ils vivent au jour le jour. Ce qui veut dire qu'ils n'ont pas les moyens de faire de la recherche, il est impossible pour eux d'évaluer leurs propres programmes à travers les leçons reçues ou d'un point de vue pratique. Les projets pilotes et les initiatives semblables sont un autre domaine que ce sous-comité devrait prendre en considération, ainsi que ce qu'est une évaluation des services bien menée. Je ne parle pas simplement de responsabilisation et d'optimisation des ressources. Manifestement, il existe des mécanismes de reddition de comptes et de responsabilisation.

Je vous avoue que je trouve ça très intéressant. J'ai donné l'exemple du Edmonton Multicultural Health Brokers Co-operative. Comment savoir si cela marche bien et si l'on peut appliquer ce modèle à Québec ou à Sudbury? C'est une question qui devrait être approfondie.

Une fois que nous avons tous ces regroupements d'entreprises innovatrices dispersées dans tout le pays, comment faire en sorte qu'elles partagent leurs pratiques exemplaires? Il s'agit là de gestion d'innovation ou de gestion des connaissances. L'Agence de santé publique du Canada ainsi que les centres nationaux associés font ce travail et ils le font très bien.

Par contre, cette zone devrait être étendue et pourrait être sur une base communautaire. Il y a des gens qui savent exactement ce qui se passe sur le terrain. Ils pourraient élaborer des tribunes et des infrastructures faciles à utiliser pour partager leurs pratiques exemplaires et pour veiller à ce qu'on ne tente pas de réinventer la roue à chaque fois que nous abordons un problème. Toutefois, n'oublions pas que les organismes communautaires sont déjà débordés.

Katherine Scott, vice-présidente, Recherche, Conseil canadien du développement social : J'aimerais reprendre certains thèmes que M. Gardner a abordés au cours de son intervention. Je vous remercie d'abord de me donner l'occasion de parler devant ce comité. J'ai cru comprendre que vous alliez bientôt terminer votre rapport final et je crois donc que le moment est opportun.

Je viens du Conseil canadien de développement social. Nous ne sommes pas à proprement parler un organisme de santé, mais nous sommes très impliqués dans le développement social et nous savons que les déterminants de la santé constituent un élément clé de notre mandat. Nous sommes impliqués dans le secteur communautaire. En ce qui a trait aux politiques en matière de santé, le moment de vérité, là où la théorie devient pratique, est au niveau communautaire, c'est-à-dire lorsque les collectivités doivent réagir et s'adapter aux défis qui se présentent, et parfois même innover.

Les compétences des collectivités varient d'un bout à l'autre du pays. Les collectivités partagent toutes un engagement commun qui est de veiller au bien-être de leurs membres. Elles se butent aux mêmes obstacles lorsqu'il s'agit de financer leurs activités, de nouer des relations, de s'inspirer des autres organismes, et cetera.

Une recherche que nous avons faite au conseil il y a quelques années soulignait les problèmes de financement auxquels devaient faire face les organismes communautaires. J'aimerais me référer à ce document en particulier pendant que nous entrons dans le contexte économique actuel. Les capacités des collectivités de soutenir et de promouvoir l'innovation dans laquelle elles se sont engagées sont très certainement mises à l'épreuve par des déterminants sociaux de la santé. Le financement et les défis administratifs constituent un élément fondamental quand on parle d'un cadre de travail plus vaste et de la capacité des collectivités de continuer à participer à ce type d'innovation.

J'aimerais démontrer que les pratiques de financement actuelles minent systématiquement certaines activités communautaires. J'aimerais faire des recommandations à ce sujet qui, je l'espère, trouveront un écho dans le travail que vous faites.

Les organismes communautaires et les organismes de la société civile sont une partie essentielle des collectivités canadiennes dans tout le pays. Nous savons, d'après un vaste sondage sur les organismes à but non lucratif fait il y a plusieurs années, qu'il existe environ 5 000 organismes de santé communautaire à l'extérieur du secteur hospitalier au Canada. Ces organismes de santé emploient des milliers de Canadiens. Il s'agit d'organismes qui travaillent en collaboration avec les hôpitaux et les grandes institutions.

Les organismes de santé sont actifs et jouent un rôle important au sein des collectivités. Ils doivent faire face, comme d'autres organismes communautaires, à des problèmes de financement précis. La recherche que j'ai faite il y a quelques années documentait la situation des collectivités au milieu des années 1990 alors que les revenus étaient en hausse. Cependant, nous avons été témoins de changements alors que les organismes sont financés de moins en moins par les soutiens organisationnels usuels et plus souvent par des mécanismes de financement à court terme qui sont très ciblés, imprévisibles, dépendants et qui imposent des exigences de reddition de comptes très coûteuses.

Concrètement, les bailleurs de fonds étaient de plus en plus réticents à financer les fonctions administratives au sein des organismes communautaires, et en même temps les exigences administratives augmentaient de façon exponentielle. Les organismes communautaires tentaient toujours d'en faire plus avec moins et subissaient un roulement de personnel élevé ainsi que la fatigue de leurs bénévoles.

Ce changement dans le financement des projets est la façon dont les gouvernements ainsi que les autres bailleurs de fonds appuient la plupart des programmes communautaires. C'est un des aspects du domaine du financement qui continue de miner les organismes communautaires. M. Gardner a parlé de certaines innovations communautaires tout à fait exceptionnelles. Nous allons voir et entendre parler de projets ou de projets pilotes extraordinaires qui sont réalisés. Toutefois, ces initiatives sont invariablement ponctuelles parce qu'elles bénéficient d'un financement par projet ou à court terme, qu'aucune évaluation n'est prise en considération et que les projets ne reçoivent aucun soutien administratif. Ces types de mécanismes de financement freinent le potentiel de ce genre de travail.

Ces questions à propos du financement ont été portées à l'attention du gouvernement fédéral et sont des problèmes inhérents au secteur bénévole depuis longtemps. Le premier rapport en matière de financement et de réforme sur le financement du secteur à but non lucratif a été publié par la Table ronde sur la transparence et la bonne gestion dans le secteur bénévole, la Table ronde Broadbent, en 1999. Certains d'entre vous s'en souviennent peut-être. À la suite de ce rapport, le gouvernement a lancé l'Initiative sur le secteur bénévole et communautaire et le financement était un des points importants dans ce document également. En 2005, un Groupe de travail sur les investissements communautaires a été créé à l'initiative de Ressources humaines et Développement des compétences Canada. Plus récemment, le gouvernement actuel a mis sur pied un groupe d'experts présidé par la dirigeante de Centraide à Toronto, Frances Lankin. Le rapport de ce comité a été publié en 2007.

Tous ces travaux réitéraient l'importance d'examiner les mécanismes de financement des organismes communautaires. Le travail d'élaboration des politiques intersectorielles et à l'échelle macroscopique était adéquat, mais si le lien avec les collectivités n'était pas renforcé par les relations fondamentales et institutionnelles de financement — les contrats, les exigences en matière de reddition de comptes, et cetera —, beaucoup d'efforts ont été faits en vain.

