Délibérations du Sous-comité sur la Santé des populations
Fascicule 4 - Témoignages du 1er avril 2009
OTTAWA, le mercredi 1er avril 2009
Le Sous-comité sénatorial sur la santé des populations du Comite sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui, à 16 h 14, afin de mener une étude sur les divers facteurs et situations qui contribuent à la population de la santé canadienne, appelés collectivement les déterminants de la santé (sujet : la santé des populations au niveau des collectivités; est la santé des enfants).
Le sénateur Wilbert J. Keon (président) occupe le fauteuil
[Traduction]
Le président : Il y a d'autres sénateurs qui doivent se joindre à nous, mais nous commencerons.
Nous avons deux témoins remarquables. Nous espérons apprendre de nombreuses choses.
Docteur Cushman, vous parlerez en premier, selon ce que j'ai cru comprendre.
Je connais le Dr Robert Cushman depuis 30 ans. Il a eu une longue carrière dans le domaine de la santé publique. Ce qui est encore plus excitant, c'est qu'il est maintenant le directeur général du Réseau local d'intégration des services de santé de Champlain. Je crois que c'est une merveilleuse nouvelle pour Ottawa.
Dr Robert Cushman, directeur général, Réseau local d'intégration des services de santé de Champlain : Je suis heureux d'être ici. J'essaierai d'être bref. J'ai remarqué les questions et les réponses. Pourrait-on les modifier? Définitivement. Peut-on les modifier? Là est la question.
Il existe quelques exemples, tels que des centres locaux de services communautaires, qui se trouvent surtout au Québec, et des centres de santé communautaire, qui se trouvent partout au pays. Toutefois, nous sommes maintenant en 2009, et nous devons mettre à jour ces choses et peut-être mettre en place d'autres services. L'autre question portait sur le principe de guichet unique où de nombreuses ressources pourraient se trouver sous le même toit. Cela serait certainement une solution très logique pour les consommateurs, les clients et les patients, et elle favoriserait l'intégration des services.
Maintenant que j'ai répondu aux questions, il me reste plus de temps. Je pensais partager avec vous quelques-uns des défis que je dois relever afin que vous puissiez mieux comprendre l'utilité de la chose. Ma discussion s'intitule « Sortir de l'hôpital et se rapprocher de chez soi ». Elle concerne la planification des services cliniques au Réseau local d'intégration des services de santé de Champlain.
Il y a maintenant 14 réseaux locaux d'intégration des services de santé (RLISS) en Ontario. Je vous ai fourni une carte. En ce qui concerne la population, les ressources de soins de santé et le centre universitaire des sciences de la santé, nous avons effectué une comparaison avec six des provinces du Canada, et non les quatre grandes provinces, quant à la planification.
J'ai montré qui nous étions en vous présentant la roue que vous avez devant vous et les éléments qui la constituent, à savoir la planification, le financement et la répartition des fonds, ainsi que la reddition de compte et la gestion du rendement. L'élément le plus intéressant de cette roue est l'engagement communautaire, qui vise à communiquer avec le public. En tant que médecin, je demande toujours aux patients de me parler de leurs douleurs thoraciques, mais je ne leur demande jamais de me parler de leurs expériences dans le système. C'est ce que nous faisons récemment. Je peux vous dire que j'apprends beaucoup de choses. C'est très utile. Nous devons intégrer ces commentaires dans la planification.
Comme vous le voyez, c'est cela l'intégration. Cela donne une expérience plus harmonieuse et nous permet de modifier les services pour qu'ils répondent mieux aux besoins des gens. Nous espérons que cela permettra d'améliorer l'efficacité des services au bout du compte. C'est notre philosophie.
Je vous ai fourni un diagramme circulaire qui montre où les ressources sont affectées : 73 p. 100 des ressources sont attribuées aux hôpitaux ; et 12 p. 100, aux soins prolongés. C'est déjà 85 p. 100 des ressources qui sont affectées aux institutions. Notre organisation de soins à domicile est vraiment comme un hôpital à domicile de nos jours. Approximativement 4 p. 100 de ce nombre peut être considéré comme des soins institutionnels ou des soins intensifs de courte durée.
Ce que je veux vous dire, c'est que les communautés n'ont pas assez de ressources. Nous devons nous éloigner des institutions, et nous concentrer sur les communautés. Nous avons un budget de plus de 2 milliards de dollars, et nous avons 206 fournisseurs de services de santé. L'Hôpital d'Ottawa et l'Institut de cardiologie reçoivent entre 55 et 60 p. 100 de ce budget. Cela vous donne une idée des défis auxquels nous sommes confrontés.
Je vous ai donné nos six directions stratégiques. Que pourrait-on fournir dans une polyclinique? Que pourrait-on fournir dans une collectivité? Qu'est-ce qui pourrait être fourni partout, et pas seulement dans un hôpital? On pourrait certainement fournir des services de santé primaires. Veuillez noter que nous parlons de services et non de soins, parce que nous en comprenons l'exhaustivité. En effet, ces services pourraient inclure le déblaiement de la neige ou la surveillance du quartier en plus de la vérification du cholestérol.
Pour ce qui est de la prévention et de la gestion des maladies chroniques, nous avons maintenant de graves problèmes avec le diabète et d'autres maladies chroniques. La toxicomanie et la santé mentale figurent dans la liste parce qu'elles sont les parents pauvres des maladies. Nous voulions les mettre ensemble parce qu'il y a tellement de comorbidité. Pourtant, les fournisseurs de services ont tendance à s'occuper de ces conditions séparément.
Je pense que les personnes âgées présentant des affections chroniques et complexes posent le plus de difficultés au système de soins de santé de nos jours. Il faut déterminer la façon de s'occuper des personnes lors des dix dernières années de leur vie, et concentrer nos ressources dans les soins de courte durée dans les hôpitaux n'est certainement pas la bonne solution. Bien sûr, les cyberdossiers de santé sont des outils très utiles.
J'ai énuméré cinq des directions. La sixième est l'accès, qui se trouve sur la prochaine diapositive. Il consiste en un bon service, au bon endroit, au bon moment, par les bonnes personnes. Si vous examinez ce que nous voulons faire, les questions demeurent les mêmes. Nous devons déterminer le meilleur endroit où fournir des services, voir s'ils pourraient être fournis à un endroit proche du domicile des gens et trouver des personnes qui pourraient fournir ces services.
Une de mes citations se trouve sur la prochaine diapositive. C'est essentiellement une observation qui découle des recherches que j'ai faites. Quand on voit à quel point les services de soins de santé sont efficaces dans les pays occidentaux, les comparaisons internationales indiquent que les pays qui obtiennent les meilleurs résultats sont ceux qui se sont dotés d'un solide système de soins de santé primaires. C'est pourquoi les États-Unis accusent un retard en ce qui concerne les dépenses relatives aux soins de santé. Je parlerai aujourd'hui de certaines de mes préoccupations quant aux soins de santé primaires et aux services de santé primaires au Canada.
Ma prochaine diapositive contient une citation de Don Berwick : « Chaque réseau est parfaitement conçu pour donner les résultats qu'il obtient ». Autrement dit, nous devons revenir à l'étape de la conception. Les problèmes que nous avons aujourd'hui découlent de la façon dont nous concevons les choses.
Nos soins sont-ils axés sur les patients ou les fournisseurs? Je vous laisse en juger. Je ne répondrai pas à cette question.
Comme vous pouvez le constater, je pense que nous devons passer de soins axés sur les fournisseurs à des soins axés sur les patients.
Je dirais que je représente seulement une partie de l'Ontario ici aujourd'hui, mais j'ai travaillé dans trois provinces et dans de nombreux pays. Je viens initialement de Montréal. Je crois que les soins primaires au Canada ne répondent pas aux besoins. C'est l'un de nos problèmes. J'en ai parlé plus tôt quand j'ai abordé la question de l'incidence. J'ai mentionné la nécessité d'avoir un solide système de soins de santé primaires. J'ai nommé quelques raisons pour cela sur la diapositive suivante. Ces raisons comprennent les querelles de clocher entre les professionnels des diverses disciplines et une philosophie de la pratique en solo qui est répandue, même lorsque les personnes travaillent en groupe.
Comme je l'ai mentionné auparavant, les soins primaires ne sont pas des services de santé primaires. Nous avons besoin d'inclure les services sociaux et d'autres types de soutien. C'est là que les polycliniques interviennent à nouveau. Il y a peu de contacts entre les spécialistes et les généralistes. Finalement, il y a une absence de cyberdossiers de santé. Ainsi se termine mon exposé de 90 secondes sur les soins de santé primaires.
Je parlerai maintenant du secteur hospitalier. Les solutions à la plupart des problèmes des hôpitaux au Canada se trouvent à l'extérieur des hôpitaux. Les hôpitaux doivent mettre au point une politique étrangère. Ils doivent élaborer des politiques, des pratiques et des relations à l'extérieur de leurs quatre murs ainsi qu'à l'intérieur. Nous devons mettre davantage l'accent sur les soins de santé que sur les hôpitaux. J'aime la citation dans laquelle on affirme que les compagnies de chemin de fer ont fait faillite parce qu'elles croyaient faire partie du secteur des chemins de fer. Elles ont oublié qu'elles faisaient partie du secteur du transport il y a 100 ans.
C'est ce que nous observons avec les organisations de soins de santé intégrés (OSSI) aux États-Unis. J'aimerais vous poser la question suivante. Quel pourcentage du travail accompli dans les hôpitaux pourrait être fait ailleurs, comme dans les polycliniques? Je vous dirais que c'est un pourcentage très élevé, à savoir entre 50 et 70 p. 100.
J'avais un bon ami de Boston, qui est la ville possédant le plus de lits d'hôpitaux au monde, qui est venu à Ottawa au début du siècle. Il est venu assister à une conférence sur l'avenir des hôpitaux au XXIe siècle. Je lui ai demandé ce qu'il avait appris. Il m'a répondu qu'il n'y avait pas d'avenir pour les hôpitaux. J'ai trouvé sa réponse intéressante. En effet, les types d'opérations qui étaient effectuées par le Dr Keon nécessitaient un hôpital. Toutefois, la plupart des services ambulatoires pourraient être fournis ailleurs.
Lors de mes études en médecine, si quelqu'un m'avait dit que l'on pourrait effectuer une dialyse et des IRM dans un centre commercial et que les personnes ayant souffert d'une crise cardiaque devaient se rendre immédiatement à l'institut de cardiologie, j'aurais été abasourdi. J'aurais refusé d'accepter deux des points soulevés, et j'aurais demandé ce qu'était une IRM. Comme vous pouvez le constater, les choses ont changé énormément au cours des années.
Quelle signification ont les hôpitaux en 2009? Est-ce que ce sont des hôpitaux régionaux qui offrent des services tertiaires et d'autres services de soins? Est-ce un hôpital de district? Est-ce un hôpital local qui pourrait être en réalité un centre de soins d'urgence avec des soins prolongés, qui n'est pas centré sur le modèle hospitalier actuel?
C'est là qu'entrent en jeu les polycliniques. Comme je l'ai dit, nous devons penser non seulement aux soins offerts et à leur qualité, mais également aux facteurs économiques tels que les économies et les déséconomies d'échelle.
À la page suivante, j'ai une diapositive qui est difficile à interpréter. Le comté de Renfrew est à approximativement une heure de distance d'ici. Ses 100 000 habitants en font le plus grand comté de l'Ontario. Sur la diapositive, nous voyons que nous pouvons transférer 28 p. 100 des chirurgies ambulatoires à Renfrew. Cela représente 3 500 chirurgies par années ou plus de 10 opérations par jour. Si nous pouvions transférer ces chirurgies, cela permettrait d'aider trois ou quatre personnes là-bas. Ce transfert est possible.
Quant à l'architecture de planification, un de nos thèmes est la géographie. Je crois que c'est conforme au concept de polyclinique. Nous voulons regrouper les fournisseurs locaux de soins, établir des services efficaces de soins primaires et adapter les services aux besoins et aux réalités de diverses collectivités. C'est très conforme au travail que vous avez fait et à ce que vous proposez.
Ma prochaine diapositive porte sur les déterminants de la santé. Vous connaissez tous le centre-ville d'Ottawa. C'est l'histoire de deux villes, à savoir le quartier Dalhousie et le Glebe. Elles sont séparées diagonalement par le Queensway et la rue Bronson. Parmi les quelque 60 quartiers d'Ottawa, le Glebe se classe toujours parmi les trois plus riches, tandis que Dalhousie se classe parmi les trois plus pauvres. Le diabète et les maladies du cœur, par exemple, sont deux à quatre fois plus fréquentes à Dalhousie.
C'est pour cela que, à mon avis, nous devons mettre l'accent sur les communautés de soin et que nous avons besoin d'avoir des interventions de santé locales. Cela nous rapproche du concept des polycliniques.
Ma prochaine diapositive concerne les communautés de pratique. Cela porte davantage sur le modèle médical, que je connais bien. Comment traitons-nous l'asthme dans notre région? Comment traitons-nous les accidents vasculaires cérébraux dans notre région? Comment abordons-nous le problème d'obésité dans notre région? Nous nous efforçons de garantir la normalisation des soins. Comme je l'ai dit auparavant, nous pouvons faire tellement de choses à l'extérieur des grands centres hospitaliers. Toutefois, nous devons nous servir du monde virtuel dans lequel nous vivons pour voir que les traitements contre l'asthme offerts à un enfant de cinq ans sont pareils partout dans le monde.
Considérons l'exemple suivant. Une femme vivant à Barry's Bay, à la limite du parc Algonquin, doit amener son fils asthmatique à l'hôpital en plein hiver. Elle panique, et elle décide de remplir le réservoir d'essence de sa vieille voiture, ce qui lui revient cher, et de conduire sur les routes d'hiver pour se rendre au CHEO parce qu'elle veut que son enfant reçoive les meilleurs soins. Toutefois, grâce aux technologies modernes et aux cheminements cliniques, nous pouvons fournir des services de qualité similaire à Barry's Bay. Les télévisions permettent de communiquer avec le personnel du CHEO si l'enfant ne se porte pas bien. Cela vous donne une idée du potentiel de cette solution.
Nous avons examiné de nombreuses pratiques communautaires afin d'avoir un laboratoire normalisé pour les hôpitaux de la région de Champlain et d'avoir un modèle de noyau central et de rayons pour les chirurgies du cancer. Cela porte sur le rapatriement des chirurgies ambulatoires dont je parlais auparavant. Nous avons cherché à avoir un système de santé normalisé et des services de réadaptation. Le personnel de réadaptation a déjà des problèmes d'accès, et nous les amenons dans le centre-ville. Comment pouvons-nous fournir ces services aux collectivités? Nous le faisons en fournissons des sites comme les polycliniques et en déménageant les professionnels.
