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ENEV - Comité permanent

Énergie, environnement et ressources naturelles

 

Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles

Fascicule 8 - Témoignages du 8 juin 2010


OTTAWA, le mardi 8 juin 2010

Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd'hui à 17 h 15 pour étudier l'état actuel et futur du secteur de l'énergie du Canada (y compris les énergies de remplacement); (sujet : l'exploration et le forage pétroliers/gaziers au large des côtes du Canada : la situation actuelle des activités/ règles et règlements applicables); et le Décret modifiant l'annexe 2 de la Loi sur les aires marines nationales de conservation du Canada, de même qu'un rapport au Parlement intitulé « Réserve d'aire marine nationale de conservation et site du patrimoine haïda Gwaii Haanas », déposé au Sénat le mardi 8 juin 2010 conformément à la Loi sur les aires marines nationales de conservation du Canada, L.C. 2002, ch. 18, par. 7(1).

Le sénateur W. David Angus (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Nous venons de passer en séance publique. Pour la transcription, je précise qu'il s'agit d'une réunion régulière du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles. Dans l'avis de convocation de la réunion de ce soir, vous constaterez que nous allons accueillir des témoins de Ressources naturelles Canada ainsi que le ministre, Christian Paradis.

Avant cela, je vais vous demander votre consentement pour traiter d'une question dont nous avons débattu à huis clos, bien que ce ne soit pas inscrit dans l'avis de convocation, relativement à une demande que le ministre de l'Environnement nous a adressée. Il nous a demandé de rejeter ou d'approuver un amendement proposé à la Loi sur les aires marines nationales de conservation du Canada, amendement visant à permettre la création d'une aire marine nationale de conservation sur le territoire Gwaii Haanas, anciennement connu sous le nom d'îles de la Reine-Charlotte. Il s'agit d'une réserve de conservation marine et d'un site patrimonial haïda. Nous avons pris les dispositions pour que vous ayez tous la documentation relative à cette demande. Nous avons eu des discussions à huis clos, bien que pas très poussées, et avons bien compris ce dont il s'agit.

Sans plus attendre, puis-je considérer que j'ai l'assentiment général pour inscrire ce point à l'ordre du jour bien qu'il n'ait pas été mentionné dans l'avis?

Des voix : D'accord.

Le président : Merci. Sénateur Banks, vous avez la parole.

Le sénateur Banks : Quand nous avons reçu cela aujourd'hui et qu'il en a été question pour la première fois, j'ai dit au vice-président et au président que j'avais de sérieuses réserves à l'idée d'en traiter ainsi. Toutefois, après y avoir regardé de plus près, j'ai fini par comprendre ce dont il s'agit.

Pour que les sénateurs aussi comprennent bien, je rappelle que certains d'entre eux étaient membres du comité quand nous avons adopté la Loi sur les aires marines nationales de conservation du Canada, loi qui fait partie de la documentation qu'on nous a remise. Les articles 5 et 7 de cette mesure portent sur ce qui vous est soumis aujourd'hui. Pour faire simple, disons que vous avez ici les éléments de base d'une loi de conservation. L'article 5 porte que le gouverneur en conseil peut modifier la loi en ajoutant, en annexe, la description des zones concernées. Comme le président nous l'a expliqué à huis clos, l'article 7 dit qu'à cette occasion le gouverneur en conseil doit demander l'approbation des comités concernés des deux chambres du Parlement qui, dans chaque cas, disposent de 31 jours pour faire part de leur réponse faute de quoi le décret est appliqué. En cas d'objections ou de réserves exprimées par l'une ou l'autre des deux chambres, une autre procédure s'applique.

Voilà pour les éléments de base. Ce que j'ai craint au début, c'est qu'on ait modifié ces éléments de base par rapport au texte que nous avions adopté, mais ce n'est pas le cas. Prenez le gros classeur noir à l'avant-dernier onglet où il est indiqué que le décret, explicité à l'article 5, ne donne ni plus ni moins qu'une description de la zone visée à l'annexe 1 de la loi. Ce qu'il advient de la zone en question, la façon dont elle sera traitée, ce qui s'y passe, ce qui y est permis ou interdit est énoncé dans la loi que nous avons adoptée il y a deux ans je crois.

Tout ce que nous devons approuver aujourd'hui, monsieur le président, ce dont je me réjouis sans quoi je me serais objecté avec véhémence à ce qu'on adopte un document que nous n'aurions quasiment pas vu avant, se trouve dans cette partie du classeur sous le titre « Amendement ». Il s'agit d'une description, assortie d'une disposition d'entrée en vigueur qui précise que le texte en question entrera en vigueur le jour où il sera enregistré, soit 32 jours après son dépôt au Parlement ou le jour auquel les comités du Sénat et de la Chambre l'auront tous deux approuvé. Partant, je propose que nous approuvions cette demande.

Le président : Merci, sénateur Banks. Y a-t-il un comotionnaire?

Le sénateur Neufeld : Moi.

Le président : C'est appuyé par le sénateur Neufeld.

Avant de passer au vote, y a-t-il débat?

Le sénateur Mitchell : Oui. Je tiens à réitérer ce que le sénateur Banks vient de dire et à insister sur le fait que cette réserve marine est à l'océan ce que les parcs nationaux sont au continent. Ce sera la première au monde et très certainement la première au Canada. Cette réserve a la même importance pour l'océan que la réserve du Parc national Nahanni, établi assez récemment, pour le continent. C'est pour cette raison qu'elle revêt une grande importance sur le plan de l'environnement et qu'elle crée un merveilleux précédent pour toutes les réserves marines à venir.

Il convient de remarquer que, pour l'instant, près de 10 p. 100 de la masse terrestre du Canada relève de la compétence des parcs nationaux. Pour la première fois, une partie relativement petite des eaux canadiennes relèvera désormais de la compétence du service qui administre les réserves marines nationales. J'espère que, dans l'avenir, nous reconnaîtrons plus vite de telles réserves. Le sénateur Dickson a parlé de l'île de Sable. C'est une possibilité, mais il y en a bien d'autres. Il est important d'inciter le gouvernement à agir de son côté.

Je suis d'accord avec le sénateur Banks parce que je pense, moi aussi, qu'il n'y a pas lieu de s'inquiéter du fait que cela se fasse par décret plutôt que par le biais de la loi. J'estime que la loi décrit bien ce dont il est question tandis que le décret, pour sa part, décrit la zone visée. Je serai très heureux d'appuyer ce texte. En appuyant cette mesure, nous contribuerons directement à quelque chose de très important et d'historique.

Le président : Merci, sénateur Mitchell. En cette Journée mondiale des océans, nous avons parmi nous M. Latourelle qui est président et PDG de Parcs Canada, l'organisme chargé de l'administration de la loi. C'est une grande occasion. J'espère que le vote se passera bien. Nous allons maintenant mettre la question aux voix.

Êtes-vous d'accord avec la motion qui, si j'ai bien compris, devrait se lire à peu près comme suit : Comme convenu et conformément à l'ordre de renvoi du mardi 8 juin 2010, votre comité, après avoir été saisi de l'ordonnance de modification de l'annexe 2 de la Loi sur les aires marines nationales de conservation du Canada a étudié et agréé les amendements soumis et fait rapport à ce sujet.

Le sénateur Banks : C'est ce que je voulais dire.

Le président : Eh bien vous l'avez fort bien dit.

C'est proposé et appuyé. Que tous ceux qui sont en faveur se signalent.

Des voix : D'accord.

Le président : Pas d'opposition?

Je déclare la motion adoptée à l'unanimité. Merci beaucoup.

Le sénateur Banks : Je veux faire une brève remarque. Il faut s'assurer que tous les intéressés comprennent bien que nous ne venons pas de créer un précédent et que nous n'allons pas désormais accepter tous les documents et projets de loi et toutes les propositions et motions ou autres qu'on nous soumettra, et que nous n'allons pas en disposer le jour même où nous les recevrons, c'est-à-dire avant d'avoir eu la chance de les lire.

Le président : Le président de Parcs Canada prendra sûrement acte que j'ai fait la même remarque ce matin quand cette question a été portée à mon attention pour la première fois et que j'ai même ajouté des conditions dont j'ai fait part à certains d'entre vous à titre personnel.

Nous avons tenu nos promesses. Nous sommes tous très heureux de l'avoir fait. Je serai également heureux de déposer cela au Sénat, demain, conformément à la motion.

Nous avons devant nous une soirée qui promet d'être intéressante avec les témoins de Ressources naturelles Canada.

Bonsoir, mesdames et messieurs, chers collègues, membres de l'auditoire, téléspectateurs de CPAC et internautes. Nous poursuivons cette réunion officielle du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles.

Je m'appelle David Angus et je préside le comité. Sont également présents le sénateur Grant Mitchell, de l'Alberta, qui est vice-président; nos éminents recherchistes de la Bibliothèque du Parlement, Sam Banks et Marc Leblanc; le sénateur Tommy Banks, de l'Alberta, qui m'a précédé dans ce fauteuil; le sénateur Robert Peterson de la Saskatchewan; le sénateur Elaine McCoy de l'Alberta; notre éminente greffière Lynn Gordon; le sénateur Judith Seidman du Québec; le sénateur Fred Dickson, de la Nouvelle-Écosse, expert dans les questions d'exploitation au large; le sénateur Bert Brown de l'Alberta, qui est le seul sénateur élu; et le sénateur Linda Frum de l'Ontario.

[Français]

Monsieur le ministre, je vous souhaite une bienvenue chaleureuse. Il s'agit d'auditions spéciales d'urgence que nous avons décidé de convoquer à la lumière des événements survenus dans le golfe du Mexique après la tragédie de Deepwater Horizon.

Nous avons entendu les sondages qui disent que la grande partie, au moins 50 p. 100 du peuple canadien, est en faveur d'une cessation immédiate des forages à l'extérieur des océans canadiens et nous nous demandons pourquoi. Si nous comprenons bien, nous n'avons aucun forage actuellement sur la côte ouest ni dans l'Arctique. Dans l'Atlantique, nous avons un forage soit pour le gaz en Nouvelle-Écosse et pour l'huile dans les divers champs à l'extérieur de Terre-Neuve-et-Labrador.

Nous avons déjà eu trois rencontres. Les Canadiens sont très étonnés de la situation parce que de faux renseignements circulent à travers les médias canadiens. Clarifier la situation rendra un grand service aux citoyens canadiens.

Monsieur le ministre, nous avons suivi vos propres déclarations à la Chambre des communes et ailleurs. Vous êtes au courant de tout ce qui arrive dans ce domaine important pour le Canada. C'est la raison pour laquelle j'ai insisté à ce que vous comparaissiez devant nous ce soir. Nous sommes conscients que vous avez beaucoup d'autres préoccupations et nous respectons cela. Je vous remercie beaucoup de votre présence avec nous ce soir et sans plus de délais, je vous cède la parole, monsieur le ministre.

[Traduction]

L'honorable Christian Paradis, C.P., député, ministre des Ressources naturelles : Je remercie le comité de cette occasion qu'il m'a donnée de prendre la parole devant lui aujourd'hui. C'est toujours un plaisir de vous retrouver et ici j'ai au moins plus de 30 secondes pour répondre aux questions, contrairement à ce qui se passe à la Chambre des communes, comme lors de la période des questions. Je suis intervenu en comité plénier, lundi dernier, car c'était une excellente occasion d'expliquer ce qui se passe dans ce dossier.

Je pense que la soirée va être utile. Je suis accompagné de MM. Mark Corey et Éric Landry, de mon ministère, qui sont experts dans le domaine dont nous allons parler. Ils prendront la parole après mon exposé et répondront à certaines questions.

[Français]

Le président : Alors, si je comprends bien, monsieur le ministre, vous allez faire votre déclaration préliminaire, vous allez répondre à quelques questions et ensuite, vous allez quitter, mais vos fonctionnaires vont rester avec nous.

[Traduction]

M. Paradis : Oui, c'est ce que nous ferons.

Le désastreux déversement de pétrole dans le golfe du Mexique a soulevé un grand nombre de questions et de préoccupations chez les Canadiens. Ils veulent savoir quelles mesures sont en place pour empêcher une catastrophe de ce genre dans les eaux canadiennes et pour faire face aux conséquences d'un déversement au large de nos côtes, aussi improbable soit-il.

[Français]

Les Canadiens sont plus qu'en droit de poser ces questions et c'est pourquoi je suis ici; comme vous le disiez monsieur le président. Je veux que les honorables sénateurs aient la chance de poser ces questions au nom des Canadiens

Je profite également de l'occasion pour assurer au comité et aux Canadiens que la règlementation concernant les zones extracôtières du Canada est forte, moderne et robuste. Je peux dire avec confiance que notre système est l'un des meilleurs au monde, sinon le meilleur. En tant que ministre des Ressources naturelles, les responsabilités qui nous sont attribuées par la loi en ce qui a trait à l'exploration, au développement, à la production et au transport du pétrole et du gaz naturel couvrent cinq principaux secteurs au large des côtes, soit au large de Terre-Neuve-et-Labrador, au large de la Nouvelle-Écosse, dans le golfe du Saint-Laurent, la baie d'Hudson et au large de la Colombie-Britannique.

[Traduction]

Comme le savent les membres du comité, mon collègue le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien est le ministre responsable des questions concernant les hydrocarbures dans les régions au nord du 60e parallèle. Mon collègue et moi prenons ces responsabilités très au sérieux.

Le système de réglementation est supervisé par trois offices : l'Office national de l'énergie, l'Office Canada-Terre-Neuve-et-Labrador des hydrocarbures extracôtiers et l'Office Canada-Nouvelle-Écosse des hydrocarbures extracôtiers.

Dans le contexte des événements survenus dans le golfe du Mexique, il est à noter qu'un des principaux éléments du mandat de ces trois offices est la protection du public, des travailleurs et de l'environnement. Aucun forage n'a lieu avant que les responsables des offices soient convaincus que toutes les mesures pratiques ont été prises pour assurer la sécurité de l'environnement et des travailleurs.

Au cours des dernières semaines, les membres du comité ont entendu le président de l'office de Terre-Neuve-et-Labrador aussi bien que celui de l'office de Nouvelle-Écosse et je ne doute pas que vous avez suivi le témoignage du président de l'Office national de l'énergie devant le Comité permanent des ressources naturelles de la Chambre des communes.

[Français]

Je n'ai pas l'intention de répéter toutes leurs explications approfondies de la vaste réglementation et de la vaste application de la loi en ce qui concerne les zones extracôtières du Canada. Cependant, j'aimerais attirer votre attention sur un aspect de leur déclaration voulant que pour les trois offices, la sécurité et la protection de l'environnement passent avant toute autre considération.

Les honorables sénateurs et tous les Canadiens savent que les trois offices surveillent actuellement de très près les événements qui se déroulent dans le Golfe du Mexique et sont désormais déterminés à apprendre de la leçon donnée à leur voisin américain.

L'Office national de l'énergie procède actuellement à une révision des exigences des activités de forage liées à l'exploration extracôtière en matière de sécurité et d'environnement dans l'Arctique. On a une réglementation solide et robuste, mais il est toujours possible de la parfaire à l'aide des conclusions qu'on tirera des événements qui ont présentement cours dans le Golfe du Mexique.

L'Office Canada Terre-Neuve-et-Labrador a mis en place des mesures de surveillance spéciales pour le forage actuel. Les gouvernements du Canada et de la Nouvelle-Écosse ont aussi annoncé un prolongement de trois ans du moratoire sur le pétrole et le gaz sur le banc Georges en Nouvelle-Écosse.

[Traduction]

Je suis convaincu que les garanties de sécurité du Canada résisteront à cet examen. Sinon, elles seront renforcées. Je tiens à préciser que la réglementation du Canada et le suivi font plus que réduire le risque d'incident au minimum. Notre régime de réglementation comprend également les mesures dont nous avons besoin pour réagir correctement à tout incident qui peut survenir.

J'insiste sur le fait que les entreprises sont tenues de déposer des plans d'intervention d'urgence avant que toute autorisation de forage ne soit délivrée. Cela inclut le fait de démontrer qu'elles possèdent la capacité financière d'intervenir.

[Français]

Une fois l'autorisation de forage émise, les autorités de réglementation ont le droit de vérifier le système de sécurité et d'intervention d'urgence des entreprises, et ce, en tout temps. Les exploitants sont responsables de tous les coûts. C'est à eux qu'incombe la responsabilité principale de tout genre de déversement.

Aussi, il est à noter qu'il existe une corporation qui s'appelle East Coast Response Corporation et qui, au besoin, peut apporter un soutien supplémentaire à l'industrie. M. Corey pourra développer davantage sur ce sujet.

Bien que la responsabilité principale incombe aux entreprises, les agents principaux de conservation peuvent en tout temps intervenir ou assumer la responsabilité de l'intervention en cas de déversement par un exploitant.

[Traduction]

Du côté gouvernemental, un cadre d'intervention d'urgence robuste est en place. Ce cadre est dirigé par les offices extracôtiers avec le soutien de Ressources naturelles Canada. Il existe des attributions claires de responsabilités et d'action ainsi que des rôles définis pour tous les intervenants. Ces attributions et ces rôles incluent la collaboration nécessaire entre les ministres fédéraux et entre les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux.

Des ententes sont en place avec la Garde côtière canadienne et Pêches et Océans Canada. D'autres ministères fédéraux, y compris Sécurité publique Canada, Transports Canada et Affaires indiennes et du Nord Canada peuvent contribuer au besoin.