Le groupe d'experts a publié 32 recommandations dans quatre directives. Une des directives principales était le respect du secteur communautaire : le gouvernement devait cultiver des relations avec des organismes à but non lucratif et les reconnaître comme des partenaires à part entière investis dans la promotion du bien-être communautaire.

Le groupe d'experts a suggéré que le gouvernement devrait chercher à simplifier de façon substantielle la reddition de comptes dans son régime de responsabilisation et concevoir de nouvelles façons d'encourager l'innovation. En réalité, les régimes de financement actuels et de responsabilisation freinent l'innovation. Personne n'osera prendre des risques dans un secteur du financement où l'on est puni en devant ramasser les derniers dollars à la fin de l'exercice financier. Il y a certaines méthodes où les moyens de financement minent systématiquement l'innovation. C'est un sujet d'inquiétude pour notre comité qui tente de promouvoir la santé de la population.

Comme M. Gardner l'a dit, il y a une carence essentielle en matière de bonnes évaluations et de données exactes dans ce secteur. Le gouvernement devrait offrir de meilleurs services aux organismes à but non lucratif dans ce domaine.

Au printemps 2008, le gouvernement a lancé son premier plan d'action et songe refaire sa politique sur les paiements de transfert. Il s'agit là d'une réforme administrative. Ils discutent de la possibilité de simplifier les exigences en matière de reddition de comptes, de simplifier les demandes de subvention, et cetera. Ce plan en particulier ne traite pas des questions essentielles concernant le manque de soutien administratif ou le manque de soutien organisationnel en matière de financement — le financement de base — pour les organismes.

On n'a cessé de répéter que le gouvernement sous-finance systématiquement les organismes communautaires à hauteur de 15 p. 100. On a recommandé le principe de recouvrement intégral des coûts; ainsi, si on passe un contrat de service ou si on entreprend une activité particulière, le gouvernement s'engage à payer le coût total de ce service.

D'après l'information que nous avons, il semble que le gouvernement compromet ou sous-finance radicalement ces services. Dans le plan gouvernemental rendu public l'an dernier, ces questions de financement cruciales n'ont pas été abordées; elles demeurent donc une faiblesse dans les relations du gouvernement avec les organismes sans but lucratif.

Comme je l'ai dit au début, il est important d'aborder ces questions dans le contexte parce que c'est vraiment la vitalité du secteur communautaire qui fera avancer le programme de santé de la population. Nous pouvons créer des forums sur l'élaboration des politiques intersectorielles, à l'échelon macro-économique le plus complexe, mais si ce n'est pas lié à un secteur communautaire dynamique — qui est de toute évidence en difficulté, puisque les ressources affectées à bon nombre de ces organismes diminuent — nous serons paralysés; nous ne serons pas en mesure de faire des changements efficaces. Nous ne serons pas en mesure de reproduire l'innovation fabuleuse qui existe actuellement; elle ne donnera pas de résultat. Nous ne pouvons pas transposer avec succès le formidable exemple d'Edmonton à Québec.

Beaucoup de choses sont en jeu, mais nous pouvons nous concentrer sur la relation de financement et la remettre dans la bonne voie. C'est la recommandation du gouvernement fédéral, ainsi que d'autres ordres de gouvernement et d'autres bailleurs de fonds. Ce qui ressort, puisqu'il est question des communautés de pratique et de la mise en commun des meilleures connaissances, c'est que les bailleurs de fonds se parlent. Voilà un progrès intéressant.

Il y a deux ans, j'ai examiné la pratique de financement novatrice du point de vue des bailleurs de fonds, et les difficultés auxquelles ils font face. Les bailleurs de fonds font face à bien des difficultés importantes dans l'élaboration des programmes de financement.

Dans le secteur philanthropique américain, il y a de nouvelles stratégies pour le renforcement des capacités, le financement et l'accessibilité des prêts sociaux aux organismes communautaires. Les bailleurs de fonds se parlent, maintenant, alors qu'ils avaient l'habitude de se faire concurrence. En Ontario, par exemple, les organismes de soutien aux arts convoquent leurs propres tables rondes, où ils mettent en commun leurs idées concernant les pratiques de financement exemplaires.

Comme je fais partie d'un organisme sans but lucratif, je crois que c'est merveilleux, parce que ma relation sera améliorée. Les pratiques exemplaires prendront le dessus, et on commencera à voir le changement. Les bailleurs de fonds aborderont différemment la question de l'aide de base et s'apercevront qu'ils ne peuvent pas s'attendre à ce que l'organisme fonctionne efficacement s'ils consacrent seulement 10 p. 100 à l'administration. Aucune entreprise du secteur privé n'affecterait que 10 p. 100 de son budget à l'administration. Je n'ai jamais vraiment compris qu'on s'attende à ce que les organismes sans but lucratif puissent le faire. Nous adoptons des formules rigides, ce qui réduit la capacité des organismes à faire leur travail.

On observe des progrès énormes en matière de financement à l'heure actuelle. Ce serait un complément intéressant au travail du comité d'examiner certains de ces modèles. Je serai heureux de fournir d'autres renseignements à cet égard. Je m'arrêterai donc là pour céder la parole à Mme Clement, qui parlera de l'engagement communautaire.

Connie Clement, directrice générale, Nexus Santé : Je suis très heureuse d'être ici. C'est vraiment un honneur.

Nexus Santé, Health Nexus est une organisation bilingue caritative qui renforce la capacité de promotion de la santé. Ses activités se concentrent en Ontario, mais ne se limitent pas à cette province. Nous étions particulièrement heureux d'être reconnus, dans l'un des documents que vous avez présentés plus tôt, pour les contributions que nous avons apportées à la santé de la population, surtout en tant que petite organisation.

Je vous ai remis un document. Je parlerai principalement de l'engagement communautaire. J'ai indiqué six défis. Un des défis consiste à trouver la bonne terminologie. Par sa définition, le concept de « santé » exclut tous les partenaires qui oeuvrent dans les questions sociales et qui ne croient pas que leur travail est lié à la santé. Nous devons découvrir quels sont les termes utilisés et les points communs.

Il y a le concept de travail en amont. Pour les personnes de tous les secteurs, il ne s'agit pas de ce que l'on appelle de la prévention en termes cliniques, mais plutôt de travailler en amont pour anticiper les coups.

En ce qui concerne la volonté politique, je crois que vous savez beaucoup mieux que moi que la santé de la population et l'égalité en matière de santé ont fait l'objet de rapports à maintes reprises.

Les défis à relever consistent à obtenir un engagement entre tous les secteurs, à sensibiliser le public et à ce que j'appelle entretenir la demande des collectivités et du grand public. Voilà ce que j'entends par engagement.