Ma prochaine diapositive examine la question des soins maternels et néonatals. Ici aussi, par le passé, nous nous sommes tellement concentrés sur l'accouchement que nous avons oublié de tenir compte de la période allant de la conception jusqu'à la première année de la vie. Nous examinons comment nous pouvons étudier des normes et fournir des soins de qualité quand une personne est dans le RLISS.
Je parlerai maintenant de ma dernière diapositive. C'est une carte qui montre le nombre d'hôpitaux que nous avons ici, à savoir 20. Quels services pouvons-nous rapprocher de chez nous et, à mesure que nous passons à des hôpitaux plus petits, que peut-on intégrer dans le modèle des polycliniques? Sans donner un nombre précis, je peux vous répondre « beaucoup de choses ».
Nous avons même utilisé le terme « villages de santé » pour parler des polycliniques en référence à la colocation. L'hôpital de Carleton Place veut procéder à une colocation, et il veut que la Société de l'aide à l'enfance se trouve sur le même terrain. Tout cela est du domaine de la santé publique, de la Société de l'aide à l'enfance, et ainsi de suite.
Je vous ai fourni une liste de ce que les personnes pourraient faire. Comme je l'ai dit auparavant, la colocation n'est pas seulement bonne pour les clients parce qu'elle fournit un guichet unique. Elle favorise aussi la construction du système parce que les gens se rencontrent devant l'urne à café. Même si ces personnes travaillent peut-être dans des domaines différents, ces échanges entre elles sont sains.
Je crois que c'est une merveilleuse idée à laquelle nous devons ajouter une saveur canadienne. L'une des faiblesses est l'interface entre les soins primaires et secondaires — les spécialistes et les généralistes — que l'on trouve dans le modèle cubain. Toutefois, le Cuba et le Canada sont deux pays différents. Certains des modèles dont nous disposons, comme les centres de santé communautaire et les CLSC, ont besoin d'une certaine mise à jour puisqu'ils ont été mis en place il y a de cela 25 à 40 ans.
Je crois qu'il y a beaucoup de possibilités ici. Je vous félicite du travail que vous avez fait. Ma diapositive préférée est le canot. Nous sommes tous dans cette situation ensemble, sauf si nous coulons.
Pour revenir aux questions auxquelles j'ai répondu au début, je dirai que nous devons examiner cette idée. Je vous remercie de l'avoir étudiée. Mettons-la en œuvre, mais reconnaissons qu'il faut lui ajouter une saveur canadienne. Par exemple, nous mettons en place à Orléans une interface entre l'Hôpital Montfort et les généralistes d'Orléans, qui a une population de 100 000 personnes et pas d'hôpital. C'est très différent de ce qu'on mettrait en place à Barry's Bay.
Jodi Mucha, directrice, BC Healthy Communities : Je suis heureuse et honorée d'être ici avec vous cet après-midi pour parler avec vous de la santé des populations et de la réduction des disparités en matière de santé.
Mon but aujourd'hui est de partager avec vous le modèle intégré que nous utilisons en Colombie-Britannique pour relier les nombreux déterminants de la santé au niveau communautaire. Ce modèle est connu sous le nom de BC Healthy Communities.
Premièrement, je vais vous donner un aperçu de l'initiative afin de fournir un certain contexte à l'initiative et une certaine histoire. Puis, je partagerai avec vous quelques facteurs à prendre en considération en fonction des options qui ont été présentées.
BC Healthy Communities est une initiative provinciale qui a été mise en place par le ministère de la Santé de la Colombie-Britannique en 2005. Notre financement de base a été reçu initialement par le ministère de la Santé de la Colombie-Britannique. Ce ministère est maintenant devenu le ministère de la Vie saine et du Sport de la Colombie- Britannique. L'intention générale est d'inciter les gouvernements et les organisations communautaires à relier les nombreux déterminants de la santé en associant la réflexion et la planification, les actions et les programmes, à la fois à l'échelle interministérielle et intersectorielle.
L'initiative est fondée sur un engagement financier de base de cinq ans pris par le ministère de la Vie saine et du Sport de la Colombie-Britannique. Le responsable de l'initiative est l'Union of B.C. Municipalities. Cette initiative est fondée sur les quatre facteurs qui, selon l'Organisation mondiale de la santé, permettent d'avoir des communautés en santé. Ces facteurs sont les suivants : un engagement politique, un engagement communautaire, des partenariats multisectoriels et une politique publique saine.
Nous avons mis en place un cadre intégral de renforcement des capacités qui intègre quatre catégories définissant les déterminants de la santé. Ces quatre catégories sont les déterminants physiques et comportementaux; les systèmes et les structures, les déterminants culturels, et les déterminants psychologiques et spirituels. Nous prenons des mesures globales pour interagir avec les collectivités et les inciter à penser à des solutions de rechange. Ce sont l'apprentissage, l'engagement, l'accroissement des atouts et la collaboration.
Ce cadre guide la façon dont nous incitons les collectivités à penser aux liens entre les déterminants de la santé et à les établir. De plus, il oriente la réflexion et la planification pour l'avenir. Ce cadre reflète en fait des aspects des objectifs en matière de santé du Canada, qui comprennent les besoins de base, l'appartenance et l'engagement, la vie saine et l'établissement d'un système de santé.
Bien que BC Healthy Communities soit une initiative de portée provinciale, nous reconnaissons qu'il n'y a pas de solution universelle. Il y a cinq régions qui sont des autorités en matière de santé en Colombie-Britannique. Il y a un facilitateur régional qui vit et qui travaille dans chacune de ces régions. Ils doivent travailler avec les municipalités et les collectivités de cette région. Le travail est surtout effectué au niveau local, et il pourrait également y avoir des groupes sous-régionaux.
Je ne donnerai pas des détails sur la façon dont cela fonctionne, mais nous offrons d'abord une plate-forme partagée pour une intention et une vision communes au moyen d'un dialogue avec la collectivité et de renforcement des capacités communautaires. Nous utilisons des plates-formes de participation pour inciter des changements et les faciliter. Nous prévoyons un espace, nous offrons des possibilités de se renseigner sur les points de vue mondiaux et nous encourageons une réflexion sur les mesures prises en mettant l'accent sur les personnes, les endroits et le potentiel, à savoir l'ensemble de la personne dans l'ensemble de la collectivité.
Un des éléments clés de notre travail est que nous examinons non seulement les déterminants de la santé, mais que nous le faisons en nous concentrant sur le développement humain. Ceux qui connaissent le travail du Dr Hancock se rendront compte que c'est sa façon habituelle de parler de ce type de travail.
Nous prenons en considération la santé individuelle et collective ainsi que l'intérieur et l'extérieur de la personne. Nous mettons l'accent sur le développement humain sain, c'est-à-dire un développement au service des êtres humains. Lors de la planification, nous examinons toujours comment un facteur donné pourrait favoriser le développement humain. Ces facteurs comprennent le logement, la sécurité alimentaire, l'économie, la santé et les services communautaires.
L'apport d'une compréhension du développement humain dans notre travail nous permet de comprendre la diversité humaine, à savoir les différents points de vue, les besoins, les tâches, les capacités, les principes directeurs, les problèmes et les pathologies. Grâce à ces connaissances, nous avons une meilleure idée d'où les gens veulent en venir, et de ce qui est important pour eux. Nous avons davantage de renseignements pour nous guider, ainsi qu'une meilleure idée d'où commencer et de ce qui incitera les gens à se joindre à nous.
Avec cela à l'esprit, notre rôle consiste à demander, d'un point de vue individuel et collectif, de quelle façon les déterminants sont liés entre eux, de quelle façon ils influent les uns sur les autres et de quelle façon nos valeurs, nos pensées et nos actions pourraient avoir des répercussions sur les collectivités. Comment pouvons-nous soutenir des changements positifs qui améliorent la santé globale de notre population en examinant de manière holistique le corps, le cerveau et l'esprit et, au-delà de cela, les politiques, les systèmes et les structures de soutien? Comment pouvons-nous réduire les disparités en matière de santé dans les collectivités qui, dans bien des cas, font face à d'énormes difficultés?
En adoptant un point de vue communautaire, puisque tout notre travail est effectué au niveau local, je décrirai quelques points clés. Comme je l'ai dit, certains de ces points se fondent sur des commentaires faits par le Dr Trevor Hancock lors des sessions précédentes.
D'abord et avant tout, les collectivités nous disent qu'elles ont besoin de relier les déterminants de la santé et qu'elles sont prêtes à le faire. Elles voient les possibilités que cela offre. Elles se rendent compte qu'elles peuvent en tirer des avantages, et qu'elles en auront pour leur argent si elles collaborent avec les autres organisations et travaillent étroitement avec les administrations municipales.
L'un des problèmes, c'est qu'un grand nombre d'entre elles n'ont même pas la capacité de le faire. Elles n'ont pas assez de fonds, et elles n'ont pas assez de ressources. Notre mandat consiste à aller travailler avec elles, à adopter une approche globale et intégrée et à commencer à penser à une partie de la planification sous cet angle.
Toutefois, il n'y a pas de fonds ou de ressources pour les soutenir. Elles sont essentiellement laissées pour compte. C'est l'un des défis auxquels nous sommes confrontés en tant qu'organisation. C'est une initiative provinciale à laquelle il manque un engagement et une vision à long terme ainsi que les fonds et les ressources nécessaires pour la soutenir.
Au début des années 1990, il y avait une initiative de communautés-santé en Colombie-Britannique. Cependant, à cause des compressions budgétaires de 1992, elle est tombée à l'eau. Dans certains cas, cela a davantage des effets néfastes sur les collectivités. Nous travaillons avec eux et nous gagnons leur confiance, puis il n'y a pas d'effort continu ou soutenu.
S'il était possible d'avoir un effort concerté entre les gouvernements fédéral et provinciaux, avec un appui à l'administration municipale également, le recours à une approche ascendante et à une approche descendante serait très efficace. Je sais que cela a été suggéré auparavant. Il pourrait y avoir une sorte de comité multisectoriel qui établirait un lien entre la santé des populations et le développement humain. Je crois fermement que cela serait une structure utile à mettre en place, tout en reconnaissant de nouveau qu'il n'y a pas de solution universelle. Il serait utile d'avoir une structure globale pour permettre une certaine marge de manœuvre, peut-être des lignes directrices ou des critères génériques qui permettraient aux collectivités de résoudre leurs problèmes à l'aide de solutions locales.
Dans le cadre de notre travail avec les collectivités, nous avons un mandat global à remplir, à savoir l'établissement de liens et le renforcement des capacités, mais il semble très différent dans chacune des cinq régions et dans les diverses collectivités de ces régions différentes.
Dans certains cas, nous avons des partenariats officiels avec les autorités en matière de santé. Ces dernières sont responsables de l'exécution de 21 programmes de base, dont certains se recouperont. On met l'accent sur la sécurité alimentaire et la santé des collectivités. Par conséquent, nous travaillons étroitement avec ces régions, et nous établissons des partenariats avec elles afin de pouvoir donner suite conjointement à certaines de ces initiatives. Ce sont les régions dans lesquelles nous faisons un travail efficace. Il y a beaucoup de mouvement, et nous avons été en mesure d'obtenir un bien plus grand nombre de ressources et de changer les choses à long terme. S'il était possible de coordonner les efforts à l'échelle provinciale, cela nous aiderait à travailler un peu plus efficacement ensemble et à répondre à tous les besoins, qu'ils viennent des échelons supérieurs ou inférieurs. L'amélioration de la santé des populations exige également qu'on mette l'accent sur les endroits où les personnes vivent, où elles travaillent, où leurs enfants vont à l'école et qu'on prenne tout cela en considération.
Pour ce qui est des mesures et des évaluations du développement humain, si on mettait plus l'accent sur le développement humain dans le modèle de la santé des populations, sur la coordination des engagements et sur la mise en place d'une structure de responsabilité globale contenant des mesures d'évaluation, le système serait davantage un système fermé que l'on pourrait continuellement améliorer. Je crois que nous avons besoin d'une vision à long terme pour soutenir les efforts.
Une autre option décrite dans le document est les études d'impact sur la santé. De plus, comme l'a suggéré le Dr Hancock, pourquoi ne ferions-nous pas des évaluations du développement humain? De certaines façons, ce modèle à quatre quadrants que nous utilisons est une sorte d'évaluation du développement humain et d'étude d'impact sur la santé. Nous les utilisons avec les collectivités pour qu'elles puissent déterminer quels sont leurs atouts et leurs lacunes et trouver des solutions locales pour résoudre les problèmes qu'elles ont.
L'autre aspect important du travail que nous faisons consiste à inclure d'autres secteurs politiques et d'autres groupes multisectoriels pour que ce travail ne soit pas la seule responsabilité des professionnels de la santé et du personnel responsable de la promotion de la santé. Quand nous travaillons avec les collectivités, toutes les initiatives doivent être multisectorielles. Nous incluons les planificateurs, les administrations municipales et les membres du secteur privé pour que toutes les personnes puissent se réunir, commencer à établir ces liens et se rendre compte qu'elles disposent de plus de possibilités stratégiques avec 50 000 pieds.
Ceci complète ma présentation. Je suis certain que je pourrai éclaircir certains points pendant la période des questions.
Le président : Merci beaucoup à vous deux. Avant de passer aux sénateurs pour la période des questions, je dois dire qu'il est intéressant de vous avoir ici tous les deux, car la Colombie-Britannique s'en tire beaucoup mieux que les autres provinces dans ce domaine. L'Ontario s'est tournée très tard vers la régionalisation ou le réseautage; il y a donc beaucoup de place pour la créativité. Je me souviens avoir discuté de divers autres RLISS à ce sujet avec le Dr Cushman il y a environ un an. Nous sommes d'ailleurs très heureux que vous soyez parmi nous aujourd'hui, docteur Cushman.
Je vais tenter de préciser ma pensée. Nous avons maintenant une bonne idée du contenu de votre rapport : une approche pangouvernementale misant fortement sur le développement communautaire. Comme vous l'avez indiqué, madame Mucha, elle comprendra une intégration verticale et horizontale et tentera de rallier tous les intervenants dans le domaine. Il est important de ne pas réinventer la roue.
En ce qui concerne l'Ontario, docteur Cushman, il existe des approches au modèle communautaire, dont la polyclinique, qui incluent les ressources nécessaires pour s'occuper des déterminants de la santé. Il ne fait aucun doute que pour accélérer les choses en Ontario, il faudrait passer par les 14 RLISS. C'est indubitable. Ils sont là pour rester, c'est ainsi. Nous devrons partir de là. Nos recommandations devraient-elles viser les RLISS, ou devrions-nous les cibler davantage? Faudrait-il aller jusqu'aux codes postaux? Est-ce qu'un développement communautaire viable fondé sur les codes postaux est possible, ou faut-il quelque chose d'aussi grand que les RLISS?
