Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles
Fascicule 4 - Témoignages du 29 avril 2010
OTTAWA, le jeudi 29 avril 2010
Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd'hui, à 8 h 6, pour étudier l'état actuel et futur du secteur de l'énergie du Canada (y compris les énergies de remplacement).
Le sénateur W. David Angus (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Bonjour, collègues, témoins et auditeurs de la CPAC et du World Wide Web. Vous assistez à une réunion du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles. Nous nous réunissons pour poursuivre notre étude sur le secteur de l'énergie et, nous l'espérons, la mise au point d'un cadre pour une politique canadienne d'énergie propre.
Je veux souhaiter la bienvenue à M. Oliver de Pollution Probe. Tous les membres de notre comité sont présents ce matin, à une exception près : un sénateur indépendant se joindra probablement à nous sous peu.
Je suis le sénateur Angus de Montréal, au Québec. Le sénateur Mitchell, vice-président du comité, vient de l'Alberta. Il y a aussi parmi nous M. Leblanc, de la Bibliothèque du Parlement, qui nous aide à réaliser nos recherches et nos travaux; le sénateur Lang, du Yukon; le sénateur Seidman, du Québec; le sénateur Peterson, de la Saskatchewan; le sénateur Massicotte, du Québec, via Winnipeg; Mme Gordon, notre très compétente greffière; le sénateur Neufeld, de la Colombie-Britannique; le sénateur Frum, de Toronto, en Ontario; le sénateur Dickson, de Halifax, en Nouvelle- Écosse; le sénateur Banks, de l'Alberta; et le sénateur Brown, de l'Alberta.
Nous allons digresser pour affirmer ensemble que nous sommes ébahis devant le jeu du Canadien de Montréal. Il y a quelques Montréalais autour de la table, et je crois que nous sommes tous ébahis par ce qui est arrivé hier soir. Cela nous donne certainement de l'énergie.
Comme nous le savons tous, le Canada est un important producteur d'énergie dans un monde où la demande d'énergie connaît une croissance constante et l'offre d'énergie classique diminue. De même, partout dans le monde, les gouvernements doivent relever le défi qui consiste à assurer la sécurité énergétique de leur pays d'une façon qui soit durable tout en réduisant les émissions de carbone. Les cibles adoptées par les gouvernements canadiens quant à la réduction des émissions de carbone et la substance d'une entente globale sur les mesures à prendre dans le domaine des changements climatiques moduleront peut-être sous tous ses aspects la filière énergétique du Canada à l'avenir.
À la lumière de ces faits, le comité croit qu'il est tout indiqué d'avoir sur la question une discussion nationale, ce à quoi nous nous employons en ce moment, à propos des futures pratiques de production et de consommation d'énergie du Canada. Il nous faut certes modifier et réénergiser la façon dont nous concevons et générons l'énergie, mais, de même, il nous faut examiner la façon dont nous la consommons en vue d'une plus grande efficience.
Notre comité connaît bien l'organisme Pollution Probe, dont M. Oliver est le directeur général. M. Oliver détient un baccalauréat en ingénierie mécanique de l'Université Carleton et compte plus de 15 ans d'expérience en gestion de projets industriels et en élaboration de stratégies en matière d'efficacité énergétique et de réduction des émissions de gaz à effet de serre.
À la barre de Pollution Probe, un des organismes canadiens les plus anciens et les plus respectés dans le domaine de l'environnement, M. Oliver a cultivé de solides liens avec le gouvernement et l'industrie pour faire valoir des solutions concrètes aux problèmes environnementaux. Récemment, il a instauré une forme de collaboration entre l'Association canadienne des automobilistes et Pollution Probe pour la promotion de l'écomobilité, plan de réduction des émissions de gaz d'échappement qui tient le conducteur, le véhicule et la route comme autant d'éléments d'un système intégré.
C'est avec bonheur que je vous souhaite la bienvenue, monsieur Oliver. C'est peut-être vous qui avez déjà représenté ici Pollution Probe.
Bob Oliver, directeur exécutif, Pollution Probe : C'était peut-être mon prédécesseur, Ken Ogilvie.
Le président : Veuillez commencer.
M. Oliver : Bonjour. J'aimerais d'abord remercier l'honorable sénateur Angus et les membres du comité de m'avoir invité à présenter un exposé aujourd'hui. Je m'appelle Bob Oliver et je suis le directeur général de l'organisme Pollution Probe. Mes observations d'aujourd'hui portent sur l'élaboration par Pollution Probe d'un outil d'information du public intitulé en principe A Primer on Energy Systems in Canada, ou, si vous voulez, abécédaire des filières énergétiques au Canada. Je compte donner un exposé en trois parties au comité aujourd'hui : raison d'être de l'abécédaire; structure du contenu; recommandations au comité.
Je profiterai de l'occasion pour féliciter le Comité sénatorial de l'énergie d'avoir fait de l'état actuel et futur du secteur de l'énergie au Canada un sujet d'étude prioritaire. Le choix du moment de cet exercice est d'une importance cruciale. La réponse du gouvernement aux enjeux de la consommation de l'énergie et du changement climatique pourrait en effet avoir des conséquences importantes sur l'avenir du Canada comme pays et sur la prospérité de ses citoyens.
L'énergie est présente dans toutes les dimensions de la vie moderne. Elle constitue un intrant fondamental de pratiquement toutes nos activités. La société canadienne est particulièrement énergivore, se classant parmi les premiers utilisateurs d'énergie par habitant du monde en importance. L'accès à des ressources énergétiques et à des technologies de production d'énergie a conféré d'énormes avantages au Canada. Il a permis à la plupart des Canadiens de bénéficier d'un niveau de vie élevé et de participer à des économies en expansion sur la scène internationale et ici, au pays.
Toutefois, la façon dont la société humaine produit, transporte, distribue et consomme les ressources énergétiques va à l'encontre du principe de la durabilité; il arrive souvent que ces pratiques défient la logique économique. Nous épuisons les ressources énergétiques non renouvelables de plus en plus rapidement. La combustion de ces ressources énergétiques accroît la concentration des gaz à effet de serre dans l'atmosphère terrestre et pollue l'air que nous respirons. Le prix de l'énergie varie sensiblement d'une région à l'autre au Canada et dans le monde, souvent en raison d'interventions politiques allant de la réglementation des prix des services publics à la création de cartels internationaux. Ces interventions engendrent souvent de la confusion dans les marchés en dissociant les prix à la consommation des prix à la production. Nous n'utilisons pas les ressources énergétiques de façon aussi efficace que nous le pourrions, et cette mauvaise utilisation nuit à la productivité de notre économie.
Pour ces raisons et pour bien d'autres, plusieurs forums nationaux sur l'énergie ont été constitués dans le secteur privé, réunissant des représentants du secteur industriel, des organismes non gouvernementaux et des grands spécialistes en matière d'énergie. Parmi ces forums, mentionnons le réseau Q.U.E.S.T. (Quality Urban Energy Systems of Tomorrow), dont l'organisme Pollution Probe a été un membre fondateur, l'Energy Framework Initiative, ou EFI, pour laquelle Pollution Probe a rédigé le document fondateur A Commitment to Sustainable Energy End-Use et les Banff Dialogues, auxquels Pollution Probe a également participé. Ces forums sont motivés par une reconnaissance commune, par les participants, de la nécessité que le Canada élabore un cadre de gestion de l'énergie cohérent et intégré. Idéalement, ce cadre guiderait la prise de décisions en fonction d'une vision commune et servirait à coordonner les interventions locales et régionales visant à réaliser des progrès sur la scène nationale en matière de lutte au changement climatique. Il devrait aussi garantir l'état de préparation du Canada à l'innovation et à la concurrence pour les ressources énergétiques et les technologies de production d'énergie sur un marché mondial en perpétuel changement.
Le sentiment d'urgence qui motive le dialogue dans ces forums est ponctué par les derniers événements survenus aux États-Unis en matière de politique, sur les plans de l'énergie et du changement climatique et sur le plan de l'engagement international des grands pays émetteurs de gaz à effet de serre, y compris le Canada.
Dans chacun de ces forums, l'amélioration des connaissances des Canadiens dans le domaine de l'énergie a été définie comme une priorité.
Le niveau de connaissances des Canadiens au sujet des filières énergétiques qui sous-tendent leurs activités et modes de vie varie souvent d'un intervenant à l'autre ou encore ces connaissances sont incomplètes ou inexactes. Que savent réellement les Canadiens au sujet du système qu'ils allument lorsqu'ils appuient sur l'interrupteur d'une lampe, qu'ils sautent dans leur voiture ou qu'ils rajustent le thermostat? L'absence d'un point de référence commun, d'un niveau de base d'information reconnu, établi pour la population canadienne, ou d'un vocabulaire commun que tous utilisent pour discuter des filières énergétiques au Canada empêche les décideurs du gouvernement et de l'industrie, ainsi que les citoyens engagés, de collaborer à la création de stratégies et politiques efficaces en matière d'énergie qui nous aideraient à atteindre nos objectifs économiques, sociaux et environnementaux. La rédaction d'un guide d'introduction aux filières énergétiques, ou d'un abécédaire, aidera à éliminer cet obstacle en haussant le niveau de connaissances des Canadiens au sujet de l'énergie. Nous espérons que cet outil favorisera un dialogue fructueux et un débat fertile sur la gestion future des ressources énergétiques du Canada.
L'organisme Pollution Probe travaille donc activement à la préparation d'un abécédaire sur les systèmes énergétiques au Canada. Nous cherchons à contribuer efficacement aux efforts d'information du public et d'élaboration de politiques gouvernementales au Canada afin de changer de façon positive et concrète le cours des choses sur le plan de l'environnement. Pollution Probe, fondé en 1969, a joué un rôle central dans l'élaboration de nombreuses politiques bien définies et d'initiatives pratiques au Canada. Parmi ces politiques et initiatives figurent les règlements sur les émissions pour les fonderies et sur la teneur en soufre de l'essence, le premier programme de collecte sur le trottoir de matières recyclables, les essais de contrôle des émissions pour les véhicules et, dernièrement, le tout premier règlement visant à contrôler directement les émissions de gaz à effet de serre par les véhicules utilitaires légers au pays. Nous sommes un organisme de bienfaisance enregistré au Canada et nous sommes fiers de posséder une base de donateurs actifs et loyaux qui se compose de citoyens canadiens de toutes les régions du pays.
Pollution Probe a établi une approche clairement définie pour la rédaction de ses abécédaires, se fondant sur l'expérience acquise dans la rédaction d'une série de guides à ce jour. Nous visons à utiliser des données scientifiques solides et à présenter avec exactitude des questions complexes dans un format équilibré. Nous cherchons à informer le lecteur, lui expliquant la nature des enjeux et des défis auxquels il doit faire face pour atténuer les menaces et exploiter les possibilités. Nous invitons un groupe d'experts à contribuer à la rédaction de nos abécédaires. Nous nous assurons ainsi que le contenu est exact sur le plan factuel et que la portée est la bonne; de plus, ces spécialistes définissent les passages à éclaircir ou à améliorer.
Parmi la série d'abécédaires publiés à ce jour par Pollution Probe figurent L'abécédaire du smog, The Drinking Water Primer, Mercury in the Environment : A Primer, L'ABC des technologies de l'énergie renouvelable, The Emissions Trading Primer, L'abécédaire des changements climatiques et de la santé humaine, The Source Water Protection Primer, Notions élémentaires sur les bioproduits, Ce qu'il faut savoir sur la santé des enfants et l'environnement, The Primer on Volatile Organic Compounds, le Guide des changements climatiques pour les petites et moyennes entreprises, produit en partenariat avec la Chambre de commerce du Canada, et L'abécédaire de l'efficacité énergétique et des émissions des automobiles, produit en partenariat avec l'Association canadienne des automobilistes.
La structure de l'abécédaire est axée sur l'utilisateur final. Quelles activités de l'utilisateur exigent une consommation d'énergie? En quoi cela nous mène-t-il aux grands modèles de consommation d'énergie au Canada? Puis, pas à pas et chapitre par chapitre, le lecteur est guidé dans le système d'approvisionnement en énergie qui répond à la demande de l'utilisateur final. Commençons par exemple par la demande de base en matière d'éclairage — supposons que vous désirez lire un livre le soir. Cette commodité, que nous appelons « energy amenity », commodité d'utilisation de l'énergie, dans l'abécédaire, est possible grâce à l'approvisionnement en énergie. Elle exige l'utilisation d'une ampoule électrique, technologie qui fournit un service énergétique. Lorsqu'une marchandise énergétique est fournie, dans le cas qui nous intéresse, l'électricité, une ampoule la transforme en lumière. L'électricité fournie est le produit d'un processus, celui de la transformation d'une source d'énergie, comme le vent ou l'uranium, en marchandise livrable.
La structure de l'abécédaire prend donc l'aspect d'une pyramide. La demande de commodités d'utilisation de l'énergie se situe au sommet; elle est appuyée par les services énergétiques suivis des marchandises énergétiques et, enfin, des sources d'énergie, qui constituent la base de la pyramide. Cette approche systémique a été élaborée pour renforcer le principe qu'il n'existe pas réellement de demande d'énergie proprement dite. Ce que les gens désirent, c'est plutôt du confort et de la commodité, un accès à la famille et aux amis, un accès à des biens et services, la possibilité d'exercer des activités commerciales et rentables, facteurs qui contribuent tous à améliorer leur qualité et leur niveau de vie. Ces commodités sont appréciées par la population parce qu'elles génèrent des avantages réels. Dans ce cas, la demande est une demande dérivée, elle est fonction de l'énergie nécessaire pour obtenir la commodité et de l'efficacité avec laquelle le système produit cette énergie.
Avec cette grille d'analyse, le lecteur peut commencer à comprendre le fonctionnement du système énergétique du Canada. Dans certaines filières énergétiques, la demande de commodités d'utilisation d'énergie est comblée efficacement. Dans d'autres, toutefois, cette demande peut mettre à contribution des processus plutôt inefficaces qui donnent lieu à un gaspillage des ressources. Ainsi, les gisements de gaz naturel brut — sources d'énergie — peuvent être exploités et transformés en gaz naturel de qualité. Ce gaz peut être distribué par un pipeline, une très petite quantité d'énergie additionnelle étant nécessaire pour le pompage et le chauffage du gaz et la livraison au domicile de l'utilisateur final. Là, il est brûlé dans un appareil de chauffage au gaz à haut rendement énergétique pour produire de la chaleur et fournir à l'utilisateur final chaleur et confort par une nuit de temps froid. Cela représente une utilisation relativement efficace de la ressource que constitue le gisement de gaz naturel.
Une autre filière consiste à pomper le gaz vers une centrale électrique où il est brûlé pour produire de l'électricité, processus où seulement le tiers de l'énergie disponible est transformé en électricité et le reste est rejeté comme chaleur inutilisée. L'électricité est ensuite transmise jusqu'au domicile de l'utilisateur final par des lignes électriques — l'énergie étant perdue en grande partie pendant ce processus. Elle est ensuite enfin retransformée en chaleur par un radiateur électrique pour fournir du confort à l'utilisateur final. Dans ce scénario, un gisement de gaz naturel est utilisé pour la prestation d'un service valable, mais d'une façon moins efficace. Une plus grande quantité de gaz naturel est brûlée pour fournir la même valeur à l'utilisateur final et une plus grande quantité d'émissions de gaz à effet de serre est produite. Ce processus représente une utilisation moins durable du gisement de gaz naturel et une façon moins économiquement rentable de répondre à un besoin que le scénario précédent.
Le lecteur est donc orienté vers l'examen des avantages comparatifs des systèmes actuels de production, de distribution et de consommation d'énergie au Canada. L'objectif consiste à tracer une ligne directe entre les actions des utilisateurs finals et les réponses des systèmes énergétiques. Une chaîne de valeur énergétique lie les actions des utilisateurs finals à une source d'énergie; la transformation de cette chaîne de valeur en un mécanisme qui utilise moins de ressources et qui est plus productif sur le plan économique constitue une importante avenue vers la durabilité.
Les chapitres de l'abécédaire sont actuellement divisés de la façon suivante. Le premier chapitre renferme une description de l'énergie, des avantages et des problèmes liés à nos habitudes courantes de consommation d'énergie. On y présente également la notion de filière énergétique et on y explique l'utilité d'un examen de la question de l'énergie du point de vue des filières énergétiques.