Avant d'expliquer comment nous faisons participer les gens, l'aspect de la sensibilisation du public est très important. Lorsque les Canadiens s'arrêtent à la question de l'égalité en matière de santé, ils ont tendance à comprendre et à s'y intéresser. Dans une partie, on parle d'aider à la simplification de ces idées complexes.

En Ontario, nous avons pris part à trois campagnes de marketing social ces dix dernières années, avec des partenaires. J'ai donné à Barbara Reynolds, votre greffière, la documentation de deux des campagnes, en anglais et en français. Des affiches ont été placardées et il y a eu de la publicité à la radio, et dans un cas, à la télévision. Avec le marketing social, c'est toujours difficile de dire dans quelle mesure les valeurs ou le comportement changent, mais, nous avons reçu de très bons commentaires après toutes ces campagnes et les gens les remarquaient. Il est important de noter que vous trouverez encore ces affiches dans les organismes de services sociaux et de santé partout en Ontario, de nombreuses années après les campagnes.

Dans le document que j'ai présenté, j'ai indiqué plusieurs mécanismes différents qui pourraient servir à mieux sensibiliser le public. J'aimerais mettre l'accent sur le défi figurant dans votre rapport sur les enjeux et les options, notamment renforcer l'engagement communautaire et contribuer au financement du genre d'organismes communautaires dont Mme Scott et M. Gardner ont parlé. Comment font-ils leur travail et comment veillez-vous à ce qu'ils obtiennent de bons résultats pour cet engagement?

Je donnerai deux exemples d'engagement et j'expliquerai ensuite comment on sait qu'on obtient des résultats.

Je vais commencer par le travail effectué en Ontario sur le tabagisme. C'est assez différent du sujet dont nous parlons, mais c'est fort respecté partout dans le monde. Le travail de lutte contre le tabagisme a porté ses fruits en Ontario parce que la province a investi dans l'édification de structures locales et provinciales, a attribué des responsabilités particulières et a établi des objectifs clairs. Nous avons utilisé différentes stratégies avec des partenaires intersectoriels. Nous avons tenu compte de l'éducation, des services comme la cessation de fumer et de l'influence sur les politiques. L'accent mis sur les politiques était la clé du succès de ce travail, qui a permis de souligner l'intervention locale, comme les règlements municipaux, et l'intervention fédérale, comme la réglementation des marchés.

Fait intéressant, le travail préliminaire en matière de tabagisme en Ontario n'a pas été fait au niveau provincial, ce qui a rassuré la province lorsqu'il a été question de financement, si cela vous paraît logique. Le travail à l'échelle provinciale a été accompli par la suite; il était important et il a été intégré.

Les comités locaux d'action, dont ont parlé M. Gardner et Mme Scott, étaient essentiels. Nous avons financé des comités locaux de coordination, nous avons cherché à faire participer les jeunes à la réduction du tabagisme — il y avait donc des projets d'action pour les jeunes — et nous avons appris aux jeunes à devenir des citoyens actifs dans le cadre de leurs travaux sur le tabac.

Ce qui importe, c'est que l'investissement était ce que nous appellerions une « dose efficace » de prévention communautaire. L'accent était mis sur l'accès, la disponibilité et les déterminants sociaux, qui peuvent tous se traduire par égalité en matière de santé.

À Nexus Santé, depuis quelques années, nous utilisons un modèle d'engagement que nous appelons « De maille en maille ». Comment favorisez-vous les liens entre des idées différentes et des personnes différentes pour établir des partenariats qui regroupent des personnes provenant des services communautaires et de secteurs différents? Nous avons principalement utilisé ce modèle pour la prévention des maladies chroniques. Nous regroupons des personnes des soins de santé, de la prévention primaire et des soins actifs et des soins de longue durée, de concert avec des partenaires communautaires. Dans la plupart des cas, ces personnes ne se sont jamais parlé. Dans de nombreux cas, les gens des soins actifs n'avaient jamais parlé aux gens des soins primaires. Ce qu'il faut savoir au sujet du modèle, c'est que nous n'essayons pas de forger des alliances ou de créer des réseaux nouveaux, durables et structurés dans les règles. Nous tentons de tisser de nouveaux liens et de renforcer les liens existants afin de créer de l'espace pour améliorer les partenariats. Nous créons les mécanismes de vision et d'identification des intérêts communs, des solutions communes et la façon dont ils fonctionneront ensemble.

Nous avons appliqué ce processus dans une région, et il faut compter environ un an de collaboration avec une collectivité pour en voir les fruits. Environ sept à neuf initiatives de collaboration ont découlé de cet engagement de dix mois. Nous travaillons maintenant avec cette région pour étudier la nature des collaborations qui se sont développées, afin de cerner les forces et les faiblesses.

M. Gardner a parlé d'outils. Je crois qu'on pourrait dresser la liste des mécanismes et des méthodes d'engagement communautaire, par exemple, les coalitions, les comités de coordination, le leadership par des pairs et les champions. Ce qui rend l'engagement communautaire difficile à évaluer, même si les groupes communautaires ont l'argent nécessaire pour procéder aux évaluations, c'est que de par leur nature, ces méthodes varient selon le cadre, le sujet et le moment. Cela rend l'élément que nous essayons toujours de reproduire et de transférer un peu difficile à mesurer.

Malgré tout, on voit dans la littérature internationale que de plus en plus de recherches rapportent ce que j'appelle des preuves de niveau 1 et de niveau 2, c'est-à-dire des recherches qui montrent une relation de cause à effet entre une intervention et le résultat souhaité. Le niveau 2 correspond aux cas où la méthodologie est très bonne et où l'on constate une incidence probable. On compte un nombre grandissant d'incidences qu'on peut mesurer à partir des interventions.

L'une des questions que vous avez posées dans votre quatrième rapport sur les enjeux et les options était de savoir comment trouver un équilibre entre l'espace pour la créativité et la spécificité communautaires et la responsabilisation. L'Écosse a établi des normes nationales pour l'engagement communautaire et a élaboré des principes et des indicateurs. Les projets communautaires financés par le gouvernement écossais sont censés mesurer la participation, le soutien, la planification, les méthodes, le travail d'équipe, l'échange d'information, le travail avec autrui, l'amélioration, la rétroaction et la surveillance et l'évaluation de leurs activités. Il s'agit d'un modèle important parce qu'il mesure des fonctions et l'incidence ou la capacité de ces fonctions. Il ne mesure pas le contenu détaillé de la participation des enfants aux loisirs, par exemple. Je ne crois pas que les Écossais l'utilisent depuis assez longtemps pour l'évaluer pleinement, mais c'est un bon modèle que nous devrions examiner.

L'un des éléments qui me réjouit dans nos travaux sur l'engagement communautaire, c'est de voir à quel point nos connaissances de ce que j'appelle l'élaboration de réseaux dans un but précis — c'est-à-dire la façon dont on met en place et soutient les réseaux — augmentent rapidement. Une bonne partie de cette attention vient de la recherche. Au Canada, on a accompli passablement de travail. Le Conseil canadien de développement social participe à l'examen du réseau des réseaux; l'Agence de la santé publique du Canada examine les modèles de réseaux pour la participation de la société civile qui portent sur l'égalité en matière de santé; et les connaissances sur les communautés de pratique et la façon dont il faut les soutenir se développent rapidement.