Dr Cushman : C'est une excellente question. J'ai quelque peu brouillé les cartes dans ma présentation en parlant d'Orléans, qui compte 100 000 habitants. La polyclinique dont ils ont besoin là-bas est en fait semblable à ce que Don Beanlands me décrivait il y a 10 ans, soit une interface entre les soins primaires et secondaires. Cent mille habitants, c'est en fait une ville, même si Orléans fait partie d'Ottawa, contrairement à Barry's Bay ou à un quartier d'Orléans. J'ai parlé de la différence entre les quartiers Glebe et Dalhousie. On peut marcher de l'un à l'autre. On peut marcher du parc Lansdowne à la rivière en moins d'une heure en traversant l'un des plus riches et l'un des plus pauvres des quartiers d'Ottawa.
Il faut définitivement explorer davantage l'approche fondée sur les codes postaux, car ils représentent vraiment les quartiers. Je crois que la ville d'Ottawa a ainsi identifié une soixantaine de quartiers. Nous nous sommes penchés sur le développement de la petite enfance et examiné le niveau de préparation des enfants lorsqu'ils arrivaient en première année. Nous avons fait cela partout en Ontario. Nous avons étudié les écarts dans la soixantaine de quartiers répertoriés par la ville d'Ottawa.
Je suppose qu'une polyclinique peut signifier bien des choses pour bien des gens. J'ai dit qu'il fallait que la notion de « local » fasse vraiment partie de l'expression « réseau local d'intégration des services de santé », car ce réseau est en fait aussi vaste que six des provinces du pays. Cela nous ramène au concept de la communauté de soins. Je crois qu'il existe diverses définitions de la polyclinique. L'une porte sur ce qu'un hôpital pourrait faire, soit d'être plus près des foyers, mais une autre, que vous tenez je crois de Cuba, s'apparente davantage aux CSC et aux CLSC. Les deux offrent beaucoup de possibilités.
Il serait très rentable de regrouper les services dans un même quartier afin de reconstituer les personnalités et les saveurs de ces quartiers, ce qui s'est perdu depuis ma jeunesse. Les gens sauraient où ces services sont situés et comment s'y rendre, ce qui permettrait de ramener une certaine forme de développement durable dans la communauté.
En réponse à votre question sur les codes postaux, il faudrait effectivement aller jusqu'aux quartiers, car c'est à ce niveau qu'on obtient les services de santé primaires qui font la différence. Comme Mme Mucha l'a dit, c'est à ce niveau qu'on s'attaque aux véritables déterminants de la santé.
Le président : Passons à vous, madame Mucha. Si on espère rendre le quartier Dalhousie équivalent à ceux de Rockcliffe ou de Glebe, il est évident que la moitié des déterminants de la santé, du bien-être et de la productivité — je crois qu'il faut se concentrer sur eux parce qu'ils sont interreliés — ne sont pas des questions de santé, n'est-ce pas? Il s'agit de problèmes sociaux ou de logement, cette sorte de chose. Comme l'organisation existe déjà en Colombie- Britannique, qui est à la table avec vous lorsque vous vous assoyez pour planifier?
Mme Mucha : Lorsqu'on s'assoit pour planifier? Pouvez-vous préciser votre question?
Le président : Quel est votre modèle de travail? Vous ne dirigez pas tout vous-même, j'en suis sûr. Qui sont vos partenaires? Qui est à la table avec vous?
Mme Mucha : Nous avons un comité directeur composé de 15 membres. Huit d'entre eux représentent des organismes provinciaux et sept des collectivités. Il y a donc une bonne représentation. Il y a un représentant du Planning Institute of British Columbia, un de la British Columbia Recreation and Parks Association, quatre représentants gouvernementaux locaux, des maires, des conseillers. Il y a des représentants d'Aide au développement des collectivités, ce qui couvre la portion développement économique. 2010 Legacies Now, qui se concentre sur la Olympiques, la jeunesse et l'alphabétisation, est également représenté. Il s'agit d'un comité multisectoriel. Chacun des organismes participants dispose d'un mandat précis en matière de développement des capacités, de développement communautaire et de durabilité. Nous aurons bientôt une nouvelle facette en matière de durabilité environnementale en la présence d'un nouveau membre du British Columbia Environmental Network.
Tous ces gens sont à la table. Nous avons élaboré notre plan stratégique, et ils approuvent chaque année notre plan opérationnel.
Nous travaillons en étroite collaboration avec certains membres de ce comité directeur au sujet d'initiatives parallèles. Notre travail les intéresse beaucoup. Un des organismes membres a d'ailleurs retenu nos services pour élaborer le cadre de mise en œuvre d'un programme dans les écoles. Nous utilisons notre modèle intégré pour amener les jeunes à participer au processus afin de déterminer comment promouvoir l'activité physique et les saines habitudes alimentaires dans les écoles.
Comme notre initiative n'est pas ciblée, le modèle intégré peut donc être utilisé dans n'importe quelle situation. Il peut servir pour régler des questions bien précises, mais son utilisation permet de s'assurer que tous les intervenants sont à la table et que nous tenons compte de ces quatre catégories de déterminants de la santé dans l'ensemble de la planification.
Nous avons aussi élaboré un cadre d'évaluation intégré; nous utilisons donc cette même approche pour évaluer tout ce que nous faisons.
Le sénateur Eggleton : Merci d'être ici. J'ai quelques questions. Tel que je le comprends, le concept de la polyclinique à Cuba englobe des équipes pluridisciplinaires. Il y a des médecins, des infirmières, des psychologues, des dentistes. Il comprend non seulement toutes les personnes chargées d'offrir des soins de santé primaires, mais aussi des travailleurs sociaux, des orthophonistes et des puéricultrices. On y fait même de la recherche scientifique et de la formation de personnel. C'est très varié.
Existe-t-il en ce moment quelque chose de semblable au Canada?
Dr Cushman : Je crois qu'il existe des modèles, les CLSC et les centres de santé communautaire par exemple, mais ce qui existe est plutôt disparate et non intégré. Il y a beaucoup de variations. Certains établissements peuvent par exemple se partager un orthophoniste, alors que d'autres n'en ont tout simplement pas.
C'est ce que je disais plus tôt. Les soins primaires ne sont pas des services de santé primaires. Il faut aller plus loin. Même des services comme la popote roulante pourraient être offerts à partir de ces cliniques de quartier.
Bref, nous avons peu de véritables points de comparaison, mais nous avons certainement beaucoup à faire pour en arriver à de meilleurs services de santé primaires.
Le sénateur Eggleton : Madame Mucha, je crois que votre travail vise surtout la coordination de divers organismes de services sociaux et autres non liés aux soins de santé primaires, plutôt que l'intégration de tous ces services en un seul et même endroit. Est-ce exact?
Mme Mucha : Oui. Nous sommes plus ou moins l'organisme qui a une vue d'ensemble à très haute altitude. Lorsque nous travaillons avec les collectivités, nous faisons en sorte qu'elles incorporent ou incluent des représentants des divers organismes, qu'elles forment des comités et des groupes d'intervenants multisectoriels. Nous jouons davantage un rôle de coordination.
Le sénateur Eggleton : Avez-vous une installation regroupant tous les différents services et qui s'occupe de façon générale des déterminants sociaux de la santé?
Mme Mucha : Oui et non. Nous travaillons en étroite collaboration avec les autres organismes de la province qui offrent ces différents services. Dans bien des cas, soit nous avons développé des partenariats avec ces organismes, soit nous allons le faire. Nous nous efforçons toutefois de communiquer avec ces organismes afin qu'ils participent au processus de planification. Nous tentons de constituer une capacité provinciale globale ainsi que des partenariats avec ces organismes. Je pense par exemple à la BC Healthy Living Alliance, dont le but est de promouvoir l'activité physique, les saines habitudes alimentaires et la réduction de l'usage de produits du tabac. Cet organisme possède une stratégie de développement des capacités pour chacun de ces objectifs. Ses dirigeants comptaient embaucher un facilitateur pour chacune des régions. La région la plus au nord est aussi grande que la France. Cela fait beaucoup pour une seule personne. En raison du chevauchement et des mandats complémentaires, nous avons élaboré un partenariat avec cet organisme afin d'embaucher conjointement deux personnes. L'organisme utilise notre approche intégrée pour développer les capacités liées à ses trois objectifs, soit l'activité physique, les saines habitudes alimentaires et la réduction de l'usage de produits du tabac.
Nous ne sommes pas de ces gens qui travaillent dans les régions en se marchant sur les pieds. Nous constituons également des communautés de praticiens afin de regrouper les professionnels et les intervenants spécialisés sur le terrain. Ils apprennent, partagent et construisent ensemble, et ils peuvent ainsi affiner leurs compétences et travailler en plus étroite collaboration.
Dr Cushman : Si je puis me permettre, d'après votre expérience à Toronto, sénateur Eggleton, vous savez probablement autant que quiconque quels services pourraient se retrouver sous un même toit. Pour ma part, mon travail à la ville d'Ottawa m'a permis d'en apprendre davantage sur l'interrelation des services, y compris des services sociaux, que le temps que j'ai pu passer dans une salle d'urgence.
Nous devons savoir quelle quantité de services sociaux et de santé il est possible d'implanter dans un quartier. Il faut aussi songer aux liens prometteurs et déterminer s'il faudrait les intégrer près des écoles, par exemple. Il y a tellement de ministères et d'ordres de gouvernement. À l'échelle d'un quartier, il est certainement possible de regrouper bon nombre de ces services qui devraient être locaux.
Le sénateur Eggleton : Je vous remercie pour votre réponse. J'ai une autre question.
Dans votre diapositive sur les villages de santé, qui est votre concept de la polyclinique pour le Canada, vous avez inclus divers éléments. Quels services serait-il logique, selon vous, de regrouper? Il faudrait étudier chaque situation, car il ne peut y avoir de solution unique. Ce qui convient à Toronto ne convient peut-être pas au Nord de l'Ontario.
Comment envisagez-vous cela? Jusqu'où pouvons-nous aller? Le principal déterminant social de la santé est la pauvreté. Comment s'y attaquer avec une clinique? Est-ce qu'il y aurait des travailleurs sociaux? « Déterminants social » est assez vaste. Bien des intervenants pourraient se retrouver sous un même toit.
Dr Cushman : C'est très vaste. Les services de santé ont une incidence directe tellement minime. Le Centre de santé communautaire Somerset Ouest est à deux ou trois kilomètres de la Colline du Parlement. On y retrouve des infirmières praticiennes, des médecins et de nombreux services sociaux. On s'efforce de donner les moyens aux gens, qu'il s'agisse de jardins communautaires ou de programmes comme le modèle québécois des œufs, du lait et des oranges, qui vient du Dispensaire diététique de Montréal. Il s'agit de suppléments alimentaires pour les femmes enceintes. Pour mettre en œuvre ce programme, il faut être présent dans le quartier, pratiquement sur le coin de la rue.
Pour répondre à votre question, il n'y a pas de solution unique à toutes les situations, mais si nous devons nous attaquer aux déterminants sociaux de la santé, il est essentiel de le faire à partir des quartiers. L'habilitation est également très importante. À Ottawa par exemple, le service de santé publique envoie de jeunes facilitateurs dans les écoles selon le raisonnement que les jeunes préfèrent entendre d'autres jeunes un peu plus vieux qu'eux plutôt que des adultes ayant l'âge de leurs parents.
Les possibilités sont nombreuses. À l'échelle locale, il est essentiel que les ressources soient à portée de la main et qu'il y ait une bonne communication entre tous les intervenants afin de pouvoir gérer et attaquer efficacement le principal problème dans un quartier, comme Mme Mucha l'a mentionné. Il est important de pouvoir offrir de la formation sur place. Le modèle cubain est merveilleux. Comme vous l'avez dit, sénateur, la pauvreté est le principal déterminant social de la santé. Peu de pays sont plus pauvres que Cuba, et on s'est vraiment attaqué à ce problème là- bas. Quand nous pensons à la pauvreté, aux soins de santé et aux déterminants de la santé, nous avons tendance à être quelque peu existentiels. Cuba a relégué aux oubliettes la pauvreté en tant que déterminant de la santé. Nous devons en tirer des leçons.
Le sénateur Eaton : J'ai adoré votre présentation, docteur Cushman. Ma carrière de bénévole a débuté à l'âge de 16 ans à prendre en note les coordonnées des femmes avant leur admission au Dispensaire diététique de Montréal.
Je suis certainement d'accord avec les observations du sénateur Eggleton. Si on vous donnait carte blanche et qu'il y avait des polycliniques communautaires, quel rôle selon vous devrait jouer le gouvernement fédéral? Devrait-il établir des règles uniformes en matière de santé partout au Canada? Y aurait-il reddition de comptes?
Dr Cushman : Voilà une question difficile, sénateur. J'ai travaillé pour la ville d'Ottawa. Sa population en fait la cinquième ou sixième ville en importance au pays. Nous avons perdu cette notion de quartier lorsque les villes avoisinantes ont été fusionnées à Ottawa. Il y avait des motifs valables derrière cette fusion, comme le transport en commun et l'infrastructure. Cela pose toutefois un problème à l'échelle de la communauté. Il nous faut trois ordres de gouvernement dans ce pays. Le premier est à l'échelle du quartier, le deuxième à l'échelle régionale, et le troisième à l'échelle fédérale. Certaines décisions sont mieux prises dans votre arrière-cour. Il vaut mieux prendre certaines autres dans une optique régionale, alors que d'autres sont de compétence fédérale. Si le gouvernement fédéral doit investir dans cette entreprise, il voudra des résultats.
Le sénateur Eaton : Ce n'est pas tant une question de résultats. Mais si nous croyons que le quartier constitue le meilleur modèle, ne serait-il pas logique de vouloir appliquer les mêmes normes de santé en Colombie-Britannique et au Nouveau-Brunswick?
Dr Cushman : En effet. Nous avons ce problème au sujet de la chirurgie cardiaque. Vous pouvez être certain que la situation sera encore plus difficile en ce qui concerne les suppléments alimentaires pendant la grossesse. Il faudrait que l'on puisse offrir une série d'interventions, un peu comme dans un menu, parmi lesquelles on choisirait celles qui conviennent en fonction des moteurs de la collectivité. J'espère qu'elles seraient fondées sur les meilleures pratiques; on connaîtrait ainsi les équations de rentabilité et les formules d'évaluation. La reddition de compte serait réglée.
Le sénateur Eaton : Oui.
Madame Mucha, nous avons des programmes pilotes comprenant les meilleures pratiques, mais nous ne semblons pas les partager. Avec tout ce recul que vous avez au sujet des collectivités, le comité directeur est utile. Savez-vous si des programmes pilotes utilisés ou élaborés dans certaines collectivités pourraient être mis en œuvre dans d'autres?
Mme Mucha : Absolument, mais nous ne les appelons pas nécessairement des projets pilotes. L'état de préparation et la volonté dont font preuve ces collectivités en font des chefs de file. Nous voyons les résultats qu'elles obtiennent avec notre processus. Nous pouvons alors prendre cette information et l'utiliser pour la partager avec d'autres collectivités qui pourront à leur tour apprendre comment procéder. Dans certains cas, nous créons même des liens directs afin que des collectivités semblables puissent nouer des liens et apprendre l'une de l'autre.
