Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones
Fascicule 37 - Témoignages du 28 mai 2013
OTTAWA, le mardi 28 mai 2013
Le Comité sénatorial permanent sur les peuples autochtones se réunit aujourd'hui, à 9 h 30, pour examiner, en vue d'en faire rapport, les responsabilités constitutionnelles, conventionnelles, politiques et juridiques du gouvernement fédéral à l'égard des Premières nations, des Inuits et des Métis, ainsi que d'autres questions générales relatives aux peuples autochtones du Canada.
Le sénateur Vernon White (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Bonjour, mesdames et messieurs. Je tiens à souhaiter la bienvenue aux honorables sénateurs ainsi qu'aux membres du public qui, sur CPAC ou sur Internet, assistent à cette réunion du Comité sénatorial permanent sur les peuples autochtones.
Je m'appelle Vern White. Je suis un sénateur de l'Ontario et président de ce comité qui a pour mandat d'étudier la législation et les questions concernant, de manière générale, les peuples autochtones du Canada. Lorsqu'il réfléchit aux études qu'il envisage d'entreprendre, le comité demande de temps à autre à des personnes, des organisations ou des ministères de lui présenter un exposé général sur divers sujets relevant de leur domaine.
Des témoins ont récemment évoqué la situation des peuples autochtones vis-à-vis la justice pénale. Poursuivant nos travaux sur la question, nous accueillons aujourd'hui des représentantes du ministère fédéral de la Justice.
Avant de donner la parole à nos témoins, je vais demander aux membres du comité qui siègent ce matin de se présenter. Commençons par la sénatrice Dyck, vice-présidente du comité.
La sénatrice Dyck : Bonjour. Je suis Lillian Dyck, sénatrice de la Saskatchewan.
La sénatrice Lovelace Nicholas : Je suis la sénatrice Lovelace Nicholas, du Nouveau-Brunswick.
[Français]
Le sénateur Demers : Bonjour. Sénateur Jacques Demers, de la province de Québec.
Le sénateur Dagenais : Bonjour. Sénateur Jean-Guy Dagenais, de la province de Québec.
[Traduction]
La sénatrice Beyak : Bonjour. Je suis la sénatrice Beyak, de l'Ontario.
Le sénateur Tannas : Bonjour. Scott Tannas, de l'Alberta.
Le président : Je vous remercie. Je vous demande de vous joindre à moi pour accueillir les représentantes du ministère de la Justice : Barbara Merriam, directrice générale, Direction générale des programmes; Candice St-Aubin, directrice par intérim, Justice applicable aux Autochtones. Nous allons d'abord entendre votre exposé, après quoi les sénateurs auront, j'en suis sûr, des questions à vous poser. Madame, vous avez la parole.
Barbara Merriam, directrice générale, Direction générale des programmes, ministère de la Justice Canada : Mesdames et messieurs membres du comité, bonjour. Je vous remercie de l'occasion qui m'est ainsi donnée de prendre la parole devant vous.
[Français]
Nous attendons avec impatience notre discussion et nous espérons pouvoir vous aider à comprendre un programme en particulier, la Stratégie relative à la justice applicable aux Autochtones.
[Traduction]
Je vais commencer par quelques brèves observations, après lesquelles je crois savoir que nous passerons aux questions et aux réponses.
Permettez-moi de commencer par un aperçu de la Stratégie relative à la justice applicable aux Autochtones. Depuis sa mise en œuvre en 1991, en réponse à la surreprésentation des peuples autochtones dans le système correctionnel fédéral, et afin d'améliorer leur accès à la justice, cette stratégie soutient, de manière efficace et économique, des programmes de justice communautaire qui tiennent compte de la dimension culturelle.
Bien qu'il s'agisse d'une initiative fédérale, les coûts de la Stratégie relative à la justice applicable aux Autochtones sont partagés avec les provinces et territoires. Il y a, en outre, un apport des collectivités autochtones. Ces programmes sont à la fois uniques et novateurs, car les services qu'ils offrent en matière de justice se fondent sur des priorités définies par les collectivités à qui ils s'adressent.
Qu'ils habitent dans des réserves ou en dehors des réserves, dans les régions urbaines ou rurales, ou dans les collectivités du Nord, les contrevenants sont tenus de répondre des torts qu'ils ont causés en prenant part à des programmes qui administrent la justice tout en tenant compte de la dimension culturelle.
[Français]
La Stratégie relative à la justice applicable aux Autochtones a été élargie en 2007 de manière à permettre la création de nouveaux programmes, en particulier dans le Nord et en milieu urbain, et à augmenter les activités de prévention auprès des jeunes.
[Traduction]
Sont actuellement financés au titre de cette stratégie, environ 275 programmes dans plus de 800 collectivités réparties à travers le Canada. Ces programmes s'inscrivent dans le cadre du droit canadien et viennent compléter notre système de justice, conformément aux normes juridiques et aux procédures judiciaires en vigueur.
Officialisés à titre de mesures de rechange prévues à l'article 717 du Code criminel, et de mesures extrajudiciaires prises en vertu de l'article 4 de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, les critères de déjudiciarisation retenus dans le cadre de la Stratégie relative à la justice applicable aux Autochtones sont les mêmes que pour les non-Autochtones. Les programmes de justice communautaire concernent essentiellement les crimes de moindre gravité dénués de violence et contribuent à prévenir l'aggravation des comportements en cause.
D'autres témoins ont dit au comité que la surreprésentation des peuples autochtones au sein de notre système de justice pénale a quelque chose de préoccupant. En 2010-2011, par exemple, 27 p. 100 des adultes détenus dans des établissements provinciaux et territoriaux, et 20 p. 100 des personnes incarcérées dans des établissements fédéraux étaient des Autochtones. Ce taux est de sept à huit fois plus élevé que ne le justifierait la proportion d'Autochtones au sein de la population canadienne adulte.
Les programmes mis en œuvre dans le cadre de la Stratégie relative à la justice applicable aux Autochtones cherchent à corriger cette surreprésentation par des mesures de déjudiciarisation permettant d'appliquer aux contrevenants des mesures alternatives prises dans le cadre de la collectivité.
L'analyse des résultats de cette stratégie démontre que les individus qui participent aux programmes financés au titre de la Stratégie relative à la justice applicable aux Autochtones ont moins de chances de récidiver que les autres.
Dans les huit ans qui suivent la participation à un de ces programmes, le taux de récidive est sensiblement plus faible, ce qui semble être l'indice de résultats durables. On peut ainsi dire que la Stratégie relative à la justice applicable aux Autochtones entraîne une diminution de la criminalité et des taux d'incarcération parmi les Autochtones et contribue à interrompre le cycle de la violence.
Si les programmes financés dans le cadre de la Stratégie relative à la justice applicable aux Autochtones s'inscrivent dans le continuum judiciaire, il convient de préciser qu'ils ne fonctionnent pas en coopération directe avec les systèmes correctionnels fédéral ou provinciaux, mais offrent, lorsque les circonstances s'y prêtent, une solution de rechange à la justice traditionnelle.
Il existe, en particulier pour les jeunes, de nombreux programmes préventifs visant à atténuer leurs démêlés avec la justice pénale. Il y a d'un autre côté, des programmes qui visent à préparer les délinquants autochtones à leur libération afin de faciliter leur réinsertion au sein de leur collectivité d'origine.
[Français]
Bon nombre des programmes de justice communautaire de la SJA mettent l'accent sur la déjudiciarisation qui vise à soustraire des délinquants au système de justice traditionnel.
[Traduction]
La déjudiciarisation est un outil discrétionnaire que, avec l'assentiment de la collectivité, la police et le ministère public peuvent employer pour les infractions qui leur semblent se prêter à une résolution extrajudiciaire, essentiellement lorsqu'il s'agit de crimes non accompagnés de violence. Les programmes mis en œuvre dans le cadre de cette stratégie aident à éviter l'aggravation des comportements délictuels.