Actuellement, nous effectuons une recherche avec un logiciel qui nous aide à approfondir la compréhension des réseaux existants, afin que les membres de ce réseau puissent déterminer qui est un innovateur ou un leader, un travailleur de force, une personne ayant beaucoup ou peu de rapports, un champion à l'externe, une personne qui amplifie à l'interne la voix plus tranquille de quelqu'un d'autre, et une personne qui renvoie à d'autres. Je n'aurai pas de résultats à vous présenter avant environ trois semaines. Je pourrai vous en parler à ce moment-là. Les Américains utilisent actuellement ce logiciel, notamment le secteur privé et sans but lucratif.

L'élément qui m'a le plus marquée, c'est qu'une grande banque américaine qui effectuait ce genre de recherches s'est rendu compte qu'elle n'arrivait pas à obtenir de clients de la communauté hispanique en partie parce qu'elle entretenait des liens seulement avec des hommes d'affaires hispaniques, alors que les dirigeants de la communauté hispanique étaient toutes des femmes. La banque devait changer sa façon de faire. Elle a cherché à créer des liens avec les dirigeantes de la communauté. Je crois que nous avons beaucoup à apprendre de cette recherche.

M. Gardner a parlé d'enthousiasme. Pour moi, le défi consiste à trouver dans quel domaine nous pouvons investir pour aider au développement de la passion de quelques personnes afin qu'elle devienne la passion de beaucoup de gens. Lorsqu'on informe les Canadiens de l'inégalité présente en santé, on constate que l'équité et l'appartenance au Canada ont une grande valeur. Prenons par exemple le cas de Saskatoon, où l'autorité régionale en matière de santé a sondé les résidants au sujet des priorités et de la santé. À l'issue de la première étape de la recherche, la liste obtenue était fidèle à nos attentes; l'accent était sur les soins de santé, et cetera. Ensuite, les enquêteurs ont pris le temps d'appeler les gens pour leur expliquer certaines inégalités sur le plan de la santé propres à Saskatoon. Dans les quartiers riches de Saskatoon, 93 p. 100 des enfants ont reçu tous leurs vaccins. Les enquêteurs ont choisi une question portant sur la vaccination et les enfants. Seulement 44 p. 100 des enfants des quartiers pauvres de Saskatoon ont été vaccinés. C'est un volet médical des soins de santé universels.

Lorsque les gens ont été informés de cet écart, ils ont dit que ce n'était pas juste. Voici ce qu'ils ont affirmé : » Oui, nous aimerions que plus d'argent soit investi dans la prévention et la santé des populations, à un point tel que vous pourriez même prendre une partie des sommes affectées aux médicaments et aux traitements. » C'est la première fois que je suis témoin de recherches où, plutôt que de demander des fonds supplémentaires, on propose de réorganiser un peu les finances. Je crois que ça vient du concept d'équité.

À mesure que nous mobilisons les communautés, je maintiens que nos efforts doivent être concentrés autour de ces questions afin que nous puissions susciter la passion.

Le président : Merci beaucoup à tous les trois. Les sénateurs ont des questions à vous poser, mais tout d'abord, comme l'un de vous l'a mentionné dans son exposé, il faut essayer de boucler le rapport final.

Par conséquent, je vous ai remis ce diagramme; je crois que vous avez tous trois reçu votre exemplaire. Nous recommandons donc une approche pangouvernementale pour inclure tout le monde dans une approche intersectorielle.

Nous consultons des spécialistes sur tous les aspects de la technologie de l'information. Nous tiendrons une table ronde dans deux ou trois semaines. Ils nous disent qu'ils peuvent relier ce diagramme à un réseau. Le concept de santé des populations que nous voudrions brancher, pour ainsi dire, serait fondé sur un réseau axé sur la santé des populations; environ 50 p. 100 des données proviendraient des déterminants socioéconomiques, 25 p. 100 du système de soins de santé, 15 p. 100 de la génétique et de la biologie, et 10 p. 100 de l'environnement physique. Nous tenons à préciser que nous devons étudier le cycle de vie humaine. Si nous voulons prendre des mesures pour la santé des populations, nous ne pouvons pas examiner aléatoirement diverses étapes tout au long du chemin de la vie. Nous devons examiner le cycle de vie humaine dans son ensemble. Lorsque le système sera branché, il sera extrêmement utile aux chercheurs comme vous, parce qu'ils pourront examiner l'information et analyser les résultats obtenus, qui correspondent à diverses interventions.

J'ai une question qui s'adresse aux trois témoins.

Nous savons que nous recommandons une approche pangouvernementale et une approche intersectorielle, mais nous ne savons pas comment la mettre en œuvre et, pour ainsi dire, rendre les fonds accessibles sur le terrain. Le modèle communautaire est fondé sur ce concept. Que ça vienne d'une idée de Tony Blair, d'un comité du Cabinet ou d'un ministre spécialement chargé d'un dossier, comme un ministre du développement humain, nous croyons que les premiers ministres doivent adhérer à l'idée. Je ferai un effort suprême pour parler à chacun d'entre eux.

Toutefois, nous croyons que les premiers ministres doivent adhérer à l'idée, et qu'ensuite ils doivent désigner quelqu'un dans leur organisation pour agir à titre de champion, et ainsi assurer la continuité de cette approche pangouvernementale. Évidemment, les municipalités doivent également adhérer à l'idée, mais à ce stade-ci, les dirigeants municipaux sont enthousiastes.

Si vous étiez le roi du monde, comment organiseriez-vous cette approche pangouvernementale à l'échelle fédérale, provinciale, municipale et communautaire? Voilà une question facile.

Mme Clément : J'opterais pour une approche semblable à celle de Tony Blair plutôt que pour un ministre distinct. Un ministre distinct peut avoir les meilleures intentions du monde, mais je crains que le portefeuille soit réduit. On a besoin d'un modèle qui évite cette concurrence, et je jetterais un coup d'œil à l'initiative sur la santé des collectivités de Toronto à l'époque où elle traçait la voie. Le sénateur Eggleton s'en souvient probablement lui aussi. Le bureau torontois de l'initiative sur la santé des collectivités relevait d'un groupe de chefs équivalant aux premiers ministres provinciaux. Son influence à l'échelle de la municipalité était beaucoup plus grande que ce qu'on voyait dans la plupart des autres villes et collectivités du Canada où les services de santé publique géraient le programme, parce que les interventions publiques étaient immédiates.

C'est ce qu'il faudrait sur le plan des structures horizontales. C'est certainement quelque chose que j'encouragerais. Je crois que les Britanniques ont un excellent modèle.

L'engagement sur le plan vertical est plus difficile, mais je crois que les municipalités auront un rôle très important à jouer, plus important que celui des provinces en raison de la nature communautaire de leurs compétences.