Je ne sais pas si une collectivité aimerait être perçue comme un projet pilote. Bien des collectivités avec lesquelles nous travaillons sont petites et ont déjà fait l'objet de trop d'études. Elles ont développé un certain cynisme à cet égard. Encore une fois, nous observons ce qui ressort de l'utilisation de ce processus, puis nous partageons les résultats de cet apprentissage.
Le sénateur Eaton : Vous partagez leur expérience.
Mme Mucha : En effet. Comme je l'ai dit plus tôt au sujet du modèle du quadrant, nous investissons constamment dans l'apprentissage, l'engagement, l'expansion des acquis et la collaboration. Le processus d'apprentissage comprend une boucle de rétroaction constante. Nous ne faisons que faciliter le processus. Nous ne leur apprenons rien. Nous apprenons avec eux et guidons un processus de questionnements. Nous fournissons en quelque sorte une carte routière qui leur permet de commencer à déceler les liens entre les déterminants.
Le sénateur Pépin : Est-ce que cela vous dérange si je passe au français?
[Français]
Si je comprends bien, madame Mucha, vous avez cinq régions, plusieurs partenaires et cinq groupes autour d'une table. Évidemment, pour un travail communautaire, c'est très bien. Comment sont les relations de travail entre les groupes et les régions? Les mandats sont-ils complémentaires? Vous dites que vous êtes à une étape d'apprentissage et qu'il existe des chevauchements. Comment cela fonctionne, dans l'ensemble?
[Traduction]
Mme Mucha : Lorsque nous avons mis notre initiative en œuvre, nous avons parcouru la province pour nous présenter. Nous avons d'abord cherché où il y avait des initiatives de collectivités en santé. Nous avons demandé aux responsables ce qu'ils avaient fait et comment nous pourrions nous en inspirer. Nous avons des liens avec l'Union des municipalités de la Colombie-Britannique; les municipalités de la province connaissent donc notre existence. Nous n'approchons pas les collectivités. Ce sont elles qui viennent à nous. Nous leur présentons notre programme et nous leur disons comment elles devraient l'utiliser et quels résultats elles devraient obtenir. Nous vendons un processus, une façon intégrée et globale de penser qui relie entre eux les déterminants de la santé.
Les collectivités avec lesquelles nous collaborons ont atteint un certain niveau de préparation. Elles nous approchent et nous demandent comment procéder autrement. La définition de la folie n'est-elle pas de refaire sans cesse les choses de la même façon tout en s'attendant à des résultats différents? Le modèle que nous utilisons leur permet de voir sous un angle nouveau la complexité des problèmes qui les accablent afin de constater qu'il est possible de faire les choses autrement.
Nous pouvons travailler dans des collectivités ou des sous-régions précises. Je n'ai pas encore rencontré de difficultés majeures auprès des collectivités des régions. Elles sont heureuses d'apprendre. Le sentiment de solidarité est fort dans ces régions.
Il existe des différences d'une région à l'autre, comme dans le Nord et dans l'île de Vancouver. Cela réside en partie dans le fait que les gens ont l'impression que c'est à Victoria qu'on prend les décisions pour les collectivités locales, un peu comme c'est le cas ici à Ottawa. Cela fait partie de la façon dont nous les amenons à constater comment leur vision du monde peut leur nuire.
[Français]
Le sénateur Pépin : Avez-vous un groupe qui s'occupe des personnes âgées. On entend de plus en plus parler des problèmes liés aux personnes âgées. Avez-vous un groupe qui se penche sur cette question de façon spécifique?
[Traduction]
Mme Mucha : Nous n'avons de groupe particulier pour quiconque. Tout est intégré. On nous demande de nous asseoir à la table et de faire partie de comités qui peuvent se pencher sur les aînés ou les jeunes. Je crois toutefois que les gens veulent que nous soyons présents pour cette perspective d'intégration que nous apportons. Par exemple, dans le cadre d'une initiative à laquelle nous participons actuellement avec un membre du comité directeur qui a retenu nos services, nous avons recommandé que le comité soit composé à parts égales de jeunes et d'adultes. Cette idée a eu un franc succès et nous la mettons en œuvre.
[Français]
Le sénateur Pépin : Docteur Cushman, dans vos polycliniques il y a des médecins et des infirmières. On a parlé des cliniques cubaines. Elles ont des dentistes, des psychologues, des psychiatres, des dentistes, des orthophonistes et des psychothérapeutes. Offrez-vous ces services ou souhaitez-vous les offrir? Y aurait-il une façon de les intégrer?
Dr Cushman : Les possibilités sont énormes. Il pourrait y avoir des dentistes, des agences de protection de la jeunesse et d'aide à l'enfance, des services offerts aux chômeurs et plusieurs autres. Le défi est de déterminer le type de polyclinique que l'on désire. Nous misons d'abord sur les services de base et certains problèmes demeurent. Il n'est pas nécessaire que tous les services soient offerts uniquement dans les hôpitaux. De grandes possibilités existent pour créer des polycliniques, par exemple, à Orléans. C'est une question de définition.
Le Dr Beanlands, ex-collègue du Dr Keon, m'a expliqué la notion de polyclinique où il existe une grande collaboration entre les omnipraticiens et les spécialistes afin de réduire les temps d'attente pour les patients. Le modèle que l'on décrit aujourd'hui ressemble à celui des CLSC ou des CHC où on mise sur les services de quartier. Un quartier en particulier n'a peut-être pas besoin d'un spécialiste mais d'avantage d'un médecin.
Le sénateur Pépin : Ou d'infirmières.
Dr Cushman : Vous pouvez ajouter tout un menu de services. L'important est de mettre l'accent, dans chaque site, sur la collaboration et en misant sur les besoins du quartier. C'est le principe fondamental des soins primaires non seulement en santé mais aussi en services sociaux et tout ce que cela implique.
Le sénateur Pépin : Cela comprend les infirmières?
Dr Cushman : Sans aucun doute.
[Traduction]
Le sénateur Callbeck : Merci d'être ici aujourd'hui. Madame Mucha, le modèle de la Colombie-Britannique m'intéresse. Depuis combien de temps êtes-vous en charge des autorités en matière de santé?
Mme Mucha : Les autorités en matière de santé sont une initiative distincte. Je crois que cela a commencé en 2000. Je n'en suis pas sûre.
Le sénateur Callbeck : Quels sont les liens entre BC Healthy Communities et les autorités en matière de santé? Est-ce que ces autorités nomment les membres du comité?
Mme Mucha : Pour être franche, je ne sais pas vraiment.
Le sénateur Callbeck : Ces autorités doivent avoir un conseil nommé ou élu qui élabore un plan de lutte à la pauvreté dans une région. Vous formez un groupe totalement indépendant et votre comité est constitué de 15 membres. Vous êtes à Victoria et vous prenez les décisions. Vous avez parlé de facilitateurs. En vous fondant sur votre budget, est-ce que vous versez le salaire du facilitateur dans chacune des régions?
Mme Mucha : Oui. Nous avons un facilitateur qui vit et travaille dans chacune de ces régions. C'est entièrement à nous que revient la décision d'interagir avec les autorités en matière de santé. Aucun mandat ne nous oblige à interagir avec elles parce que nous sommes sur le terrain, dans la communauté. Cela dépend de leur capacité à offrir des services de base dans les régions. Dans la mesure du possible, nous travaillons avec les intervenants qui œuvrent dans les collectivités et avec des chercheurs.
C'est à nous qu'il revient de s'efforcer d'intégrer nos plans et ceux des autorités en matière de santé dans chacune des régions. Cela ne relève pas nécessairement de la province. Il s'agit de nouer des liens avec les autorités régionales en matière de santé. Dans le Nord, nous avons un partenariat avec Service de santé du Nord, qui assure le soutien financier de notre facilitateur dans cette région en raison du travail que cet organisme devrait faire de toute façon sur le terrain. Dans d'autres régions toutefois, il s'agit davantage de communication et de partage d'information. Nous ne travaillons pas en aussi étroite collaboration.
Le sénateur Callbeck : De toute façon, ça fonctionne.
Mme Mucha : Oui, mais il y a d'autres occasions de collaboration. Notre initiative a débuté à la fin de l'automne 2005; il a donc fallu un certain temps pour déterminer le pourquoi et le comment. Nous n'avons pas élaboré des programmes destinés à produire des résultats. Il s'agit plutôt d'un processus destiné à déterminer les besoins des collectivités et comment nous pouvons leur venir en aide. Après quelques années d'existence, nous sommes maintenant en mesure de présenter des exemples. Plus tôt, le sénateur Eaton a posé une question au sujet de collectivités pilotes. Nous pouvons voir comment utiliser ce processus dans un tel cas. Nous pouvons maintenant nous en servir pour travailler avec d'autres. C'est ce que nous faisons dans certains cas avec les autorités en matière de santé.
Le sénateur Callbeck : C'est bien.
Docteur Cushman, j'ai une question pour vous. Selon vous, quel est le nombre minimum et maximum d'intervenants dans une polyclinique pour une région donnée?
Dr Cushman : C'est une bonne question. Selon la définition médicale classique, il en faut beaucoup plus. C'est le cas à Orléans, où il y a une interface d'environ 20 médecins de famille, de nombreux spécialistes, des services d'IRM, de santé mentale, de toxicomanie, de mammographie, et cetera. Cela pourrait être un mini-hôpital. Voilà un volet. L'autre volet, c'est ce dont nous parlons aujourd'hui, soit ce dont un quartier a besoin. Pour en arriver à l'échelle du quartier, je crois qu'il faut réduire la proportion des services de santé et accroître celle des autres services, les services sociaux et de développement communautaire par exemple.
Il faut des soins médicaux primaires, mais il existe certains avantages à combiner les soins médicaux primaires aux soins spécialisés. Le Centre de santé communautaire Somerset Ouest dispose par exemple de spécialistes à temps partiel. Un psychiatre ou un pédiatre peuvent ainsi venir travailler quelques jours par semaine. Les activités de ce centre sont surtout axées sur les services sociaux, les jardins communautaires et la formation professionnelle.
Pour que tout fonctionne « à la cubaine » et de la façon à laquelle, je crois, vous pensez, il faut que cela se passe à l'échelle du quartier. Il peut y avoir un centre d'intervenants en soins de santé, mais il doit être plus polyvalent sur le plan des services sociaux et du développement communautaire, comme l'a indiqué Mme Mucha.
C'est là une longue réponse pour vous dire que je ne le sais pas vraiment et que cela dépend.
Le président : Qu'ils soient petits ou grands ou comme le modèle d'Orléans, par exemple, il leur manque une chose, comme je l'ai moi-même constaté. Il s'agit de l'intégration avec les services sociaux et de santé publique, qui pourrait également avoir lieu à ce niveau, selon moi. L'Hôpital Montfort qui se décharge de la prestation coûteuse de soins de santé, en quelque sorte.
Entrevoyez-vous la possibilité d'une intégration de certains de ces déterminants sociaux de la santé à la clinique d'Orléans?
Dr Cushman : C'est une bonne question, car la clinique d'Orléans desservira 100 000 personnes. Ce sera un mini- hôpital. Il peut s'agir d'une structure en étoile, rayonnant dans les divers quartiers de la collectivité, ou bien d'une banlieue où il y a beaucoup de déplacements. Les gens vont et viennent mais, d'une façon ou d'une autre, ils doivent sortir. C'est là toute la question de l'infirmière de santé publique itinérante, de l'infirmière qui se rend aux maisons, et cetera. Il doit y avoir un équilibre dans cette équation.
C'est pourquoi ce dont Mme Mucha parle est si important. Il faut comprendre son quartier et ses besoins. Si vous vivez dans un quartier de banlieue où chacun utilise sa voiture pour aller acheter un litre de lait, installez votre clinique dans un centre commercial et les gens y viendront. La situation sera peut-être différente en zone urbaine ou rurale. Pensez au centre-ville d'Ottawa ou de Toronto. Ils sont très différents.
Votre question me pose problème, car il est difficile de prévoir l'avenir. Je maintiens qu'il y a toute cette notion de quartier, de communauté, de voisinage. Il ne faut pas la perdre de vue. Un des déterminants de la santé est l'isolement. Dans le monde rapide dans lequel nous vivons, nous avons perdu notre sens de la communauté. Je pense avec nostalgie à mon enfance. Même si nous devions nous débrouiller, nous avions autour de nous une communauté qui veillait à notre bien-être. C'était un environnement différent de celui dans lequel j'ai élevé mes enfants. Nous payons pour cela. Avec notre richesse matérielle, nous avons créé un déterminant négatif pour la santé. Une des façons de régler ce problème consiste à revenir en arrière et à s'implanter davantage dans les communautés afin de s'assurer, par exemple, que nos écoles ne sont pas seulement utilisées de 8 h 30 à 16 h 30. Elles constituent une ressource pour la communauté. Nous mettons nos écoles en vente pour des motifs démographiques. Elles constituent pourtant une ressource qui appartient à la communauté. Il faut en faire des nids. Le nid que l'on construit dépend de l'endroit où on est, de qui on dessert, de la facilité d'accès au niveau de service suivant.
Le président : Vous avez participé à de nombreuses réunions du conseil de la ville d'Ottawa à titre d'agent de la santé publique. J'imagine qu'il n'y a jamais été question du sujet dont nous discutons, la santé de la population. Est-ce le cas?
Dr Cushman : Nous l'avons abordé par l'intermédiaire du service de santé et en travaillant avec les services sociaux. La ville d'Ottawa a répertorié 60 quartiers. Je dis 60, mais je pourrais me tromper. La ville s'efforce de concentrer ses services afin de favoriser ce modèle plutôt qu'un menu de services identique pour toutes les communautés. Steve Kanellakos et son groupe commencent à se pencher sur la question. Les services de santé publique, les services sociaux et des parcs et loisirs ont tous joué un rôle, de même que Centraide. Cela nous rappelle l'importance des organismes non gouvernementaux.
Le président : J'ai l'impression que l'Agence de la santé publique du Canada est très intéressée par la santé de la population, en particulier compte tenu de son influence actuelle. Nous allons recommander la création d'un nœud de santé publique majeur à l'ASPC destiné à être relié aux nœuds provinciaux. Il faut espérer que le concept des polycliniques et autres permette de relier santé publique et collectivités.
Je peux vous dire que j'en ai discuté avec des agents de santé publique et que l'idée n'est pas nécessairement populaire. J'ai demandé pourquoi il n'y a pas d'infirmière en santé publique. Il est impossible d'avoir un médecin en santé publique dans chaque clinique parce qu'ils ne sont pas assez nombreux, mais il pourrait y avoir une infirmière à temps partiel ou à temps plein. Pourquoi n'est-ce pas le cas?
