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APPA - Comité permanent

Peuples autochtones

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones

Fascicule 38 - Témoignages du 4 juin 2013


OTTAWA, le mardi 4 juin 2013

Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd'hui, à 9 h 37, pour examiner, en vue d'en faire rapport, les responsabilités constitutionnelles, conventionnelles, politiques et juridiques du gouvernement fédéral à l'égard des Premières Nations, des Inuits et des Métis, et d'autres questions générales relatives aux peuples autochtones du Canada.

Le sénateur Vernon White (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonjour. J'aimerais souhaiter la bienvenue à tous les sénateurs et aux membres du public qui regardent la séance du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones sur la chaîne CPAC ou sur le Web.

Je suis Vernon White, de l'Ontario. Je suis le président du comité. Notre comité a le mandat d'examiner les lois et les questions concernant les peuples autochtones du Canada. En nous penchant sur les études que le comité aimerait peut- être entreprendre, nous invitons de temps à autre des particuliers, des organismes et des ministères pour nous donner un aperçu des sujets de préoccupation relevant de leur mandat. Nous avons entendu récemment des témoignages sur les Autochtones dans le système de justice criminelle. Aujourd'hui, nous poursuivrons l'étude de ce sujet et entendrons un représentant de la Federation of Saskatchewan Indian Nations.

Avant de céder la parole à notre témoin, j'aimerais profiter de l'occasion pour demander aux membres du comité ici présents ce matin de se présenter. Je vais commencer par la vice-présidente.

La sénatrice Dyck : Bonjour. Je suis Lillian Dyck, de la Saskatchewan.

La sénatrice Lovelace Nicholas : Sénatrice Lovelace Nicholas, du Nouveau-Brunswick.

Le sénateur Watt : Sénateur Watt, du Nunavik.

Le sénateur Patterson : Dennis Patterson, du Nunavut.

Le sénateur Demers : Sénateur Demers, du Québec.

Le sénateur Tannas : Scott Tannas, de l'Alberta.

La sénatrice Raine : Sénatrice Greene Raine, de la Colombie-Britannique.

La sénatrice Seth : Asha Seth, de l'Ontario.

Le président : Chers collègues, veuillez vous joindre à moi pour souhaiter la bienvenue à notre témoin, M. Simon Bird, vice-chef de la Federation of Saskatchewan Indian Nations.

Vice-chef Bird, nous avons hâte d'entendre votre déclaration, qui sera suivie des questions des sénateurs. Je vous prie de commencer et, encore une fois, je vous remercie infiniment d'être venu aujourd'hui.

Simon Bird, vice-chef, Federation of Saskatchewan Indian Nations : Merci beaucoup. Je veux tout d'abord vous saluer dans ma langue.

[Note de la rédaction : M. Bird s'exprime en cri.]

J'ai dit que c'est un honneur d'être des vôtres aujourd'hui pour discuter d'une question aussi importante. Je remercie notre Créateur de nous avoir donné la chance de nous réunir aujourd'hui.

Sur ce, je ne consacrerai pas trop de temps à mes salutations. J'assume la gestion du portefeuille de la justice en tant que vice-chef de la Federation of Saskatchewan Indian Nations, qui représente 74 Premières Nations en Saskatchewan. J'ai œuvré dans le domaine de l'enseignement. Je suis enseignant de profession. J'ai ma maîtrise en éducation et j'ai vraiment eu l'occasion de passer beaucoup de temps dans des collectivités et des écoles ainsi qu'auprès des aînés des Premières Nations. L'expérience que j'ai dans le domaine de la justice se limite à nos aînés et à nos collectivités. Nous avons d'excellents employés à la direction, et voici ce que nous avons préparé.

Encore une fois, je vous remercie de me donner l'occasion de vous faire part de la perspective des Premières Nations concernant certaines des raisons pour lesquelles nous sommes surreprésentés dans le système canadien de justice criminelle, et de vous offrir certaines solutions pour régler ce grave problème.

Dans une province qui compte un million d'habitants, les Premières Nations de la Saskatchewan représentent 13 p. 100 de la population, mais 60 p. 100 de la population carcérale. Ces statistiques alarmantes montrent que la présence des membres des Premières Nations est plus élevée dans le système de justice criminelle que dans le système d'éducation postsecondaire au Canada.

De plus, Statistique Canada prédit que le taux d'incarcération chez les peuples des Premières Nations augmentera encore d'ici 2017 en raison des modifications apportées au Code criminel et des peines minimales obligatoires prévues dans la Loi sur la sécurité des rues et des communautés qui a été adoptée l'an dernier.

Les études, rapports et documents publiés par des universitaires n'ont guère changé la façon dont les Premières Nations interagissent avec le système de justice criminelle. Certains recommandent de remanier le système actuel, mais peu d'entre eux remontent au rapport Penner de 1983 et au rapport de la CRPA de 1996. Le rapport Penner a fait ressortir la nécessité d'établir de nouvelles relations, mais a clairement décrit les inconvénients de créer des liens par l'entremise du ministère des Affaires indiennes, qui exerçait un trop grand contrôle sur tous les aspects de la vie des membres des Premières Nations. La CRPA prépare le terrain pour établir de nouvelles relations, d'après les expériences passées, les circonstances actuelles et l'espoir pour l'avenir.