Le lecteur remarquera que les filières énergétiques du Canada englobent une large part de l'économie canadienne. Le secteur de l'énergie emploie directement près d'un demi-million de Canadiens; environ 95 milliards de dollars, soit 6 p. 100, du produit intérieur brut du Canada étaient attribuables à ses activités en 2008. Au-delà des chiffres, l'énergie constitue un intrant fondamental pour chaque entreprise, exploitation agricole et ménage canadien. Jusqu'à tout dernièrement, l'énergie était disponible à un coût assez bas; ce coût peu élevé a soutenu une importante croissance continue de l'économie canadienne et d'énormes améliorations du niveau de vie de tous les Canadiens.
L'abécédaire établit aussi clairement que le Canada n'est pas une île. D'importantes quantités de pratiquement toutes les catégories de sources d'énergie sont disponibles ici et il existe une demande mondiale pour toutes ces sources. À titre de démocratie stable axée sur le marché libre, le Canada est considéré un fournisseur fiable d'énergie pour les marchés d'exportation, surtout les États-Unis.
Dans le deuxième chapitre, on établit une distinction entre les commodités d'utilisation que nous demandons et les filières énergétiques qui les fournissent, comme je l'ai expliqué précédemment. On y montre les effets que l'efficacité et la conservation peuvent avoir sur la réduction de la consommation des ressources énergétiques et les effets environnementaux associés, sans pour autant sacrifier les commodités ou limiter les avantages associés. On y décrit également en quoi la technologie est essentielle à la chaîne de valeur énergétique : elle ajoute de la valeur aux sources d'énergie en les transformant en marchandises, en applications et, en fin de compte, en commodités que nous demandons.
Le troisième chapitre contient une description des principaux services énergétiques fournis au Canada et la façon dont ces services sont fournis, pour chaque secteur, pour les secteurs de l'industrie et du transport et les secteurs commercial et résidentiel. Les besoins de chaleur, de lumière et de force motrice dans ces secteurs et les technologies utilisées ainsi que les obstacles à l'amélioration de l'efficacité et de la performance sont examinés.
Dans le quatrième chapitre, on décrit les principales marchandises énergétiques utilisées au Canada et on explique les technologies utilisées pour produire ces marchandises. Les marchandises énergétiques servent à alimenter les technologies qui fournissent les services énergétiques. Elles englobent le charbon transformé et le coke, les produits pétroliers et les liquides du gaz naturel, le gaz naturel, les biocombustibles, l'uranium traité et l'électricité. Les sujets de l'exportation et de l'importation des marchandises énergétiques et du transport et de l'entreposage des marchandises énergétiques sont aussi examinés dans le quatrième chapitre.
Au cinquième chapitre, les sources d'énergie du Canada sont définies comme principaux fournisseurs du système énergétique. Ce chapitre contient une description des réserves estimatives de toutes les sources et technologies utilisées pour transformer ces sources en marchandises utiles. Les sources d'énergie sont le résultat de processus naturels terrestres et du rayonnement solaire. L'énergie cinétique naturelle du vent et du mouvement de l'eau, l'énergie chimique potentielle accumulée dans les combustibles fossiles et l'énergie nucléaire accumulée dans l'uranium sont tous des réservoirs d'énergie brute, laquelle peut être transformée par diverses technologies en chaleur et autres services énergétiques et commodités d'utilisation, y compris les produits pétroliers.
Dans chaque chapitre, les conséquences sociales, économiques et environnementales de la production, de la distribution et de la consommation d'énergie sont décrites et fournissent un contexte. Les grands facteurs déterminants du marché sont aussi définis.
Le sixième chapitre contient des renseignements sur les politiques qui influent le plus sur les filières énergétiques au Canada et sur les mesures que les citoyens peuvent prendre pour changer le cours des choses.
L'organisme Pollution Probe est heureux de bénéficier des services d'un comité consultatif composé d'éminents spécialistes de diverses dimensions des filières énergétiques du Canada. Les ébauches sont en cours de révision, et le produit fini devrait être prêt pour publication cet été.
En essayant d'aiguiller les discussions et le débat sur l'énergie au Canada non pas sur l'opposition entre énergies propres et énergies polluantes, mais plutôt sur la notion de filières énergétiques, Pollution Probe espère favoriser l'élaboration de solutions durables à nos problèmes d'énergie et de changement climatique. Ainsi, le réseau Q.U.E.S.T. encourage l'adoption d'une approche intégrée des filières énergétiques visant à optimiser l'utilisation des ressources au niveau communautaire. Cette nouvelle orientation exigera toutefois que l'on repense le rôle des services publics réglementés. Elle exigera aussi l'élaboration de stratégies d'investissement novatrices et de nouveaux modèles de prestation de services d'énergie. Ces modèles utiliseront les technologies et les infrastructures pour fournir aux utilisateurs les commodités d'utilisation qu'ils apprécient, plutôt que générer des rendements sur la vente de quantités volumétriques de marchandises énergétiques.
Je recommande que le comité sénatorial examine attentivement ces approches axées sur la demande dans ses études. Il y a des gains sur le plan de la productivité, des possibilités de création d'emplois et de nouvelles technologies à cette extrémité-ci du système. Quelle que soit la ressource énergétique utilisée, une gestion efficace et productive permettra de la conserver pour les générations futures et pour d'autres utilisations intéressantes. Il s'agit souvent de la façon la plus économique de réduire au minimum les effets environnementaux.
Si l'horaire le permet, et avec l'autorisation du président, Pollution Probe serait heureux de citer les travaux du comité sénatorial dans son abécédaire des filières énergétiques au Canada comme exemple d'intervention fédérale en cours et comme référence pour le lecteur désireux d'approfondir ses connaissances sur ce sujet important.
Mes observations se terminent ainsi. C'est avec plaisir que je répondrai à vos questions ou que je vous fournirai des éclaircissements sur l'information que je viens de vous présenter.
Le président : Merci beaucoup, monsieur Oliver. Le comité n'aurait pu entendre un témoignage plus pertinent aujourd'hui.
Je veux d'abord vous remercier de nous avoir félicités si gentiment. Nous apprécions cela. Ensuite, le sénateur dont j'ai parlé plus tôt vient d'arriver, le sénateur Elaine McCoy, de l'Alberta. À nous qui souhaitions nous initier au domaine de l'énergie, avant de nous attaquer aux divers sous-secteurs du domaine, le sénateur McCoy a prêté main- forte en produisant son propre abécédaire de l'énergie, pour nous familiariser avec le jargon et tout le reste.
L'idée de l'abécédaire concorde parfaitement avec la première étape de notre étude, qui touche à son terme. Nous nous attendons à produire un rapport préliminaire avant que le Sénat n'ajourne pour le congé estival, soit plus ou moins au moment où votre abécédaire paraîtra. J'espère que vous vous souviendrez de nous en nous en faisant parvenir peut-être un, sinon plusieurs exemplaires.
Je peux le dire au nom de mes collègues, j'en suis sûr : si vous faites référence à nous, comme vous avez proposé de le faire, nous en serions très heureux. Nous en serions flattés. Cela servirait à démontrer, nous l'espérons, que nous travaillons, comme vous le dites, de concert avec ces autres groupes au Canada, qui tous se rassemblent sur la question. Vous parlez de l'aspect de la demande, qui constitue clairement l'élément clé de l'équation.
Le sénateur Mitchell : Merci, monsieur Oliver. Cela m'a intéressé d'apprendre que votre organisme s'applique à éduquer et à informer les Canadiens à propos des questions liées aux énergies. D'une certaine façon, c'est exactement ce que nous faisons.
Depuis un bon moment, je ne suis pas si sûr de penser qu'il nous faut de nouvelles technologies pour réduire les émissions de carbone; il nous faut plutôt une nouvelle technologie pour convaincre les gens de la nécessité de réduire les émissions. Voilà l'élément central de ma question. Vous menez cette campagne; d'autres organismes agissent en ce sens; nous essayons d'atteindre cet objectif nous aussi.
Vous utilisez le terme « abécédaire », ce qui me rappelle le fait que le sénateur McCoy est l'auteur d'un abécédaire elle aussi. Le document n'est pas encore tout à fait publié, mais il est à espérer qu'il se retrouvera sur notre site web comme ailleurs.
Avez-vous déjà réfléchi au rôle que le gouvernement du Canada pourrait jouer dans un dialogue avec les Canadiens à propos d'une question importante, par exemple les changements climatiques ou encore l'énergie — où va-t-elle, pourquoi y va-t-elle et quelles sont nos réserves — étant donné, en particulier, que la science des changements climatiques, qui est aussi claire que les autres sciences, à mon avis, se heurte à une telle opposition? C'est comme faire fi de la loi de la gravité. Les changements climatiques existent. Pourriez-vous nous parler de cela?
M. Oliver : Pour engager le public dans une discussion sur les changements climatiques et l'énergie et la relation qui existe entre ces deux questions importantes, il faut reformuler la question. La plupart des Canadiens ne sont pas des scientifiques. Vous pouvez bien leur présenter les données qui démontrent que le climat change et qu'il y a un facteur anthropique qui entre en ligne de compte à ce chapitre. Par contre, cela ne leur dit pas quelles pourraient être les options à retenir pour instaurer un changement systémique.
Je ferais valoir qu'il nous faut reformuler la question. Il faut cesser de centrer la discussion sur l'idée d'utiliser moins d'énergie et de réduire les émissions, sur le fait que ce sera douloureux et sur la façon de répartir également le poids de cette douleur dans toutes les régions du Canada. Ce n'est pas très inspirant comme proposition.
Je crois qu'il faut parler aussi des possibilités pour le Canada d'améliorer la productivité de son économie, de léguer à nos enfants un avenir viable et de jouer un rôle influent dans la transition du monde vers une économie « faible en carbone ».
Nous avons le bonheur de disposer d'importants gisements de ressources naturelles dont la transformation, au moyen de diverses technologies, peut aboutir à des services énergétiques. Cela nous permet non seulement d'exporter et de consommer des ressources brutes en la matière, mais aussi de démontrer qu'il est possible de le faire de façon relativement plus efficiente et productive. Nous pouvons ainsi créer des emplois, des compétences et un savoir-faire que nous pouvons exporter partout dans le monde. Voilà qui fait partie d'une idée plus intéressante à proposer au public canadien.
Je soulignerais que le génie-conseil figure parmi les exportations pour lesquelles le Canada est connu. Nous exportons énormément de savoir-faire. C'est une exportation extrêmement précieuse. Plutôt que de nous contenter de présenter le Canada dans un rôle passif où il satisfait à la demande énergétique du reste du monde, ce qui est possible, nous pouvons faire la démonstration de procédés plus efficients et plus productifs pour utiliser les ressources énergétiques en question. Les Canadiens se concentreraient ainsi sur les avantages qu'il y a à s'attaquer à cette question, mais, pour s'attaquer à la question, il faudra que beaucoup de choses changent. Les gens sont habitués au fait que les prix en matière d'énergie soient soumis à des contrôles; ainsi, ils ne reçoivent pas le signal de prix nécessaire à la conservation. Il nous faut repenser tout le système et déterminer comment utiliser nos filières énergétiques au Canada, qui sont uniques, en vue de créer une vaste gamme d'exportations pour le monde entier. À ce moment-là, les mesures relatives au changement climatique renvoient non seulement à un projet environnemental, mais aussi à un potentiel de prospérité que nous souhaitons concrétiser.
Je ne suis pas sûr de répondre à la question posée — pourquoi la science ne frappe-t-elle pas l'esprit des gens? —, mais j'envisagerais certainement des façons plus positives et inspirantes d'engager le public dans le dossier, car certains ne réagiront tout simplement pas à la présentation de données évoquant un besoin.
Le sénateur Mitchell : Merci. Dans un monde idéal, si vous deviez décider du prix du carbone aujourd'hui, que feriez-vous? Choisiriez-vous un système de plafonnement et d'échanges ou encore une taxe sur le carbone?
M. Oliver : Les deux options présentent des avantages et des inconvénients. Si vous voulez mon avis personnel — et je veux souligner que je suis ingénieur de formation et non pas économiste —, je crois qu'il faut préférer la taxe sur le carbone. Cela nous ramène directement à la question des messages à l'intention du public. Comment formuler une telle proposition? Est-ce un investissement à faire dans notre prospérité et notre avenir? S'agit-il oui ou non de faire preuve d'excellence mondialement dans la production, la distribution et la consommation d'énergie, en prenant pour référence le signal de prix qui provient d'une taxe sur le carbone? Voilà comment je formulerais cette proposition.
Le sénateur Mitchell : Peut-être nous faut-il une autre expression, du genre « signal de prix du carbone ».
M. Oliver : Oui.
Le sénateur Mitchell : Enfin, y a-t-il une façon d'évaluer l'ampleur des subventions accordées à l'industrie des combustibles fossiles et cela se fait-il même? L'argument semble toujours tenir à l'importance des redevances. Ce sont des sommes d'argent auxquelles il faut renoncer si c'est moins élevé. Tout de même, avez-vous déjà comparé les subventions versées à l'industrie des combustibles fossiles aux subventions versées à l'industrie des énergies de remplacement?
M. Oliver : Je suis désolé de dire que non, je ne l'ai jamais fait. Pollution Probe n'a pas effectué d'analyse des subventions, apparentes ou cachées, à l'intention de l'industrie des combustibles fossiles classiques. Je ne veux pas en parler, mais il est très important d'aller chercher les données voulues à ce sujet. À mon avis, personne ne s'opposerait à l'idée d'établir des signaux de prix relativement plus clairs en ciblant ou en réduisant au minimum les subventions, dans la mesure du possible, pour que le consommateur reçoive un signal de prix clair à propos de son utilisation de l'énergie. Cela devrait peut-être s'appliquer à toutes les formes d'énergie. Si nous éliminons les subventions de façon générale et déterminons quel est le coût véritable de l'énergie, nous allons peut-être pouvoir élaborer un cadre tourné vers l'avenir qui insiste sur les meilleurs éléments de nos filières énergétiques.
Le président : J'espère que vous allez tenir compte de ces réponses tandis que vous continuez à soulever la question des émissions. Voilà notre homme dans le dossier des émissions.
Le sénateur Mitchell : Je me trouve du côté des émissions.
Le président : Peut-être peut-il tourner ça autrement. Je crois que vous avez soulevé, à propos du paradigme, un autre point qui est merveilleux. Ce sera un nouveau paradigme qui comportera une réingénierie totale du système; il faut donc changer le vocabulaire aussi, peut-être, pour convaincre les gens.
Le prochain questionneur est le sénateur Neufeld. En parlant de la taxe sur le carbone, je pourrais signaler que le sénateur Neufeld était ministre des Ressources naturelles en Colombie-Britannique au moment où la province a adopté tranquillement, sans trop attirer l'attention, une taxe sur le carbone sans effet sur les recettes budgétaires. Cela a très bien fonctionné de fait. Encore une fois, pour nous initier nous-mêmes à la question des énergies, il est utile d'avoir ici quelqu'un qui est apte à expliquer comment cela fonctionne.
Le sénateur Neufeld : Je ne sais pas si ça c'est fait tranquillement ou sans attirer l'attention, étant donné que je me souviens de tous les appels que j'ai reçus.
Le président : C'était des manifestants.
Le sénateur Neufeld : Ils attiraient bel et bien l'attention; ils n'étaient pas tranquilles.
Merci, monsieur Oliver. Je veux parcourir un peu votre document. Quand vous parlez de prix de l'énergie au Canada, évidemment, il faut savoir que le prix du gaz naturel est établi sur le marché nord-américain. Croyez-vous que c'est une façon équitable d'établir le prix du gaz naturel?
M. Oliver : Voulez-vous dire que le marché libre fixe le prix?
Le sénateur Neufeld : Le marché libre fixe le prix du gaz naturel au Canada et aux États-Unis, en Amérique du Nord. Ça fonctionne comme ça aujourd'hui. Cela convient-il à vos yeux? Vous parlez un peu des interventions politiques. Je veux vous parler de cette question-là, des tarifs des services publics et de nos organismes de réglementation.