[Français]

Environnement Canada est l'expert du gouvernement fédéral en matière de détection de déversement. Le ministère utilise la surveillance aérienne et l'imagerie satellitaire pour assurer la détection et le suivi. Environnement Canada peut donner des conseils au sujet de la trajectoire du déversement, des prévisions du temps et de l'état de la mer, de l'emplacement d'écosystèmes sensibles ainsi que des options en matière de nettoyage et de mesures correctives.

Au besoin, les offices extracôtiers peuvent contacter l'équipe des interventions d'urgence région Atlantique pour prodiguer des conseils en matière d'environnement.

[Traduction]

À Ressources naturelles Canada, tous nos plans de gestion des urgences en matière énergétique, y compris ceux relatifs aux zones extracôtières, ont été mis à jour l'automne dernier. Je suppose que M. Corey pourra vous en parler.

Je tiens à faire remarquer que nos mesures d'urgence sont testées régulièrement pour nous assurer que nous les avons bien pratiquées et que nous sommes prêts à monter une intervention rapide, efficace et coordonnée. En fait, Ressources naturelles Canada a mené, avec l'Office Canada-Terre-Neuve-et-Labrador des hydrocarbures extracôtiers, un important exercice sur table pour tester notre intervention face à une urgence hypothétique au large des côtes, en mars de cette année. L'Office Canada-Nouvelle-Écosse des hydrocarbures extracôtiers y a participé en qualité d'observateur.

En bref, je suis heureux d'offrir aux membres du comité et à tous les Canadiens la garantie suivante : ils peuvent avoir confiance en la capacité de notre pays de réduire au minimum les risques associés au développement des ressources au large des côtes et sur les terres domaniales. Ils peuvent avoir tout autant confiance en notre capacité de réagir à toute urgence.

Cela ne veut pas dire que nous ne pouvons pas faire mieux. J'attends avec impatience de voir ce que nous apprendrons des examens que j'ai mentionnés. Nous tirerons très certainement des leçons de l'incident survenu dans le golfe du Mexique. Cet incident nous a rappelé de façon terrible la raison pour laquelle le Canada prend des précautions aussi extrêmes dans la recherche de ces ressources. Il nous rappelle que nous pouvons toujours connaître davantage et que nous devons profiter de chaque occasion pour apprendre.

Je crois que l'étude de l'état actuel et de l'avenir du secteur énergique du Canada par le comité est l'une de ces occasions. J'inviterais respectueusement les honorables sénateurs à inclure des systèmes de sécurité et des règlements sur la sécurité dans leurs examens, surtout en ce qui a trait aux sondages effectués dans des terres domaniales et au développement de sources d'énergie non conventionnelles.

[Français]

Encore une fois, monsieur le président, je vous remercie de nous donner à moi ainsi qu'aux représentants de mon ministère l'occasion de comparaître aujourd'hui. J'aimerais prendre un moment pour répondre aux questions initiales et ensuite, je comprends que j'ai votre accord pour que mes représentants vous donnent un bref aperçu technique des problèmes extracôtiers et répondent à des questions détaillées.

Le président : Merci beaucoup, monsieur le ministre. Nous allons procéder avec des questions.

Le sénateur Mitchell : Monsieur le ministre, merci beaucoup pour votre présence ici. Il est important pour les membres du comité de bénéficier de ce genre de coopération.

[Traduction]

J'ai été interpelé quand vous nous avez dit être convaincu « que les garanties de sécurité du Canada résisteront à cet examen ». Cela faisait allusion à une sorte de revue de programme.

Il faut toutefois y voir un signe — et j'aimerais que vous me le confirmiez — que les normes concernant les forages extracôtiers ont peut-être été édulcorées ou modifiées en décembre. Je crois savoir qu'avant ces changements, les entreprises forant au large devaient avoir un plan, qu'elles devaient préciser quelle installation de forage pourrait faire office de puits secondaire en cas de problème, et ainsi de suite. Désormais, à la suite de ces changements, ce plan n'est plus exigé. Ce qu'il y a de sûr, c'est que l'office de Terre-Neuve ne parle pas de puits de secours dans ses lignes directrices.

Pouvez-vous dire au comité s'il y a eu un changement qualitatif important? Qu'est-ce que le gouvernement compte faire en l'absence de plans concernant les puits de secours? Dans le cas du golfe du Mexique, seul un puits de dérivation permettra peut-être de sauver la mise.

M. Paradis : J'ai étudié cette question parce qu'elle a été au cœur d'un certain imbroglio. Premièrement, nous appliquons des normes de classe internationale. En décembre, nous avons décidé d'adopter un règlement axé sur les buts. Nous voulions être certains de disposer de la souplesse nécessaire pour recourir à la meilleure technologie possible compte tenu des particularités du secteur où se déroulent les projets. Le règlement antérieur correspondait à une liste de vérifications à cocher. Cependant, certaines cases utilisées à l'époque n'étaient peut-être plus adaptées aux spécificités des projets. Nous sommes partis de là.

Toute entreprise requérant un permis de forage doit soumettre un plan de sécurité. Ça existe toujours. Elle doit aussi disposer d'un plan de protection de l'environnement, d'un plan d'intervention en cas d'urgence et de plans de circonstance. Nos organismes de réglementation peuvent examiner en tout temps leurs systèmes de sécurité et de gestion des urgences. En outre, mon ministère et les offices effectuent des exercices conjoints d'intervention d'urgence.

Ce n'est pas parce que nous nous orientons dans le sens d'une relation axée sur les buts que nous allons supprimer la réglementation. C'est un autre type de réglementation. Nos principaux alliés ont opté pour de telles normes admises de par le monde. Je tiens à garantir au comité que les organismes de réglementation du Canada examineront à la loupe chaque demande de permis de forage.

Le sénateur Mitchell : Cela ne répond cependant pas à la question de savoir si vous avez renoncé à imposer le forage de puits de dérivation. Êtes-vous en train de nous dire qu'en vertu de cet ensemble de dispositions sur mesure destinées à encadrer le forage, vous exigerez encore le dépôt de plans relatifs au forage de puits d'intervention dans certains cas seulement et pas systématiquement? Disposez-vous d'une autre technologie qui donne de meilleurs résultats que celle actuellement utilisée dans le golfe du Mexique?

M. Paradis : Il faut faire preuve de souplesse pour être en mesure d'intégrer d'éventuelles technologies qui seraient meilleures. Nous ne voulons pas que les cases à cocher soient désuètes dans cinq ou six ans d'ici.

Il faut retenir que nous n'avons pas renoncé à imposer le forage de puits de secours. Je vous ai parlé des plans d'urgence ainsi que des lignes directrices des offices extracôtiers qui précisent que ces plans doivent faire état des dispositions relatives au forage de puits de dérivation. Je vous garantis que nous n'avons renoncé à rien à cet égard.

Le sénateur Mitchell : Je dirais qu'il y a 50 navires de forage dans le monde qui sont en mesure de forer aux profondeurs auxquelles travaille Chevron Canada Limited dans le bassin Orphan. Peut-on s'arranger ou existe-t-il un moyen pour qu'un de ces navires se trouve assez près des sites d'exploration pour faire la différence en cas de problème? Comment faire s'il faut parcourir la moitié de la planète pour mettre la main sur un tel bâtiment, qui pourrait être déjà mobilisé ailleurs? Avez-vous envisagé des solutions à cet égard?

M. Paradis : Je veux être certain de bien avoir compris votre question. Comme vous le savez, le 12 mai, il a été annoncé que Chevron reverrait tous ses plans et procédés en place. Le 20 mai, la compagnie s'est vu imposer des conditions encore plus strictes. Comme je le disais, les offices peuvent effectuer des contrôles en tout temps. Le processus de surveillance est désormais plus fréquent.

[Français]

Ils peuvent s'y rendre d'une façon hebdomadaire ou bimensuelle plutôt que mensuellement. Ils peuvent aussi se présenter à n'importe quel moment sur la plateforme afin d'y effectuer toutes les inspections nécessaires.

L'Office Canada-Terre-Neuve-et-Labrador, tout comme l'Office national de l'énergie, est très attentif à ce qui se passe dans le Golfe du Mexique; et ceci, afin de s'assurer que nous puissions parfaire à la fois la réglementation en place, mais aussi afin d'observer s'il ne faudrait pas ajouter aux exigences et préalables contenus dans les plans de contingence et d'urgence.

Par rapport à ce qui se passe ailleurs dans le monde, il est intéressant de constater que nos offices de réglementation sont maintenant proactifs, car ils étudient effectivement ce qui se passe dans le monde et ils apportent à la fois de l'expertise et un échange d'informations. Également, ils veulent parfaire leurs connaissances afin d'améliorer le système en place.

[Traduction]

Le sénateur Banks : Monsieur le ministre, je vais, d'une certaine manière, revisiter la question du sénateur Mitchell. Étant donné l'attention que les Canadiens accordent actuellement à ce problème et le genre de situation nouvelle dont vous avez parlé, j'aimerais que vous nous donniez deux ou trois exemples des raisons pour lesquelles vous estimez que nous sommes mieux lotis que les Américains. Vous venez juste de dire que les Canadiens peuvent avoir confiance dans la capacité de l'État de minimiser les risques associés à l'exploitation des ressources naturelles au large et sur les terres domaniales et qu'ils peuvent aussi être rassurés quant à notre capacité d'intervenir en cas d'urgence.

Je ne veux pas vous paraître cynique, mais si vous aviez posé la question au ministre australien avant le désastre qui s'est produit là-bas, il aurait à peu près répondu de la même façon que vous. Dans le même ordre d'idées, si vous aviez demandé aux parties responsables en Louisiane, il y a un mois et demi, si tout allait bien, vous vous seriez sans doute fait dire qu'elles avaient tout fait pour minimiser le risque d'événements fâcheux et qu'elles avaient mis en place les moyens d'atténuer l'impact d'un éventuel incident.

Tout le monde est persuadé que tout va bien, jusqu'à ce que quelque chose dérape. Il faudra attendre longtemps avant de savoir ce qui a été de travers dans le Golfe, mais il semble que quelqu'un a commis une erreur. Ce n'est pas qu'il n'existait aucune exigence, aucun règlement sur papier. Ce n'est pas que les procédures de sécurité n'étaient pas clairement énoncées ou que le manuel présentait un défaut. Quelqu'un, quelque part, a commis une erreur.

Comme vous le disiez, le risque qu'un tel événement se produise est extrêmement faible grâce aux progrès réalisés sur le plan technologique, mais c'est arrivé. Si un événement du genre devait se produire aujourd'hui au Canada, et Dieu nous en garde, sur un forage lointain au large de Terre-Neuve, quels seraient alors les meilleurs moyens pour faire face à la situation? Est-ce qu'on effectue, au Canada, des inspections plus poussées, plus soigneuses et plus fréquentes qu'aux États-Unis? Des inspecteurs surveillent-ils plus fréquemment ce qui se fait pour s'assurer qu'aucune erreur n'est commise? Rassurez simplement les Canadiens sur le fait que nous sommes mieux lotis que nos voisins du Sud.

[Français]

M. Paradis : C'est une question très intéressante. Nous avons évidemment suivi ce qui s'est passé du côté américain lors des annonces du président Obama.

[Traduction]

L'une des grandes réformes qu'il a annoncées a consisté à scinder le Minerals Management Service en trois. Il n'était pas particulièrement satisfait de la façon dont fonctionnait cet office de réglementation.

[Français]

Nous pouvons ici nous réjouir de bénéficier de l'office indépendant qu'est l'Office national de l'énergie, qui a maintenant plus de 50 ans.

[Traduction]

L'Office national de l'énergie a fait ses preuves. Nous sommes sûrs de nous parce que l'office a d'excellentes bases scientifiques et qu'il applique des normes élevées.

[Français]

Aucune question ne se pose ici par rapport à cela puisque nous avons une pleine confiance envers notre régulateur. C'est la même chose au niveau de l'Office Canada-Terre-Neuve-et-Labrador des hydrocarbures extracôtiers et de l'Office Canada-Nouvelle-Écosse des hydrocarbures extracôtiers; c'est exactement le même genre de squelette réglementaire et la même méthodologie de travail. C'est donc un problème que nous n'avons donc pas ici puisqu'on y est déjà.

[Traduction]

Le sénateur Banks : Excusez-moi, puisque vous parlez de cela, jusqu'à il y a quelques semaines, on aurait également pu dire que la Louisiane disposait d'un système parfait parce qu'il n'y avait pas eu de problème avant. Quelle est la différence? Qu'est-ce que nous faisons de mieux ou de différent?

[Français]

M. Paradis : J'en arrive à la gouvernance et au niveau des opérations. Concernant ce qui s'est passé dans le golfe du Mexique, les gens tendent de plus en plus à croire qu'il s'agit d'une erreur humaine. C'est justement la conclusion qui devrait être tirée de façon officielle. Lorsqu'on le saura, il y aura un rapport qui sera déposé. Il est certain que nos offices de réglementation prendront cela en note pour savoir comment parfaire notre réglementation afin d'éviter que cela n'arrive de nouveau. Ce sont des tragédies peu probables, mais il y a tout de même un risque et c'est pour cette raison que nous avons des offices de réglementation responsables.

Dans le cas d'un déversement, il faut avoir un plan établi et c'est pour cette raison que nous demandons des plans d'intervention et d'urgence, car nous voulons des garanties. Également, au niveau du gouvernement — et M. Corey pourra vous en parler en détail — il y a même des simulations qui sont pratiquées et pour lesquelles divers ministères sont impliqués, tels que le ministère Pêches et Océans Canada et le ministère Sécurité publique Canada et, bien sûr, notre ministère pour lequel j'ai parlé plus tôt du rôle. Il s'agit d'arriver à une approche coordonnée au niveau gouvernemental et ce sont des pratiques qui ont cours actuellement.

Lorsqu'on a vu que les États-Unis ont délaissé leur modèle de gouvernance pour aller vers un modèle qui tend plus vers le nôtre, cela nous a démontré encore une fois que nous étions dans la bonne direction. Nous sommes heureux de voir qu'il y a un moratoire de six mois pour faire des études et voir ce qui s'est passé afin de tirer des conclusions. C'est exactement ce qui se passe au Canada.

Ce qui m'amène à l'intervention du sénateur Mitchell. Concernant le Danemark, il y a des gens qui nous disent : « Ce sont des eaux qui sont près de chez nous, qu'est-ce qui se passe sur ce plan? » Mon collègue, le ministre Prentice, participera bientôt à un sommet sur l'Arctique et il entend soulever ces questions : « Que se passe-t-il avec les réglementations au Danemark? Comment peut-on mieux arrimer le tout? » L'Office national de l'énergie a déjà eu des échanges proactifs avec ses homologues du Danemark parce qu'on partage tous le même territoire. Je peux vous dire qu'il y a de l'activité à ce niveau.

Cependant, il y a effectivement un risque. On n'est jamais à l'abri. Si, en tant que gouvernement, on pouvait prendre des mesures afin d'avoir un risque zéro, on les prendrait. Cela n'existe pas à l'heure où on se parle. Malheureusement, cela risque de ne jamais exister, mais on va tout faire pour tendre vers le risque zéro. C'est notre but.

[Traduction]

Le sénateur Banks : Merci.

Le sénateur Peterson : Merci, monsieur le ministre. Pour poursuivre dans la même veine, le président de l'Office Canada-Terre-Neuve-et-Labrador des hydrocarbures extracôtiers nous a affirmé que l'éruption du puits dans le golfe était due à l'application de méthodes discutables qui n'étaient pas envisageables au Canada. Étant donné nos politiques, la formation que nous offrons et le matériel que nous utilisons, ce n'est pas possible. Peut-on se fier à ce genre de déclaration ou ne trouvez-vous pas que cette réponse est un petit peu trop « agressive »?

[Français]

Le président : Vous comprenez la question? Il a déclaré que cela ne peut pas arriver ici. Il demande si c'est une réponse trop agressive.

M. Paradis : Je ne sais pas sur quelle prémisse cet individu s'est appuyé pour lancer une telle assertion. Au gouvernement, nous nous assurons d'avoir des plans d'urgence qui nous soient soumis. Nous nous assurons de donner tous les pouvoirs voulus aux autorités responsables pour pouvoir exercer un contrôle qui sera accru. C'est ce qu'on a annoncé le 20 mai dernier via l'Office Canada-Terre-Neuve-et-Labrador des hydrocarbures extracôtiers.

Vendredi dernier, j'ai lu avec déception une histoire erronée dans le journal Ottawa Citizen, qui a justement créé de la confusion. Le journal rapportait que les compagnies n'avaient pas besoin de prouver une capacité quant à un puits de relâchement. Ce qui est complètement faux. Les directives à l'égard de tous les offices indiquent que les opérateurs ont toujours l'obligation de soumettre un plan pour une capacité de puits de relâchement. C'est l'état des faits.

Je ne pourrais pas vous dire, en tant que ministre : « Un dégât n'arrivera jamais. » Je ne le sais pas. Il y a des risques. On doit prendre tous les moyens pour éviter une telle situation et pour ce faire, on doit mettre la science à profit. La technologie évolue et il faut toujours tendre vers le risque zéro. C'est comme partout ailleurs. Ce qui se passe dans le Golfe du Mexique est malheureux. Cependant, c'est une occasion pour nous de parfaire notre réglementation.