L'édification de notre pays repose sur le traité conclu dans les années 1870 qui visait à nouer des relations axées sur le respect mutuel et sur la coexistence. Nous n'avons pas tissé ce genre de relations. Nos vies ont plutôt été perturbées et les répercussions du colonialisme continuent indéniablement de se faire sentir de nos jours. Le génocide culturel et l'oppression caractérisent l'expérience qu'ont vécue nos familles et nos collectivités. Des mesures oppressives ont été mises en œuvre par les moyens suivants : le système des pensionnats indiens, où des enfants étaient arrachés de force à leur famille, la Loi sur les indiens, qui contrôlait nos vies à partir de la naissance jusqu'à notre mort et qui nous a enlevé nos lois et nos structures de gouvernance, le déni de notre droit collectif de vivre en liberté, en paix et en sécurité, et la criminalisation de nos cérémonies traditionnelles et de nos pratiques spirituelles.

Nous partageons ce passé, que nous soyons une collectivité des Premières Nations ou un centre urbain; la guérison et le rétablissement à la suite de la colonisation constituent des étapes importantes de notre cheminement. Nous devons décoloniser notre façon de raisonner et d'être pour rebâtir une identité autochtone saine pour nous-mêmes, nos familles et nos collectivités.

Le système de justice criminelle est témoin des symptômes des causes sous-jacentes telles que la toxicomanie, la violence, la colère, la vengeance, l'aliénation, la pauvreté, la marginalisation, la discrimination et le désespoir. De toute évidence, la réalité démographique des Premières Nations dans l'administration de la justice porte beaucoup sur le contrôle systématique sur l'autorité, les pouvoirs et les ressources, ce qui entrave la croissance, les possibilités d'épanouissement, les relations positives, les façons de coexister, la coopération et l'accès aux moyens de tirer un moyen de subsistance.

Pour apporter des changements positifs, il faut d'abord repenser les questions judiciaires, c'est-à-dire recentrer nos efforts sur les secteurs qui ont les plus grandes répercussions sur la vie des membres des Premières Nations. Ces secteurs sont la bonne gouvernance, l'apprentissage continu, le bien-être économique, et la santé et le bien-être social, ce dont je vais parler.

La gouvernance, et la justice en fait, repose sur les relations entre les gens, les institutions, les structures et les processus. Nous devons dissoudre notre réalité coloniale et rebâtir nos structures et nos processus de gouvernance axés sur les collectivités qui ont donné de bons résultats pendant des siècles.

Il faut d'abord rétablir la confiance, tout en sachant que nos traditions juridiques et notre droit coutumier sont ce dont nous avons besoin sur le plan culturel pour élaborer une vision collective afin de créer un mouvement en faveur du changement social. Il est bien connu que les sociétés qui appliquent une bonne gouvernance s'en tirent mieux sur les plans économique, social, politique et culturel.

Que devons-nous faire pour susciter des changements sociaux? Nous devons établir nos priorités, la justice étant l'une d'elles, faire participer nos membres et nos collectivités à l'établissement des priorités et élaborer nos plans d'avenir. Les collectivités comprennent leurs propres enjeux et doivent participer aux processus d'élaboration de solutions. La préparation au changement est un processus à long terme qui ne peut pas être dicté à l'externe ou par l'entremise d'une approche descendante. Le processus de reconstruction doit être mené au sein des collectivités.

Le deuxième volet de cette discussion porte sur l'éducation. Tout le monde fait partie du processus d'apprentissage, qui doit se dérouler dans un environnement respectueux et ouvert, où nous reconnaissons que les expériences d'apprentissage partagées sont la base du développement des collectivités et du renforcement des capacités. Nos langues autochtones sont cruciales pour comprendre et maintenir les enseignements qui mettent l'accent sur l'importance de la discipline, sur le respect des limites personnelles et sur l'acquisition de compétences pour adopter des modes de vie sains dans nos familles et nos collectivités.

Il est absolument essentiel d'avoir de bonnes écoles et de bons établissements d'enseignement postsecondaire pour susciter un changement social organisé. L'élimination des barrières doit faire partie intégrante des relations de façon permanente. Ces barrières ne disparaissent pas par elles-mêmes. Les médias jouent un rôle important quant à la façon dont les Premières Nations sont dépeintes et à ce que les gens apprennent à leur sujet. De meilleures communications et relations de travail assureront une couverture médiatique équilibrée.

Le troisième volet est le bien-être économique qui favorise la prospérité et préserve le respect de soi, la dignité et l'estime de soi. Pour connaître la prospérité, il faut une base économique qui inclut nos économies traditionnelles, le partage des ressources naturelles avec notre pays et un développement durable. La suppression des barrières systémiques offrira des possibilités équitables en matière d'emploi et donnera lieu à des changements durables.

