Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles
Fascicule 20 - Témoignages du 2 mars 2011 (séance du matin)
CHARLOTTETOWN, le mercredi 2 mars 2011
Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd'hui, à 9 h 10, pour étudier l'état actuel et futur du secteur de l'énergie du Canada (y compris les énergies de remplacement).
Le sénateur W. David Angus (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Bonjour, mesdames et messieurs. Nous sommes le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles, et nous poursuivons notre étude exhaustive du secteur de l'énergie. Notre objectif est de déterminer une voie stratégique pour l'avenir, compte tenu des défis mondiaux que l'humanité doit affronter relativement à son utilisation de l'énergie, à l'approvisionnement et à la demande, ainsi qu'à l'écart grandissant entre les deux.
Sans plus tarder, j'aimerais souhaiter la bienvenue au ministre de l'Environnement, de l'Énergie et des Forêts de l'Île-du-Prince-Édouard. Il est accompagné aujourd'hui de M. Wayne MacQuarrie, chef de la direction de la Société d'énergie de l'Île-du-Prince-Édouard
Je m'appelle David Angus. Je suis un sénateur du Québec et le président du comité, qui mène cette étude sur l'énergie depuis près de deux ans. Nous en sommes à la deuxième étape, qui est un exercice de recherche des faits dans diverses régions du Canada.
La diversité des régions canadiennes est très grande. Cette semaine, nous nous intéressons particulièrement aux Maritimes. Nous sommes déjà allés en Nouvelle-Écosse et au Nouveau-Brunswick, et nous serons à Terre-Neuve-et- Labrador demain. Nous sommes très impressionnés par ce que nous considérons comme des nouveaux efforts de collaboration régionale, ce qui, évidemment, ne peut qu'aider les choses, surtout dans un dossier aussi compliqué que celui de l'énergie, où la collaboration, les liens, le dialogue, les conversations et le fait de travailler ensemble sont les pierres de touche qui permettront, à notre avis, des résultats positifs.
À ma droite, il y a le sénateur Grant Mitchell, de l'Alberta, qui est le vice-président du comité. À sa droite, de la Bibliothèque du Parlement, il y a M. Marc LeBlanc et Mme Sam Banks. Je vous présente également le sénateur Rob Peterson, de la Saskatchewan, et le sénateur Daniel Lang, du Territoire du Yukon. À ma gauche, il y a notre greffière, Mme Lynn Gordon. Je crois que les témoins la connaissent probablement déjà. Je vous présente le sénateur Richard Neufeld, de la Colombie-Britannique, le sénateur Elaine McCoy, de l'Alberta, et, à sa gauche, il y a le sénateur Bert Brown, seul sénateur à avoir été élu et qui est de l'Alberta. Nous croyons que nous représentons assez bien le Canada; dans notre travail, nous essayons de ne pas faire preuve de partisanerie.
Mesdames et messieurs, je suis désolé pour les quelques minutes de retard. Nous avons été agréablement surpris par la visite presque impromptue du premier ministre Ghiz et, bien sûr, nous avons parlé à M. Brown. Nous avons donc eu une introduction assez rafraîchissante des affaires énergétiques ici sur l'Île.
Sans plus tarder, je cède la parole à l'honorable Richard Brown.
L'honorable Richard Brown, ministre, de l'Environnement, de l'Énergie et des Forêts, gouvernement de l'Île-du-Prince- Édouard : Merci beaucoup, monsieur le président. C'est une journée froide, mais c'est une belle journée, puisque nous sommes entourés d'amis. Je vous souhaite tous la bienvenue à l'Île-du-Prince-Édouard. Je vois un certain nombre de sénateurs de l'Alberta. Je suis parmi les Canadiens de la côte Est qui sont allés en Alberta au début des années 1970 pour travailler dans les installations de forage pétrolier et gagner de l'argent pour retourner aux études. J'avais 300 $ quand je suis parti et 200 $ quand je suis revenu, alors ça n'a pas été une aventure très positive. C'était difficile de respecter un budget là-bas. J'étais là quand Ralph Klein nous a dit de rentrer chez nous. Lui et moi, nous avons beaucoup parlé depuis. C'est une bonne personne.
Mon exposé d'aujourd'hui porte surtout sur une politique du « Canada d'abord ». J'espère que le comité sénatorial retournera à Ottawa et présentera un rapport au Parlement du Canada et à la population canadienne préconisant l'adoption d'une politique énergétique du « Canada d'abord » qui favorise les provinces canadiennes. Je crois fermement que l'établissement des prix de l'énergie influe beaucoup sur la création d'emplois et sur la protection des emplois canadiens. L'une des dépenses les plus importantes d'un bon nombre d'entreprises est le coût de l'énergie, et, plus les prix que nous donnerons aux entreprises canadiennes seront bons, plus nous favoriserons la création d'activités économiques pour le Canada.
Il y a des entreprises qui envisagent de partir si les prix de l'électricité augmentent. Maritime Electric Company Limited, à Summerside, qui est une entreprise d'utilité publique ici, à l'Île-du-Prince-Édouard, fait du très bon travail et négocie avec les entreprises de l'Île-du-Prince-Édouard pour qu'elles paient leur énergie au meilleur prix possible. Je crois fermement que nous devons continuer de travailler en vue de réduire le coût le plus possible.
Comme notre analyse le montre — et notre service d'électricité pourrait peut-être corriger ces chiffres —, nous dépensons environ 500 millions de dollars par année pour répondre aux besoins énergétiques de l'Île-du-Prince- Édouard. Cela comprend l'électricité, le carburant et d'autres produits. Soixante-seize pour cent de notre consommation totale d'énergie est sous forme de produits de pétrole liquide, ce qui est merveilleux. Je crois que notre pétrole vient non pas de l'Alberta, mais de l'Ontario, par des pipelines. C'est une ressource magnifique, et plus nous pouvons l'obtenir des Canadiens, mieux c'est pour tout le monde, à mon avis.
L'électricité répond à 14 p. 100 de nos besoins énergétiques; une part de 12 p. 100 de notre électricité est importée et une autre de 2 p. 100 de notre énergie est produite à l'échelle locale. C'est-à-dire 2 p. 100 de notre énergie totale, mais, actuellement, environ 20 p. 100 de notre énergie est produite localement dans des parcs éoliens de l'Île-du-Prince- Édouard.
L'Île-du-Prince-Édouard a une grande tradition d'analyse éolienne. Nous étions parmi les premières provinces, après Pincher Creek, en Alberta, à produire de l'énergie grâce au vent. L'Institut de l'énergie éolienne du Canada, l'IEEC, est situé ici, à Tignish. Ce qui est accompli au sein de ces installations de recherche dans le domaine de la production éolienne est fantastique. L'IEEC a été fondé au début des années 1980, et ses responsables ont travaillé très dur pour intégrer l'énergie éolienne dans le réseau et pour créer des produits éoliens d'une grande efficacité. Ce travail se poursuit.
Nous travaillons également avec l'hydrogène. Nous avons un électrolyseur à hydrogène qui tire son énergie directement du vent des éoliennes. Nous avons eu un certain succès dans ce domaine. Nous avons accompli de bons progrès. La plupart des autres produits à hydrogène doivent tirer leur énergie du réseau, si j'ai bien compris. Ils ont besoin d'une alimentation constante en énergie. Toutefois, dans le cadre de notre projet de village à l'hydrogène, nous avons été capables de tirer l'énergie directement du vent fluctuant. C'est un projet très excitant et nous continuons de travailler dans ce domaine.
En ce qui concerne la situation énergétique de l'Île-du-Prince-Édouard et notre utilisation de l'énergie électrique par type de combustible, 63 p. 100 de notre électricité sont liés au gaz naturel et 17 p. 100, à l'énergie nucléaire. Notre service d'électricité, ici à l'Île-du-Prince-Édouard, Maritime Electric, est un partenaire du projet de remise à neuf de la Centrale Point Lepreau. Nous avons certaines préoccupations relatives à cette remise à neuf. Nous croyons qu'Énergie atomique du Canada Ltée, EACL, qui est une société d'État fédérale, a promis que ces installations seraient opérationnelles en 18 mois. Un petit retard ne nous aurait pas dérangés, mais nous croyons qu'un retard de 18 mois additionnels est inacceptable. Nous ne revendiquons que des procédures contractuelles normales. Si vous faisiez construire une maison, que vous deviez emménager en novembre et que l'entrepreneur vous disait qu'il accusait un retard d'un mois, vous pourriez vivre avec ce retard. Toutefois, s'il vous disait que vous ne pourriez emménager qu'en novembre dans trois ans, vous seriez un peu préoccupé et vous exigeriez au moins de cet entrepreneur qu'il vous verse un dédommagement pour les inconvénients subis. Nous croyons que nous avons un problème contractuel, lequel doit être réglé.
Le président : Monsieur, si vous permettez de vous interrompre un instant, je dois avouer que, personnellement — et je ne peux pas parler au nom de mes collègues — je ne savais pas que l'Île-du-Prince-Édouard était lié au projet de Point Lepreau. Pourriez-vous nous donner plus de détails là-dessus?
M. Brown : Notre entreprise d'utilité publique peut également vous donner les détails et elle me corrigera peut-être. Nous ne nous entendons jamais sur les chiffres. Je crois que c'est un contrat de participation d'environ 4,7 p. 100. Essentiellement, en vertu du contrat : « Nous allons payer les frais de fonctionnement et d'entretien ainsi que le carburant et nous allons prendre 4,7 p. 100. »
Le président : Est-ce que c'est un pourcentage de l'électricité générée?
M. Brown : Oui. L'électricité générée par la centrale. C'est une très bonne centrale lorsqu'elle est opérationnelle. Elle a été très avantageuse pour l'Île-du-Prince-Édouard en ce qui concerne l'énergie de base. Elle nous fournit de l'énergie à peu de frais par rapport à d'autres sources, et cela nous assure une certaine équité. C'est un projet merveilleux. Nous voulons qu'il soit mené à bonne fin et que la centrale nucléaire soit de nouveau fonctionnelle. Je crois en l'énergie nucléaire. Je pense qu'il s'agit d'une source d'énergie magnifique. Je pense que c'est quelque chose que nous devons encourager davantage au Canada, comme le font les Américains. Je peux me tromper, mais les états financiers d'Énergie NB montrent des coûts de carburant de 140 millions de dollars. Les états financiers montrent que, lorsque la centrale de Point Lepreau était fonctionnelle, les coûts totaux du carburant pour ces installations s'élevaient à environ 140 millions de dollars pour la production d'une grande quantité d'énergie à un prix relativement peu élevé. Sur le plan environnemental, l'énergie nucléaire est préférable à certaines autres sources d'énergie.
Le président : C'est une production de 750 mégawatts?
M. Brown : Oui.
Le président : Cela répond aux besoins de l'ensemble du Nouveau-Brunswick et de l'Île-du-Prince-Édouard, et plus encore.
M. Brown : Oui. C'est une très bonne centrale pour l'énergie de base. Il suffit de la rendre opérationnelle, et, essentiellement, elle produira de l'énergie pendant 30 ans. Il faut s'y rendre une fois de temps en temps; les représentants de l'entreprise d'utilité publique pourront vous expliquer cela plus en détail lorsqu'ils comparaîtront aujourd'hui.
Le Canada est également un fournisseur d'énergie pour les États-Unis. Nous exportons une très grande quantité de notre énergie aux États-Unis et, aux termes de l'entente de libre-échange, nous sommes obligés de respecter ces pourcentages, ce qui n'a rien de mal. Nous sommes une nation commerçante, et je crois que notre nation sœur, les États-Unis, est un très bon partenaire commercial pour nous. Toutefois, cela ne veut pas dire que nous ne pouvons pas avoir une politique qui privilégie le Canada. Nous ne devrions pas essayer d'expédier le plus d'énergie possible aux États-Unis lorsque nos provinces sœurs ont besoin de cette énergie. Comme on m'a déjà entendu le dire par le passé, le Canada est une nation qui a été construite. Le chemin de fer national a été construit pour joindre les diverses régions du Canada. Le réseau routier national et la voie maritime du Saint-Laurent ont tous deux été construits. Ils ont permis de relier les Canadiens, et je crois qu'une infrastructure quelconque pour l'électricité renforcera davantage la souveraineté et la capacité canadiennes.
En 2009, plus de 10 p. 100 de notre production d'électricité a été envoyée à nos voisins du Sud dans le cadre d'ententes qui prévoient des prix qui leur sont favorables. Entre-temps, l'Île-du-Prince-Édouard doit composer avec des prix de l'énergie élevés. Les Prince-Édouardiens sont parmi les Canadiens qui paient leur énergie le plus cher. Les prix que nous payons sont les plus élevés, la Nouvelle-Écosse arrive au deuxième rang, et l'Alberta arrive peut-être au troisième rang en ce qui concerne les prix de l'énergie payés par nos provinces sœurs. Nous croyons qu'un système national ou une collaboration à l'échelle du pays permettrait de rétablir la situation. Nous ne demandons rien, mesdames et messieurs les sénateurs; nous ne voulons pas un traitement préférentiel. La politique « Le Canada d'abord » que je préconise nous permettrait seulement de payer notre électricité produite au Canada au même prix que les Américains plutôt que de la payer plus cher.
Aux alentours de 1983 ou 1984, Maritime Electric a contesté les prix établis dans notre région par notre province voisine devant l'Office national de l'énergie, l'ONE. Nous avons obtenu gain de cause, et elle a dû réduire ses prix de manière à ce que nous payions la même chose que les États-Unis. Cette décision était favorable à la fois pour l'Île-du- Prince-Édouard et pour le Canada. Pourquoi vendrions-nous notre énergie à un pays concurrent à des prix moins élevés que ceux que nous sommes prêts à offrir à nos provinces sœurs? À mon avis, c'est injuste. Il faut renforcer cette loi. Il faut s'assurer de la collaboration de l'Office national de l'énergie et se mettre en position de dire aux entreprises d'utilité publique de tout le pays que cette énergie est disponible et qu'elles doivent trouver des moyens de la vendre à nos provinces sœurs aux mêmes prix que ceux offerts aux États-Unis.
La diapositive montre les pipelines de pétrole et de gaz naturel en Amérique du Nord. Un grand nombre d'entre elles sont aux États-Unis, mais il y en a encore beaucoup qui vont d'est en ouest, ce qui est bien. La diapositive suivante montre le réseau d'énergie nationale pour l'électricité; une grande partie de notre électricité est expédiée vers le Sud. J'aimerais que notre réseau énergétique national ressemble davantage au réseau de pipelines.
La diapositive suivante montre les différences entre ce que les provinces exportent vers les États-Unis, ce que nous importons des États-Unis et la mesure dans laquelle il y a des échanges commerciaux d'électricité entre les provinces. Cette diapositive montre bien que notre système d'électricité est fondé sur l'axe nord-sud, et j'aimerais changer cela pour qu'il y ait plus d'échanges entre l'Est et l'Ouest.
Le président : Est-ce que c'est réalisable?
M. Brown : Nous devons absolument envisager la possibilité d'une politique qui privilégie le Canada. J'ai assisté à une rencontre avec les ministres chargés de l'énergie, et quelqu'un a parlé d'un réseau vers les États producteurs de charbon, à savoir les États de l'Ouest des États-Unis. On a souligné qu'il s'agissait d'un projet de 18 milliards de dollars. Les Américains ont tout simplement haussé les épaules et dit : « Et alors? C'est un projet merveilleux. Il nous apporte de l'énergie. Il nous permet de protéger les emplois américains. » Nous devrions nous aussi dire cela au sujet de nos entreprises d'utilité publique et protéger les emplois canadiens au lieu de les exporter.
Si nous pouvons nous assurer que les prix de l'énergie restent bas, cela nous donne un avantage par rapport à nos pays concurrents où les salaires sont moins élevés. Certains pays où les salaires sont peu élevés, où il n'y a pas de protection du revenu ni de régime de santé et de sécurité au travail peuvent produire des biens à moins de frais. Toutefois, si les prix de l'électricité que nous payons sont moins élevés que les leurs, nous pouvons protéger nos emplois canadiens. Je crois fermement à cela.
Je suis également ici aujourd'hui pour dire que nous devons renforcer l'Office national de l'énergie. Je sais que mes amis et collègues de l'Alberta se souviennent de l'époque terrible du Programme énergétique national, le PEN. Cependant, c'était il y a longtemps; c'est fini. Il faut passer à autre chose. Nous devons recommencer à penser au Canada. Par le passé, lorsque j'assistais à des rencontres fédérales-provinciales, on ne parlait que du PEN mis sur pied par Trudeau dans les années 1970 et au début des années 1980. On ne faisait que répéter que c'était un programme terrible et qu'il ne faut jamais refaire une chose pareille.
C'était il y a très longtemps. Nous devons oublier cette époque et passer à autre chose. Je sais que c'est difficile parce que les ministres du gouvernement fédéral disent : « Nous ne voulons pas une politique énergétique nationale parce que c'est ce qu'on a fait dans les années 1970, et les gens n'étaient pas contents. Nous allons plutôt appeler cela un cadre national. » Cependant, nous avons toujours besoin de la même chose. Nous avons besoin d'une politique énergétique nationale dans notre pays, c'est-à-dire une politique qui privilégie les Canadiens et les provinces canadiennes.
Je sais que je suis peut-être un peu trop direct, mais j'ai trop souvent entendu dire que nous avons volé votre énergie grâce au PEN et que cela ne se reproduira plus jamais. Nous devons passer par-dessus cela. Nous sommes le Canada; nous sommes une nation. Nous devons aller de l'avant. C'est l'une des raisons pour lesquelles je suis ici aujourd'hui — pour vous dire qu'il faut renforcer l'Office national de l'énergie.
Je fais de la politique depuis 20 ans et j'ai eu l'expérience du service d'accès ouvert au réseau de transport (OATS), au Canada. C'est triste à dire, et je le répète souvent à mes collègues, mais la seule raison — et je peux me tromper, mais j'y crois fermement, pour laquelle nous avons ce système au Canada, c'est parce que les forces américaines l'avaient, auparavant. Si nous voulons vendre notre énergie aux Américains, nous devons respecter les règles de leur Federal Energy Regulatory Commission, la FERC. Ils nous disent que si nous voulons vendre notre énergie aux États-Unis, nous devons avoir le service d'accès ouvert au réseau de transport dans nos provinces. S'ils ne nous l'imposaient pas, je ne crois pas que nous aurions OATS au Canada aujourd'hui. Le fait qu'un autre pays nous a obligés à collaborer n'est pas à notre honneur. Nous aurions dû prendre cette décision par nous-mêmes. C'est l'une des raisons pour lesquelles je vous dis aujourd'hui que la Loi sur l'Office national de l'énergie doit être changée.
Mesdames et messieurs les sénateurs, vous devriez retourner à Ottawa et rédiger un rapport, mais également un projet de loi. Si vous le souhaitez, vous pouvez rédiger le projet de loi et l'envoyer à la Chambre des communes afin que la Loi sur l'Office national de l'énergie comprenne deux principes fondamentaux. Essentiellement, ces principes devraient être les mêmes, c'est triste à dire, que ceux de la FERC aux États-Unis. C'est dans mon exposé. Ils ont un plan énergétique national.
Notre loi doit être changée, et je sais que vous serez critiqués si vous dites que l'électricité devrait être une compétence provinciale, mais cela n'empêche pas le Sénat de proposer un projet de loi pour modifier la Loi sur l'Office national de l'énergie afin qu'elle comprenne les dispositions suivantes : assurer que les prix et les conditions sont justes et raisonnables et qu'ils ne sont pas indûment discriminatoires ou préférentiels — et je parle des prix non pas au sein d'une province, mais plutôt entre les provinces — pour favoriser la création d'une infrastructure énergétique sécuritaire, fiable et efficace pour le bien public canadien. Si vous retournez à Ottawa et que vous changez la Loi sur l'Office national de l'énergie pour faire de l'ONE un organisme plus proactif plutôt qu'un organisme de réglementation qui délivre des permis pour l'installation de pipelines et pour la vente internationale de l'électricité ou de l'énergie; si vous dites : « Nous voulons élargir votre mandat pour promouvoir la collaboration au Canada, l'efficacité énergétique et la création d'un système de transmission national », je pense que ce serait un grand accomplissement pour le comité sénatorial. Je sais que vous allez rédiger un rapport, mais j'aimerais également vous voir rédiger un projet de loi pour modifier la Loi sur l'Office national de l'énergie.
On vous dira que les dispositions de la loi donnent au ministre le pouvoir de faire ceci ou cela. Si un ministre doit prendre une décision, elle sera stratégique parce qu'il doit évaluer les intérêts de la capitale politique de chaque province. En tant que sénateurs, vous êtes nommés à l'échelle nationale, selon votre région d'origine et à la suite d'un second examen objectif, et je crois que le Sénat est bien placé pour proposer un tel projet de loi.
En ce qui concerne la Chambre des communes, nous voulons voir une meilleure promotion de l'électricité canadienne au Canada; nous voulons que notre Office national de l'énergie adopte ce rôle pour que nous n'ayons plus à dépendre de la loi américaine.
Le président : Je pense que c'est une suggestion fascinante, et nous avons eu beaucoup affaire à Gaétan Caron, qui est le président de l'Office national de l'énergie. De plus, des représentants de l'ONE ont comparu devant nous au moins deux fois récemment. Vos collègues, les ministres de l'Énergie provinciaux sont-ils du même avis que vous, monsieur le ministre? Votre suggestion recevrait-elle l'appui unanime de tous les ministres provinciaux ou s'agit-il d'une position prince-édouardienne?
M. Brown : J'aurais de la difficulté à croire qu'un autre ministre canadien dirait : « Non. Je préfère traiter avec les États-Unis plutôt qu'avec une autre province. » Je fais valoir cette position chaque fois que j'assiste à une rencontre avec les autres ministres de l'Énergie. Quand je travaillais dans le domaine de l'expansion des entreprises — c'était à l'époque où l'Alberta s'opposait à la politique énergétique nationale —, je disais qu'il fallait passer par-dessus cela et travailler ensemble. Je pense qu'il s'agit d'une occasion pour le Sénat de prendre l'initiative de promouvoir ce programme et, à tout le moins, de lancer le débat. C'est quoi le problème? Pourquoi ne serait-il pas normal d'avoir une politique en matière d'électricité qui privilégie le Canada? Si nous aidons nos provinces sœurs ou si nous répartissons la richesse, où est le mal? Elle sera répartie d'une manière ou d'une autre. On peut la répartir par des moyens économiques ou par la péréquation. Si vous favorisez l'équité et que vous aidez les Canadiens et les entreprises canadiennes en baissant les prix qu'ils paient pour leur énergie ou si vous répartissez la richesse de manière appropriée, je pense que ce serait merveilleux.