[Traduction]

Le sénateur Peterson : BP a ses plates-formes dans le golfe, au cœur de la zone de forage océanique. Le puits de Chevron est à 450 milles au large des côtes de Terre-Neuve. Impose-t-on à la compagnie d'affréter éventuellement des navires de forage? J'ai l'impression qu'il faudrait énormément de temps pour acheminer tout le matériel et les fournitures sur place, surtout si la compagnie n'est pas tenue d'affréter des navires immédiatement mobilisables.

M. Paradis : Le plan d'urgence doit donner des renseignements sur les navires de forage à même de creuser un puits d'intervention. Elle doit aussi fournir des informations sur les besoins en matériel et en installations de forage. Le plan doit bien sûr porter sur le forage d'urgence de puits de secours; ça fait partie des directives à suivre. Chevron est visée par ces directives.

Je reconnais qu'il y a eu un certain imbroglio vendredi dernier surtout à cause d'un article erroné paru dans le Ottawa Citizen. C'est pour ça que j'ai voulu profiter de cette occasion pour tirer les choses au clair. Aucun forage n'est possible au Canada à moins qu'un plan énonçant la possibilité de forer un puits de secours ne soit soumis à l'organisme responsable. Au Canada, il est impossible de forer sans d'abord déposer un tel plan.

Le sénateur Peterson : J'ai une dernière question à vous poser sur la couverture de l'assurance responsabilité. Dans le golfe, la prime a bondi de 100 millions à environ 10 milliards de dollars. Quelle couverture exige-t-on de Chevron?

M. Paradis : Le régime de responsabilité est fixé par la Loi sur les opérations pétrolières au Canada et par le règlement en découlant, soit le Règlement sur les opérations sur le pétrole et le gaz du Canada. Je vous en parle, parce que nous avons tous les détails dans ces diapositives. Il y a aussi la Loi sur la prévention de la pollution des eaux arctiques. D'autres lois s'appliquent selon le lieu de forage. Sur la côte Est, au sud du 60e parallèle, la responsabilité des pétrolières est entière, qu'elles forent au large ou près des côtes.

La responsabilité des exploitants est absolue. Si je me souviens bien, le plafond de cette responsabilité absolue est de 40 millions de dollars. Au-delà, la responsabilité est illimitée et elle devient une responsabilité civile. Encore une fois, il y a eu confusion au sujet du plafond. La responsabilité de l'exploitant est absolue en ce sens qu'en cas de faute ou de négligence, il est responsable et doit payer. Au-delà du plafond, la responsabilité devient civile et l'exploitant est engagé envers les tierces parties.

C'est pour ça que l'organisme de réglementation exige que les exploitants fassent la démonstration de leur capacité financière. Dans leur demande de permis de forage, ils doivent démontrer qu'ils ont les moyens de payer en cas de déversement. C'est une des exigences.

Je tiens à corriger ma réponse. Au sud du 60e parallèle, le plafond est de 30 millions de dollars et il est de 40 millions de dollars au nord. Je vous invite à consulter la loi et le règlement qui contiennent tous les détails à ce propos.

[Français]

Je ne veux pas induire le comité en erreur, mais il y a un plan très détaillé pour ce qui est de la responsabilité.

Le président : Comme un bon avocat du Barreau du Québec, vous avez bien expliqué la différence entre la faute absolue et la négligence. Le fardeau de la preuve est différent.

M. Paradis : Je pense que c'est le principe qui est important, monsieur le président.

[Traduction]

Le sénateur Seidman : Selon un récent sondage effectué au Canada après les événements catastrophiques survenus dans le golfe, la plupart des Canadiens sont favorables à la suspension de toute forme de sondage tant que nous n'aurons pas fait le tour de tous les risques. D'ailleurs, une certaine proportion des Canadiens est favorable à l'arrêt de toute exploration et de tout forage extracôtiers. Que diriez-vous à ces Canadiens qui, de toute évidence, sont préoccupés et inquiets à cause des risques associés à ce genre d'opérations, surtout en voyant que des riverains du golfe ont sans doute perdu leur gagne-pain pour des décennies? Ce déversement a eu une répercussion très importante sur l'environnement.

M. Paradis : Il n'y a pas de forage dans l'Arctique; il n'y a pas de forage dans la mer de Beaufort. Il n'y a pas de forage au large de la Colombie-Britannique non plus. D'ailleurs, le forage extracôtier en Colombie-Britannique est visé par un moratoire. Le seul forage actuel est celui de Chevron, à l'est de Terre-Neuve, qui est contrôlé de très près et qui fait l'objet de conditions beaucoup plus strictes depuis le 20 mai.

[Français]

Ce que je veux dire aux Canadiens, c'est toujours la même chose. On est content de constater que l'administration Obama vient voir où l'on en est sur le plan de la gouvernance. Les changements qui ont été annoncés rejoignent l'esprit recherché par l'Office national de l'énergie.

Deuxièmement, il n'y a aucune autorisation de forage dans le Nord, ni dans la mer de Beaufort, ni dans l'Arctique. Il n'y aura aucune autorisation de forage tant et aussi longtemps que les offices de réglementation ne seront pas convaincus que la santé des travailleurs et la protection de l'environnement sont assurées.

Et avant d'y arriver, il y a encore des étapes, car en pratique on aura le temps de tirer amplement les conclusions de ce qui s'est passé dans le Golfe du Mexique avant qu'il puisse y avoir la simple possibilité de rendre concret un projet de forage. Présentement on en est plutôt à l'étape des études. Rien ne se passe présentement.

Je peux rassurer les Canadiens et dire que les offices de réglementation, les deux au niveau de l'Est, et l'Office national de l'énergie travaillent très activement à revoir l'ensemble du processus, en général. Au niveau de l'industrie, au début, comme vous le savez, il y avait une étude concernant des puits de relâchement à proprement parler. Cela a été annulé et maintenant il y a une étude, en général. Même l'industrie demande de prendre une certaine pause et de regarder ce qui se passe au niveau de la réglementation pour mieux comprendre ce qui s'est passé dans le Golfe du Mexique. Donc personne ne se presse présentement pour faire du forage. On veut tirer des conclusions et parfaire notre réglementation.

C'est ce qui se passe présentement et, comme je le disais, malgré toute la gravité de la tragédie, l'ampleur des dommages, on peut quand même y voir une opportunité pour améliorer nos façons de faire. Aux États-Unis c'est d'ailleurs pour cela qu'ils ont décidé un moratoire de six mois sur les projets en cours, pour justement mieux comprendre ce qu'il en est. Ici, au niveau pratique, rien ne se passe à l'heure où je vous parle. C'est l'état actuel des faits.

Le sénateur Seidman : Merci.

[Traduction]

Le sénateur Neufeld : Bienvenue. Je suis désolé d'avoir raté une partie de ce que vous avez dit, mais comme vous le savez, il faut parfois aller voter. Plusieurs d'entre nous ont dû répondre à l'appel de la sonnerie.

Vous avez plutôt bien répondu aux questions, mais j'aimerais poursuivre dans le sens de celles soulevées par le sénateur Banks. Je comprends votre position au sujet des offices de l'Atlantique et de l'Office national de l'énergie qui les coiffe. La situation est un peu différente de ce qui se passe aux États-Unis.

Quel genre de personnel travaille pour l'Office national de l'énergie? Quelles sont ses qualifications? Est-ce que l'Office national de l'énergie emploie beaucoup d'ingénieurs spécialisés en forage, en foration descendante, en décontamination? Emploie-t-il des ingénieurs pour ces différentes fonctions afin de superviser ce qui se passe? Je comprends, de ce que vous dites, que les contrôles ont été resserrés depuis l'éruption incontrôlée dans le golfe. Cela devrait un peu rassurer les Canadiens. Pouvez-vous nous donner une idée du nombre ou des qualifications du personnel de l'Office national de l'énergie, et je ne parle pas des offices de l'Atlantique, mais bien de l'ONE.

[Français]

M. Paradis : Je n'ai pas les chiffres devant moi, j'aurai plaisir à vous les transmettre. Effectivement, des experts sont engagés; évidemment, ce sont eux qui mènent le processus d'évaluation, d'inspection. Comme je le disais tantôt également, des échanges d'information se font avec des contreparties ailleurs dans le monde, mais aussi avec Ressources naturelles Canada. Il y a des fonctionnaires, au sein de mon ministère, qui sont responsables de faire de la recherche. Nous avons des fonds de recherche aussi au sein de mon propre ministère pour voir, en cas de déversement, comment on peut mieux intervenir, ce qui peut être plus efficace pour réagir plus rapidement. C'est un support qui est fourni aussi au niveau de l'Office national de l'énergie.

Je m'engage à ce que nous vérifiions les chiffres; je ne les ai pas avec moi, je ne peux pas vous les donner par cœur. Nous avons des chiffres, en revanche, au niveau de l'Office Canada-Terre-Neuve-et-Labrador. On y parle de 70 employés; et pour l'Office de Canada-Nouvelle-Écosse, on parle de 38 employés. Il y a des ingénieurs, des spécialistes du pétrole et des administrateurs.

[Traduction]

Nous communiquerons au comité les chiffres correspondants pour ce qui est de l'Office national de l'énergie. Je m'y engage.

Le sénateur Neufeld : Nous l'apprécierions beaucoup. Je ne suis pas spécialiste des forages et je ne maîtrise pas la question, mais ce serait bien que les Canadiens aient une idée du bagage de ces ingénieurs.

Je ne m'attends pas à ce que vous produisiez cela tout de suite, mais vous avez également dit qu'au sein de votre ministère vous avez un personnel apte à collaborer avec l'Office national de l'énergie et avec les deux offices de l'Atlantique. En même temps que vous le ferez pour l'Office national de l'énergie, pourrez-vous nous envoyer le même genre de données pour le personnel de votre ministère qui, au final, est chargé de superviser tout cela? Ce serait très bien que vous puissiez nous faire parvenir ces données en même temps.

M. Paradis : Tout à fait. Comme je l'ai dit en ouverture, on trouve aussi un personnel expert dans d'autres ministères, comme à Environnement Canada, et j'ai d'ailleurs signalé qu'Environnement Canada remplit un rôle expert; c'est la même chose pour Sécurité publique. J'insiste sur le fait que nous avons réalisé un exercice au printemps dernier afin de nous assurer que nos actions sont coordonnées.

Je serai heureux de vous communiquer des données au sujet des compétences sur lesquelles nous pouvons compter au sein du ministère et de l'Office national de l'énergie, mais je tiens à souligner que notre compétence générale va plus loin que cela.

Le sénateur Neufeld : C'est merveilleux. Voilà, je pense, de quoi en rassurer certains.

Vous ai-je bien entendu dire que Chevron s'est engagée à forer éventuellement un puits d'intervention en eau profonde?

M. Paradis : La compagnie n'a pas le choix. Cette obligation est énoncée dans les lignes directrices et elle doit produire un plan prouvant qu'elle a la capacité de forer un tel puits de secours. Je répète que le topo que j'ai lu vendredi dans l'Ottawa Citizen était incorrect. C'est à cause de cela que les Canadiens sont confus et, pis encore, que tout cela les effraie. L'article était erroné. C'est ce que je tiens à déclarer clairement et fermement pour mémoire.

Le président : Nous avons travaillé en coulisses pour essayer de mettre la main sur cet article de vendredi. Êtes-vous certain que c'était vendredi, n'était-ce pas plutôt jeudi?

M. Paradis : Ça a fait la première page de l'Ottawa Citizen de vendredi.

Le président : C'était en première page du journal de vendredi?

M. Paradis : Oui.

[Français]

Je ne veux pas avoir l'air aigri par cela, mais c'est le genre d'histoire qu'on voit sur une page couverture et il faut mettre les choses en perspective. Effectivement, Chevron a dû, comme toutes les autres compagnies et quiconque veut faire du forage là, démontrer une capacité à faire un puits de relâchement au besoin. C'est clair, net et précis. Il n'y a pas d'exception au Canada.

[Traduction]

Le président : C'est important. Je constate que cet article de la Gazette de Montréal, qui appartient au même groupe de presse que l'Ottawa Citizen, est également daté de vendredi. Il y est question des conservateurs. Je ne sais pas de qui il s'agit et je suppose que vous non plus.

M. Paradis : Je suppose, monsieur le président, qu'il s'agissait d'un article souscrit et que c'est le même topo dans les deux journaux.

Le président : On y dit que les conservateurs ont édulcoré le règlement sur le forage.

M. Paradis : Tout à fait. C'est bien l'article en question.

Le président : Et cet article est erroné?

M. Paradis : Il est erroné.

Le président : La veille, il était question de l'interdit imposé aux navires-citernes et des conditions de forage extracôtier qui n'étaient pas juridiquement contraignantes. C'est ce qui a paru jeudi au sujet de la côte Ouest. On y disait que les mesures adoptées n'étaient pas contraignantes. Et cet article non plus n'est pas exact?

[Français]

M. Paradis : Comme je l'ai dit tantôt, il y a un moratoire sur le forage extracôtier au large des côtes de la Colombie-Britannique; c'est une chose. C'est un moratoire qui remonte à 1972 si je ne m'abuse. Nous avons dit, au fédéral, que rien ne changerait à ce niveau.

Deuxièmement, il y a la zone d'exclusion.

[Traduction]

L'exclusion des navires-citernes s'étend de l'Alaska à l'État de Washington. Nous aussi, nous surveillons ce trafic de très près. Cette question a fait l'objet d'une certaine confusion, mais les faits sont clairs : un moratoire a été imposé sur le forage au large des côtes de la Colombie-Britannique et la zone interdite aux navires-citernes s'étend de l'Alaska à l'État de Washington.

Le président : Sénateur Neufeld, je voulais m'assurer d'avoir les bonnes dates. C'est encore à vous.

Le sénateur Neufeld : Nous nous sommes écartés du sujet, mais je disais que les navires-citernes ne sont pas frappés d'interdit. Un accord les autorise à croiser dans les eaux libres entre l'Alaska et l'État de Washington.

M. Paradis : C'est ça.

Le sénateur Neufeld : Ils ne peuvent emprunter le Passage intérieur. Le pétrole est acheminé depuis Vancouver. Le trafic maritime d'hydrocarbures est pourtant très intense dans le Passage intérieur pour alimenter la Colombie-Britannique et le reste du Canada. C'est ce que vous disiez. Je suis entièrement d'accord avec vous.

M. Paradis : Oui.

Le sénateur Neufeld : Je veux poursuivre sur la question du puits de dérivation. Supposons qu'il se produise au Canada à peu près la même chose que ce qui est arrivé dans le golfe du Mexique. Dans quel délai la compagnie Chevron s'est-elle engagée à, au moins, commencer le forage du puits de secours? Il ne suffit pas de se présenter à la salle de billard du coin pour mettre la main sur un navire de forage. Il faut du temps. Le gouvernement du Canada a dû imposer des conditions à cet égard. Quelles sont-elles?

M. Paradis : Le forage du puits d'intervention doit être entamé dans les 12 à 14 jours.

Le sénateur Neufeld : Si une plate-forme explosait et que 10 000 à 15 000 barils par jour soient rejetés dans l'océan, aurions-nous la capacité suffisante pour contenir ce déversement de pétrole pendant 14 jours avant l'arrivée d'un navire de forage?

On dit que, dans le golfe du Mexique, il faudra au moins deux autres mois pour forer le puits de secours. Nous ne parviendrons pas plus que les Américains à forer un tel puits du jour au lendemain. Je crois savoir que le Canada prête main-forte aux opérations dans le golfe du Mexique où nous avons expédié du matériel. Le Canada a-t-il conservé suffisamment de barrages de rétention et de navires-écopeurs pour faire face à un éventuel déversement ici?

M. Paradis : Oui. Pêches et Océans Canada a l'équipement voulu. Quand le ministère a envoyé des barrages de rétention aux États-Unis, il était entendu qu'il conserverait la capacité nécessaire au Canada. Le matériel d'intervention de MPO est réparti entre 82 emplacements au Canada. Le ministère a établi que les 3 000 mètres de barrage de retenue prêtés aux États-Unis ne mettaient pas en péril notre capacité d'intervention au Canada.

Le sénateur Neufeld : Je suppose que ces équipements viennent de la côte Ouest ou d'ailleurs où il n'y a actuellement pas de forage.

M. Paradis : Je ne sais pas exactement d'où vient ce matériel. Les gens de MPO pourraient vous donner des précisions à cet égard. Quoi qu'il en soit, il y a 82 emplacements au pays grâce auxquels nous pouvons nous assurer que le Canada sera en mesure de réagir rapidement.

Le sénateur Neufeld : Vous affirmez sans sourciller que le système canadien est l'un des meilleurs, si ce n'est le meilleur au monde. Je ne le conteste pas, car je suis sûr que nous avons d'excellents systèmes.

Un représentant des offices extracôtiers de l'Atlantique a témoigné devant le comité, mais je ne me souviens plus de son nom. Il a commencé par dire que ce qui s'est produit dans le golfe du Mexique ne pourrait pas arriver au Canada parce que nous appliquons des règles et des règlements différents. Il en a expliqué certains.

Je lui ai demandé si nos procédures de foration descendante étaient semblables à celles en vigueur aux États-Unis pour ce qui est de la sécurité et de toutes les questions qui se posent une fois la poche de pétrole percée. Il m'a répondu par l'affirmative, contredisant dès lors ce qu'il venait juste d'affirmer.

D'après le ministère, est-ce que nos procédures relatives aux technologies de foration descendante sont meilleures que celles des Américains? Je ne parle pas ici d'inspection. Je comprends que le Canada n'a fait que peu de forages extracôtiers en comparaison aux États-Unis ou à d'autres pays. Je serais surpris que le Canada dispose d'une meilleure technologie. Peut-être parviendrez-vous à me faire changer d'avis. Je ne pense pas que notre technologie soit meilleure que celle des Américains. Je dirais plutôt qu'elle est semblable.