M. Oliver : Si nous voulons que le consommateur saisisse le coût véritable de l'énergie, étant donné aussi que nous n'internalisons pas actuellement les effets externes de la production, de la distribution et de la consommation d'énergie, émissions y comprises, je dirais que c'est ce que nous voulons dans une économie efficiente. Nous voulons des signaux de prix clairs. Le prix étant établi selon la dynamique qui joue dans une économie de libre marché, ce sont les forces de l'offre et de la demande qui devraient présider à cela.
Idéalement, nous devrions internaliser les effets externes de façon précise, tout de même. Le prix des changements climatiques entrerait dans le calcul d'une unité d'énergie produite à partir de chaque combustible fossile, ce qui déboucherait probablement sur des réponses plus efficientes au système.
En ce moment, il y a un certain contrôle des prix qui est exercé par des organismes provinciaux de réglementation créés à une époque où nous avions une filière de distribution monopolistique dépourvue de choix dans un contexte concurrentiel. Le gouvernement instaurait des régimes de réglementation pour s'assurer que les consommateurs avaient accès à un approvisionnement fiable en énergie, à un juste prix.
Pour l'avenir, si nous voulons harnacher les forces du marché pour susciter une série de comportements différents qui débouchent sur une utilisation différente de l'énergie, nous devons envisager l'idée de leur donner libre cours.
Si vous me permettez de le dire, ce que nous faisons maintenant, entre autres, c'est intervenir auprès, par exemple, de la Commission de l'énergie de l'Ontario. Les services de gaz ont déjà progressé considérablement dans cette direction- là. Pour une grande partie, leur activité consiste à favoriser la conservation, à gérer la demande et à promouvoir l'efficacité énergétique, ce qui veut dire qu'ils vendent moins d'énergie, qu'ils assurent un approvisionnement d'un volume moins important. Il y a un coût à cela. Il y a des années de cela, nous sommes intervenus auprès de la Commission de l'énergie de l'Ontario pour permettre un recouvrement des coûts. De fait, ce n'est qu'une partie du projet de loi qui traite de la quantité de gaz consommée. Une autre partie du projet de loi porte sur l'idée de fournir l'énergie d'une façon plus efficace.
En l'absence de signaux de prix propres à un libre marché, nous devons intervenir, de fait, pour desserrer les contrôles que nous avons déjà mis en place.
Le sénateur Neufeld : Ce que j'en déduis, c'est que le prix du gaz naturel est établi sur le marché libre de l'Amérique du Nord. J'ajouterais que ce n'est pas réglementé. C'est un libre marché, mais si on faisait entrer le prix du carbone dans le calcul, on se sentirait un peu mieux. Les entreprises encouragent les gens à utiliser moins d'énergie en optant pour l'efficacité énergétique, de fait; évidemment, une fournaise au gaz naturel efficace à 98 p. 100 consomme moins d'énergie, mais les entreprises en font la promotion et offrent des remises. Évidemment, il faut une réglementation du service public là où il y a un monopole.
Vous dites que notre pays est une source importante d'émissions de gaz à effet de serre. Pouvez-vous nous dire quelle est la part du Canada dans l'ensemble des émissions de gaz à effet de serre dans le monde?
M. Oliver : Je crois que ça se situe entre 2 et 3 p. 100.
Le sénateur Neufeld : Quel pays a les plus fortes émissions?
M. Oliver : En ce moment, je ne saurais vous dire lequel a les émissions les plus fortes, mais selon les données les plus récentes que j'ai vues, les États-Unis et la Chine sont à peu près à égalité. Je ne suis pas un vérificateur qui vous donne son rapport. Je ne suis pas certain de la chose, mais ces deux pays-là sont proches l'un de l'autre.
Le sénateur Neufeld : Vous parlez de la production d'électricité à partir de la combustion de gaz naturel. J'aimerais savoir ce que vous pensez de l'utilisation du gaz naturel comprimé pour alimenter les véhicules, plutôt que l'électricité, en reprenant le dialogue que vous utilisez dans votre document. Est-ce que cela vous conviendrait mieux?
M. Oliver : Il y a au Canada un analyste des questions énergétiques du nom de Peter Tertzakian, qui a écrit un livre intitulé The End of Energy Obesity. Dans le livre en question, il présente un graphique qui fait voir le gaz naturel acheminé dans une centrale d'énergie classique, pour être converti en électricité qui est distribuée par les lignes de transport et passe par les transformateurs pour arriver enfin au domicile de l'utilisateur final, où il est converti en lumière et en chauffage dans une ampoule électrique.
Essentiellement — et c'est théorique —, il montre que, pour les 100 unités d'énergie qui entrent dans la filière sous forme de gaz naturel brut, ce sont deux unités d'énergie qui sortent de l'ampoule électrique sous forme d'éclairage. La filière qui fournit le service en question gaspille donc une bonne part de la ressource.
L'application de l'énergie là où elle se révèle la plus productive et la plus précieuse constitue souvent l'utilisation la plus efficace de l'énergie. Je crois qu'il y a un rôle pour le gaz naturel dans la production d'électricité. Je n'affirme pas que nous ne devrions pas nous en servir à cette fin-là. Tout de même, le gaz naturel se prête à de nombreux usages productifs, le transport des marchandises étant certainement l'un d'entre eux.
Nous ne disposons pas encore de l'infrastructure nécessaire pour soutenir ce type d'usage. Il faut faire un certain investissement, mais nous sommes au coeur du problème ici — l'idée d'utiliser la bonne énergie au bon endroit, de la bonne façon, selon le procédé le plus efficace possible. Pour cela, il faudra du capital d'investissement.
Nous passons d'une filière moins exigeante en fait de ressources à une filière qui fait davantage appel au matériel et à la technologie. Nous cheminons sur cette voie-là.
Le sénateur Banks : Nous sommes habitués à recevoir des conseils et non pas à les donner. Tout de même, dans l'abécédaire, en parlant des réserves connues, j'espère que vous allez prendre soin de souligner que toutes les prédictions faites sont erronées. Depuis le moment de la fondation de votre organisme, les réserves connues de pétrole ont plus que doublé; les prédictions à ce sujet se situent donc sur un terrain inconnu.
J'aimerais creuser un peu encore la question. Vous dites que nous devons repenser le rôle des services publics réglementés. Approfondissez donc la question pour nous : comment faut-il faire et à quel moment? Oubliez la question évidente, soit qu'il faut contenir les prix là où il y a un monopole, mais, autrement, dites-nous ce que vous en pensez.
M. Oliver : À propos des services publics réglementés, disons que les organismes de réglementation interprètent leur mandat de façon assez étroite en ce qui concerne les prix et les modèles de prestation des services d'énergie. C'est là un obstacle à la mise en place de moyens plus efficaces de production, de distribution et de consommation de l'énergie dans les collectivités.
Le modèle de QUEST, l'approche intégrée des filières énergétiques en milieu urbain, doit reposer sur un modèle d'affaires qui se caractérise par une souplesse nettement plus grande. Nous devons trouver une façon de réviser le rôle de l'organisme de réglementation en vue d'éliminer les silos qui séparent l'électricité servant à l'éclairage, le gaz naturel servant au chauffage, le pétrole servant au transport : jamais les trois ne se combinent. Or, c'est justement par le mélange que nous allons améliorer l'efficacité de façon systémique pour nous donner une filière énergétique durable.
Les organismes de réglementation auront un rôle important à jouer. Je ne sais pas très bien comment il faudra combler cette lacune-là, mais il faudra le faire.
Le sénateur Banks : La seule façon d'y arriver consiste à convaincre les gouvernements de l'idée d'imposer aux organismes de réglementation une façon différente de réglementer.
M. Oliver : Je crois que les organismes de réglementation auront besoin de précisions de la part du gouvernement quant aux pouvoirs qu'ils ont à exercer.
Le sénateur Lang : Je tiens à vous féliciter d'avoir présenté un exposé très objectif et une approche logique des problèmes auxquels nous faisons face. Souvent, les gens ou les organismes adoptent un point de vue extrême, qui fait qu'on se méfie de l'orientation qu'ils proposent.
Ma première question porte sur l'abécédaire. Il est très bien de rédiger un abécédaire, mais l'étape suivante consiste à faire en sorte que les membres du grand public en entendent parler et le lisent. Pouvez-vous nous dire, à moi et au comité, comment vous entendez faire cela? Une fois l'abécédaire écrit, y aura-t-il des communications pour en faire la promotion sur Internet, à la télévision ou par d'autres canaux?
De même, quels sont vos liens avec les ministères de l'Éducation partout au pays? Serait-il possible d'intégrer l'abécédaire au programme d'études à la place d'un document qui est peut-être dépassé, pour que nos jeunes puissent réfléchir aux questions énergétiques et à ce que nous devrions faire?
M. Oliver : Ce sont les provinces qui décident de ce qui fait partie des programmes d'études. À moins qu'elles ne confient à Pollution Probe la rédaction d'un texte pédagogique destiné à leurs programmes d'études, il est très peu probable que nous puissions intégrer les documents à un cours. Cependant, si nos abécédaires étaient choisis comme texte complémentaire dans un cours de base, ce serait pour nous un grand bonheur.
Quant au marketing, disons que nos ressources sont limitées; souvent, nous devons donc collaborer avec une autre organisation à ce chapitre. Par exemple, nous avons travaillé de concert avec l'Association canadienne des automobilistes à l'abécédaire de l'efficacité énergétique et des émissions des automobiles, étant donné que l'association en question pouvait atteindre directement cinq millions d'automobilistes au Canada. Nous cherchons des façons d'élargir notre champ d'action.
Notre budget prévoit la publication d'une version de cet abécédaire sur le web. Nous allons faire imprimer des copies papier, travailler à la version web aussi, et ce serait merveilleux que nous puissions trouver les ressources pour diffuser plus largement nos idées.
Tous les Canadiens ne liront pas l'abécédaire. Par contre, c'est un document de référence à partir duquel nous pourrons produire des messages plus ciblés comme dans des brochures ou des annonces; et nous espérons que d'autres vont le mentionner et s'en servir dans leurs propres communications. Nous voulons le publier dans l'espoir que les gens le prennent et le diffusent plus largement que nous sommes en mesure de le faire.
Le sénateur Lang : J'aimerais entendre vos observations sur la question, compte tenu du champ d'action et des responsabilités constitutionnelles des provinces par rapport au gouvernement fédéral. De façon générale, de votre point de vue, quelle devrait être la contribution du gouvernement fédéral à une politique-cadre nationale en fait d'énergie, compte tenu des responsabilités des provinces?
M. Oliver : Il serait utile que le gouvernement fédéral donne un appui quelconque à un dialogue national sur l'énergie. Tout de même, je ne suis pas sûr que le gouvernement fédéral soit l'organisme tout indiqué pour mener l'affaire. Je crois que nous devons adopter une approche pancanadienne. Il nous faut respecter les compétences des provinces et territoires particuliers, et il nous faut passer par divers groupes d'intervenants.
L'idéal serait une collaboration menant à une vision commune débouchant sur un cadre national guidant des décisions prises avec cohérence partout au pays. Si le gouvernement fédéral devait imposer une vision quelconque d'une filière d'énergie au Canada, cela éliminerait les progrès que nous avons réalisés jusqu'à maintenant. La permission morale d'agir, par opposition à la création de l'espace nécessaire pour agir, se révélerait utile.
Le sénateur Frum : Le sénateur Angus a souligné le fait que le langage employé est très important dans ce débat. Dans votre conversation avec le sénateur Mitchell, vous avez parlé du fait que la science arrive difficilement à frapper l'imaginaire. Le vocabulaire que vous avez employé pendant l'exposé et le système de valeurs implicite qui en transparaît m'ont vraiment frappée.
Lorsque vous parlez de l'énergie comme étant une commodité plutôt qu'un instrument utile à la survie des êtres humains ou une force essentielle au maintien de la vie, cela fait voir un énorme jugement de valeur. C'est peut-être une des raisons pour lesquelles le message ne résonne pas toujours dans l'esprit des gens : le terme « commodité » évoque chez eux l'idée moralisatrice sous-tendant le message.
M. Oliver : Nous essayons de faire comprendre l'idée du besoin et de la demande. Les gens n'exigent pas d'avoir un litre d'essence; ils exigent plutôt de pouvoir se déplacer du point A au point B. Ils veulent avoir accès des biens et à des services, à leurs amis et à leur famille. C'est pourquoi ils montent dans une voiture et se mettent à conduire. Parfois, c'est simplement pour le plaisir de la balade. Le volume d'essence acquis sert simplement à réaliser l'activité.
Nous essayons de renseigner le public sur une chaîne de valeur énergétique qui fait intervenir de nombreux acteurs. Cela commence par un pétrole brut qu'on raffine pour en faire le produit du pétrole que l'on nomme essence. Ensuite, c'est combiné à une technologie — l'automobile, qui fournit un service demandé par le public. Nous voulons prendre la chaîne de valeur en entier et faire en sorte que le service puisse être fourni en faisant appel à moins de ressources. C'est une avenue à prendre pour en arriver à des filières énergétiques durables. Par contre, qui en assumera les coûts?
Les pétrolières n'ont pas de raison de vendre moins de leur produit. Les fabricants d'automobiles peuvent produire des véhicules plus efficaces, mais, souvent, les consommateurs ne réagissent pas; ils ne les achètent pas. Ils les achètent peut- être en petites quantités, mais ce n'est pas généralisé. Le propriétaire du véhicule ne voit pas en quoi cela donnera de la valeur dans la société qu'il conduise un véhicule moins exigeant en ressources ou plus économe d'essence. Ainsi, il y a une fragmentation tout le long de la chaîne. Nous ne cherchons pas à régler le problème de fragmentation moyennant quelques campagnes d'éducation. Nous souhaitons plutôt établir un dialogue qui nous permettrait d'avoir une filière énergétique qui s'inscrit dans une industrie des services.
L'énergie est nécessaire à la vie, pour dire les choses de façon tout à fait claire. Par exemple, lorsque j'ai acheté mon téléphone cellulaire, je ne l'ai pas acheté de Research in Motion pour essayer de trouver un fournisseur de services ailleurs par la suite. Je me suis rendu dans un magasin de Rogers pour acheter mon service de communication. Par exemple, si on fournit le service et que l'on facture le client en fonction de la valeur du service en question, l'intrant ressource dont il est question — l'essence, dans le cas qui nous occupe — devient un élément des coûts inhérents aux produits vendus. Cela fait que, par souci de rentabilité, le fournisseur voudra en réduire au minimum l'utilisation. Le consommateur règle selon la valeur du service qu'il reçoit.
Je ne dis pas que c'est là la solution, mais c'est une façon possible de réorienter la discussion pour que les gens pensent qu'utiliser moins d'énergie ne veut pas dire agir en utilisant moins de ressources. Tout de même, s'ils doivent agir en utilisant moins de ressources, quelqu'un devra assumer les coûts nécessaires pour rendre le système plus efficace. Le consommateur a un rôle à jouer à cet égard. Est-ce que c'est clair?
Le sénateur Frum : Tout à fait. Vos idées me paraissent bonnes. Je dirais que, pour une bonne part, la discussion sur cette question a pris une tournure morale, quasi religieuse qui complique la chose pour les gens. Je sais que Pollution Probe est une des très grandes forces derrière le programme de recyclage. Tout de même, il y a beaucoup d'informations erronées qui circulent à propos des avantages du recyclage. Quand les gens le découvrent, cela ne leur donne pas le goût d'écouter les autres messages que Pollution Probe peut avoir.
M. Oliver : Je vous entends bien. Peut-être pouvons-nous discuter du vocabulaire qu'il faudra employer pour renforcer le message plutôt que de détourner l'attention du message.
Le sénateur Massicotte : Je crois que nous saisissons tous l'importance d'agir de façon à nous assurer de disposer d'une énergie suffisante sans polluer le ciel ou la terre.
Je serai cynique; je me ferai l'avocat du diable. Vous allez écrire un autre livre qui se retrouvera sur les tablettes. Vous allez dire aux gens à quel point il importe d'être efficace et de se soucier davantage de la planète. Par contre, cela fait 40 ou 50 ans que nous parlons de l'idée d'acheter des produits canadiens. Le gouvernement conçoit toujours une nouvelle politique pour essayer de convaincre le public sinon le monde d'un truc donné. Les statistiques font voir un contexte favorable, mais elles ne produisent pas de résultats conséquents. À l'épicerie, par exemple, on trouve des tomates mexicaines et des tomates canadiennes. Les gens achètent les tomates mexicaines parce qu'elles sont un peu moins chères, même s'ils se sentent coupables de le faire au départ.