L'autre question dont je veux parler aujourd'hui, c'est le fait que, je crois, sept des dix entreprises d'utilité publique du Canada sont publiques : Hydro-Québec, Hydro One, Énergie NB, Manitoba Hydro, SaskPower et BC Hydro, qui, à ma connaissance, est toujours publique. J'aimerais que le comité sénatorial retourne à Ottawa et nous assure l'équité. La Loi sur le transfert de l'impôt sur le revenu des entreprises d'utilité a déjà existé. Elle a été abolie en 1994, je crois. Cette loi devrait être rétablie. Notre entreprise d'utilité publique à l'Île-du-Prince-Édouard a été créée par la province; nous avons essentiellement deux entreprises d'utilité publique, Maritime Electric et la City of Summerside Electric Utility. Toutefois, Maritime Electric s'est vu octroyer une concession législative qui fait d'elle le seul fournisseur d'électricité à l'Île-du-Prince-Édouard, à l'exception de la Ville de Summerside. Si la loi prévoit une ou deux entreprises d'utilité publique, s'il s'agit d'un monopole établi par la loi, cette entreprise devrait être libre d'impôt, tout comme l'est une société d'État. Je crois qu'un monopole ou une entreprise d'utilité publique établi par la loi ici équivaut à une société d'État dans toute autre province. Je crois fermement que le comité sénatorial devrait retourner à Ottawa et dire : « L'Île-du-Prince-Édouard paie un impôt sur les sociétés. Il s'agit d'un monopole établi par la loi. Il s'agit d'une société d'État. Elle mérite le même traitement que toute autre province canadienne. »
Le président : L'Île-du-Prince-Édouard et la Nouvelle-Écosse sont-elles les deux seules provinces qui ont une entreprise d'utilité publique privée? N'est-ce pas également le cas de l'Alberta?
M. Brown : L'Alberta aussi. Oui.
Vous parlez de l'équité au Canada. Il s'agit d'une situation injuste. Cela a été reconnu aussi tôt que dans les années 1950; probablement juste après la guerre. Elle était reconnue jusqu'en 1994, et l'argent a été renvoyé pour égaliser les choses.
Ce sont les deux changements que j'aimerais voir mis en œuvre. Le renforcement de l'Office national de l'énergie lui permettrait de dire : « Nous sommes ici non seulement pour établir des règlements, mais également pour rassembler le pays grâce à un réseau électrique. Comment pouvons-nous l'améliorer pour tous les Canadiens? » Cette fois, il faut privilégier les Canadiens.
Le président : Merci beaucoup.
M. MacQuarrie voulait-il faire des commentaires?
M. Brown : Non.
Le président : Le sénateur Mitchell, de l'Alberta, qui est notre vice-président, vous posera la première question.
Le sénateur Mitchell : Merci, monsieur le ministre, messieurs. Je crois qu'il est juste de dire que, durant toutes les séances que nous avons tenues au cours des 18 à 20 derniers mois, nous n'avons jamais reçu des recommandations ou des suggestions écrits aussi précises d'un témoin. Je vous en remercie. Il s'agit de points très précis et très importants.
Il est clair que, selon votre plan ou votre vision très convaincante d'un réseau énergétique est-ouest, le projet du cours inférieur du fleuve Churchill peut jouer un rôle important, et les liens entre les provinces de l'Atlantique doivent être forts. À votre avis, dans quelle mesure est-il probable que ce projet se concrétise et dans quelle mesure dépend-il d'une garantie de prêt du gouvernement fédéral?
M. Brown : Personnellement, je pense que le projet du cours inférieur du fleuve Churchill est un projet merveilleux pour le Canada. Nous pouvons produire 95 p. 100 de notre électricité au Canada, ou, à tout le moins, une proportion très importante de notre électricité, grâce à des centrales hydroélectriques. Nous pourrions être le meilleur pays au monde dans ce domaine — la production d'électricité verte et renouvelable sans émissions de gaz à effet de serre. Nos rivières sont une ressource fantastique, et nous pouvons les utiliser pour produire une source d'énergie magnifique pour le Canada. C'est un grand projet.
S'ils réussissent à faire passer les lignes électriques du cours inférieur du fleuve Churchill à la Nouvelle-Écosse, il y a une entente entre la Nouvelle-Écosse et Terre-Neuve qui prévoit le raccordement au projet du cours inférieur du fleuve Churchill et le transport de l'électricité de Terre-Neuve à la Nouvelle-Écosse. Il y a une entente entre la Nouvelle- Écosse et le Nouveau-Brunswick pour l'interconnexion entre ces deux provinces afin que ces énergies puissent se rendre au Nouveau-Brunswick par la Nouvelle-Écosse. C'est l'une des raisons pour lesquelles nous demandons que notre câble soit inclus. Nous avons présenté un projet au Fonds pour l'infrastructure verte, le FIV, pour que notre câble puisse joindre cette interconnexion.
J'envisage une situation qui nous permettrait d'obtenir de l'hydroélectricité du cours inférieur du fleuve Churchill et où nous fournissons le vent — le vent souffle 40 p. 100 du temps. Si j'ai bien compris, l'hydroélectricité est la meilleure source d'énergie complémentaire de l'éolien. Ils peuvent arrêter les turbines ou les ralentir. J'ai été à la centrale du cours inférieur du fleuve Churchill, et je crois qu'ils ont environ sept turbines. Ils peuvent arrêter l'une de ces turbines lorsque le vent souffle. Lorsque le vent ne souffle pas, nous pourrions obtenir notre énergie du réseau hydrographique. C'est un projet fantastique sur le plan de la réduction des émissions de gaz carbonique. J'allègue que nous n'émettrions aucun gaz carbonique, et, avec la centrale d'énergie nucléaire qui nous fournirait de l'énergie de base, je pense qu'il s'agit d'un grand projet.
Je n'ai aucun problème concernant les garanties de prêt du gouvernement fédéral. Je n'aurai pas de difficultés à trouver un financement pour le câble entre la Nouvelle-Écosse et le Nouveau-Brunswick. C'est un projet qui vise à renforcer notre nation, et je crois que le comité sénatorial devrait également l'appuyer.
Le sénateur Mitchell : Vous avez fait d'énormes progrès dans le domaine de l'énergie éolienne. Vous en avez probablement fait autant, mais, à mon avis, vous en avez fait plus que presque toutes les autres provinces canadiennes. Nous entendons souvent dire que l'énergie éolienne n'est tout simplement pas commerciale et qu'elle coûte trop cher. Toutefois, vous avez réussi à établir un prix très concurrentiel, n'est-ce pas?
M. Brown : Oui. Parmi les parcs éoliens à l'Île-du-Prince-Édouard, il y en a qui est privé et qui vend son énergie sur le marché de l'exportation, mais tous les parcs éoliens de propriété publique vendent leur énergie à l'entreprise d'utilité publique, Maritime Electric, qui la distribue aux diverses régions de la province. Nous avons actuellement environ 54 mégawatts d'énergie éolienne sur l'Île-du-Prince-Édouard. Nous avons une charge totale pouvant atteindre 225 mégawatts, corrigez-moi si je me trompe. Alors nous produisons de 54 à 60 mégawatts d'énergie éolienne. Nous en produirons 30 mégawatts de plus, qui seront intégrés au réseau.
L'un des aspects positifs de notre relation avec notre province sœur, le Nouveau-Brunswick, c'est qu'elle a établi un bon prix. Nous avons un contrat à long terme avec elle. Elle a dit : « Produisez le plus d'énergie éolienne que vous le pouvez et intégrez-la à votre réseau. Nous ne vous pénaliserons d'aucune manière. Nous vous fournirons l'énergie dont vous avez besoin à un prix, mais c'est un bon prix. » Cela fonctionne très bien. Une fois que notre prochain parc éolien sera opérationnel, et l'ICEE produira également 12 mégawatts d'énergie éolienne qui seront intégrés au réseau, plus de 50 p. 100 des foyers de l'Île-du-Prince-Édouard pourraient être alimentés en énergie éolienne.
Le sénateur Mitchell : Ce serait une moyenne.
M. Brown : Oui, en moyenne, mais si l'on tient compte de la charge industrielle et de tout, ce sera environ 33 p. 100. Tous les jours, les Prince-Édouardiens me demandent : « Pourquoi n'utilisons-nous pas nos propres ressources? Pourquoi n'utilisons-nous pas davantage le vent? » Nous leur expliquons qu'il faut tenir compte du facteur de l'équilibre de la charge, et c'est une autre raison pour laquelle nous avons besoin du câble comme mesure de sécurité.
Nous faisons partie d'un réseau nord-américain qui est contrôlé par la North American Electric Reliability Corporation, la NERC, qui est un autre organisme du gouvernement américain qui dit : « On assurera la fiabilité de telle manière, et chaque entreprise d'utilité publique devra fonctionner de telle manière; vous devez avoir une capacité de tant et tant de réserves. » Encore une fois, ce sont les États-Unis qui régissent cela au Canada. Je ne dis pas cela pour mal faire. Ils sont les plus grands utilisateurs d'électricité et ils veulent être assurés de leurs importations et du fait qu'ils auront de l'électricité quand ils en auront besoin. Je comprends cela, mais cela ne nous empêche pas de produire de l'énergie pour nous, au Canada, également.
Le sénateur Mitchell : Nous avons rencontré des représentants de Seaforth Energy Inc. Ils produisent des éoliennes dans les provinces de l'Atlantique. Utilisez-vous leur matériel?
M. Brown : Non. Nous avons commencé à produire de l'énergie éolienne très tôt et nous utilisons le matériel de Vestas Wind Systems A/S, qui est une entreprise du Danemark. Nous étions les deuxièmes à avoir un parc éolien opérationnel au début des années 1980, non loin derrière Pincher Creek, en Alberta. La technologie et les grandes turbines sont disponibles maintenant. On peut produire de l'énergie viable. J'aimerais dire une autre chose au sujet du réseau nord-américain, et je peux me tromper — je dis souvent cela.
Le sénateur Mitchell : Il y a beaucoup de gens qui regardent par-dessus votre épaule.
M. Brown : Il y a tous ces représentants d'entreprises d'utilité publique derrière moi.
Le président : Vous parlez avec beaucoup de conviction.
M. Brown : Ce sont tous ces représentants de compagnies d'électricité qui sont assis derrière moi.
Le sénateur Mitchell : Ils hochent de la tête, pourtant.
M. Brown : L'autre chose que je constate au sujet de l'énergie éolienne et hydroélectrique, c'est que, dans le réseau nord-américain, il faut une production de base. Les pays, les provinces et les consommateurs veulent être assurés du fait que, lorsqu'ils appuient sur l'interrupteur, il y aura de l'énergie. Nous avons eu deux pannes d'électricité majeures au cours des dernières années, et les Américains et les Canadiens sont très préoccupés lorsque des villes sont plongées dans la noirceur, même si ce n'est pas pour très longtemps.
Si nous avions un système national quelconque ou s'il y avait une collaboration à l'échelle du pays, nous pourrions construire un parc éolien à un bout de l'Île et un autre parc éolien à l'autre bout de l'Île pour que nous puissions profiter deux fois d'un vent qui souffle d'un bout à l'autre de la province. Je suis convaincu que, si nous avions un réseau national ou un système d'équilibre national, une grande partie de ce vent pourrait être enregistré comme source d'énergie de base. Ainsi, nous ne serions pas obligés de construire davantage de centrales électriques de base. Nous pourrions dire que nous avons un réseau national qui assure l'équilibre de la charge et un système qui assure la production de 4 000 mégawatts d'énergie, et que l'éolien fait partie de ce système. On pourrait enregistrer 2 000 de ces mégawatts en tant qu'énergie de base, parce que, à tout moment, les parcs éoliens canadiens assurent une production garantie de 2 000 mégawatts.
Nous économiserions beaucoup d'argent, parce que nous ne serions pas obligés de construire une autre grande centrale pour assurer la production de l'énergie de base. L'ONE travaillerait sur un réseau national plutôt que de construire une autre centrale à cinq milliards de dollars, et, si nous utilisons l'énergie éolienne, nous pourrions dire aux Américains : « Regardez. Nous avons une technologie qui nous permet d'assurer l'équilibre de la charge et de garantir 2 000 des 4 000 mégawatts dont nous avons besoin dans notre système, au Canada ». Je crois que c'est réalisable. Nous économiserions beaucoup d'argent en évitant que les centrales demeurent inutilisées.
Le sénateur Mitchell : Si nous élargissions suffisamment le réseau, nous pourrions, grâce aux vents, garantir, à tout moment, 2 000 mégawatts d'énergie, par exemple.
M. Brown : Oui. Je dois remercier le gouvernement fédéral parce qu'il a contribué à nos projets par le truchement de l'un de ses programmes de financement. Dans les Maritimes, nous avons un système continu, et Maritime Electric, la Nouvelle-Écosse et Saint John Energy sont en train d'examiner la proposition du projet de contrôle de la charge des clients des Provinces maritimes dans le cadre de l'intégration de l'énergie éolienne. C'est un projet qui est mis en œuvre dans les Maritimes. Il s'agit d'un réseau intelligent qui montre comment nous pouvons travailler ensemble pour intégrer le plus d'énergie éolienne possible dans le système et pour faire de cette source d'énergie notre énergie de base. Je pense que c'est merveilleux, et je félicite le gouvernement fédéral d'avoir investi cet argent; je crois qu'il s'agit d'un bon investissement.
Le président : Vous savez que le Québec assure déjà l'équilibre de sa charge grâce à l'hydroélectricité et à l'énergie éolienne. Je pense que cela fonctionne très bien. Nous avons rencontré les représentants d'Hydro-Québec, et ils ont expliqué que ces deux sources d'énergie sont, comme vous le dites, très compatibles.
Je me demandais si la compagnie danoise dont vous avez parlé s'est installée ici. Les pales sont-elles fabriquées ici? Je pense qu'ils ont déjà mis sur pied une unité de production à Gaspé, mais qu'elle a fermé ses portes. Selon vous, ne serait-il pas sensé que cette entreprise exerce certaines de ses activités ici?
M. Brown : Nous étions les premiers en Amérique du Nord à acheter les B90 de Vestas.
Le président : Oui. Effectivement.
M. Brown : Nous sommes un nouveau gouvernement. Le dernier gouvernement aurait dû l'acheter.
Le président : Il aurait dû dire : « Nous allons acheter votre produit. Construisons-le ici. »
M. Brown : Si j'avais été là, j'aurais dit : « Nous allons acheter votre première éolienne en Amérique du Nord. Mais nous voulons aussi profiter des retombées économiques de tout cela. Vous avez donc le choix de vous installer dans notre province ou ailleurs au Canada, puisque nous allons vous permettre d'entrer sur le marché nord-américain. » Cela n'a pas été fait, et c'était une erreur.
Le président : La province de l'Ontario était tout enthousiaste à propos de l'énergie éolienne, elle s'enthousiasmait, puis elle s'est heurtée de plein fouet au syndrome « pas dans ma cour ». Vous avez mentionné que vous utilisez de l'énergie nucléaire, ce que je ne savais pas, mais aussi beaucoup d'électricité provenant de l'énergie éolienne. Est-ce que le syndrome « pas dans ma cour » est courant à l'Île-du-Prince-Édouard?
M. Brown : Il existe un peu au sujet des parcs éoliens. Il existe cependant surtout au sujet des réseaux de transport. Il y a une quantité importante de débats concernant le transport, la présence de lignes de transport d'électricité devant les maisons des gens, et les répercussions de celles-ci sur la santé des personnes. Des études très nombreuses ont été effectuées dans ce secteur. On considère que ce n'est pas dangereux — je suppose que si vous sautez sur le fil, c'est dangereux. Nous pensons qu'il ne s'agit pas d'un risque pour la santé. Nous essayons tout de même d'éviter toute interférence avec les résidents. Le transport demeurera un obstacle; ce l'est partout, surtout quand il est question de traverser des quartiers résidentiels, par exemple.
Le sénateur Brown : Quand nous discutions, au déjeuner, vous m'avez dit, je pense, que vous pourriez produire plus de 500 mégawatts si vous pouviez utiliser toute l'énergie éolienne disponible. Je voulais simplement le préciser, pour le compte rendu, si c'est exact.
M. Brown : Oui. Nous avons un plan en 10 étapes. Je vous laisserai un exemplaire. Il contient notre stratégie en matière d'énergie éolienne. Nous avons fait une analyse du potentiel de l'Île-du-Prince-Édouard, et nous estimons être en mesure de produire 500 mégawatts d'électricité grâce à l'énergie éolienne.
Nous sommes une province côtière; nous avons un énorme régime éolien. Nos facteurs de charge pourraient être de plus de 40 p. 100, ce qui est excellent. Si l'on parle d'une production de 500 mégawatts d'énergie éolienne, et que le facteur de puissance est de 40 p. 100 plutôt que de 35 p. 100 ou de 38 p. 100, on parle d'un revenu possible important.
À l'heure actuelle, nous avons des câbles de 200 mégawatts reliés au continent. Avec le câble supplémentaire, nous pourrions produire 300 mégawatts d'énergie éolienne de plus qui seraient envoyés dans le réseau canadien. Imaginez si l'on pouvait ajouter 300 mégawatts au réseau; cela permettrait d'éviter d'envoyer bien du gaz carbonique dans l'air. Encore une fois, nous pourrions équilibrer cet approvisionnement grâce à un grand approvisionnement en hydroélectricité.
Le président : Est-ce que c'est à cela que devaient servir les 340 millions de dollars demandés à Ottawa sous la forme de financement?
M. Brown : Les 340 millions de dollars devaient couvrir les coûts du câble reliant la Nouvelle-Écosse et Terre-Neuve.
Nous avons demandé 45 millions de dollars.
Le sénateur Brown : On nous a dit que l'Île-du-Prince-Édouard était l'endroit idéal pour installer des éoliennes. Est- ce que cela veut dire que le vent souffle quelque part sur l'Île à peu près en tout temps? Peut-on dire cela?
M. Brown : Oui.
Le sénateur Brown : Nous savons que le vent est variable, mais je vous demande si le vent souffle en tout temps en divers endroits de l'Île? Il y a toujours du vent quelque part à l'Île-du-Prince-Édouard?
M. Brown : Oui.
J'allais dire que, quand le parlement siège, il n'y a que ça, du vent. Je vais me faire ramasser pour celle-là.
Le sénateur Brown : Nous entendons sans cesse parler de la centrale de Point Lepreau. Vous avez dit que le délai de 18 mois avait été multiplié par deux, et qu'il était maintenant de 36 mois. Pourquoi donc? N'allons-nous pas travailler 24 heures sur 24, sept jours sur sept à ce projet? Est-ce que c'est parce que nous sommes syndiqués et que cela rend impossible la réalisation du projet dans le délai prévu?
M. Brown : Je souhaiterais que vous accueilliez ici des représentants d'EACL qui pourraient vous expliquer le motif de tous les retards. D'après ce que je comprends, le réacteur nucléaire est un peu comme une grosse chaudière. On place de l'uranium dans les tubes, qui se réchauffent, ce qui vient réchauffer l'eau qui entoure ces tubes, ce qui, à son tour, produit de la vapeur qui fait tourner la turbine, créant ainsi de l'électricité. Tout cela se fait à l'aide de la robotique.
Le sénateur Brown : Oui, je sais.
M. Brown : Vous ne pouvez pas tout simplement ouvrir les grandes portes qui mènent à ce réacteur et y envoyer 600 personnes qui commencent à souder et à arracher les tubes. Tout cela doit se faire grâce à la robotique.
D'après ce que je comprends, on élabore actuellement la technologie qui permettra de mettre en place de nouveaux tubes dans les installations. Des robots entreront dans le réacteur, enlèveront les tubes, les nettoieront, placeront les nouveaux tubes et les souderont en place. Je suppose que ce sera un peu comme pour la navette. Tout sera fait par des robots. EACL doit créer les robots qui permettront d'y arriver. Ses responsables créent un bout de la technologie, le mettent à l'essai et, si cela ne fonctionne pas, ils doivent retourner à leur table à dessin.
C'est la première centrale qui est remise à neuf. Une fois que ce sera fait, et que les responsables disposeront des mécanismes et des robots requis pour le faire, ils pourront remettre à neuf un autre réacteur à un coût beaucoup moins élevé. Nous sommes les premiers à nous charger de ce processus. Était-ce une bonne idée? Avec le recul, peut-être pas, mais nous avons accepté de relever le défi. Les responsables d'EACL nous ont promis d'y arriver dans un certain délai. Tout ce que nous demandons, essentiellement, c'est de l'argent pour payer l'entretien courant de la centrale pendant qu'elle est à l'arrêt. En rétrospective, nous aurions simplement dû donner la centrale à EACL et dire : « Vous êtes propriétaire de la centrale. Elle est à vous. Nous la rachèterons pour un milliard de dollars quand vous aurez terminé. Nous ne demandons rien de gratuit. Faites ce que vous avez à faire, et nous vous rachèterons la centrale dès que vous l'aurez remise en état de marche. » C'est ce que nous aurions dû faire. EACL serait donc à l'heure actuelle entièrement responsable de la centrale. Cependant, ce que nous avons fait, à l'époque, c'est conclure une entente de partenariat avec EACL.
Le sénateur Brown : Je me posais la question parce que Bruce Power fait présentement la réfection de quelques réacteurs. L'objectif est de faire la réfection de tous leurs réacteurs pendant une certaine période, et je me demandais simplement pourquoi cela prenait tant de temps à la centrale Point Lepreau. Peut-être que c'est seulement à cause d'EACL.
Le sénateur Lang : Je vais regrouper toutes mes questions, puis vous pourrez y répondre, puisque nous manquons de temps.
D'abord, au sujet de la recommandation pour que l'on élargisse le rôle de l'Office national de l'énergie, s'agit-il d'une position que votre gouvernement défendra pendant la rencontre des premiers ministres qui aura lieu ici, cet été, pour savoir si l'on s'entend, à l'échelle du pays, pour élargir le rôle de l'ONE?
Ensuite, pour ce qui est de la question du réseau électrique est-ouest, que vous avez mentionné, nous en avons parlé, et cela semble intéressant. C'est une idée intéressante qui vaut peut-être la peine qu'on s'y attarde. Cependant, tout cela coûte de l'argent. Seriez-vous prêt, à titre de province, à partager les coûts dans une telle aventure étant donné qu'il y aura des coûts supplémentaires qui viendront s'ajouter à ce que paient déjà les contribuables?
Ma troisième question concerne les évaluations environnementales. J'ai remarqué que vous n'en avez pas parlé. Nous avons entendu dire, à certaines occasions, que le chevauchement de ces deux processus pendant l'élaboration de ces projets entraînait des coûts et prenait du temps. J'aimerais savoir si vous avez quelque chose à dire concernant la possibilité, peut-être, de modifier notre processus d'évaluation environnementale pour que nous puissions en arriver à une conclusion plus rapidement en plus de tenir compte des coûts.
M. Brown : Pour ce qui est de l'Office national de l'énergie, c'est une question que je soulève toujours quand je vais aux rencontres de ministres. C'est un problème. Je pense que bien des provinces envisagent les services publics en fonction de leurs propres intérêts. C'est peut-être parce que, dans sept des 10 provinces, les services publics appartiennent au gouvernement provincial. Elles ont donc un peu l'impression que vous empiétez sur leur territoire. Je parie que si tous les services publics appartenaient à des sociétés privées, la situation serait tout autre. Cependant, quand vous êtes ministre de l'énergie dans une province où les services publics appartiennent à l'État, vous pouvez avoir l'impression que l'on essaie de vous priver d'une partie de vos activités ou de réduire un peu votre marge, ou quoi que ce soit du genre.