[Français]
Il faut que tous les fonctionnaires compétents du système de justice consentent à la déjudiciarisation pour qu'un délinquant puisse participer à un programme de la SJA.
[Traduction]
Sont régulièrement appelés à intervenir dans le cadre des programmes de la Stratégie relative à la justice applicable aux Autochtones, la police, la GRC, les procureurs de la Couronne, la défense, les juges de paix ou agents de probation. Un contrevenant peut être mis en rapport avec ces programmes, soit par l'un de ces intervenants, soit par un représentant de la collectivité ou un membre de la famille. L'intéressé peut également s'adresser lui-même au programme, ou être orienté vers lui par d'autres professionnels de la justice tels que les conseillers parajudiciaires autochtones.
Selon un deuxième critère d'admissibilité, le contrevenant doit assumer sa faute et convenir de respecter des conditions rigoureuses. Selon certains contrevenants, ces normes très strictes de responsabilité constituent une sanction plus sévère qu'une peine de prison.
Les solutions de rechange que sont les programmes de la Stratégie relative à la justice applicable aux Autochtones coûtent en outre moins cher que les procédures judiciaires traditionnelles. En 2008, chaque personne suivant la filière judiciaire traditionnelle a, en moyenne, coûté 3 472 $ en frais de justice et d'aide juridique, alors que, pour chaque personne admise à un programme relevant de la Stratégie relative à la justice applicable aux Autochtones, les coûts s'élevaient en moyenne à 3 149 $. Chaque participant à un tel programme permet donc à la justice traditionnelle d'économiser dans l'immédiat environ 322 $.
[Français]
La SJA permet des économies de coûts encore plus grandes si l'on tient compte des économies qui seront réalisées grâce à la réduction des taux de récidive.
[Traduction]
Les programmes de la Stratégie relative à la justice applicable aux Autochtones procurent ainsi aux gouvernements des économies tant à court terme qu'à long terme, car ils réduisent les coûts, interrompent le cycle d'aggravation des délits, où le contrevenant passe presque invariablement d'une prison provinciale à un pénitencier fédéral, et libèrent des ressources policières, judiciaires et correctionnelles, qui peuvent ainsi lutter contre des crimes plus graves. Cela permet à la police, ainsi qu'aux services judiciaires et correctionnels, de concentrer leur action sur les délits les plus graves. Précisons que dans de nombreuses collectivités éloignées, notamment dans le Nord, les services judiciaires manquent de moyens, ou manquent tout simplement. Les programmes financés par la Stratégie relative à la justice applicable aux Autochtones ouvrent l'accès aux services de justice, permettant aux collectivités de réagir localement à la criminalité par des moyens qui tiennent compte du contexte culturel. De telles solutions coûtent moins cher que le recours aux procédures judiciaires traditionnelles, et permettent souvent de réagir de manière plus immédiate.
En donnant aux diverses collectivités les moyens de développer, dans le cadre de la justice canadienne, des mesures de rechange prenant en compte les spécificités culturelles, les programmes de la Stratégie relative à la justice applicable aux Autochtones constituent en outre une réponse au sentiment d'aliénation que de nombreux Autochtones éprouvent face à la justice traditionnelle. Cela permet aux collectivités autochtones, aux contrevenants et aux victimes d'accéder à la justice sur un meilleur pied d'égalité.
Voilà, les quelques observations que je souhaitais faire à titre préliminaire. C'est très volontiers que Mme St-Aubin et moi allons maintenant répondre aux questions que voudront nous poser les membres du comité.
Le président : Tout à l'heure, j'ai dit St-Amour, et je demande à Mme St-Aubin de m'en excuser. J'aurais dû consulter l'ordre du jour. J'ajoute que siègent également le sénateur Munson, le sénateur Watt, la sénatrice Seth et la sénatrice Raine.
La sénatrice Dyck : Je vous remercie de votre exposé. Au cours des 10 dernières années, le nombre de femmes autochtones incarcérées dans des prisons fédérales a doublé. Selon vous, la Stratégie relative à la justice applicable aux Autochtones a entraîné une baisse de la récidive. Il est cependant évident que cette stratégie n'est pas, en ce qui concerne les femmes, entièrement satisfaisante. Je me demande également quels sont les résultats de cette stratégie en ce qui concerne les jeunes. Nous savons en effet que la cohorte des jeunes est très importante. Que manque-t-il dans les mesures prises à l'égard des femmes? Qu'envisage-t-on de faire vis-à-vis des jeunes exposés à la délinquance?
Candice St-Aubin, directrice par intérim, Justice applicable aux Autochtones, ministère de la Justice Canada : La question se pose en effet. Vous avez raison, et nous l'avons nous-mêmes constaté. Comme Mme Merriam vient de le dire, nos programmes ont été renforcés en 2007, notamment dans les zones urbaines prioritaires, dans le Nord et en ce qui a trait aux jeunes puisque, effectivement, c'est le secteur de la population canadienne qui croît le plus rapidement.
En ce qui concerne, maintenant, les femmes et leur taux d'incarcération, nous œuvrons en étroite collaboration avec nos partenaires fédéraux dans le cadre de programmes visant à prévenir la violence faite aux femmes et aux filles autochtones. Nous avons mis sur pied des projets s'adressant particulièrement aux femmes qui ont affaire à la justice pénale, soit en tant que contrevenantes, soit en tant que victimes. Les diverses collectivités peuvent, dans le cadre de la Stratégie relative à la justice applicable aux Autochtones, concevoir un programme qui correspond aux besoins actuels de la collectivité. Nous veillons à ce qu'il soit représentatif des sexes, mais il ne s'adresse, dans aucune zone cible, uniquement aux femmes ou aux hommes. Nous constatons que certains programmes commencent à répondre particulièrement à ces problèmes au fur et à mesure qu'ils s'imposent dans le cadre du débat plus large sur la justice pénale et la justice autochtone.
La sénatrice Dyck : Puis-je maintenant vous demander si, lorsque vous vous penchez sur les statistiques, vous cherchez à savoir si la personne concernée vit dans une réserve ou en dehors? Nous avons évoqué la question des violences familiales. Je ne sais pas si des données statistiques permettent de constater une différence entre ce qui se produit dans les réserves et ce qui se produit en dehors, ou si divers facteurs font que les femmes ou les jeunes qui vivent en dehors des réserves sont plus fréquemment incarcérés.
Mme Merriam : Je ne pense pas que les données distinguent les deux situations. Nos programmes s'appliquent tant aux personnes qui vivent dans les réserves qu'à celles qui vivent en dehors, et nous nous attachons à travailler de concert avec les collectivités autochtones où qu'elles soient installées, concentrant notre attention sur les groupes de personnes auprès desquels la collectivité entend intervenir.
Mme St-Aubin : Pourrais-je ajouter que lorsque nous recueillons des données, c'est la protection des renseignements personnels qui prime. Ainsi, et cela est particulièrement vrai en ce qui concerne les populations urbaines, nous ne recueillons pas de renseignements qui seraient contraires à ce principe, et nous n'insistons pas auprès des gens qui hésitent à répondre. Il arrive un moment point où il est difficile d'obtenir des précisions à cet égard, mais je pense pouvoir dire que cela se produit effectivement, même si c'est relativement rare.
Le sénateur Demers : Pour poursuivre dans le même ordre d'idées que la sénatrice Dyck, pourrait-on savoir si les femmes et les jeunes filles autochtones éprouvent, au sein du système correctionnel canadien, des difficultés particulières?
Mme Merriam : La question mérite effectivement d'être posée. Nous ne pouvons malheureusement pas y répondre, car nous faisons porter nos efforts sur des programmes qui permettent, justement, de leur éviter la prison. Nous participons aussi à des programmes à l'intention des détenues qui sont libérées et qui reviennent dans la petite collectivité dont elles sont originaires, mais nous ne travaillons pas dans le cadre du système correctionnel.