Jusqu'où peut-on aller avec les campagnes d'éducation et en faisant en sorte que les gens se sentent bien d'agir ainsi, sans avoir d'indication sérieuse du côté du prix?
M. Oliver : L'éducation est censée faciliter la reconnaissance du signal de prix qui s'impose. Si la technologie, l'infrastructure et le prix ne s'accordent pas pour faciliter et motiver un changement, ça ne se fera pas. On peut bien éduquer les gens, mais ça ne changera pas la donne. En consultant les spécialistes en énergie de tout le pays, nous essayons d'en arriver à un vocabulaire commun qui, selon eux, déboucherait sur le bon type de dialogue. En ce moment, il n'en est pas question. Le débat sur la filière énergétique au Canada se définit par des points de vue extrêmes sur des questions marginales qui y sont exprimées, dans de nombreux cas. L'essentiel de la filière et les façons possibles d'en arriver à une filière énergétique durable n'entrent même pas dans la discussion. L'abécédaire est un document pédagogique qui visait à faire valoir ces points.
Comme je l'ai dit, je ne crois pas que chaque Canadien lira le document, mais si c'était le cas, je m'en réjouirais au plus haut point. Même si chaque Canadien le lisait, cela ne déboucherait pas sur un changement extraordinaire; par contre, ça faciliterait peut-être le changement si nous commençons à discuter sérieusement des régimes de prix.
Le sénateur Massicotte : Est-ce un mouvement politique, d'une certaine façon? Vous essayez de pousser nos électeurs à inciter le gouvernement à adopter les bonnes politiques.
M. Oliver : Oui. Si je suis bien votre logique, la sensibilisation à cette question est vue comme une responsabilité chez Pollution Probe.
Le sénateur Brown : J'ai jeté un coup d'oeil à votre liste d'abécédaires. Pour rédiger L'abécédaire du smog, avez-vous consulté une étude sur les épurateurs des centrales au charbon? Les États-Unis recourent au charbon plus que tout autre pays au monde pour produire de l'énergie, et c'est à peu près le même scénario en Chine. Si nous voulons nous attaquer vraiment à la question des émissions, soit qu'il nous faut convertir toutes ces centrales, ce qui serait coûteux, soit qu'il faut trouver une solution au problème que posent les émissions des centrales au charbon. Cela vaut tout autant dans la province de l'Alberta. J'ai été conseillé aux services publics TransAlta pendant quatre ans. Notre charbon coûtait moins de 10 cents la tonne. Les responsables affirmaient qu'ils en avaient acheté suffisamment pour que cela dure 98 ans. Cette conversion-là sera extrêmement coûteuse. Nous devons utiliser les épurateurs pour nous attaquer aux émissions et non pas essayer d'éliminer les centrales au charbon. Nous pouvons aussi emmagasiner les émissions sous terre.
M. Oliver : L'abécédaire traitera du charbon et de ses répercussions, de même que des technologies permettant d'atténuer ces répercussions. Cibler le charbon représente une façon possible de s'attaquer aux émissions. Cela s'est fait dans certaines régions du monde, et en particulier en Ontario. Une approche systémique comprendrait le fait de compter le charbon comme ressource-intrant dans la filière énergétique. Alors, si nous arrivons à produire un système qui est moins exigeant en ressources, nous allons faire des progrès du côté des émissions provenant de la combustion de charbon, sans compter les technologies pouvant être adoptées au point de rejet.
Le sénateur Brown : Sur quelle énergie de remplacement insistez-vous — le gaz naturel ou le nucléaire?
M. Oliver : Pollution Probe ne préconise pas activement de stratégies de remplacement. Certes, nous sommes en faveur de l'élimination progressive du recours au charbon en Ontario. Cette stratégie-là prévoyait le recours au cycle combiné, de la biomasse et du gaz naturel à haut rendement parmi les solutions de remplacement possibles.
Le président : Il vaut peut-être la peine de souligner que le ministre de l'Environnement, Jim Prentice, a demandé que les centrales au charbon soient fermées d'ici 2020, je crois, si ce n'est pas avant.
Le sénateur Massicotte : Elles doivent être fermées au terme de leur vie utile.
Le sénateur Seidman : Merci d'être venu ce matin. Ma question porte sur l'électricité. Vous avez dit que Pollution Probe cherche à contribuer efficacement aux efforts d'information du public, par le truchement des abécédaires que vous produisez, et d'élaboration de politiques gouvernementales. Plus particulièrement, qu'en est-il des questions liées à l'électricité? En ce moment, les provinces contrôlent le prix de l'électricité, qui varie grandement d'un endroit à l'autre au pays. Pollution Probe a-t-elle des recommandations particulières à formuler à propos des coûts de l'électricité? Vous avez dit qu'il devrait y avoir une forme quelconque de cadre national de gestion de l'énergie qui soit à la fois cohérent et intégré.
M. Oliver : Je crois que les responsables provinciaux de l'énergie ont fait des progrès considérables quand il s'agit de favoriser une gestion de la demande. Dans la plupart des cas, les organismes de réglementation ont permis aux services publics de mieux recouvrer les coûts de mise en oeuvre des programmes et de compenser le fait qu'ils produisent un volume inférieur de la marchandise en question, soit l'électricité. Je crois que nous nous approchons déjà d'un système plus efficace. Nous devons continuer dans cette voie, sinon opter pour une forme quelconque de système de fixation du prix en fonction du coût.
Oui, les prix varient de façon extraordinaire d'un cas à l'autre, ce qui perturbe le signal de prix. Cela fragmente le marché du point de vue de l'efficience. Je crois que les consommateurs ne savent pas très bien comment réagir lorsqu'une marchandise est offerte à un si faible prix. En quoi cela les avantagerait-il de gérer leur demande à des fins de conservation? C'est pourquoi nous devons élargir le champ d'action des services publics provinciaux en ce qui concerne la façon de facturer les services aboutissant à la production d'électricité.
Le sénateur Seidman : Nous avons accueilli un témoin qui a parlé de la possibilité d'un marché de l'énergie réunissant les provinces, par exemple. Est-ce réaliste ou possible selon vous?
M. Oliver : Il faudrait adapter l'infrastructure de façon à faciliter le flux des marchandises « électriques » au pays. C'est assez fragmenté en ce moment. Nous sommes branchés sur nos marchés. Nous produisons un excédent d'électricité que nous vendons aux États-Unis. Ce n'est pas forcément une mauvaise façon de procéder. C'est pourquoi il nous faut un dialogue national sur nos objectifs, sur les technologies qui nous permettront de les atteindre et sur les modèles d'affaires et investissements en infrastructures qu'il nous faut associer à ces objectifs pour les atteindre.
Le sénateur Dickson : Votre document m'a impressionné. Je veux revenir à une question qui a été soulevée par le sénateur Banks et le sénateur Massicotte. Produire un autre livre qui se retrouvera sur les tablettes est important, mais, d'un point de vue concret et pratique, quelle importance accordez-vous à la nouvelle façon de penser de l'organisme de réglementation? Est-ce une chose qui figure en tête de liste chez vous?
Présumons que c'est le cas. Au sixième chapitre, vous parlez des politiques ayant le plus d'incidence sur les filières énergétiques au Canada. Allez-vous formuler des recommandations précises à l'intention du gouvernement? Autrement dit, allez-vous d'abord dans les hautes sphères plutôt que de commencer à la base?
M. Oliver : Non, nous n'allons pas formuler de recommandations. Les abécédaires ne sont pas des véhicules que nous employons pour formuler des recommandations ou influer sur les politiques. Les abécédaires reposent clairement sur les faits établis : voici la façon dont la filière actuelle fonctionne; voici ce que l'on fait à ce sujet; et voici d'autres trucs que l'on peut faire. Ce n'est pas un outil d'intercession à proprement parler; par contre, ce peut être le fondement d'une intercession éclairée, la variante que je préfère pour ma part.
En tant qu'organisme militant, en entreprenant cette étude, nous apprenons à propos de la filière énergétique une bonne somme de choses que nous ne savions pas encore. C'est une façon de niveler et de réinitialiser nos connaissances sur la question, pour que nous puissions devenir beaucoup plus efficaces. Nous pouvons travailler de façon productive aux changements qui vont se produire.
Par contre, nous dirons que le prix est contrôlé; nous avons affaire à un marché réglementé. L'objectif consiste à expliquer la façon dont le système fonctionne. Ensuite, Pollution Probe peut adopter certaines positions. Nous participons à des dialogues intéressants où l'évolution du modèle de prestation des services énergétiques représente une grande préoccupation là où il s'agit d'ouvrir la voie à une amélioration de l'efficacité dans l'ensemble du système.
Le sénateur Dickson : Y a-t-il un organisme qui situe son approche sur un niveau plus direct, plus positif que le niveau de l'abécédaire?
M. Oliver : Le niveau de l'abécédaire?
Le sénateur Dickson : Y a-t-il un autre organisme qui adopte une approche directe et formule des recommandations particulières au gouvernement en ce qui concerne la réglementation?
Le président : Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles le fait.
Le sénateur Dickson : Je parle d'un organisme que nous pouvons citer en référence.
M. Oliver : Je comprends ce que vous voulez dire. EFI et QUEST viennent à l'esprit. Vous allez discuter avec l'Institut Pembina. C'est une excellente source d'information aussi. À mes yeux, EFI et QUEST représentent deux tribunes où il est possible de mener une réflexion sérieuse sur la façon d'adapter la filière à nos besoins.
Le président : Merci, sénateur Dickson, et merci à tous vos collègues d'avoir été brefs. Nous arrivons au moment du changement. Je tiens à vous remercier au nom de tous mes collègues, monsieur Oliver. C'était extraordinairement édifiant pour nous. Votre document est excellent. C'est avec grand intérêt que nous attendons la publication de votre abécédaire. Encore une fois, je vous demanderai de nous faire parvenir des exemplaires. J'espère que vous allez pouvoir revenir témoigner à la prochaine étape de notre étude et discuter de la question avec nous. Je crois que nous sommes sur la même longueur d'ondes, sous réserve de ce que le sénateur Frum a dit, ce qui est une excellente chose que nous devrions tous garder à l'esprit.
Le sénateur Lang : À quel moment l'abécédaire sera-t-il terminé et publié?
M. Oliver : À l'été.
Le président : Sans plus tarder, je vous dirai : merci beaucoup.
Nous avons le privilège d'accueillir maintenant M. Tim Weis, à qui je souhaite la bienvenue. Il est directeur, Énergies renouvelables et efficacité énergétique à l'Institut Pembina, où il s'occupe de la planification stratégique, de la gestion et du développement de projets, des communications et de la sensibilisation du public, de même que de la défense d'intérêts et des recherches axées sur les orientations en ce qui concerne l'énergie durable. Je prends note du fait que vous nous avez fourni un dossier qui fait un peu plus de 40 pages.
J'ai signalé à M. Weis que nous serons appelés à libérer la pièce autour de 10 h 15; il nous reste donc une heure environ pour non seulement écouter son exposé, mais, nous l'espérons, entendre des questions très éclairantes de la part de mes collègues.
Merci, monsieur Weis. Vous avez la parole.
Tim Weis, directeur, Énergies renouvelables et efficacité énergétique, Institut Pembina : Merci de m'accueillir. Je sais que c'est un document assez long. Cependant, il contient beaucoup de photos et de documents de référence qui pourront servir par la suite. Je vais essayer de ne pas laisser l'exposé prendre toute la place.
Je suis content d'avoir été invité. C'est un sujet important et actuel pour le Canada et pour le reste du monde. Je vais passer rapidement la présentation en revue pour que nous ayons le temps de discuter de certains des enjeux.
Je ne parlerai pas, aujourd'hui, de recommandations politiques en particulier. J'aimerais plutôt donner un aperçu de la direction qu'a pris le monde et de là où il est rendu sur le plan de l'énergie renouvelable en particulier. L'industrie et les technologies ont incroyablement évolué au cours des cinq dernières années. Si vos connaissances à propos de l'énergie solaire et éolienne datent d'il y a cinq ans, elles sont maintenant dépassées. Les choses ont changé rapidement. C'est le message que je veux transmettre aujourd'hui.
Le président : Monsieur Weis, l'Institut Pembina est un groupe de réflexion qui jouit d'une grande reconnaissance dans ce domaine. Pouvez-vous nous parler brièvement de votre organisation, aux fins du compte rendu?
M. Weis : Nous célébrons le 25e anniversaire de la création de notre institut. Il a été fondé à Drayton Valley, en Alberta, à la suite de l'éruption du puits à Lodgepole, c'est-à-dire l'éruption de gaz acide qui est survenu tout juste à l'ouest d'Edmonton. Des citoyens avaient alors formé un groupe pour s'assurer que ce type d'accidents industriels ne se reproduirait pas. Pendant une bonne période, nous nous occupions surtout de surveiller l'exploitation de gaz et de pétrole en Alberta.
Depuis, l'organisation a évolué et elle met maintenant l'accent sur l'énergie et l'environnement, et sur les liens entre ces deux enjeux. Mon rôle au sein de l'institut consiste à examiner plus particulièrement les possibilités en matière d'énergie renouvelable et d'efficacité énergétique au Canada et de déterminer en quoi ces possibilités présentent des avantages stratégiques pour le pays.
Nous comptons environ 55 employés qui travaillent un peu partout au pays. Nous avons quatre bureaux en Alberta, de même qu'un bureau à Vancouver, un à Yellowknife, un à Toronto et un autre ici, à Ottawa. Nous nous occupons de divers enjeux. Dans les provinces où nous avons des bureaux, nous nous occupons des enjeux provinciaux, en plus de nous occuper d'enjeux fédéraux. Voilà un bref aperçu.
Le président : Comment votre organisme est-il financé?
M. Weis : La moitié de notre financement vient de la rémunération des services. Nous exécutons des contrats directement pour des entreprises, pour le gouvernement, pour les municipalités et pour des groupes des Premières nations. À peu près la moitié de notre argent vient de ces services. Nous recevons aussi des dons directs, et nous avons une fondation qui appuie notre travail de sensibilisation et de défense des intérêts.
Le président : Est-ce que c'est un organisme sans but lucratif?
M. Weis : Oui.
Le président : Même si vous recevez une rémunération pour vos services, vous êtes, de façon générale, un organisme sans but lucratif, et vous êtes enregistré comme organisme de bienfaisance, n'est-ce pas?
M. Weis : Oui, nous sommes enregistrés comme organisme de bienfaisance en Alberta. Cela résume assez bien en quoi consiste l'institut. Comme je l'ai dit, nous célébrons, en 2010, notre 25e anniversaire.
En ce qui me concerne, je dirige notre programme sur l'énergie renouvelable et l'efficacité énergétique. J'ai habité en Alberta pendant les neuf dernières années, et j'ai tout récemment déménagé ici, à Ottawa. Je suis ingénieur de profession. J'ai entrepris un doctorat à l'Université du Québec à Rimouski il y a environ huit ans.
Je voulais m'occuper des enjeux techniques. Je suis un ingénieur en mécanique, et je voulais m'occuper des enjeux qui concernent le contrôle de l'énergie éolienne dans l'Arctique. À mesure que j'ai fait des recherches à ce sujet, j'ai constaté que ce n'était pas la technologie qui empêchait la mise en place de ces systèmes, c'était plutôt des enjeux politiques. Même si je suis un ingénieur, je consacre tout mon temps à élaborer des politiques et effectuer des recherches à ce sujet, essentiellement parce que se sont les politiques qui ralentissent la mise en place de ces technologies, et non la technologie en tant que telle.
À la diapositive 5 se trouve une liste de certaines de nos publications. La plupart peuvent être téléchargées gratuitement sur Internet. Nous abordons toutes sortes d'enjeux, des sables bitumineux aux changements climatiques planétaires, en passant par l'énergie renouvelable.
Une des choses qui distinguent l'Institut Pembina, c'est que nous faisons aussi du travail sur le terrain. Nous avons une division de consultation; comme je l'ai dit, une partie de notre revenu provient de la rémunération de nos services. Certains de ces services sont offerts aux collectivités, plus particulièrement celles des Premières nations, et consistent à installer de l'équipement relatif à l'énergie renouvelable et à effectuer une surveillance des ressources, comme l'énergie éolienne et hydroélectrique.