M. Gardner : Il faudra bâtir sur des institutions déjà bien établies et respectées. Dans le milieu de la santé, deux instances ont adopté une perspective plus large concernant la santé de la population et les déterminants sociaux : dans la plupart des provinces, ce sont les autorités régionales de la santé ainsi que les services de santé publique, à différents degrés. Les autorités régionales sont des créatures provinciales; dans la plupart des provinces, les services de santé publique font partie des autorités régionales de la santé, et certaines, comme c'est le cas en Ontario, sont rattachées aux municipalités. Quoi que l'on fasse, on se retrouve avec des problèmes d'ordre constitutionnel et des problèmes de compétence.

Au Canada, soit on utilise la méthode du rouleau compresseur, ce qui, en général, ne fonctionne pas très bien, soit on contourne le problème. En les contournant comme vous le faites, monsieur le sénateur, on doit avoir des discussions à toutes fins pratiques informelles avec les dirigeants des autres provinces, les autres ordres de gouvernement et les intervenants de la communauté afin de travailler ensemble. Si, par exemple, chaque province s'engageait sérieusement à réduire les disparités en matière de santé sur son territoire, à travailler avec les intervenants fédéraux et ses voisins provinciaux ainsi qu'avec ses collègues des municipalités et des collectivités... Cela prendrait une forme différente dans chaque province, ce qui ne serait pas grave tant que l'engagement demeure sérieux. Ensuite, les fonctionnaires des diverses provinces doivent trouver des mécanismes de coordination. Encore là, il existe divers comités et groupes de travail FPT qui pourraient prendre le dossier en main s'ils recevaient une orientation politique de la part des dirigeants, s'ils avaient le message que la santé publique et les déterminants sociaux sont une priorité.

Personne ne peut l'exiger. Cependant, on peut apprendre de l'Angleterre et des autres pays, qui avaient établi des objectifs pour chaque domaine. On avait des objectifs pour la garde d'enfants et pour l'emploi, et lorsqu'on descendait au niveau municipal et local, tout le monde avait des objectifs, faisait un suivi et rendait des comptes. Si les divers paliers de gouvernement ont été capables de prendre ces engagements et de bâtir sur des mécanismes existants ou d'en créer d'autres pour la coordination, je crois que c'est possible. Comme le suggère le modèle, on doit recommander avec insistance que chaque province s'aligne sur une vision et promette de ne pas réduire certains objectifs.

Mme Scott : L'autre point à souligner au sujet de l'exemple britannique, c'est que lorsqu'ils ont établi des objectifs pour les différents services, ils ont renégocié les contrats de travail avec les cadres de ces organismes et ils ont intégré les objectifs aux mesures de rendement dans les contrats. Cela a été un incitatif très puissant. Ils ont obtenu l'accord des finances, ce qui est un autre point important du modèle britannique, mais cela s'est concrétisé aux yeux des services participants lorsque les mesures incitatives ont été inscrites dans les contrats de travail de leurs principaux administrateurs.

Un autre point intéressant, que j'ai appris en regardant ce qui se fait pour lutter contre la pauvreté en Angleterre, c'est qu'ils ont investi énormément dans les données. Ils ont élaboré une façon de mesurer la privation. Ils publient des indices de privation pour 32 000 unités géographiques au sein du Royaume-Uni. C'est incroyable tout ce qu'ils ont fait pour bâtir cette infrastructure. Elle vit un peu par elle-même. Elle est maintenant complètement électronique, sur le Web. Les collectivités peuvent accéder à leur profil sur une base annuelle, et se mobiliser en conséquence. Les agents immobiliers l'utilisent. C'est un outil extraordinaire. Le fait de dire : » Je vis à Sandy Hill » ou dans n'importe quelle autre collectivité avec laquelle on travaille, s'appuie sur des caractéristiques très concrètes et réelles qui permettent de raconter l'histoire de ces collectivités, alors que d'autres données peuvent nous sembler académiques et abstraites. Grâce à l'initiative britannique, ces données sont concrètes et accessibles aux collectivités locales. Par exemple, le propriétaire d'une petite entreprise de Toronto ou de Calgary pourrait utiliser ces données pour mieux comprendre sa région et la collectivité où il mène ses activités. Ils peuvent aussi surveiller les disparités et prendre conscience de leur existence. Cet outil fonctionne. Cela génère plus d'intérêt et une plus grande activité. Cette méthode est fascinante et elle constitue une composante importante du modèle britannique. Ce genre de comptabilisation a de l'impact aux plus hauts niveaux, devient concrète et réelle, et contribue à créer cette passion.

Le président : Nous avons réussi à convaincre le gouvernement d'injecter beaucoup d'argent dans la technologie de l'information. Les gens sur le terrain ainsi que les gens de l'informatique croient qu'ils auront des dossiers électroniques pour la moitié des Canadiens d'ici deux ans. Cela signifie que cette partie du plan est branchée sur les dossiers électroniques.

Ensuite, nous devons brancher ce qui se trouve ici, mais le secteur de la prestation des soins de santé est déjà connecté parce que suffisamment de gens sont branchés pour nous permettre d'extraire des données pertinentes dans les recherches longitudinales et autres.

Il y aura d'autres connexions à partir des dossiers médicaux. La connectivité qui doit se faire ici doit être dans les déterminants sociaux, mais encore une fois, nos spécialistes de l'électronique ne croient pas que cela constitue un gros problème.

Mme Clement : Le défi ici est de passer de données individuelles à des données collectives qui soient d'aussi bonne qualité. Les données qui nous proviennent des collectivités sont fantastiques, mais il n'y a pas de constance ni de cohérence. Certaines provinces nous fournissent des indices de développement de la petite enfance tandis que d'autres ne le font pas. Lorsqu'on tente de produire des rapports sur l'état de la santé qui incluent tous les déterminants, on ne peut les faire que pour un petit nombre d'endroits.

On peut également ajouter sa voix aux données individuelles pour s'assurer que l'on développe et approfondit certaines données des dossiers médicaux. Par exemple, en Ontario, il y a un débat qui porte sur un nouveau dépistage de 18 mois pour les enfants et qui coïncide avec la dernière immunisation. Le dossier électronique dit simplement : » L'avez-vous fait? » On peut désélectionner la case si la personne vient juste d'être immunisée, mais nous essayons d'approfondir le profilage social et on ne voit toujours pas de différence dans les dossiers électroniques.

Sénateur Eaton : Ma question s'adresse principalement à vous, madame Clement, mais j'invite également les autres à commenter.