[Français]

M. Paradis : Tout à l'heure, votre collègue m'a posé exactement la même question. Comme je l'ai dit, je n'étais pas présent. Je ne sais sur quelle prémisse il s'appuie pour dire cela.

En tant que ministre, je peux vous dire que ce serait d'induire les gens en erreur que de leur dire qu'il n'y a pas de risque. Il y a toujours des risques. Le rôle du gouvernement est de mettre en place toute la réglementation nécessaire et les effectifs requis pour tendre vers un risque zéro.

Malheureusement, cela risque de ne jamais être atteint, comme toute autre chose, mais nous devons nous assurer que tous les équipements et la règlementation soient là.

[Traduction]

Un peu plus tôt, j'ai parlé d'un règlement axé sur les buts que j'appelle « règlement intelligent ». En effet, plutôt que de cocher des cases, grâce à une réglementation pouvant être mise à jour dans les cinq prochaines années, nous disposerons d'un règlement intelligent tenant compte de l'emplacement, du climat, du type de terrain et ainsi de suite. Cela nous garantira une certaine souplesse pour utiliser les meilleures technologies.

Nous ne devons pas oublier les lignes directrices qui exigent de tous les exploitants qu'ils fassent la preuve de leur capacité à forer un puits de secours. Comme je le disais tout à l'heure, nous sommes en bonne voie et je suis heureux de constater que les Américains, eux aussi, prennent la bonne voie. Cela veut dire que le Canada est à niveau.

Il a été décidé, au moment de la transformation du Minerals Management Service, de le scinder en trois. Chez nous, la gouvernance est bonne. L'Office national de l'énergie a fait ses preuves; il a une excellente feuille de route depuis 50 ans. Il a toute la confiance de notre gouvernement et nous continuerons de fonctionner ainsi.

Toutefois, je n'affirmerai pas qu'il n'y a pas de risques. Ce n'est pas le cas. Il y a des risques. Il faut les gérer du mieux possible.

Le sénateur Neufeld : Je ne veux pas que vous partiez en pensant qu'il n'y a pas de risques. Ça fait trop longtemps que je suis ici, comme vous pouvez en juger d'après la couleur de mes cheveux.

Le président : Si l'on ne risque pas que vous posiez une autre question, je vais me risquer à vous interrompre. Les fonctionnaires resteront à notre disposition aussi longtemps que nous le souhaiterons.

M. Paradis : Je commence à manquer de temps. J'en suis désolé.

Le sénateur Lang : Je veux revenir sur la question du forage en eau profonde et du sondage au large de Terre-Neuve. D'après la preuve et les témoignages que nous avons recueillis, on dirait que le risque est très différent entre un forage en eau profonde et un forage sur hauts fonds.

Ce n'est peut-être pas juste de vous poser cette question, mais je le fais tout de même : le Canada fait-il quoi que ce soit de différent entre les forages en eau profonde et les forages sur hauts fonds pour ce qui est des inspections et des exigences imposées? Je crois savoir que le puits qui est en train d'être foré au large de Terre-Neuve est plus profond de 2 600 mètres que celui du golfe du Mexique. Pourriez-vous nous donner un aperçu de la situation à ce sujet?

M. Paradis : C'est une question juste. Les détails ont été annoncés le 20 mai. L'Office Canada-Terre-Neuve-et-Labrador des hydrocarbures extracôtiers a annoncé l'ajout d'autres mesures au régime réglementaire déjà très solide qui était en place. Nous voulons nous assurer que personne n'ait l'impression qu'il n'y avait pas de surveillance auparavant.

Il y a trois choses essentielles. Premièrement, l'office a mis sur pied une équipe chargée de superviser les opérations qui va inspecter plus fréquemment l'emplacement en question. Les inspections auront désormais lieu toutes les trois à quatre semaines plutôt que plusieurs fois par an. Elles peuvent avoir lieu n'importe quand. Deuxièmement, Chevron est tenue de fournir à l'office des rapports réguliers sur les mécanismes de sécurité en place. Troisièmement, avant de percer la nappe subocéanique, Chevron doit attendre que l'office estime qu'il n'y a pas de danger à continuer.

Le sénateur McCoy : Je ne comprends pas complètement la situation dans le golfe du Mexique. Toutefois, je prétends que ce n'est pas la faute d'une seule personne et je suis certaine que le sénateur Banks sera d'accord avec moi. Il s'est produit toute une cascade d'événements. Il y a d'abord eu la Transocean, qui est la compagnie de forage. Puis Halliburton, qui a injecté la boue dans le tuyau et qui n'a pas stoppé le refoulement. Puis, il y a Cameron qui a fabriqué le bloc obturateur de puits, ou BOP, qui n'a pas fonctionné non plus. Je veux simplement m'assurer que nous n'allons pas trop vite accabler un seul acteur ou dire qu'il y a eu un seul incident. En réalité, cet événement est le résultat d'un enchaînement complexe et de la convergence d'événements inhabituels.

Un autre élément du casse-tête, apparemment, c'est le gaz de Shale où des hydrates de gaz présents dans la zone de forage du golfe du Mexique qui peuvent induire une forte contre-pression — ce dont on n'a pas tenu compte et qu'on connaissait mal — et qui peuvent être à l'origine d'une explosion comme celle qui s'est produite.

Quelles sont les caractéristiques géologiques du site de forage de Chevron et des autres lieux d'exploration extracôtière potentiels? Y a-t-il des similitudes sur le plan géologique?

M. Paradis : Je vais réagir à votre remarque et mes collaborateurs pourront répondre à votre question. Pour être honnête, je ne peux pas vous parler de géologie, mais c'est une bonne question.

Donc, pour ce qui est de votre remarque, je viens juste d'indiquer que l'Office national de l'énergie a précisé qu'il examinerait l'ensemble du processus, du début à la fin. Au final, nous ne devons pas perdre de vue ce que notre gouvernement peut faire en cas de déversement. Beaucoup de questions se posent et, encore une fois, je rappelle que nous avons réalisé un exercice au printemps dernier afin de tester la coordination entre les ministères.

En fait, je veux vous dire que je suis entièrement d'accord avec vous. Il ne faut pas aborder la chose secteur par secteur, mais plutôt considérer l'ensemble, ce qui est précisément ce que nous faisons.

Le sénateur McCoy : Je tiens à vous féliciter, monsieur le ministre, pour avoir sans cesse répété qu'il est impossible d'éliminer le risque. C'est toujours une question d'équilibre et je vous félicite d'avoir eu le courage de le dire en public. Merci.

Le sénateur Dickson : Monsieur le ministre, je veux faire écho aux propos du sénateur McCoy. Vous avez fait un excellent exposé. Faire une telle déclaration que tous les Canadiens vont entendre, s'ils restent debout jusqu'à 4 heures du matin, ne fait qu'ajouter à votre crédibilité et les gens peuvent effectivement vous faire confiance.

Comme je viens de la côte Est, de la Nouvelle-Écosse, j'ai des liens assez étroits avec Terre-Neuve. Il faut considérer toute la côte Est pour équilibrer le risque en regard des opportunités. J'aimerais que vous nous parliez de la compétence et des mesures pratico-pratiques qu'adoptent les agents chargés de la sécurité, surtout les personnes que le gouvernement fédéral a nommées à l'ONE et celles qui travaillent dans les deux autres offices.

Si je comprends bien, de nombreuses plates-formes de forage au large sont inspectées avant le début des travaux et beaucoup d'entre elles finissent par passer trois à cinq mois dans les chantiers navals de la côte Est où elles sont remises en état, ce qui est bien en ce qui nous concerne. Beaucoup de ces plates-formes viennent du golfe et j'ai l'impression que, si elles doivent faire l'objet de ce type de travaux en chantier naval, c'est qu'il y a un certain laxisme en matière d'application de la réglementation aux États-Unis, si réglementation il y a. J'aimerais que vous réagissiez à ce sujet. C'est là un exemple de l'efficacité et de la compétence de nos organismes de réglementation de la côte Est.

M. Paradis : C'est vrai, il ne faut pas l'oublier. Au bout du compte, nous devons veiller à la protection de l'environnement et à la sécurité des travailleurs. Pour y parvenir, pour réaliser ces objectifs ultimes, il faut revoir tout le processus. C'est précisément ce que l'Office national de l'énergie est en train de faire et, pour cela, il collabore étroitement avec les offices des hydrocarbures extracôtiers de la côte Est.

Comme je le disais tout à l'heure à propos de ce qui se produit dans le Nord et de la problématique dans l'Arctique, l'industrie a déclaré qu'elle veut prendre le temps d'examiner la situation dans le golfe du Mexique afin de parvenir à une conclusion solide, car il faut considérer la situation dans son ensemble. Voilà pourquoi, comme je le disais, nous avons réagi assez rapidement le 20 mai dans le cas de Chevron. Le 11 mai, l'Office national de l'énergie a annoncé qu'il allait interrompre son examen de la question des puits de secours pour en entamer un autre, entièrement nouveau, compte tenu de ce qui venait de se produire dans le golfe du Mexique. Le 12 mai, l'Office Canada-Terre-Neuve des hydrocarbures extracôtiers a annoncé qu'il allait revoir toute la procédure dans le cas du forage de Chevron. Le 13 mai, nous avons prolongé le moratoire en Nouvelle-Écosse. Enfin, le 20 mai, l'Office Canada-Terre-Neuve des hydrocarbures extracôtiers a appliqué les mesures dont je viens juste de parler. En fin de compte, d'après ce que le président de l'Office national de l'énergie a, je pense, annoncé, les offices veulent recueillir le plus de renseignements possible en vue d'améliorer notre réglementation.

Je n'ai pas peur de dire que c'est une bonne idée d'avoir des règlements axés sur les buts. Nous avons une norme de catégorie internationale et un règlement intelligent prenant tout en compte, comme le climat, l'emplacement des exploitants et la situation avec laquelle ils ont à composer sur place. Je crois que, dans l'ensemble, c'est un pas dans la bonne direction.

Le sénateur Dickson : Effectivement. Merci beaucoup, monsieur le ministre.

Le sénateur Brown : Je voulais poser une question à laquelle il n'y a peut-être pas encore de réponse, mais qui pourrait en susciter une autre. Plutôt que d'empiler règlement sur règlement, je me demande si nous ne pourrions pas demander aux ingénieurs d'empiler les blocs obturateurs de puits. S'il est possible de concevoir des BOP pouvant résister à des pressions de 2 200 livres à cette profondeur ainsi qu'à la pression de refoulement du pétrole et du gaz; j'aimerais savoir si quelqu'un a envisagé de demander à ces ingénieurs s'il est possible d'empiler les obturateurs les uns sur les autres.

D'après ce que j'ai pu comprendre de l'explosion de la plate-forme au large de la Louisiane, il semble que la valve du BOP ne se soit pas fermée. Si l'on empilait trois BOP les uns sur les autres, il n'y aurait pas lieu de se soucier des puits de dérivation.

M. Paradis : Je parlais de réglementation axée sur les buts parce que nous voulons précisément disposer de la souplesse et de la marge de manœuvre nécessaires pour adopter toute nouvelle technologie représentant un gain d'efficacité. Comme je le disais tout à l'heure, cela ne revient pas à dire qu'il n'y a plus de réglementation. Il s'agit d'un régime réglementaire permettant de faire évoluer la réglementation en même temps que la technologie.

Je ne sais pas si mes collaborateurs ont plus de détails à ce sujet. Je ne peux pas vous en dire plus, mais je prends note de votre question et je vérifierai. Nous ne négligeons rien dans nos vérifications pour améliorer la réglementation.

Le sénateur Brown : C'est un aspect qu'ils devraient examiner, parce que l'environnement subocéanique est différent de l'environnement de surface.

Le président : Bonne remarque.

[Français]

Monsieur le ministre, merci beaucoup. Vous avez été généreux de votre temps qui est très précieux, on le sait. Nous allons continuer avec les fonctionnaires.

[Traduction]

M. Paradis : J'espère que, lors de ma prochaine réunion, ils seront aussi généreux qu'aujourd'hui. Je risque d'avoir des ennuis maintenant. Merci beaucoup, sénateurs, j'ai apprécié cette visite.

[Français]

Le président : Ici au comité, c'est comme votre nom, c'est le paradis!

[Traduction]

Sénateur McCoy, vous allez avoir une chance inouïe à partir de maintenant, si vous restez.

Le sénateur McCoy : Je suis désolée, mais j'ai un autre engagement. Je pensais que nous siégions jusqu'à 19 heures.

Le président : Je vais vous présenter Mark Corey qui, selon le ministre, est un extraordinaire fonctionnaire au grand savoir. Il est sous-ministre adjoint à Ressources naturelles Canada. Il est accompagné d'Éric Landry, directeur, Division de la gestion des régions pionnières, Division des ressources pétrolières, ainsi que de Tim Shanks, conseiller, Environnement, Secteur de l'énergie. Comme je suis un golfeur invétéré, je dois dire que vous portez un nom fort malheureux, monsieur Shanks, qui a dû vous valoir quelques railleries au fil des ans.

Tim Shanks, conseiller, Environnement, Secteur de l'énergie, Ressources naturelles Canada : Ce n'est pas la première fois que j'en entends parler.

Le président : Merci de vous être déplacés. Je sais que vous avez un horaire chargé et bien des sollicitations venant des comités, mais ce dossier est important. Je crois que le ministre a fort bien indiqué ce dont il s'agit : il veut retirer aux Canadiens les peurs qu'ils peuvent ressentir. Comme on le voit, la situation dans le golfe ne s'améliore pas.

Voulez-vous commencer par une déclaration, monsieur Corey?

Mark Corey, sous-ministre adjoint, Secteur de l'énergie, Ressources naturelles Canada : De combien de temps est-ce que je dispose?

Le président : La greffière vient de me demander la même chose. Nous pouvons rester aussi longtemps que vous voulez, parce que c'est un privilège de vous accueillir. Devrions-nous fixer la limite à 19 h 45, chers collègues? Disons une demi-heure ou un peu plus.

M. Corey : Comme c'est un sujet important, nous sommes à votre disposition. Nous resterons aussi tard que vous le désirerez.

Le président : Sénateur Lang, ça ira jusqu'à 19 h 45?

Le sénateur Lang : Jusqu'à minuit.

Le président : Le président sera ici, de même que le sénateur Neufeld.

Mesdames et messieurs, vous nous avez remis un document intitulé « Réglementation du Canada concernant le pétrole et le gaz extracôtiers » que M. Corey va nous commenter.

M. Corey : Je passerai très vite au travers. J'ai suivi de près les audiences de ce comité sénatorial et les témoignages qu'il a entendus. Pour modifier un vieil adage, je dirais que rien ne favorise plus à la concentration que d'avoir à faire face à un comité permanent le lendemain soir.

Nous nous sommes dit que le mieux était de vous décrire le cadre législatif et le règlement sur lequel il s'appuie, de vous expliquer certaines dispositions en matière de sécurité et de responsabilité, les processus et les dispositions touchant à l'évaluation environnementale, certains plans fédéraux d'intervention d'urgence, ainsi que le rôle et les responsabilités des différents intervenants avant de conclure par un examen des événements survenus dans le golfe du Mexique. Il s'agira d'un exposé quelque peu technique, mais nous nous sommes dit qu'il serait bien de traiter de certains principes fondamentaux de ce régime.

Le président : Formidable. Nous serons tous ravis de vous entendre. Avant que vous ne commenciez, je tiens à vous féliciter pour la préparation du ministre. Je sais que vous y avez tous participé de près. Il m'a dit qu'il avait été ravi de la façon dont vous lui avez expliqué la situation, parce que ce n'est pas une matière facile.

M. Corey : Effectivement.

Le président : C'est donc avec plaisir que nous allons avoir notre breffage à nous.

M. Corey : Je dois également vous dire que les personnes assises derrière moi n'ont pas beaucoup passé de temps chez elle au cours des dernières semaines, week-ends et soirées compris. Elles ont travaillé 24 heures sur 24 et sept jours sur sept sur ce dossier.

Le président : Nous sommes heureux que vous ayez suivi nos travaux. Si vous pensez que nous faisons fausse route quelque part, j'espère que vous vous sentirez assez à l'aise pour nous en faire part. Nous nous efforçons de faire de notre mieux pour bien informer le public à ce sujet, tout comme vous.

M. Corey : Nous allons commencer par la diapositive 3. Il faut s'intéresser à deux législations essentielles pour vraiment comprendre la façon dont le pétrole et le gaz extracôtiers sont encadrés au Canada. À la diapositive 3, la première loi est la Loi fédérale sur les hydrocarbures qui a été adoptée en 1985, connue sous l'acronyme LSH. Elle confère le pouvoir d'octroyer des intérêts. Elle régit la location des droits pétroliers et gaziers appartenant au gouvernement fédéral ainsi que le paiement des redevances. Elle régit également l'administration des terres.

La deuxième mesure dont vous entendrez souvent parler est la LOPC, la Loi sur les opérations pétrolières au Canada de 1986. Elle régit l'exploration et l'exploitation du pétrole et du gaz. Elle énonce les mesures prises en ce qui concerne la protection de l'environnement, la conservation des ressources pétrolières et gazières et les ententes de production conjointes. Il y est beaucoup question de sécurité, outre que ce texte encadre l'exploitation du pétrole et du gaz. Voilà donc les deux grands textes de loi.