Le sénateur Demers : On a l'impression que, ces derniers temps, ce sont davantage les femmes autochtones que les hommes qui sont incarcérés. Comment s'expliquer cela? Je suis père de trois filles et s'il est triste de voir cela arriver à des jeunes hommes, je trouve ça particulièrement triste lorsque ce sont de jeunes femmes qui sont emprisonnées. Savons-nous pourquoi? S'occupe-t-on trop peu des filles? Que se passe-t-il à cet égard? C'est un grave sujet de préoccupation.
[Français]
Mme St-Aubin : Bonjour. Merci beaucoup pour votre question. C'est vraiment à propos.
[Traduction]
Vous avez raison. Les statistiques démontrent que le taux d'incarcération des femmes autochtones semble s'être accéléré par rapport à la situation des 20 dernières années. Hélas, comme Mme Merriam vient de le dire, nos programmes concernent les jeunes et la déjudiciarisation. Dans le cadre de la Stratégie relative à la justice applicable aux Autochtones, nous n'avons pas effectué de recherches qui permettraient de préciser, au niveau des taux d'incarcération, les problèmes particuliers auxquels font face les hommes ou les femmes. Cela ne veut certainement pas dire qu'il ne s'agisse pas d'un problème qui mérite d'être approfondi.
La sénatrice Lovelace Nicholas : Soyez les bienvenues. Pouvez-vous nous préciser à peu près le pourcentage de personnes issues des Premières Nations et qui, au ministère de la Justice, ont les compétences requises pour s'occuper de jeunes Autochtones?
Mme St-Aubin : Voulez-vous dire dans le cadre de nos programmes? Je ne saurais vous répondre de manière précise, mais il me paraît probable qu'environ 98 p. 100 des personnes qui travaillent dans le cadre de programmes de la Stratégie relative à la justice applicable aux Autochtones sont, effectivement, des Autochtones. À la Direction de la justice applicable aux Autochtones nous nous sommes notamment penchés sur la question de la participation au marché du travail. Nous avons pu constater que, dans les collectivités où existent de tels programmes, ceux-ci sont mis en œuvre par des membres de la collectivité.
Lorsque le programme comprend un volet services sociaux, la formation nécessaire a lieu au sein même de la collectivité et ce sont donc, dans toute la mesure du possible, des Autochtones qui assurent la formation et qui interviennent auprès des jeunes.
En ce qui concerne nos partenaires, tels que la GRC, la police des Premières Nations, les agents de libération conditionnelle et procureurs de la Couronne, nous souhaiterions, bien sûr qu'ils soient tous autochtones, mais ce n'est hélas pas toujours le cas.
La sénatrice Lovelace Nicholas : Existe-t-il des programmes qui permettraient de financer la formation des Autochtones qui souhaiteraient travailler dans le domaine de la justice?
Mme St-Aubin : Nous avons, en fait, dans le cadre de la Stratégie relative à la justice applicable aux Autochtones, deux enveloppes budgétaires. La première concerne les programmes de justice communautaire. Il s'agit, en général, de programmes pluriannuels. Nous lançons également chaque année un appel d'offres qui concerne le renforcement des capacités et la formation. L'année passée, nous avons financé 19 projets, pour un montant total dépassant 750 000 $. Nous avons assuré une formation dans plus de 150 collectivités. Là encore, le financement est fondé sur des propositions. Chaque année, donc, nous lançons un appel d'offres auquel prennent part les collectivités autochtones. L'année dernière, une de nos meilleures années, y ont participé des collectivités installées dans toutes les régions du Canada. Seuls les auxiliaires de justice autochtones peuvent bénéficier de ces fonds.
La sénatrice Lovelace Nicholas : Vous n'ignorez pas que de nombreux programmes ont été coupés, et que les jeunes ont, pour cette raison, du mal à obtenir une aide juridique. Que se passe-t-il en pareil cas?
Mme Merriam : De quels programmes s'agit-il?
La sénatrice Lovelace Nicholas : Des programmes d'aide juridique ou d'assistance judiciaire.
Mme Merriam : Oui. Cela se situe en dehors du programme de justice applicable aux Autochtones. Les programmes d'aide juridique relèvent des provinces ou des territoires bien qu'il y ait un apport financier du gouvernement fédéral. Il existe, effectivement, un programme d'aide juridique. Je peux même dire que ce programme n'a subi aucune coupure budgétaire, si bien qu'il sera maintenu.
Je conviens que d'autres programmes ont été coupés et que des jeunes vont peut-être passer à travers les mailles du filet. Pour ce qui est de ce programme précis, c'est-à-dire la Stratégie relative à la justice applicable aux Autochtones, les programmes à l'intention des collectivités demeurent inchangés.
La sénatrice Lovelace Nicholas : Pensez-vous qu'à l'avenir les crédits seront restaurés?
Mme Merriam : Cette question s'adresse plutôt au ministre des Finances.
Mme St-Aubin : Nous sommes heureux de voir que nous avons bénéficié de deux renouvellements d'un an, les crédits destinés aux collectivités n'ayant pas été amputés. Nous tenterons à l'automne d'obtenir un autre renouvellement.
La sénatrice Lovelace Nicholas : Je vous remercie.
Le président : Voilà une réponse positive. Je voudrais, avant de revenir aux personnes inscrites sur ma liste, vous poser une question.
Vous avez parlé du type de contrevenants qui sont les mieux à même de bénéficier des programmes de justice réparatrice ou communautaire. Il y a huit points d'entrée aux programmes de justice réparatrice, le premier se situant à l'étape qui précède le dépôt de la plainte, le dernier suivant la remise en liberté. Pourquoi ne pas recourir à un programme de réconciliation entre victimes et contrevenants, surtout dans les cas où les faits de violence sont les plus nombreux? Certains de ces programmes donnent à cet égard de très bons résultats.
Mme St-Aubin : Nous venons récemment de nous pencher sur les types d'infractions commises par les gens qui participent à nos programmes. Il s'agit, en général, d'infractions relativement mineures. Pour pouvoir nous occuper des auteurs d'infractions plus graves, je pense qu'il nous faudrait peut-être un programme de plus grande envergure. Cela n'a jamais été le but de la Stratégie relative à la justice applicable aux Autochtones. Cela dit, notre stratégie a été instaurée il y a déjà 20 ans, et la situation démographique et d'autres réalités ont évolué depuis.
Un examen de nos programmes a révélé quelque chose d'important. C'est que nous laissons, à la GRC et aux procureurs de la Couronne le soin de décider qui va bénéficier d'une mesure de déjudiciarisation. C'est laissé à leur appréciation. Mais ils peuvent estimer que la déjudiciarisation ne convient guère aux crimes accompagnés de violence.
Le président : Ce n'est pas pour ergoter, mais je ne parlais pas de déjudiciarisation, car cela intervient avant le dépôt de la plainte ou avant la condamnation. Je voulais parler de réinsertion et de réconciliation entre la victime et le contrevenant. On peut, en cela, faire abstraction à la fois de la police, de la Couronne et du Service correctionnel, car ce qui est en cause, c'est le bien-être de la collectivité. Prenez le cas d'un délinquant qui a passé six ans au pénitencier de Kingston, à Millhaven ou à Pittsburgh, et qui revient, par exemple, dans la collectivité du sénateur Watt, sans qu'on ait prévu la moindre mesure de réinsertion. Rien d'utile n'a été fait alors qu'il est presque certain qu'il retournera dans sa collectivité d'origine.
Je ne parle donc pas de déjudiciarisation. Je n'aime d'ailleurs pas ce terme, car ce qui importe, pour moi, c'est la justice réparatrice communautaire. En ce qui concerne le récidiviste, je me demande, dans la mesure où l'on doit se soucier de la santé et de la sécurité des collectivités, s'il ne conviendrait pas de financer des efforts en ce sens. Je ne suis pas certain qu'il soit actuellement utile de s'occuper essentiellement des auteurs de délits mineurs.