Dans cette diapositive, vous pouvez voir une partie du travail que nous effectuons. Cela nous rend uniques, en ce sens que nous avons une bonne compréhension des véritables enjeux sur le terrain et que nous connaissons certains pièges à éviter quand il est temps de réaliser concrètement des projets.
Sur la diapositive suivante, on voit toutes les collectivités du Canada au sein desquelles nous avons travaillé dans le cadre de projets qui touchent l'énergie renouvelable et l'efficacité énergétique. Cela vous donne une idée de mes antécédents et de ceux de l'Institut, de même que de nos réalisations.
Aujourd'hui, je vais vous parler un peu des changements climatiques. Je ne veux pas aborder cette question en détail, mais c'est la raison pour laquelle nous discutons des autres enjeux. Je veux ensuite parler de la situation mondiale en ce qui concerne l'énergie renouvelable et les possibilités que nous avons au Canada.
Il est important de reconnaître que, quand il est question des changements climatiques, on entend souvent dire que la science n'a pas permis de prouver à 100 p. 100 l'existence de ces changements. Il faut comprendre que cette incertitude va dans les deux sens. Évidemment, la science présente des incertitudes; mais l'incertitude peut aussi vouloir dire que la situation est pire que ce que laissent présager les modèles actuels.
En fait, les plus récents rapports du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat, le GIEC, ont sous-estimé les changements auxquels nous assistons déjà dans l'atmosphère. La diapositive 10 contient une illustration de ce que prévoyaient les modèles et des données véritables; il fait plus chaud que dans le pire des scénarios imaginés dans certains de ces modèles.
La diapositive 11 concerne nos responsabilités au Canada. Nous sommes parmi les 10 pays qui émettent le plus de carbone, de façon absolue mais aussi per capita. Nous sommes parmi les 10 pays du monde qui émettent le plus de carbone. Nous avons donc un rôle à jouer, qu'il s'agisse de démontrer ce qui peut être fait, mais aussi de réduire nos émissions totales.
Je ne parlerai pas plus avant des changements climatiques, mais il est important de se souvenir que c'est à cause d'eux que nous discutons de ces enjeux.
Je vais parler plus particulièrement d'une solution, l'énergie renouvelable. Pour régler la question des changements climatiques, il faut s'attaquer à divers enjeux, mais je vais aujourd'hui parler seulement de l'électricité parce que je n'ai pas beaucoup de temps.
En 2007, l'électricité était responsable d'environ 16 p. 100 de nos émissions totales de gaz à effet de serre. Le diagramme à secteurs qui figure à la diapo 12 illustre le fait que, même si notre réseau électrique entraîne relativement peu d'émissions grâce à l'énergie nucléaire et hydroélectrique, cette petite tranche représente tout de même 16 p. 100 des émissions du pays, qui sont surtout attribuables au charbon et au gaz naturel. Même si notre système en général entraîne relativement peu d'émissions, il en entraîne tout de même beaucoup.
Le graphique qui figure à la page 13 concerne la situation en Alberta seulement et permet de constater que, dans cette province seulement, les émissions attribuables au charbon sont à peu près équivalentes, actuellement, aux émissions attribuables aux sables bitumineux. La situation changera fort probablement parce que le secteur des sables bitumineux croît rapidement. Pour mettre les choses en perspective, je dirais que le charbon est encore une source importante d'émissions.
Quelles sont les options qui s'offrent? La diapositive suivante illustre la croissance exponentielle de l'énergie renouvelable en termes de puissance installée et tout le chemin parcouru à ce sujet au cours des dernières années. La diapo 14 contient un graphique qui illustre le fait qu'il y a quatre ou cinq ans, de 2003 à 2005, nous étions à un niveau qui représente environ le tiers de notre niveau actuel. De plus, l'année 2005 a été une année record pour l'énergie éolienne. Pourtant, l'énergie renouvelable a pu croître encore plus.
La diapo suivante donne une idée de la répartition des investissements dans l'énergie renouvelable. Quand il est question des énergies renouvelables, l'énergie éolienne est la technologie qui revient le plus souvent. Elle est devenue celle qui coûte le moins cher, elle est celle qui a évolué le plus rapidement, et elle représente actuellement la plus grande part du marché. Vous pouvez constater qu'environ 50 p. 100 de l'argent investi dans l'énergie renouvelable est allé à l'énergie éolienne. C'est pourquoi elle occupe une grande place dans les discussions, mais il ne s'agit certainement pas de la seule technologie disponible.
À la diapositive 16, on peut voir que, en 2008, de l'argent destiné à la production d'électricité, la part investie dans l'énergie renouvelable à l'échelle mondiale était plus importante que celle investie dans l'énergie nucléaire, le charbon et le gaz naturel combinés. L'énergie renouvelable ne représente plus une solution marginale. Il s'agit d'une industrie importante qui entraîne d'énormes investissements, non seulement en Europe, mais aussi en Asie.
Sur la diapo suivante, on voit que les États-Unis sont devenus le plus grand marché pour l'énergie solaire en particulier, de même que le plus grand marché au monde pour l'énergie renouvelable. La situation changera à mesure que la Chine entrera sur le marché. À l'heure actuelle, on voit que l'Europe, l'Amérique du Nord et l'Asie entrent sérieusement sur le marché.
Les pays qui ont dominé le développement y sont arrivés parce qu'ils se sont fixé des objectifs très élevés. Sur la diapositive suivante, vous pouvez voir que l'Allemagne s'est fixé comme objectif que 80 p. 100 de son énergie provienne de sources d'énergie renouvelable. Elle accélère rapidement le rythme. L'Union européenne vise 20 p. 100 d'énergie provenant de sources renouvelables d'ici 2020. Le Texas s'est fixé un objectif de 6 000 mégawatts produits par l'énergie éolienne d'ici 2015, mais il a déjà dépassé cet objectif puisqu'il produit 9 000 mégawatts à l'aide de l'énergie éolienne. Il s'agit d'une quantité environ trois fois plus importante que ce que les installations éoliennes du Canada produisent.
Le président : À la page qui suit, il y a une carte des États-Unis. On voit que le Texas a un objectif de moins de 6 000 mégawatts d'ici 2015. Avez-vous dit qu'il produit actuellement 9 000 mégawatts?
M. Weis : Oui. La diapositive 19 illustre les objectifs que se sont fixés les États-Unis sous la forme d'objectifs d'énergie provenant de sources renouvelables d'ici une année en particulier. Le Texas a déjà dépassé de beaucoup ses propres objectifs.
Le Canada s'est aussi fixé des objectifs en matière d'énergie renouvelable. Province par province, si vous additionnez les objectifs de chaque province au cours des cinq prochaines années, nous nous retrouverons avec environ 15 000 mégawatts produits à l'aide de l'énergie éolienne si toutes les provinces respectent leurs objectifs. Cette quantité correspondrait à cinq fois ce que produisent actuellement nos installations éoliennes au Canada. D'ici cinq ans, jusqu'à 5 p. 100 de notre approvisionnement pourraient venir de l'éolienne. Cette part est à peu près équivalente à celle que représente actuellement le gaz naturel dans la production de l'électricité. Il s'agit d'une part importante du marché.
Nous nous sommes fixé un bon objectif à l'échelle fédérale. D'ici 2020, 90 p. 100 de notre électricité devra être produite à partir de sources qui n'émettent aucun gaz à effet de serre. Cet engagement faisait partie du discours du Trône prononcé en 2008. Pour donner une idée du contexte, 77 p. 100 de notre électricité est produite à partir de sources qui n'émettent pas de gaz à effet de serre. Il faudrait donc nettoyer environ 23 p. 100 du réseau électrique. Sur la diapositive suivante, à droite, vous pouvez voir ce que cela signifie pour le pays, c'est-à-dire la croissance prévue et la croissance requise. Si nous voulons atteindre cet objectif fédéral, c'est une part importante du réseau national qui devra être modifiée au cours des 20 prochaines années.
Pour vous donner une idée, si on veut atteindre l'objectif fédéral de 90 p. 100 d'énergie produite à l'aide de sources qui n'émettent pas de gaz à effet de serre d'ici 2020, il faudrait fermer 40 p. 100 de toutes les sources d'énergie actuelles qui émettent des gaz à effet de serre — celles qui utilisent le charbon, le gaz naturel et d'autres combustibles — ou leur ajouter des fonctions de captage et de stockage du carbone d'ici 2020. Si on prend seulement le cas du charbon, 85 p. 100 de nos installations existantes devraient être mises à niveau ou abandonnées progressivement si l'on veut atteindre cet objectif. C'est possible, mais c'est un objectif audacieux.
De fait, nous sommes probablement incapables de construire de nouvelles installations nucléaires ou hydroélectriques de grandes dimensions au cours des 10 prochaines années. La construction de tels projets exige trop de temps. Si nous voulons atteindre notre but, il faut multiplier par dix l'énergie produite aujourd'hui à partir de sources renouvelables.
L'Ontario abandonne progressivement ses centrales au charbon. La Nouvelle-Écosse a rendu public, vendredi dernier, un plan visant la réduction de 75 p. 100 à 40 p. 100 de son énergie produite dans les centrales au charbon d'ici 2020. Nous assistons à des progrès dans certaines provinces. L'Alberta construit une nouvelle centrale au charbon au moment même où on se parle. Certaines régions ont fait des progrès, mais dans d'autres, il reste du travail à faire.
Comme vous pouvez le voir, le Danemark y est arrivé. C'est possible. Ce pays est parti de grandes usines centralisées — comme on peut le voir à la diapo 23 — qu'il a remplacées par de plus petits réseaux d'énergie éolienne, mieux répartis, auxquels viennent s'ajouter des centrales de production combinée de chaleur et d'électricité. La diapo 14 permet de voir à quelle vitesse le Danemark a été capable de donner une grande place à l'énergie éolienne dans un délai de dix ans. L'énergie éolienne représentait au départ un peu plus de 2 p. 100 de l'approvisionnement national en énergie et elle est passée à une part de 20 p. 100. Ce changement peut se faire rapidement si le gouvernement le souhaite vraiment.
Pendant la même période, les émissions du Danemark attribuables à la production d'électricité ont diminué d'un tiers pendant que l'énergie éolienne prenait de plus en plus de place. Il est possible d'accélérer sérieusement l'adoption des énergies renouvelables tout en réduisant les émissions de gaz à effet de serre.
J'aimerais vous lire le témoignage de l'exploitant du réseau électrique, ELTRA, présenté au gouvernement en 2003 :
Nous avons dit que le réseau électrique ne pouvait pas fonctionner si l'énergie éolienne augmentait au delà de 500 MW.
Essentiellement, il affirmait que l'énergie éolienne était trop instable et que nous ne connaissions pas encore ses répercussions sur le réseau. Il ajoutait :
[...] nous en produisons presque cinq fois plus. Et je dois dire au gouvernement que nous sommes prêts à en produire encore plus [...]
Malgré les gains importants qu'il a réalisés, le Danemark a aussi connu des crises de croissance. Ça n'a pas été facile à réaliser. L'exploitant du réseau a reconnu qu'il y avait eu des difficultés. Ils étaient incertains, mais, au bout du compte, ils ont réussi à intégrer beaucoup plus d'énergie provenant de sources renouvelables que ce qu'ils avaient prévu, au départ.
La diapositive suivante illustre le plan de l'Ontario. Les chiffres proviennent de l'Ontario Power Authority, l'OPA. D'ici quatre ans, la province abandonnera graduellement ses centrales au charbon. Elle les remplacera essentiellement par un mélange de centrales au gaz naturel et de sources d'énergie renouvelable. Il est possible d'utiliser ces technologies pour éliminer le charbon.
La diapositive suivante illustre à quel point certains pays ont été capables de faire la transition rapidement. L'Allemagne et l'Espagne sont les deux vedettes que l'on donne habituellement en exemple quand il est question du développement de l'énergie renouvelable et de la rapidité à laquelle la production d'énergie renouvelable peut être entreprise.
En m'en venant ici, j'ai lu que l'Allemagne produisait 5 000 mégawatts à l'aide de ses installations solaires. Pour vous donner une idée de la rapidité à laquelle ces chiffres deviennent désuets, je peux vous dire que l'Allemagne produit actuellement 9 000 mégawatts grâce à l'énergie solaire. J'ai recueilli ces chiffres il y a huit mois. L'Allemagne a augmenté ses capacités de production d'énergie solaire de 3 000 mégawatts au cours de la dernière année; l'Espagne produit environ 3 p. 100 de son approvisionnement national en énergie à partir de l'énergie solaire. Celle-ci peut permettre de produire de l'énergie qui peut être utilisée à l'échelle d'un pays.
Sur la diapo qui suit, on voit que l'Iowa produit environ 7 p. 100 de son électricité grâce à l'énergie éolienne; l'Espagne produit pour sa part 11 p. 100 de l'énergie du pays à l'aide d'installations éoliennes. Un élément à souligner; l'Espagne — comme vous pouvez le voir dans le bas de la diapo — peut produire jusqu'à 40 p. 100 de l'électricité du pays à l'aide de l'énergie éolienne pendant certaines journées particulièrement venteuses. On ne parle plus de technologie marginale ou secondaire. C'est ce que j'essaie de faire comprendre. Il est possible d'avoir de grandes répercussions à l'échelle du pays.
La diapositive suivante illustre où en sont rendus les divers États en ce qui concerne l'utilisation de l'énergie solaire. Celle-ci a tellement pris d'importance que le chef de la réglementation à la Federal Energy Regulatory Commission des États-Unis, la FERC, Jon Wellinghoff, a dit, essentiellement, que l'énergie renouvelable occupe maintenant une telle place que le pays n'avait plus besoin d'envisager de nouvelles centrales nucléaires ou au charbon. Ce n'est pas moi qui le dis, ni une organisation non gouvernementale, une ONG. C'est le chef de la réglementation aux États-Unis. Cela donne une idée de la place actuelle de ces technologies.
Ces technologies permettent non seulement de produire de grandes quantités d'électricité, elles permettent aussi une énorme croissance de l'industrie. En Allemagne, plus de 90 000 personnes travaillent dans le secteur éolien. Il y a, là- bas, environ 300 000 personnes qui travaillent dans le secteur de l'énergie renouvelable. En Allemagne, l'industrie de l'énergie renouvelable atteignait environ 50 milliards de dollars en 2008.
En 2008, l'industrie de l'énergie renouvelable en général atteignait 140 milliards de dollars, mais nous assistons à une croissance exponentielle de cette industrie. On s'attend à ce que l'énergie éolienne devienne une industrie d'un billion de dollars d'ici la fin de 2020. Il s'agit de beaucoup d'argent. On ne peut plus parler d'un petit marché à créneau.
Aux États-Unis, 24 États ont ouvert de nouvelles usines de fabrication en 2008. Ce chiffre aura beaucoup augmenté en 2009 en raison de l'énorme financement de stimulation que le président Obama souhaite investir dans l'énergie renouvelable.
La diapo 33 contient les résultats d'une étude récente sur la place que prendra l'énergie éolienne au sein de l'Union européenne. Il est intéressant de constater que, si les Européens paient actuellement un peu plus pour l'énergie éolienne, ils prévoient que, d'ici 2020, cette même énergie permettra de faire diminuer le prix du marché au comptant en Europe ainsi que le prix à la consommation. Il s'agit d'un investissement à long terme qui permettra, en dix ans, de réduire les prix en Europe. L'étude révèle aussi que l'énergie éolienne peut remplacer, en partie, la génération des centrales de base. Elle peut être combinée avec d'autres technologies et d'autres énergies renouvelables de façon à permettre des gains importants.
À cet égard, il est important, pour le Canada, de s'inspirer de ce que font les Américains. Je cite le président Obama :
[...] une économie fondée sur l'énergie verte et renouvelable n'est pas qu'une utopie ou un projet lointain, c'est un projet qui prend vie maintenant. Il permet de créer des emplois maintenant, et il peut mener à la création de millions d'emplois supplémentaires et de toutes nouvelles industries si nous agissons sans tarder.