L'augmentation de l'emploi dans les collectivités, des possibilités de carrière pour les jeunes et l'épanouissement personnel amélioreront le bien-être économique communautaire, donneront de l'espoir à nos membres et assureront la participation des Premières Nations à l'économie, un droit de tous les citoyens.

Le quatrième volet à examiner est la santé et le bien-être social. Le rétablissement des capacités communautaires est directement lié à la santé, à la guérison et au bien-être économique et social des Premières Nations, ainsi qu'à la capacité de gouverner et de contribuer à la collectivité, d'entretenir des relations saines et de vivre en paix. La liberté et la sécurité sont directement liées à la santé d'une nation. Les logements adéquats constituent une priorité absolue pour les Premières Nations, qui veulent des milieux de vie stables, sécuritaires et sûrs, pour renforcer la confiance et l'estime personnelle de nos membres et relever leur niveau de vie. Un logement convenable a un effet positif sur les capacités d'apprentissage des enfants et sur l'accès aux possibilités d'emploi.

Les quatre secteurs mettent l'accent sur la création de collectivités saines plutôt que sur des jugements punitifs et accusatoires. Les Premières Nations cherchent à établir des relations justes à long terme. Le processus de reconstruction mobilise beaucoup de temps et de ressources, mais apportera des changements durables pour la santé future de nos peuples et de nos collectivités. Le maintien de la paix et de l'ordre comprend la responsabilité de bâtir des institutions solides et stables. Pour se concentrer sur la mise en place d'un système efficace de relations justes pour les Premières Nations, il faut rétablir les formes de justice traditionnelles et les méthodes de maintien de la paix. Les gouvernements doivent soutenir nos gardiens de la paix autochtones sur le terrain pour qu'ils puissent combler adéquatement les lacunes dans les services de police offerts à nos collectivités. Les gardiens de la paix pour les Premières Nations doivent répondre aux besoins de ceux qu'ils servent.

L'entrée dans le système de justice criminelle commence avec la police. Les gardiens de la paix jouent un rôle de premier plan pour maintenir la paix et l'ordre dans nos collectivités et pour travailler avec les policiers dans un climat axé sur la collaboration et le soutien. La Federation of Saskatchewan Indian Nations a signé un protocole d'entente en juin 2012 dans le but de régler les différends dans les collectivités des Premières Nations et de prévenir les incidents qui risquent de dégénérer en situations de conflit. Le protocole est une étape importante pour renouer les relations entre la GRC et les Premières Nations. Toutefois, les recommandations et les pouvoirs discrétionnaires de la police et des tribunaux doivent encore être compris mutuellement. Toutes les parties devraient avoir la responsabilité de travailler ensemble afin d'encourager la participation communautaire.

Un tribunal de conciliation est un autre établissement de maintien de la paix moins officiel et moins accusatoire qui offre un processus visant à régler les problèmes dans les collectivités et qui est suffisamment souple pour trouver des solutions. Ce type de tribunal offrira un mécanisme d'intervention qui doit essentiellement être élaborée à l'interne. Lorsqu'une personne a un comportement négatif, la loi a été enfreinte et la relation doit être rétablie. Les approches doivent changer pour que les investissements fondés sur la prévention et les stratégies d'intervention, comme la mise sur pied de tribunaux de maintien de la paix, soient le fruit des collectivités qui mettent en œuvre des mécanismes d'intervention tels que le tribunal de maintien de la paix. Il est essentiel de comprendre les cultures autochtones. Toutes les questions sont intimement liées et doivent être traitées en tenant compte de ce fait.

Je vais maintenant revenir sur le sujet des collectivités. Lorsque nos citoyens sont incarcérés dans des établissements correctionnels provinciaux ou fédéraux, c'est toute la collectivité qui est touchée. Les forces de l'ordre arrêtent à plusieurs reprises les mêmes individus sur leur territoire. Malgré les investissements massifs effectués dans les ressources policières, judiciaires et correctionnelles, les taux de récidive chez les Premières Nations ne diminuent pas. Nous devons créer des options viables pour aider les individus à surmonter les barrières systémiques lorsqu'ils retournent dans la collectivité. Notre Indian Justice Commission a approuvé notre participation à un groupe multipartite qui tente d'optimiser l'utilisation des ressources et de trouver des solutions économiques qui appuieraient la réinsertion sociale réussie des contrevenants des Premières Nations. Il s'agit là d'un effort financièrement responsable.

La Cour suprême du Canada a reconnu que les Premières Nations étaient surreprésentées dans le système de justice criminelle et a mis en œuvre par voie législative l'alinéa 718.2e) du Code criminel, qui prévoit ceci :

[...] l'examen de toutes les sanctions substitutives applicables qui sont justifiées dans les circonstances, plus particulièrement en ce qui concerne les délinquants autochtones.