Mme St-Aubin : Je vous remercie. Cette précision m'est utile, car je comprends mieux maintenant de quoi il s'agit. Je peux dire que nous travaillons également de concert avec le Service correctionnel du Canada. La planification de la réinsertion sociale fait partie du mandat et des activités du service correctionnel aux termes de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition. Cette loi contient une disposition qui s'applique spécifiquement à la réinsertion de délinquants autochtones. Il s'agit de l'article 84 qui prévoit ce rôle essentiel. Nous savons, après avoir consulté leurs programmes communautaires, que de telles mesures sont parfois indiquées et faisables. Les budgets de tous les organismes sont un peu minces et il est désormais difficile de demander aux comités de justice communautaire d'assumer en plus une mission de réinsertion. Les intervenants en justice souhaitent, pour leur part, y parvenir, car c'est de leurs collectivités qu'il s'agit.
Ces collectivités accueillent donc les contrevenants qui ont eu maille à partir avec la justice. Elles souhaitent assurer la santé de la collectivité. Nous faisons ce que nous pouvons pour contribuer à leurs efforts en ce sens, mais, encore une fois, il faudra que le Service correctionnel du Canada fasse sa part. Nous allons pour cela devoir renforcer les collaborations en ce domaine, car, en matière de plans de réinsertion, les besoins se manifestent.
Le président : Nous allons inviter ses représentants à comparaître devant le comité.
Le sénateur Munson : Je vous remercie d'avoir répondu à l'invitation du comité. Il est possible que vous ayez évoqué certaines de ces questions avant notre arrivée, mais je voudrais vous poser une question au sujet des Premières Nations, des Métis et des Inuits. A-t-on constaté, entre ces trois peuples, une différence au niveau des facteurs de risque entraînant une plus grande probabilité de démêlés avec la justice? Si c'est effectivement le cas, pourriez-vous nous expliquer ce qu'il en est?
Mme St-Aubin : La question mérite d'être posée, sénateur Munson, mais c'est une question difficile et je dois vous répondre qu'il ne s'agit malheureusement pas d'un sujet sur lequel nous nous soyons penchés dans le cadre de cette stratégie. J'hésite donc à hasarder une réponse. La situation de chacun a quelque chose d'unique, en partie en raison de la géographie, des perspectives de travail et à tout un ensemble de déterminants sociaux.
Le sénateur Munson : Je comprends.
Nous avons auditionné M. Howard Sapers, l'enquêteur correctionnel. Avez-vous eu accès à son témoignage?
Mme St-Aubin : Oui.
Mme Merriam : Oui.
Le sénateur Munson : Certaines parties de son témoignage étaient plutôt terrifiantes et ont éveillé à certaines réalités les membres du comité. Qu'en avez-vous pensé? Il accorde une importance équivalente aux pavillons de ressourcement dirigés par des Autochtones, recommande la création d'un poste de sous-commissaire et l'élargissement de son programme de formation du personnel. La situation qu'il décrit est épouvantable, même s'il ne force pas la note.
Pourriez-vous nous dire ce que vous pensez des recommandations formulées dans le cadre de son rapport, Une question de spiritualité? J'ai l'impression qu'on n'a pas retenu grand-chose de ce qu'il dit de la situation, de ce qu'il conviendrait, selon lui, de changer dans notre système carcéral et de ce qui devrait être fait avant même que des Autochtones s'y retrouvent, que ce soit des jeunes, des femmes ou des hommes.
Mme Merriam : Je ne pense pas être en mesure de me prononcer sur ses recommandations. Elles concernent le système correctionnel fédéral, qui relève non pas du ministère de la Justice, mais du ministère de la Sécurité publique. Ce serait, par conséquent, au ministre de la Sécurité publique de décider de la mise en œuvre des recommandations contenues dans son rapport.
Le sénateur Munson : Tout est lié.
Mme Merriam : Je le reconnais, mais, en ce qui nous concerne, nous tentons d'éviter que les gens se retrouvent en prison, que ce soit des prisons provinciales ou des pénitenciers fédéraux. Il s'agit de programmes de déjudiciarisation et nos efforts se situent, si vous voulez, à l'autre bout de la chaîne. Nos programmes ne s'adressent pas aux gens qui sont incarcérés.
Le sénateur Munson : Je comprends bien. Je vous remercie.
La sénatrice Raine : Je vous remercie de votre présence ici ce matin. Il est très encourageant d'entendre qu'au vu des études que vous avez menées, vos programmes donnent de bons résultats. C'est pour nous une bonne nouvelle.
Pourriez-vous nous en dire un peu plus au sujet d'un programme typique? Quel est l'âge des jeunes auprès desquels vous tentez d'intervenir? Comment ces programmes sont-ils mis sur pied? Y intégrez-vous les sports, les arts et la culture?
Mme St-Aubin : C'est, d'après moi, toute la question de la Stratégie relative à la justice applicable aux Autochtones. « Pourriez-vous nous décrire un programme typique? » Je voudrais bien être en mesure de le faire. Il ne s'agit pas, cependant, d'un système de franchise et c'est d'ailleurs une des raisons qui expliquent pourquoi nous parvenons à affecter le taux de récidive.
Permettez-moi de vous citer également l'exemple d'un programme dans le cadre duquel il m'a récemment été donné l'occasion de participer. Dans le Nord de la Colombie-Britannique, dans la région la plus haute à laquelle on puisse tout de même accéder par avion de brousse, je me suis retrouvée avec 14 contrevenantes, ce qui nous ramène à la situation des femmes. J'ai dû emprunter quatre avions pour m'y rendre. Ces femmes, les 14 contrevenantes, à qui l'on reproche diverses atteintes à la loi, allant d'infractions mineures à la législation sur les drogues, jusqu'aux coups et blessures, avaient parcouru à pied 42 kilomètres avec leurs sacs à dos et leurs chiens de somme. Elles étaient seulement accompagnées d'aînées. Alors que je suis arrivée par avion et que j'ai pu monter ma tente, elles couchaient à même le sol, face à leurs démons, à qui elles devaient de se retrouver là. Après deux jours de randonnée en terrain escarpé, elles étaient rompues de fatigue. Elles avaient abaissé les défenses au moyen desquelles elles tentaient, depuis des années, de se protéger du monde extérieur. J'ai pu, dans le cadre de ce programme, voir ces femmes parvenir, en toute autonomie, à vivre de la terre. Nous avons chassé ensemble.
Je me suis, en tant qu'Autochtone, sentie inspirée et valorisée, lorsque je les ai vues parler pour la première fois de ce qu'elles avaient subi, et des situations qui avaient fait qu'elles se retrouvaient là. Elles étaient accompagnées de leurs conseillères avec lesquelles elles s'entretenaient. Elles discutaient avec les aînées. De nombreuses aînées de la collectivité participent en effet à ce programme. Ce programme a duré quatre semaines et s'est déroulé là, dans les forêts du Nord de la Colombie-Britannique. Le fait de voir ces femmes prendre une part active à ce programme, y participer pleinement, m'a fait comprendre ce que peut accomplir la justice réparatrice.
Pour ces femmes, le plus dur n'était pas de grimper par ces chemins montagneux, mais bien d'accepter de participer au programme. Pour beaucoup de ceux et de celles qui participent à nos programmes, il est beaucoup plus facile de ne pas avoir à se retrouver face à leurs victimes, de ne pas avoir à se retrouver au sein des collectivités témoins de ce qui s'est passé, et plus facile de faire face à la justice pénale et de passer quelques mois ou quelques années en prison nourris et logés. Ce n'est qu'un exemple parmi d'autres.