C'est important, compte tenu du contexte canadien. La diapositive 34 illustre que, dans les derniers budgets, les Américains investissent dans l'énergie renouvelable un montant par habitant qui atteint un taux de 18 pour un par rapport à ce que le Canada investit à l'échelle fédérale. Le marché atteint des proportions énormes aux États-Unis, de façon générale, mais aussi par habitant. Il y a d'énormes investissements dans l'énergie renouvelable, ce qui crée un fort effet d'aspiration en provenance du sud de la frontière qui vient attirer nos industries aux États-Unis. C'est important pour le Canada étant donné l'ampleur qu'a pris l'industrie à l'échelle mondiale et la position que nous occupons sur le plan concurrentiel à l'échelle internationale, et plus particulièrement, en Amérique du Nord.
Le président : Monsieur Weis, je m'excuse de vous interrompre, mais j'aimerais éclaircir une chose. Pour vous, est-ce que l'énergie nucléaire et l'énergie hydroélectrique ne sont pas des énergies renouvelables? Vous parlez seulement de l'énergie solaire et de l'énergie éolienne.
M. Weis : Nous parlons des nouvelles technologies émergentes qui ont peu d'impact sur l'environnement. Je ne considère pas l'énergie nucléaire comme une énergie renouvelable.
Le président : Est-ce à cause de l'approvisionnement en uranium?
M. Weis : L'approvisionnement en uranium n'est pas illimité.
Le président : Qu'en est-il de l'énergie hydroélectrique?
M. Weis : L'hydroélectricité s'assortit de ses propres enjeux, mais nous pensons que, dans l'ensemble, c'est une meilleure solution que les autres options. Les vastes réseaux hydroélectriques dont nous avons hérité constituent un avantage, mais je ne m'attarde pas à ces deux technologies aujourd'hui parce qu'il est impossible de construire de telles installations en peu de temps, et que nous parlons de ce qui peut être fait au cours des 10 prochaines années. Il est peu probable que nous mettions sur pied un nouveau réseau hydroélectrique fonctionnel ou que nous ouvrions une nouvelle centrale nucléaire au cours des 10 prochaines années.
Il y a aussi un autre enjeu concret à ce sujet, et c'est le fait qu'il ne reste plus beaucoup de régions au Canada où l'on peut construire des réseaux hydroélectriques, même si la Colombie-Britannique en est une. Le Québec dispose de quelques grands réseaux, mais on ne peut pas dire que nous avons un surplus de grandes ressources hydroélectriques inexploitées.
Le président : On nous a dit que des projets d'au moins 25 000 mégawatts sont en train d'être créés, et qu'il existe un potentiel pour 163 000 mégawatts de plus. Je ne sais pas si ces chiffres sont exacts, mais ils nous ont été fournis dans le cadre de témoignages.
M. Weis : Évidemment, on peut regrouper l'électricité produite par les grandes centrales, les petites centrales et les centrales au fil de l'eau.
Les technologies dont nous parlons dans cet exposé incluent les centrales hydroélectriques au fil de l'eau, qui ont un faible impact sur l'environnement.
Le président : Nous avons entendu, la semaine dernière, le réputé M. David Keith. Je crois que vous le connaissez. Il a insisté sur les particularités du Canada, dont sa géographie et ses réseaux propres existants. Il a dit que nous ne devions pas oublier d'éviter de nous éparpiller. Il a affirmé, plus ou moins, que, même s'il est vrai que les énergies éolienne et solaire sont très intéressantes, nous avions décidé de laisser de côté le secteur éolien parce qu'il est très coûteux et relativement petit.
Comme vous approchez de la fin de votre exposé, je voulais vous mettre au courant de ce qu'on nous a dit. Sans faire de mauvais jeu de mots, nous sommes soufflés par l'importance que vous accordez à l'énergie éolienne ce matin.
M. Weis : La diapositive 35 aborde cette question. Évidemment, je ne veux pas laisser entendre que l'énergie éolienne est la seule technologie qui représente une solution. Ce que je dis plutôt, c'est que, à l'heure actuelle, l'énergie éolienne domine le marché mondial en ce qui concerne les investissements dans l'énergie renouvelable. C'est pour cette raison que j'en parle.
Cependant, la diapositive 36 contient une étude qui a été effectuée en Alberta pour savoir ce qui se passerait si la demande d'électricité en Alberta devait doubler au cours des 20 prochaines années, comme c'est prévu. L'étude a été effectuée au moment où l'Alberta atteignait le sommet de son expansion et s'attardait aux technologies pouvant être utilisées pour éviter la construction de nouvelles centrales au charbon en Alberta. Nous voulions aussi éviter la construction de nouvelles centrales nucléaires. Nous avons constaté que, même si la demande d'électricité doublait en Alberta au cours des 20 prochaines années, il était possible de répondre aux besoins en approvisionnement grâce à ce mélange de technologies.
Il faut bien souligner que l'énergie éolienne n'est pas la seule technologie que nous utilisons; nous avons accès à tout un ensemble de technologies. L'un des messages clés en ce qui concerne les énergies renouvelables, c'est qu'une technologie ne réglerait pas le problème à elle seule, mais que l'énergie éolienne fait certainement partie de la solution. De nombreux types de technologies en font partie.
En ce qui concerne l'argument soulevé par M. Keith, j'espère que certaines de mes diapositives illustrent le fait que ces technologies peuvent prendre une place croissante et être utilisées à grande échelle pour fournir de grandes quantités d'électricité. Je suis d'accord avec lui pour dire qu'ils ne sont pas l'unique solution au problème, ni un remède miracle qui réglera tous les problèmes, mais elles méritent qu'on s'y attarde sérieusement si l'on veut entraîner d'importantes réductions de gaz à effet de serre. L'Europe l'a prouvé.
Évidemment, les énergies éolienne et solaire coûtent plus cher. En fait, l'énergie solaire coûte actuellement beaucoup plus cher. Mais si nous n'investissons pas dans ces secteurs, rien ne viendra faire diminuer les prix. Nous avons vu le prix de l'énergie solaire diminuer de 30 p. 100 l'an dernier. Si nous attendons et nous restons sur la touche, d'autres pays vont développer cette technologie, et les prix diminueront. La question qu'il faut se poser, c'est : où voulons-nous nous situer sur le marché?
On peut consulter sur notre site web l'étude au sujet de l'Alberta. Ce que je veux faire comprendre avec cette diapositive, c'est justement ce sur quoi porte votre question : on a besoin d'un mélange des technologies, et l'énergie éolienne n'est pas la seule technologie. Cela vaut souvent la peine d'insister parce qu'il y a tant de malentendus à propos des possibilités qu'offre l'énergie éolienne. J'ai apporté avec moi une fiche d'information qui aborde certains enjeux concernant l'énergie éolienne.
Même si, aujourd'hui, je n'aborde que la question de l'énergie renouvelable, les chances stratégiques pour le Canada reposent sur l'efficacité, l'efficacité et encore l'efficacité. C'est la priorité à laquelle on doit consacrer nos investissements. Il ne sert à rien d'investir dans des technologies intéressantes si celles-ci se retrouvent intégrées à un réseau inefficace. Nous pouvons réaliser des gains importants dans ce secteur, très rapidement.
Le président : À la diapositive 36, qui concerne le virage écologique du réseau de l'Alberta, on voit, tout en haut, l'efficacité. Bien sûr, il s'agit non pas d'une nouvelle source d'énergie, mais du fait qu'il faut simplement utiliser les ressources existantes de façon plus efficace. Est-ce exact?
M. Weis : Oui. Essentiellement, vous pouvez faire baisser la courbe de l'approvisionnement d'un montant équivalent.
Le président : C'est un très gros morceau.
M. Weis : Au Texas, pour avoir le droit de construire une nouvelle centrale, vous devez obligatoirement réussir à faire augmenter l'approvisionnement de 10 p. 100 en améliorant seulement l'efficacité.
Atteindre une telle efficacité n'est pas impossible. L'étude a révélé que nous pourrions facilement réaliser des gains de 50 p. 100 grâce à l'efficacité. Cela dépend de nos choix économiques quand vient le temps d'investir notre argent et de nos taux de rendement. Dans l'ensemble, nous pourrions réduire énormément notre consommation d'énergie.
La diapositive 37 aborde d'autres idées et d'autres technologies qui existent, mais dont je n'ai pas parlé aujourd'hui. Le stockage de l'énergie deviendra un enjeu énorme, surtout si nous décidons d'intégrer de grandes quantités d'énergie renouvelable. Je crois aussi que l'énergie marémotrice constitue une possibilité particulièrement stratégique pour le Canada parce que nous avons de très bonnes ressources marémotrices. La baie de Fundy est la meilleure ressource au monde.
La technologie des puits géothermiques profonds ne suscite pas assez de discussions. Il s'agit essentiellement de creuser profondément dans la croûte terrestre, jusqu'à une distance de trois à 10 kilomètres — pour trouver des roches qui dégagent de la chaleur et injecter de l'eau de façon à ce que de la vapeur se forme et ressorte dans des régions où il n'y a pas de sources chaudes naturelles. Cette technologie n'a pas encore vraiment été perfectionnée mais, compte tenu des connaissances spécialisées du Canada en matière de forage, je crois que c'est une technologie dans laquelle nous devrions investir massivement.
Toutefois, nous n'avons même pas, à l'heure actuelle, de carte du Canada. C'est une mesure que pourrait prendre le gouvernement fédéral dès maintenant : dresser une carte des ressources dont on dispose au pays.
Le président : Voulez-vous parler des structures géologiques?
M. Weis : Oui, nous ne savons pas sur quoi nous sommes assis. Nous ne savons pas où se trouvent les points chauds au pays, ce qui permettrait à tout le moins de commencer par savoir si l'utilisation de l'énergie géothermique serait possible.
Le président : On nous a dit que l'essentiel, c'est d'avoir la bonne composition géologique. Nous sommes surpris, je crois, d'apprendre qu'il n'existe pas de carte, surtout compte tenu du fait que le Canada est un pays où les mines sont très importantes.
M. Weis : Il y a deux types d'énergie géothermique, et les gens les confondent souvent. L'énergie géothermique utilisée en Islande, par exemple, ou encore en Californie ou en Italie, se retrouve là où il y a des sources chaudes ou des geysers naturels. Il y a naturellement de la vapeur chaude sous la terre, et vous pouvez la récolter pour en faire de l'électricité.
Je parle plutôt des puits géothermiques profonds. Il s'agit, essentiellement, de créer ces sources d'eau chaude à des endroits où elles n'existent pas déjà.
Le sénateur Lang : Pomper l'eau vers le fond du trou, la chauffer puis la ramener à la surface.
M. Weis : Il faut forer très profondément, c'est vrai. C'est une technologie qui n'a pas encore été développée.
Pour la technologie dont vous parlez, nous n'avons probablement pas de ressources importantes dans la plupart des régions du pays, mais il y a tout de même des possibilités. On parle actuellement de construire une centrale dans les Territoires du Nord-Ouest — une centrale géothermique dans le sens classique —, et il y a aussi des possibilités en Colombie-Britannique.
De toute évidence, l'énergie éolienne en mer offre de grandes possibilités. La dernière chose que j'aimerais souligner et qu'on oublie souvent, c'est la question des collectivités éloignées, qui m'intéresse particulièrement. Nous comptons environ 200 collectivités éloignées, au Canada, qui tirent en grande partie leur énergie du carburant diesel. Elles subissent de grandes fluctuations des prix.
Le Canada a été l'un des premiers à adopter la technologie pour les collectivités éloignées et à intégrer l'énergie éolienne et le carburant diesel dans ces collectivités, mais il n'a à peu près pas développé cette technologie ailleurs au Canada. À l'heure actuelle, la technologie est en majeure partie exportée vers l'Alaska. Juste avant de quitter ses fonctions, Sarah Palin a investi 250 millions de dollars dans l'énergie renouvelable, essentiellement dans les réseaux éoliens-diesel dans les collectivités éloignées. Nous exportons actuellement notre technologie en Alaska, à tel point qu'une grande part de notre technologie a fait l'objet d'ingénierie inverse et que des entreprises américaines s'emparent maintenant de parts du marché qui auraient dû appartenir aux Canadiens.
Il y a encore de nombreuses collectivités éloignées qui dépendent du carburant diesel. J'aimerais beaucoup que ces collectivités soient alimentées par la technologie canadienne plutôt que nous rachetions cette technologie aux Américains. C'est là un rôle que le gouvernement du Canada pourrait jouer. C'est un rôle moins important que dans le cas des autres technologies, mais, comme on oublie souvent d'en parler, je tenais à le souligner ici.
En résumé, à très grande échelle, ce que peut ou ce que doit faire le gouvernement fédéral, c'est faire de l'énergie renouvelable une priorité. Cela peut sembler un peu évident, mais c'est très important.
À l'heure actuelle, nous n'accordons pas à l'énergie renouvelable une place aussi grande que celle qu'elle représente sur le marché; nous ne l'abordons pas en fonction des possibilités qu'elle nous offre. Si nous en faisions une priorité, nous verrions que toutes sortes de politiques et de décisions en découleraient. Ça peut sembler très évident, mais je crois que ça ne fait même pas partie du plan.
Il serait aussi important d'envisager une stratégie nationale en matière d'énergie renouvelable parce que certaines des fluctuations qui existent avec l'énergie renouvelable sont différentes de ce que nous avons avec les réseaux actuels; il faudrait donc mieux intégrer les réseaux électriques. La tarification du carbone a probablement déjà été mentionnée à de nombreuses occasions, donc je ne m'attarderai pas à cette question, mais il s'agit, de toute évidence, d'une chose que pourrait faire le gouvernement fédéral.
Des mesures incitatives pour le déploiement et l'accès à des capitaux seraient aussi des mesures que pourrait prendre le gouvernement fédéral pour donner son appui, en plus de soutenir les nouvelles technologies. Ce sont là des conseils très généraux. Je sais que l'un des problèmes du gouvernement fédéral, c'est que bon nombre des enjeux en matière d'électricité relèvent du provincial. On entend donc souvent demander quel rôle le gouvernement fédéral peut jouer. D'un point de vue général, ce sont là divers secteurs où le gouvernement fédéral pourrait jouer un rôle.
Je constate que j'ai dépassé un peu le temps qui m'était alloué, mais la dernière diapositive que j'aimerais vous montrer traite d'un projet très intéressant dont j'aimerais vous faire part. Il y a deux centrales de recherche : à gauche, c'est la centrale McMurdo, qui fonctionne à 60 hertz et, à droite, il y a la centrale de recherche Scott Base, qui appartient à la Nouvelle-Zélande. Les deux réseaux sont connectés, ce qui signifie qu'il y a deux réseaux de fréquences distincts qui sont connectés l'un à l'autre. Ils sont séparés par une distance de trois kilomètres et sont connectés par des éoliennes; ces éolienne permettent de déplacer 60 p. 100 du carburant diesel. D'un point de vue technique, vous ne trouverez pas de projet plus complexe. C'est incroyablement difficile à faire fonctionner. Ce projet se trouve en Antarctique, où il y a de très forts vents, et utilise deux fréquences distinctes; il se construit aujourd'hui.
Je pense que cela nous ramène à mon point de départ. La technologie a atteint des niveaux très élevés, et il y a des choses que nous pouvons faire, et ce, dès maintenant. C'est un peu comme ce qu'a répondu Wayne Gretzky quand on lui a demandé ce qui faisait qu'il était un si bon joueur de hockey. Il a répondu : « Je patine pour me rendre là où s'en va la rondelle, pas pour aller là où elle est passée. » Il faut donc se demander où s'en va la rondelle et où le Canada souhaite se positionner dans ce marché en général.
Je vous remercie d'avoir pris le temps de m'écouter et je serai heureux de répondre à vos questions.
Le président : Merci, monsieur Weis, vous avez présenté un point de vue très intéressant. Nous allons commencer par le sénateur Mitchell, le vice-président.
Le sénateur Mitchell : C'était un exposé très intéressant.
Le président : C'est en plein votre rayon.
Le sénateur Mitchell : Oui. Je crois qu'il y a des possibilités extraordinaires, et vous les avez fait ressortir mieux que toutes les personnes que j'ai entendues se prononcer à ce sujet auparavant.
J'ai trouvé intéressant d'apprendre que Sarah Palin, la plus républicaine des républicains, était intervenue dans l'économie pour que le gouvernement investisse 250 millions de dollars dans l'énergie renouvelable. C'est fantastique. J'espère que ce sera mentionné dans le rapport. Je vais insister pour que ça soit fait.
Le président : Continuez à vous rendre à la National Tea Party Convention.
Le sénateur Neufeld : Êtes-vous allé l'écouter?