Dr Cushman : C'est une excellente question. J'ai travaillé dans le domaine de la santé publique pendant la majeure partie de ma carrière. Je ne suis pas certain de comprendre. C'est un sujet merveilleux dans les soirées mondaines. Cela paraît bien d'en discuter parce que c'est si signifiant et élégant. J'ai lu le rapport Black lorsqu'il a été publié il y a 25 ou 30 ans. Nous sommes historiquement dans la moyenne mais, comme vous le savez, ce rapport portait sur les quintiles et nous avons constaté les écarts au chapitre des maladies.
Comme je l'ai dit plus tôt, un des problèmes avec la pauvreté est le nombre de déterminants de la santé qui sont écrasants et qui dépassent la compétence de nos professionnels de la santé. Nous devons donc repenser la question. En tant que médecin en santé publique, j'ai examiné un certain nombre de ces déterminants. Il est possible de rompre certains maillons de la chaîne au moyen d'une intervention classique. Nous avons connu un bon succès au sujet du tabac, car nous sommes rendus à 18 p. 100 de fumeurs, ce qui représente le dernier quintile. Nous devons maintenant nous attaquer au développement et à l'engagement communautaire à l'échelle du quartier afin d'y implanter des services.
Comme le sénateur Eggleton l'a dit, comment s'attaquer à la pauvreté? À l'éducation? L'isolement, c'est possible. Nous pouvons poser certains gestes afin de construire de meilleures collectivités et de constituer des ressources. Le regretté Dan Offord et son groupe voyaient dans les enfants à risque une résilience que nous devons exploiter.
Ce n'est pas facile. Nous devons faire preuve de souplesse, d'adresse et d'intelligence. Pour entrer dans les quartiers, il faut tisser des liens avec leurs habitants, les écouter et les habiliter afin de pouvoir leur offrir un menu de services dont ils pourront bénéficier.
Ce qui me tracasse, c'est notre attitude existentielle devant la pauvreté et ceux de gauche qui tiennent à ce sujet un langage différent de ceux de droite. Peu m'importe que vous soyez un missionnaire dans l'âme ou un comptable froid et calculateur. Nous ne pouvons pas nous permettre ce genre de choses. C'est improductif.
Regardez les sommes dépensées à s'occuper des conséquences de la pauvreté. Je pense qu'il serait moins coûteux de s'attaquer de front à la pauvreté. Certains d'entre vous êtes allés à Cuba, pas moi. Ce qu'il faut toutefois retenir, et je l'ai déjà dit, c'est que Cuba a relégué aux oubliettes la pauvreté en tant que déterminant social de la santé même si ce pays reste pauvre. Il est clair que nous devons en tirer des leçons.
C'est cette notion de se rendre jusque dans les quartiers pour y offrir des services, d'engagement communautaire et d'habilitation des gens qui nous fournira les réponses qu'il nous faut.
Le sénateur Eaton : Je suis entièrement d'accord avec vous, docteur Cushman. Votre idée est brillante, mais toute une partie de ce pays, le Nord notamment, est constituée de petites collectivités. Nous sommes presque obligés de disposer d'un système de santé pour ceux qui vivent dans les centres urbains ou les villages où il y a suffisamment de gens pour justifier la présence d'une polyclinique et de tous les services néonataux et autres. Croyez-vous que le même système peut fonctionner dans le Nord?
Dr Cushman : J'ai travaillé pendant un an du côté québécois de la baie d'Hudson et de la baie James. Je connais donc très bien les villages cris et inuits qui s'y trouvent. Ils sont très petits. Certains comptent 300 ou 400 habitants. Je vais quelque peu dévoiler mon âge, mais c'était avant l'arrivée d'Hydro-Québec et certains de ces villages étaient isolés. Ils étaient passablement autosuffisants et faisaient les choses de façon traditionnelle. Vous pouvez comparer cela à cette affaire de bébé mort de la méningite dont il a récemment été question aux nouvelles. Je ne me souviens toutefois pas dans quelle province c'était.
Vous avez raison, sénateur Eaton. Nous voyons même cela dans le RLISS de Champlain. Ce qui est rentable au centre-ville d'Ottawa ne le sera jamais à Barry's Bay. Il y a un élément d'équité.
Le sénateur Eaton : Il ne faut peut-être pas s'inquiéter, car il y a une seule source de financement.
Dr Cushman : Je ne veux pas m'emporter; je dois être prudent. Nous avons tous nos opinions, mais ce n'est pas la raison de ma présence ici. J'ai toutefois été surpris d'entendre la nouvelle au sujet de ce village. Je ne dispose pas de toute l'information. J'en ai entendu une partie aux nouvelles. Nous devons cesser de tirer des leçons de nos erreurs. Si un village est assez gros pour être un village, il est peut-être assez gros pour abriter certains services de façon organisée.
Je vais m'arrêter ici. Cela revient toutefois à ce dont nous avons discuté plus tôt. Une solution unique ne convient pas à toutes les situations.
Le sénateur Eaton : J'ai lu les statistiques de la Dre Leitch au sujet du suicide et du diabète. C'est absolument terrifiant que nous n'agissions pas rapidement.
Le président : Nous essayons.
Madame Mucha, j'attendais d'aborder le sujet. Vous êtes la seule aujourd'hui à avoir parlé de la dimension spirituelle des déterminants de la santé. J'aimerais que vous nous en disiez plus pour deux raisons. D'abord, vous avez une population d'Autochtones vivant dans les réserves et à l'extérieur des réserves. Nous avons eu le privilège de nous pencher sur leur cas.
Je vais vous aider en vous disant où nous en sommes dans notre rapport. Nous avons préparé un rapport pour les collectivités autochtones et un autre pour les collectivités non autochtones, car nous croyons qu'elles sont différentes et qu'elles doivent s'organiser différemment. Il y a aussi le problème complexe lié au fait que 60 p. 100 des Autochtones vivent maintenant loin de leurs terres ancestrales ou de leur collectivité d'origine, ou à l'extérieur des réserves s'ils font partie des Premières nations.
Nous allons émettre des recommandations au sujet de la polyclinique, qui englobe tous les déterminants de la santé et qui ne diffère pas de ce que vous faites déjà. Comment appliquez-vous vos idées et vos méthodes à ces deux réalités des Autochtones vivant dans les réserves et à l'extérieur des réserves?
Mme Mucha : Je dirais que la question est plus complexe que cela. Nous constatons qu'en Colombie-Britannique ce n'est pas seulement une question d'Autochtones et de non-Autochtones. Il existe une grande diversité culturelle au sein même des réserves. Les populations autochtones ont également des cultures différentes entre elles. Cela apporte une toute autre dimension à la façon dont nous accomplissons notre travail.
Dans notre modèle, nous parlons du quadrant supérieur gauche comme de la partie psychologique et spirituelle, dont font partie certains déterminants. Il se peut que, selon les groupes avec lesquels nous travaillons, nous n'utilisions jamais le mot spiritualité. Nous parlons de valeurs. Je disais plus tôt que l'accent est mis sur l'ensemble de la personne et de la collectivité. La personne est multidimensionnelle. C'est mon for intérieur, qui je suis et ce que j'apporte à la table. C'est aussi tout ce que j'obtiens de chacun d'entre vous dans le cadre de mon expérience. C'est l'intérieur et l'extérieur de l'individu, et cela joue un rôle dans l'élément du développement humain.
Nous avons travaillé avec plusieurs groupes des Premières nations. Je le répète, selon la façon dont nous travaillons avec les collectivités, il est possible que nous arrivions d'emblée à la table en leur présentant un modèle pouvant leur être utile, ou que nous attendions une ouverture nous permettant d'aborder le sujet. Les collectivités nous aiguillent déjà. Des gens nous disent : « Vous nous montrez un modèle qui représente ce que je tente d'exprimer, mais je ne disposais pas des mots ou des moyens pour le faire. »
Le groupe des Premières nations dont je parle a été très enthousiasmé de voir notre modèle, car il leur évoquait quelque chose. Il était semblable à leur roue médicinale. Ils ont pris les deux et ont en fait adapté la roue médicinale dans un but décisionnel pour leur collectivité afin d'y intégrer des aspects qui n'y étaient pas auparavant.
Dans ces cas, on nous dit très clairement des choses comme « c'est vrai, ça a du bon sens, ça donne du poids à notre philosophie et à notre façon de penser ». Je le répète, les groupes qui s'adressent à nous cherchent à adopter une approche plus intégrée, plus holistique.
Je n'affirme pas que tous les groupes ont cette attitude. Toutefois, ceux avec qui nous travaillons sont ceux qui nous approchent. Je crois que si on crée ainsi une masse critique, la nouvelle se répand, l'intérêt est piqué et les gens commencent à constater des résultats : résultats sur le plan des finances et de la prévention de la criminalité dans la collectivité, hausse du sentiment de sûreté dans la collectivité, création de liens intergénérationnels, et cetera. Les collectivités sont très intéressées. Elles veulent être semblables à cela.
Le président : J'aimerais connaître votre approche en matière de prévention de la criminalité, car cela constitue également un aspect très important de la santé de la population. Comme il ne vous reste que quelques minutes, j'aimerais savoir quelles sont vos relations avec Santé Canada et Affaires indiennes et du Nord Canada en ce qui concerne les Autochtones.
Mme Mucha : Nous avons eu des conversations préliminaires, mais nous n'avons pas encore travaillé étroitement avec ces ministères. Nous devons traiter avec bien des organismes et des agences afin d'expliquer ce que nous faisons et de communiquer nos résultats. Nous évaluons notre initiative en ce moment grâce à ce cadre intégré d'évaluation et nous pouvons communiquer les résultats afin d'en montrer davantage.
Nous travaillons avec les collectivités afin de raconter leur histoire. Comme vous le savez, il faut du temps pour illustrer les résultats quantitatifs. En ce qui concerne le développement communautaire en particulier, les résultats qualitatifs sont très importants. Il y a des moments d'émerveillement, à partir duquel la collectivité ne sera plus jamais la même, ces moments où les gens réalisent qu'il existe une autre façon de faire et qu'ils entrevoient une solution.
Nous travaillons donc avec les collectivités afin de raconter leur histoire grâce à l'informatique. C'est un moyen pour nous de présenter de façon plus concrète certains de nos résultats lorsque nous approchons d'autres agences et leur décrivons notre travail sur le terrain.
Je le répète, nous faisons cela parce que nous faisons la promotion d'un processus et non un programme. Il a fallu quelques années avant de commencer à voir des thèmes et des résultats différents en fonction des diverses collectivités.
Le président : J'ai visité le Vancouver Aboriginal Friendship Centre sur la rue Hastings et j'ai eu l'impression que les Autochtones qui fréquentent ce centre sont plus ou moins tombés entre les mailles du filet. Personne ne s'occupait d'eux parce qu'ils étaient à l'extérieur de leur réserve et qu'ils ne faisaient pas sous la juridiction de l'autre système à Vancouver, même si c'était impressionnant. Nous avons organisé une téléconférence avec les responsables du projet...
Mme Mucha : ... communautaire de Vancouver?
Le président : Peu importe. Ce sont vraiment des gens impressionnants. Je suis persuadé que les Autochtones pourraient s'y retrouver. Toutefois, allez au Centre et parlez à certains d'entre eux. Ils vous diront que personne ne s'occupe d'eux.
Mme Mucha : Nous avons un représentant d'une Première nation de la province. Cela apporte un point de vue provincial à notre table de planification et d'élaboration. Comme je l'ai dit plus tôt, nous travaillons avec des groupes des Premières nations. Ils viennent nous voir. Nous n'avons pas le mandat de cibler certaines populations. Toutefois, je le répète, nous devons nous assurer que ces différentes populations et ces différents secteurs soient représentés à la table, qu'ils participent, que leur voix soit entendue et que nous traitions avec ces groupes dans les collectivités avec lesquelles nous travaillons.
Le président : Merci beaucoup à vous deux d'être venus nous parler.
Nous allons maintenant entendre le témoignage de la Dre Kellie Leitch, qui avait à l'époque produit un rapport exhaustif pour le ministre de la Santé. Ce rapport a beaucoup circulé au Canada et a fait l'objet de nombreuses discussions et de bien des compliments. Veuillez nous en dire plus.
Dre Kellie Leitch, à titre personnel : Merci beaucoup de me permettre d'être ici aujourd'hui. Je vais d'abord vous parler du rapport, après quoi il me fera plaisir de répondre à vos questions.
Monsieur le président, honorables sénateurs, je vous remercie de me permettre de m'adresser à vous aujourd'hui. J'aimerais vous présenter les principales conclusions de mon rapport sur la santé et le bien-être des enfants et des jeunes du Canada, intitulé Vers de nouveaux sommets. Je crois qu'il vous a été distribué en anglais et en français. J'espère que vous aurez l'occasion de le lire.
En mars 2007, le ministre de la Santé de l'époque, l'honorable Tony Clement, m'a demandé de conseiller le gouvernement fédéral sur la façon d'améliorer la santé des enfants et des jeunes du Canada. C'est à la fois un honneur et un privilège de participer à l'élaboration de la politique publique quand il est question de la santé et du bien-être des enfants. Cet enjeu me tient également beaucoup à cœur, principalement en raison de ma profession, soit celle de chirurgienne orthopédiste pédiatrique. Dans le cadre de mes fonctions, je rencontre quotidiennement des enfants malades et surtout blessés à la suite d'une chute de balançoire, par exemple.
Pour préparer mon rapport, je me suis rendue dans chaque province et territoire. J'ai constaté que la santé et le bien- être de nos enfants est absolument essentielle à la réussite de notre pays. Des pays comme l'Inde, la Chine et d'autres pays d'Asie du Sud-Est et d'Europe de l'Est investissent massivement dans les soins de santé et l'éducation pour les enfants et les jeunes. Ces pays investissent parce qu'ils comprennent que leur premier avantage concurrentiel à long terme résidera dans une jeunesse en santé, scolarisée et qualifiée. Le Canada doit adopter un point de vue semblable. Non seulement l'investissement dans la santé des enfants constitue-t-il une bonne politique sociale, il s'avère aussi une bonne politique économique.
Nous possédons les ressources nécessaires pour réussir, mais comme je l'ai indiqué dans mon rapport, le Canada a beaucoup de choses à améliorer. Mon rapport contient un total de 95 recommandations pour faire en sorte que les enfants soient en meilleure santé, afin qu'ils puissent vivre mieux et qu'ils soient plus heureux et productifs.
Tout au long de ma recherche, j'ai pris conscience que nous devons investir dans la santé et le bien-être de nos enfants et de nos jeunes au même titre que nous investissons dans les infrastructures, la science et la technologie. Ils représentent notre avenir, et ils sont essentiels à la réussite économique de notre pays dans le monde de plus en plus concurrentiel où nous vivons. À titre de nation qui se targue d'être prospère, généreuse et éclairée, le Canada peut, et doit, faire beaucoup mieux.
J'aimerais vous entretenir aujourd'hui de trois enjeux prioritaires et des occasions connexes cernés dans mon rapport : il s'agit de la prévention des blessures, de l'obésité infantile, et de la santé mentale.