Permettez-moi de vous citer également l'exemple d'un programme dans le cadre duquel des contrevenantes pouvaient, pour la première fois, être rejointes par leurs enfants qui avaient été confiés aux services à l'enfance et à la famille. Des programmes ont été instaurés dans les réserves, au sein des systèmes scolaires, mais aussi à l'intention des jeunes en zone urbaine. Certains programmes ont lieu en campement et d'autres organisent des activités auxquelles les délinquantes peuvent participer avec leur bébé. C'est dire qu'il y a tout un éventail de programmes, dont certains dans le cadre desquels les hommes, avec l'aide de divers organismes, s'initient à la maîtrise de la colère afin de pouvoir, lorsqu'ils réintègrent leurs collectivités et leurs foyers, utiliser les méthodes qu'ils ont acquises afin d'éviter de nouvelles violences familiales.
Le grand intérêt des programmes relevant de la Stratégie relative à la justice applicable aux Autochtones est qu'ils permettent à la collectivité et aux aînés de définir quels sont, à un moment donné, les besoins de la collectivité. On n'a jamais recours à une approche générale qui vaudrait pour toutes les situations. Tout dépend en fait de la localité en cause, car les programmes mis en place au Nunavut sont tout à fait différents des programmes que l'on peut trouver à Montréal ou à Winnipeg. C'est, selon nous, une des raisons qui expliquent le succès de notre action.
Il est possible que les peuples autochtones soient de plus en plus surreprésentés en milieu carcéral. Nous n'avons malheureusement pas été en mesure de suivre le développement démographique des peuples autochtones, mais nous avons enregistré des résultats dont nous estimons pouvoir être fiers.
La sénatrice Raine : À partir de quel âge peut-on participer à vos programmes?
Mme St-Aubin : À partir de l'âge de 10 ou 12 ans. Nos programmes s'adressent en fait aux jeunes de 12 ans, à moins qu'il s'agisse d'enfants qui y prennent part avec leur mère ou leur père ou d'un programme axé sur la famille. De manière générale, cependant, nos programmes s'adressent à des jeunes scolarisés de 10 ou 12 ans.
La sénatrice Raine : Vous n'ignorez pas que l'un des problèmes provient du fait qu'il n'y a rien à faire dans les réserves et que les jeunes sont désœuvrés. Ne pouvant pas occuper de manière productive leurs loisirs, ils sont attirés par les gangs. Certains de vos programmes sont-ils à l'intention de jeunes qui n'ont peut-être pas eu de démêlés avec la justice, mais qui sont tout simplement désœuvrés?
Mme St-Aubin : C'est là qu'interviennent nos liens et partenariats avec la police des Premières Nations ou la GRC, ou même avec des membres de la collectivité. En effet, les membres de la collectivité peuvent orienter les jeunes vers des programmes de prévention, ou dans le cadre desquels ils vont pouvoir rencontrer d'autres jeunes et se lier avec d'autres enfants. Pour moi, ce qu'on appelle les jeunes sont encore des enfants. Les aînés peuvent les orienter vers un programme dans le cadre duquel sont organisées des activités préventives auxquelles ils vont pouvoir prendre part après l'école, mais où il s'agit essentiellement de les occuper et de développer chez eux les aptitudes à la vie en société dont ils auront besoin plus tard. Il s'agit, encore une fois, de choses qui sont décidées en fonction de la collectivité.
La sénatrice Raine : Lorsque vous constatez le succès d'un programme, faites-vous part de ce succès aux aînés et leaders communautaires dans d'autres régions? Cela serait utile, me semble-t-il. Lorsque vous voyez que quelque chose marche, il faut le faire savoir.
Mme St-Aubin : Au cours des trois dernières années, nous avons entrepris une série de dialogues avec des membres de la collectivité, en partenariat avec les provinces et les territoires. Il en est ressorti une série d'histoires de réussite réunies dans un document que nous sommes maintenant en mesure de diffuser plus ouvertement. Cela aussi a créé une possibilité. Nous sommes allés dans toutes les régions et avons réuni tous nos programmes et tous nos aînés, les dirigeants autochtones, ainsi que les provinces et les territoires. Ils ont eu ainsi la possibilité d'échanger. Une fois de plus, cela a été purement au niveau provincial et au niveau territorial, et non pas au niveau national. Cependant, ils ont eu la possibilité d'échanger et nous avons vu comment le partage des renseignements était enrichissant et ce qui fonctionne, car les collectivités font actuellement face à de nombreux éléments communs. La technologie est un sujet important pour eux présentement, ainsi que le suicide chez les jeunes, par exemple. Il y a eu certaines discussions, mais à l'échelle nationale, probablement pas autant que j'aurais aimé. Nous tentons de diffuser les renseignements autant que possible.
La sénatrice Raine : Il se peut que cela ne soit pas approprié à une échelle nationale en raison des différences qui existent entre les collectivités et leurs cultures.
Mme St-Aubin : Les cultures sont différentes, vous avez raison.
Le sénateur Watt : Merci de votre exposé. Si je comprends bien, tous les programmes dont vous parlez visent les Premières Nations hors réserve et dans les réserves. Je crois aussi qu'ils visent aussi les Métis et les Inuits. Qui a accès à ces programmes et par quels moyens? Je n'ai jamais entendu parler des programmes que vous mentionnez. Je viens du Nord, du Nunavik, et nous avons un grand nombre de problèmes. Nous essayons de trouver des solutions à nos propres problèmes, ce qui n'est pas toujours facile. D'où obtenez-vous l'argent pour accomplir certaines choses? Pouvez-vous m'éclairer à ce sujet, pour commencer?
Mme St-Aubin : Merci de votre question, sénateur. Les Premières Nations, les Inuits et les Métis accèdent à nos programmes et, de fait, nous avons des programmes dans toutes les collectivités de Nunavik. Je regarde mon coordonnateur du Québec. Nous travaillons étroitement avec le gouvernement du Québec. Nous partageons les coûts à parts égales. Nous avons des programmes dans toutes les collectivités inuites à Nunavik, ainsi que dans certaines régions du Sud du Québec.
Là encore, en ce qui concerne la Stratégie relative à la justice applicable aux Autochtones, le fait que ce ne sont pas de grands programmes est un problème, à notre avis. Ils ne sont pas des YMCA. J'ai vu dans nos évaluations qu'une partie du problème relève de la difficulté à faire connaître l'existence de ces programmes. Dans certains cas, ce ne sont qu'une ou deux personnes qui travaillent à partir du bureau de la bande ou peut-être même à partir d'une pièce dans un organisme, tentant d'attirer des « clients ». Il s'agit en grande partie de communiquer avec les membres de la collectivité, la GRC, la Sûreté du Québec ou toute autre entité pour dire que ces programmes existent et peuvent être utilisés.
À mon avis, d'après certaines de nos évaluations, il y a peut-être une certaine faiblesse au niveau de la stratégie de communication. Nous avons des problèmes comme le fait que quelqu'un ignore l'existence d'un programme dans une collectivité, parce que nous n'avons pas fait assez pour amener la Couronne, les agents de probation et le système au complet à savoir que nous sommes là et que nous sommes une option. Bien des gens ne se rendent pas compte qu'ils peuvent recourir à ce programme pour la déjudiciarisation ou la réinsertion sociale. Je crois que c'est probablement un problème. J'ai déjà entendu des personnes dire : « Je ne savais pas qu'il y avait un tel programme dans ma collectivité, parce qu'elle est si petite. »
Le sénateur Watt : Si je comprends bien — et reprenez-moi si je me trompe —, vous vous occupez du début et de la fin seulement, mais vous ne participez pas à ce qui se passe entre les deux.
Comment pouvez-vous déterminer quel programme est approprié et quel programme ne l'est pas si vous ne comprenez pas clairement ce qui se passe au milieu? Quand je dis « milieu », je parle des gens qui sont dans les pénitenciers. Si j'ai bien compris, vous dites que vous n'avez pas de programmes à leur intention, mais que vous avez des programmes de prévention et de réadaptation au niveau de la collectivité. Ai-je bien compris?