C'est difficile, et c'est pourquoi je demande à votre comité sénatorial d'envisager la possibilité d'élargir le mandat de l'Office national de l'énergie. De cette façon, les provinces pourraient examiner la situation et se dire : « Il y a là, pour nous, des possibilités de collaboration et de partage des profits, sans que nous perdions nos services publics au bout du compte. »
Au sujet du réseau est-ouest, je dirais que, quand nos pères fondateurs se sont réunis, je suis à peu près sûr que certains d'entre eux, peut-être même bon nombre d'entre eux, ont dit : « Ce projet de chemin de fer coûte vraiment très cher. Nous pourrions tout simplement construire un chemin de fer vers les États-Unis pour pouvoir traverser les États de l'Ouest puis remonter vers une autre province. » S'ils avaient décidé de retenir cette idée, je ne pense pas que le Canada serait là aujourd'hui.
Parfois, il faut aller un peu plus loin pour faire de grandes choses. Je sais que ce n'est pas toujours seulement une question d'argent; on parle de bâtir une nation. Si nos pères fondateurs avaient décidé que nous irions vers le Sud pour rejoindre un chemin de fer aux États-Unis afin de se rendre jusqu'à la côte Ouest, est-ce que nous aurions aujourd'hui un gouvernement national? J'en doute.
C'est pourquoi je propose que l'on élargisse le mandat de l'Office national de l'énergie pour favoriser la création d'un réseau national, pour voir de quoi nous sommes capables. S'il y a un avantage économique, prenons la peine d'examiner comment on peut donner vie à ce projet. Si les Américains mettent en place un réseau jusque dans le Midwest, il y aura peut-être des Canadiens qui viendront dire que nous devrions tout simplement nous relier à ce réseau. Cependant, encore une fois, nous sommes un pays.
À l'Île-du-Prince-Édouard, nous collaborons très étroitement avec nos homologues du gouvernement fédéral et des provinces sur le plan de l'environnement. Quand des évaluations sont effectuées, nous désignons parfois le gouvernement fédéral pour qu'il soit le chef de file; il arrive aussi qu'on nous désigne à titre de chef de file. Cela fonctionne très bien. Le processus pourrait être un peu simplifié. Cependant, les besoins environnementaux varient d'une région à une autre. Par exemple, les préoccupations environnementales sont bien différentes au Yukon et à l'Île- du-Prince-Édouard. Je trouve que les ministères provinciaux et fédéral de l'environnement ont une très bonne collaboration. Il y a un esprit de collaboration; les gens veulent bien faire. Il est parfois facile de s'accuser les uns les autres quand un projet n'avance pas assez vite. Il est facile de dire : « Si ce n'était de l'organisme fédéral ou de l'organisme provincial de protection de l'environnement, ce projet avancerait beaucoup plus rapidement. » Je crois fermement qu'il est important de prendre un jour ou une année de plus pour faire les choses comme il faut et répondre aux questions au préalable. Les spécialistes qui participent aux tables rondes n'ont pas toutes les réponses. Parfois, les meilleures questions sont posées par un passant qui dit simplement : « Avez-vous pensé à cela? » C'est parfois la meilleure façon de procéder. C'est pourquoi nous avons une si bonne démocratie.
Le sénateur Neufeld : Je siège au Comité sénatorial permanent des finances nationales. Au cours du dernier exercice, EACL a demandé un milliard de dollars au gouvernement fédéral; cette année, sa demande excédera probablement un peu le milliard de dollars. Je n'en connais pas le montant exact — et je ne peux ni ne veux le mentionner ici —, mais une bonne partie de cette somme est destinée à Point Lepreau, pour bon nombre de raisons que vous avez mentionnées. Quand vous parlez de construire une nation, vous parlez du reste du Canada. Quand vous parlez des réacteurs CANDU, il faut bien dire que c'est l'ensemble du Canada qui les a financés. Pensez-vous qu'il faudrait privatiser EACL?
M. Brown : Je pourrais vous donner une réponse de politicien, mais je ne le ferai pas.
Le sénateur Neufeld : Donnez-moi une réponse honnête.
M. Brown : Oui, je vais vous répondre honnêtement. Je pense qu'il faudrait faire une analyse et que, si EACL doit être privatisé, eh bien, il doit être privatisé. Je crois fermement qu'il doit y avoir un incitatif, et je pense que, s'il y avait privatisation, l'incitatif serait beaucoup plus fort pour que la centrale soit remise en état de marche.
Il y a aussi l'exemple de John F. Kennedy. Quand il a dit que nous irions sur la lune, je suis sûr que bien des gens ont dit que c'était ridicule et qu'il était insensé de gaspiller de l'argent à cette fin. Pourtant, c'est parce que nous sommes allés sur la lune que nous disposons aujourd'hui de cette quantité phénoménale de technologies. Nous n'aurions pas, aujourd'hui, d'ordinateurs ni de poêlons T-Fal antiadhésifs. Il faut parfois dépenser un peu plus pour atteindre notre but, mais les avantages l'emportent de loin sur les coûts du processus qui nous a permis d'atteindre notre but.
Le sénateur Neufeld : Pour ce qui est du réseau d'électricité, la Colombie-Britannique a été un importateur net d'électricité des États-Unis et de l'Alberta pour environ huit des dix dernières années. J'entends fréquemment parler d'un réseau national, mais il faut aussi penser au transport de l'électricité et à la quantité que vous perdez et que vous envoyez. On essaie présentement de trouver des façons technologiques de régler ce problème, mais, d'après ce que je comprends, nous en sommes encore loin. Il faut tenir compte des aspects économiques liés à la mise sur pied d'une ligne de transport qui traversera le Canada d'un bout à l'autre.
Les échanges économiques se faisaient dans l'axe nord-sud; si le Traité du fleuve Columbia, en Colombie- Britannique, a été conclu, c'était parce qu'il s'agissait d'une entente nord-sud, et parce qu'il y avait un acheteur au sud de la frontière. Maintenant, nous consommons toute cette électricité. En fait, on doit même en importer du Sud pour pouvoir s'éclairer. Ce n'est pas simplement parce que nous aimons faire des affaires avec les États-Unis, mais nous devrions être heureux de faire des affaires avec eux parce que 75 ou 80 p. 100 de nos échanges commerciaux ont lieu avec les États-Unis. Nous ferions mieux d'espérer que tout a été fait correctement.
Ce n'était qu'une déclaration — le président me sermonne toujours à ce sujet.
J'ai une dernière question. Je remarque que vous n'avez pas inclus les tarifs du Québec dans votre exposé — à tout le moins, je ne les vois pas.
M. Brown : Non.
Le sénateur Neufeld : Si vous produisiez, à l'Île-du-Prince-Édouard, la même quantité d'électricité que le Québec et que vous aviez le même excédent, est-ce que vous l'utiliseriez comme moteur économique pour favoriser l'implantation d'usines d'aluminium, par exemple, à l'Île-du-Prince-Édouard, ou est-ce que vous diriez : « Non, il faut construire la nation. Nous devrions travailler chacun de notre côté et disposer d'une ligne pour transporter nos surplus de façon à ce que d'autres personnes puissent profiter des mêmes tarifs peu élevés que les nôtres »? Que diriez-vous, dans un tel cas, si l'on renversait la situation?
M. Brown : Oui. Renversons la situation. Je dirais, tout simplement, que j'irais voir d'abord ma province voisine pour lui faire une offre en matière d'électricité et pour lui demander si cette électricité l'intéresse avant de l'envoyer à l'étranger. Si cette province souhaitait acheter mon électricité à ce tarif, je serais satisfait. Je pense toutefois que c'est une erreur de dire que l'on enverra cette électricité aux États-Unis et que l'on empêchera une province d'y avoir accès.
Le sénateur Neufeld : Je suppose donc que l'on revient à des arguments économiques. Si le tarif était acceptable pour l'Île-du-Prince-Édouard, vous seriez d'accord.
M. Brown : Oui.
Le sénateur Neufeld : Cela signifie que vous feriez un certain profit, c'est exact?
M. Brown : Oui. Je ne demande pas à une province de conclure un marché spécial. Je ne demande rien. Tout ce que je demande, c'est qu'on nous vende de l'électricité au même tarif qu'aux États-Unis. Si l'on disposait d'un réseau de transport, ce serait beaucoup plus facile d'y arriver.
Soyons réalistes; les États-Unis nous disent que nous devrions avoir un service d'accès ouvert au réseau de transport dans notre pays. Nous n'aurions pas ce réseau aujourd'hui, au pays, si ce n'était de cela. Nous travaillerions tous en vase clos. Chaque province produirait sa propre électricité et la garderait au sein de son territoire, ou aurait une ligne de transport ici ou une ligne de transport là, ou encore, elle facturerait un tarif à un client et un autre tarif à un autre client. Le service d'accès ouvert au réseau de transport suppose que vous n'avez pas d'autre choix que d'être juste et ouvert et que vous ne pouvez pas faire de discrimination, et cela fonctionne.
Je ne demande pas à une province de me réserver un traitement de faveur. Je ne demande pas à une province de me vendre son électricité moins cher qu'à un autre client. Tout ce que je demande, c'est que l'ONE puisse faire enquête et, à partir des résultats de l'enquête, qu'il puisse dire que, s'il est possible de réunir les responsables des services publics et de travailler à la création d'un réseau de transport, cela représentera un avantage pour la province qui fournit l'électricité, mais aussi pour les autres provinces qui la reçoivent.
Le sénateur Neufeld : Tout notre excédent correspond à de l'électricité produite en période de pointe puisque nous avons aussi un important réseau hydroélectrique. L'Alberta ne veut pas acheter notre énergie produite en période de pointe parce qu'elle coûte très cher par rapport à l'énergie produite pendant les périodes creuses. C'est là le marché dont vous avez parlé, et toute la question de l'équité et de toutes ces choses dont il faut tenir compte. Je sais bien qu'il y a toujours des choses que l'on aurait pu ou que l'on aurait dû faire, mais quand vient le temps de conclure un contrat, il faut qu'il y ait une logique économique pour tout le monde.
M. Brown : C'est pourquoi je dis qu'il faut élargir le mandat de l'Office national de l'énergie pour qu'il puisse se pencher sur cette question et qu'il ne se contente pas d'un rôle de réglementation en ce qui concerne les nouvelles ententes de transport et les exportations. Il nous faut un organisme national qui peut dire aux provinces et aux responsables des services publics : « Si vous collaborez, il y aura des économies à réaliser. » Sénateur, il arrive parfois que nous ne voulons pas collaborer pour cette raison.
Tout ce que je dis, c'est qu'il faut élargir le mandat de l'Office national de l'énergie, et je sais que ce qu'on nous dira, à l'ONE c'est : « Eh bien, on peut étudier ceci ou cela, selon les instructions du ministre. » Non; donnons-lui un mandat législatif. C'est tout ce que je dis, monsieur le sénateur. Je ne dis pas qu'il faut démanteler le réseau pour agir.
Quoi qu'il en soit, c'est là un débat très intéressant. J'aimerais qu'il se poursuive toute la journée.
Le président : Merci, monsieur le ministre. Vous avez été un témoin et un ministre formidable. Vous nous avez fait part de propositions concrètes très intéressantes, et vous avez eu un entretien animé avec un ancien ministre qui avait le même portefeuille que vous. J'espère que nous aurons d'autres occasions de vous rencontrer. Je vous souhaite bonne chance, de même qu'à M. MacQuarrie, pour tout ce que vous faites à l'Île.
M. Brown : Merci beaucoup.
Le président : Avant de passer aux prochains témoins, j'aimerais, mesdames et messieurs les sénateurs, revenir à la motion que j'ai proposée hier afin de permettre à un photographe d'un média local de prendre des photos sans que cela n'entraîne indûment des perturbations. J'aimerais proposer une notion pour que ce soit toujours comme ça, afin que nous n'ayons pas à recommencer chaque jour. Est-ce que la motion est adoptée?
Des voix : D'accord.
Le président : Merci, chers collègues.
Sans plus attendre, nous avons entendu parler de vous, messieurs, et nous avons déjeuné avec votre premier ministre. Il a parlé de vous avec éloge, et il a un grand respect pour votre excellent travail.
Nous accueillons, Fred O'Brien, président et premier dirigeant, Robert Younker, directeur de la planification ministérielle et stratégique, et John Gaudet, vice-président de la planification ministérielle et de l'approvisionnement énergétique à la Maritime Electric Company Limited.
Bienvenue au comité. Je pense que vous étiez présents dans la salle quand nous nous sommes présentés plus tôt, mais si vous avez quelque question que ce soit à propos de notre mandat, n'hésitez pas. Nous voulons en savoir plus sur ce qui se passe à l'Île-du-Prince-Édouard, et nous voulons savoir quels sont les messages que vous aimeriez transmettre au reste du Canada. Je suis sûr que le reste du Canada a quelque chose à apprendre de vous. Nous avons hâte de savoir comment fonctionne le service d'énergie, ici, à l'Île-du-Prince-Édouard.
Fred O'Brien, président et premier dirigeant, Maritime Electric Company Limited : Merci beaucoup. Nous sommes certainement très heureux de pouvoir présenter le point de vue de Maritime Electric à ce sujet. Si nous sommes trois, c'est surtout pour la période de questions et de réponses. Ces deux personnes sont habituellement les spécialistes de la planification de l'approvisionnement et, plus particulièrement, de l'approvisionnement en énergie dans notre région, et c'est, je pense, le principal sujet du jour.
Le président : Parlez-nous de la société et de sa propriété.
M. O'Brien : Je vais parler un peu de ce qui est écrit à la diapositive 2, et M. Younker poursuivra l'exposé à partir de ce point. Je vais faire l'introduction, essentiellement.
Nous sommes le service public d'électricité pour environ 90 p. 100 de la province. Nous travaillons dans le secteur et offrons ce service depuis plus de 90 ans. Nous sommes une entreprise de service public appartenant au secteur privé et réglementée. Nous appartenons à Fortis Inc., une société de portefeuille qui possède des services publics dans cinq provinces du Canada. Nous avons aussi des actifs dans d'autres régions, notamment aux États-Unis et dans la région des Caraïbes.
Le président : Nous comprenons que la Nouvelle-Écosse, l'Île-du-Prince-Édouard, l'Alberta et le Yukon sont allés vers le privé. Je ne suis pas sûr d'avoir bien compris ce qu'a dit le ministre Brown, mais, quand vient le temps d'obtenir la franchise, si je puis dire, pour devenir la société d'électricité, qu'elle soit privée ou non, y a-t-il une garantie qui permet d'être certain qu'il n'y aura pas d'autres joueurs qui viendront vous concurrencer? Est-ce qu'on vous dit : « Allez-y, faites ce que vous avez à faire, faites de l'argent, et Dieu vous bénisse. Et en passant, vous êtes protégé »? On nous a parlé de l'impôt; vous devez payer de l'impôt comme n'importe quelle autre entreprise qui fait des affaires dans la province à moins que l'on puisse remettre cette loi en vigueur. Quelle est la situation?
M. O'Brien : Notre travail est assujetti aux dispositions de deux lois provinciales. Il y a la loi sur l'énergie électrique, qui régit essentiellement ce que vous avez dit. Elle régit, essentiellement, notre franchise, le territoire que nous desservons. Elle prévoit toutefois aussi une obligation de service. Dans notre cas, cette obligation comporte deux volets : l'obligation de prévoir le transport de l'électricité, et l'obligation de fournir de l'électricité. Je le souligne parce que ce ne sont pas tous les services publics qui ont ces deux responsabilités, surtout à cause de la déréglementation. Nous sommes ce que je qualifierais de service public officiel traditionnel. Nous relevons de l'IRAC, la commission d'appel et de réglementation de l'Île. Nous utilisons la réglementation fondée sur le coût du service, ce qui est, encore une fois, la façon de faire la plus traditionnelle ou la plus ancienne, si vous préférez. Nous avons essayé d'autres méthodes pour offrir ce service public ici, à l'Île-du-Prince-Édouard, au cours des 20 dernières années. Il y a à peu près sept ans, on a décidé, par l'entremise de la loi sur l'énergie électrique, de revenir à la réglementation fondée sur le coût du service.
Le président : Donc, d'un point de vue commercial, l'entente vous impose des obligations, mais elle vous permet de disposer de la franchise en échange.
M. O'Brien : C'est exact.
Le président : Disons qu'il y a soudainement une panne. Si le gouvernement est propriétaire de la société d'énergie, il ne va pas se poursuivre lui-même. De votre côté, pouvez-vous être poursuivi pour non-exécution, ou bien vous êtes protégé contre une telle démarche?
M. O'Brien : Cela dépendrait essentiellement de la cause de la panne.
Le président : Eh bien, prenons un cas évident. Je veux dire, supposons qu'il y a eu négligence ou faute de votre part.
M. O'Brien : Nous sommes essentiellement protégés contre de telles poursuites, mais nous devons prouver que les bonnes pratiques en matière de service public ont été respectées, que nous avons fait preuve de diligence dans la prestation des services, et d'autres choses de même nature. Il y a aussi d'autres restrictions concernant nos activités, ici, à l'Île-du-Prince-Édouard, et le rendement de l'entreprise, les dispositions de la deuxième loi, qui est la loi sur l'énergie renouvelable et qui régit le portefeuille de l'énergie renouvelable. Nous nous sommes acquittés de cette partie principalement grâce à l'énergie éolienne. Il y a des choses de cette nature. C'est un secteur d'activités très réglementé et légiféré.
Nous devons essentiellement respecter un plafond en ce qui concerne notre bénéfice net. Nous ne pouvons pas dépasser un certain niveau. Il n'y a évidemment pas de seuil. Nous pouvons perdre, mais il y a des limites à ce que nous pouvons gagner. Tout cela est administré par l'entremise de l'organisme de réglementation, comme c'est le cas dans l'industrie du gaz et du secteur des pipelines, par exemple.
J'aimerais aborder deux aspects à ce sujet. Évidemment, nous collaborons très étroitement avec les provinces, comme cela a été mis en évidence ce matin. Nous discutons et nous communiquons. Nous collaborons très étroitement avec la PEI Energy Corporation qui, je pense, est propriétaire du parc éolien North Cape et du parc éolien Eastern Kings. Nous passons aussi par cette société pour conclure un contrat avec un autre des quatre parcs éoliens auprès desquels nous nous approvisionnons. Nous entretenons donc une relation de travail très étroite, et c'est important. Notre but est le même. Nous sommes dans une province où l'approvisionnement en énergie que nous achetons — le gros de notre approvisionnement — coûte cher. Il doit y avoir une collaboration étroite entre la province et le service public si l'on veut obtenir le coût le moins élevé possible tout en respectant les autres dispositions, notamment les dispositions en matière d'environnement et d'énergie renouvelable.
Le président : Fortis Inc. est un peu comme Emera Inc; n'est-ce pas?
M. O'Brien : Tout à fait.
Le président : Je veux dire par là qu'il s'agit de la société de portefeuille, et qu'elle a peut-être d'autres entreprises, et que tous vos revenus nets reviennent aux actionnaires de Fortis.
M. O'Brien : Oui, une partie leur revient. Rien ne garantit qu'il y aura toujours un dividende. Cela dépend de l'année que nous avons eue. Habituellement, le dividende est de 50 à 60 p. 100. Le solde est réinvesti dans l'entreprise et à l'Île- du-Prince-Édouard. Nous l'utilisons pour investir dans des immobilisations, par exemple pour construire des lignes électriques et maintenir l'approvisionnement en électricité. Ce n'est pas tout l'argent qui revient aux actionnaires.
Voici certaines données de base. Nous avons 72 000 clients. Encore une fois, nous sommes l'un des deux services publics présents. La Ville de Summerside a un service public municipal. On peut dire, à juste titre, que nous sommes le service public provincial. Comme je l'ai dit, nous sommes responsables de l'acheminement et de l'approvisionnement. Nous offrons un service de transport qui profite non seulement à nos clients, mais aussi, par exemple, au parc éolien West Cape, qui exporte et vend de l'énergie ailleurs. Nous avons le tarif d'accès ouvert au réseau de transport, le TAORT, que nous avons mis en place il y a un certain nombre d'années pour nous permettre d'y arriver.
Nous gérons le transport de l'énergie entre attaches, entre l'Île et le continent. Par conséquent, comme nous sommes reliés au réseau, même si nous ne sommes qu'un petit service public en comparaison, nous avons une responsabilité envers le conseil de coordination des réseaux d'électricité du Nord-Est, le NPCC. Nous avons aussi certaines responsabilités envers la FERC. Parce que nous sommes reliés avec le Nouveau-Brunswick, nous avons des responsabilités envers l'Exploitant de réseau du Nouveau-Brunswick, l'ERNB.
Nous collaborons très étroitement avec Énergie NB. Depuis tout le temps où nous achetons de l'énergie, soit depuis que les câbles nous reliant au continent ont été installés en 1977, il a été, de loin, notre principale source d'approvisionnement. À l'heure actuelle, nos liens existent essentiellement dans le cadre d'un contrat à long terme avec la centrale Point Lepreau, un contrat de cinq ans qui a été mentionné précédemment. C'est notre principal fournisseur, et il a été un bon partenaire, mais il n'en demeure pas moins que c'est une relation d'affaires.
À partir de maintenant, à moins que vous ayez des questions sur notre structure, par exemple, je vais laisser la parole à M. Younker, qui vous guidera au cœur de l'exposé. Nous serons évidemment tous les trois disponibles pour répondre à vos questions par la suite.
Le président : Ce sera formidable. Je crois que vous pouvez entrevoir que nous aurons des questions à vous poser au sujet de la relation avec la centrale Point Lepreau.
Robert Younker, directeur, Stratégie et planification ministérielle, Maritime Electric Company Limited : Je débute à la troisième diapositive de notre présentation, où figurent quelques chiffres sur la consommation d'énergie annuelle de l'Î.-P.-É. Je vous parlerai un peu plus tard au cours de mon exposé des chiffres associés à la consommation d'essence et de mazout. En ce qui concerne la consommation d'électricité, 1 239 millions de kilowattheures correspondent à 1 239 gigawattheures, ou encore, à 1,2 térawattheures.
Comparons la consommation de l'Î.-P.-É. à celle de certaines autres provinces : le Québec consomme environ 170 térawattheures d'électricité, soit environ 150 fois la consommation de l'Î.-P.-É.. Notre province est petite.
L'Î.-P.-É. a une grande dépendance envers les produits pétroliers — je pense que c'est la plus élevée au Canada. L'unique source naturelle de notre province qui permet de produire de l'électricité est le vent. L'Î.-P.-É. n'a pas accès à des ressources de gaz naturel : nous n'en produisons pas, pas plus que nous ne sommes connectés au pipeline principal du Nouveau-Brunswick et de la Nouvelle-Écosse.
Le mazout est le principal combustible qui sert au chauffage de locaux et sert également à 75 p. 100 du chauffage de l'eau domestique dans la province.
Le président : D'où vient tout ce mazout?
M. Younker : Il y a deux raffineries sur la côte Est : la première à Saint John, la deuxième à Dartmouth; je crois comprendre que c'est de là que provient la plus grande partie du mazout consommé par l'Î.-P.-É. Je suppose que ces deux raffineries sont approvisionnées par le champ de pétrole Hibernia. Avant l'arrivée d'Hibernia, la majeure partie du mazout venait habituellement du Venezuela, du moins c'était le cas pour la raffinerie de Darmouth. Au cours des dernières années, l'approvisionnement vient d'Hibernia ainsi que d'autres champs de pétrole.