Le premier enjeu est la prévention des blessures. Les blessures évitables représentent la première cause de mortalité chez les enfants et les jeunes du Canada. Pensez-y. Les blessures subies par les enfants coûtent 4 milliards de dollars par année à l'économie canadienne. Il y a donc beaucoup de place à l'amélioration dans ce domaine.
Dans mon rapport, je recommande au gouvernement fédéral d'établir un plan quinquennal stratégique national de prévention des blessures, à l'image de ceux adoptés par le Royaume-Uni, la Suède et les Pays-Bas et bien d'autres pays, et qui ont produit d'excellents résultats. Je fais également des recommandations sur des questions comme l'appui au port du casque, l'élimination des jouets toxiques et la promotion des sièges d'appoint et de l'équipement protecteur pour les enfants et les jeunes. Nous devons mettre en œuvre une stratégie nationale de prévention des blessures, puis la soutenir au moyen d'initiatives visant à régler des problèmes particuliers. Voilà comment nous pourrons améliorer la situation.
Le deuxième enjeu dont je veux discuter avec vous aujourd'hui est l'obésité infantile. Le pourcentage d'enfants en surpoids au Canada a triplé en une génération. Aujourd'hui, 15 p. 100 des enfants canadiens ont un excès de poids, et de 30 à 40 p. 100 risquent d'en avoir un. Le problème de l'obésité est, pour la génération actuelle d'enfants canadiens, l'équivalent du problème du tabac pour les générations précédentes.
Ce phénomène s'explique par un certain nombre de facteurs, et je pense que nous les connaissons tous. Ces facteurs sont interreliés. Ils comprennent l'augmentation des portions de nourriture, trop de jeux vidéo et pas assez de jeux à l'extérieur. Les enfants en surpoids risquent de développer des maladies cardiovasculaires et le diabète, et ils continueront de souffrir de ces comorbidités chroniques à l'âge adulte, ce qui mettra encore plus de pression sur un système de soins de santé qui peine déjà à s'occuper des bébé-boumeurs vieillissants. Bon nombre de ces enfants mourront de ces maladies chroniques.
Dans mon rapport, je recommande l'établissement d'un centre d'excellence sur l'obésité infantile. Ce centre réunirait des experts de domaines comme la nutrition, l'activité physique et les soins aux enfants, en vue d'établir des normes et des programmes de lutte contre l'obésité infantile. Je recommande également au gouvernement fédéral de fixer un objectif pour la diminution de l'obésité infantile au Canada. Nous devons faire passer le taux d'obésité infantile de 8 à 5 p. 100 d'ici 2015.
Le dernier enjeu principal que je veux aborder avec vous aujourd'hui est la santé mentale des enfants. Chez les enfants, les troubles mentaux sont souvent diagnostiqués trop tard, ce qui retarde la prise en charge par le système de santé et entraîne l'aggravation de la maladie au fil du temps. Les enfants touchés n'ont tout simplement pas accès aux possibilités que méritent tous les petits Canadiens. D'un point de vue plus optimiste, en diagnostiquant à temps les troubles mentaux pédiatriques, nous pouvons aider les jeunes atteints à devenir des adultes heureux et productifs. Quand nous échouons à cette tâche, leurs problèmes deviennent les problèmes de la société.
Une recommandation majeure contenue dans mon rapport est l'élaboration d'une stratégie relative aux délais d'attente pour les services pédiatriques de santé mentale. À l'heure actuelle, nous ignorons la durée des délais d'attente pour les services pédiatriques de santé mentale. Nous connaissons encore moins l'efficacité de ces services et nous n'avons pas de description des mécanismes permettant d'y accéder. Nous devons cerner les problèmes et les sources de congestion dans le système de santé mentale et orienter nos efforts en vue d'offrir un accès rapide aux services.
Aucun autre pays ne possède autant de ressources, de talent et de potentiel que le Canada dans le domaine de la santé. Nous devrons effectuer une bonne planification et être animés par le désir de changer des systèmes qui sont en place depuis bien longtemps. Mais avant tout, nous devrons tous nous engager à agir. Mon rapport trace une voie vers l'avenir et établit une orientation qui permettrait au Canada de devenir un chef de file à l'échelle mondiale dans le domaine de la santé des enfants et des adolescents. Pour chacun des facteurs clés dont j'ai parlé ce soir, c'est-à-dire la prévention des blessures, l'obésité infantile et la santé mentale des enfants, certaines mesures peuvent, et doivent, être prises pour améliorer la situation.
Aucune grande réalisation ne découle d'un objectif modeste. Tâchons donc de nous fixer l'objectif commun de faire du Canada l'endroit dans le monde où les enfants trouvent les meilleures conditions pour assurer leur croissance.
Merci beaucoup pour le temps que vous m'avez accordé. Je serai maintenant heureuse de répondre à vos questions.
Le président : Je vous remercie beaucoup, docteure Leitch. Il y a des sénateurs qui aimeraient vous poser des questions.
[Français]
Le sénateur Pépin : Je vais parler français mais vous pouvez me répondre en anglais. Lorsque vous dites qu'il faudrait avoir une stratégie pour les temps d'attente pour les enfants qui souffrent de maladie mentale, je ne savais pas que notre temps d'attente était si long en fait. Je savais qu'il y avait des difficultés. Vous croyez que c'est l'une des causes fondamentales. Si on était capable de faire suivre les enfants au plus tôt, à ce moment, on pourrait en récupérer plusieurs?
[Traduction]
Dre Leitch : Oui, selon les statistiques au Canada, un enfant sur cinq ayant besoin de services de santé mentale y a accès dans un délai acceptable. C'est seulement 20 p. 100. Pour la majorité des enfants, on ne connaît même pas les délais. Nous n'avons pas non plus de critères permettant de savoir quels seraient les délais acceptables. Nous avons établi, dans le domaine de la chirurgie, qui est mon domaine, des délais à ne pas dépasser pour les enfants en attente d'une opération chirurgicale au pays, ce qui est louable. Nous avons établi des critères et des délais à ne pas dépasser. Tous les gens qui œuvrent dans le domaine de la chirurgie pédiatrique s'emploient désormais à respecter ces critères et ces délais, ce qui fait diminuer les temps d'attente. Pour les opérations de chirurgie dentaire ou pour les enfants qui ont besoin de se faire poser des mèches dans les oreilles, nous avons fait passer les temps d'attente de 18 à 12 mois dans la plupart des provinces. Je crois que nous devons fixer des critères pour l'accès des enfants aux soins de santé mentale. Puis, nous devons mettre en œuvre un plan en vue de respecter ces critères, de telle sorte que les enfants qui n'ont pas accès à ces soins dans un délai acceptable, soit 80 p. 100 des enfants concernés, puissent y avoir accès. Nous savons que 70 p. 100 des enfants qui ont besoin de tels soins deviennent des adultes productifs s'ils les reçoivent lorsqu'ils sont jeunes.
[Français]
Le sénateur Pépin : Je suis quelque peu estomaquée de voir que la première cause de décès chez les enfants est liée à une première blessure. Pouvez-vous m'en dire plus à ce sujet? Quelle sorte d'accident arrive-t-il?
Vous dites que la Suède et les Pays-Bas ont une loi ou un règlement à cet effet. Pourriez-vous élaborer sur ce point?
[Traduction]
Dre Leitch : En tant que chirurgienne orthopédique spécialisée en pédiatrie, je vois tous les jours des enfants qui ont subi des accidents graves. Les chiffres sont renversants. Le Canada est au 22e rang sur 29 pays de l'Organisation de coopération et de développement économique ou OCDE, pour ce qui est des blessures évitables causant la mort. Je donne dans le rapport les détails sur les 15 causes de mortalité accidentelle parmi les enfants.
Les accidents de la route sont la première de ces causes. Tantôt, c'est un siège d'appoint ou un siège d'enfant dans l'automobile qui est en cause, tantôt ce sont des adolescents qui prennent le volant alors qu'ils sont encore jeunes et qui conduisent dangereusement, tantôt c'est un véhicule qui frappe un enfant à pied ou à vélo.
Les noyades et les suffocations sont la deuxième cause de décès accidentel parmi les enfants. Il est renversant d'apprendre qu'au pays, un enfant sur 230 admis à l'urgence, pas seulement à cause d'un bras cassé ou d'une petite chute, est admis la nuit. Vingt pour cent des enfants qui subissent une blessure à la tête en gardent des séquelles la vie durant. Ce sont des statistiques renversantes pour un pays comme le nôtre. Ce sont des accidents qui ne devraient pas se produire. Nous faisons un travail formidable lorsque des enfants viennent se faire traiter dans un hôpital universitaire comme le mien, mais nous ne devrions pas avoir à les traiter. Je serais tout à fait heureuse de manquer de travail.
À l'instar de nombreux pays européens, nous devons nous doter d'une stratégie nationale de prévention des blessures qui met l'accent sur un certain nombre de choses, y compris de ne pas avoir peur d'agir en chef de file. Nous avons accompli de grands progrès au pays concernant la réduction du tabagisme, la réduction des déchets et d'autres problèmes parce que le pays a agi en chef de file, parce que le gouvernement a agi en chef de file pour provoquer des changements.
Il nous faut de la bonne mercatique sociale. Nous devons éduquer parents et enfants pour leur faire comprendre les problèmes et leur montrer les solutions afin d'y remédier. Nous devons baliser la stratégie avec des normes nationales et définir les résultats à obtenir. Nous devons collaborer, et la collaboration doit se faire non seulement entre universitaires, mais aussi avec les acteurs de l'industrie et avec les ONG telles que l'Alliance universelle des unions chrétiennes de jeunes gens et les Clubs garçons et filles du Canada. Nous devons veiller à ce que nos collègues dans le monde des ONG prennent part à la communication. Nous devons veiller aussi à ce que notre travail sur le terrain puisse s'appuyer sur des données issues de la recherche.
Dans le rapport, j'ai essayé de décrire les éléments qui ont été utilisés ailleurs dans le monde et auxquels nous pourrions avoir recours au pays pour améliorer considérablement les perspectives des enfants en matière de santé.
Le sénateur Eaton : Docteure Leitch, voilà un rapport merveilleux et très intéressant. Il en ressort notamment que nous avons une mécanique et un gouvernement, mais que tout cela semble ne pas fonctionner et que les interconnexions ne se font pas. Tout se fait en vases clos.
Avant votre témoignage d'aujourd'hui, nous parlions des polycliniques locales qui s'occuperaient des soins primaires et de la santé néonatale et qui, dans les milieux où les personnes âgées sont présentes, leur offriraient des services particuliers. Pensez-vous que le modèle de la polyclinique serait utile pour offrir des soins pédiatriques ou faire de la prévention de l'obésité? Pourrions-nous nous servir des écoles ou des milieux de travail pour faire de l'éducation populaire axée sur la prévention et la nutrition?
Dre Leitch : Il existe des mécanismes qui seraient très utiles pour mettre en œuvre une approche globale en matière de soins de santé. Les parents canadiens sont tout aussi catégoriques que moi quand vient le temps de définir les priorités, qui sont au nombre de trois : la prévention des blessures, l'obésité et la santé mentale. J'ai été renversée de voir jusqu'à quel point le constat est le même dans l'ensemble du pays. Les 7 200 parents qui ont répondu à notre enquête en ligne d'une durée de cinq jours ont dit exactement la même chose.
Je pense qu'on pourrait créer un mécanisme axé sur les enfants qui serait semblable à la polyclinique dont vous parlez. Toutefois, je pense que le meilleur moyen d'atteindre les enfants est de passer par le système scolaire, où ils constituent un public captif. Ils y sont constamment et y sont prêts pour nos interventions.
Pour les enfants qui sont plus difficiles à atteindre et aussi pour éduquer les parents, je recommande dans le rapport un bilan annuel d'examen pour enfants employé partout au pays qui serait semblable au dossier d'immunisation, c'est- à-dire la fiche jaune sur laquelle les parents doivent cocher toutes les cases. Tout enfant devrait faire l'objet d'un dépistage régulier comprenant entre autres un examen de la vue et un examen dentaire. On peut pratiquer de tels examens dans une polyclinique comme celles dont vous parlez. On outillerait ainsi les parents pour qu'ils puissent aider leurs enfants. Nous devons prévoir les ressources et les services pour y parvenir.
L'essentiel des leviers se trouvent dans les provinces. Toutefois, c'est le gouvernement fédéral qui a la responsabilité de la santé des Premières nations et des Inuits. Très peu de mécanismes font le lien. Il s'agit en premier lieu d'outiller les parents, c'est-à-dire de leur donner une liste de vérification pour qu'ils sachent ce qu'ils doivent faire pour leurs enfants. Ils sont nombreux à l'ignorer.
Le sénateur Eaton : Vous parliez du tabagisme et de la gestion des déchets, et je suis tout à fait d'accord. Pensez-vous que nous devrions lancer, par exemple, une campagne nationale sur le diabète, les soins oculaires ou la prévention? Les campagnes publicitaires nationales pour faire de la sensibilisation populaire sont-elles utiles?
Dre Leitch : Le gouvernement fédéral peut jouer un rôle très important dans le domaine de la prévention, mais je ne choisirais pas une maladie en particulier. Je ferais porter la campagne sur les facteurs causant l'obésité ou sur la prévention des blessures. Si on réussit à diminuer le nombre de blessures et que nous évitons ainsi à des enfants une visite à l'urgence, on fera des économies énormes. Il faut voir plus loin que le bout de son nez. Si, ce faisant, nous œuvrons à la prévention, nous ferons des économies et nous allègerons l'infrastructure sociale.
On peut faire des campagnes nationales. Le gouvernement fédéral peut jouer un rôle colossal à cet égard. Je l'ai dit à plusieurs endroits, lorsque j'ai rencontré des ministres et je vais le répéter ici : si vous saisissez l'occasion, vous pouvez avoir une influence énorme. Le pays va vous suivre. Vous l'avez fait pour le tabagisme et pour d'autres problèmes. Choisissez les grands dossiers où vous pouvez provoquer du changement et investissez dans ces dossiers pour que l'on fasse un bond en avant.
Aucun enfant ne devrait se retrouver à l'urgence au pays pour cause de noyade. Aucun enfant de cinq ans ne devrait se retrouver à l'urgence au pays pour y recevoir un diagnostic de diabète de type 2. Ce genre de choses ne devrait jamais se produire au pays.
Vous avez la possibilité, en tant qu'institution nationale, de lancer le pays sur la voie de tels progrès. Nous y sommes parvenus dans le cas du tabagisme. La diminution du nombre de fumeurs a été extraordinaire. Vous pouvez obtenir des résultats semblables avec l'équivalent actuel du tabac : l'obésité. Vous pouvez obtenir des résultats semblables dans la prévention des blessures. Vous pouvez tout à fait y arriver, en particulier si vous employez la mercatique sociale et si vous agissez en chefs de file nationaux.
Le sénateur Eggleton : Merci beaucoup d'être venue, docteure Leitch.