Mme St-Aubin : Oui, c'est exact.
Le sénateur Watt : Nous ne fonctionnons pas selon le système des bandes. Nous sommes très différents des Premières Nations, parce que nous avons des municipalités, un gouvernement local, un gouvernement régional et des modalités de financement qui sont reliées au gouvernement du Québec et au gouvernement du Canada. Si un cas relève du fédéral, d'après la formule de financement convenue, le gouvernement fédéral est supposé fournir 75 p. 100. S'il relève du provincial, la province est supposée fournir 75 p. 100. L'autorité de laquelle le cas relève doit contribuer la plus grande proportion des fonds. Est-ce ainsi que les choses se font? Le traité existe déjà entre le Nunavik et la Couronne, avec la participation du Québec également. La formule de financement qui a été négociée en 1975 est-elle adoptée?
Mme St-Aubin : Aux fins de ce programme de justice réparatrice, l'autorité est partagée. Ce n'est pas une autorité fédérale et ce n'est pas une autorité provinciale. Nous ne sommes pas à l'intérieur des établissements correctionnels. Par conséquent, nous avons signé une déclaration, en 2008 récemment, et nous avons un protocole d'entente avec le gouvernement du Québec préconisant un partage égal des coûts.
Le sénateur Watt : Et c'est pour cela que vous vous occupez du début et de la fin, mais pas du milieu.
Mme St-Aubin : Exactement.
Le sénateur Watt : J'ai bien compris. J'imagine que le programme sera offert, ou tout du moins les renseignements à son sujet, au gouvernement provincial seulement. La collectivité, les gouvernements local et régional qui pourraient avoir la responsabilité première au jour le jour y auront-ils accès également?
Mme St-Aubin : Les programmes communautaires ne sont pas créés par les provinces ni par le fédéral. Ils sont conçus par la collectivité elle-même, en partenariat avec les dirigeants locaux. Ce serait, par exemple, les organismes comme l'ARK de Nunavik.
Le sénateur Watt : Par exemple, s'il était nécessaire d'établir une société sans but lucratif dotée d'un conseil d'administration fiable qui sait ce qu'il fait, pour administrer ce type de programme et bénéficier d'une forte participation de la collectivité, une telle société aurait-elle accès à ce programme?
Mme St-Aubin : Oui.
Le sénateur Watt : Où peut-on faire une demande? J'en parle parce que je collabore à la création d'une telle société maintenant pour les jeunes contrevenants, et c'est précisément ce dont nous parlons.
Mme St-Aubin : D'accord. Je n'ai pas de formulaires de demande avec moi.
Le sénateur Watt : Ce serait très utile si je pouvais m'en procurer. C'était là toutes les questions que j'avais.
Mme St-Aubin : Parlant sérieusement, je dirais que notre réussite a eu le résultat malheureux de faire en sorte que nous avons de longues listes d'attente pour de nouveaux programmes. Nous ne pouvons pas répondre à ces besoins de nouveaux programmes et nous faisons face à des défis géographiques dans les régions comme le Nunavik. Il y a des problèmes d'autorité distincte, tout à fait autres que dans le cas du Nunavut et du Sud du Québec. À ce stade, nous ne procédons pas à des demandes de propositions ouvertes, parce que nous avons complètement dépensé nos fonds et l'avons fait depuis le début. Cependant, nous avons une liste d'attente de programmes.
Le sénateur Watt : Nous avons entendu une personne très intéressante la semaine dernière, je crois. Je parle de Mme Dickson-Gilmore. Elle a été fort impressionnante dans la façon dont elle a souligné certaines choses qui ne fonctionnent pas, comme des programmes qui sont déjà disponibles et qui ont été essayés. Elle nous a carrément dit : « Vous ne vous concentrez pas sur les bonnes choses. » Nous devrions nous concentrer sur le besoin en logement parce qu'un trop grand nombre de personnes, quelquefois trois ou quatre familles, vivent dans de petites maisons. C'était là une des questions qui ont été soulevées. Elle a aussi mentionné l'éducation. Nous devons affecter plus d'argent à l'éducation. Il y a aussi l'aspect qui est particulièrement vrai dans le Nord — dans l'Arctique —, le fait que notre pouvoir d'achat est quasiment nul. Les gens n'ont aucun moyen de joindre les deux bouts.
Par exemple, dans ma collectivité d'origine, qui est la plus proche du Sud, notre pouvoir d'achat ne s'élève qu'à 25 cents. Dans le Nord, les gens survivent-ils? Non, ils coulent. Ils n'ont aucun pouvoir d'achat. Ce sont là des questions sur lesquelles le gouvernement devrait se concentrer. C'est ce qu'elle a dit. Je vous encourage à diffuser cette information auprès des gens qui ont besoin de la lire pour qu'ils comprennent mieux ce qui se passe dans l'Arctique. Ce serait très utile. Je vous recommanderais de lire la transcription des témoignages de la semaine dernière. Je crois qu'ils seraient très utiles.
Le président : J'ai rencontré certaines personnes de l'Administration régionale crie. Certains des programmes sont financés par le fédéral, et un certain travail est donc fait. Je crois que cela inclut Grande rivière de la Baleine; par conséquent, certaines collectivités du Nord du Québec ont accès à un certain financement.
Le sénateur Watt : Je devrais faire une demande à chaque collectivité.
Le président : De fait, cela relève de l'Administration régionale crie. Je veux dire que certaines collectivités ont accès au financement et donc, demander l'accès n'est pas un problème. En revanche, obtenir l'argent est une tout autre chose.
Le sénateur Watt : N'oubliez pas, monsieur le président, quand vous parlez de Grande rivière de la Baleine, vous parlez d'une collectivité, mais dans un certain sens, il y a deux collectivités, deux systèmes entièrement différents, et c'est une toute petite collectivité.
Le président : Je comprends; elle est à moitié inuite et à moitié crie. Je voulais dire que la capacité de demander un financement et d'y accéder existe. La disponibilité des fonds est une tout autre histoire.
Le sénateur Tannas : J'ai entendu que vous avez des listes d'attente de programmes qui veulent obtenir un financement et se lancer. Nous avons entendu parler de la réussite de vos programmes dans l'ensemble. J'aimerais savoir comment vous mesurez la réussite des programmes que vous avez et, surtout, qu'est-ce qui vous fait déclarer un programme un échec, ce que vous faites dans ce cas, et combien de programmes avez-vous menés qui n'ont pas réussi? Quel est le roulement de vos programmes et comment communiquez-vous cela aux gens qui sont sur la liste d'attente, qui attendent qu'un programme échoue pour entrer dans le système?
Mme Merriam : On peut faire les choses de nombreuses façons. Malheureusement, ce ne sont pas tous les programmes qui réussissent, mais il y a de nombreux indices. Notre personnel travaille très étroitement avec les programmes. S'il y a des problèmes au niveau des résultats attendus et de la ponctualité des rapports, il travaille avec ses collègues provinciaux et l'organisme communautaire concerné pour tenter d'améliorer la situation. Parfois, cela ne marche pas et l'organisme échoue. Nous ne finançons pas des programmes nationaux. Nous finançons des programmes avec les provinces et les territoires dans une province et un territoire.
Si un programme échoue en Colombie-Britannique, nous passons au programme suivant sur la liste d'attente pour la Colombie-Britannique, et nous déterminons si nous pouvons utiliser l'argent.
Le sénateur Tannas : Je suis curieux. Quel est le pourcentage de réussite et d'échec?
Mme St-Aubin : Il est assez faible. L'an dernier, nous n'avons eu qu'un échec. Personne ne veut voir échouer un programme, et donc nous faisons notre possible, dans le cadre des affectations stratégiques que nous avons, pour encourager les collectivités à réussir. S'agit-il de renforcement des capacités? Nous essayons de découvrir ce qui se passe dans une collectivité particulière. La Stratégie relative à la justice applicable aux Autochtones de Justice Canada a été bénie en quelque sorte, car nous avons eu à ce moment-là les ressources qui nous permettaient d'installer notre personnel sur les lieux. Nous étions sur place; nous étions dans les collectivités, la main dans la main avec nos provinces, pour nous assurer que les collectivités disposent des outils dont elles ont besoin pour réussir; voilà pourquoi le taux de roulement est très faible et pourquoi, malheureusement, nous avons des listes d'attente.