Dans le cas du secteur de l'électricité, il y a eu un changement au cours des dernières années qui fait en sorte que ce secteur ne fait pratiquement plus appel au mazout. Les centrales au mazout de l'Î.-P.-É. servent maintenant principalement de centrales d'appoint, ou pendant les périodes de pointe; dans les faits, elles consomment très peu de mazout au cours d'une année. L'an dernier, en 2010, l'éolien représentait environ 20 p. 100 de l'approvisionnement électrique de l'Î.-P.-É.; d'ici 2013, nous nous attendons à ce que cette proportion grimpe à environ 30 p. 100.
L'établissement du prix de la plus grande partie de l'énergie que nous achetons du continent se fonde sur le prix fixé par les centrales au gaz naturel. Il y a environ 10 ans, la Nouvelle-Angleterre a procédé à une vaste mise en place de production d'énergie par combustion de gaz naturel; depuis, l'établissement du prix de l'énergie sur le marché au comptant s'appuie largement sur les centrales au gaz naturel. Voilà ce qui détermine habituellement le seuil de rentabilité et le prix. Au cours des dix dernières années, dans le cadre de nos achats d'énergie, qui proviennent surtout du Nouveau-Brunswick, nous avons constaté une transition de la méthode d'établissement du prix, qui se fondait à l'époque au prix établi par les centrales au mazout et qui est maintenant passé sur le prix établi par les centrales au gaz naturel. Maintenant, l'établissement du prix en fonction des centrales au gaz naturel prédomine, et cela reflète le fait que c'est le gaz naturel qui détermine le seuil de rentabilité en Nouvelle-Angleterre.
En ce qui concerne la négociation d'un contrat avec Énergie NB, la société a le choix entre vendre à l'Î.-P.-É. ou vendre à la Nouvelle-Angleterre, et ce, au prix de la production d'énergie au gaz naturel. Nous avons le choix d'acheter notre énergie d'Énergie NB, ou de la Nouvelle-Angleterre, toujours au prix de la production d'énergie au gaz naturel. C'est pourquoi notre prix est maintenant largement établi en fonction de la production d'énergie au gaz naturel. En ce sens, nous ne dépendons plus du mazout. Certes, le prix a baissé, et les baisses les plus récentes reflètent les prix plus faibles du gaz naturel en Amérique du Nord, attribuables à l'importante augmentation de l'approvisionnement en gaz de schiste des dernières années. De manière générale, en Amérique du Nord, l'offre dépasse la demande et, comme dans tout marché qui se respecte, le prix a diminué.
Dans l'Î.-P.-É., nous ne dépendons plus du mazout, mais nous dépendons toujours largement de l'approvisionnement du continent. Voici des prévisions relatives à nos sources d'approvisionnement en électricité pour 2013 : 30 p. 100 d'éolien; 17 p. 100 provenant du nucléaire, grâce à la participation de 30 mégawatts dans la centrale Point Lepreau; et le reste proviendrait d'achats effectués auprès d'autres sources externes à l'Île.
Le président : Est-ce que c'est de l'hydroélectricité?
M. Younker : Habituellement, on parlerait d'achats systémiques. Nous achetons l'énergie du Nouveau-Brunswick, le prix est négocié; cependant, la source de l'approvisionnement n'est pas désignée explicitement. Nous ne voyons pas ce qui se cache derrière le prix qui nous permettrait de connaître la véritable source d'énergie. Le Nouveau-Brunswick fait de son mieux pour nous approvisionner en énergie, que ce soit à partir de son propre parc d'énergie ou grâce à des achats qu'il pourrait faire auprès du Québec, peut-être, ou de la Nouvelle-Angleterre.
Le président : Donc, vous ne sauriez peut-être pas du tout s'il s'agit d'une énergie non renouvelable ou qui n'émet pas de gaz à effet de serre, n'est-ce pas?
M. Younker : C'est exact. Il est vrai que nous pouvons deviner de manière assez juste d'où vient l'énergie du réseau du Nouveau-Brunswick, et d'où la province l'achète, mais nous ne le savons pas exactement.
Le président : Cinquante-trois pour cent de cette énergie pourraient provenir de combustibles fossiles.
M. Younker : C'est vrai, il pourrait y avoir 53 p. 100 de combustibles fossiles. Je m'attendrais à ce que l'énergie provienne en grande partie du gaz naturel, compte tenu de la répartition actuelle entre les prix du mazout et les prix du gaz naturel.
J'aimerais aborder brièvement quatre enjeux relatifs au secteur de l'électricité dans l'Î.-P.-É. Premièrement, l'éolien est maintenant une source importante de notre approvisionnement, mais il y a une limite à la charge qu'il peut fournir. Deuxièmement, il nous faut accroître la capacité de notre interconnexion avec le Nouveau-Brunswick. Troisièmement, nous envisageons la possibilité d'une augmentation considérable de la charge attribuable au fait que les Prince- Édouardiens sont à la recherche d'une solution de rechange au mazout pour le chauffage des locaux. À plus long terme, nous envisageons également la possibilité d'une augmentation de la charge attribuable à la pénétration des véhicules électriques.
Commençons d'abord par le vent comme ressource intermittente : ce qu'il faut retenir du vent, c'est qu'il n'est pas toujours là. Même à l'Î.-P.-É., il y a un nombre considérable d'heures de l'année où il y a peu ou pas de vent. Selon les évaluations actuelles, la limite supérieure raisonnable de la charge électrique que pourrait fournir le vent s'élève à environ 30 p. 100.
J'ai quelques diagrammes à vous montrer ensuite.
Le président : Nous avons fait nos tournées, et on nous remet ces petits diagrammes. On nous dit que partout où il y a du rouge, c'est là que le vent est bon. Toute l'Î.-P.-É. est couverte de rouge. Au Nouveau-Brunswick, on voit deux pointes à l'extrémité de la baie des Chaleurs et un peu de rouge sur la baie Cumberland. Les cartes montrent beaucoup d'endroits où le vent est bon en rouge, et, partout ailleurs, rien du tout. S'agit-il d'illustrations graphiques de l'énergie éolienne produite par des installations qui sont déjà en fonction, ou s'agit-il de relevés à distance d'anémomètres qui indiquent qu'il y a beaucoup de vent, même si on ne l'exploite pas encore? Ma question est-elle logique? Comprenez- vous ce que je veux dire?
M. Younker : Parlez-vous de cette puissance produite en particulier?
Le président : Oui, tout à fait.
M. Younker : Il s'agit de la puissance produite réelle pendant un mois, provenant de la première étape du parc éolien North Cape.
Je pense que ce sont des données de 2003, mais c'est la puissance produite réelle au cours d'un mois. Les chiffres que vous voyez le long de l'axe horizontal sont les heures du mois. Je crois qu'il s'agissait du mois de mars, qui compte 744 heures. À cette époque, en 2003, la capacité installée du parc de North Cape s'élevait à 5 000 kilowatts. En fait, la capacité installée était à peine d'un peu plus de 5 000 kilowatts. Vous constaterez que les barres dépassent parfois les 5 000 kilowatts, ce qui représente les heures au cours desquelles le parc éolien atteignait sa puissance de production maximale.
Le sénateur Lang : Monsieur le président, permettez-moi de faire le suivi afin de bien comprendre et de me faire une idée de l'Île. Je donne suite à la question du sénateur Brown. Si le vent souffle à une extrémité de l'Île, êtes-vous en train de me dire qu'il ne souffle pas nécessairement à l'autre extrémité? Est-ce exact? Est-ce que la production d'une extrémité de l'Île peut compenser ce qui se passe à l'autre?
M. Younker : Il peut y avoir un écart de la puissance du vent d'une extrémité à l'autre de la province, mais il n'est pas très grand. Sur le plan géographique, la province n'est pas très grande, de sorte que si un système météorologique est le moindrement important, la météo est la même, au même moment, presque partout dans la province.
L'écart que nous constatons habituellement, c'est quand un système météorologique nous arrive de l'ouest. Alors, la production du parc éolien de North Cape augmente et, trois à quatre heures plus tard, à l'autre bout de l'Île, on constaterait l'impact de ce système météorologique dans le parc éolien Eastern Kings. S'il s'agit d'un système météorologique qui entraîne une production importante pendant 24 heures, pendant la majorité de ces heures la production sera importante aux deux extrémités de l'Île. Cependant, on commencerait avec trois heures de production à l'une des extrémités, puis elle diminuerait progressivement jusqu'à ce qu'il ne reste que trois heures de production à l'autre extrémité. C'est le genre d'écart que nous constatons. Il y en a un peu, mais ce n'est pas important.
Le président : Fait intéressant, il y a une grande ressemblance avec le Danemark, notamment la configuration de l'Île et le fait que même si le pays est reconnu comme étant le grand pays de l'éolien, je crois que ce n'est que 18 ou 20 p. 100 de leur électricité qui proviennent de cette source. Vous allez jusqu'à 30 p. 100, alors c'est pas mal bien, n'est-ce pas?
M. Younker : Nous croyons que c'est très bien. Le ministre Brown a mentionné que c'est en grande partie possible en raison du fait que la charge du Nouveau-Brunswick est 15 fois plus élevée que celle de l'Î.-P.-É.; ainsi, en nous fournissant le reste de notre charge, le Nouveau-Brunswick compense les fluctuations de notre production. Vous pouvez voir sur le graphique le genre de fluctuations qui peuvent se produire au cours d'un mois. Cependant, parce que la charge du Nouveau-Brunswick est tellement plus importante que la nôtre, c'est raisonnablement facile pour la province de compenser nos fluctuations, puisqu'elles sont du même ordre que les fluctuations de leur propre charge. Pour revenir à votre analogie avec le Danemark, il dépend lourdement de ses liens avec la Suède, la Norvège et l'Allemagne pour compenser les fluctuations de leur production éolienne. Eux non plus ne pourraient pas y arriver s'ils étaient isolés.
Juste une dernière chose au sujet de ce graphique sur la production éolienne : — si on tirait un trait horizontal juste au-dessus de la ligne des 5 000 kilowatts, la production maximale, ce que vous voyez et qui correspond à la surface en bleu représente environ 40 p. 100 de la surface sous ce trait horizontal à un peu plus de 5 000 kilowatts. Si on produisait 5 000 kilowatts d'énergie éolienne pendant chaque heure du mois, toute cette surface serait colorée en bleu, ce qui correspondrait à ce que l'on appelle un facteur de charge de 100 p. 100. Cependant, en réalité, seulement 40 p. 100 de cette surface est en bleu, ce qui signifie que l'on parle d'un facteur de charge de 40 p. 100 pour l'énergie éolienne. Ce que vous voyez sur le graphique est en réalité une production mensuelle qui est un peu meilleure que ce que l'on retrouve en moyenne.
Le président : L'une des choses que nous avons apprises dans le cadre de nos études du secteur énergétique c'est que, malheureusement, à l'exception de l'hydroélectricité, l'énergie produite ne peut être emmagasinée. Au fur et à mesure que le vent souffle et que vous captez l'énergie qu'il produit, vous devez la consommer.
M. Younker : C'est exact. L'électricité se déplace de la turbine aux charges à la vitesse de la lumière, donc, oui, il faut constamment équilibrer la charge.
Le président : C'est très complexe.
M. Younker : La diapositive suivante illustre la charge électrique de l'Î.-P.-É. au cours du même mois.
Le président : C'est cette diapositive sombre?
M. Younker : Oui.
Le président : Je ne la comprends pas. Est-ce que c'est le même mois de 2003, ou n'importe quel mois?
M. Younker : Non, c'est la puissance éolienne pour le même mois. Je vous montrais la charge afin de démontrer que la production éolienne ne peut tout simplement pas répondre à toute cette demande. C'est ce que j'essaie de vous montrer sous forme graphique.
Sur la prochaine diapositive, vous verrez les économies d'échelle obtenues grâce à la production éolienne. Les économies d'échelle sont considérables, et j'ai présenté des exemples pour une turbine de 50 kilowatts et une autre de 3 000 kilowatts afin de démontrer l'importance de ces économies d'échelle. On s'attendrait à ce que le coût de l'électricité provenant de la turbine de petite puissance soit de l'ordre de 30 cents le kilowattheure, et, pour la turbine de grande puissance de 3 000 kilowatts, qui est la taille des turbines que l'on retrouve dans le réseau, j'ai montré un prix indicatif de 9 cents le kilowattheure.
À l'Î.-P.-É., quand il est question du fait que la production éolienne ne peut approvisionner qu'une portion limitée de la charge — la charge ne peut absorber qu'une partie limitée d'une puissance provenant de l'éolien —, nous voulons que ce soit les turbines de plus grande puissance qui fournissent cette portion de la charge et offrir le coût le moins élevé aux consommateurs. Les conclusions qui portent sur les économies d'échelle de la production éolienne se trouvent sur la diapositive suivante.
John Gaudet, vice-président, Planification générale et approvisionnement en énergie, Maritime Electric Company Limited : J'aimerais dire quelque chose à ce sujet afin de revenir à une question que le président a posée plus tôt au ministre Brown. Comme on l'a vu sur la page décrite par M. Younker, un coût de 30 cents par kilowattheure pour une petite turbine n'est de toute évidence pas compétitif. Dans certaines des autres administrations du Canada, 9 cents le kilowattheure pour la turbine de plus grande puissance n'est pas un prix compétitif, mais ici, à l'Île-du-Prince-Édouard, nous reconnaissons que notre régime de fixation des prix est l'un des plus élevés. Neuf sous est donc un prix compétitif dans le contexte de notre approvisionnement traditionnel. Jumelé avec le régime éolien de grande puissance, cela nous a permis de passer à un taux d'installation plus élevé d'éoliennes sur l'Île-du-Prince-Édouard.
Le président : J'ai une question un peu étrange. Sur le diagramme à la page 11, je vois le mot « rink » ou « patinoire ». J'ai déjà entendu l'expression « parcs d'éoliennes », mais pas « patinoires d'éoliennes ».
M. Younker : Au cours de la dernière année, ou des deux dernières années, on a parlé d'un programme pour subventionner l'installation de ces éoliennes de 50 kilowatts dans certains des arénas de l'Î.-P.-É.
Le président : Voulez-vous dire des patinoires, littéralement?
M. Younker : C'est ça, des patinoires de hockey dans des arénas; c'est pour les aider à compenser certains de leurs coûts d'exploitation. C'est ce à quoi la diapositive fait référence. Ce n'est pas une expression de l'industrie éolienne.
Le sénateur McCoy : Est-ce que c'est le prix de l'énergie, et est-ce que cela inclut la distribution? Tenez-vous compte de tous les coûts d'exploitation du système, ou est-ce que ce 30 cents le kilowattheure ne comprend que la portion de l'énergie?
M. Younker : Ce n'est que la portion relative à l'approvisionnement en énergie.
Le sénateur McCoy : C'est la même chose pour les 9 cents?
M. Younker : C'est seulement la portion relative à l'approvisionnement en énergie. Les 9 cents seraient expédiés de la source jusqu'au système de transmission.
Le sénateur McCoy : J'ignore à combien s'élèvent vos coûts de distribution et de transmission. Seront-ils compensés dans une certaine mesure par le fait qu'il s'agit d'énergie distribuée et que, par conséquent, vous n'avez pas à construire le système de transport?
M. Younker : Le reste du coût en cents par kilowattheure sur sa facture comprend de 3 à 4 cents par kilowattheure pour les systèmes de transmission et de distribution ainsi que les frais de gestion et d'exploitation du service. Je pense que c'est votre première question.
En ce qui a trait à la deuxième question, une petite éolienne qui se trouve sur le système de distribution, c'est-à-dire le concept de production distribuée, je crois que l'on réalise certaines économies sur les pertes quand elles fonctionnent. Cependant, il n'y a pas d'économies à réaliser sur le coût en capital du système de distribution lui-même, parce qu'il lui faut tout de même être en mesure d'approvisionner la charge en l'absence de vent, ce qui se produit effectivement. On peut réaliser une petite économie sur les pertes du système en ayant une éolienne sur le système de distribution.
Le sénateur Neufeld : Le diagramme que M. Brown nous a donné a également suscité mon intérêt. Plus tôt, M. Brown nous a dit qu'il produisait 4,7 cents et réalisait un bénéfice par-dessus le marché, en tant que service public. Toutefois, j'ai en main un diagramme qu'il a fourni, selon lequel le consommateur paie 16 cents — et je présume qu'il s'agit des consommateurs résidentiels. Si les coûts de la distribution, la transmission, les frais de F et E et tout le reste s'élèvent à 4 cents, pourquoi le total s'élève-t-il à 16 cents? Aidez-moi à résoudre ce problème d'arithmétique et expliquez-moi ce qui se passe.
M. Younker : Ces 16 cents seraient un chiffre datant d'il y a quelques années, qui reflétait l'augmentation des coûts découlant de la transition du mazout vers le gaz naturel qui a eu lieu il y a environ trois ans. Selon moi, en date d'aujourd'hui, le tarif résidentiel est d'un peu plus de 12 cents le kilowattheure. C'est un tarif d'environ 12 cents le kilowatt qui figurera sur la facture que le consommateur recevra le mois prochain.
Le sénateur Neufeld : Je vais de nouveau citer le diagramme de M. Brown. Vous me parlez de 12 cents. Sur mon diagramme, le tarif actuel en Saskatchewan est de quelque 13 cents. Si je me fie aux chiffres que vous me donnez, la Saskatchewan paie son électricité plus cher que l'Î.-P.-É. De fait, Halifax est à peu près au même niveau, à environ 12 cents. Est-ce exact, ou ce diagramme est-il dépassé?
M. Younker : Je ne peux le dire. Je n'ai pas vu ces chiffres moi-même, alors je dois me contenter d'affirmer que je sais avec certitude que, à l'Î.-P.-É., au cours des cinq dernières années, le prix de l'électricité a connu beaucoup de fluctuations. Je m'attendrais à ce que les autres provinces n'aient pas observé ce genre de fluctuations.
À l'Î.-P.-É., l'une des raisons qui poussent nos coûts à la hausse, c'est le fait que nous nous retrouvons dans une tranche marginale de l'établissement des prix. Par exemple, le Nouveau-Brunswick a recours à ses ressources dont le coût est le plus faible pour approvisionner sa propre charge, ce qui va de soi. Toutes ses sources d'approvisionnement hydroélectriques, au charbon et nucléaires alimentent la charge de la province en premier; ensuite, elle fait appel aux sources d'approvisionnement de gaz naturel pour les kilowattheures marginaux, et c'est là où nous nous trouvons en ce qui a trait à l'établissement des prix. La structure de coûts du Nouveau-Brunswick inclut toutes ces sources hydroélectriques, nucléaires et de charbon, dont le prix est beaucoup plus stable et s'est reflété sur la facture de leurs consommateurs provinciaux. Le Nouveau-Brunswick n'a pas eu à subir les mêmes fluctuations que nous.
Le sénateur Neufeld : Je comprends le problème associé aux fluctuations, mais je comprends également le prix du gaz naturel. On s'attend à ce que le prix du gaz naturel reste bas pendant un bon petit bout de temps à l'avenir, tout simplement en raison de l'arrivée de tout le gaz naturel qui peut être produit dans toute l'Amérique du Nord. Ces prix resteront assez stables, mais seront moins élevés que ceux que l'on retrouve à Regina, en Saskatchewan, parce que je pense que l'approvisionnement principal de la Saskatchewan vient du charbon et d'un peu de gaz naturel. Les prix vont rester assez stables, de sorte que les prix de l'Île-du-Prince-Édouard resteront sans doute assez stables; de fait, ils seront peut-être plus faibles que ceux de Regina si je m'appuie sur les diagrammes que M. Brown m'a donnés. C'est une perspective plutôt intéressante, n'est-ce pas?
M. Younker : J'en conviens.
M. Gaudet : Ce serait le cas s'il y avait des garanties du prix futur du gaz naturel.
Le sénateur Neufeld : Je comprends cela.
M. Younker : N'hésitez pas à me poser des questions au fur et à mesure que nous passons au travers de la présentation. C'est très bien.
Je passe maintenant au deuxième enjeu, sur la diapositive intitulée « Need to Increase Interconnection Capacity ». L'interconnexion existante entre l'Île-du-Prince-Édouard et le Nouveau-Brunswick est composée de deux câbles sous- marins, d'une capacité de 100 mégawatts chacun, soit une capacité bidirectionnelle de 200 mégawatts.
En aparté, je vous dirais qu'on a parlé de la possibilité de mettre en place une puissance éolienne de 500 mégawatts dans l'Î.-P.-É. Si cela devait se réaliser, la plus grande partie de cette puissance servirait à l'exportation et, pour être en mesure de fournir une telle puissance éolienne, il nous faudrait une capacité par câble supplémentaire, parce que la charge minimale dans l'Î.-P.-É. au milieu de la nuit est d'environ 100 mégawatts, sachant que l'interconnexion existante est en mesure d'en fournir 200. Cela signifie que, en ce moment, la capacité maximale de puissance éolienne que nous aurions à mesure de fournir serait de 300 mégawatts. Pour en fournir plus, il nous faudrait une interconnexion d'une capacité accrue. C'est dans ce contexte que s'inscrivait l'une des remarques du ministre.
Présentement, la charge de pointe annuelle dans l'Î.-P.-É. est de l'ordre de 225 mégawatts. Les câbles sous-marins existants ont été installés en 1977; ils ont donc 34 ans. Le coût estimé d'un troisième câble s'élève à 90 millions de dollars, pour une capacité accrue d'environ 200 mégawatts, voire davantage.
Sur la diapositive suivante, vous verrez une carte du contour de l'Î.-P.-É. Elle illustre l'emplacement des câbles sous- marins existants qui relient Murray Corner, au Nouveau-Brunswick, et l'Î.-P.-É.; en bleu, on voit les lignes de transmission existantes de 138 000 volts sur l'Île. Nous avons également des lignes de transmission de 69 000 volts qui y sont reliées, mais elles ne sont pas représentées; la carte ne montre que la transmission de haute tension. Les six cercles bleu foncé indiquent l'emplacement des six parcs éoliens existants sur l'Î.-P.-É.
Le sénateur McCoy : Que représentent les carrés verts?
M. Younker : Ce sont les principaux postes de transformation. Ce n'était que pour vous donner un aperçu géographique de l'emplacement des câbles sous-marins.
Le prochain enjeu est l'éventuel impact d'une conversion à grande échelle au chauffage électrique dans l'Île-du- Prince-Édouard. À l'heure actuelle, environ 5 p. 100 des ménages sur l'Î.-P.-É. ont recours au chauffage électrique. Plus tôt dans ma présentation, j'indiquais que, chaque année, on consomme 156 millions de litres de mazout sur l'Île. S'il y avait une conversion à grande échelle, si tout cela était remplacé par du chauffage électrique conventionnel, la charge électrique de l'Î.-P.-É. doublerait. C'est un énorme potentiel d'augmentation de la charge.
Le sénateur Mitchell : Puis-je vous demander quel serait l'écart en coût de l'énergie si cette conversion devenait une réalité? Le consommateur verrait-il une réduction ou une augmentation de ses coûts?