Je m'intéresse à ce qui se passe au niveau de la population. Ce sera principalement une initiative fédérale du début à la fin, et qui conviendra, du moins je l'espère. Vous avez parlé des succès de vos campagnes contre le tabac. En santé publique, on doit tenir compte de plusieurs facteurs. Lorsque le rapport est produit et qu'il fixe des buts, et peut-être même des cibles, si vous deviez mettre sur pied un programme de sensibilisation, quelle quantité d'information pourriez-vous donner à absorber au public? Est-ce que vous commenceriez avec un enjeu, par exemple l'obésité, ou les soins de santé préventifs pour la petite enfance? Par où commenceriez-vous? Après combien de temps le public peut-il commencer à absorber l'information et quelle quantité d'information pouvez-vous lui donner d'un seul coup?

Mme Clement : Le défi relatif à l'éducation communautaire en matière de santé publique consiste à mieux faire connaître le concept de bien-être communautaire et à faire comprendre que le bien-être communautaire est associé au bien-être individuel; et que cela varie selon l'endroit où vous vivez, l'éducation familiale et ainsi de suite. De nombreux Canadiens croient toujours qu'il n'y a que l'aspect de la génétique qui soit associé à la santé. Vous comprenez ce que je veux dire, une vision très étroite de la santé.

L'un des premiers points concernant l'éducation est d'aider les gens à comprendre l'ampleur de la question parce qu'ensuite, ils ont une perception différente du financement dans le domaine logement abordable. Ils voient aussi les politiques d'ajustement du revenu différemment. Il y a moyen de d'agir sur l'obésité et le style de vie et d'inclure des composantes d'équité.

Notre principal programme à Nexus Santé concerne le développement de la petite enfance, de la préconception à l'âge préscolaire, et nous intégrons des considérations relatives à l'équité et aux déterminants dans presque tous les aspects de notre travail. Il est assez particulier que l'on inclue ces éléments dans les campagnes ou les activités de promotion de la santé communautaire. On en voit très peu dans les stratégies concernant l'obésité. Elles portent surtout sur l'alimentation individuelle et l'exercice, mais pas suffisamment sur l'accès à la nourriture, les loisirs et l'environnement bâti.

Sur le plan de la campagne — en fait, sur tous les plans —, une partie du défi consiste à coordonner pour qu'une partie de ces éléments puisse produire un cadre qui nous permettre d'y arriver.

M. Gardner : Dans ce genre de discussion, il importe de cibler les questions qui sont à la fois d'actualité et permettent de réaliser des gains, ou à tout le moins sur lesquelles on peut bâtir.

Vous aurez besoin de produire un rapport fantastique qui contiendra tous les éléments que vous voulez y inclure, vous savez qu'il ne sera pas adopté sur-le-champ. Alors, que faire?

Dans le domaine de la santé, nous savons que la prévention et la gestion des maladies chroniques revêtent de l'importance à plusieurs égards et, bien évidemment, pour l'ensemble de notre bien-être, mais également pour la viabilité du système.

L'exemple du diabète est parfait dans ce contexte étant donné que ses répercussions, son incidence et sa gravité varient de façon importante selon le gradient social. En fait, le diabète est très influencé par les déterminants sociaux de la santé. Si un tel projet devait être accepté par les planificateurs des services de santé comme un moyen de mieux prévenir et gérer le diabète, vous vous retrouveriez inévitablement à devoir le présenter dans les écoles, auprès des organismes sociaux, des organisations ethnoculturelles, partout. C'est une démarche très concrète parce que non seulement vous devez présenter un exposé sur la diète et un autre sur le diabète; vous dites aux gens ce qu'ils savent tous, le diabète est une maladie grave — vous avez ainsi ciblé une question d'intérêt au sein de la communauté. Quelle que soit la question, vous devez la cibler dans la communauté, c'est la clé du succès. Toutefois, la situation variera selon la communauté. Ensuite, vous devez vous concentrer sur cette question et sensibiliser les intervenants. Pour connaître du succès, il faut forcément rallier à cette cause commune des gens qui ne viennent pas du secteur de la santé et les inciter à mener ce type de planification. Le système de santé au Canada est remarquable, mais il ne résoudra pas nos problèmes de santé ne serait-ce qu'en raison de ces déterminants de la santé beaucoup plus vastes.

Nous devons partir de la base, construire étape par étape, bref faire preuve de stratégie. Vous êtes bien placés pour réfléchir à ce que seront ces questions d'actualité.

Le sénateur Eaton : Effectivement, il s'agit d'une démarche stratégique. Comment inciter les gens à y aller d'une bouchée à la fois au lieu d'avaler le tout en une seule fois?

M. Gardner : Le sénateur Keon mentionne que le gouvernement fédéral a consacré beaucoup d'argent et d'attention à l'autoroute de l'information. Une bonne chose, et ce, à tous les niveaux. Dans le domaine de la santé, ce véhicule est essentiel ne serait-ce que du point de vue des dossiers médicaux électroniques. En fait, l'autoroute de l'information offre un potentiel immense pour l'amélioration des soins de santé. Si vous ajoutez cela à la base, soudainement vous vous retrouvez avec un bon outil de planification.

Imaginez un instant que vous travaillez dans une municipalité ou un service de planification et que vous apprenez que des personnes dont la langue maternelle est le mandarin ne reçoivent pas de services dans les hôpitaux locaux. Si vous aviez disposé de ces données en temps réel vous auriez pu collaborer avec la communauté qui parle le mandarin et les hôpitaux. La solution peut être aussi simple que de pouvoir compter sur davantage de services d'interprétation. Il y a probablement plus de travail communautaire de base à faire auprès de cette communauté particulière, toutefois, l'avantage de disposer de ce type de données est inimaginable. Puis, vous mettez de l'avant votre programme et, l'année suivante, vous constatez que vous avez intérêt à ce que plus de gens parlant le mandarin fréquentent cet hôpital pour assurer un meilleur suivi du diabète de ces personnes. En bout de ligne, vous avez appris comment mettre sur pied un programme qui connaît du succès et que vous pouvez mettre en oeuvre ailleurs.

Le président : Comme vous le savez, la santé et le bien-être évoluent de pair avec la productivité. En fait, il y a quelques semaines, M. Mel Hurtig nous a affirmé que, lorsque l'on parle de productivité, tous les chemins mènent à la santé de la population.

Nous avons demandé au Conference Board du Canada de nous concocter un plan d'activités, ce qu'ils ont fait, mais la conséquence indirecte la plus intéressante de cette démarche est que certaines grandes compagnies qui y ont participé ont maintenant inscrit à leur structure d'entreprise un programme de santé de la population.

Étant donné que vous avez déjà établi des liens dans les communautés, comment croyez-vous que nous pouvons mettre ce concept en valeur au niveau des entreprises et des communautés? Il y a là une ouverture importante pour vous.

M. Gardner : Chacun et chacune d'entre nous avons déjà participé à des projets du Conference Board et, pour nous, c'est une façon d'y arriver. Le Conference Board est bien placé pour vendre une idée aux autres chefs d'entreprise.

Nous pouvons également regarder ce que font d'autres gouvernements. En fait, dans le domaine des politiques publiques, il y a toujours la carotte et le bâton. En Allemagne, par exemple, les exigences à l'égard du régime d'assurance-santé sont relativement compliquées en ce sens que seule une petite partie des dépenses à ce chapitre est consacrée à la promotion de la santé et à la promotion de la santé dans les communautés.