Vingt ans ont passé, mais les taux d'incarcération et de récidive chez les Premières Nations n'ont pas baissé; ils ont plutôt augmenté, et plus de prisons sont en train d'être construites.

Sur la scène fédérale, le Bureau de l'enquêteur correctionnel a déposé son rapport au Parlement. Le rapport d'enquête se penche sur le recours des dispositions aux articles 81 et 84 dans les établissements correctionnels fédéraux pour la période qui s'est terminée en mars 2012. Il présente quelques pratiques exemplaires et évalue l'engagement de Service correctionnel du Canada en vue d'adopter les principes énoncés dans la décision historique qu'a rendue la Cour suprême dans l'affaire R. c. Gladue, en 1995.

L'enquête conclut que SCC n'a pas respecté l'objectif que visait le Parlement avec les articles 81 et 84 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition. SCC a eu 20 ans pour régler les questions des relations, de la confiance et de la gestion du risque dans la mise en œuvre de l'article 81. De tous les éléments de la stratégie des services correctionnels de SCC, l'application et la mise en œuvre des principes énoncés dans l'affaire Gladue semblent être ce qui est le moins bien compris et le plus mal représenté. Le rapport recommande la création d'un poste de sous-commissaire des services correctionnels destinés aux Autochtones pour coordonner les composantes de Service correctionnel du Canada, les partenaires fédéraux et les collectivités autochtones; pour réaffirmer l'engagement de SCC aux pavillons de ressourcement prévus à l'article 81, avec la participation des aînés; pour réexaminer le recours aux ententes non fondées sur les installations en vertu de l'article 81 en tant que solutions de rechange aux pavillons de ressourcement; et pour établir un partenariat avec les conseils tribaux des Premières Nations, les Métis et les Inuits pour élaborer des protocoles afin d'appliquer l'article 84 dans les collectivités.

Mesdames et messieurs les sénateurs, voilà qui conclut mes remarques.

Le président : Merci beaucoup, monsieur Bird. Nous sommes ravis de vous avoir parmi nous et d'entendre vos observations.

La sénatrice Dyck : Monsieur Bird, vous nous avez fourni beaucoup de renseignements à digérer; vous nous avez donné un excellent aperçu de la situation. Une bonne partie de vos propos insistaient sur le fait que la collectivité doit s'engager à changer ce qui se passe actuellement concernant les détenus et que les membres des collectivités doivent participer à la mise sur pied de différents systèmes, tels que l'initiative des gardiens de la paix que vous avez mentionnée.

Ma question portera sur l'initiative concernant les gardiens de la paix autochtones. Vous dites que vous avez signé un protocole, et j'imagine que c'est avec le gouvernement fédéral, car il s'occupe d'un protocole d'entente entre la FSIN et la GRC. Je me demande si cette initiative était en place au préalable. Elle existe depuis peu de temps, mais avez-vous connu du succès avec l'initiative des gardiens de la paix? Je sais que je vous pose de nombreuses questions d'un seul coup. Pourriez-vous décrire l'initiative des gardiens de la paix? Que fait-elle concrètement?

M. Bird : Le protocole vise à regagner la confiance des gardiens de la paix, qui sont les agents de la GRC, les policiers dans nos collectivités. Comme vous le savez, un nouveau mouvement autochtone, qui a été lancé l'an dernier, a exercé énormément de pressions sur nos dirigeants et sur nos collectivités puisque le mouvement a vu le jour à cause d'un manque de confiance. Beaucoup l'appellent le mouvement Idle No More. Il nous appartient, et c'est essentiel pour nous en tant que dirigeants, de réaffirmer la confiance que nous avons envers nos citoyens des Premières Nations et de leur confirmer que les policiers ne sont pas là pour les espionner ou pour faire leur loi en quelque sorte. C'est l'une des principales raisons. C'était un événement majeur pour la signature du protocole, simplement d'essayer de rétablir les relations qui n'existaient plus. L'une des choses que j'ai dites, c'est que le maintien de la paix doit être assuré des deux côtés.

La sénatrice Dyck : Pour enchaîner là-dessus, supposons qu'il y a une réserve en Saskatchewan. Est-ce que chaque réserve a un gardien de la paix qui est un agent de la GRC, ou autre chose?

M. Bird : C'est quelque chose que nous essayons d'atteindre.

La sénatrice Dyck : Vous essayez qu'il y ait un agent de la GRC présent dans chaque réserve?

M. Bird : Oui.

La sénatrice Dyck : L'entente serait alors conclue entre la FSIN et le gouvernement fédéral, le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien?

M. Bird : Elle serait conclue entre la FSIN et la GRC.

La sénatrice Dyck : À ce propos, le protocole d'entente inclut-il entre autres des ressources pour réaliser cet objectif ou des programmes visant à former des hommes ou des femmes des Premières Nations pour agir à titre d'agents de la GRC dans les réserves?