Le sénateur Mitchell : Non, je ne l'ai pas fait, mais j'ai entendu ce dont j'avais besoin, je peux vous le dire.
De toute évidence, si l'énergie éolienne a évolué, c'est parce qu'elle a été subventionnée ou que les gouvernements ont investi dans ce secteur. À quel moment cela devient-il économique? C'est l'argument qu'on nous sert toujours ici — ce n'est pas une énergie économique, elle ne peut pas concurrencer les combustibles fossiles.
Y a-t-il, par ailleurs, des subventions équivalentes pour les combustibles fossiles, qui viennent s'ajouter aux avantages des régimes de redevances de quelque sorte, par exemple, de celui dont profitent les sables bitumineux.
M. Weis : La réalité, c'est que l'énergie a toujours été subventionnée, quelle que soit sa forme. Qu'on parle de l'énergie nucléaire, du pétrole, des sables bitumineux ou de l'énergie éolienne, tous les réseaux ont reçu des subventions exceptionnelles, et ce, à juste titre. Le travail du gouvernement, c'est d'investir dans les biens publics.
Par exemple, des sommes d'argent énormes ont été investies dans le secteur des sables bitumineux pour le rendre rentable. Ce n'est que depuis quelques années que les sables bitumineux sont rentables.
Je n'ai pas tous les chiffres concernant ces subventions. En 2005, nous avons effectué une étude qui portait sur certaines subventions aux combustibles fossiles, mais elle est un peu dépassée maintenant.
En ce qui concerne le moment auquel ces technologies seront concurrentielles quelque part dans le monde, ce moment est déjà atteint. L'une des raisons pour lesquelles le Texas a fait les choix qu'il a faits, c'est parce que l'énergie éolienne est devenue, de façon marginale, plus économique que la construction de centrales qui utilisent certaines des autres technologies.
L'une des raisons pour lesquelles il est difficile, pour les technologies renouvelables, d'être concurrentielles — et j'utilise encore l'exemple de l'énergie éolienne, mais ce n'est certainement pas la seule technologie — c'est parce que notre infrastructure actuelle a été mise en place pour fonctionner de pair avec nos réseaux actuels. C'est pourquoi toutes les lignes de transport se rendent à des centrales nucléaires ou à de grandes centrales hydroélectriques ou au charbon. Cela a été fait grâce à du soutien public ou à des investissements effectués par des contribuables, mais surtout grâce au soutien public dans les années 1950, 1960 et 1970.
Vous vous retrouvez donc avec des technologies qui tentent d'être concurrentielles au sein d'un réseau créé d'abord et avant tout pour d'autres types de technologies. Cela entraîne des coûts et des difficultés supplémentaires. D'une certaine façon, c'est pour cette raison que nous voulons soutenir ces types de technologie : pour leur offrir des règles du jeu équitables en ce qui concerne l'accès au réseau en général, ou même l'accès au marché.
Le sénateur Mitchell : Vous avez parlé du prix du carbone. Tout le monde dit qu'il faut fixer le prix du carbone. Si vous pouviez choisir, adopteriez-vous le système des permis d'émission ou imposeriez-vous une taxe sur le carbone?
M. Weis : Le mécanisme qui sera employé nous importe peu, mais pour ce qui est d'agir, le plus tôt sera le mieux. Le fait de ne pas savoir où nous allons cause du tort à tout le monde. Qu'il s'agisse de l'industrie du gaz, du pétrole ou des énergies renouvelables, il faut bien comprendre que l'incertitude cause du tort à tous. Plus tôt nous mettrons quelque chose en place et commencerons à indiquer la direction que nous voulons suivre, mieux ce sera.
Le sénateur Neufeld : Pour gagner du temps — le président me corrige toujours à ce sujet — j'aimerais que vous nous transmettiez certains renseignements. Il a déjà posé une question à propos de l'énergie éolienne, sujet sur lequel la présentation semble porter.
Pouvez-vous nous remettre une diapositive qui nous dirait où se situe exactement chacun des pays mentionnés dans la diapositive 11 en ce qui concerne leur participation, en pourcentage, à l'émission totale de GES à l'échelle de la planète? La diapo 17 illustre bien pourquoi l'énergie éolienne est importante. Je ne suis pas sûr pour ce qui est de l'Espagne ou du Portugal, mais j'aimerais que vous nous en disiez plus à propos de la France. Dites-nous quel est le prix résidentiel moyen de l'électricité dans chacun de ces pays.
Le sénateur Banks : Il est de 38 cents.
Le sénateur Neufeld : À la diapo 35, je crois, vous dites que le Canada est même derrière les États-Unis en ce qui concerne l'investissement par habitant dans l'énergie durable. Nous devrions être fiers du Canada et dire que nous sommes propres à 75 p. 100. Si on observe la situation aux États-Unis, plus de 60 p. 100 de l'électricité viennent du charbon. Pourquoi ne pas montrer une carte du Canada et parler de ce qui a été fait dans chaque province? En Colombie-Britannique, une part de 90 p. 100 de notre énergie est propre.
Le président : C'est 93 p. 100.
Le sénateur Neufeld : Oui, une part de 93 p. 100 de notre énergie est propre, mais nous souhaitons maintenir un niveau de 90 p. 100. Ce genre de choses nous aiderait un peu. M. Keith nous a dit d'oublier l'énergie solaire au Canada. Il a dit très clairement que l'énergie solaire ne constituait pas la solution, mis à part pour chauffer l'eau des maisons ou d'autres choses du même genre. Les gens veulent utiliser l'énergie solaire à cette fin, mais ce n'est pas une solution pratique pour de grandes applications commerciales.
Est-ce que votre organisme approuve les centrales au fil de l'eau, les grandes centrales hydroélectriques et les centrales qui utilisent l'énergie marémotrice? Est-ce que l'Institut Pembina dit officiellement qu'il appuie ces types de projets? Je tiens à préciser que je viens de la Colombie Britannique.
Le président : Oui, et il le dit ici même à la télévision.
M. Weis : Je vais répondre à votre première question à propos des investissements et des raisons pour lesquelles je veux souligner les investissements effectués par les États-Unis.
C'est un argument essentiellement économique. Au bout du compte, le marché pour les technologies qui utilisent l'énergie renouvelable est énorme ici. C'est vrai, le réseau électrique actuel de la Colombie Britannique est assez propre. Si la Colombie Britannique veut améliorer son rendement énergétique, elle devra se concentrer sur les véhicules électriques et remplacer les systèmes de chauffage par des thermopompes utilisant le sol comme source de chaleur et utilisant l'air comme source froide.
Le sénateur Neufeld : Nous le faisons déjà.
M. Weis : Oui, mais de façon plus importante, ce qui fait que nous aurons besoin de plus d'électricité. Au bout du compte, nous aurons besoin de nouvelles sources d'électricité.
Le sénateur Neufeld : Vous semblez être d'accord avec cela.
M. Weis : Nous ne sommes pas en désaccord, mais nous ne sommes pas d'accord non plus. Au bout du compte, c'est un enjeu local. Toutes ces technologies sont associées à des enjeux locaux. Je crois qu'on ne peut pas dire que je donne carte blanche à l'énergie éolienne et que j'appuie son utilisation n'importe où, parce que ce n'est pas le cas. Je ne peux pas dire que j'appuie l'utilisation de l'une ou l'autre de ces technologies n'importe où parce qu'il y a toujours des contraintes et des enjeux locaux.
Nous essayons de ne pas prendre part à des projets en particulier ou à des projets qui se déroulent sur des sites en particulier. Ce sont habituellement des enjeux qui touchent les personnes qui vivent à cet endroit. Il revient aux membres des Premières nations et des collectivités de la région de prendre une décision.
Le sénateur Neufeld : Pourriez-vous nous fournir certaines de ces diapositives?
M. Weis : Oui, je vais voir ce que je peux faire.
Le sénateur Neufeld : Ce serait bien. Je vous remercie.
Le sénateur Massicotte : Merci d'être ici aujourd'hui.
De toute évidence, le gouvernement devra relever un important défi s'il veut atteindre son objectif de 90 p. 100 à partir d'un taux de 75 p. 100. Vous affirmez que l'énergie éolienne fait partie de la solution. Cela donne à penser, indirectement, que le gouvernement a de grandes ambitions et devrait recevoir des félicitations. Vous dites : «Si nous pouvons atteindre un taux de 90 p. 100. » Cependant, si le gouvernement vise vraiment cet objectif, il devra relever tout un défi. Est-ce bien l'objectif du gouvernement?
M. Weis : Oui. C'est certainement un pas dans la bonne direction, et c'est certainement un objectif positif. À l'heure actuelle, il n'y a pas beaucoup de politiques en place qui pourraient permettre de l'atteindre. Cependant, si nous sommes sérieux à ce sujet, il s'agit certainement d'un objectif louable. Le Canada serait sur le bon chemin.
Le sénateur Massicotte : Vous parlez beaucoup de l'énergie éolienne. Vous avez dit que, au Texas, l'énergie éolienne semble entièrement axée sur le marché. En Ontario, au Canada, nous recevons principalement de 10 à 12 cents en tarif préférentiel, et c'est notre façon de subventionner ce secteur. Est-ce que c'est vraiment beaucoup moins que ce qui est offert à d'autres endroits où l'énergie éolienne est vraiment en concurrence avec les centrales électriques ou alimentées au charbon? Quel est le niveau le plus bas que nous atteindrons avec l'énergie éolienne, si on s'appuie seulement sur le marché et qu'on ne verse pas de subventions?
M. Weis : L'Alberta est probablement le meilleur exemple d'un endroit où l'énergie éolienne se développe en s'appuyant seulement sur le prix du marché. Dans tous ces cas, il s'agit de projets d'une durée de 20 ou de 30 ans. Dans certains cas, il faut spéculer un peu pour savoir quels seront les prix. Ce n'est peut-être pas une solution économique aujourd'hui, mais elle le deviendra, on l'espère, dans quelques années.
Le sénateur Massicotte : Quel est le tarif le moins élevé au monde?
M. Weis : L'Alberta est probablement l'un des meilleurs exemples.
Le sénateur Massicotte : Quel est le tarif?
M. Weis : Il est fondé sur le marché, ce qui signifie qu'il fluctue en tout temps. Il va de 8 à 9 cents le kilowattheure.
Le sénateur Massicotte : L'Ontario verse donc une subvention trop généreuse, avec ses 11 cents.
M. Weis : C'est un marché tout à fait différent. Pour que les choses soient justes, l'Alberta devrait recevoir un montant complémentaire d'à peu près 1 cents du programme fédéral, qui est actuellement à court d'argent. Je ne connais pas les chiffres en Alberta, mais le tarif se situe à peu près entre 8 et 10 cents par kilowattheure — en fait, c'est probablement plus près de 9 ou de 10 cents.
Le vent devient incroyablement capricieux quand il est question de l'énergie éolienne. L'Alberta dispose d'un régime éolien tout à fait fantastique dans le sud de la province. C'est pourquoi l'énergie éolienne est devenue économique à de tels prix. L'Ontario n'a pas le même régime éolien que l'Alberta.
Le sénateur Massicotte : Vous avez parlé pas mal de l'emploi. En ce qui concerne l'énergie éolienne, la majeure partie de l'équipement a été importé. Par exemple, il a été fourni par General Electric, entre autres. À la suite de la construction des installations, il est resté très peu d'emplois. Est-ce normal? Est-ce que l'énergie éolienne garantit un grand nombre d'emplois continus?
M. Weis : Oui, il existe encore un nombre assez important d'emplois. Je ne me souviens pas des chiffres, comme ça, au pied levé, mais les installations éoliennes de Pincher Creek, en Alberta, emploient un certain nombre d'employés de soutien de façon permanente. Sur le site web de l'Association canadienne de l'énergie éolienne, la CanWEA, on peut consulter un feuillet d'information qui mentionne le nombre de personnes qui travaillent dans l'industrie éolienne à Pincher Creek.
Pour tout réseau d'énergie, qu'il s'agisse de l'énergie nucléaire, hydroélectrique ou de n'importe quel autre type d'énergie, la création du réseau entraîne un beaucoup plus grand nombre d'emplois que son exploitation et son entretien. C'est comme ça, c'est tout.
Le sénateur Massicotte : J'ai cru comprendre que la France a instauré un moratoire sur la construction de nouvelles éoliennes. Est-ce exact? Le cas échéant, pourquoi?
M. Weis : Je ne suis pas du tout au courant de cette affaire. D'après ce que je sais, c'est faux.
Le sénateur Lang : J'aimerais revenir sur le coût associé à la production d'énergie avec le vent. Dans votre fiche d'information, vous affirmez que l'énergie éolienne côtière coûte généralement de 8 à 12 cents le kilowattheure, selon l'importance du site. Est-ce que cette estimation des coûts tient compte de la solution d'appoint qui permet de prendre la relève quand vous ne produisez pas d'énergie parce qu'il n'y a pas de vent, ou s'il faut y ajouter le coût qu'il faut pour prendre la relève de l'énergie éolienne quand celle-ci est interrompue?
M. Weis : Tout système a besoin d'une solution d'appoint pour prendre la relève. L'an dernier, j'ai examiné les chiffres, à l'intention de l'Independent Electricity System Operator de l'Ontario, l'IESO. La moitié des centrales nucléaires ont été arrêtées pendant 45 jours. Environ 25 p. 100 de l'approvisionnement en énergie de l'Ontario a été interrompu parce que les centrales nucléaires ont été inactives pendant environ 45 jours. Le fait d'avoir besoin de systèmes de relève ne constitue pas une nouveauté au sein du réseau électrique. C'est ainsi; le fait est que c'est comme ça que ça fonctionne. Ce prix du marché correspond essentiellement au prix auquel l'énergie éolienne peut se vendre au sein du réseau. Évidemment, le réseau sera appuyé par des systèmes de relève intrinsèques.
Le sénateur Lang : Il s'agit d'un élément en plus?
M. Weis : Oui, mais la situation est la même pour tout réseau électrique en fonction. Vous avez besoin d'une solution d'appoint.
Le sénateur Lang : J'aimerais aborder un sujet plus général dont vous n'avez pas parlé dans votre exposé, mais auquel vous participez, j'en suis sûr, d'une façon ou d'une autre, et je veux parler des divers processus d'évaluation environnementale utilisés partout au pays. Vous avez dit un peu plus tôt qu'il est difficile, au Canada, de voir une centrale nucléaire être construite en 10 ans. Dans des endroits comme la Chine, où les systèmes sont différents, il est possible de voir une centrale nucléaire se construire en quatre ans, une fois que la décision est prise — ça ne veut pas dire que c'est nécessairement correct.
Les gouvernements sont aux prises avec les processus longs et complexes qui ont été mis en place. Je pense que vous n'étiez peut-être même pas né quand le projet du pipeline de la Vallée du Mackenzie a été entrepris, et il n'est toujours pas terminé.
J'aimerais savoir si vous ou votre organisme appuyez l'orientation des gouvernements provinciaux et fédéral quand ceux-ci tentent de simplifier les réseaux entre eux pour que les programmes d'évaluation en arrivent à des décisions dans un délai prescrit et pour que l'information fasse rapidement l'objet d'une analyse.
M. Weis : En théorie, ce n'est pas mon secteur, alors je crains de m'aventurer en terrain inconnu. De toute évidence, des gains peuvent être faits, mais les changements qui peuvent être apportés risquent d'entraîner des conséquences imprévues. Le régime d'évaluation environnementale a été mis sur pied pour quelque chose. Je ne veux pas en dire beaucoup plus.
La Coalition du budget vert, dont est membre l'Institut Pembina, compte environ 20 des plus grands groupes environnementaux du Canada. Certains groupes qui font partie de cette coalition s'occupent plus particulièrement des enjeux en matière d'évaluation environnementale. Ils seraient peut-être mieux placés pour vous donner des réponses. Je peux vous faire part de ce que disent certains de ces groupes à propos de la situation actuelle en matière d'évaluation environnementale.
Le sénateur Lang : Je suis d'accord pour dire que nous devons prendre des mesures actives pour déterminer si l'énergie éolienne est viable dans les collectivités éloignées, selon la situation de chaque collectivité et son utilisation d'une centrale diesel. Si nous n'agissons pas, il en coûtera si cher pour faire fonctionner des collectivités dans l'Arctique et dans le Nord que nous ne pourrons tout simplement plus nous le permettre. Le gouvernement devrait s'attarder à cette question.