Et lorsque je dis une petite partie, je veux dire quelques sous, qui viennent s'ajouter à de grosses sommes d'argent. Ces fonds sont canalisés vers un travail communautaire de base qui peut être considéré novateur. Selon votre perspective et celle du gouvernement, on pourrait décider qu'un pourcentage « X » des fonds du ministère de la Santé ou d'une autre source comme en Ontario, où il y a un ministère de la Promotion de la santé, ou encore des Services sociaux ou des Finances, sera consacré à des initiatives axées sur la santé de la population. Je peux imaginer facilement qu'une petite partie, en fait, une partie plutôt intéressante du budget pourrait faire une énorme différence sur le terrain et, comme vous l'avez dit, vous permettrait d'établir un partenariat avec la communauté.

Pour revenir à l'exemple de Saskatoon soulevé par Mme Clement, où des communautés se sont retrouvées à discuter de quartiers particuliers et de types particuliers de gens dont les normes de soins sont peu élevées ou dont la santé est si mauvaise qu'elles ont décidé de se prendre en main et de réfléchir à une façon de corriger la situation.

Mme Scott : Le modèle qui me vient à l'esprit est celui de la formation au Québec, un modèle où une partie des fonds sont réservés à cette fin. En fait, il y a engagement de la part des employeurs à investir dans la formation et, dans le cas des employeurs ayant une petite entreprise ou des travailleurs autonomes, ils doivent verser, sous forme de taxe, une petite somme à un fonds global qui sert à financer la formation en milieu de travail.

Au Canada, l'investissement du secteur privé en formation est faible. Le gouvernement du Québec a déployé certains efforts afin de renverser la vapeur et, encore une fois, il a eu recours au même type de modèle, à savoir créer un fonds social pour financer un bien public commun devant profiter à un grand nombre de citoyens. Dans un sens, cela ressemble à l'idée que vous avez soulevée.

Venant du secteur du développement social, j'ai l'impression que nous nous engageons dans une campagne. Lorsqu'il est question de la santé de la population, on se met soudainement à parler de saine alimentation, de campagne contre l'obésité, que nous soyons à Saskatoon ou dans une communauté donnée, comment peut-on sensibiliser davantage le public? Et voilà, nous nous retrouvons à faire du marketing social. Tout cela nous ramène directement à une extraordinaire histoire qui dure depuis 30 ans au Canada, celle de ParticipACTION. En matière de santé des populations, tout tourne autour de campagnes et de comportement personnel. Ce qui m'a frappé dans votre rapport, en tout cas à la fin, c'est la tension que crée l'idée de sortir des sentiers battus.

Mais revenons à la question du sénateur Eaton quant aux choix stratégiques que vous voulez faire. Le diabète est probablement un meilleur choix que l'obésité puisque dans ce dernier cas, les gens estiment que c'est essentiellement une responsabilité personnelle.

Comment faire ces choix? Si, comme point de départ, vous aviez concocté une autre campagne sur la saine alimentation, je crois que cela aurait bel et bien mis un terme au rapport et confirmé que cette démarche ne va nulle part parce qu'elle n'incite pas les gens à s'interroger sur le système.

Si, par ailleurs, vous aviez affirmé qu'à votre avis, les nouveaux fonds réservés à la santé de la population devaient absolument être consacrés au logement abordable, cela aurait suffi. Vous auriez pu également dire que nos programmes de sécurité du revenu pour les Canadiens en âge de travailler sont tout à fait épuisés. Pour tout dire, la structure de notre programme d'assurance-emploi est un désastre. Si, en se fondant sur nos travaux de recherche, vous dites que nous avons besoin d'une population en santé, que nous avons besoin d'argent pour appuyer l'assurance-emploi, que c'est un élément essentiel à la santé de la population de notre pays, là, ce serait une déclaration stratégique extraordinaire.

Je n'avance pas nécessairement cette recommandation; il y a bien d'autres recommandations à faire. Toutefois, j'estime que cerner un problème qui force les gens à réfléchir au système et non à l'individu constituera vraiment la clé du succès de votre message et garantira l'efficacité de votre initiative dans les années à venir.

Le sénateur Eaton : Quand vous parlez de sortir du cadre, et que je considère le logement comme l'un des déterminants sociaux de la santé, je pense — ai-je raison, sénateur Eggleton? — à la reconstruction complète de Regent Park. A-t-on tenu compte de la santé de la population lorsqu'on a décidé de rebâtir ce secteur?

Mme Clement : Oui, absolument. C'est une initiative stimulante pour laquelle on a examiné des politiques sociales générales et des questions liées à la population de la communauté et à la santé.

Le sénateur Eaton : Est-ce que ce cas pourrait servir de modèle pour sensibiliser d'autres communautés ailleurs au Canada?

Mme Clement : Oui, absolument. À Regent Park, on a créé une organisation temporaire qui vise simplement à soutenir la coordination, la communication et l'engagement. Ce projet de revitalisation vise à montrer comment nous pouvons contribuer à la préservation de l'environnement physique; contribuer au développement des jeunes enfants; intégrer l'école directement dans la communauté; soutenir la communauté par des mesures d'aide à l'emploi et en tenant compte de sa diversité culturelle. Rien n'a été négligé. Ils ont tenu compte de tous ces points. C'est très emballant.

Le sénateur Eaton : On pourrait aussi l'intégrer à un programme de sensibilisation.

Mme Clement : Oui.

Le sénateur Eggleton : Qu'avez-vous dit à propos du modèle anglais? Ce modèle fonctionnait à cause d'un ensemble de facteurs : une volonté politique, une priorité ferme et l'engagement des deux personnes les plus influentes au gouvernement. C'est une combinaison extraordinaire. Même si elle se retrouve dans un gouvernement, les gouvernements changent. Et encore, même au sein d'un parti, les priorités et les volontés politiques peuvent changer aussi. J'aime bien ce que Mme Scott a dit à propos des contrats de travail. Nous parlons plutôt de lettres de mandat ici, mais c'est blanc bonnet et bonnet blanc.

Je suis désolé; j'ai entendu une partie d'un exposé et j'ai raté les deux autres. Vous savez, nous avons des réunions d'urgence à tout bout de champ; j'en ai justement une autre tout à l'heure.

Toutefois, j'ai eu l'occasion de lire le rapport sommaire intitulé Le financement, ça compte : l'impact du nouveau régime de financement au Canada sur les organismes bénévoles et communautaires à but non lucratif. J'ai remarqué qu'il datait de 2003, alors je me suis demandé ce qu'il y avait de nouveau avant de m'apercevoir que dans votre déclaration d'aujourd'hui, vous avez dit que les revenus ont recommencé à augmenter, mais que c'est encore et toujours le financement de base qui pose problème. C'est en fait l'élément clé.