À la diapositive 4, on constate que le premier organisme investi de responsabilités générales est l'Office national de l'énergie. Comme la Loi sur l'ONE a été adoptée en 1959, l'office existe donc depuis longtemps. C'est un organisme de réglementation indépendant du gouvernement qui régit les activités extracôtières à l'exception des deux zones visées par des ententes sur lesquelles nous reviendrons tout à l'heure. L'ONE est l'organisme responsable dans les situations d'urgence, dans les zones dites « hors entente », et il réglemente les activités pétrolières et gazières dans ces mêmes zones.

Pour les autres zones et au nord du 60e parallèle, c'est le ministère des Affaires indiennes et du Nord Canada qui est responsable de la collecte, de la gestion et de l'administration des redevances, de même que des fonctions de gestion en matière de régime foncier. AINC émet les baux et lance les appels d'offres. Au sud, c'est Ressources naturelles Canada qui s'en occupe.

Le président : Nous avez-vous déjà parlé de ces zones visées par entente et des zones « hors entente »? De quoi s'agit-il? Se trouvent-elles à Terre-Neuve-et-Labrador et en Nouvelle-Écosse?

M. Corey : C'est cela. C'est sur la diapositive suivante. En 1987 et 1988, nous avons conclu des ententes spéciales en vertu de la Loi de mise en œuvre de l'Accord atlantique Canada-Terre-Neuve, dans le cas de Terre-Neuve, et de la Loi de mise en œuvre de l'Accord Canada-Nouvelle-Écosse sur les hydrocarbures extracôtiers avec la Nouvelle-Écosse. Pour ces zones, nous avons mis de côté les questions de compétences et nous sommes entendus sur l'application d'un cadre commun de gestion.

Il y a des offices dans ces deux provinces qui relèvent effectivement des deux ordres de gouvernement. Ils sont autonomes, comme l'ONE, ils sont indépendants des gouvernements. Les offices sont responsables des fonctions de gestion des régimes fonciers, de la protection de l'environnement, de la sécurité des inspections. Toutefois, Ressources naturelles Canada est responsable de la collecte des redevances et de l'administration financière.

Les offices s'occupent surtout de ce qui a trait à la sécurité, à la protection de l'environnement et aux opérations à proprement parler. Notre ministre a insisté sur ce point. Ce sont des offices autonomes et impartiaux qui se chargent de superviser la sécurité et les fonctions d'évaluation environnementale dans le domaine extracôtier.

Le président : Nous pensons qu'il y a peut-être un problème dans le fait que ces offices relèvent des deux ordres de gouvernement. Est-ce que ça fonctionne?

M. Corey : Je le pense, en ce sens qu'ils sont autonomes. Les conseils sont nommés par les deux ordres de gouvernement. Toutefois, une fois qu'ils sont établis, ils sont indépendants.

Par exemple, tous deux ont un inspecteur en chef de la sécurité dont les décisions ne peuvent être renversées ni par l'office ni par les gouvernements. Ce sont donc des organismes véritablement autonomes et impartiaux.

Le président : Donc, le premier ministre Williams ne peut pas dire « Faites ceci », tandis que le ministre Paradis leur dira « Non, non. Faites plutôt cela ». C'est ça? Ils décident de ce qu'ils veulent faire et peuvent prendre acte de ce qu'on leur dit par ailleurs? C'est toujours le risque à courir quand on a deux patrons.

M. Corey : Effectivement, ils n'ont pas à recevoir d'ordres directs des gouvernements. À l'instar de l'Office national de l'énergie, ce sont des organisations impartiales et indépendantes des gouvernements.

Le sénateur Lang : Puis-je enchaîner et comparer notre système à ce qui se passe dans le golfe? Est-ce que l'inspecteur en chef de la sécurité était entièrement indépendant là-bas ou le système est-il différent?

M. Corey : Je peux vous donner quelques pistes de comparaison avec les États-Unis.

Le sénateur Lang : Je juge ça très important.

Le président : Dans la mesure où nous ne brisons pas son élan.

M. Corey : En fait, ça va clarifier les choses. Avant, aux États-Unis, tout ce qui était gestion foncière et fonctions d'inspection, d'enquête et d'application de la loi relevait du Minerals Management Service. Il y avait donc un seul et même secteur pour ça.

Le président Obama a annoncé qu'il maintenait toutes ces fonctions au sein du département de l'Intérieur, mais qu'il créait trois divisions distinctes. Les subventions, les baux et les permis seront désormais émis par la division de la gestion foncière du Minerals Management Service. Un groupe distinct se chargera des redevances et des recettes et un troisième groupe s'occupera des inspections, des enquêtes et de l'application de la loi.

Toutes ces fonctions ont donc été séparées. J'insiste sur le fait qu'au Canada, les organismes de réglementation ont toujours été indépendants du gouvernement et nous avons, par exemple, séparé la fonction perception des redevances et des recettes. C'est le gouvernement du Canada qui s'occupe de ça.

Voilà qui situe un peu les offices en contexte.

La diapositive 6 présente certains des éléments qu'exigent tous les offices de réglementation. Un plan d'exploitation doit précéder le début du forage. Des évaluations environnementales doivent être faites à deux reprises durant le processus. Il faut produire des plans de sécurité et de formation, des plans de protection environnementale — et vous pouvez encore une fois constater qu'il y en a plusieurs — ainsi que des certificats de conformité. Les exploitants doivent se plier à un ensemble d'exigences en matière de responsabilité financière sur lesquelles je pourrai revenir plus tard. Ils doivent suivre une procédure pour forer un puits et rendre compte en cours de route jusqu'à la mise hors service du puits. C'est là un résumé très limité, mais il faut savoir qu'avant d'obtenir un permis de sondage, puis un permis de production, les compagnies doivent se plier à toute une série d'exigences. Le processus est relativement long.

La diapositive 7 porte sur un autre aspect qui a été l'objet d'une certaine confusion. J'espère qu'elle va nous permettre de clarifier un peu les choses.

Avant le lancement d'un appel d'offres, par exemple dans le Nord, AINC évalue les aspects environnementaux, sociaux et culturels. Le ministère a plus de 40 ans d'expérience dans ce domaine et il dispose d'énormément de données et d'informations. Pour certaines régions, il dira simplement « Nous ne touchons pas à ce secteur, nous n'allons pas accorder de baux parce que le secteur est trop sensible. » Les offices du Canada atlantique se livrent à une évaluation environnementale stratégique qui vise à parvenir à peu près au même résultat. À l'occasion de ce genre d'évaluation, les offices examinent les secteurs visés de façon générale et disent : « Y a-t-il d'autres facteurs susceptibles de nous inciter à ne pas accorder de baux dans ce coin? » À partir de ces évaluations, les offices lancent des appels d'offres et l'adjudicataire est celui ayant présenté la meilleure offre. À partir de là, la compagnie doit se plier à tout un processus d'évaluation environnementale avant de commencer le forage. Pour toute activité subséquente, les offices font des évaluations environnementales. C'est ça qui a créé un certain imbroglio. Avant le début du forage, les offices font également une évaluation environnementale.

Le président : Je crois que le projet de loi fourre-tout qui est actuellement devant la Chambre, le projet de loi C-9 qui est la Loi d'exécution du budget, porte sur à peu près tout ce qu'on peut imaginer. N'y a-t-il pas aussi un projet de rationalisation des évaluations environnementales qui est source d'une certaine confusion?

M. Corey : Non.

Le président : Il n'a pas encore été adopté.

M. Corey : Non. Cela concerne la rationalisation du processus réglementaire.

Le président : En général?

M. Corey : Oui.

Le président : Toutefois, cela n'atténue en rien ce qui doit être fait?

M. Corey : Cela ne changera pas la nécessité d'effectuer des évaluations environnementales avant le forage. Cette exigence demeure.

Le président : Vous pouvez poser une question à ce sujet, sénateur Neufeld, parce que c'est vous et le sénateur Frum qui êtes en train d'étudier ce projet de loi.

Le sénateur Neufeld : Dans le Nord, c'est AINC qui se charge des évaluations environnementales, n'est-ce pas?

Le président : Au nord du 60e parallèle.

Le sénateur Neufeld : Au nord du 60e?

M. Corey : AINC est chargé de l'évaluation préliminaire. Je le répète, à partir des données dont il dispose, ce ministère peut exclure certains secteurs. Dans les zones visées par l'Accord de l'Atlantique, ce sont les offices qui se chargent de l'évaluation environnementale. Juste avant le forage, la compagnie exploitante doit faire cette évaluation.

Le sénateur Neufeld : Eh bien, ça me va. J'étais un peu confus. Je suis heureux que vous ayez tiré les choses au clair. AINC fait une partie du travail parce qu'il a une longue expérience du terrain et qu'il connaît bien les différentes régions. Et c'est en fait l'Office national de l'énergie qui réalise les évaluations environnementales au moment du forage.

M. Corey : C'est cela, l'Office demande aux compagnies de le faire.

Le président : Sénateur Dickson, vous vouliez poser une question pour obtenir des précisions?

Le sénateur Dickson : Oui. Est-ce qu'après l'adoption du projet de loi C-9, les offices de Terre-Neuve et de Nouvelle-Écosse conserveront leur compétence en matière d'évaluation environnementale?

M. Corey : Oui. C'est ce dont on discute actuellement. À l'heure actuelle, les offices ont ce pouvoir. Nous cherchons à voir comment cela sera géré dans l'avenir.

Le sénateur Dickson : Cela nécessitera-t-il un amendement au projet de loi C-9?

M. Corey : Je ne sais pas. Il faudra que je vérifie et je vous l'indiquerai ensuite.

La diapositive 8 précise ce que le ministre vous a indiqué. Les exploitants sont clairement responsables de la prévention, de l'atténuation et de la gestion des déversements de pétrole. Ils sont imputables pour les nettoyages après un déversement et pour le paiement des pertes et dommages. C'est ce que le ministre vous a indiqué, même si la diapositive est légèrement différente, c'est sensiblement la même chose. Les offices de l'Atlantique exigent de tout exploitant qui entame un forage de disposer d'un fonds de responsabilité absolue de 30 millions de dollars. Il s'agit généralement d'une marge de crédit à laquelle les offices ont accès. Dans le Nord, ce montant est porté à 40 millions de dollars.

On parle de « responsabilité absolue » quand il n'est pas nécessaire de prouver la faute ou la négligence. Même si le déversement n'est attribuable à aucune faute ou négligence de l'exploitant, sa responsabilité est engagée envers les tiers. Encore une fois, ce fonds ne doit pas servir aux coûts de nettoyage parce que les exploitants doivent assumer leurs propres dépenses. Voilà pour la première chose. Le fonds est destiné à ceux qu'il faut dédommager pour les pertes subies. Les sinistrés peuvent être dédommagés par le truchement des offices sans avoir à prouver qu'il y a eu faute.

Le deuxième niveau d'assurance est de 70 millions de dollars et il s'applique à tous les exploitants. L'office de réglementation doit avoir accès à ces fonds sous la forme de bons, d'assurances ou de billets à ordre. Dans ce cas, il faut prouver la faute ou la négligence. Il s'agit donc d'un second fonds mis sur pied pour indemniser les tierces parties en cas de pertes.

En troisième lieu, les exploitants doivent prouver qu'ils ont la capacité financière de couvrir leur responsabilité à hauteur de 250 millions de dollars. Cette somme dépend un peu du type de puits et des circonstances. Il est question ici de prouver que la société a les reins assez solides pour indemniser les sinistrés en cas de poursuites à la suite d'un accident.

Encore une fois, comme vous l'a dit le ministre, le montant de la poursuite n'est pas plafonné. Les plaignants peuvent réclamer ce qu'ils veulent. La loi précise ce que les offices peuvent faire pour obtenir la garantie d'une capacité minimale. Vous devez considérer qu'il s'agit ici de niveaux minimums.

À la diapositive 9, on voit que les exploitants sont responsables des coûts de nettoyage et d'intervention après déversement et qu'ils doivent tenir des plans d'intervention en cas d'urgence. À la demande de l'exploitant ou si l'organisme de réglementation le juge nécessaire, les opérations d'intervention peuvent être prises en charge par l'organisme de réglementation. Par exemple, si un des offices devait estimer que l'exploitant ne fait pas un bon travail de nettoyage, il pourrait prendre la relève. Les plans d'intervention sont régulièrement testés en collaboration avec les organismes de réglementation, Ressources Naturelles Canada, ou RNCan, et les autres organismes fédéraux et provinciaux.

La diapositive 10 traite du fait que RNCan dispose d'un plan d'urgence. À la rubrique Structure et rôles, on voit qu'il y a un groupe de gestion des urgences et, sous Activation, qu'il y a trois niveaux d'urgence. À la rubrique Intervention, il est question des étapes d'intervention en situation d'urgence. Une formation est donnée à cet égard.

Le 25 mars 2010, un certain nombre d'entre nous, moi y compris, avons participé à une simulation d'exercice sur maquette. Celle-ci portait sur un secteur de l'Atlantique et des gens de l'Office Canada-Terre-Neuve-et-Labrador d'hydrocarbures extracôtiers ont participé à l'exercice par téléphone. Nous avons testé ce que nous ferions en cas d'urgence. L'exercice en question était très intéressant. Le scénario partait de la collision entre un bateau et une plate-forme de forage, suivie d'un incendie et d'une explosion. La question était de savoir ce que nous aurions pu faire dans ce cas, comment nous aurions coordonné l'intervention et quelles étapes nous aurions suivies. Nous avons fait tout cela pas plus tard qu'en mars dernier.

Le président : Je veux que nous comprenions bien; vous avez bien dit qu'il s'agissait d'un exercice sur maquette. Était-ce vraiment autour d'une maquette? Ou étiez-vous sur place, en plein milieu de l'océan?

M. Corey : Non, nous étions tout un groupe rassemblé autour d'une table. D'autres étaient en liaison avec nous par appel conférence. Des représentants de l'Office Canada-Terre-Neuve et d'autres ont participé à l'exercice par téléphone. Un animateur, qui nous guidait durant l'exercice, nous donnait des informations complémentaires en cours de route en nous disant, par exemple : « Il est telle heure et voici l'information qui vient de tomber. Qu'allez-vous faire maintenant? » Nous nous prononcions alors tous sur ce que nous aurions fait. Puis, l'animateur poursuivait en disant « Il est un peu plus tard et nous venons de recevoir ces nouvelles informations. Qu'allez-vous faire? » C'était une simulation, mais nous échangions tous autour d'une table sur la façon de composer avec la situation.

Le président : Et ça c'était bien avant les événements dans le golfe du Mexique?

M. Corey : Oui, absolument.

Des questions ont été posées au sujet d'autres organisations. RNCan assume un certain nombre de responsabilités que nous avons décrites pour vous. AINC est responsable de la surveillance législative et réglementaire au nord du 60e parallèle. Environnement Canada donne des conseils et administre les évaluations environnementales pour les programmes de forage et de production; ce même ministère peut également déployer l'Équipe régionale des interventions d'urgence, mettant ainsi à contribution davantage de ressources. La Garde côtière — et le ministre vous en a parlé — maintient 82 dépôts de matériel d'un bout à l'autre du pays. Elle joue aussi un rôle crucial en cas de déversement. Transports Canada administre le Programme national de surveillance aérienne qui permet de suivre les déversements. Son rôle pourrait être très important. Pêches et Océans interviendrait sur plusieurs plans et ce ministère est un autre joueur important.

On nous a déjà demandé combien nous avions réservé pour faire face à un éventuel déversement. Eh bien, tout dépendrait du genre de situation d'urgence à laquelle nous serions confrontés et nous déploierions toutes les ressources nécessaires pour y faire face.

Je me souviens ce qui s'est passé lors de la tempête de verglas de 1995 qui a été un événement majeur ayant frappé l'Est ontarien et l'Ouest québécois. À l'époque, j'imprimais des cartes topographiques et j'administrais les données cartographiques pour le gouvernement du Canada. Nos presses à imprimer tournaient 24 heures sur 24, sept jours sur sept, car nous fournissions des cartes topographiques aux Forces armées canadiennes qui étaient en plein déploiement. Nous avons déniché les ressources après coup. J'imagine que c'est la même chose qui se passerait aujourd'hui dans une situation d'urgence de ce genre. L'important serait de mettre la main sur tout ce qu'il faut pour composer avec l'urgence.

La dernière diapositive explique un peu ce qui s'est fait depuis l'incident du golfe du Mexique.

En réponse aux nombreuses questions qui nous ont été posées sur la façon dont nous nous comparons aux États-Unis, nous avons établi le parallèle entre le système canadien et le système américain. Deuxièmement, depuis les événements dans le golfe du Mexique, nous avons fait un certain nombre de choses pour resserrer la vigilance dans ce domaine. Le ministre vous a décrit la plupart de ces actions. Le 11 mai, l'ONE a annoncé qu'il va se livrer à un examen approfondi. Le 12 mai, la province de Terre-Neuve-et-Labrador a annoncé la tenue d'une évaluation indépendante; je pense que c'est le capitaine Mark Turner qui s'en occupera pour la province. Le 13 mai, grâce à une décision commune prise par Ressources naturelles Canada et le ministère de l'Énergie de la Nouvelle-Écosse, le moratoire sur toutes les opérations pétrolières et gazières du banc Georges a été prolongé jusqu'au 31 décembre 2015. Le 20 mai, l'Office Canada-Terre-Neuve-et-Labrador des hydrocarbures extracôtiers a annoncé un certain nombre de mesures additionnelles au sujet du projet de forage de Chevron dont le ministre vous a parlé. Voilà pour la deuxième partie de notre action.