M. Younker : Il faudrait certainement accroître l'approvisionnement en énergie et, dans une certaine mesure, mettre à niveau les systèmes de transmission et de distribution. Nous n'avons pas de bonnes estimations de ces coûts.
Le sénateur Mitchell : Voici ma question : combien le consommateur devrait-il débourser de plus s'il cessait d'acheter du mazout et commençait à acheter de l'électricité?
M. Younker : C'est le sujet de ma prochaine diapositive. Aujourd'hui, les seules solutions de rechange pour le consommateur qui veut remplacer le chauffage au mazout, c'est le chauffage électrique ou au bois. La prochaine diapositive contient la réponse à votre question.
J'ai mis des prix indicatifs pour le mazout, l'électricité et les granules de bois, puis j'ai appliqué des rendements de conversion indicatifs afin de démontrer les coûts relatifs pour le chauffage des locaux, tels que constatés par le consommateur.
Le sénateur Neufeld : À moins que, bien entendu, ce soit la même chose pour le consommateur, et que selon la source de l'énergie, les émissions globales de carbone soient spectaculairement réduites. Est-ce que je devrais convertir ma maison? Le coût de l'énergie de chauffage livrée ne tient pas compte de ce qu'il m'en coûtera pour convertir ma maison.
M. Younker : C'est juste.
Le président : M. Flaherty vous donnerait peut-être un crédit d'impôt.
Le sénateur Neufeld : Oui, je sais.
M. Younker : C'est juste. Le prix de 12,5 cents le kilowattheure est le prix d'aujourd'hui. En ce moment, nous ne savons tout simplement pas s'il augmenterait pour refléter ce qu'il en coûterait pour assurer un approvisionnement considérablement plus important attribuable au chauffage des locaux.
Le sénateur Neufeld : Toutefois, vous sauriez le montant en capital qui serait nécessaire pour que l'Î.-P.-É. augmente sa capacité de transmission et de distribution, le coût des câbles sous-marins et ce genre de choses. Est-ce inclus dans les 39 cents?
M. Younker : Non, cela ne s'appuie que sur les tarifs d'aujourd'hui.
Le sénateur Neufeld : C'est donc en fonction du système existant.
M. Younker : C'est un prix indicatif en ce qui a trait aux signaux d'établissement des prix que le propriétaire de maison voit aujourd'hui, selon moi. Nous avons beaucoup de pain sur la planche pour analyser le problème que vous soulevez et pour mettre au point une réponse appropriée à donner aux consommateurs qui viennent nous voir en disant : « J'envisage de convertir ma maison au chauffage électrique. Qu'en pensez-vous? Que me suggérez-vous de faire? » Nous avons encore du travail à faire pour mettre au point une bonne réponse à ces questions.
M. Younker : L'impact potentiel de la pénétration des véhicules électriques est considérablement moindre, et nous estimons également que son échéance est beaucoup plus éloignée. Quand nous lisons de l'information sur les véhicules électriques, tout particulièrement les véhicules électriques rechargeables, et que nous réfléchissons à ce qu'il pourrait en coûter pour en faire une réalité, nous sommes d'avis qu'il y a un enjeu de politiques publiques qui doit être résolu. Pour l'exemple que nous avons utilisé ici, pour un prix à la pompe de 1 $ le litre d'essence, nous estimons qu'environ 25 cents de ce montant servent aux taxes routières, aux taxes d'accise fédérale et provinciale. Si l'on utilise deux kilowattheures pour remplacer un litre d'essence afin d'obtenir le genre d'efficience améliorée que nous attendrions d'un véhicule électrique, les gouvernements devraient exiger 12,5 cents le kilowattheure dans le cadre d'une conversion à grande échelle aux véhicules électriques afin de récupérer le même niveau de revenus que ce qu'ils obtiennent actuellement par le truchement du prix à la pompe.
En tant que service public, nous ne sommes pas certains de vouloir être ceux qui vont devoir recueillir cette somme. Ce ne serait pas une perspective très intéressante. Il s'agit selon nous d'un enjeu de politiques publiques qui doit faire l'objet des discussions et être résolu avant de devenir un gros problème, mais il reste encore du temps pour s'en occuper.
Je tiens à aborder brièvement deux initiatives qui reçoivent présentent du financement fédéral, auxquelles Maritime Electric participe activement : la PowerShift Atlantic et la Porte d'entrée de l'énergie de l'Atlantique. Je suis convaincu que d'autres vous en ont parlé, alors je n'en dirai pas plus pour l'instant. Nous pourrons répondre à toute question que vous pourriez avoir sur ces initiatives.
Le président : Nous n'en avons pas entendu parler, à l'exception du fait qu'on va nous parler de la Porte d'entrée de l'énergie de l'Atlantique, ici, ce matin. Je pense qu'il y a parmi nous des gens de l'Agence de promotion économique du Canada Atlantique, l'APECA, et de Ressources naturelles Canada, RNCan.
M. Younker : M. Noseworthy est ici.
Le président : Oui, M. Noseworthy tout particulièrement. Nous sommes impatients d'en savoir plus. Est-ce que ce sont de bons programmes? Selon vous, est-ce que les choses se passent bien?
M. Younker : Nous croyons qu'il s'agit de deux bonnes initiatives et, comme je l'ai dit, nous participons activement à chacune d'entre elles.
Le président : Excellent.
M. Younker : Voici une série de puces qui représentent ce que vous pourriez appeler des « demandes » qui découlent des initiatives. Ce sont les enjeux que j'ai cernés pour le secteur de l'électricité à l'Î.-P.-É. Je crois que le ministre Brown a déjà parlé de s'adresser au fédéral pour obtenir de l'aide pour financer une nouvelle interconnexion par câble avec le continent.
Le président : Est-ce la contrepartie de 48 millions de dollars?
M. Younker : Le coût estimé s'élève à 90 millions de dollars; un financement de 50 p. 100 représenterait les 45 millions mentionnés par le ministre.
Le président : Comment l'énergie nucléaire de Point Lepreau arrive-t-elle ici?
M. Younker : Grâce à l'interconnexion avec les câbles sous-marins existants. Compte tenu de l'augmentation des prix du mazout par rapport aux prix du gaz naturel, nous croyons qu'il est temps de revoir la possibilité d'installer un pipeline d'embranchement vers l'Î.-P.-É. pour que la province ait accès à du gaz naturel.
Quand j'envisage la possibilité d'un chauffe-eau résidentiel solaire pour ma maison, selon moi, ce qui manque, c'est un forfait mensuel pour le propriétaire, quelque chose qui permettrait de payer le chauffe-eau sur une période de 10 ans, mais structuré de telle manière que si le propriétaire vend sa résidence au bout de cinq ans, la responsabilité du paiement est transférée au nouveau propriétaire. Ainsi, une personne n'est pas dissuadée de prendre un engagement à long terme. Je crois qu'il y a une occasion de faciliter les choses pour les gens qui veulent installer des chauffe-eau résidentiels solaires.
Le président : Parlez-vous de panneaux sur le toit?
M. Younker : Oui.
Enfin, comme le bois est l'autre principale solution de rechange pour le chauffage des locaux pour les Princes- Édouardiens, on peut probablement faire encore davantage pour la promotion du recours aux granules de bois, qui nous paraît être une amélioration considérable par rapport à la combustion du bois en matière de propreté et d'efficacité énergétiques. Maintenant, il y a davantage de possibilités pour permettre au bois de jouer un rôle.
Cela met fin à notre présentation.
Le président : Merci. Y a-t-il des installations, ici, sur l'Île, pour produire des granules de bois qui servent de combustible?
M. Younker : Non.
Le sénateur Mitchell : Je m'intéresse beaucoup au système de chauffage solaire de l'eau domestique; cela semble fonctionner plutôt bien à Halifax, en Nouvelle-Écosse. Là-bas, c'est l'administration municipale qui est à l'origine du plan. Quel serait le prix ou le coût du kilowattheure pour ce système, comparativement aux 12 cents par kilowattheure qui correspondent au coût moyen?
M. Younker : Je ne parle pas de l'énergie solaire photovoltaïque. Ce n'est que du chauffage, purement et simplement.
Le sénateur Mitchell : D'accord, mais combien en coûterait-il pour remplacer l'équivalent, si vous voyez ce que je veux dire?
M. Younker : Je n'ai pas de comparaison similaire à celle pour le chauffage des locaux.
Le sénateur Mitchell : Pour le programme de Halifax, l'administration municipale fait valoir que le remplacement coûtera environ 500 $ par année, et qu'il permettra des économies d'environ 500 $ par année. Le total s'élève à environ 8 000 $, ce qui signifie qu'il faudra environ 16 ans pour récupérer l'investissement. Avez-vous ce genre de chiffres?
M. Younker : Non, nous n'avons pas nos propres chiffres, mais les vôtres ont l'air assez justes.
S'il s'agissait d'une installation à grande échelle, où les entreprises qui procèdent à l'installation réalisaient des économies d'échelle en matière d'achat de matériel et dans les installations elles-mêmes, je pense que le prix pourrait être encore plus bas, et vos économies de 500 $ par année pourraient suffire à tout rembourser en dix ans.
Dans le cadre d'une situation mieux établie, où un vaste nombre d'installations s'effectueraient, je crois qu'il serait possible de ramener la période d'amortissement à environ dix ans.
Le sénateur Neufeld : À la diapositive 4, vous présentez un bon argument quand vous dites que le mazout représente 75 p. 100 du chauffage de l'eau résidentielle. Il me semble — les sénateurs pourront me corriger si je me trompe — que la Ville de Halifax permet à ses résidents de reporter ce coût sur le compte de taxes, jusqu'à ce qu'il soit remboursé. C'est une mesure qui est accessible maintenant, si la Ville veut effectivement procéder ainsi. Les administrations municipales peuvent le faire; elles peuvent réellement se débarrasser d'une grande quantité de gaz à effet de serre et probablement réduire le coût de cette conversion pour permettre aux propriétaires de résidences d'aller de l'avant. Et la géothermie? Y a-t-il des possibilités d'avoir recours à la géothermie pour le chauffage résidentiel?
M. Younker : Je crois qu'il y a quelques installations. La plupart d'entre elles sont de technologies de type ouvert, vous avez deux sources d'eau : vous prenez de l'eau de l'une, vous en extrayez la chaleur, et injectez l'eau refroidie dans la deuxième source. Cette technologie en est encore à ses débuts, mais j'ai entendu parler de préoccupations relatives au fait que, à l'Î.-P.-É., toute notre eau vient des eaux souterraines et que, s'il y avait une conversion à grande échelle vers la géothermie, cela pourrait perturber notre approvisionnement. Ma réponse n'est pas complète, mais c'est ce que nous croyons comprendre pour l'instant.
Le sénateur Neufeld : Vous avez présenté un exposé très détaillé. Voici ma dernière question : quelle est la quantité d'énergie éolienne que votre réseau peut absorber en ce moment, en pourcentage? Est-ce environ 30 p. 100?
M. Younker : Oui.
Le sénateur Neufeld : J'ai toujours cru comprendre que c'est la valeur maximale de ce que la technologie permet de nos jours.
M. Younker : C'est juste, et c'est attribuable au caractère intermittent du vent. Nous croyons que c'est à peu près là que se situe la limite maximale.
Le sénateur Lang : J'ai différentes questions. La première est liée à l'interconnexion et à ce que vous proposez pour l'investissement de 90 millions de dollars qui y serait injecté.
J'aimerais savoir deux choses. Tout d'abord, j'ai cru entendre que l'une des raisons qui rendent cette interconnexion nécessaire est le fait que le câble existant en est peut-être à la fin de sa vie utile. Est-ce l'une des raisons, ou est-ce une raison supplémentaire qui s'ajoute à celles qui justifient déjà ce projet? Quelle est la durée de vie utile du câble existant?
Ensuite, manifestement, vos coûts énergétiques sont très importants, et ils sont calculés par résidence. Selon vous, est-ce que ces coûts poussent les propriétaires à moderniser les installations de la résidence, et que cela diminue la consommation annuelle moyenne réelle? Est-ce une tendance que vous observez?
J'ai entendu le mot « exportation » à quelques reprises. Ai-je raison de conclure que, dans les faits, les éoliennes privées exportent l'électricité qu'elles produisent? Vous pourriez peut-être nous faire des observations à ce sujet. Ainsi, grâce à l'interconnexion, vous voudriez de toute évidence élargir votre parc éolien aux fins d'exportation. Cela va-t-il payer votre interconnexion, ou, enfin, ce qui correspond à votre portion de son coût?
M. Younker : Le plus important parc éolien produit 99 mégawatts : le parc vend 9 de ces mégawatts à la Ville de Summerside, et les 90 mégawatts restants sont vendus à l'extérieur de l'Île. Le parc éolien a été conçu pour que l'énergie produite serve à la vente.
Le sénateur Lang : Est-ce que l'interconnexion sert à la vente de cette énergie?
M. Younker : Oui : ces producteurs se servent de l'interconnexion, puis paient le tarif d'accès au réseau de transfert de l'Î.-P.-É. et du Nouveau-Brunswick afin de pouvoir vendre l'énergie à la Nouvelle-Angleterre.
Dans le cadre de leur utilisation du réseau de l'Î.-P.-É., ces producteurs paient des frais aux termes du tarif d'accès au réseau de transport. Ces frais compensent certains des coûts d'exploitation et de propriété d'un réseau de transmission, ce qui permet de réduire un peu les tarifs que doivent payer les consommateurs de l'Île. Dans la mesure où le coût d'un nouveau câble sous-marin ou d'une nouvelle interconnexion par câble serait inclus dans les tarifs des consommateurs de l'Î.-P.-É., il serait également inclus dans les frais de transit de sortie; la production éolienne supplémentaire destinée aux exportations servirait à payer le coût de l'élargissement de cette interconnexion. Ce serait par le truchement du tarif d'accès au réseau de transport.
Vous avez mentionné la réduction de la consommation d'électricité par les propriétaires. À l'Î.-P.-É., nous avons constaté que les gens commencent à utiliser les ampoules fluorescentes compactes ainsi que l'éclairage DEL. Il n'y a pas beaucoup de mesures incitatives à l'Î.-P.-É. pour que les gens fassent ces changements, parce que les prix sont plus élevés. Je pense que nous voyons ce qui est en train de se produire.
Le sénateur Lang : La consommation a-t-elle diminué?
M. Younker : Non, en réalité, la consommation moyenne par ménage est toujours à la hausse. Dans l'intervalle, un ménage ajoute deux ou trois ordinateurs et une grosse télé au plasma. Les économies attribuables à des produits d'éclairage plus efficaces sont annulées par des usages supplémentaires.
Votre première question portait sur la durée de vie utile des câbles existants. D'après notre expérience, il serait raisonnable de s'attendre à une durée de vie de 50 ans, mais ils en ont déjà 34, et nous en sommes très dépendants. À mon avis, un plan prudent d'avenir consisterait à ajouter un câble supplémentaire. Ensuite, un peu plus tard, d'ici 10 ans, nous aimerions entreprendre un processus progressif de remplacement des câbles existants. Le troisième câble constitue la première étape d'un plan à long terme pour renouveler et mettre à niveau cet élément d'infrastructure particulièrement critique pour nous.
M. O'Brien : Si nous devions perdre l'un de ces câbles, nos sources d'approvisionnement de secours, à l'exception de l'éolien, bien entendu, seraient l'huile, le diesel et le mazout C. C'est donc une forme de compensation directe.
Le président : Ces câbles ont été installés, comme vous l'avez dit, il y a 34 ans, soit en 1977. Qui a payé à l'époque?
M. Younker : Cinquante pour cent du coût ont été couverts par une subvention du gouvernement fédéral, 25 p. 100 par un prêt du gouvernement fédéral à la province et les 25 p. 100 restants, grâce au financement obtenu par la province elle-même.
Le sénateur Peterson : Quelles seront les répercussions du projet des chutes Muskrat sur la planification énergétique de l'Î.-P.-É.?
M. Younker : Nous aimerions croire que nous aurons l'occasion d'acheter une petite partie de l'énergie produite par ce barrage. De manière générale, on évalue la production du site des chutes Muskrat à 824 mégawatts, ce qui, à mon avis personnel, convient à la quantité d'énergie qui pourrait être absorbée par Terre-Neuve, la Nouvelle-Écosse et le Nouveau-Brunswick et l'Î.-P.-É. Elle serait joliment absorbée par les quatre provinces de l'Atlantique.
Gull Island est l'autre site du projet du cours inférieur du fleuve Churchill, dont la production est évaluée à environ 2 200 mégawatts. Une fois de plus, et c'est mon avis personnel, la façon logique de mettre en valeur ce site serait de faire transiter l'énergie par les lignes de transmission aériennes du Québec. L'achat d'un câble est très dispendieux.
Le sénateur Peterson : Quel est votre facteur de charge annuel pour l'énergie éolienne?
M. Younker : Nous utilisons environ 36 ou 37 p. 100. C'est ce que nous constatons. Au cours de la première année de la première phase du parc éolien North Cape, pour les cinq premiers mégawatts installés en 2001, nous avons constaté un facteur de charge de 42 p. 100 en 2002, et je trouvais ça fantastique. Depuis ce temps, le facteur de charge est un peu moins élevé et se rapproche davantage de 36 ou 37 p. 100. C'est logique, compte tenu des parcs éoliens qui ont été installés par la suite.
Le sénateur McCoy : Où est située votre société d'exploitation du réseau énergétique? Qui est responsable de toute la distribution, de l'équilibrage et de toutes ces autres activités?
M. Younker : Maritime Electric a son propre centre de contrôle énergétique situé ici, à Charlottetown, qui fonctionne 24 heures sur 24. La société d'exploitation est responsable du maintien de la tension dans le réseau de transmission, de la planification des achats horaires d'énergie auprès du Nouveau-Brunswick ainsi que de la coordination des activités d'entretien du réseau de distribution.
Le sénateur McCoy : Si les Maritimes bénéficiaient d'une interconnexion complète, envisageriez-vous de consolider la fonction d'exploitation du réseau?
M. Younker : C'est l'une des possibilités qui font l'objet de discussions dans le cadre de l'étude sur la Porte d'entrée de l'énergie de l'Atlantique. Quelles sont les possibilités d'avenir pour accroître l'intégration de l'exploitation des réseaux des provinces maritimes et de l'Atlantique?
Selon moi, une partie de la réponse à cette question, en ce qui concerne la partie de la production d'énergie du moins, c'est qu'il serait possible de procéder à la planification de la répartition horaire des turbines pour approvisionner la charge à l'échelle régionale. Il serait certainement possible de centraliser cette activité. À l'autre extrémité du spectre, il y a les activités d'exploitation du réseau de distribution pour assurer l'entretien quotidien ainsi que la gestion des interventions en cas de panne. Les possibilités d'intégration de toutes ces activités m'apparaissent moins évidentes. Il y a peut-être également des possibilités, ou il faudra peut-être conserver des centres d'exploitation locaux qui s'occuperont des questions en lien avec la distribution.
Le sénateur McCoy : La diapositive 16 illustre les possibilités offertes par la conversion au chauffage électrique pour les locaux. Vos facteurs de rendement de conversion ont-ils été évalués au point d'utilisation? Je présume que vos facteurs de rendement de conversion de 80 p. 100 pour le mazout, 100 p. 100 pour l'électricité et 75 p. 100 pour les granules de bois ont été évalués au point de combustion finale.
M. O'Brien : Au brûleur.
Le sénateur McCoy : Au brûleur, oui, exactement. Cela ne tient pas compte de toutes les conversions qu'il y a eu pour ramener l'énergie de la source à la résidence ou à l'entreprise.
M. Younker : C'est exact.
Le sénateur McCoy : Nous n'avons donc pas un point de vue systémique pour comparer les coûts?
M. Younker : C'est juste. Il s'agit du rendement de conversion constaté par le propriétaire; selon nous, c'est ce que le propriétaire de résidence constatera qui orientera sa décision. Ce sont les signaux des prix et les économies qu'il verra qui orienteront ses décisions. Non, vous avez bien raison. Ces facteurs sont strictement à la résidence.
M. O'Brien : Une bonne proportion de cela pourrait être saisie dans le prix, comme le dollar par litre. En ce moment, le prix du mazout s'élève à 97,6 cents par litre. C'est le prix à la livraison. Une portion de cela pourrait s'y retrouver.
On a bien fait de souligner que cela n'inclut pas les coûts de l'accroissement de la capacité de nos infrastructures. C'est ce que nous craignons en ce moment. C'est le point de décision actuel qui pourrait précipiter une augmentation des tarifs, parce qu'il nous faut accroître la capacité de nos infrastructures. Je tiens à insister sur ce point. C'est la raison pour laquelle nous voulions vous rencontrer, afin de vous dire que cela nous inquiète.
Le président : Messieurs, merci beaucoup. Cela va mettre fin à votre exposé ainsi qu'à nos questions. Je présume que vous serez disponibles si nous avons besoin d'autres informations. Nous pouvons communiquer avec vous. Vos suggestions nous ont été très utiles et, bien entendu, nous allons nous pencher attentivement sur votre mémoire.
M. Younker : Merci de nous avoir donné l'occasion de venir vous parler.
M. O'Brien : Merci.
Le président : Nous allons entendre les deux derniers témoins. Scott Harper est chef de la direction de l'Institut de l'énergie éolienne du Canada, l'ICEE, et Carl Brothers est président de Frontier Power Systems Inc.
Nous avons accueilli des représentants de CanWEA l'autre jour. Êtes-vous affilié à ce groupe?
Scott Harper, président-directeur général, Institut de l'énergie éolienne du Canada (ICEE) : Non. CanWEA est l'association qui représente les membres de l'industrie. Nous sommes un institut de recherche, mais CanWEA est représentée au sein de notre conseil d'administration. Je crois que son représentant est Sean Whittaker.
Le président : Oui, exactement. M. Whittaker a témoigné devant le comité, et son exposé était très intéressant. Nous pensions tous qu'il s'agissait d'une option très intéressante et que tout était parfait, et, trois jours plus tard, nous avons reçu 3 000 courriels à cause du syndrome « pas dans ma cour ».
La parole est à vous, monsieur Harper. Je vous remercie d'être venu.
M. Harper : Merci.
Mon exposé sera bref. J'ai préparé quelques notes, mais je sauterai quelques-unes des diapositives. Vous verrez que certaines d'entre elles ne montrent que des photos, alors je pourrai les passer sans problème.
L'Institut de l'énergie éolienne du Canada existe en fait depuis 1981, alors nous fêterons nos 30 ans cette année. L'Institut portait à l'origine le nom de Terrain d'essais éoliens de l'Atlantique, et il y a une photo ici. C'est une très belle photo lorsqu'elle remplit toute la page; elle a été un peu rapetissée. Toutefois, c'est seulement pour montrer que, au moment où cette photo a été prise, en 1982, nous n'avions essentiellement aucune infrastructure. Vous verrez plus loin dans l'exposé que nous avons mis en place notre infrastructure au fil des années.
Le président : North Cape se situe à la pointe nord-ouest de l'Île, n'est-ce pas?
M. Harper : Il se trouve à la pointe nord-ouest.
Le président : Est-il situé plus haut que Summerside?