Dre Leitch : Je vais tâcher de ne pas me laisser emporter par la passion. Je vais me contenir.
Le sénateur Eggleton : Je vous félicite pour votre excellent rapport. J'espère que vous avez eu l'occasion de rencontrer la nouvelle ministre de la Santé et qu'elle s'est montrée désireuse de mettre en œuvre autant que possible les recommandations contenues dans votre rapport.
J'aimerais premièrement savoir si vous pouvez nous informer sur cette mise en œuvre.
J'aimerais aussi vous poser deux autres questions. Vous nous parlez avec passion de notre capacité d'agir à l'échelle nationale. Mais, il faut davantage qu'une capacité. Il faut une volonté et il faut respecter le cadre constitutionnel, où les responsabilités sont partagées. Les programmes de cette nature relèvent en grande partie des provinces. Ils sont parfois mis en œuvre à l'échelle locale. Avez-vous réfléchi aux améliorations possibles à cet égard? Les stratégies nationales dans des domaines qui relèvent des provinces nécessitent passablement de coordination. Je ne veux pas du tout laisser entendre que nous ne devrions pas emprunter cette voie. Au contraire, je suis tout à fait favorable à cette idée.
Ma troisième question porte sur vos constatations principales. Vous indiquez que le Canada occupe le vingt- deuxième rang pour les blessures évitables subies par les enfants, le vingt-septième rang pour l'obésité infantile et le vingt-et-unième rang pour les services de santé mentale fournis aux enfants. Ces classements sont issus de l'OCDE. Il y a un autre classement sur lequel le comité s'est penché récemment : dans une étude portant sur l'éducation préscolaire dans 14 pays de l'OCDE, le Canada s'est retrouvé au dernier rang.
Je ne peux pas me rappeler toutes les cinq recommandations, mais vous n'avez pas fait de recommandations concernant l'éducation préscolaire. En revanche, vous faites de très bonnes remarques dans l'annexe, où vous dites, par exemple, que si nous voulons que les enfants canadiens soient plus tard des adultes qui réussissent et qui sont capables de tirer leur épingle du jeu, nous devons tout faire pour stimuler leur développement en bas âge. Vous avez même signalé que la rentabilité des investissements en éducation préscolaire, si je puis m'exprimer ainsi, n'est plus à démontrer puisqu'ils rapportent d'importants dividendes plus tard au cours de l'existence, sur le plan de la qualité de vie et de la santé. Selon les études réalisées, on estime que chaque dollar investi dans le développent des enfants équivaut à un investissement de 3 à 18 dollars plus tard au cours de l'existence.
Pourquoi n'avez-vous pas abordé la question de l'éducation préscolaire?
Dre Leitch : Permettez-moi de commencer par la troisième question. On m'a confié un mandat très précis, soit de répondre à trois questions. Je suis probablement sortie du cadre de mon mandat plus souvent que je ne l'aurais dû.
Mon mandat était très précis : examiner les programmes de Santé Canada et de l'Agence de la santé publique du Canada. Le développement des jeunes enfants et nombre d'autres déterminants sociaux de la santé ne sont pas visés par ces programmes. Ils relèvent du ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences, du ministère des Affaires indiennes ou du ministère des Transports, ce qui ne veut pas dire qu'ils ne sont pas d'une importance capitale. À titre de chirurgienne orthopédique, j'ai énormément appris sur le sujet, et ma pratique en a été certainement modifiée.
J'ai produit un rapport correspondant au mandat qui m'a été confié. Ce n'est pas à dire que l'éducation préscolaire n'est pas importante. C'est une question d'une importance exceptionnelle, qui mérite d'être étudiée de façon exhaustive, mais le rapport que j'ai produit est le résultat du mandat qui m'a été confié.
Je crois qu'on aurait grandement intérêt à accomplir un travail semblable au mien sur les 12 déterminants sociaux de la santé, pour cerner leur effet sur les enfants et les adolescents du pays et pour déterminer comment on devrait s'y prendre pour répondre plus largement aux besoins en matière de santé, particulièrement en ce qui concerne la prévention.
Pour ce qui est du système relevant d'Ottawa, vous savez probablement mieux que moi comment il fonctionne. Je suis une conseillère indépendante. Le fonctionnement de cet univers ne fait pas partie de mes compétences, même s'il est très enrichissant pour moi d'en apprendre à ce sujet.
L'administrateur en chef de la santé publique, David Butler-Jones, et le sous-ministre de Santé Canada, Morris Rosenberg, m'ont apporté une collaboration exceptionnelle pour que le rapport puisse être produit. Leur personnel y a grandement contribué. Je continue de collaborer avec eux.
J'ai été agréablement surprise de voir que ce rapport n'a pas été simplement rangé sur une tablette. Je prends la parole en public au moins une ou deux fois par semaine à ce sujet. Je sais que l'administrateur en chef de la santé publique prend le rapport très au sérieux et qu'il y puise beaucoup d'idées pour les intégrer dans l'univers où il travaille, tout comme le fait également Morris Rosenberg, à Santé Canada. Le rapport a fait très directement partie d'un examen stratégique. Ne connaissant pas les rouages de l'État fédéral, je suis loin de tout savoir sur les examens stratégiques, mais je sais que le rapport a été pris au sérieux, ce qui est constructif. Ce ne sont pas seulement les dirigeants qui me l'ont dit, mais aussi les responsables des programmes sur le terrain, qui se sont fait dire de changer leurs pratiques pour s'attaquer aux trois grands problèmes que les parents canadiens ont soulevés.
En ce qui a trait à la mise en œuvre de stratégies nationales, j'en ai beaucoup appris sur un troisième sujet, soit les relations fédérales-provinciales-territoriales. Je pense que tout le monde au pays comprend que nous devons faire un bond en avant sur ces questions. Il y a diverses manières d'atteindre l'objectif, mais, en fin de compte, je crois que tout le monde pense que nous devons collaborer pour y parvenir.
Entre autres questions, on m'a demandé s'il devrait y avoir un porte-parole au gouvernement du Canada s'occupant en permanence de ces questions, c'est-à-dire un sous-ministre adjoint qui en serait chargé à Santé Canada. Après avoir passé la dernière année à m'intéresser aux acteurs du domaine, c'est-à-dire pas seulement mes collègues du milieu universitaire, mais également les grands organismes de services comme l'Alliance universelle des unions chrétiennes de jeunes gens, qui accueille plus d'un million d'enfants chaque année dans ses programmes, comme Centraide et comme d'autres organismes, j'arrive à la conclusion qu'il doit y avoir un porte-parole au pays chargé de la santé des enfants et des adolescents. Cependant, pour interagir de manière optimale avec les provinces, les territoires et les groupes œuvrant dans le domaine des services communautaires, il faut mieux que ce porte-parole soit indépendant du gouvernement et qu'il fonctionne essentiellement sur le modèle des groupes de réflexion. Ce serait une fondation possédant l'indépendance voulue par rapport au gouvernement, de telle sorte que les provinces puissent interagir librement avec elle. Il s'agirait ainsi d'un porte-parole indépendant qui distribuerait les conseils et les bonnes idées pour l'élaboration des politiques publiques, de manière à créer un environnement plus propice à la collaboration que si les conseils et les idées venaient d'un organe de la province de l'Ontario ou du gouvernement du Canada.
Mes efforts ont visé la mise sur pied d'un organisme non gouvernemental chargé d'agir comme porte-parole en matière de santé des enfants et des adolescents et de formuler des idées nouvelles.
Le sénateur Eggleton : Vous appelez cet organisme le bureau national de la santé des enfants.
Dre Leitch : C'est le nom que je lui donne dans le texte.
Le sénateur Eggleton : Avez-vous envisagé la possibilité de nommer une personne qui siégerait au Cabinet, comme un ministre d'État, soit un ministre de second rang? Il y a un ministre qui est chargé des aînés, pourquoi n'y en aurait-il pas un pour les enfants et les adolescents?
Dre Leitch : De nombreuses options sont à l'étude. En Ontario, par exemple, il y a une ministre des Services à l'enfance, Mme Deb Matthews. C'est différent de ce que je préconise dans mon rapport, où je conclus qu'il vaut mieux créer une entité indépendante du gouvernement pouvant agir comme porte-parole indépendant en ce qui a trait à la santé des enfants et des adolescents et pouvant interagir avec tous les gouvernements ainsi qu'avec les ONG et les autres acteurs de cet univers. Grâce à son indépendance, un tel organisme serait beaucoup plus puissant que s'il se trouvait rattaché au gouvernement.
Le sénateur Eggleton : Le mandat de cet organisme indépendant lui serait-il confié par le gouvernement fédéral?
Dre Leitch : Idéalement, le mandat lui serait confié par une institution nationale. Il répondrait aux critères que j'ai définis dans le rapport et qui exigent qu'il s'occupe d'élaborer des politiques et de trouver des idées, tout en veillant à susciter un climat de collaboration et en s'assurant qu'il dispose de données issues de la recherche. Idéalement, cet organisme serait financé par le gouvernement fédéral, mais les provinces pourraient interagir librement avec lui.
Le sénateur Eggleton : Merci. Continuez votre travail de persuasion.
Dre Leitch : Je m'y emploie. Voudriez-vous épouser cette cause?
Le sénateur Eggleton : Tout à fait. Vous pouvez compter sur moi.
Dre Leitch : Je vous laisserai ma carte de visite à la fin.
Le sénateur Fairbairn : Merci beaucoup. À vous écouter, toutes sortes de souvenirs me reviennent à l'esprit, mais ce ne sont pas des souvenirs personnels.
Dre Leitch : J'espère qu'il s'agit de bons souvenirs.
Le sénateur Fairbairn : Je pense que vous en avez parlé tout à l'heure. Ce sont des souvenirs qui concernent le développement des enfants, leur alphabétisation et leur apprentissage. Il ne s'agit pas de considérer les enfants isolément, mais en tant que membres de familles qui se trouvent elles-mêmes à un échelon peu élevé sur ce plan. En offrant aux enfants de meilleures chances lorsqu'ils sont encore tout jeunes, de combien améliore-t-on leurs chances de grimper les échelons pour se retrouver au même niveau que les autres? Sans cette pièce maîtresse, dans quelle mesure est-il difficile de les aider à se développer pour qu'ils aient un avenir prometteur?
Dre Leitch : Les questions de l'éducation préscolaire et de l'alphabétisation n'étaient pas comprises dans le mandat qu'on m'a confié, en vue de la rédaction de mon rapport, même si j'ai beaucoup entendu parler de ces questions.
Comme je l'ai dit dans l'annexe du rapport, qui m'apparaît importante, il est crucial que la société soit instruite. On part ainsi d'un niveau plus élevé. On peut bien se doter de tous les instruments de mercatique sociale qu'on voudra, il reste qu'il est d'une importance cruciale que les gens soient capables de bien intégrer les connaissances que l'on diffuse, ce qui les amène à changer leur comportement.
Je suis moi-même le produit d'un merveilleux système d'éducation canadien. J'ai passé la moitié de ma vie à faire des études postsecondaires, sans compter l'école primaire. Je pense qu'il est d'une importance capitale qu'en tant que Canadiens, nous donnions aux parents et aux enfants les outils nécessaires pour pouvoir bien fonctionner dans la société, c'est-à-dire la capacité de lire, d'écrire et de participer à la vie de la société.
Le sénateur Fairbairn : Même si on nous voit comme un pays de gens fiers et instruits, les statistiques sur le nombre d'adultes canadiens qui ont peine à lire et à écrire et qui manquent d'instruction ne semblent jamais montrer une amélioration de la situation.
Dre Leitch : L'un des programmes formidables auxquels participe le gouvernement fédéral est le programme Bon départ pour les Autochtones, qui est conçu sur mesure pour les enfants.
Le sénateur Fairbairn : C'est formidable.
Dre Leitch : C'est un programme exhaustif qui vise de nombreux déterminants sociaux de la santé, en plus des déterminants qui sont liés aux soins de santé.
Le sénateur Fairbairn : Ce programme est le fruit de beaucoup de travail.
Dre Leitch : Ils ont obtenu de bons résultats. C'est un programme qui repose sur les données de la recherche. Il y a désormais des données montrant qu'il a permis de faire un bond en avant. J'ai encouragé le gouvernement fédéral à investir dans ce programme pour accroître les capacités de la population autochtone partout au pays. Le gouvernement fédéral participe à des programmes qui sont certainement très efficaces pour hausser le degré d'alphabétisation de la population.
Le sénateur Cook : J'aimerais que nous discutions des enfants les plus vulnérables de la société, c'est-à-dire les enfants vivant dans la pauvreté. Il faut voir que les problèmes d'obésité sont liés à la disponibilité de la nourriture et à ce que ces enfants ont à manger. Avez-vous des réponses à ce sujet?
Les enfants passent la plus grande partie de leur journée en milieu scolaire. Dans ma province, il y a de merveilleux programmes de déjeuner grâce auxquels les enfants consomment des aliments nutritifs. Puis, il y a la cafétéria. Je pense que les cafétérias scolaires sont les plus coupables de tous en ce qui concerne l'obésité des enfants. Je sais que vous ne pouvez pas légiférer pour imposer le bon sens, mais y aurait-il un moyen de résoudre ce problème? Jusqu'où peut-on aller quand vient le temps d'imposer des règles dans une démocratie?
Dre Leitch : Je ne vous dirai pas que je connais la recette magique à suivre dans votre province pour qu'on y fasse un bond en avant. Cependant, je crois que si nous réunissions, dans un centre d'excellence sur l'obésité infantile, des experts non seulement en provenance du milieu universitaire, mais également en provenance des ONG, de l'industrie et d'autres milieux, en leur confiant la tâche de cerner les pratiques exemplaires et de trouver des moyens de les mettre en œuvre, ils nous montreront la voie à suivre pour faire un bond en avant.
Je pense qu'il est important d'offrir les incitatifs nécessaires pour susciter des changements de comportement parmi les parents et les enfants. Le crédit d'impôt pour la condition physique des enfants a été adopté en Nouvelle-Écosse d'abord, et ensuite par le gouvernement fédéral, comme outil de motivation pour favoriser la pratique de l'activité physique.
Y a-t-il une mesure semblable que nous pourrions mettre en œuvre pour provoquer des changements de comportement relativement à l'alimentation, de même que des changements relatifs aux habitudes d'activité physique? Je ne sais pas si nous avons la réponse à cette question. On pourrait entre autres inciter l'industrie à réduire les portions et à améliorer l'étiquetage pour mieux éduquer les gens. Ce sont des mesures proposées dans le rapport.
Le sénateur Cook : L'industrie adore mettre beaucoup de sucre dans les céréales.
Dre Leitch : Je suis d'accord.
Le sénateur Cook : Compte tenu du fait que nous vivons dans une démocratie, y aurait-il moyen de dicter des règles à l'industrie?