Troisièmement, comme l'exprime cette citation du ministre, nous avons beaucoup à apprendre de ce qui s'est passé. L'important est de s'assurer que chaque projet respecte la protection et la sécurité des travailleurs et surtout l'environnement. Je crois que le ministre a aussi très clairement indiqué que nous allions tirer des enseignements de tout cela. S'il est possible de renforcer un tant soit peu le système, nous prendrons toutes les mesures nécessaires en ce sens après avoir suivi la situation de très près.

Le président : Voilà qui était fort utile, monsieur Corey. Je pense que mes collègues seront d'accord avec moi. Vous êtes ceux qui, on peut l'espérer, ont les réponses qui nous intéressent. Vous nous avez lu toute une liste de mesures antérieures au 20 avril et avez un peu parlé des mesures de renforcement adoptées depuis. Mardi soir, un groupe de témoins a dit au sénateur Dickson et à moi-même que tout cela pourrait faire reculer de 20 ans l'industrie du forage extracôtier. Un autre groupe nous a dit redouter énormément les réactions possibles à cause de citations comme celle du ministre. Peut-on se tromper quand on dit ça? La question est cependant de savoir si l'on fait ceci ou cela pour en arriver à des déclarations de ce type — jugées comme excessives par des experts comme vous — afin d'atténuer les craintes du public. Je ne sais pas. Tout ce que je peux vous dire, c'est que nous sommes à l'écoute. Nous savons que le ouï-dire est dangereux et qu'il n'est pas admissible en preuve. Je m'en remets à vous à ce sujet.

M. Corey : C'est une très bonne question. Jusqu'ici, la réaction du gouvernement a été modérée. Le premier ministre a été assez clair sur le sujet. Il a confiance dans les offices, dans les trois offices que nous suivrons de près pour voir quelles leçons on peut tirer et comment on peut encore améliorer les choses. Entre-temps, nous avons adopté un certain nombre de mesures pour suivre attentivement la situation dans le golfe du Mexique. Le gouvernement a clairement assumé ce rôle jusqu'ici. Je crois pouvoir dire qu'il a adopté une approche modérée.

Le président : Certes et, comme vous, nous suivons les différentes annonces et déclarations. Le premier ministre de Terre-Neuve-et-Labrador est actuellement à Ottawa et il prendra demain la parole au Canadian Club. Il a dit qu'il ne déclarait pas de moratoire pour le bassin Orphan. Il a dit qu'il avait confiance. Sommes-nous sur la même longueur d'onde? C'est un cas classique de chevauchement des responsabilités en matière de surveillance entre Ottawa et les provinces, à un moment où on aurait l'occasion de rassurer les Canadiens si on le voulait.

M. Corey : Nous entretenons des contacts assez réguliers entre les gouvernements provinciaux et le gouvernement fédéral, à presque tous les échelons de la hiérarchie. Je sais, par exemple, que notre ministre a eu des communications assez fréquentes avec ses homologues, surtout avec le ministre Dunderdale de Terre-Neuve. Je sais que les sous-ministres se sont parlé entre eux. J'ai moi-même été en contact avec mes homologues sous-ministres adjoints, surtout de Terre-Neuve, province qui est actuellement l'objet de toutes nos attentions. De plus, nous collaborons avec l'Office Canada-Terre-Neuve. Nous travaillons en étroites relations avec Affaires indiennes et du Nord Canada et avec d'autres organismes au sujet de ce qui se passe dans le Nord.

C'est pour ça que les partenariats sont importants. Il est important d'avoir de bonnes relations de travail. Je crois être en mesure de dire que, pour l'instant, les relations entre les gouvernements fédéral et provinciaux et territoriaux sont excellentes.

Le sénateur Mitchell : Dans votre exposé, monsieur Corey, vous avez pas mal insisté sur l'importance des évaluations environnementales afin d'avoir une impression de sécurité et de s'assurer que les choses sont bien faites. Aujourd'hui au Sénat, nous avons été saisis du projet de loi C-9, la Loi d'exécution du budget. Nous l'adopterons à la fin du mois d'août. Ce texte prévoit de donner au ministre le pouvoir d'intégrer le processus d'évaluation environnementale, mais certains vous diront d'en réduire l'importance. Avez-vous songé à cela à la lumière de ce que vous nous avez dit dans votre exposé? Peut-on avoir la garantie que les évaluations environnementales se feront selon les normes les plus élevées et qu'elles ne seront pas diluées?

M. Corey : Oui. Cette initiative est dirigée par Environnement Canada en collaboration avec un autre service de notre ministère, le Bureau de gestion des grands projets. L'essentiel, c'est que les évaluations environnementales ne seront ni affaiblies ni diluées. Les mêmes exigences en matière d'évaluation environnementale seront appliquées à l'exploitation extracôtière visée par ce projet de loi.

Le sénateur Mitchell : Sont-elles exclues des dispositions de ce projet de loi?

M. Corey : Non, mais il est question de l'organisation et de la façon dont le processus d'évaluation environnementale est administré. Par exemple, l'obligation faite aux compagnies d'effectuer des évaluations environnementales demeurera inchangée. Elles devront encore se plier au processus d'évaluation environnementale.

Le sénateur Mitchell : Je n'ai peut-être pas complètement suivi ce qu'a dit le ministre au sujet des puits d'intervention, mais j'ai l'impression que les exigences relatives à ces puits ont été modifiées en décembre dernier. Il a dit que tel n'était pas le cas, qu'il n'y a pas eu de changements étant donné que des lignes directrices encadrent l'établissement des exigences à cet égard. Il y a une différence fondamentale entre un règlement et des lignes directrices.

Pourriez-vous m'expliquer la différence entre les deux et me dire comment le ministre peut affirmer que ces deux choses reviennent au même?

M. Corey : Je vais commencer et je demanderai ensuite à M. Shanks de vous répondre.

Il est évident que l'article paru dans l'Ottawa Citizen était erroné. Dans les zones visées par l'Accord atlantique de même que dans les zones qui relèvent encore de la compétence de l'Office national de l'énergie, les compagnies d'exploration doivent déposer des plans relatifs au forage de puits de secours, s'ils sont nécessaires. Dans l'Arctique, à cause des difficultés logistiques que pose le déploiement d'un navire de forage après un accident survenu à un premier bâtiment du même type, il faut avoir sur place un deuxième navire de forage qui soit en mesure de creuser un puits d'intervention dans la même saison.

Cette exigence ne s'applique pas dans l'Atlantique parce que là-bas, il est possible de faire venir un navire de forage beaucoup plus vite, mais il est exigé que le plan prévoie l'intervention d'un deuxième navire de forage pour creuser un puits de secours en cas d'urgence.

M. Shanks : Ce dont vous parlez, c'est du changement apporté au type de réglementation qui a eu lieu l'an dernier. Nous sommes passés d'un type de règlement purement normatif à un règlement de style axé sur les buts. Comme vous l'a dit le ministre, cette nouvelle forme de réglementation donne aux offices extracôtiers la souplesse nécessaire pour appliquer les meilleures technologies disponibles. Cela ne met pas un terme aux exigences relatives aux puits d'intervention. Les offices extracôtiers ont encore la possibilité et le pouvoir d'appliquer ces principes aux projets d'exploration au large, et c'est précisément ce qu'ils font.

Autrement dit, s'il existe une meilleure technologie, les offices auront la possibilité d'y recourir, mais pour l'instant — dans le cas du puits de Chevron, par exemple — il est nécessaire de prévoir le forage d'un puits de secours.

Le sénateur Mitchell : Je crois savoir que Chevron a déclaré qu'en cas d'éruption incontrôlée et de déversement à son projet du bassin Orphan, il faudrait, dans le pire des cas, 10 jours pour forer un puits de secours. Il est possible que j'aie mal compris, mais la compagnie Chevron affirme du même souffle qu'il faudrait environ 11 jours pour déployer le navire de forage et commencer le perçage du puits de secours. Ça n'est pas logique.

Le ministre a dit qu'il faudrait 12 à 24 jours pour que le navire de forage soit prêt à intervenir. Comment pouvez-vous affirmer qu'il ne faudrait que 12 à 14 jours? Qui sait où se trouveront les autres navires de forage à ce moment-là et quelles seront alors leurs obligations contractuelles. Sera-t-il possible d'en libérer un pour le dépêcher sur les lieux de l'accident? Combien de temps lui faudra-t-il pour forer à 2 600 mètres de profondeur une fois sur place?

Éric Landry, directeur, Division de la gestion des régions pionnières, Division des ressources pétrolières, Ressources naturelles Canada : Chevron a pris des dispositions avec une société pour obtenir un navire de forage en cas d'urgence et les 12 à 14 jours dont le ministre a parlé correspondent au temps qu'il faudrait à ce navire pour se rendre sur place et commencer les opérations de forage du puits de secours. Comme vous l'avez vu aux États-Unis, le forage d'un puits d'intervention peut exiger plusieurs mois.

Le sénateur Mitchell : Est-ce qu'un navire est placé en attente quelque part? Dans la négative, comment pouvez-vous affirmer qu'il lui faudra 12 à 14 jours pour parvenir sur place?

M. Landry : L'Office Canada-Terre-Neuve-et-Labrador d'hydrocarbures extracôtiers pourrait vous donner toutes les précisions à ce sujet. À la faveur des échanges que j'ai eus avec le président de l'office, j'ai cru comprendre que Chevron a conclu un accord pour obtenir un navire de forage et qu'il faudrait 12 à 14 jours pour que celui-ci soit déployé.

Le président : Je dois vous préciser que nous allons accueillir des témoins de Chevron jeudi matin à 8 heures. Je suis sûr que vous le saviez déjà, mais je tenais à le préciser à ceux qui nous regardent.

Le sénateur Neufeld a une question supplémentaire à poser à la suite des questions du sénateur Mitchell.

Le sénateur Neufeld : D'après ce que j'ai compris de la réponse du ministre quand je lui posé la question, le permis de forage de Chevron impose à cette compagnie de disposer d'un navire de forage dans un délai maximum de 12 à 14 jours. Cela veut dire que Chevron doit sans doute payer une autre compagnie qui exploite un navire de forage en mesure de forer à de telles profondeurs pour qu'un bâtiment quitte son ancrage toutes affaires cessantes et se rende sur les lieux de l'incident. C'est ce que j'ai cru comprendre.

M. Landry : C'est ce que j'ai cru comprendre aussi.

Le sénateur Neufeld : C'est l'engagement de la compagnie Chevron.

M. Shanks : Il y a un navire en attente et le temps de croisière au départ du golfe est d'environ 11 jours.

Le sénateur Neufeld : Si c'est de là qu'il vient.

M. Shanks : Si c'est de là qu'il vient.

Le sénateur Lang : Permettez-moi d'enchaîner à ce sujet. Voyons ce qui se passe du côté de l'Arctique afin de bien comprendre. Avez-vous dit, monsieur Shanks, à moins que ce ne fût M. Corey, que dans l'Arctique, si le forage d'un puits de secours s'impose, l'exploitant doit disposer d'un second navire de forage sur place ou à proximité à cause de la présence de glaces et de tous les autres facteurs propres à cette région?

M. Shanks : C'est effectivement une des conditions de forage imposées par l'Office national de l'énergie.

Le sénateur Lang : Cette condition était-elle également imposée dans le passé?

M. Shanks : En réalité, il n'y a pas eu de forage effectué en eau profonde, mais il est un fait que les exploitants doivent démontrer leur capacité de forer un puits d'intervention dans l'Arctique dans la même saison. C'est la politique en vigueur.

Le sénateur Lang : Je ne sais pas quelle est votre relation avec AINC ni quelles sont les responsabilités de ce ministère dans le Nord, mais j'ai l'impression que si l'Office national de l'énergie et les provinces, dans ce cas, prennent part au processus réglementaire, nous devrions peut-être en profiter pour demander à l'ONE d'appliquer à l'Arctique le même genre de régime réglementaire. A-t-on envisagé cela? J'ai cru comprendre que c'est à l'ONE que se trouve une grande partie de nos compétences dans le domaine des hydrocarbures.

M. Shanks : Pouvez-vous répéter la question?

Le sénateur Lang : Le processus réglementaire appliqué par AINC dans l'Arctique est différent de ce qu'il est sur la côte Est. Avez-vous pensé à reproduire ce régime réglementaire de la côte Est au large du Yukon et des Territoires du Nord-Ouest?

M. Shanks : Je vois, un peu comme des régimes de gestion commune.

Le sénateur Lang : Oui.

M. Shanks : Les territoires se sont bien sûr dits intéressés par un tel régime pour leurs zones extracôtières, tout comme le Québec — par exemple, dans le golfe du Saint-Laurent — ainsi que le Nouveau-Brunswick et l'Île-du-Prince-Édouard. RNCan a effectivement envisagé d'avoir des échanges avec les provinces, comme AINC, en vue d'appliquer des régimes de gestion commune dans le Nord. On y a effectivement songé.

Le président : Monsieur Shanks, vous n'ignorez sûrement pas que notre bon sénateur est originaire du Yukon et qu'il veut exercer son influence là-bas.

M. Shanks : Effectivement et j'ai passé beaucoup de temps au Yukon.

Le sénateur Lang : Vous savez donc ce dont on parle. C'est envisageable. Comme le processus réglementaire semble satisfaisant à Terre-Neuve-et-Labrador et en Nouvelle-Écosse, je me dis que, dans l'avenir, il faudrait envisager d'appliquer le même régime dans le Nord et de ne plus traiter cette région différemment de la côte Est.

M. Corey : Je me dois de vous préciser que, pour tout ce qui concerne le partage des recettes et le reste, vous devriez poser vos questions à Affaires indiennes et du Nord Canada et aux ministres.

S'agissant de la surveillance réglementaire, les deux systèmes sont en fait semblables parce que l'Office national de l'énergie est l'organisation autonome qui supervise l'ensemble des évaluations de sécurité et des évaluations environnementales, de même que les activités de contrôle des opérations. En ce sens, les deux régimes se ressemblent.

Le sénateur Lang : Il ne fait pas de doute qu'on devine ici que le régime d'application réglementaire et les mesures adoptées pour l'exploration extracôtière sont nettement plus rassurants que ceux en vigueur dans le golfe du Mexique. J'ai posé une question au sujet de l'inspecteur en chef de la sécurité et on m'a répondu que les Américains venaient de subdiviser sa fonction en plusieurs divisions relevant du même service fédéral qui s'occupe du golfe du Mexique.

À la façon dont le régime américain fonctionne dans le golfe du Mexique, doit-on conclure que l'inspecteur en chef de la sécurité était indépendant de l'organisation de tutelle ou, au contraire, qu'il ne disposait d'aucune liberté pour prendre des décisions? Je veux voir où se situe la différence entre eux et nous?

M. Corey : J'aimerais pouvoir répondre à votre question, mais je l'ignore.

Le président : Il n'appartient pas à ces témoins de nous dire ce qui se passe dans le golfe.

Le sénateur Lang : C'est parce que nous nous comparons aux Américains, monsieur le président.

Pourriez-vous m'obtenir une réponse à ce sujet?

M. Shanks : Il y a un élément à retenir dans cette comparaison, c'est qu'au large de Terre-Neuve nous n'avons qu'un seul puits et que l'Office national de l'énergie consacre énormément de ressources à ce seul puits. Dans le golfe du Mexique, il y a une multitude de plates-formes de forage. Il est possible que les Américains n'aient pas disposé des ressources nécessaires pour effectuer toutes les inspections qui s'imposaient. Je ne sais pas et j'ignore la rigueur avec laquelle ils effectuaient ces inspections régulières.

Il est un fait qu'au Canada les opérations sont de bien moins grande envergure ce qui, selon moi, explique en partie le délai de six mois dans le golfe parce que les Américains ont dû prendre un temps de recul et se poser une série de questions relativement aux procédures qu'ils appliquaient, au nombre de plates-formes dans le golfe et à leur effectif d'inspecteurs.

J'ai vu dans la presse d'aujourd'hui que les Anglais ont annoncé qu'ils redoublaient d'efforts pour les inspections.

M. Corey : En tant que fonctionnaires du gouvernement du Canada, nous ne pouvons pas conjecturer sur les problèmes des Américains ni sur les causes de ces problèmes. Nous devrons attendre pour voir ce que donne leur examen à ce sujet.

Le sénateur Lang : Monsieur le président, je ne cherche pas à conjecturer ni à mettre qui que ce soit sur la sellette. Je comprends que nous n'ayons à composer qu'avec une seule plate-forme au large de Terre-Neuve et on me dit que, dans le golfe du Mexique, il pourrait y avoir 50 000 puits, ce qui donne une idée de ce à quoi les Américains ont affaire.

M. Shanks : Il y a certainement beaucoup de puits, mais pas autant que ça.

Le président : On ne parle pas d'Hibernia parce que la compagnie ne fait actuellement pas de sondage là-bas, son puits étant déjà en exploitation.

Le sénateur Lang : Je comprends ça. Ma question concernait la réglementation et j'aimerais que vous examiniez la chose. On nous dit que nous sommes différents des Américains, que nos moyens d'application réglementaire sont meilleurs. Je me demande simplement si, aux États-Unis, avant cet accident, l'inspecteur en chef de la sécurité était investi du pouvoir réglementaire de rendre une décision indépendante ne pouvant pas être renversée. C'est la seule question que je me posais. Quant à savoir si le régime réglementaire a été effectivement respecté, c'est une autre affaire.