M. Bird : C'est quelque chose que nous nous efforçons de faire. Malheureusement, nous n'avons pas été en mesure d'obtenir les ressources appropriées. Comme je l'ai mentionné, nous essayons de rassurer nos collectivités des Premières Nations en leur disant que les dirigeants préconisent une initiative dont les membres des collectivités ont besoin, c'est-à-dire une présence plus forte de la GRC pour maintenir la paix.

La sénatrice Dyck : J'ai quelques questions rapides à poser pour revenir à cette initiative de gardiens de la paix. Y a- t-il d'autres provinces, comme le Manitoba, qui auraient un programme semblable où un membre de la localité peut gérer les problèmes locaux?

M. Bird : Je l'ignore pour l'instant.

La sénatrice Dyck : Y a-t-il des exemples en Saskatchewan? Y a-t-il des réserves qui ont lancé cette initiative, et pouvez-vous voir si elle est efficace ou non et s'il s'agit d'une meilleure option? Si c'est une réserve près de Saskatoon, par exemple, il faudrait faire venir une personne de Saskatoon. Y a-t-il une réserve où nous avons des agents de la GRC sur place?

M. Bird : Vous parlez d'augmenter le nombre d'agents de la GRC dans une collectivité des Premières Nations?

La sénatrice Dyck : Oui. Avez-vous une idée du nombre de réserves qui sont capables de le faire?

M. Bird : Je n'ai pas le chiffre exact, mais je sais qu'à notre dernière commission de la justice, qui représente nos 74 Premières Nations et dont les membres sont nommés par les conseils tribaux, nous avons entendu un exposé des représentants de la Première Nation Beardy's et Okemasis, qui était en train de régler une affaire liée à une violation du traité concernant les services de police. J'ai eu l'occasion d'entendre l'un de leurs exposés, où ils expliquaient pourquoi ils estimaient que le manque d'agents de la GRC ou l'engagement dans leur collectivité constituaient une violation du traité. Ils ont dit que c'était parce que le temps passé dans la réserve était insuffisant et que le nombre de membres dans la collectivité était insuffisant. Ils voulaient plus de mesures préventives au lieu d'attendre que 10 plaintes soient déposées et que des agents de la GRC se présentent chez une personne et l'embarquent, pour faire en sorte qu'ils travaillent plus étroitement avec la collectivité. La Première Nation Beardy's et Okemasis représente plus de 30 autres Premières Nations qui ont signé cette plainte, car elles croient fermement que le niveau de service qu'offre la GRC aux Premières Nations est inadéquat.

La sénatrice Dyck : Vous dites qu'à Beardy, la GRC se pointe tout bonnement à la porte. Lorsqu'elle le fait, quelle est sa principale raison? Quelle est la plus grande source de plaintes?

M. Bird : Pour l'instant, je ne connais pas trop les statistiques et les raisons, mais à écouter les dirigeants, je sais que la communauté n'a pas vraiment besoin que ses membres soient envoyés en prison en guise de punition ultime. En cas de plainte de bruit, la communauté voudrait qu'un agent vienne cogner à la porte pour calmer les esprits, peut-être, avant que la situation ne dégénère. Or, les dirigeants semblent dire que la GRC n'intervient que lorsque le mal est fait. Puisqu'elle ne peut rien résoudre à ce moment, elle repart avec les fautifs, et la situation se répète dès que ceux-ci réintègrent la communauté.

La sénatrice Dyck : Si j'ai bien compris, on pourrait donc mettre un terme au comportement plus tôt, avant que la situation ne dégénère au point de devoir incarcérer ou accuser l'individu, n'est-ce pas?

M. Bird : C'est exact.

Le président : J'ai une petite question de suivi. Dans le cadre de la procédure de gardiens de la paix, des membres de la collectivité collaborent-ils avec la police pour essayer de désamorcer certains conflits?

M. Bird : C'est un des objectifs. Je ne peux toutefois pas vous donner de détails précis puisque je m'occupe du dossier depuis peu.

La sénatrice Lovelace Nicholas : Ma question fait suite à celles de la sénatrice Dyck. Vous dites essayer de rétablir les relations entre la GRC et les Premières Nations. Compte tenu des différences culturelles et du racisme, croyez-vous qu'il serait souhaitable de sensibiliser la GRC et les gardiens de la paix à ce sujet?

M. Bird : Je vous remercie de soulever ce point, madame la sénatrice Lovelace Nicholas. Cet argument a effectivement été avancé à quelques occasions. C'est une question de confiance. Dans mon rapport, j'ai aussi dit à nouveau qu'un tribunal pourrait tenter de résoudre les conflits au sein de la collectivité. Je pense toutefois qu'il serait encore plus utile que la GRC comprenne mieux la communauté à laquelle elle a affaire.

Je viens d'une collectivité nordique du nom de South End, en Saskatchewan. Même si le toponyme porte à croire qu'elle est située à l'extrême sud de la province, elle se trouve plutôt vers le nord. La collectivité est très isolée et se trouve à trois heures de La Ronge en direction nord, pour ceux qui connaissent bien le coin.