Dre Leitch : Les dirigeants de l'industrie méritent qu'on souligne leurs efforts. Au cours de la préparation du rapport, j'ai eu l'occasion de discuter avec les représentants d'un grand producteur de boissons gazeuses, qui est un joueur important de l'industrie alimentaire. Ils sont venus me dire qu'ils voulaient agir de manière socialement responsable. Je leur ai répliqué qu'ils devaient en faire la preuve.
Le problème de l'obésité est une équation dont l'alimentation est une variable, mais nous n'avons pas de programmes parascolaires, qui seraient utiles pour lutter contre beaucoup de problèmes, et non uniquement le problème de l'obésité. Grâce à de tels programmes, les élèves peuvent avoir un endroit où aller et être entre bonnes mains pendant la période magique entre 15 et 18 heures.
J'ai mis le producteurs de boissons gazeuses au défi : pourquoi ne pas financer des programmes parascolaires et trouver des moyens d'y attirer les enfants? C'est l'un des commanditaires du relais de la flamme olympique. Les enfants qui s'améliorent le plus et qui participent le plus, et non les coureurs les plus rapides de leur classe, auraient le privilège de porter la flamme.
Rendons à César ce qui est à César : le producteur de boissons gazeuses a relevé le défi. Il a investi 10 millions de dollars dans des programmes parascolaires à 1 000 endroits au pays, et les enfants qui vont s'améliorer le plus vont porter la flamme.
Ce n'est pas l'idéal. Nous n'avons pas éliminé les boissons gazeuses, mais nous avons suscité une certaine prise de conscience sociale concernant les enfants, qui est susceptible d'entraîner des changements de comportement.
En outre, on interagit davantage avec les enfants, notamment dans le cadre du programme ParticipACTION, ce qui permet d'entendre parler plus souvent des moyens de susciter des changements de comportement. C'est très important.
Allons-nous faire un saut quantique? Je ne pense pas, mais je pense que les petits pas sont constructifs et utiles. Nous devons trouver davantage de moyens de faire des petits pas, de manière à ce qu'on obtienne des changements de comportement.
Le sénateur Cook : Dans la dure réalité du monde d'aujourd'hui, les parents emmènent leur enfant au service de garde dès sept ou huit heures le matin et les y reprennent à la même heure le soir. Toutes les heures d'éveil des enfants sont passées ailleurs que chez eux. Serait-il possible de fixer des conditions d'obtention du permis de garderie dans cette province? Devrait-il être obligatoire pour les garderies de ne servir que des aliments sains aux enfants?
Dre Leitch : Je ne pense pas que l'enjeu se limite aux garderies. Les enfants de plus de 5 ans sont également concernés. Les jeunes sont concernés jusqu'à 16 ans. Ce ne sont pas seulement les premières heures de la journée qui sont importantes. Cette période magique dont vous parlez, c'est-à-dire entre 15 et 18 heures, a une importance cruciale.
Quatre-vingts pour cent des parents canadiens sont sur le marché du travail de nos jours. Les parents se demandent où sont leurs enfants pendant cette période. Ils ne sont pas tellement productifs au travail à ces heures-là parce qu'ils passent leur temps à regarder leur montre et à se demander s'il est l'heure de passer prendre leurs enfants ou à se demander ce que font leurs enfants.
Si nous créons des programmes parascolaires efficaces pour nous assurer que les enfants sont entre bonnes mains, qu'ils s'alimentent bien et qu'ils ont des activités à faire en lesquelles les parents ont confiance, je pense que le pays fera un grand pas en avant. Il ne s'agit pas seulement des enfants de 5 ans et moins, mais également des jeunes de 16 ans et moins, en particulier ceux qui appartiennent au groupe des 6 à 12 ans.
Le sénateur Cook : Je viens de la province de Terre-Neuve, où existe une bonne quantité de programmes parascolaires. Mais, ces programmes coûtent de l'argent.
Dre Leitch : Je suis d'accord. Les gouvernements fédéral et provinciaux ont investi dans de nombreux incitatifs pour les jeunes enfants. Je reconnais qu'ils ont fait du bon travail à cet égard. Il y a divers volets à ces mesures. Les provinces ont mis l'accent sur certaines choses, tandis que le gouvernement fédéral a mis l'accent ailleurs. Je ne suis pas une experte dans ce domaine.
Je conseillerais aux provinces et au gouvernement fédéral de se pencher sur la question des programmes parascolaire à offrir entre 15 h et 18 h. Il est possible que les provinces soient obligées de faire des changements structurels, c'est-à- dire de changer la durée de la journée scolaire. Les jeunes devraient peut-être aller à l'école de 10 à 18 heures.
Le sénateur Cook : Mais, la maman doit être au travail à 9 heures.
Dre Leitch : Je lance cette idée simplement comme ça. Il s'agirait peut-être d'inciter les parents à utiliser les programmes parascolaires. Je suis certaine qu'il y a beaucoup de mécanismes et de subtilités dans la mécanique dans l'administration publique dont je ne suis pas consciente et qui pourraient servir à inciter les parents à avoir recours à de tels programmes. Je suis absolument d'accord avec vous pour dire que, tant à l'échelon provincial qu'à l'échelon fédéral, il faut s'attaquer au problème de la période magique entre 15 et 18 heures.
Le sénateur Cook : En ce qui concerne les services de santé mentale, n'y a-t-il pas du dépistage qui se fait parmi les enfants de 3 ans qui vont à la prématernelle? Les services de santé mentale font-ils partie du dépistage effectué parmi les enfants d'âge préscolaire?
Dre Leitch : Pas dans toutes les provinces, et pas à tous les endroits dans les provinces.
Le sénateur Cook : Êtes-vous favorable à ce dépistage?
Dre Leitch : Le dépistage fait partie du bilan qu'il faudrait produire régulièrement pour chaque enfant, de manière à s'assurer qu'il atteint normalement les divers stades de développement et de manière à savoir le plus tôt possible si l'enfant accuse du retard et s'il y a lieu d'intervenir.
Le sénateur Cook : Je regrette de ne pas avoir lu votre livre. J'étais littéralement débordé. Cependant, je vais finir par m'y mettre. Vous avez piqué ma curiosité.
J'ai une dernière question d'ordre personnel à vous poser. Nous avons trois petits enfants, âgés de trois ans, quatre ans et demi et six ans et demi. Pendant les vacances, nous partons en voyage avec eux à l'occasion. Nous devons alors réserver les sièges d'auto et les sièges d'appoint. Peu importe les contrats que nous signons avec les entreprises de location, nous n'obtenons jamais les sièges dont nous avons payé la location pour y asseoir les enfants en toute sécurité. Que pourrait-on faire au sujet de l'industrie? Ma fille aimerait beaucoup avoir la réponse à cette question. La dernière occasion s'est présentée il y a environ deux mois.
Dre Leitch : Un nombre astronomique de parents sont venus me dire qu'ils ne savaient pas comment installer le siège d'appoint de leur voiture. J'ai l'impression d'être devenue une experte dans ce domaine.
J'ai assisté en juin dernier à un congrès qui s'appelait Auto21, auquel participaient les 131 constructeurs d'automobiles du pays. Ils m'ont demandé de prononcer une conférence sur les blessures subies par les enfants et sur les mesures qu'ils pouvaient prendre à cet égard.
Je leur ai présenté toute une série de diapositives pour leur montrer en détail dans quel état les enfants m'arrivent lorsqu'ils sont éjectés hors d'un véhicule automobile. La salle a été visiblement assommée par mon exposé. Les gens se demandaient ce qu'ils pouvaient faire pour empêcher ce genre de blessures. Ils ont en fait le choix entre deux solutions pour réduire le risque substantiellement. Ils peuvent construire des véhicules avec siège d'appoint intégré, comme dans ma Volvo. Je n'ai pas besoin d'acheter un siège d'appoint. Je n'ai qu'à soulever un couvercle, puis je peux installer l'enfant dans un siège d'appoint qui est sécuritaire et qui répond aux exigences. D'autres chefs de file de l'industrie pourraient adopter cette solution.
La deuxième solution consiste à fabriquer des sièges d'appoint faciles à installer, qui seraient accompagnés de minuscules senseurs ayant pour effet de changer la couleur d'un voyant afin d'indiquer que le siège est bien installé. Ce sont des petits détails que les ingénieurs pourraient intégrer à leurs plans et qui permettraient aux parents soit d'utiliser un siège d'appoint intégré soit d'en ajouter un de manière optimale.
Il nous faut également des dispositions législatives sur les sièges d'appoint dans chaque province du pays. Actuellement, il n'y en a aucune. Je suis renversé de savoir que seulement 28 p. 100 des parents canadiens dont les enfants auraient besoin d'un siège d'appoint dans leur voiture en utilisent effectivement un. C'est le résultat de l'absence, dans l'ensemble du pays, de dispositions législatives équivalentes d'une province à l'autre que l'on serait en mesure de faire respecter. Il y a certainement des mesures à prendre sur le plan législatif et réglementaire, à l'échelon provincial, à l'échelon fédéral et de la part des constructeurs d'automobiles. Ces changements auraient un effet énorme pour assurer la sécurité des enfants dans les véhicules. Ils se trouvent parmi les mesures qui seraient les plus efficaces pour prévenir les blessures subies par les enfants.
Le sénateur Cook : Il faut faire quelque chose dans ce domaine. L'industrie a la responsabilité de prendre une partie de ces mesures.
Dre Leitch : Certainement.
Le sénateur Cook : Ce soir-là. Je savais que quelqu'un irait en prison. Je ne savais pas si ce serait ma fille ou le type qui nous avait fourni de l'équipement inadéquat. Nous sommes demeurés à l'aéroport pendant quatre heures en attendant qu'il revienne avec les trois sièges d'auto qu'il était parti acheter. Il y a des gens qui vivent des histoires d'horreurs autour relativement à cette question. Il y a certainement un moyen de résoudre le problème. Dans ma province, il y a une loi. Je pense qu'on pourrait établir des normes nationales. Les constructeurs d'automobiles ont des problèmes actuellement. Peut-être qu'une fois qu'ils se seront rétablis, ils muniront leurs automobiles de sièges adéquats.
Le président : Juste avant de terminer, je voudrais vous remercier d'être venue témoigner devant nous. J'ai eu l'occasion de m'entretenir avec vous deux ou trois fois en privé sur cette question. C'est merveilleux d'avoir pu recueillir votre témoignage officiel.
J'ai été intrigué au cours de nos conversations antérieures et de votre témoignage d'aujourd'hui, lorsque vous nous avez raconté comment vous vous y êtes prise pour obtenir l'adhésion des divers acteurs nécessaires et pour faire avancer les choses. Vous vous êtes dissociée de l'idée de constituer un vase clos en nommant une personne à un poste de ministre ou à un autre poste au sein du gouvernement. Vous nous avez plutôt proposé de constituer un organisme indépendant du gouvernement, pour que les gens se sentent plus à l'aise dans leur participation à ce dossier.
Nous avons eu des difficultés avec cette question également dans le dossier des autres déterminants de la santé, qui sont beaucoup plus nombreux que ceux qui étaient inclus dans votre mandat. Pendant un certain temps, nous avons essayé de définir le rôle d'un ministre du développement humain à l'échelon fédéral ou provincial. Nous nous sommes aperçus qu'un tel rôle serait trop pointu, même si le développement humain se trouve au cœur de la question de la santé des populations. Nous avons fait notre nid, et notre rapport est déjà en cours de rédaction. Nous n'en changerons pas la substance à moins que se produise quelque chose de très inhabituel. Le rapport proposera une nouvelle approche réunissant l'ensemble des pouvoirs publics, autrement dit un comité du Cabinet, l'échelon fédéral, l'échelon provincial, les villes et les organismes communautaires qui sont des acteurs dans ce dossier. L'organisation que nous proposons a eu des effets salutaires dans les pays qui ont voulu intervenir pour améliorer la santé des populations.
J'ai simplement voulu entendre vos commentaires à ce sujet et les consigner officiellement.
Dre Leitch : Je suis tout à fait favorable à une approche réunissant l'ensemble des pouvoirs publics. L'endroit au pays où l'on fait les progrès les plus remarquables relativement à la santé des enfants est le Manitoba, et c'est exactement l'approche qu'on y a mise en œuvre. Les sous-ministres et les ministres sont tous concernés, à un moment ou un autre, par la santé des enfants, à laquelle ils doivent contribuer par des mesures cadrant dans leur mandat. Ils ont à proposer de telles mesures dans le cycle prébudgétaire, de manière à ce que les mesures et les idées qu'ils proposent soient inscrites dans le document qu'a en main le ministre chargé de l'approche réunissant l'ensemble des pouvoirs publics autour de la santé des enfants, avant que le cycle budgétaire commence.
On dispose ainsi de puissants leviers pour agir. Je pense que cette approche a fait ses preuves pour aider le Manitoba à faire un bond en avant dans le dossier de la santé des enfants. Le Manitoba a particulièrement bien réussi avec ses importantes populations autochtones, dont il s'est occupé efficacement, ce qui tranche avec les provinces où l'on n'a pas été capable de faire des progrès concernant les mêmes problèmes de santé publique.
J'ai toujours cru fermement à l'approche réunissant l'ensemble des pouvoirs publics. J'en ai parlé dans mon rapport. C'est une approche qui serait grandement utile pour que le gouvernement du Canada puisse s'attaquer aux problèmes visés.
Le sénateur Eggleton : Quelle est la position du ministre qui est responsable au Manitoba de la mise en œuvre de l'approche mettant à contribution l'ensemble des pouvoirs publics? S'agit-il d'une approche qui est particulière au portefeuille de l'enfance ou à un autre portefeuille?
Dre Leitch : C'est une approche qui est particulière au dossier de la santé des enfants. Il existe un bureau de la santé des enfants où l'on met en œuvre l'approche réunissant l'ensemble des pouvoirs publics. Le ministre chargé de la santé des enfants préside ce comité du Cabinet et s'occupe aussi de plusieurs autres dossiers liés à la santé. On ne procède pas ainsi seulement dans le cas des enfants. L'approche réunissant l'ensemble des pouvoirs publics est employée aussi dans d'autres dossiers relatifs à la santé.
Le sénateur Eggleton : Que ce soit un ministre du développement humain ou un autre ministre, il faut qu'un membre du Cabinet ait la responsabilité du dossier. Une approche réunissant tous les pouvoirs publics nécessite la participation de nombreux ministres, mais l'un d'entre eux doit agir en tant que principal responsable du dossier.
Dre Leitch : Je suis d'accord.
Le président : À cet égard, nous recommandons que ce soit le premier ministre à l'échelon fédéral et les premiers ministres des provinces à cet échelon. À l'échelon municipal, je suppose que ce serait le maire. Pour les milieux où il y a beaucoup de bénévoles, nous avons encore un peu de difficulté à trouver une solution, mais nous allons devoir en trouver une.
Dre Leitch : Vous pourriez choisir le président de l'Alliance universelle des unions chrétiennes de jeunes gens.
Le président : Je vous remercie beaucoup.
(La séance est levée.)