M. Harper : Oui. J'ai fait 140 kilomètres pour me rendre ici ce matin, alors c'est le point le plus éloigné de Charlottetown sur l'Île-du-Prince-Édouard.
Le président : Et les vents soufflaient à 90 kilomètres-heure, n'est-ce pas?
M. Harper : Eh bien, les vents atteignent 70 kilomètres-heure là-bas en ce moment.
Au cours des années 1980 et 1990, le Terrain d'essais éoliens de l'Atlantique a été à l'avant-garde des activités de recherche dans le domaine de l'énergie éolienne au Canada, et, dans les années 1990, l'Institut a commencé à planifier, avec le gouvernement de l'Île-du-Prince-Édouard, la création d'un parc éolien commercial. Je crois que le ministre Brown vous a glissé un mot sur cette expérience.
Carl Brothers — juste ici à ma droite — a d'ailleurs dirigé le Terrain d'essais éolien de l'Atlantique pendant nombre de ces années, alors il pourrait vous fournir des détails précis sur nos débuts.
Entre 2001 et 2003, l'Île-du-Prince-Édouard a commencé à jouer un rôle actif au chapitre de la production d'énergie éolienne à des fins commerciales. Comme l'ont souligné le ministre Brown et les représentants de Maritime Electric dans leur exposé et leurs remarques, l'éolien fait vraiment partie intégrante de l'éventail des sources d'énergie et constitue aussi une source d'énergie économiquement viable. Elle est viable parce que c'est l'une de nos ressources et parce que nous avons accès à d'autres sources d'énergie électrique. Comme l'a mentionné M. Younker, actuellement, 20 p. 100 de notre électricité provient de l'éolien. Je crois que l'un des sénateurs a fait la comparaison avec le Danemark, et nous sommes d'accord avec lui. L'un des membres de notre conseil d'administration vient du Danemark; plus précisément, il représente le Laboratoire national sur l'énergie renouvelable Risø DTU, qui est un institut de recherche au Danemark. Nous parlons souvent des similitudes entre les deux, de la situation actuelle sur l'Île-du- Prince-Édouard et de la direction que doit prendre la province.
Vers 2003, nous avons commencé à envisager l'expansion du rôle du Terrain d'essais éoliens de l'Atlantique. Nous avons fait de la planification conceptuelle et nous avons obtenu du financement auprès de partenaires de l'APECA, du ministère des Ressources naturelles et du gouvernement de l'Île-du-Prince-Édouard. Nous avons élargi notre mandat et adopté un nouveau nom : l'Institut de l'énergie éolienne du Canada. Même si le Terrain d'essais éoliens jouait un rôle national et était actif sur la scène nationale, nous voulions mettre le nom du pays au premier plan. Au cours des dernières années, nous avons élargi la gamme de nos services. Maintenant, nous avons des clients aux quatre coins du pays. Nous avons deux ou trois clients très fidèles dans des provinces comme la Saskatchewan, alors je crois que cela nous a donné un coup de main.
Le président : L'institut relève-t-il du gouvernement fédéral?
M. Harper : Nous sommes un organisme sans but lucratif. Nous recevons du financement de base du gouvernement fédéral par l'intermédiaire du ministère des Ressources naturelles et de l'APECA ainsi qu'un certain soutien financier de la part du gouvernement provincial. Nous avons aussi mis en place des programmes de services payés à l'acte et d'autres initiatives semblables pour financer une partie de nos activités de base.
L'IEEC a pour mission de faire progresser l'industrie de l'énergie éolienne partout au Canada grâce à la recherche, aux essais, à la formation et à la collaboration, et notre mission est délibérément très générale. Nous aimons croire que, si c'est bon pour l'éolien, c'est bon pour nous. Si nous pouvons jouer un rôle sur ce plan et acquérir des compétences dans ce domaine, nous serons de la partie.
Nous misons sur quatre aspects stratégiques. Il y a la recherche et développement et les services de démonstration. Je crois que Mme Gordon a distribué d'autres exemples du type de travail que nous faisons et un article paru récemment dans le Globe and Mail qui porte sur les défis en matière d'innovation dans le domaine de l'éolien et sur le rôle que l'IEEC peut jouer à ce chapitre. Vous pouvez lire cet article quand bon vous semble.
Nous offrons aussi des services d'essais à ceux qui souhaitent obtenir une attestation, et c'est ce que nous appellerions la maturité technique, particulièrement en ce qui a trait au marché des petites éoliennes. M. Younker a parlé de la différence des économies d'échelle pour ce qui est des grandes éoliennes et des petites éoliennes. Nous participons activement à l'essor du marché des petites éoliennes, d'abord en fournissant une attestation de leur rendement. Par exemple, un organisme indépendant déclare que, si on fait fonctionner telle éolienne dans tel régime éolien, voilà le rendement qu'elle devrait produire. Par conséquent, nous faisons ce que les fabricants d'automobiles font lorsqu'ils vous disent combien de kilomètres vous pouvez parcourir avec votre véhicule lorsque vous faites le plein. Nous jouons ce rôle, et il occupe une part de plus en plus grande de nos activités à mesure que l'industrie des petites éoliennes gagne en maturité et que les consommateurs veulent obtenir plus d'information sur les antécédents et le rendement d'un type d'éolienne donné.
Par ailleurs, nous donnons de la formation et nous sensibilisons le public. Nous accueillons de nombreux visiteurs. Bien sûr, si l'un d'entre vous vient sur l'Île-du-Prince-Édouard pour affaires ou en vacances, nous pouvons vous montrer nos installations. Nous accueillons de nombreuses missions commerciales du pays dans le cadre des activités de commerce et d'investissement. Évidemment, nous recevons des clients et d'autres types de groupes d'intérêts qui veulent en apprendre un peu plus sur l'histoire de l'énergie éolienne, sur le rôle qu'a joué le Canada jusqu'à maintenant dans ce domaine et sur certaines des activités de recherche que nous menons.
Le président : Juste pour clarifier les choses, votre organisme n'est en aucun cas voué uniquement à l'avancement de l'éolien sur l'Île-du-Prince-Édouard. Bien sûr, ses installations sont ici, comme vous l'avez dit. Toutefois, si je viens de la Saskatchewan et que je veux tirer avantage d'une partie de vos activités de recherche, je peux m'en prévaloir en payant à l'acte, est-ce exact?
M. Harper : C'est exact. Nos services sont accessibles à tous — c'est le même prix, ce sont les mêmes activités pour tous. Évidemment, comme le Canada est un pays vaste, les entreprises situées à proximité peuvent parfois accéder plus facilement à nos services. Dans le cas de nos clients de la Saskatchewan, par exemple, ils doivent faire l'effort de se déplacer s'ils veulent voir la technologie de leurs yeux vu. Cela dit, nous recueillons des données, et ces données peuvent être facilement communiquées. Grâce à Internet et au téléphone, c'est comme si les clients étaient sur place. Pour certains de nos clients, nous installons des webcams et d'autres appareils de ce genre pour qu'ils puissent observer en temps réel le rendement de leurs éoliennes, alors ils sont très satisfaits.
Nous pouvons compter sur de très grands vents, alors nos clients peuvent mener chez nous des essais de durabilité qui sont beaucoup plus fiables que s'ils le faisaient dans une région moins venteuse. Depuis des années, les clients qui veulent se procurer de petites éoliennes nous demandent comment ils feront pour savoir si notre éolienne résistera à de grands vents, je leur dis : « Eh bien, il y en a une qui est installée sur le terrain de l'IEEC, à North Cape. Adressez-vous à l'IEEC, et on vous informera sur la question de l'accessibilité et du rendement, et cetera. »
Nous offrons également un soutien et des conseils techniques, ce qui s'apparente davantage aux services de génie- conseil classiques. Comme nous sommes un organisme sans but lucratif, nous essayons de ne pas faire concurrence aux entreprises privées se trouvant dans ces régions, alors, généralement, nos clients sont des organismes gouvernementaux ou des ONG qui veulent obtenir une évaluation très indépendante du rendement des éoliennes.
Par exemple, nous venons tout juste de mener des travaux en collaboration avec le conseil de recherche de la Saskatchewan, le SRC. Le gouvernement et SaskPower ont mis en place un programme pour encourager l'installation de petites éoliennes, principalement dans des exploitations agricoles. Nous avons collaboré avec le SRC pour concevoir un programme de collecte de données et pour procéder à une analyse de l'accessibilité et du rendement de ces éoliennes. Les résultats de nos travaux font actuellement l'objet d'un examen interne par les pairs.
Le président : Ma remarque tombe peut-être mal à propos, mais l'un de nos collègues — le sénateur Fred Dixon — ne pouvait pas nous accompagner pour cette étape de notre voyage à partir de Halifax, et il me disait que, dans le mécanisme des pales des éoliennes, il y aurait quelque chose à voir avec l'utilisation des terres rares pour les assembler, et il y aurait un problème. J'ai insisté pour qu'il me dise de quoi il s'agissait, et il m'a dit : « Je suis certain que ça se trouve dans les pales et que l'éolien est une fausse panacée. » Auriez-vous une idée de ce dont il pourrait s'agir? Y a-t-il des pièces faites à partir de terres rares qui entrent dans la fabrication de ces machines?
Carl Brothers, président, Frontier Power Systems Inc. : Oui, mais le problème dont il pourrait s'agir, c'est le fait que les terres rares sont principalement importées de Chine, alors la question de la sécurité de l'approvisionnement entre en jeu.
Les terres rares sont utilisées dans la fabrication des génératrices, qui se trouvent à l'arrière, dans la dernière partie des éoliennes. Elles n'entrent pas dans la fabrication des pales ou de la boîte d'engrenage; elles sont une des composantes des génératrices. Ces aimants à base de terres rares accroissent légèrement l'efficacité des génératrices; on parle de deux ou trois pour cent. L'utilisation de ces aimants n'est vraiment pas si généralisée, mais on s'attend à ce qu'il y ait une hausse de l'utilisation des terres rares. Par conséquent, il s'agit bel et bien d'un facteur, mais pas d'un facteur très intimidant pour l'industrie éolienne.
M. Harper : Dans la prochaine diapositive, je mentionne quelques domaines d'intérêt sur lesquels je souhaite attirer votre attention.
Nous collaborons avec le Réseau stratégique sur l'énergie éolienne, WESNet, qui regroupe 21 chercheurs provenant de 16 universités du pays; depuis quelque temps, ces chercheurs se consacrent activement à la recherche dans le domaine de l'énergie éolienne. Nous croyons qu'il s'agit là d'une initiative très importante. Le réseau est financé par le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada, le CRSNG, et on voit qu'on commence à implanter des activités de recherche et développement ici au Canada.
Comme vous le savez probablement — je suis persuadé que vous l'avez appris au cours des audiences que vous avez tenues jusqu'à maintenant —, la plupart des activités de développement liées à cette technologie ont vu le jour en Europe. Elles ont vu le jour là-bas parce que, à l'origine, le marché était avant tout européen. En Europe, l'électricité coûte plus cher qu'ici, de sorte que l'éolien s'est imposé assez tôt comme une option viable.
Dans la foulée, l'industrie a préparé une feuille de route technologique pour déterminer la direction que devait prendre l'industrie de l'énergie éolienne au Canada et pour cerner les débouchés qui s'offrent aux entreprises canadiennes. Le marché des petites éoliennes nous tient beaucoup à cœur, car nous croyons qu'il regorge de possibilités pour les entreprises canadiennes. Il y a au Canada des entreprises très actives au chapitre de la conception et de la fabrication des petites éoliennes.
Encore une fois, j'ai été assez chanceux d'arriver ici à temps pour entendre l'exposé des représentants de Maritime Electric, et ils ont parlé des économies d'échelle. L'une des raisons pour lesquelles les économies d'échelle liées aux petites éoliennes ne sont pas aussi importantes que les économies d'échelle que procurent les grosses éoliennes, c'est le fait que les éoliennes sont plus petites. Toutefois, les grandes éoliennes ne se situent pas toujours dans la fourchette des 9 p. 100. À mesure que les marchés prennent de l'expansion, la technologie s'améliore. Le projet relatif aux arénas, dont ont fait mention les représentants de Maritime Electric dans leur exposé, est d'ailleurs un projet que nous gérons.
L'objectif derrière ce projet comporte deux volets. Dans un premier temps, nous voulons créer un marché pour ces petites éoliennes — et, en fait, obliger les fabricants d'éoliennes à rendre des comptes — et promouvoir l'efficacité des petites éoliennes et les économies qu'elles permettent de réaliser. Les mesures de soutien qui ont été mises en place ne découlaient pas du fait que les services publics voulaient payer l'électricité 30 cents le kilowatt; il s'agissait d'un soutien financier pour rendre cet investissement attrayant aux yeux des propriétaires d'arénas de hockey. Nous avons effectué une analyse des arénas présentant le meilleur potentiel éolien et situés dans un endroit qui convenait à l'installation d'une petite éolienne. Nous ne voulons pas installer ces machines au-dessus de maisons avoisinantes, par exemple. On procède d'ailleurs à l'installation des éoliennes ce printemps, alors nous avons hâte de voir les résultats et d'en parler, et nous espérons que l'industrie tiendra compte de ces résultats pour améliorer ses produits en conséquence.
J'ignore à quoi ressemblera l'exposé de M. Brothers, mais il parlera probablement des systèmes d'énergie distribuée dans les régions éloignées, et M. Younker a fait mention d'un prix d'environ 30 cents le kilowattheure. Dans le cas des petites éoliennes, si on regarde les collectivités du Nord du Canada ou celles non reliées au réseau qui s'approvisionnement principalement en électricité produite à partir de diesel, 30 cents le kilowattheure, c'est une assez bonne affaire. Lorsqu'on ajoute le facteur des émissions de CO2 — lorsque la seule source d'énergie d'une collectivité est le diesel —, même sans y attribuer un prix, je crois que nous pouvons commencer à voir quels pourraient être certains des avantages de l'éolien.
Nous croyons que ce sont là des aspects à prendre en considération du point de vue de la participation des entreprises canadiennes au marché de l'éolien, car ces aspects ne sont pas souvent soulevés lorsqu'on parle à des gens qui évoluent dans l'industrie de l'énergie éolienne.
Les deux diapositives suivantes sont seulement des photos aériennes de nos installations. Je le répète : lorsque j'ai imprimé cet exposé en mettant quatre diapositives par page, je croyais que je contribuais à protéger l'environnement, mais je me suis rendu compte que les photos en ont un peu pâti. La deuxième photo est probablement plus intéressante et montre le caractère unique de notre site. On voit ici la pointe nord-ouest de l'Île-du-Prince-Édouard et l'eau qui nous entoure à 300 degrés. Les vents prédominants se déplacent d'ouest au nord-ouest, et, lorsqu'ils arrivent sur notre site, ils sont francs. Ils viennent du large. Il n'y a pas de perturbations. Il y a très peu de turbulence, de sorte que c'est le site idéal pour faire des essais : la turbulence donne lieu à toutes sortes de problèmes qui diminuent la fiabilité des données. D'ailleurs, la falaise située près de nos installations nous donne un peu de fil à retordre, mais elle n'est pas si haute. Toutefois, nous tenons compte de cet aspect, et, si nous nous éloignons un peu de la falaise, nous pouvons obtenir des données très fiables.
Cette photo aérienne de l'IEEC est une vue en plongée prise à partir de l'océan.
Le président : Vous parlez de l'image qui se trouve dans le coin inférieur droit de la page 3, n'est-ce pas?
M. Harper : Oui, c'est exact.
Le président : C'est la pointe nord-ouest de l'Île.
M. Harper : Vous pouvez voir les éoliennes qui se trouvent à l'arrière. Ce sont les éoliennes de la PEI Energy Corporation qui ont été installées en 2001 et en 2003; le ministre Brown en a probablement parlé.
Le président : Où se situe Summerside?
M. Harper : Summerside est plus près de 90 kilomètres.
La diapositive suivante porte sur un projet que nous menons actuellement et dont nous ne sommes pas peu fiers. Notre proposition au Fonds pour l'énergie propre du ministère des Ressources naturelles a été retenue, et, grâce à ce financement, nous construisons un parc de recherche de dix mégawatts. Il s'agira d'un système de stockage d'énergie, et cela rejoint encore certains des commentaires faits par les représentants de Maritime Electric. Nous croyons que ce projet est pertinent. Dans le cadre du Fonds pour l'énergie propre, le ministère cherche à financer des projets ayant fait leur preuve pour trouver des façons novatrices d'améliorer l'intégration des ressources énergétiques aux réseaux d'électricité partout au pays. Je parle de toutes les ressources énergétiques, pas juste d'électricité.
Étant donné que l'Île-du-Prince-Édouard produit maintenant 20 p. 100 de son électricité à partir de l'éolien, nous devons faire face à de nouvelles difficultés sur le plan de l'intégration de cette production. Cela représente tout un défi pour les services publics, mais nous avons confiance en eux. Ce sont des gens intelligents : ils comprennent les réalités de l'industrie et savent comment composer avec des sources d'énergie intermittentes. Toutefois, nous croyons que le stockage de l'énergie peut être un bon outil. Ce n'est toutefois pas une panacée.
Si vous regardez la prochaine diapositive — et cela vient en quelque sorte étayer ce que M. Younker expliquait au sujet de la variabilité du vent —, nous avons fait une prédiction de la production de notre parc éolien de 10 mégawatts au cours d'une journée où le vent serait beaucoup plus variable qu'à l'habitude, et nous voyons qu'il y a un bon vent vers 3 et 4 heures du matin et que la production atteint alors 8 ou 9 mégawatts, mais la demande d'énergie n'est pas importante à 4 heures du matin. Puis le vent tombe à 9 heures. Les gens s'en vont au travail et ils utilisent de l'équipement et de la machinerie, et le vent est tombé. L'une des choses que nous tenterons de démontrer, c'est que le stockage de l'énergie nous permet de pallier cette intermittence. Mais cela ne réglera pas tout.
Le stockage de l'énergie a encore du chemin à faire. C'est une pratique coûteuse qui n'offre pas encore un très bon rendement. Toutefois, de plus en plus dans le pays, nous constatons que le stockage de l'énergie suscite un certain intérêt chez les services publics, les exploitants de systèmes, les propriétaires de parcs éoliens et d'autres acteurs du milieu. Ils ont bien hâte de voir nos résultats, les économies possibles, l'effet du cycle sur la batterie — s'il s'agit d'une batterie — et les conséquences que cela peut avoir sur l'efficience et le cycle de vie, mais, plus important encore, les réalités économiques du stockage. À titre d'organisme indépendant sans but lucratif, nous ferons preuve de transparence et nous montrerons quelle en a été l'incidence. Si nous essayons de le faire dans une certaine région et que les résultats montrent essentiellement qu'il y aurait des pertes d'argent, nous divulguerons ces résultats, au cas où un service public situé quelque part dans le pays pourrait dire : « Eh bien, nos variables sont différentes, et si nous entrons ces chiffres dans notre modèle, nous croyons que cela pourrait fonctionner. » Alors, nous pourrons voir, espérons-le, où tout cela nous mènera.
Encore une fois : le stockage ne signifie pas que nous pourrons produire 70 p. 100 de l'énergie du Canada à partir de l'éolien, mais, si nous pouvons améliorer un peu la situation, cela va aider. En outre, le stockage de l'énergie éolienne convient probablement mieux à certains endroits en particulier. Dans cette région de l'Île-du-Prince-Édouard, où M. Brothers et moi-même vivons, la sous-station à laquelle nous sommes connectés reçoit actuellement 33 mégawatts d'énergie éolienne pour alimenter une région dont les besoins en énergie sont en moyenne de 8 à 10 mégawatts — je crois que cela peut aller jusqu'à 12 mégawatts en période de pointe. Par conséquent, il y a beaucoup d'énergie qui est distribuée à cette sous-station, de sorte que les réseaux de transport et de distribution sont soumis à certaines tensions. Le fait de mettre sur pied un projet de stockage peut aider la société des services publics et l'exploitant du système à essayer différentes choses, qu'il s'agisse de répartir l'alimentation en énergie pour réguler la tension ou d'autres mesures auxiliaires.
Nous croyons que cela fait partie de notre mandat, et nous sommes enthousiastes de mener ce projet. Comme je l'ai mentionné, nous en sommes à l'étape de la planification, et nous aménagerons le parc à l'été et à l'automne; nous prévoyons mettre le parc en service d'ici Noël et commencer à faire le stockage de l'énergie au plus tard au printemps 2012.
Le président : C'est très intéressant, d'autant plus que j'ai déclaré plus tôt qu'on ne pouvait pas stocker de l'énergie, à l'exception de l'énergie hydroélectrique.
Monsieur Brothers, vous pouvez présenter votre exposé.
M. Brothers : Merci. Je vous suis reconnaissant de me donner l'occasion de témoigner. Je m'adresse à vous en ma qualité de vieux routier de l'éolien. J'évolue dans le milieu de l'énergie éolienne au Canada depuis un peu plus de 25 ans.
Comme l'a dit M. Harper, j'ai passé les 20 premières années de ma carrière à diriger le Terrain d'essais éoliens de l'Atlantique, à North Cape, et, depuis cinq ans, mon groupe d'ingénieurs et moi-même offrons des services d'experts- conseils à des promoteurs de projets éoliens partout au pays.
Il y a deux points que j'aimerais aborder aujourd'hui. Le premier se rapporte à l'industrie éolienne sur l'Île-du- Prince-Édouard et à la façon dont le Canada peut s'inspirer du modèle de l'Île-du-Prince-Édouard. Le deuxième point consiste à vous faire voir les possibilités de l'énergie éolienne à travers les yeux d'un vieil ingénieur. Je sais qu'il y a beaucoup d'idées reçues au sujet de l'éolien. Je crois que, parfois, l'énergie éolienne est la mal-aimée des sources d'énergie. Si nous prenons un peu de recul et que nous l'examinons de façon équilibrée — et je donnerai quelques exemples à cet égard aujourd'hui —, je crois que nous pouvons adopter le point de vue qui est le mien, à savoir que l'énergie éolienne peut constituer un élément très important de notre approvisionnement énergétique dans l'avenir.
En ce qui concerne l'Île-du-Prince-Édouard, comme l'ont mentionné les représentants de Maritime Electric, dans deux ans, nous produirons 30 p. 100 de notre électricité à partir de l'énergie éolienne. Si on compare les pays présentant le nombre le plus élevé de kilowatts par habitant de puissance installée, le Danemark arrive en tête. Le Danemark produit 657 kilowatts par habitant. Le Canada se classe en onzième place, avec 107 kilowatts par habitant. L'Île-du- Prince-Édouard produit 1 289 kilowatts par habitant, près de deux fois la production du Danemark. Au cours des dix dernières années, l'Île-du-Prince-Édouard a vraiment fait preuve de leadership pour ce qui est de l'exploitation de l'énergie éolienne. Les choses ont beaucoup avancé sur ce plan parce que nos coûts énergétiques sont élevés et nous bénéficions d'une ressource éolienne exceptionnelle, mais je crois que le reste du pays peut en apprendre beaucoup sur la façon dont l'Île-du-Prince-Édouard a géré l'essor de cette industrie et a réussi à faire preuve de leadership dans ce domaine.