C'était la première fois, je crois, depuis que je suis à la Stratégie relative à la justice applicable aux Autochtones, que j'ai vu deux échecs. J'utilise le mot « échec », mais en réalité, cet échec n'était pas celui de la collectivité. C'est le programme qui n'a pas réussi à cause de diverses obligations que nous devons respecter au gouvernement fédéral, comme la responsabilité financière. Ils approuvent des modalités et conditions, et respectent ces modalités et conditions. Nous faisons notre possible pour encourager ce programme communautaire à prendre racine. Des programmes équitables durables ont toujours été notre objectif, mais ce n'est pas toujours le cas.
La sénatrice Dyck : Le sénateur Tannas parlait de l'évaluation des programmes. Dans votre réponse, vous avez dit que les collectivités doivent accepter certaines modalités et conditions. Les modalités et conditions font-elles partie des critères que vous utilisez pour déterminer si un programme est réussi? Avant que vous ne répondiez à cela, je vous demanderais quelles sont les modalités et conditions? Pouvez-vous nous donner certains exemples de ce qui est considéré un programme qui a réussi par opposition à un programme qui a échoué?
Mme Merriam : J'ai oublié de mentionner que, comme nous sommes un programme de financement avec des subventions et contributions, nous devons être évalués tous les cinq ans. Nos renseignements concernant l'étude sur la récidive et la réussite de la stratégie sont fondés sur certains de ces travaux d'évaluation. Il y a des études de cas de différents groupes que nous avons financées. Tout cela en fait partie. D'autre part, nous avons une entente de contribution avec la collectivité au titre de laquelle celle-ci précise ce qu'elle prévoit faire, la façon dont elle prévoit diriger son programme et d'où viendront les participants. Nous convenons d'un montant d'argent, et elle convient de présenter des rapports financiers. Auparavant, cette tâche était très lourde, mais maintenant il ne s'agit que de deux rapports par année.
J'ai mentionné que parfois les rapports sont en retard. Nous essayons de déterminer pourquoi. Nous avons des obligations dictées par le gouvernement fédéral, et nous devons donc déterminer que le programme dessert effectivement des personnes réelles. C'est le genre de choses que nous cherchons à déterminer.
Mme St-Aubin : J'ajouterai à cela que notre cycle d'évaluation quinquennal est dicté par le Conseil du Trésor, comme dans le cas de tous les programmes. Nous avons intégré dans la conception de la SJA la tenue d'une analyse coûts-bénéfices permettant de déterminer combien les contribuables canadiens épargnent quand une personne participe à notre programme au lieu de demeurer dans le système de justice traditionnel. Nous procédons aussi à des études sur la récidive et des études de cas auxquelles les personnes participent volontairement, dans tout le Canada. Ces trois études, en plus de nos études internes sur les fonds de fonctionnement, constituent nos évaluations. Elles sont toutes disponibles en ligne; je vous encourage donc à les consulter.
Quant à ce qui définit la réussite d'un programme par opposition à un échec, comme le disait Mme Merriam, nous avons des ententes de financement. Les collectivités négocient, ou travaillent avec leurs dirigeants pour définir les points de référence, les plans d'activité et les plans de travail pour l'année, et ainsi de suite. C'est ce sur quoi nous nous appuyons quand nous communiquons avec les collectivités pour déterminer si elles atteignent leurs cibles. Ce sont elles qui établissent leurs cibles. Elles peuvent venir nous voir quand elles ont des problèmes ou quand elles n'obtiennent pas la déjudiciarisation. Des membres de la collectivité peuvent parfois nous appeler pour nous dire que personne n'est venu les aider lors de leur comparution en cour. Nous nous appuyons sur une multitude de facteurs pour déterminer si un programme est réussi. La collectivité est-elle servie selon les objectifs établis? Voilà pourquoi nous ne voyons pas beaucoup de programmes prendre fin. Nous tentons de travailler directement avec les collectivités pour régler ces problèmes de la façon qui les sert le mieux.
Nous voyons souvent des défis se présenter lorsqu'il y a un changement de gouvernance, quand la collectivité a de nouveaux dirigeants. C'est là que nous retournons à la case départ, parce que ces nouveaux dirigeants veulent savoir ce que fait le programme et si les efforts portent des fruits monétaires. Cela aide à déterminer si un programme a réussi ou a échoué. Si ces membres de la collectivité n'obtiennent pas les services établis dans l'entente, nous avons un problème, et nous tâchons d'en déterminer la cause.
La sénatrice Raine : Nos notes d'information mentionnent le Programme d'assistance parajudiciaire aux Autochtones. Pouvez-vous expliquer ce programme? Ce programme et la SJA sont-ils un seul programme? S'agit-il d'un programme différent, bien qu'il fasse partie du système de justice autochtone?
Mme Merriam : C'est un programme de longue date qui célèbre son 30e anniversaire cette année. C'est un tout petit programme dont le financement s'élève approximativement à 4,5 millions de dollars par année. Il partage les coûts avec les provinces et les territoires, et porte sur les conseillers parajudiciaires autochtones. Dans le cadre de ce programme, des conseillers parajudiciaires autochtones peuvent accompagner les présumés contrevenants autochtones dans la salle d'audience. Ils n'agissent pas en tant qu'avocats, mais ils peuvent aider en fournissant des orientations et un soutien. Ils expliquent au présumé contrevenant quels sont ses droits dans le système pénal. Ce programme fonctionne étroitement avec le programme de la SJA parce qu'il arrive parfois dans une collectivité que l'aide juridique de la collectivité soit la moitié du temps l'aide juridique de la collectivité et l'autre moitié du temps, le conseiller parajudiciaire autochtone.
Mme St-Aubin : J'ai toujours considéré le Programme d'assistance parajudiciaire autochtone comme notre programme jumeau — les deux côtés de la médaille, en quelque sorte. Nous œuvrons ensemble, car, au bout du compte, nous avons le même objectif : la santé de la collectivité. C'est notre objectif premier. Nous travaillons étroitement à l'échelle nationale avec les conseillers parajudiciaires et tentons de nous aider mutuellement par le renforcement des capacités. Nous travaillons en partenariat pour obtenir des fonds affectés aux capacités afin d'appuyer leurs activités. Ils sont dans la salle d'audience avec l'accusé, alors que nous n'y sommes pas parce que ce n'est pas notre rôle. Nous essayons de fournir au conseiller parajudiciaire le soutien dont il a besoin de sorte qu'il puisse communiquer cette information à l'accusé.
La sénatrice Raine : Toutes les collectivités des Premières Nations et autochtones dans le Nord y ont-elles accès?
Mme St-Aubin : Ce serait merveilleux, n'est-ce pas?
La sénatrice Raine : Quel pourcentage de nos collectivités aurait accès à un conseiller parajudiciaire?
Mme Merriam : Dans le Nord, quand c'est une cour de circuit, il arrive quelquefois que ce soit la seule personne qui soit là. Parfois, le conseiller parajudiciaire autochtone peut même agir dans le Nord comme avocat de la défense, mais ce n'est pas le cas dans le reste du Canada.
Non, toutes les collectivités n'ont pas un conseiller parajudiciaire autochtone, mais on fait tous les efforts possibles pour trouver quelqu'un. Par exemple, Vancouver a une cour communautaire qui peut voir n'importe qui. Ce pourrait être une personne autochtone affligée d'un problème de pharmacodépendance ou qui a été arrêtée pour cause d'introduction par effraction. Ce pourrait être une personne non autochtone, mais aussitôt que le juge constate que c'est une personne autochtone, il dit : « J'arrête là tout de suite. Je veux que vous alliez aux services d'assistance parajudiciaire aux Autochtones de la Colombie-Britannique, et je veux que vous ayez un conseiller parajudiciaire avec vous avant que je ne continue à entendre cette cause. » C'est une chose que les juges demandent assez couramment.