M. Shanks : Nous pourrons certainement vous communiquer cette information si vous le souhaitez.

M. Corey : Il convient de placer les choses en perspective. Ces chiffres ont été communiqués par l'un des offices, l'autre jour, et nous allons devoir en vérifier l'exactitude. Il y a environ 4 000 installations aux États-Unis et, à Terre-Neuve-et-Labrador, je crois savoir qu'il y en a environ six.

Le président : Qu'entendez-vous par installations?

M. Shanks : Une plate-forme.

Le président : Fonctionnelle?

M. Corey : Oui, en opération. La Nouvelle-Écosse en a cinq. Même si ces chiffres ne sont pas exacts, car ils sont approximatifs — et nous vous transmettrons plus tard les bons chiffres —, il n'y a pas de comparaison entre le nombre de puits que nous avons ici et ceux qu'il y a au large des côtes américaines.

Le président : Ce qui nous rassure à propos de notre système, c'est que la comparaison faite par le ministre et ses fonctionnaires, entre nous et les Américains, rappelle la situation du secteur bancaire. C'est aux feuilles qu'on juge l'arbre et, de ce côté-ci de la frontière, on peut espérer que l'arbre se porte bien.

Le sénateur Peterson : Merci, messieurs, pour votre exposé. Nous convenons tous, je pense, que le forage extracôtier en eau profonde est très spécialisé. Comment, selon vous, la compétence technique des organisations de réglementation se compare-t-elle à celle des sociétés de forage?

M. Corey : À cet égard, je me dois de vous rappeler ce qu'a déclaré le premier ministre. Il a dit avoir entièrement confiance dans les trois offices et dans leur compétence technique. Il s'agit d'organismes de réglementation de classe internationale. Leur personnel participe tous les ans à des conférences internationales rassemblant des spécialistes venus du monde entier.

En cours d'année, les trois offices se réunissent pour comparer leurs notes. Les choses évoluent tellement vite dans ce secteur d'activités — à cause des changements de méthodes et de technologie — qu'ils doivent se tenir à jour. Je peux affirmer que le gouvernement du Canada a une grande confiance dans la compétence de ces trois offices.

Le sénateur Peterson : Je vous ai posé cette question parce qu'on a eu l'impression que le gouvernement américain demandait à la pétrolière de lui dire ce qui se passait dans le golfe du Mexique et que celle-ci avait du mal à lui fournir des explications. J'espère que nous ne risquons pas de nous retrouver dans la même situation. C'est un domaine très spécialisé.

M. Corey : De plus, au Canada, tous les offices ont le pouvoir d'intervenir et de prendre la relève des opérations s'ils estiment que l'exploitant concerné ne réagit pas suffisamment bien à la crise. Pour cela, ils doivent pouvoir compter sur la compétence de leur personnel et sur un ensemble de moyens qu'ils doivent maintenir.

Le sénateur Peterson : Je l'espère également. Je pense avoir lu quelque part qu'en cas d'éruption incontrôlée, la nappe de pétrole pourrait se déplacer sur une centaine de kilomètres. Pourquoi cela?

M. Corey : C'est difficile à dire. Il faudrait voir les modélisations établies pour le puits de Chevron. Le modèle informatique repose sur une série de paramètres qui permettent d'établir la dispersion probable du pétrole. De nombreux facteurs et de nombreuses variables interviennent pour déterminer notamment la durée, la quantité et les conditions du déversement. C'est difficile à dire.

Le sénateur Peterson : Ce qui m'étonne, c'est que la compagnie en soit arrivée à ce résultat aussi rapidement. Merci.

Le sénateur Frum : Vous avez dit que d'autres mesures avaient été adoptées afin de renforcer le régime. J'aimerais savoir si des changements ont été apportés aux normes d'inspection des blocs obturateurs de puits, les BOP. Je vous pose cette question parce que j'ai entendu parler d'une petite étude réalisée en 2002, par le Minerals Management Service, qui a permis de constater que près d'un tiers des BOP examinés présentaient un défaut. En outre, on a l'impression que les sociétés de forage n'ont généralement pas été surprises par la rupture du BOP de la plate-forme dans le golfe, parce qu'elles semblaient être au courant de ces problèmes. Je me demande simplement quels changements éventuels nous avons apportés au Canada sur ce plan.

M. Corey : Très bonne question. M. Landry pourra vous donner davantage de détails à ce sujet dans un instant.

Les offices de réglementation insistent pour que les protections soient multiples. Par exemple, le président de l'Office Canada-Terre-Neuve-et-Labrador d'hydrocarbures extracôtiers vous a parlé du premier niveau de protection qui est l'injection de boues dans le puits pour exercer une pression hydrostatique. Il s'agit du premier niveau de protection contre le refoulement. Deuxièmement, des procédures prévoient la cimentation de la conduite et du puits. Ces deux mesures doivent être mises en place. Le troisième niveau de sécurité est constitué par le BOP.

Les offices de réglementation misent sur plusieurs niveaux de sécurité. On retrouve la même stratification au niveau du BOP qui provoque la fermeture automatique du puits en cas de problème. Par exemple, une vanne à positionnement dynamique se ferme dès qu'il y a perte d'alignement de la station. Une autre vanne est télécommandée et une autre peut être fermée par un bidule qu'on envoie en bas. Enfin, une autre vanne est actionnable depuis un submersible.

Les offices de réglementation peuvent insister pour que des mesures de sécurité multiples soient appliquées afin que nous ne dépendions pas d'un seul dispositif parce qu'en cas de rupture, c'est l'éruption incontrôlée assurée.

M. Landry : Je vais laisser M. Shanks vous répondre parce que ça dépasse ma compétence technique.

M. Shanks : Je suis d'accord avec ce que M. Corey a dit. On parle dans le milieu de redondances multiples. Dans le golfe, comme l'a dit plus tôt la sénatrice, nous pouvons sans craindre de nous tromper supposer que les dysfonctionnements se sont produits en cascade.

Il est certain que le BOP sera au centre des nombreuses analyses auxquelles on va se livrer au Canada et aux États-Unis.

Le sénateur Frum : Sans doute en partie parce qu'à l'époque il y avait eu des avertissements et que des études avaient été réalisées. Je le répète, comment peut-on, au Canada, avoir la garantie que des avertissements semblables seront entendus?

M. Landry : Je peux vous répondre à ce sujet. Dans la série de mesures supplémentaires que l'Office Canada-Terre-Neuve a imposées à Chevron, il est prévu qu'avant de parachever le forage du puits, la compagnie devra suspendre ses opérations durant un temps afin de permettre la mise à l'essai des dispositifs de sécurité du BOP. L'organisme de réglementation doit avoir la certitude que la poursuite des travaux ne posera pas de dangers. Avant de parvenir au niveau de forage dangereux, il faudra tester le matériel.

Le sénateur Frum : Faut-il en conclure que le Canada disposera d'un régime réglementaire plus strict que celui en vigueur aux États-Unis pour ce qui est de la prise en compte des avertissements?

M. Landry : Il s'agit de mesures de sécurité additionnelles que l'Office a imposées dans le cas du puits de Chevron.

Le sénateur Frum : Depuis le 20 avril?

M. Landry : Oui.

Le président : Il nous reste 12 à 14 minutes et nous avons deux autres sénateurs après vous, sénateur Banks.

Le sénateur Banks : Je vais essayer d'aller aussi vite que possible.

Le sénateur Lang vous a posé la question de la crédibilité et de la fiabilité des inspecteurs qui n'échappent peut-être pas au poids de leur hiérarchie. Je veux que nous parlions des évaluations environnementales qui sont réalisées à différentes étapes.

Imaginez que je sois un citoyen ordinaire qui, à cause d'une insomnie, va regarder la télévision cette nuit et suivre les audiences de notre comité. Imaginez que je vous entende dire que c'est la compagnie qui va effectuer sa propre évaluation environnementale. Cette compagnie a de bonnes raisons de croire qu'il y a du pétrole là-dessous et c'est pourtant à elle qu'on demande de faire une évaluation environnementale afin de déterminer l'ampleur d'un éventuel problème écologique et de décider si rien ne s'oppose au parachèvement du forage.

Eh bien, moi, j'ai l'impression que ce citoyen ordinaire s'interrogera sur le fait qu'on puisse ainsi déléguer à un exploitant l'évaluation environnementale qui déterminera s'il peut effectivement exploiter la ressource. Pourriez-vous rassurer ce citoyen ordinaire?

M. Corey : Il est important de souligner ici que l'évaluation est réalisée en vertu de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale dont les exigences sont très rigoureuses. Ce n'est pas la compagnie pétrolière qui décide de ce qu'elle doit examiner. C'est le gouvernement qui, en vertu de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale détermine les facteurs à prendre en compte lors d'une telle évaluation. M. Shanks pourrait vous donner quelques précisions à ce sujet, parce qu'il s'agit d'un processus assez rigoureux.

Le sénateur Banks : Je ne veux pas m'éterniser là-dessus, mais au terme du processus, qui décide de ce que contiendra le rapport?

M. Corey : La pétrolière rédige le rapport, mais l'office est libre de l'accepter ou de le rejeter, selon la qualité de son contenu.

M. Shanks : Comme le ministre l'a dit tout à l'heure, les experts d'Environnement, de Pêches et Océans, de Transports et de Ressources naturelles contribuent tous à l'évaluation du rapport d'évaluation environnementale réalisé en vertu de la loi par l'exploitant. Ils l'examinent page par page et se demandent si le contenu est satisfaisant.

En général, avant qu'un tel rapport reçoive la bénédiction du ministre, il faut des mois de travail pour produit final, d'allées et venues entre les parties et d'échanges de questions et de réponses.

Le sénateur Banks : J'ai choisi une seule question sur la longue liste de celles que je voulais poser.

Le ministre et vous avez parlé des garanties émanant, je pense, des détenteurs de droits et qui sont transférées aux sociétés de forage. La compagnie pétrolière doit déposer des garanties et prouver qu'elle a les ressources nécessaires; vous avez parlé de 350 millions de dollars et de tous les moyens dont la compagnie doit faire la preuve, mais vous savez quoi? En Louisiane et en Floride, les gens se fichent pas mal des garanties en place et du fait que quelqu'un finira par être déclaré responsable. Aujourd'hui, pour ces gens-là, ça ne fait aucune différence.

Il est ici question de tout autre chose. Je veux simplement vous faire comprendre que ce qui nous préoccupe en partie, ce sont les répercussions qu'aurait chez nous un tel accident — qui, si Dieu le veut, ne se produira jamais — et que ça n'a absolument aucun lien avec le genre de garanties financières données par la pétrolière, BP ou autre, ni avec la possibilité que celle-ci fasse faillite, ce qui serait catastrophique. Ce n'est pas ça qui nous inquiète. Ce qui nous inquiète, c'est la cochonnerie qui pourrait se répandre sur nos côtes et tout le monde a une idée du désastre que ça serait. Si ça se produisait dans l'Arctique, ce serait autrement plus difficile. C'était une remarque plus qu'une question, monsieur le président.

Le président : Effectivement. Consultez donc votre liste pour y trouver une question.

Le sénateur Banks : Bien, alors je vais poser une question théorique. Je crois connaître la réponse, mais vous allez devoir nous l'expliquer. Nous comprenons tous qu'il y a toujours des risques. Quoi qu'on fasse, il y a des risques, mais la raison pour laquelle on a imposé un moratoire sur la côte Ouest, c'est que nous ne sommes pas prêts à prendre les risques, sans compter les pressions politiques exercées précisément pour qu'on ne les prenne pas sur la côte Ouest, pour l'instant du moins.

On pourrait donc hâtivement conclure qu'il serait possible d'éliminer tout risque d'événement fâcheux en n'autorisant aucun forage extracôtier. Quelle est la nature du pari que l'on fait ici? Quelle est la logique du pari? Quel est l'équilibre recherché?

M. Corey : Voilà une autre question à laquelle il est très difficile de répondre. En ce qui concerne l'équilibre, on pourrait considérer les retombées économiques, par exemple, qui profitent à Terre-Neuve-et-Labrador et à la Nouvelle-Écosse. On pourrait dire que d'importantes sommes sont transférées tous les ans à ces provinces dans le cadre des accords conclus. On pourrait considérer que l'exploitation pétrolière au large a grandement stimulé les économies de ces provinces et donné lieu à de nombreuses retombées économiques.

D'un autre côté, comme vous le dites, il y a des risques. Il y a des risques et des avantages. C'est difficile de quantifier le résultat, mais au moins on a une idée de ce dont on parle.

Le sénateur Banks : Comme dans le cas des mines de charbon.

M. Corey : Oui.

Le sénateur Neufeld : Parlons un peu de responsabilité. À la diapositive 8, on peut lire que « l'exploitant est imputable pour le nettoyage après un déversement et du paiement des pertes et dommages s'il est pris en défaut ». Puis, un peu plus bas, il est question d'une assurance responsabilité absolue de 30 à 40 millions de dollars. Je comprends ça. Ramenées à l'échelle du golfe du Mexique, ces sommes représentent peut-être un jour et quelques heures d'exploitation. Puis, la diapositive nous indique que 70 millions de dollars sont prévus « sous une forme qui fait en sorte qu'un organisme de réglementation pourra avoir accès à des fonds » — incluant des bons, des assurances et des billets à ordre émanant, je suppose, de la compagnie — et qu'il faudra prouver la faute ou la négligence. On parle ensuite de 250 millions de dollars qui, ramenés à l'échelle du golfe, équivalent à 12 ou 14 jours de production.

S'il se produisait la même chose au large de la côte Est, faudrait-il prouver la faute ou la négligence avant que la compagnie pétrolière ait à faire quoi que ce soit? La responsabilité de Chevron ne serait-elle pas automatiquement engagée? Dois-je comprendre que le ministère ou le gouvernement devra prouver que la pétrolière a commis une faute avant que ces fonds puissent être débloqués pour indemniser les sinistrés? L'exploitant a-t-il carte blanche pour rédiger des chèques, pour intervenir et faire le travail d'abord, après quoi on cherchera à établir les fautes?

M. Corey : Premièrement, la responsabilité d'intervenir incombe d'abord à l'exploitant. L'exploitant doit démontrer qu'il est capable de faire face à un déversement et qu'il a les ressources nécessaires pour cela. Puis, si davantage de ressources sont nécessaires, il lui sera possible de faire appel à une équipe régionale plus importante. Autrement dit, l'exploitant pourra demander plus de ressources en cours d'opération. C'est bien une responsabilité de l'exploitant et c'est lui qui devra payer pour ça.

Le sénateur Neufeld : Devra-t-il payer pour tout?

M. Corey : Oui.

Le sénateur Neufeld : On entend souvent dire : « Ce n'est pas de ma faute, c'est celle de quelqu'un d'autre et je ne vais pas faire ça. »

Chevron a des coffres bien garnis et je suppose que 250 millions de dollars ne représentent pas plus pour cette compagnie que pour BP.

Peut-on dire que l'exploitant du puits a carte blanche pour agir, qu'il doit tout débourser d'entrée de jeu, qu'en cas de problèmes juridiques on en parlera plus tard et que les comptes finaux se feront ensuite? Je serais rassuré si c'était le cas.

M. Corey : Les exploitants doivent effectivement assumer tous les coûts de nettoyage.

Le sénateur Neufeld : C'est leur responsabilité. Il n'est pas nécessaire de prouver qu'ils sont en tort. Voilà où je veux en venir. Si quelque chose va de travers, Chevron devra payer la note sur ordre du gouvernement du Canada pour toutes les opérations de nettoyage, pour s'occuper des populations et ainsi de suite. C'est ça?

M. Corey : Si le déversement est le sien, elle devra payer pour le nettoyage

Le sénateur Neufeld : Le déversement viendra bien d'un puits de Chevron. Je ne parle pas du puits d'une autre compagnie, je parle d'un puits de Chevron.

Le sénateur Banks : Que se passe-t-il une fois le plafond de 350 millions de dollars atteint? Qui doit payer?

M. Corey : Je dois préciser une chose : il s'agit là d'une responsabilité envers les tiers. Ce fonds est destiné à payer pour les dommages et pertes subis par des tiers. Ça concerne un autre type de responsabilité. Ce fonds n'est pas destiné à payer pour les coûts de nettoyage; c'est différent.

Le sénateur Neufeld : En bas de cette même diapositive 8, on peut lire quelque chose d'intéressant : « En outre, aux termes de la Convention définitive des Inuvialuits, il incombe à l'exploitant de remédier aux dommages subis par la faune et de compenser les chasseurs, trappeurs et pêcheurs inuvialuits pour la perte de leurs moyens de subsistance ou de possibilités d'activités commerciales. » Si la compagnie est responsable pour tout ce que vous avez mentionné précédemment, pourquoi précise-t-on ici « en outre »? Ça me chipote un peu. Peu importe que cela se produise au large de la côte Est, de la côte Ouest ou de l'Arctique, n'est-ce pas? Quelle est la différence?

Le sénateur Lang : Je crois pouvoir vous répondre. Cela provient de la convention. C'est une entente distincte qui précise cette responsabilité additionnelle.

Le sénateur Neufeld : Je le comprends, mais pourquoi indiquer ici « en outre » s'il est simplement question d'appliquer la convention? Est-ce que les pêcheurs de la côte Est ne sont pas visés par un accord? C'est ça la question. S'il faut tout nettoyer au large de la côte Est, quelle serait la différence advenant que le problème survienne au large de l'Arctique? Est-ce la même chose? Parle-t-on de la même chose ou de quelque chose de différent?