Le deuxième point, comme l'a souligné M. Harper, se rapporte aux activités qui se déroulent à North Cape. L'Île- du-Prince-Édouard est depuis 30 ans le théâtre de diverses activités en recherche et développement dans le domaine de l'énergie éolienne, et nous avons fait beaucoup de travail qui touche non seulement les systèmes de production commerciale d'énergie, mais également les systèmes éoliens dans les collectivités et les systèmes hybrides éolien-diesel qui alimentent les régions éloignées du Canada.
Notre entreprise, Frontier Power Systems, a construit les installations du premier projet éolien-diesel du Canada sur une petite île située dans l'Atlantique, au large de Terre-Neuve. Nous sommes en train de mettre la dernière main à un projet entièrement financé par le gouvernement provincial; il s'agit d'un projet de centrales éoliennes de production d'hydrogène que nous avons mises à l'essai à North Cape. Nous collaborons actuellement avec Quilliq Energy Corporation, QEC, du Nunavut pour essayer de mettre en place un projet-pilote dans une petite collectivité du nord du Canada, car nous nous rendons compte que, dans le nord du Canada, ces collectivités seront encore là dans 50 ans, et nous ne savons pas s'il sera possible, sur le plan environnemental ou économique, d'acheminer par camion de grands volumes de pétrole jusqu'à ces collectivités.
Nous avons été des pionniers dans le domaine de la propriété publique. Le ministre Brown s'est adressé à vous ce matin. Je ne l'ai pas entendu, mais je suis persuadé qu'il se targuait du fait que le gouvernement de l'Île-du-Prince- Édouard est propriétaire de ces parcs éoliens. C'est une source de grande fierté dans la province, et lorsqu'on dit aux gens : « Savez-vous que vous êtes propriétaires de ce parc éolien? », ils répondent : « Oui, je sais que ce parc éolien m'appartient. »
Le gouvernement de la province s'est engagé à aménager une capacité supplémentaire de 30 mégawatts à 7,8 cents le kilowattheure, et, à tous les égards, cela représente un approvisionnement économique. Lorsqu'on fixe le prix de l'électricité pour les 20 prochaines années à 7,8 cents, sous réserve d'une faible indexation, alors on parle d'une source d'électricité très abordable.
En ce qui a trait aux éoliennes installées dans des collectivités, vous avez fait mention plus tôt, monsieur le sénateur, des objections des personnes atteintes du syndrome « pas dans ma cour » qui veulent faire reculer les projets éoliens. L'une des failles dans leur raisonnement, c'est que ces personnes ne perçoivent pas les parcs éoliens comme une propriété publique.
L'an dernier, au cours d'une tournée du Nouveau-Brunswick, j'ai discuté avec un certain nombre de groupes, et l'un des thèmes récurrents était le suivant : « Pourquoi de riches investisseurs de l'Europe ou de Toronto viennent-ils ici construire ces éoliennes et obtiennent-ils un rendement de 10 à 12 p. 100 de leur investissement, alors que mon REER me rapporte 3 p. 100? » Cela n'a aucun sens. L'une des options consiste à essayer d'aménager des projets éoliens dans des collectivités qui en seront justement propriétaires. La Ville de Summerside a été la première au Canada à le faire. Lorsqu'on est dans le stationnement du Sobeys à Summerside, on peut voir quatre éoliennes de trois mégawatts chacune qui fournissent une quantité considérable d'électricité aux habitants de cette ville. Chaque fois qu'une des éoliennes cesse de fonctionner, le maire reçoit un appel d'une personne qui lui dit que l'une des éoliennes ne tourne plus. Les habitants de cette ville se sentent responsables des éoliennes.
Sur l'Île-du-Prince-Édouard, nous avons pu appliquer le principe de la propriété publique à grande échelle — si on pense à la production d'électricité par les services publics, à la production d'électricité en gros —, mais nous examinons la possibilité d'appliquer ce principe à l'échelon des collectivités aussi.
Sur le plan de ces quatre aspects — la recherche, la propriété publique, la propriété collective et la quantité de puissance éolienne installée —, je crois que le Canada peut en apprendre beaucoup en s'inspirant de notre petite province.
Le président : Pour ce qui est du syndrome « pas dans ma cour », étant donné que nous en avons été témoins en Ontario, cela tient en partie à la façon dont on présente le projet. Vous dites que le fait de percevoir le projet comme une propriété collective est un moyen de contrer l'opposition des gens atteints du syndrome « pas dans ma cour ».
M. Brothers : Vous devez comprendre les préoccupations des personnes qui s'opposent aux projets éoliens. Certaines d'entre elles sont rationnelles, mais mal informées. Nombre de personnes affirment qu'il y a des risques pour la santé, par exemple la possibilité d'avoir le cancer si on vit près des lignes de transport à haute tension, pourtant, il n'y a aucune preuve de cela.
Le président : Les gens se plaignent de la pollution sonore et visuelle.
M. Brothers : On parle des infrasons.
C'est une nuisance pour certaines des personnes qui ne veulent pas qu'on installe d'éoliennes. Toutefois, dans nombre de cas, les plaintes à cet égard sont formulées par des gens qui sont tout simplement jaloux de leur voisin qui a fait installer une éolienne sur son terrain et qui en retire 10 000 $ par année. Par conséquent, on doit cerner les objections réelles concernant ces projets et prendre une décision rationnelle à leur égard. Parfois, les objections ne tiennent pas la route.
Le deuxième point est la perspective d'un ingénieur qui est très enthousiaste à l'égard de l'énergie éolienne. J'ai même l'audace de dire que le Canada devrait prendre l'initiative d'aménager un réseau d'électricité à zéro émission, et je crois que nous pouvons le faire. Nous pouvons le faire en grande partie grâce au réseau hydroélectrique déjà en place dans le pays, qui produit 60 p. 100 de notre électricité. Nous devons améliorer notre efficacité énergétique, et nous avons beaucoup de chemin à faire, car nous consommons beaucoup plus d'électricité et d'énergie que nécessaire.
Le président : Vous voulez dire à l'échelle nationale, n'est-ce pas?
M. Brothers : Je veux dire à l'échelle nationale.
Le président : Partez-vous du fait qu'il ne nous reste pas beaucoup de chemin à faire, car nous avons déjà atteint cette cible à 75 p. 100?
M. Brothers : C'est exact. En fait, l'année dernière, le facteur de capacité moyen des centrales hydroélectriques au Canada était près de 50 p. 100.
Vu les possibilités au chapitre de la conservation et la base hydroélectrique existante, laquelle va augmenter, il y a toujours place à des projets d'aménagement hydroélectrique économiquement viables. Hydro-Québec travaille actuellement au projet de la Romaine, et il y a quelques projets hydroélectriques importants qui viendront. Toutefois, l'énergie éolienne attend qu'on lui donne sa chance de jouer un rôle important. Je dis cela parce qu'elle est de plus en plus rentable — à 7,8 cents le kilowattheure — à l'Île-du-Prince-Édouard; toutefois, ce ne sont pas toutes les provinces qui peuvent faire cela. L'Ontario ne dispose pas de la même ressource éolienne que l'Île-du-Prince-Édouard, et elle a opté pour un régime de propriété privée, ce qui signifie que les investisseurs attendent un certain rendement, alors, les coûts sont plus élevés. Toutefois, dans de nombreuses parties du pays, le vent souffle tout autant que sur l'Île-du-Prince-Édouard. L'énergie éolienne est de plus en plus intéressante sur le plan économique.
Le président : Vous dites que le coût de 7,8 cents — dont le premier ministre et son ministre de l'Énergie nous ont parlé — est d'environ un demi-point de pourcentage inférieur à celui du secteur privé, n'est-ce pas? Vous dites qu'il serait plus avantageux de confier cela au secteur public, dans le cadre d'une approche sans but lucratif.
M. Brothers : C'est exact. À mon avis, si on peut construire des routes et des écoles sans tirer aucun profit, alors, on devrait pouvoir offrir de l'énergie propre sans tirer aucun profit. C'est l'option qui, selon moi, devrait être étudiée. Je ne crois pas qu'elle suscitera beaucoup d'intérêt dans le reste du Canada, mais c'est ce qui a fonctionné sur l'Île-du- Prince-Édouard, et c'est un modèle qui mérite d'être envisagé.
Je veux parler très brièvement de quatre mythes sur l'énergie éolienne qu'on entretient à l'échelle nationale.
Je suis ici aujourd'hui sans savoir exactement quels sont vos points de vue sur l'énergie éolienne, car, lorsqu'on écoute les médias, on a toujours une mauvaise impression de l'énergie éolienne; on a l'impression que l'énergie éolienne entraîne des problèmes de santé. Même si je ne suis pas un expert de la santé — et je ne propose pas de parler des enjeux liés à la santé —, je peux affirmer qu'en tant que professionnel, je me suis penché attentivement sur cela, et je n'ai rien constaté qui pourrait donner à penser que les éoliennes causent des problèmes de santé. Les préoccupations qui ont été soulevées méritent de faire l'objet d'une étude — et tout le monde doit être respecté —, mais rien à l'égard des forces électromagnétiques ou du bruit ou de toute autre chose ne donne à penser que les éoliennes causent des problèmes de santé. Des gens affirment que la force électromagnétique des lignes de transport à haute tension est problématique.
L'autre mythe est que l'énergie éolienne est trop coûteuse. L'option que la province a choisie — avec un coût de 7,8 cents le kilowattheure sur une période de 20 ans assorti d'un risque nul lié à l'environnement et au prix du carburant, argument convaincant s'il en est un — donne à penser que l'énergie éolienne mérite d'être envisagée.
Je trouve qu'on ne témoigne pas à l'énergie éolienne le respect qu'elle mérite, car on dit toujours qu'il n'est pas vraiment possible de produire beaucoup d'énergie grâce au vent; le vent ne souffle pas constamment, alors, on ne peut pas vraiment l'utiliser à grande échelle. C'est là que le système national entre en jeu.
Pour vous fournir des points de référence à ce chapitre, je me suis penché sur le complexe La Grande, situé dans le Nord du Québec, et je m'en suis inspiré. C'est le plus grand complexe hydroélectrique du Canada. Sa puissance est de 16 000 mégawatts, il compte huit centrales et il est en exploitation depuis de nombreuses années. Ce complexe produit de 12 à 15 p. 100 de l'électricité du Canada; il est d'une taille colossale. L'aspect intéressant du complexe, c'est qu'il a d'énormes bassins d'amont, des réservoirs qui emmagasinent des quantités d'eau phénoménales. Ces bassins couvrent 14 000 kilomètres carrés, ce qui représente une superficie énorme. Cela représente environ 0,14 p. 100 du territoire du Canada.
Le président : Demandez à n'importe quelle bande autochtone du Nord du Québec, et elles vous le diront.
M. Brothers : C'est exact. Si vous consacrez 14 000 kilomètres carrés dans le Nord du Québec pour produire 12 p. 100 de l'électricité du Canada, que se passerait-il si vous consacriez une superficie équivalente à l'énergie éolienne?
J'ai effectué cette analyse en examinant le projet mené en Saskatchewan — le projet Centennial Wind Power —, où se trouve un parc d'éoliennes de 100 mégawatts qui couvre une surface de 30 kilomètres carrés. L'éolienne utilisée à la centrale Centennial Wind Power est une technologie qui date de dix ans — la technologie V80 a maintenant été supplantée par la V90-1,8 mW — qui permettrait de produire environ 20 p. 100 d'électricité de plus. Le facteur de capacité annuel de la centrale est d'environ 40 p. 100. Si vous preniez la superficie de 14 000 kilomètres carrés et que vous lui appliquiez le même nombre d'éoliennes au kilomètre carré qu'à la centrale Centennial Wind Power, vous pourriez installer une centrale de 70 000 mégawatts dont le facteur de capacité annuel serait de 40 p. 100 : vous pourriez produire 40 p. 100 de l'électricité du Canada. Cette superficie, qui semble vaste, ne fait en réalité que 120 kilomètres sur 120 kilomètres. Vous pourriez mettre cela dans un petit coin de la Saskatchewan. En conséquence, les superficies disponibles aux fins d'exploitation de l'énergie éolienne au Canada sont énormes. Compte tenu des avantages économiques et environnementaux, je ne comprends pas pourquoi nous n'exploitons pas l'énergie éolienne à une très grande échelle.
La possibilité d'une participation du gouvernement fédéral m'amène à vous parler de la dernière préoccupation liée au vent, à savoir ce qui se passe lorsque le vent ne souffle pas. Si vous construisez cette centrale de 70 000 mégawatts — et cela n'arrivera pas, mais il y a suffisamment d'espace, rien que dans le Sud de la Saskatchewan, pour faire cela — dans le Sud de la Saskatchewan, vous obtenez toute cette énergie lorsque le vent souffle. Toutefois, si le vent ne se lève pas, que faites-vous? Vous faites ce que nous faisons partout au Canada : vous installez des éoliennes en Colombie- Britannique, en Alberta, en Saskatchewan, au Manitoba, en Ontario et partout au pays. Lorsque vous examinez le vent aux quatre coins du Canada, il ne s'arrête jamais de souffler; il vente toujours quelque part.
Lorsque nous tentons de renforcer un pays, je dirais qu'il faut miser sur ses forces, et la nôtre, c'est notre situation géographique. Notre force à l'égard des ressources hydrauliques est maintenant évidente. Nous produisons 60 p. 100 de notre électricité à partir de l'eau. Si nous adoptions une approche comparable à l'égard de l'énergie éolienne, nous pourrions exploiter d'énormes quantités de vent en misant sur la répartition géographique.
J'ai poussé les calculs à l'égard de la baie James un peu plus loin. Avec une superficie de 14 000 kilomètres carrés, la profondeur moyenne des réservoirs est d'un peu plus de 100 mètres. Si vous permettez au niveau de ces réservoirs de passer de 105 à 104 mètres sur cette superficie de 1 4000 kilomètres carrés, on pourrait produire suffisamment d'énergie pour assurer l'électricité de tout le Canada durant près de deux jours. La capacité de ces réservoirs est énorme si vous maintenez simplement leur niveau. Les réservoirs dans le Nord du Québec sont énormes, mais on en trouve également en Colombie-Britannique, au Manitoba, en Ontario et à Terre-Neuve-et-Labrador. Si nous adoptions l'approche continentale ou l'approche nationale et si nous nous demandions comment mettre en place au pays un système qui permet de réduire l'incidence au minimum, une ressource hydraulique combinée à l'énergie éolienne et à une efficience accrue nous donnerait ce dont nous avons besoin. Tout ce que nous avons besoin de faire, c'est de mettre au point les systèmes électriques liés aux ressources hydrauliques pour rajuster le stockage d'électricité et d'énergie — c'est-à-dire le ratio d'électricité et d'énergie pour optimiser le système — afin d'avoir un système sans égal dans le monde. Ainsi, tous les combustibles fossiles que nous produisons deviennent des produits d'exportation.
À mon avis, c'est une chose à laquelle vous devriez songer sérieusement, car la ressource éolienne du Canada est massive, économique, propre et compatible avec la ressource hydraulique, et elle existera durant longtemps.
Les répercussions d'une telle initiative ne sont pas négligeables, et je n'ai pas l'intention de banaliser ce qui est nécessaire ici. Il faut renouveler les installations hydroélectriques existantes pour fournir plus d'énergie chaque fois que le vent ne souffle pas, de façon à pouvoir laisser le niveau des réservoirs fluctuer un peu. Cela suppose un échange d'électricité interprovincial accru, ce qui pose problème en raison des compétences provinciales, mais c'est vraiment à ce chapitre que le gouvernement fédéral a un rôle à jouer pour régler cela.
Des investissements seront nécessaires au chapitre du transport d'énergie entre l'est et l'ouest, probablement en ce qui a trait au courant continu à haute tension — ou CCHT —, mais ce n'est pas une mauvaise chose. Je suis certain que vous entendez dire — au fil des séances que vous tenez — que nous devons vraiment travailler en tant que pays et non en tant qu'un paquet de canaux nord-sud. Le point principal est que nous devons avoir un intérêt qui nous amène à dire : « Oui, nous voulons un système durable. » Si nous voulons simplement que les coûts soient modestes, brûlons du charbon. Si nous voulons atteindre une position où nous pourrons dire que le Canada a un système énergétique durable — probablement le seul dans le monde, sauf peut-être en Norvège —, nous pouvons le faire, mais nous devons envisager toutes les options et les examiner en profondeur.
Nous avons besoin d'une vision politique. Le mois dernier, j'ai relu un livre que je n'avais pas lu depuis 20 ans : L'Énergie du Nord : la force du Québec, de Robert Bourassa. Avez-vous déjà lu ce livre? M. Bourassa avait essuyé beaucoup de critiques à l'époque, mais il avançait que des barrages pourraient être construits sur les rivières du Nord du Québec pour procurer une sécurité énergétique économique et à long terme aux États-Unis et pour créer des emplois et des retombées au Québec. Cela a fini par être réalisé. Si nous adoptions ce genre de vision où nous envisageons ce que nous avons déjà et essayons d'y intégrer l'énergie éolienne, je crois que nous irions dans une direction qui ferait la fierté de nos petits-enfants.
La question fondamentale que je voudrais que vous vous posiez est de savoir si nous voulons un système énergétique durable. Si la réponse est non, alors brûlons simplement du charbon. Si nous en voulons un, l'énergie éolienne peut jouer un rôle énorme à ce chapitre.
Le président : Monsieur, il est toujours rafraîchissant de voir un ingénieur si passionné et enthousiaste. Ce sont de bonnes observations.
Le sénateur Lang : Si nous allons plus loin — et vous êtes évidemment des chefs de file dans votre domaine —, nous avons vu des prix qui allaient jusqu'à 30 cents le kilowattheure, et, à présent, nous sommes à 7,8 cents le kilowattheure. Vu la situation mondiale, la façon dont les choses se passent et les besoins en énergie accrus aux quatre coins du monde — pas seulement au Canada —, et sachant que l'énergie éolienne deviendra un investissement important pour bon nombre de pays afin de compenser leurs besoins en matière d'énergie, croyez-vous que le coût baissera ultérieurement, en raison de la demande accrue, dans l'industrie de l'énergie éolienne?
M. Brothers : Au cours des 20 dernières années, l'industrie de l'énergie éolienne a fait beaucoup de chemin sur sa courbe d'apprentissage. À l'heure actuelle, elle compte parmi les plus grands utilisateurs d'acier dans le monde. Ce que vous voyez aujourd'hui, c'est l'énergie éolienne qui commence à atteindre un plateau où les aspects économiques sont plutôt fixés. Il y a 20 ans, le coût de l'énergie éolienne était de 20 cents le kilowattheure, et, à présent, il varie de 7 à 8 cents dans un contexte où la concurrence est féroce, selon les circonstances. Le coût de 30 cents le kilowattheure s'applique seulement aux petites éoliennes et, dans une moindre mesure, dans les endroits où il n'y a pas de vent. Toutefois, si vous vous montrez prudents à ce chapitre, pourquoi ne mettriez-vous pas les plus grandes turbines — les turbines les plus économiques — dans les endroits les plus venteux que vous puissiez trouver? Pourquoi n'exploiteriez- vous pas cela de façon à procurer des avantages à long terme?
Hydro-Québec travaille à son projet hydroélectrique de la Romaine, où le coût net de l'électricité était estimé à 9,6 cents le kilowattheure. On a recalculé le coût depuis, et celui-ci est maintenant rendu à 6,4 cents. Elle a fait cela en réduisant son rendement des capitaux propres à zéro. On peut avoir un rendement des capitaux propres nul et toujours offrir des retombées, alors, c'est possible avec l'énergie éolienne.
Le coût de l'énergie éolienne ne passera pas à 3 cents le kilowattheure — et vous n'allez certainement pas le voir tomber si bas qu'on ne peut le mesurer —, mais, à un coût de 7, de 8 ou de 10 cents — même si vous travaillez en collaboration avec des promoteurs —, lorsque vous tenez compte des avantages pour l'environnement et du risque réduit à l'égard des variations du coût du carburant, c'est une bonne affaire.
Le sénateur Lang : Vous avez parlé des possibilités dans le Nord et, plus particulièrement, au Nunavut. Il y a également les Territoires du Nord-Ouest, et, dans notre cas, bon nombre de collectivités pourraient également profiter de cela, selon les ressources éoliennes de l'endroit. Connaissez-vous d'autres collectivités dans le Nord qui mènent des expériences à cet égard?
M. Brothers : Oui. Mon entreprise participe à des travaux de conception perfectionnée à Tuktoyaktuk. Trois éoliennes y seront installées. La collectivité est toujours en attente de l'approbation d'un financement, mais elle prend le projet au sérieux et nous a déjà payés pour effectuer la conception détaillée de l'interconnexion électrique et du contrôle. Le projet est donc en cours.
Le sénateur Lang : Êtes-vous satisfait de la résistance aux effets et aux rigueurs de l'hiver? Je crois que ce sont des facteurs qui entrent en ligne de compte dans le Nord, compte tenu du gel et de la glace. Avez-vous été en mesure de surmonter cela?
M. Brothers : Ce n'est habituellement pas un problème si la conception est adéquate. Le givrage a lieu en altitude plutôt que dans le Nord. Ce n'est pas un problème crucial. Le froid est un problème important. Si vous exercez des activités dans le Nord, vous devez vraiment pouvoir le faire à moins 40 degrés Celsius. Ici, nous pouvons fonctionner à moins 20 degrés Celsius. Si vous exercez des activités en Saskatchewan, vous devez pouvoir le faire à moins 30 degrés Celsius. Les éoliennes doivent être adaptées au milieu où elles sont installées.
Le choix de la technologie sera vraiment la solution au problème. À titre d'exemple, à Tuktoyaktuk, nous mettons en place d'assez petites éoliennes dont le transport de l'électricité produite est beaucoup plus coûteux. La charge thermique dont la collectivité a besoin est énorme. Elle a besoin de cinq fois plus d'énergie pour le chauffage que pour l'électricité. Peut-être que nous devrions faire des travaux d'ingénierie pour veiller à ce que ces grosses éoliennes économiques puissent être utilisées pour réduire considérablement la consommation d'énergie. L'étude que nous menons au Nunavut consiste à utiliser de l'hydrogène pour emmagasiner l'énergie éolienne. Vous produisez de l'hydrogène à partir de l'électricité excédentaire lorsque le vent souffle, puis vous utilisez l'hydrogène pour produire de l'électricité lorsque le vent ne souffle pas. Il a été très difficile d'obtenir des résultats à ce chapitre, car les ressources nécessaires pour mener à bien ces projets sont très limitées.
Le sénateur Mitchell : Nous avons entendu un excellent exposé de l'Association canadienne de l'énergie éolienne, un des meilleurs que nous avons eu. Le vôtre est certainement du même ordre. C'est très intéressant à voir. C'est vraiment le premier endroit où nous voyons vraiment que cela fonctionne. Nous n'avons pas encore été aux quatre coins du pays, mais c'est, en fait, très stimulant.