De temps à autre, des agents de la GRC y viennent et discutent avec les jeunes. Ils passent des soirées à les encadrer. En tissant ce genre de relation particulièrement propice à la confiance, ils évitent véritablement qu'un fossé se creuse entre la GRC et les Premières Nations, comme c'est parfois le cas. Comme vous le dites, une sensibilisation culturelle sera encore plus bénéfique, mais il faut renforcer la relation pour que le peuple de chaque Première Nation soit véritablement compris.

La sénatrice Lovelace Nicholas : La GRC obtient des contrats dans les collectivités. Le gouvernement a promis de les prolonger environ cinq ans, puis s'est rétracté. Que feront les gardiens de la paix et la GRC du côté des fonds d'infrastructure?

M. Bird : En tant que « politicien » — je n'aime pas employer ce mot —, il ferait partie de mon devoir de veiller à ce que nous comprenions les besoins de nos collectivités tout en défendant les intérêts des dirigeants.

Le sénateur Munson : Merci d'être avec nous, vice-chef Bird. J'aimerais maintenant parler d'éducation. Vous dites que vous êtes enseignant. Pour commencer, quelle matière enseignez-vous? Êtes-vous au primaire ou au secondaire? Je vais vous laisser répondre, après quoi je poserai d'autres questions.

M. Bird : Je donne des cours de niveau intermédiaire à l'université. J'ai aussi enseigné à des élèves d'environ neuf à 13 ans ayant des troubles comportementaux, en plus d'avoir été professeur au secondaire.

Le sénateur Munson : Il y a un vieux dicton qui dit « un esprit sain dans un corps sain ». La Saskatchewan est la province qui connaît la croissance la plus rapide chez les jeunes Autochtones de tous les niveaux au sein du réseau scolaire. Que constatez-vous lorsqu'un enfant fait son entrée dans le système? A-t-il un esprit sain et un corps sain, ou est-il en détresse?

M. Bird : Je pense que ces enfants ont les esprits les plus sains qui soient, surtout les plus jeunes. Le problème survient selon moi lorsqu'ils se rendent compte de la pauvreté qui les entoure. C'est à ce moment que leur esprit commence à se contaminer, à défaut de trouver un meilleur terme.

Le sénateur Munson : Ils vont à l'école, où vos collègues et vous leur enseignez de votre mieux. Pour une raison quelconque, ils finissent par se faire incarcérer et jeter en prison. Ce peut être dans un établissement spécialisé pour les jeunes ou ailleurs. Dans le système d'éducation, ils recevaient un enseignement. Ma question est peut-être naïve, mais ces jeunes hommes et femmes incarcérés peuvent-ils poursuivre leur éducation dans notre système judiciaire? Y a-t-il des programmes semblables qui tiennent compte du fait qu'ils ont fait une erreur et qu'ils sont derrière les barreaux? Y en a-t-il en Saskatchewan ou dans le reste du pays? Il y en a peut-être ailleurs, mais je n'en sais rien. Devrait-on offrir ce genre de programme? Devrait-on demander à des sages, des intervenants scolaires ou des éducateurs de poursuivre leur programme d'enseignement au sein du système judiciaire?

M. Bird : Autant que je sache, ce genre de programme existe. Lorsque j'étais directeur d'école et enseignant de niveau secondaire, un de nos jeunes avait séjourné dans un établissement correctionnel pour les jeunes de North Battleford. Son dossier cumulatif comprenait les résultats des cours qu'il avait suivis là-bas.

Le sénateur Munson : Il y a donc un système au sein des établissements carcéraux? À votre avis, pourquoi les individus qui sortent de prison y retournent-ils six mois plus tard? Quel est le problème? Où est la faille dans le système? Vous avez parlé d'un taux de récidive, ou d'un cycle. À mes yeux, il y a une lacune du côté de l'éducation, de la santé et des approches globales. Est-ce causé par les collectivités? Je me demande quels facteurs font en sorte que la situation se répète sans cesse. Certains de vos chiffres sont franchement déprimants, et vous dites que la situation empire.

M. Bird : J'aimerais encore parler du jeune de mon école, qui était très brillant. Il n'avait tout simplement pas eu la chance de grandir au sein d'une famille forte, par exemple, avec les nombreux avantages qui en découlent. À son retour au sein de la collectivité, ce jeune homme a dû faire des travaux communautaires, comme on dit. En raison de la petite taille de notre collectivité nordique, les occasions de bénévolat ou de travail sont rares et éparses. Il n'y a pas assez de possibilités d'emploi. Puisque nous avons une seule école et un seul gymnase, la majorité des jeunes actifs pratiquent un sport comme le volleyball, par exemple. C'est ce qu'ils font en soirée.

Ce jeune homme, qui était parti, revient ensuite quelque peu en marge de cette « petite société », disons. Puisqu'il n'y a pas assez de lieux récréatifs et d'occasions d'intéresser les jeunes, il a tendance à retourner au sein du même groupe de jeunes plus enclins à se mettre dans le pétrin par manque de motivation.