Nous parlons du fait que le gouvernement fédéral ou l'ensemble des gouvernements jouent un rôle clé dans ce domaine, et du fait qu'il faut une volonté politique. Les liens horizontaux et autres sont nécessaires, mais les fondements de cette politique doivent provenir de la base, et elle doit être mise en application par les organisations sur le terrain. Parmi ces organisations, on compte des organismes bénévoles et de nombreux organismes à but non lucratif qui sont actifs dans nos communautés, ce qui me ramène à ce rapport.

Je comprends que le Secrétariat du Conseil du Trésor a entrepris une étude de trois ans. Il consulte des intervenants sur la politique des paiements de transfert, qui concerne de nombreuses organisations différentes, mais qui pourrait également concerner ce genre d'organisations, les groupes communautaires et à but non lucratif.

Comment avance cette étude? Va-t-elle permettre de s'attaquer au problème du financement de base? Quelle est la façon de régler ce problème? Je suis conscient qu'il faut appliquer les principes de responsabilisation au financement de base et à l'administration. Il faut l'utiliser de manière efficace et rationnelle, mais on ne peut absolument pas l'ignorer parce qu'une organisation qui ne sait plus où donner de la tête, qui passe d'un projet de financement à un autre, qui doit façonner le projet conformément au plan du gouvernement ne peut pas fonctionner.

Comment voyez-vous l'évolution de ce processus? Pour qu'un organisme communautaire puisse prendre des mesures pour la santé de la population, quel genre d'améliorations devons-nous apporter?

Mme Scott : Comme vous l'avez dit, le processus dans lequel est actuellement engagé le Conseil du Trésor est en cours. Il mène des activités d'information et des consultations. Je participe à ces consultations depuis plus de dix ans maintenant, et dans ce contexte, on peut dire qu'une certaine lassitude s'est installée dans le secteur communautaire.

Le Conseil du Trésor étudie actuellement la politique sur les paiements de transfert et examine la possibilité de créer des directives de service qui seraient instituées dans des ministères tels que Santé Canada. La mise en œuvre de ces directives éviterait aux organisations qui présentent une demande de financement de devoir attendre six mois avant de recevoir une réponse et de devoir mettre à pied son personnel. Il n'y a qu'à regarder ce qui se passe en ce moment. Si le gouvernement du Canada décide d'adopter des normes de service en matière de financement, cela permettra assurément d'alléger le fardeau administratif et d'améliorer la qualité de l'administration.

Il s'agit là de mesures positives. Toutefois, comme je l'ai dit, elles ne tiennent pas compte de l'aspect financement ni du fait que les organisations ont besoin de soutien administratif. Elles ne tiennent pas compte non plus du principe de recouvrement intégral des coûts, ni des autres idées de ce genre. Elles mettent plutôt l'accent sur le volet technique de l'administration, qui n'est pas sans importance, mais elles n'en demeurent pas moins des mesures préliminaires.

C'est une bonne chose que le Secrétariat du Conseil du Trésor le fasse, mais comment cela s'appliquerait-il dans les autres ministères et sur le terrain, parce que la plupart des décisions concernant le financement se prennent dans la communauté, dans les bureaux régionaux, et ainsi de suite. Il faut établir une structure. Cependant, il est encourageant de voir que le gouvernement a commencé à prendre certaines mesures, même s'il faut en faire encore plus à cet égard.

C'est pourquoi je souligne le fait que d'autres fondations philanthropiques travaillent actuellement à rebâtir leurs relations afin de créer le mouvement.

Je suis consciente qu'il y a des limites à ce que le gouvernement fédéral peut faire. Il est limité quant au nombre d'organismes avec lesquels il peut avoir des liens. C'est ce qui est si intéressant. Grâce à ses initiatives sur les sans-abri — l'Initiative de partenariats en action communautaire (IPAC) et la Stratégie pour les Autochtones vivant en milieu urbain (SAMU) — le gouvernement fédéral a mis au point certains modèles intéressants dans le but d'établir un contact direct avec le secteur communautaire. Ces modèles prévoient notamment des rapports respectueux en matière de financement et un engagement plus significatif par rapport au processus. Mais il y a un revers à la médaille; en réduisant le financement en jeu, vous privez les groupes communautaires de leur capacité à planifier et à participer à l'élaboration de vos politiques. Il faut couper la poire en deux, si l'on peut dire.

La SAMU a permis d'obtenir un grand nombre d'engagements importants. Il existe certains modèles expliquant comment concevoir et reproduire ce genre de programme et en promouvoir l'utilisation.

Le sénateur Cook : Parlant de structures, avez-vous entendu parler de Community Accounts, cette base de données en ligne de Terre-Neuve-et-Labrador?

Mme Scott : Oui, c'est brillant. Ils font la même chose en Nouvelle-Écosse à l'heure où on se parle, et d'autres initiatives semblables commencent à voir le jour un peu partout au pays.

Le sénateur Cook : Ils le font aussi au Nouveau-Brunswick. Seriez-vous prête à appuyer ce concept et à l'utiliser comme modèle de travail?

Mme Scott : C'est un modèle extraordinaire.

Le sénateur Cook : L'avantage de celui-ci — pour revenir à ce que le sénateur Eggleton disait concernant la reddition de comptes au gouvernement —, c'est que le concept est défini dans la législation et que celle-ci prévoit la reddition de comptes au moment du budget, ce qui vous donne une protection que vous n'auriez jamais pensé avoir.

Mme Scott : Quelqu'un qui se trouve à Twillingate peut cliquer à l'écran et consulter son profil communautaire, ce qui est incroyable. Nous n'avons pas ça en Ontario, je peux vous le dire.

Le sénateur Cook : Vous pensez que ce programme est réalisable?

Mme Scott : Oui, il est excellent. Alton Hollett est une personne formidable.

Le président : C'est aussi ce que nous croyons. Il serait un atout pour nous.

Le sénateur Cook : Ça aide quand on peut avoir l'appui de quelqu'un.

Mme Clement : Concernant votre modèle, une des choses qu'il faudrait peut-être penser à ajouter, c'est que ce n'est pas tout le monde qui passe de l'école au marché du travail. Par conséquent, même si tout se rapporte à la communauté d'une manière ou d'une autre, je crois qu'il y a de la place pour la vie communautaire, pour ce qu'on appelle la vie de quartier, mais aussi pour les communautés d'intérêts.

Le président : Merci.

Mme Clement : Je voudrais simplement approfondir mais sans rien changer.

Le président : Merci beaucoup.

M. Gardner : Je voudrais aussi ajouter un amendement amical, comme nous disons ici entre nous. Je crois qu'il vaudrait la peine d'indiquer explicitement que l'un de vos objectifs est de réduire les écarts entre les différents groupes aux niveaux de la santé et du bien-être. Ce cadre de travail incroyable permettrait non seulement d'améliorer la santé globale des personnes, mais aussi de réduire les inégalités.

Le président : Merci. Vous avez deux très bons points.

(La séance est levée.)


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