Je veux simplement faire une observation. De nos jours, nous avons tendance à nous énerver lorsqu'il s'agit d'aide gouvernementale à l'égard de ce genre d'énergie de remplacement. Je suis de l'Alberta. Nous vantons les mérites des sables bitumineux. Les sables bitumineux ne connaîtraient pas le succès qu'ils connaissent aujourd'hui si ce n'était de l'intervention et de l'aide du gouvernement. Prenez simplement l'exemple de la participation financière du gouvernement dans Syncrude Canada Ltd. dès les débuts de cette société. Songez aux milliards de dollars que le gouvernement a mis dans la recherche pour accroître la productivité, l'efficience et la commercialisation de cette ressource. Toutefois, nous semblons avoir la frousse lorsqu'il s'agit d'investir dans des sources d'énergie de remplacement.
De plus, n'oubliez pas que je me trouvais en Alberta au début des années 1990. Eric Newell, PDG, m'a montré les réalisations, et il était très fier, comme il se doit, et nous devrions l'être aussi. Toutefois, il reste qu'à ce moment-là, la production d'un baril coûtait 15 $ — et on ne tenait pas compte du coût des immobilisations —, et l'entreprise recevait 10 $ le baril. Elle perdait énormément d'argent pour produire cela.
Cela m'amène à ma première question. Combien d'aide du gouvernement avez-vous reçue à l'égard de vos activités — à titre d'exemple, sous forme de tarifs de rachats garantis ou autre? Est-ce suffisant? Est-ce l'aide dont vous avez besoin, ou est-ce du capitalisme pur et dur sans intervention du gouvernement?
M. Brothers : Ce n'est pas du capitalisme pur et dur sans intervention du gouvernement. Si c'était du capitalisme pur et dur, nous serions en train de brûler du charbon.
Le problème du comité — vous me pardonnerez ma franchise — est de trouver une façon d'intégrer les valeurs sociales et les enjeux environnementaux dans l'équation. Cela ne compte pas actuellement. Tout le monde dit « Oui, nous devrions être écologiques », mais vous devez fournir des chiffres et dire quelle est la valeur de cela, et bon nombre d'études portaient sur cela. Toutefois, l'énergie éolienne n'est pas plus coûteuse que l'énergie produite à partir du charbon, lorsque vous examinez les effets sur la santé et sur l'environnement. Elle est loin d'être coûteuse.
On peut dire la même chose du gaz naturel. Nous parlons de cet apport massif de gaz naturel en raison de la découverte de gisements de gaz de schiste — et cela a été important et encourageant —, mais, au bout du compte, ce sont toujours des combustibles fossiles, et il y a peut-être toujours des conséquences environnementales que nous ne connaissons pas encore.
Il reste que nous avons une obligation, et j'ai un peu honte de ma génération — de notre génération — et du peu de leadership dont nous avons fait preuve à ce chapitre, car nous gaspillons vraiment nos ressources. Nous pompons au maximum le pétrole du sol comme si nous devions l'utiliser avant de disparaître. Nous devons vraiment trouver une façon de valoriser socialement ce que nous possédons. La valeur d'un baril de pétrole n'est pas nulle lorsque le pétrole se trouve dans le sol; nous pouvons le laisser à nos petits-enfants. L'idée selon laquelle nous devons liquider nos biens de cette façon est purement capitaliste. Toutefois, il est nécessaire de trouver une façon d'intégrer les répercussions environnementales et sociales. Lorsque cela arrivera, je crois que l'énergie éolienne jouera un rôle très important. Lorsque cela arrivera, on pourra passer à un système capitaliste, mais il y aura des avantages.
Le sénateur Mitchell : Merci, c'est bien dit.
Concernant le complexe La Grande, je veux simplement m'assurer que les chiffres sont exacts. Je peux voir que cinq mégawatts par kilomètre carré multipliés par 14 000 donnent 70 000 mégawatts. Je peux voir que 40 p. 100 multipliés par ce nombre donneraient environ 280 térawatts, mais vous indiquez 245 comme facteur... Alors, 40 p. 100 de cela, ce serait cohérent. À quoi correspondent les 13 000 kilomètres supplémentaires?
M. Brothers : Merci. J'avais sauté ce point.
La superficie qu'occupe le complexe La Grande, qui compte 14 000 kilomètres carrés de réservoirs, est toute inondée. C'est peut-être bien pour la pêche. Toutefois, si vous mettiez en place à cet endroit un parc éolien qui couvre 14 000 kilomètres carrés, 95 p. 100 du territoire pourrait toujours être autorisé. Si vous mettiez en place un parc éolien en Saskatchewan, les agriculteurs pourraient cultiver le sol jusqu'à la base des éoliennes.
Le sénateur Mitchell : Vous pourriez faire pousser des arbres autour des éoliennes.
M. Brothers : Vous pouvez faire pousser des arbres autour des éoliennes. Vous pouvez faire toutes sortes de choses.
Le sénateur Mitchell : Bonne idée. Le nombre d'éoliennes dont vous auriez besoin exigerait une superficie d'environ 1 000 kilomètres carrés, mais, comme il faut espacer les éoliennes, il y aurait tout cet espace entre elles.
M. Brothers : C'est exact. Les éoliennes se trouvent normalement de 200 à 400 mètres d'intervalle. Elles occupent une aire d'environ 10 mètres sur 10 mètres, alors, elles n'occupent pas énormément d'espace.
La nouvelle technologie V112 3-mégawatt de Vestas qui vient de voir le jour cette année couvre un hectare sur le plan vertical, alors, c'est un vrai parc éolien. C'est un parc d'un hectare, mais l'exploitation se fait sur le plan vertical.
Le sénateur Mitchell : Vous avez parlé de stockage. C'est la première fois que nous entendons dire que cela est même possible ou praticable. Quelle est la technologie? Combien d'énergie peut-elle stocker et durant combien de temps?
M. Harper : Ce sera probablement une technologie liée à des batteries. Nous nous sommes entretenus avec un certain nombre de fournisseurs, et nous cherchons des entreprises dont les produits sont immédiatement commercialisables.
Dans le cadre du Fonds pour l'énergie propre, quatre projets menés aux quatre coins du pays ont reçu un certain soutien à l'égard du stockage. Nous avons également parlé à ces entreprises, et nous aimerions voir une diversité de technologies au fur et à mesure que nous nous déplaçons partout au pays, pour que nous puissions comparer les données relatives à ce qui a fonctionné et à ce qui n'a pas fonctionné.
Les États-Unis mettent également en œuvre plusieurs projets dans le cadre de certains programmes de financement s'inscrivant dans leurs mesures de stimulation. Les batteries d'accumulateurs au plomb sont une possibilité. Il y a les batteries à flux, au soufre et au lithium-ion. Le marché des batteries de véhicule remises à neuf est en croissance. Certaines technologies intéressantes entrent actuellement sur le marché en Ontario, et on songe à des batteries remises à neuf qui pourraient intéresser les fabricants d'automobiles. Selon nous, il y a là deux facteurs susceptibles de stimuler le marché, dans la mesure où la batterie suit son cycle de vie dans un véhicule enfichable et, une fois qu'environ de 70 à 80 p. 100 de la batterie est épuisée, elle doit être remplacée. Que pouvons-nous faire avec ces batteries? La remise à neuf et l'utilisation de ces batteries aux fins de stockage sur le réseau semblent être une possibilité réelle.
Concernant la taille de notre projet, nous prévoyons probablement de 5 à 10 mégawattheures de stockage d'énergie. Lorsque nous avions élaboré le plan du projet, nous avons demandé à la société des services publics — Maritime Electric, et aussi à l'Exploitant de réseau du Nouveau-Brunswick — jusqu'où nous devions pouvoir nous rendre pour être utiles. C'était environ la taille que nous devrions vraiment atteindre, alors, il nous fallait voir à la viabilité économique du projet également.
Quant à votre question concernant le soutien — et je suis heureux que vous en parliez, car, habituellement, j'aborde également ce sujet, et les gens se montrent exaspérés... Vous devez vraiment vous assurer de connaître les faits lorsque vous vous penchez sur la question du soutien offert à d'autres sources d'énergie. Toutefois, vous avez raison : chaque source d'énergie a bénéficié d'un soutien à l'origine.
Notre institut reçoit actuellement un financement annuel d'environ 650 000 $ qui vise à appuyer notre programme de recherche, à Ottawa, qui est mené par deux organismes différents. Il s'agit d'un projet de 24,5 millions de dollars, et nous recevons 12 millions de dollars du Fonds pour l'énergie propre, qui nous aide à assumer les coûts liés à l'infrastructure et aux activités de recherche et développement qui sont principalement liées au stockage.
Le sénateur Neufeld : Je suis heureux que le sénateur Mitchell ait posé des questions sur le stockage, car cela m'intéressait également. J'ai des connaissances sur le stockage, mais sous forme d'eau. En ce qui concerne la technologie liée aux batteries, il y a des aspects à l'égard desquels l'environnement et les batteries ne font pas très bon ménage. Je crois que vous seriez d'accord avec moi. Cette technologie est probablement inadéquate. J'apprécie que vous la mettiez à l'essai, car, si vous ne le faites pas, vous n'allez jamais atteindre votre objectif. Toutefois, conviendriez-vous que cette technologie est très inadéquate?
M. Harper : Cela dépend de l'application. Je crois savoir que vous êtes de la Colombie-Britannique, n'est-ce pas?
Le sénateur Neufeld : Oui.
M. Harper : Votre société de services publics se penche sur le report du transport et de la distribution. La capacité de mettre en place un système de stockage qui peut être déplacé partout dans la province pour fournir de l'aide dans les localités est très intéressante.
La technologie liée aux batteries est bien comprise. Nous sommes entourés de batteries. Des systèmes de confinement et des plans de gestion environnementale sont bien élaborés et examinés par des pairs. De bons processus de réglementation sont en place pour vous indiquer ce que vous pouvez et ne pouvez pas faire avec ces systèmes. C'est un enjeu économique, et, si le marché prend de l'expansion, la technologie sera mise au point. C'est la même chose qui s'est passée au chapitre de l'énergie éolienne. C'est la même chose qui s'est passée au chapitre des sables bitumineux et dans d'autres secteurs. Nous devons développer le marché.
Au chapitre de la technologie liée aux batteries, dans certains cas, des batteries au lithium-ion ont été mises au point, et elles ont connu une croissance un peu plus rapide sur le marché, en raison de l'industrie de l'électronique et du vif intérêt porté aux véhicules électriques enfichables. Les autres technologies peuvent être mises au point pour répondre également à ces besoins, tant qu'il y a un marché, et le marché pour ces technologies doit être établi.
Le sénateur Neufeld : Nous avons du vent en Colombie-Britannique. Je crois fermement que le vent fait partie de la solution. Comme le premier ministre l'a dit il y a quelque temps, le vent n'est pas le remède miracle, mais plutôt une partie de la solution. On peut recourir à toutes sortes de modes de production qui sont propres et écologiques. L'énergie éolienne est l'une d'entre elles, et elle est en fait très utile.
À la page 14 de votre exposé, Monsieur Harper, vous dites que le problème tient en partie aux heures de pointe. La mise au point de moyens de stockage de l'énergie éolienne permettra de régler un peu le problème. Toutefois, si vous traciez dans ce graphique une ligne correspondant aux heures de pointe de consommation d'énergie — le matin et le soir —, vous constaterez que cela correspond aux moments où la production d'énergie éolienne est à son plus bas. En conséquence, les services publics doivent avoir l'énergie nécessaire ainsi qu'un certain pourcentage de plus que les besoins en période de pointe. Les batteries nous mèneront-elles au stade où nous pouvons dire que la production d'énergie éolienne répond aux besoins de base?
M. Harper : Il faudrait, selon moi, que les données économiques changent très radicalement pour que nous en arrivions là. Au chapitre du stockage, nous sommes un peu prudents. Un des gars qui travaillait avec nous avait dit que le stockage est un peu une fausse panacée. En conséquence, assurons-nous que personne ne fasse une fixation sur cette idée et ne croie qu'elle doit être le but suprême.
Encore une fois, si nous revenons à l'exposé de Maritime Electric, même dans une très petite province comme l'Île- du-Prince-Édouard, le maintien d'un équilibre a eu une incidence positive d'un bout à l'autre de l'Île, qui, à vol d'oiseau, fait environ 250 kilomètres.
Le sénateur Neufeld : Oui, c'est très proche. Je suis en train de parler de notre province.
M. Harper : C'est essentiellement la porte d'à côté.
Les électrons peuvent se déplacer, et il y a des pertes durant le transport, mais notre système de transport gère très bien cela. Si vous passez à une meilleure interconnexion et à un meilleur réseau national dans un pays aussi immense que le Canada, il y a une plus grande incidence sur la charge de base, et je ne crois pas que le stockage au moyen d'une batterie puisse même jouer un rôle à ce chapitre.
Comme je l'ai dit, cela revient vraiment aux facteurs économiques. Le sénateur du Yukon a décrit ce que nous devons viser sur le plan économique. À la fin de l'exposé de Maritime Electric, vous avez mentionné quelques chiffres provenant de l'exposé du ministre Brown. Nous avons été témoins de la volatilité des tarifs de l'énergie en quelques années seulement. Or, le coût de l'énergie éolienne est fixe. Vous pouvez maintenir cela et signer un accord d'achat d'énergie qui s'étend sur 20 ans. Lorsqu'une entreprise de services publics fait sa planification et sait que ce coût est fixe — et que des renseignements antérieurs corroborent cela —, elle peut s'occuper des pics et des creux.
Le sénateur Neufeld : Oui, la ressource hydraulique, la biomasse et toutes les autres ressources peuvent faire cela.
M. Harper : Comme je l'ai dit, il y a des gens intelligents qui se dépassent lorsqu'ils font face à l'adversité.
Le sénateur Neufeld : Comme nous produisons 75 p. 100 de notre électricité à partir de sources propres — en fait, si vous examinez l'ensemble de la production au Canada, nous produirions probablement suffisamment d'énergie au pays pour répondre à tous nos besoins si l'électricité pouvait être répartie —, y a-t-il moyen de faire en sorte que les autres 25 p. 100 d'électricité soient produites à partir du vent ou d'autres sources d'énergie pour que nous puissions avoir une énergie qui est propre à 100 p. 100?
Je me pose la question, car j'ai entendu parler du Danemark. Je crois que le Danemark produit aujourd'hui environ 40 p. 100 de son électricité à partir du charbon. Cela tient au fait qu'il n'a pas le choix. Il n'a aucune autre source d'énergie de remplacement. Il n'a ni d'Hydro-Québec ni de BC Hydro ni de Manitoba Hydro, et l'Île-du-Prince- Édouard n'a pas cette capacité non plus.
Y a-t-il moyen d'examiner le système que nous avons déjà en place et de peut-être le développer un tout petit peu au lieu de parler de lignes de transport qui s'étendraient d'un bout à l'autre du Canada? Je sais que les lignes à CCHT sont coûteuses, mais cela pourrait être une option.
M. Brothers : Je crois que plus l'administration est petite, plus les options sont limitées, et c'est la situation dans laquelle l'Île-du-Prince-Édouard se trouve actuellement. L'Île-du-Prince-Édouard pourrait être en mesure d'accéder à une partie de l'énergie excédentaire et de la capacité de stockage du Québec pour stabiliser son approvisionnement en énergie; je crois que cela finira par arriver.
La Porte d'entrée de l'énergie de l'Atlantique — dont vous entendrez parler plus tard — est vraiment une initiative qui tente de transformer toute la région de l'Atlantique en une seule entité commerciale, de façon à ce que nous formions un groupe, une unité, plutôt que quatre groupes distincts. L'installation d'une ligne de transport partout au pays n'est pas une condition préalable absolue pour cette transformation. Vous devez examiner la situation de chaque administration au cas par cas.
Le sénateur Neufeld : Merci. C'est, en fait, la réponse que je voulais entendre.
Si l'Île-du-Prince-Édouard avait la même possibilité de harnacher de grandes rivières pour produire de l'électricité pour sa propre consommation, serait-elle passée à la production d'électricité éolienne ou aurait-elle misé sur la production d'hydroélectricité?
Vous avez dit que vous évoluez depuis 25 ans dans l'industrie de l'énergie éolienne.
M. Brothers : Oui. Cela tenait à une décision politique; la première décision d'installer des éoliennes a été prise par un politicien qui a dit « Je crois que nous devrions exploiter le vent », et il n'y a aucun doute que la décision aurait été facilitée par le fait qu'il n'y a pas un grand nombre de solutions de rechange. Nous ne disposons pas d'une ressource hydraulique. À mon avis, si nous avions eu à choisir entre une énergie hydroélectrique bon marché et une énergie éolienne qui n'est pas aussi bon marché, je crois que nous aurions choisi l'hydroélectricité.
Je pense que nous sommes des gens pragmatiques. Mais, au bout du compte, je crois que l'initiative qui a été amorcée il y a dix ans pour mener à bien le premier projet, d'une part, et l'évolution de la technologie qui a mené à la réduction du coût, d'autre part, nous ont mis dans une position où nous investissons actuellement dans l'énergie éolienne pour des raisons économiques seulement.
Le sénateur Neufeld : C'est une bonne réponse.
Ma dernière question — parce que je sais que nous sommes pressés par le temps — porte sur la santé.
J'ai été ministre en Colombie-Britannique durant huit ans. Les gens me disaient toujours qu'ils voulaient qu'on produise de l'énergie éolienne jusqu'au moment où, soudainement, nous avons décidé de construire des tours éoliennes à différents endroits dans la province, et il y a eu tout un tollé. Nous entendions les gens dire « Je n'en veux pas dans ma cour », « Je ne veux pas payer davantage pour l'électricité » — et cela n'est pas un argument, car vous devez produire de l'électricité de toute manière —, « Les effets sur la santé sont terribles » et « Les animaux seront touchés ». Il n'y avait pas beaucoup d'endroits où nous pouvions trouver de l'aide.
C'est la même chose avec les forces électromagnétiques. J'ai fait face à d'énormes problèmes liés à cela, concernant l'installation de lignes de transport dans les collectivités où vivent les gens. Où pouvons-nous trouver des experts en la matière? J'aurais préféré que vous soyez à ma place à ce moment-là. Laissez-moi vous dire que ce n'était pas une partie de plaisir d'être là et de devoir défendre ces choix. Toutefois, l'industrie de l'énergie éolienne a en quelque sorte disparu lorsque les critiques se sont mises à fuser de toute part.
M. Brothers : Je crois que l'industrie de l'énergie éolienne doit reconnaître qu'elle n'a pas fait ce qu'il fallait à ce moment-là.
Au bout du compte, lorsque vous faites face à des enjeux qui suscitent une réaction émotive chez les gens, il est très difficile de faire avancer les choses bien loin.
Je vais vous donner un exemple de l'Île-du-Prince-Édouard. Une ligne de transport — une ligne de transport de 69 000 volts — a été installée dans l'est de l'Île dans le cadre d'un projet éolien. Un groupe de l'Île-du-Prince-Édouard s'opposait à l'énergie éolienne et a commencé à soulever des problèmes liés aux forces électromagnétiques. Le groupe comptait, en fait, une mère seule qui vivait dans l'Est de l'Île-du-Prince-Édouard et qui avait tellement peur qu'elle interdisait à ses enfants de jouer dans la cour.
Vous devez simplement prendre du recul et vous dire : « Soyons rationnels. Je crois que ces effets sur la santé sont exagérés, et je ne crois pas qu'ils se révéleront importants dans l'analyse finale. » Toutefois, vous mettez les gens en colère, et ils ne sont pas suffisamment informés pour prendre une décision éclairée. Par ailleurs, ils ont l'impression que ces éoliennes ne leur procurent aucun avantage, ce qui, selon moi, fait ressortir toute l'importance de faire renforcer la notion de « collectivité » et de faire comprendre que nous sommes tous dans le même bateau. Les Canadiens croient généralement que l'électricité sort du mur.
Actuellement, les gens se disent qu'ils préféreraient une centrale nucléaire qu'ils ne voient pas ou une centrale au charbon qui ne les touche pas directement que de regarder ces maudites choses, parce qu'ils ont payé pour cette vue; ils ont pris leur retraite ici, et ils ne veulent aucunement être mêlés à tout cela. Il leur importe peu que cela rapporte 10 000 $ à l'agriculteur.
C'est simplement une question d'éducation qui prend du temps, et les ressources sont là. Je ne suis pas du tout en faveur du fait d'enterrer cela. Nous devons prendre des décisions difficiles si nous voulons renforcer le pays et assurer la durabilité de notre système énergétique. Aucun pays dans le monde n'est aussi bien placé que le Canada pour le faire.
Le sénateur Neufeld : Je ne suis pas en désaccord avec vous. Toutefois, il y a également beaucoup de travail à faire avec les associations de l'énergie éolienne pour contribuer à ces processus. Que ce soit en Saskatchewan ou ailleurs importe peu. Cela n'a pas d'importance — du moins, c'était le cas en Colombie-Britannique, où on a installé des tours éoliennes. Que les tours appartiennent au public ou non, nous entendons « Je n'en veux pas ici ». Les gens évoquent ensuite tous les problèmes de santé possibles. Nous devons être en mesure de regagner la confiance de gens comme vous et M. Harper et aider les services publics à construire des tours éoliennes.
C'est une chose difficile à accomplir. C'est une responsabilité que je vous confierais.
M. Brothers : Je suis d'accord. Oui, j'apprécie cela.
Le sénateur McCoy : J'avais l'intention de poser des questions sur le stockage, mais notre collègue l'a fait, alors, je vais rester brève.
Nous avons parlé de l'hydroélectricité comme d'une énergie écologique. Vous êtes heureux de dire cela. Quelles sont les conséquences environnementales de l'exploitation de l'énergie hydroélectrique à grande échelle? Vous êtes probablement bien placé pour répondre à cette question, monsieur Brothers.
M. Brothers : Je ne prétendrais pas être un expert de l'hydroélectricité, mais il y a certainement de l'opposition. Disons que nous mettons fin à la production du complexe La Grande, qui s'étend sur 14 000 kilomètres carrés. À présent, une partie des réservoirs se retrouverait dans le bassin fluvial.
Le sénateur McCoy : C'est une forêt boréale inondée.
M. Brothers : C'est exact. Ce sont des puits de carbone qui sont essentiellement retirés. Le fait de prétendre qu'il n'y a aucune incidence est naïf. Il y a certainement une incidence. La quantification de l'incidence est un processus un peu ennuyeux — et je ne possède certainement pas l'expertise pour le faire —, mais, au bout du compte, il y a une incidence, et je ne crois pas qu'il serait raisonnable de s'attendre à ce que nous drainions ces réservoirs. Je crois que nous sommes pris avec ces réservoirs qui sont pleins et qui ont une incidence sur l'environnement. Je crois que l'ajout de réservoirs sera de plus en plus contestable au chapitre des conséquences sur l'environnement.
Le sénateur McCoy : Je vais m'arrêter ici parce que le temps file. Merci beaucoup.
Le président : Cela conclut la séance de ce matin.
Monsieur Harper, nous allons certainement transmettre votre message au Premier ministre Harper à Ottawa.
Nous sommes ravis d'en avoir appris davantage sur la recherche — grâce à vous deux — sur l'énergie éolienne. Je crois que la vision nationale nous intéresse. À l'occasion de son discours d'inauguration, jeudi dernier, le premier ministre Charest a annoncé la nouvelle initiative visant le Nord du Québec, et je suis certain que cela sera parfaitement compatible.
Merci beaucoup d'avoir témoigné et de nous avoir éclairés sur la question.
(La séance est levée.)