Le sénateur Munson : Comparativement à d'autres provinces, la Saskatchewan est en plein essor. Il semble se passer toutes sortes de choses là-bas. Vous nous avez donné les chiffres. Je pense que la plupart d'entre nous connaissent la composition de la population et savent que les Premières Nations représentent 12,5 p. 100 des citoyens. Tout d'abord, l'éducation des jeunes Autochtones leur permet-elle de s'intégrer au secteur des ressources et de profiter de tout ce qui se passe dans la province? Quoi qu'il en soit, obtiennent-ils leur juste part en matière d'embauche?

M. Bird : Je vais répéter la question pour être certain d'avoir parfaitement compris. L'éducation des jeunes Autochtones les prépare-t-elle bien au marché du travail?

Le sénateur Munson : C'est exact, mais aussi, sont-ils traités équitablement au sein de l'industrie compte tenu de leurs compétences? Peuvent-ils postuler pour des emplois touchant les nouvelles technologies? Peuvent-ils travailler dans divers secteurs des technologies émergentes de la Saskatchewan?

M. Bird : Revenons à la préparation des jeunes Autochtones au moyen de leur éducation. En fait, la formation qu'ils reçoivent ne répond pas aux normes. Puisque je viens du milieu de l'éducation, je connais les frais. Par exemple, ils sont en moyenne de 6 500 $ par enfant dans le système fédéral et les écoles de réserve, comparativement à 10 500 ou 11 000 $ par enfant dans les écoles provinciales.

La qualité de l'éducation n'est donc vraiment pas la même.

J'ai heureusement participé à une consultation provinciale, la Joint Task Force on Education and Employment, un groupe de travail mixte sur l'éducation et l'emploi. J'ai pu visiter des collectivités autochtones — des Premières Nations, des communautés urbaines et des Métis —, où j'ai cherché à savoir exactement ce qui fait défaut auprès de divers intervenants, comme des enseignants, des parents, des grands-parents et des étudiants. Tout le monde a signalé le manque d'investissement dans les écoles de Premières Nations. Bien des écoles provinciales de la Saskatchewan sont situées à moins de cinq kilomètres d'une collectivité de Premières Nations. Le parent ne réalise peut-être pas à quel point les Premières Nations sont démunies sur le plan de l'investissement en éducation. Il constatera toutefois que d'autres étudiants ont des activités parascolaires et des professeurs au niveau secondaire qui sont spécialisés en biologie, en chimie, et ainsi de suite, alors que les Premières Nations n'ont qu'un coordonnateur de loisir en soirée plutôt qu'un programme de football ou de soccer. Les parents sont souvent portés à penser que l'école provinciale est préférable, et c'est effectivement l'impression qu'on a. Cependant, bon nombre de nos collectivités font des merveilles malgré leurs ressources limitées. Sans vouloir mêler les pommes avec les oranges, l'industrie réagit favorablement et reconnaît qu'il faut investir dans les étudiants autochtones pour les préparer à l'emploi. Est-ce que c'est assez? Non, et c'est attribuable au manque d'investissement en éducation d'hier et d'aujourd'hui.

Le sénateur Sibbeston : Monsieur Bird, avez-vous l'impression que la société et les collectivités de Premières Nations en particulier accordent assez de temps et d'argent aux questions de justice concernant le peuple? Le Code criminel ne semble prévoir aucune disposition qui permettrait aux juges de proposer des solutions liées à la collectivité. Je sais par expérience que la justice réparatrice est la clé, mais ce sont les Premières Nations et le peuple autochtone qui doivent en prendre l'initiative. Les Blancs ne peuvent pas le faire à leur place. Je me suis toujours demandé ceci : en étant affairés à lutter pour rétablir la situation économique et mettre en place un bon gouvernement, entre autres, est-il possible que nous ayons mis à l'écart tout le cadre juridique et que nous n'y ayons pas suffisamment réfléchi ou consacré énergie et ressources? Avez-vous l'impression qu'on pourrait en faire plus à ce chapitre, et que la responsabilité incombe aux Premières Nations puisque personne ne peut le faire à leur place? Qu'en pensez-vous?

M. Bird : Avant de répondre, puis-je savoir qui mettrait la justice à l'écart, selon vous?

Le sénateur Sibbeston : Je suis un Autochtone qui vit dans une petite collectivité. Les choses vont bien à l'heure actuelle. La GRC a beaucoup d'influence là-bas. En cas de problème, de vol ou de blessure, les gens commencent par appeler la GRC. L'agent arrive dès lors sur la scène et prend en charge le responsable. Si le délit est grave, celui-ci ira en prison, alors que si c'est moins grave, il sera accusé et traduit en justice. L'appareil judiciaire s'en occupe. Voilà donc comment fonctionne le système de justice officiel. Or, nous savons tous que c'est loin d'être idéal. Il serait mieux que les collectivités s'occupent du problème avec la collaboration avec la GRC pour les enquêtes. À un moment donné, il faudrait porter l'affaire à l'attention de la collectivité pour régler le problème plutôt que de traduire l'individu en justice pour le faire incarcérer ou lui imposer une amende salée. Ce n'est pas nécessairement un criminel, et il s'agit plutôt d'un problème social. Avec un peu d'aide, il est possible de réhabiliter l'individu et de l'aider à se reprendre en main. Vous voyez ce que je veux dire.