Le sénateur Frum : C'était un exposé intéressant. J'ai bien aimé obtenir toute l'information que vous nous avez fournie à propos de la valeur de cette énergie. Je vous suis reconnaissante d'avoir inclus une page à propos des problèmes associés à l'énergie éolienne, comme les considérations liées à la santé et au bruit et les répercussions des éoliennes sur l'environnement.
Je viens de l'Ontario. Vous dites que les cibles de réduction actuelles de l'Ontario sont plus importantes que celles de huit pays européens. Voulez-vous dire qu'elles sont trop strictes ou trop rigoureuses? Quand vient le temps de décider où les projets se situeront en Ontario, quels sont les aspects pris en considération?
M. Weis : Je ne suis pas médecin, alors je ne peux pas vous dire exactement quels devraient être les cibles de réduction. Je ne pense pas que nous affirmons que les cibles de l'Ontario sont trop strictes. Elles sont simplement plus audacieuses que dans certains pays européens. L'Ontario a tenté de retrouver un certain équilibre entre le fait de favoriser le développement et l'établissement de lignes directrices concernant l'endroit où ce développement devrait avoir lieu.
Je ne me souviens pas de la seconde partie de votre question.
Le sénateur Frum : À quel point dispose-t-on de flexibilité quand vient le temps de choisir l'emplacement d'un projet, plus particulièrement en Ontario, où, comme vous l'avez dit, le régime éolien n'est pas très bon. Je ne suis pas sûre de ce que ça veut dire. À quel point a-t-on le choix de l'emplacement?
M. Weis : Je ne voulais pas dire que l'Ontario a un mauvais régime éolien, mais plutôt qu'il n'est certainement pas aussi bon que celui du sud de l'Alberta. Le vent est capricieux. Cela a avoir avec l'équation cinétique selon laquelle la quantité d'énergie que contient le vent a un rapport cubique avec la vitesse du vent. Cela signifie que si la vitesse du vent double, vous obtenez huit fois plus de puissance. C'est toutefois une lame à double tranchant puisque, s'il y a un peu moins de vent, vous vous retrouvez avec beaucoup moins d'énergie éolienne. Une variation de 10 p. 100 dans un sens représente une variation de 30 p. 100 de l'énergie, ce qui signifie une variation de 30 p. 100 des données économiques, ce qui peut venir détruire un projet, d'une façon ou d'une autre.
Le choix des endroits où on installe des éoliennes se fait donc de façon très minutieuse. Il faut choisir les régions les plus venteuses et où l'accès au réseau est le plus facile. C'est certainement l'une des contraintes en Ontario. Le nord de l'Ontario et les régions près de la baie d'Hudson présentent de bons régimes éoliens, mais n'ont pas accès au réseau. Certaines éoliennes sont installées à des endroits où on espère trouver un vent suffisant en plus d'un accès au réseau. On a une certaine flexibilité quand vient le temps de choisir l'emplacement des éoliennes, mais ce sont les deux aspects du développement.
Vous avez posé une question au sujet des contraintes. Dans certaines régions, vous ne voudrez pas faire de développement, et il faut tenir compte des effets cumulatifs. Je ne veux pas donner à penser que nous avons carte blanche parce que l'énergie éolienne n'a pas de répercussion, ni qu'elle doit être mise en place n'importe où, puisqu'il faut se tenir loin des parcs et des régions protégées. Le processus d'évaluation environnementale vous permet d'éviter certains de ces problèmes.
Le sénateur Frum : Il faut beaucoup de coopération de la part de la collectivité. Ce n'est pas tout le monde qui considère qu'un parc éolien constitue un attrait pour le voisinage.
M. Weis : C'est vrai, et ce n'est pas tout le monde qui juge qu'une ligne de transport d'électricité ou qu'une grande autoroute est attirante. C'est la réalité.
Le sénateur Frum : C'est juste.
Le président : Ce n'est pas tout le monde qui trouve qu'une centrale nucléaire est jolie, non plus.
Le sénateur Peterson : Merci de votre exposé. Que vouliez-vous dire par stockage d'énergie?
M. Weis : Je vais utiliser l'exemple de l'énergie solaire. Essentiellement, il s'agit d'être capable de stocker l'énergie recueillie pendant les heures d'ensoleillement pour pouvoir l'utiliser la nuit. Pour ce faire, on pense tout de suite aux piles, mais ce n'est peut-être pas la technologie que vous voulez utiliser à grande échelle.
Il faut rendre justice au gouvernement : le Fonds pour l'énergie propre a investi dans quelques projets pilotes de stockage au cours de la dernière année, au Canada. L'une des possibilités consiste à avoir recours à l'air comprimé, que vous utilisiez un ancien puits de gaz naturel ou une ancienne caverne de sel vide. Quand il fait vraiment soleil ou qu'il vente beaucoup et que l'on produit de l'énergie en surplus, il est possible de pomper de l'air dans une caverne afin de créer une pression. Quand vous avez besoin de l'énergie, vous laissez l'air sous pression sortir et vous le faites passer dans une turbine pour obtenir de l'énergie. Cette méthode peut être utilisée pour l'approvisionnement en gros.
Il y a d'autres possibilités pour le stockage de l'hydroélectricité. En Europe, on utilise couramment le stockage par pompage. Ce pourrait être une option pour le Canada, où il y a de grands réseaux hydroélectriques. Quand vous avez un surplus de vent, de soleil ou d'une autre source d'énergie, vous pouvez pomper l'eau pour qu'elle retourne dans les réservoirs. Vous pouvez même utiliser les mêmes conduites forcées, puisque l'eau passe dans la conduite et que vous la pompez pour qu'elle retourne dans le réservoir. Nous avons, sur notre site web, un guide qui aborde à peu près huit technologies distinctes. À l'heure actuelle, la plupart d'entre elles en sont à une étape du développement précommercial.
Le sénateur Peterson : Pouvez-vous envisager l'énergie nucléaire comme une part importante de la solution au problème de réduction des gaz à effet de serre?
M. Weis : Nous ne sommes pas contre l'énergie nucléaire en tant que telle. Cependant, nous avons certaines préoccupations à ce sujet et au sujet du stockage à long terme. L'un des problèmes, à court terme, c'est la mesure dans laquelle vous pouvez construire rapidement ces technologies et les relier au réseau. Du point de vue du marché, strictement, il y a deux préoccupations concernant l'énergie nucléaire. D'abord, le nucléaire présente le problème opposé à celui des énergies renouvelables, c'est-à-dire que vous ne pouvez pas lancer ou interrompre la production d'énergie. Tout comme vous ne pouvez pas contrôler le vent, vous ne pouvez pas non plus contrôler l'énergie nucléaire. Elle fonctionne à plein régime, 24 heures sur 24, sept jours sur sept. C'est le même problème qu'avec le vent, mais à l'inverse. L'Ontario a ce problème avec une trop grande part de l'énergie de base. À certains moments, elle doit vendre l'énergie à des prix négatifs aux États-Unis parce qu'elle en a trop.
Cela constitue un peu un problème quand vient le temps d'intégrer les énergies renouvelables à l'énergie nucléaire; les deux ne vont pas bien ensemble. Les énergies renouvelables présentent leurs propres préoccupations en matière de fluctuation, tandis que les centrales nucléaires doivent fonctionner à plein régime en tout temps. Les deux ne s'entendent pas très bien. Le fait d'avoir un réseau plus flexible et une plus grande capacité de stockage de l'énergie permet de trouver un heureux équilibre entre les deux technologies.
Le deuxième problème avec l'énergie nucléaire, c'est qu'elle coûte très cher. Le gouvernement fédéral a déjà versé des milliards de dollars en subventions à l'énergie nucléaire. Au cours de la dernière année, je crois que le gouvernement a versé un milliard de dollars pour couvrir les dépassements de coût dans l'industrie du nucléaire. La plus récente soumission pour la construction d'une nouvelle centrale nucléaire en Ontario a été rejetée parce que celle-ci coûtait incroyablement cher. À notre avis, les énergies renouvelables peuvent être utilisées plus rapidement que l'énergie nucléaire, et ce, à un coût généralement moins élevé.
Le sénateur Peterson : Même si les centrales fonctionnent 24 heures sur 24, sept jours sur sept, elles n'émettent pas de gaz à effet de serre. La France compte un important pourcentage de centrales nucléaires.
M. Weis : J'essaie de dire que nous ne sommes pas absolument contre, mais qu'il y a des problèmes dont il faut tenir compte.
Le sénateur Peterson : Est-ce que votre institut soutient la technologie du captage et du stockage de carbone?
M. Weis : Notre point de vue sur le captage du carbone est le même que sur l'énergie nucléaire, c'est-à-dire qu'il s'agit, pour l'instant, d'une technologie coûteuse. Les énergies renouvelables constitueraient probablement un investissement plus rentable. Au bout du compte, au Canada comme partout dans le monde, il sera difficile d'atteindre des cibles scientifiques sans une certaine forme de captage et de stockage du carbone. Nous appuyons le développement de ces méthodes, mais nous nous demandons qui devrait payer. Est-ce que ce sont les entreprises qui polluent qui devraient payer pour le captage et le stockage du carbone, ou plutôt les contribuables? Quand nous réussirons à capter et à stocker du carbone, nous aurons fait un pas en avant.
Le sénateur Massicotte : Vous n'encouragez pas l'énergie nucléaire ni le captage du carbone parce qu'il s'agit d'activités coûteuses. Vous mentionnez toujours que les énergies renouvelables constituent la solution. Pouvons-nous y arriver? Vous avez mentionné, précédemment, qu'il était difficile, avec les énergies renouvelables, d'atteindre l'objectif de 90 p. 100. Si nous devions abandonner l'énergie nucléaire, l'énergie hydroélectrique et le captage et le stockage du carbone, pourrions-nous atteindre cet objectif?
M. Weis : Nous pourrions l'atteindre avec les énergies renouvelables.
Le sénateur Massicotte : Vous voulez dire, sans l'énergie nucléaire ni hydroélectrique?
M. Weis : Nous n'atteindrons pas cet objectif grâce à l'énergie nucléaire ou hydroélectrique puisqu'aucune installation ne sera construite d'ici 2020.
Le sénateur Massicotte : Selon votre graphique, même s'il y a une accélération importante, cela demeure tout de même une petite partie de tout notre approvisionnement en énergie.
M. Weis : Il faut du temps. En Allemagne, 1 p. 100 de l'énergie provenait de l'énergie solaire, mais ils ont réussi à le faire double en trois ans. Après trois ans, il aura atteint 2 p. 100, et trois ans plus tard, il sera de 4 p. 100.
Le sénateur Massicotte : C'est loin de 100 p. 100.
Le sénateur Brown : J'ai obtenu une très bonne réponse à ma question de la part du sénateur Neufeld quand il a posé une question à propos des pourcentages fournis à la diapo 11. J'aimerais que vous me disiez ce que vous entendez par « au total ». Vous avez dit que, en matière d'énergie, nous nous approchons des États-Unis si nous observons les chiffres par habitant. Cependant, dans le bas de la diapositive, vous mentionnez aussi « au total ». Cela donne l'impression que nous émettons plus de gaz à effet de serre que tous les autres pays du monde, mis à part les États-Unis. Nous sommes à 2 p. 100, je crois. Certaines personnes affirment que nous sommes presque à 3 p. 100.
M. Weis : En fait, pour être juste, il faut dire qu'il y a deux points distincts. Le graphique illustre les émissions par habitant. Si l'on observe la situation par habitant, nous sommes parmi les 10 pays du monde qui émettent le plus de gaz à effet de serre. Si vous examinez seulement les émissions dans tous les pays du monde, et la quantité totale de dioxyde de carbone émise, le Canada fait toujours partie des 10 plus importants émetteurs.
Le sénateur Brown : Vous affirmez que les taux de 2 p. 100 ou de 3 p. 100 d'émissions dont on nous a parlé ne sont même pas près de la réalité?
M. Weis : Ils sont justes. Si vous prenez 300 pays du monde, ces 2 p. 100 supérieurs nous placent dans les 10 premiers pays.
Le sénateur Brown : Est-ce que nous nous trouvons avant la Chine et l'Allemagne?
M. Weis : Je n'ai pas la liste avec moi, mais le Canada est au huitième ou au neuvième rang.
Le sénateur Brown : Le Canada est au bas de votre graphique.
M. Weis : Ce graphique illustre les émissions par habitant et parle des émissions au total et par habitant.
Le sénateur Banks : J'aimerais vous offrir un peu de réconfort avant que vous nous quittiez après avoir répondu à nos questions. Comme l'ont fait remarquer le président et le sénateur Neufeld, toutes les personnes qui se sont présentées devant le comité ont affirmé que l'énergie éolienne n'était pas importante, un peu comme s'ils lui donnaient de petites tapes sur la tête. Vous êtes la première personne à nous dire que c'est véritablement une solution intéressante qui pourrait gagner en importance. Vous devriez le savoir.
Pour rendre les choses plus claires puisque la réunion se déroule en public, vous avez dit que l'octroi de subventions à l'énergie fait partie du bien public. Si l'on tient compte de l'objet de tout cela, c'est-à-dire l'efficience et la durabilité de l'énergie, ne s'agit-il pas du contraire de la vérité? N'est-ce pas exactement le contraire que de dire que le prix de vente au consommateur et l'acquittement des véritables coûts de l'énergie par les personnes intéressées constituent les meilleures façons de nous assurer que nous utilisons l'énergie de façon durable? L'octroi de subventions n'est-il pas à l'opposé de tout cela?
M. Weis : En l'absence de prix de vente au consommateur, vous voulez, en dernier recours, que des subventions soient versées. À l'heure actuelle, nous ne mettons pas de prix sur la pollution ou les émissions. Il ne nous reste donc plus qu'une corde à notre arc, et il s'agit des règlements et des subventions publiques.
Le sénateur Banks : L'Institut Pembina est en faveur, dans certains cas, de l'octroi de subventions publiques pour la production d'énergie, n'est-ce pas?
M. Weis : Oui.
Le sénateur Banks : Merci.
Le président : Monsieur Weis, vous avez dit qu'il fallait reconnaître le fait que les politiques ralentissent le développement et la mise en oeuvre de nouvelles technologies, et non l'inverse. Nous procédons à la présente étude parce que les entreprises privées qui exploitent le pétrole, par exemple, ne veulent pas qu'on les critique parce qu'elles ne développent pas de nouvelles technologies et ne consacrent pas d'argent à cette fin. Elles ont besoin de connaître les détails des politiques et des règles d'application connexes. Ensuite, elles seront prêtes à consacrer de l'argent à ce développement. Je ne suis pas certain d'avoir bien compris : avez-vous dit que les technologies existent, mais que les diverses politiques et les divers règlements du gouvernement sont des facteurs inhibiteurs? Avez-vous des exemples?
M. Weis : L'absence de tarification du carbone est certainement l'un des facteurs les plus importants, tout comme l'absence de tarification de la pollution. Il y a aussi les enjeux de fond que nous n'avons pas le temps d'aborder. Le système, dans sa forme actuelle, permet l'utilisation des technologies existantes, ce qui crée un déséquilibre. S'il n'y a pas de politiques qui permettent à d'autres technologies d'entrer dans le réseau ou qui viennent faciliter cette entrée, nous continuerons à faire face à ce déséquilibre.
J'utiliserai les dernières minutes qu'il me reste pour récapituler et revenir sur ce qu'a dit le président à propos du fait que je suis le seul témoin à ne pas favoriser ces éléments. Je répète que je ne dis pas que l'énergie solaire est l'unique solution, ni une panacée.
Le sénateur Banks : Vous affirmez qu'il s'agit d'un volet pratique de la solution.
M. Weis : Oui. Les énergies renouvelables jouent un rôle clé dans la solution. C'est l'essentiel de mon propos. Elles existent, et elles représentent une énorme industrie à l'échelle mondiale. Il n'y aura jamais de panacée. Ce qu'il nous faut, ce sont des remèdes à chaque problème, et nous avons là une possibilité tout à fait concrète.
Le président : Je vous remercie, monsieur Weis. Votre point de vue est intéressant et encourageant. J'espère que nous pourrons nous adresser à l'Institut Pembina pour obtenir plus d'information à mesure que nos travaux se poursuivront.
(La séance est levée.)