M. Corey : Encore une fois, c'est ce que dit la convention et nous le reprenons ici parce que ça vient de la convention. AINC continue d'assumer cette responsabilité, mais nous avons jugé bon de mentionner cela parce que ça vient de la convention et que ça apparaît sur nos cartes.

Le sénateur Neufeld : C'est juste une convention, rien d'autre? Ça ne veut rien dire d'autre?

M. Corey : Pour en venir au deuxième élément de votre remarque, il est clairement établi que l'exploitant est imputable pour le nettoyage après un déversement ainsi que du paiement des pertes et dommages. Ça, c'est clair.

Le sénateur Neufeld : Certes, mais à la fin de cette phrase, on lit « s'il est pris en défaut », et c'est cette partie qui m'inquiète. Quoi qu'il en soit, je me sens rassuré dans la mesure où il n'y a pas à établir la faute ou la négligence avant la fin des opérations de nettoyage, et vous m'avez assuré que tel est le cas.

M. Corey : À la façon dont le système fonctionne, en cas d'éruption incontrôlée l'exploitant devrait sans tarder entreprendre les opérations de nettoyage en fonction de son plan et il devrait le faire à ses frais. Tous les plans s'appuient sur le principe que l'exploitant interviendra sans tarder, qu'il fera appel à des ressources supplémentaires et qu'il paiera pour tout, puisque c'est lui le maître d'œuvre responsable. Voilà ce que nous voulons dire quand nous affirmons qu'il est imputable pour le nettoyage après un déversement.

Le sénateur Neufeld : Vous avez également dit que, si l'ONE ou les autres offices ne sont pas satisfaits du nettoyage, ils pourront prendre la relève. Qui paierait la facture dans ce cas? Qui paierait pour ça? Quelqu'un paierait-il pour ces opérations? Le gouvernement serait-il remboursé sur-le-champ ou devrait-il se présenter devant les tribunaux?

M. Landry : La Loi sur les opérations pétrolières au Canada, la LOPC, renferme des dispositions permettant au gouvernement de récupérer ce genre de coûts.

Le sénateur Neufeld : Si le gouvernement ou les offices prennent la relève, c'est eux qui vont assumer le coût des opérations quitte ensuite à réclamer un remboursement à la compagnie en se portant devant les tribunaux. C'est ça?

M. Landry : Oui, c'est vrai et pour les offices et pour le gouvernement.

Le sénateur Neufeld : Vous avez dit qu'AINC est responsable de la surveillance réglementaire au nord du 60e parallèle? S'agit-il d'une responsabilité complète? Le ministère peut-il compter sur le même type de personnel que l'Office national de l'énergie sur la côte Est?

M. Landry : La responsabilité d'appliquer la législation au nord et au sud du 60e parallèle, c'est-à-dire la LOPC et la Loi fédérale sur les hydrocarbures, incombe aux deux ministres. Toute modification législative ou réglementaire doit être approuvée par le ministre d'Affaires indiennes et du Nord Canada ainsi que par notre ministre.

Au nord du 60e parallèle, la Loi fédérale sur les hydrocarbures est administrée par nos collègues d'AINC. Au sud, elle est administrée par Ressources naturelles Canada. L'ONE administre la Loi sur les opérations pétrolières du Canada au nord et au sud du 60e parallèle.

M. Corey : Nous n'avons peut-être pas été aussi clairs que nous l'aurions dû à ce sujet. L'octroi des permis, la perception des redevances et l'établissement des taux de redevances — aspects qui relèvent tous de l'administration du régime foncier — incombent à Affaires indiennes et du Nord Canada. L'organisme de réglementation des opérations de forage est l'Office national de l'énergie qui est un organisme de surveillance en matière de protection environnementale et de sécurité autonome et impartial. L'office supervise lui-même les opérations.

Le sénateur Neufeld : Ma question découle de la diapositive 11 où on peut lire qu'AINC est responsable de la surveillance législative et réglementaire. Pour moi, ça veut dire qu'AINC a un rôle en matière de surveillance réglementaire. Vous venez de tirer les choses au clair.

M. Corey : L'Office national de l'énergie réglemente la sécurité et l'environnement.

Le sénateur Neufeld : Merci. Voilà qui fait mon bonheur.

Le sénateur Mitchell : Serait-il possible d'obtenir des exemples du genre de convention dont vous avez parlé, après que vous aurez caviardé les renseignements de nature exclusive?

M. Corey : De quelle convention parlez-vous?

Le sénateur Mitchell : De la convention des Inuvialuits.

M. Corey : Nous pourrons très certainement faire ça.

M. Shanks : La Convention définitive des Inuvialuits est un document public.

Le sénateur Banks : Pourriez-vous en profiter pour nous faire parvenir une copie d'un bail type avec une compagnie pétrolière, encore une fois après avoir caviardé les noms et les renseignements de nature exclusive?

M. Corey : Nous verrons si c'est possible.

Le sénateur Banks : Ce serait très utile, car un bail type nous permettrait de voir ce que donne sur papier ce que vous nous avez dit et de voir comment les responsabilités sont déléguées.

M. Corey : Nous vérifierons pour voir ce que nous pouvons faire afin de vous être utiles et de vous éclairer sur la question.

Le président : Allez-vous lire tout ça et en faire le résumé pour le Comité?

Le sénateur Banks : Non, monsieur le président, c'est vous qui le ferez.

Le président : C'est vous qui l'avez demandé. Je me contenterai de le faire.

Le sénateur Seidman : Le temps passe. Nous avons quasiment convenu, comme l'a fait le ministre, que la réglementation et la surveillance n'empêcheront pas un accident. Il aura fallu l'accident de la plate-forme Deepwater Horizon et le déversement de pétrole dans le golfe du Mexique pour s'apercevoir qu'il n'y a aucune technologie permettant de faire face à une telle catastrophe. La technologie permet bien de forer par 2 500 mètres de fond, mais il n'existe rien pour arrêter une éruption incontrôlée ou même pour effectuer un véritable nettoyage. Pourriez-vous commenter cette situation?

M. Corey : Si nous devions être d'accord avec vous, nous n'autoriserions pas de forage extracôtier.

Le sénateur Seidman : Je suis heureuse de l'entendre.

M. Corey : Je ne pense pas que nous puissions être d'accord avec ça. Comme M. Shanks l'a dit, la sécurité est assurée à plusieurs niveaux. Le ministre vous a dit qu'il y aura toujours des risques. C'est inévitable et il faut faire avec. C'est ça la gestion du risque. On détermine le risque et l'on prend les mesures appropriées pour essayer d'éviter que tout événement fâcheux se produise dans ces zones.

Il nous est très difficile de vous affirmer, si c'est ce que vous voulez savoir, qu'il n'y aura jamais d'accident au large. Si vous voulez savoir si nous disposons d'un solide système pour essayer de prévenir les accidents, alors nous pouvons être affirmatifs. Sommes-nous en train de prendre des mesures spéciales au vu de ce qui est arrivé dans le golfe du Mexique afin d'être davantage sur nos gardes? Oui, nous l'avons fait. Apprendrons-nous des événements du golfe du Mexique? Certainement.

Il faut envisager la chose sous l'angle de la gestion du risque. Toutefois, nous ne sommes pas d'accord pour dire que les accidents sont inévitables et qu'il n'y a aucune façon de les empêcher.

Le sénateur Seidman : Le risque qu'un accident survienne augmente en même temps que le nombre de forages et de plates-formes d'exploitation au large. Nous sommes au moins tous d'accord sur le fait qu'il n'est pas question d'affirmer qu'aucun accident ne se produira jamais.

En revanche, ce que nous a appris le déversement dans le golfe du Mexique, c'est qu'aucun moyen technologique ne permet de contrôler un tel jaillissement. Sinon, nous n'en serions pas au 60e jour du déversement. C'est là la preuve qu'aucune technologie ne permet de faire face à une telle situation.

Le président : Je ne vois pas l'enchaînement, mais c'est vous les témoins.

M. Shanks : Il existe tout un éventail de moyens technologiques. Il faut aussi songer aux procédures appliquées. Dans ce cas particulier, le BOP n'a pas fonctionné comme prévu, mais on pourrait aussi se poser la question des procédures appliquées sur la plate-forme et qui ont présidé à un enchaînement de ratés.

Dans l'avenir, en plus de la technologie, nous étudierons aussi sans doute les pratiques et les procédures.

Le sénateur Seidman : Nous avons accueilli un témoin du Fonds mondial pour la nature, section Canada, qui nous a dit que l'industrie remet les BOP en question depuis 2002. Chevron, en particulier, croit que cette technologie est imparfaite. La compagnie cherche actuellement à mettre au point une technologie entièrement différente pour interrompre un éventuel déversement. Êtes-vous au courant de cela?

M. Corey : Cela concerne l'organisme de réglementation. C'est lui qui doit examiner la technologie utilisée et conclure si elle est suffisante et raisonnable. Comme notre ministre l'a dit, les organismes de réglementation ne délivreront pas de permis et n'autoriseront pas les forages à moins que des mesures suffisantes de contrôle et de sécurité aient été adoptées.

Encore une fois, je pense que ce serait là une bonne question à poser aux organismes de réglementation qui s'occupent de la chose et qui doivent s'assurer que la technologie convient.

Le sénateur Seidman : Est-ce que le gouvernement, avant d'accorder des permis d'exploration et d'exploitation, doit s'assurer que les risques sont maîtrisés au maximum?

M. Corey : Le gouvernement est responsable du cadre réglementaire global et des règles applicables. Les offices de réglementation, eux, évoluent dans les limites de ce cadre. Ils cherchent à déterminer si la sécurité serait assurée dans un cas ou un projet donné grâce à des technologies particulières. C'est ce que font les offices de façon tout à fait indépendante du gouvernement.

Le sénateur Seidman : D'accord.

Le président : Autrement dit, sénateur Seidman, les offices de réglementation sont censés faire tout cela. Le gouvernement adopte des lois et prend des règlements, mais cela ne veut pas dire que ces mesures sont systématiquement respectées. En cas de problème, la question de la fiabilité peut se poser.

Cela ne veut pas dire que la technologie n'existe pas, mais plutôt qu'elle n'a pas été correctement utilisée. Nous avons appris que c'est tout un enchaînement d'événements qui nous a plongés « en pleine tempête ». Des erreurs ont été commises.

N'est-ce pas de cela dont il s'agit, sénateur Lang?

Le sénateur Lang : En partie. Il faut également savoir si le gouvernement fait preuve de vigilance. Il doit superviser et assumer ses responsabilités.

Le président : C'est ça.

Le sénateur Dickson : Vous n'aurez pas à répondre tout de suite à mes questions, mais j'entends revisiter le thème abordé par le sénateur Mitchell au début de la séance. Le président et le sénateur Seidman en ont aussi parlé.

Premièrement, ce serait bien si nous pouvions avoir une note sur la différence entre règlement normatif et règlement de style axé sur les buts, parce qu'il est ici question d'exigences. D'autres témoins nous ont parlé des lignes directrices. J'ai une idée approximative de ce dont il s'agit, mais il serait utile que vous nous remettiez une telle note, d'une part pour aider à notre compréhension et, d'autre part, et comme le sénateur Seidman le disait, pour être en mesure de brandir cette note et de dire : voici ce dont il est question. Je crois que c'est très important.

M. Corey : J'ai pris note de cela et nous nous ferons un plaisir de vous envoyer quelque chose à ce sujet.

Le sénateur Dickson : À tout le monde.

Le président : Ça parviendra à la greffière et nous nous en occuperons à partir de là.

Le sénateur Dickson : Deuxièmement, est-ce que vous-même ou les offices extracôtiers de l'Est du Canada avez repéré, dans la loi, dans le règlement ou dans le cadre de votre législation axée sur les buts, des dispositions qui nécessiteraient une mise à jour? Dans l'affirmative, où cela se trouve-t-il? Pourquoi faudrait-il modifier les textes? Quand faudrait-il les appliquer?

M. Corey : Si vous préférez, nous pourrions vous communiquer cela plus tard.

Le sénateur Dickson : Bien sûr, faites-le plus tard.

M. Corey : Parfait.

Le sénateur Dickson : Enfin, y a-t-il des vacances actuellement aux offices de la Nouvelle-Écosse et de Terre-Neuve? Autrement dit, est-ce que des suppléants siègent actuellement à la place de permanents? Vous n'avez pas à me répondre maintenant, mais j'aimerais que vous me fournissiez cette information plus tard. Si des postes sont vacants, quand comptez-vous faire les nominations?

Le président : Mais vous avez déjà accepté le Sénat.

Le sénateur Dickson : Ça ne paie pas autant, mais c'est un autre problème. En fait, ni le Sénat ni l'office ne rapportent beaucoup, mais si on représente une compagnie, alors là ça peut rapporter.

Le sénateur Lang : Pourquoi ne pas simplement démissionner?

Le président : Messieurs, j'ai une simple question pour vous. Le ministre de l'Environnement est au Groenland aujourd'hui. Nous avons appris que les Groenlandais s'apprêtent à entreprendre un programme de forage. Nous savons déjà qu'ils sont membres du réseau de neuf organismes de réglementation qui communiquent entre eux. Nous savons aussi qu'en cas d'accident là-bas — et Dieu nous en garde — leur pétrole pourrait venir s'échouer sur nos rivages sous l'effet des courants marins. Que pouvez-vous faire, sur le plan de la surveillance, pour vous assurer que les Groenlandais font bien les choses, comme nous?

M. Corey : Comme vous l'avez dit, le ministre Prentice a déclaré publiquement que, lors de cette prochaine rencontre au Groenland, il demanderait à ses homologues de lui garantir officiellement qu'ils encadrent comme il se doit leur programme de forage. De plus, des hauts fonctionnaires du Groenland ont décidé de rencontrer leurs homologues canadiens. Par exemple, ils rencontrent les gens de l'Office national de l'énergie pour discuter de questions touchant à la santé, à la sécurité et à l'environnement, de même que la Garde côtière au sujet de la coopération internationale en cas de déversement de pétrole.

Par ailleurs, nous avons examiné le cadre prévu pour l'exploitation pétrolière au large des côtes du Groenland. Celui-ci est assez semblable au cadre canadien et nous pensons que les normes réglementaires appliquées sont satisfaisantes. Je les qualifierais « d'élevées ». Elles prévoient à peu près les mêmes approbations que celles que nous exigeons.

Cela étant posé, le ministre Prentice a bien déclaré publiquement son intention d'obtenir des Groenlandais l'assurance qu'ils réglementent bien leur programme à cause des répercussions possibles qu'un manquement à cet égard pourrait avoir sur le Canada en cas d'accident.

Le président : C'est ce que je l'ai entendu déclarer, ce qui me rassure jusqu'à un certain point. Nous faisons rarement affaire avec le Groenland et il y a des gens là-bas qui nous disent de ne pas nous inquiéter, mais M. Prentice va aller aux renseignements. Peut-on faire plus que cela? Comment s'assurer que les garanties des Groenlandais sont valables et qu'ils vont les respecter?

M. Corey : Ce n'est pas facile à faire, car ils sont dans leurs eaux territoriales. Toutefois, ils ont des voisins. Comme je l'ai dit, il y a eu quelques rencontres entre les Groenlandais et l'ONE, de même que la Garde côtière, afin de déterminer si une collaboration était possible. Nous serions prêts à les aider dans toute la mesure de nos moyens.

Le ministre Prentice a dit qu'il aborderait la question pour s'assurer qu'ils maintiennent un niveau de vigilance semblable au nôtre.

Le président : Merci pour cette information. J'ai beaucoup apprécié votre présence. L'un de vous trois voudrait-il ajouter quelque chose? Vous avez été très généreux de votre temps et vous êtes montrés ouverts dans vos réponses à nos questions, d'autant que vous connaissez notre mandat qui ne consiste pas à réaliser une étude très poussée, mais simplement à rassurer les Canadiens qu'il n'y a rien de pourri dans notre royaume de Danemark à nous, que les choses vont assez bien.

M. Corey : Je rappellerai, en conclusion, que le gouvernement a très clairement indiqué que les événements survenus dans le golfe du Mexique le préoccupent beaucoup. Il a déclaré à plusieurs reprises que nous disposons d'un solide régime réglementaire au Canada, que nous avons adopté un certain nombre de mesures depuis les événements dans le golfe pour resserrer notre vigilance et que nous allons suivre cette actualité de près pour voir quels enseignements il convient d'en tirer.

Je pense que ce sont des éléments importants. Comme nous voulons vous être aussi utiles que faire se peut, si vous avez d'autres questions, n'hésitez pas à demander à la greffière de nous contacter et nous serons heureux de vous transmettre tous les renseignements supplémentaires que nous pouvons.

Le président : Avez-vous noté tout ce que vous vous êtes engagés à nous fournir?

M. Corey : Nous avons dressé une liste et nous communiquerons prochainement avec vous.

Le président : Nous l'apprécierons beaucoup. Tout d'abord, nous vous remercions sincèrement pour vos témoignages, surtout que vous n'avez pas eu beaucoup de préavis, ce qui n'a pas été facile pour vous; merci d'avoir bien voulu nous fournir tous ces renseignements. Veuillez dire au ministre que nous le remercions encore une fois pour sa coopération et son assistance. Merci beaucoup.

Des sénateurs voudraient-ils ajouter quelque chose avant que je lève la séance? Comme il n'y a pas de réactions, je déclare que la séance est levée.

(La séance est levée.)


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