La sénatrice Raine : Merci beaucoup. J'ai besoin d'un éclaircissement. Je ne comprends pas très bien comment fonctionnent les cours de circuit dans le Nord, mais j'imagine que c'est un juge itinérant qui va dans les différentes collectivités. Le conseiller parajudiciaire se déplace-t-il avec le juge pour être disponible sur les lieux?
Mme Merriam : Cela pourrait être le cas, ou le juge pourrait venir dans une collectivité qui a son propre conseiller parajudiciaire autochtone.
La sénatrice Raine : Cela dépendrait-il de la taille de la collectivité et de son emplacement?
Mme Merriam : Oui.
La sénatrice Raine : En tout cas, y aurait-il dans les plus petites collectivités où va la cour de circuit quelqu'un qui pourrait accompagner le présumé contrevenant pour l'aider?
Mme Merriam : Dans l'idéal, oui, ou encore le soutien est fourni par téléphone. Ce n'est pas garanti.
J'ai été présente à une cour de circuit à Whapmagoostui, dans le Nord du Québec, et le juge, le procureur de la Couronne, l'avocat de la défense et le conseiller parajudiciaire autochtone étaient tous là. Le juge, le procureur de la Couronne et l'avocat de la défense étaient venus du Sud du Québec, mais le conseiller parajudiciaire autochtone venait du Nord.
Le sénateur Watt : J'ai une question de suivi concernant le conseiller parajudiciaire. Je sais comment cela fonctionne dans le Nord. En ce qui concerne le partage du coût de ce conseiller parajudiciaire particulier, qui en assume les frais? Comment une personne peut-elle devenir un bon conseiller parajudiciaire? Je sais qu'il faut avoir des titres de compétence dans ce domaine. Je me demande si cette personne peut se partager entre l'initiative de guérison autochtone pour les Autochtones qui s'occupent des jeunes contrevenants et le programme dont vous parlez, ainsi que les gouvernements fédéral et provincial ensemble?
En créant un instrument pour amener la collectivité à participer plus directement à la question, pourrait-on aboutir à la situation où ce conseiller parajudiciaire travaille pour les organisations sans but lucratif que j'ai mentionnées plus tôt?
Mme Merriam : Nous avons ce problème exactement avec le Programme d'assistance parajudiciaire aux Autochtones, tout comme avec la Stratégie relative à la justice applicable aux Autochtones. Tous les fonds sont alloués, puis nous partageons les frais des conseillers parajudiciaires dans une mesure égale avec la province. Cela se fait souvent par le truchement d'une agence particulière qui, elle, emploie un grand nombre des conseillers parajudiciaires.
Le sénateur Watt : C'est donc possible?
Mme St-Aubin : Oui. Ce sont les ONG ou les organisations qui recrutent les conseillers parajudiciaires; ce ne sont pas les gouvernements fédéral ou provincial.
Le sénateur Watt : Et qu'en est-il des besoins en infrastructure? Avez-vous un rôle à jouer pour ce qui est de déterminer les besoins en infrastructure? Votre mandat est de produire les programmes. Les programmes communautaires doivent être produits. Vous assumez le contrôle de cela, mais avez-vous aussi un rôle en ce qui concerne les besoins en infrastructure? Dans le Nord, nous n'avons absolument rien.
Il y a probablement tout d'abord ce dont je ne sais rien, c'est-à-dire le programme dont vous parlez. Il est déjà consacré aux régions du Nord. C'est très bien; j'approuve cela, mais qu'en est-il de l'infrastructure? Qui s'en occupe?
Mme St-Aubin : Je peux répondre au nom de la SJA. Je ne peux pas répondre pour les conseillers parajudiciaires. Nous avons des fonds destinés à défrayer les choses comme l'espace de bureau et les coûts de location. Nous ne construisons pas de nouveaux bâtiments dans le Nord; cependant, il y a certaines sommes qui sont allouées à ce genre de coûts administratifs.
Le sénateur Watt : Cela fait-il partie du programme que vous administrez?
Mme St-Aubin : Oui, mais là encore, cela dépend de ce que la collectivité a déterminé comme étant ses buts, et si elle les a désignés comme quelque chose dont elle a besoin.
Le sénateur Watt : Quand je parle d'infrastructure, je parle de bâtiments. Ils ne sont pas bon marché. Un bungalow de trois chambres coûte à peu près 350 000 $, peut-être même plus. On parle de sommes de l'ordre de peut-être 1, 2, voire 3 millions de dollars. Avez-vous des fonds de cet ordre?
Mme St-Aubin : Non. Malheureusement, non; ce n'est pas le cas. Nous ne construisons pas de nouveaux bâtiments.
Le sénateur Watt : Votre organisation peut-elle nous aider en nous aiguillant vers des moyens de déterminer comment défrayer les coûts d'infrastructure? Cela pourrait-il faire partie de votre responsabilité au niveau de la bonne marche de ces programmes? Vous pouvez avoir toutes sortes de bons programmes, mais si vous n'avez pas l'infrastructure dans laquelle travailler, qu'allez-vous faire?
Mme Merriam : Quand un nouveau programme s'adresse à nous, ou même dans le cas de notre programme de renforcement de la capacité, qui est simplement une subvention ou une contribution unique pour une année, les gens nous viennent avec des plans très ambitieux. Nous n'avons que 750 000 $ en tout; par conséquent, nous examinons de près les propositions pour déterminer s'il y a peut-être un élément que nous pourrions financer. Notre personnel offre des suggestions, à savoir si les gens ont envisagé de s'adresser à une fondation ou à RHDCC pour d'autres éléments de leur programme.
Le sénateur Watt : Avec qui traitons-nous? Traitons-nous avec le gouvernement fédéral puisque les coûts sont déjà partagés avec le gouvernement provincial? Comment travaillez-vous avec les deux autorités quand il s'agit des aspects administratifs? À qui nous adressons-nous? Nous adressons-nous au gouvernement provincial ou au gouvernement fédéral?
Mme St-Aubin : Cela importe peu. Au bout du compte, nous nous parlons très souvent. C'est un autre facteur de notre réussite. Nous avons des communications continues avec les provinces et les territoires dans le cadre de structures établies. Nous avons des groupes de travail qui se réunissent tous les mois.
Le sénateur Watt : Cela est à condition qu'ils ne commencent pas à se lancer la balle entre les deux autorités, ce que nous voyons souvent et qui n'est pas constructif.
Mme St-Aubin : Cela peut arriver. Je ne m'attarderai pas là-dessus. C'est quelque chose qui peut se produire et se produit effectivement dans certaines régions, parce que ce sont des autorités partagées, mais dans la plupart des cas nous essayons de trouver une solution et nous y réussissons très souvent. Des provinces se sont jointes à nous et nous travaillons ensemble depuis des décennies. En fin de compte, nous avons des personnes dévouées tant au niveau provincial et territorial qu'au niveau fédéral. Il arrive que certaines collectivités entrent en communication avec nos bureaux régionaux. Nous, en tant qu'organisme du gouvernement fédéral, entrons en contact avec le gouvernement provincial pour dire que nous avons une nouvelle collectivité qui veut se joindre au programme, ou nous travaillons ensemble là-dessus. Nous collaborons très étroitement.
Le sénateur Watt : Merci.
Le président : J'aimerais vous remercier pour votre exposé, pour d'excellentes questions et un très bon dialogue. Je vous remercie de votre présence ici et je remercie les sénateurs qui ont participé. Nous allons maintenant clore cette séance.
(La séance est levée.)