Les collectivités ne pourraient-elles pas en faire plus à cet égard, plutôt que de simplement refiler le problème à la police et aux tribunaux, et de laisser les Blancs s'en charger? Lorsque je travaillais dans le milieu de la justice communautaire, je disais souvent au chef et aux collectivités d'agir plutôt que d'attendre que les Blancs s'en occupent, puisqu'ils en sont capables et savent comment s'y prendre. Il s'agit de le faire soi-même ou de laisser le sale boulot aux Blancs.

M. Bird : Je crois que vous avez soulevé un bon point, à savoir que bien des Premières Nations ont l'habitude de renvoyer le pouvoir et la responsabilité à d'autres. Je vais revenir sur l'éducation. Les enfants passent plus de temps à l'école qu'avec leurs parents. C'est donc l'établissement qui sert de modèle. Vous parlez de justice, mais bien des collectivités de Premières Nations ont l'habitude de composer le 911 pour régler le problème sur-le-champ.

Je conviens toutefois que la justice a été mise à l'écart. Mais ce n'est pas exclusivement au sein des Premières Nations qu'on observe le phénomène. La FSIN représente 74 Premières Nations et ne compte que deux employés du milieu de la justice. Ce n'est pas peu dire sur les priorités des gouvernements fédéral et provincial et sur ce qu'ils attendent d'une fédération comme la nôtre. Notre financement vient d'ailleurs d'être coupé encore plus. Je crois que les Premières Nations font un grand travail en matière d'avant-gardisme et de prévention, mais il n'y a pas suffisamment de défenseurs ayant l'autorité, les antécédents et l'expérience nécessaires pour être crédibles aux yeux des Premières Nations, alors que cette reconnaissance est essentielle.

Comme vous le savez, ce n'est que dans les années 1970 que le peuple autochtone a commencé fréquenter régulièrement les établissements postsecondaires, par exemple. Encore toute une génération a l'habitude de demander de l'aide à un service ou à un établissement donné en cas de problème. Ce n'est que récemment que nous avons choisi la voie de la justice réparatrice, lorsque nous avons pris conscience que les Premières Nations ont les outils nécessaires pour régler les problèmes au sein de leurs collectivités.

Le sénateur Sibbeston : Avez-vous déjà eu l'occasion d'aller voir les Navajos? Ils forment un grand groupe de Premières Nations qui vivent en Arizona et au Nouveau-Mexique. Leur façon de fonctionner a toujours incarné ce que les Premières Nations ou les Autochtones de notre pays pourraient faire. Ils ont leurs propres policiers, juges et lois. Ils ont des gardiens de la paix. J'ai toujours été d'avis que leur système est assez avancé. Il pourrait servir d'exemple. Si les Premières Nations étaient au courant de cela, elles seraient rassurées et voudraient peut-être faire la même chose et établir leur propre système.

Monsieur le président, je pense que nous devrions aller visiter les Navajos.

Le président : S'agit-il d'une question ou d'une observation?

Le sénateur Sibbeston : J'aimerais savoir si M. Bird a déjà eu la chance de rencontrer les Navajos et, si c'est le cas, je voudrais qu'il me donne son point de vue.

M. Bird : Je n'ai pas eu ce privilège, mais avant d'occuper mes fonctions actuelles, j'ai entendu beaucoup de bonnes choses sur la part incroyable de souveraineté qu'ont les Navajos.

Je reviens à votre question précédente sur la responsabilité. Une mesure faisant participer différents organismes a récemment été prise dans ma communauté, comme des membres du personnel de l'école, des services de santé et du bureau du conseil de bande. Cela inclut la GRC, les dirigeants, tout comme les commerçants locaux et quiconque a un rôle majeur à jouer — faute d'une meilleure expression, les institutions qui contribuent au développement de la collectivité. C'est un grand succès. En fait, j'ai découvert que d'autres collectivités font la même chose. Prince Albert a un programme reconnu à l'échelle internationale, qui est en fait un programme interorganismes, qu'on appelle « HUB », soit un centre de services. Je pense qu'il y en a un à North Battleford également. C'est une bonne façon de donner les moyens qu'il faut à la collectivité.

Si jamais vous allez au pays des Navajos, invitez-moi à vous accompagner s'il vous plaît.

Le président : Je suis ravi que vous parliez du modèle de centre de services. Je sais que le sous-ministre Dale McFee en est probablement l'un des plus ardents défenseurs, et je crois que ce sera vraiment un exemple à suivre. J'allais justement vous poser une question à ce sujet.

L'autre chose que vous avez dites, et je pense que le sénateur Patterson était premier ministre des Territoires du Nord-Ouest lorsque nous avons fait de la surveillance policière à Paulatuk. À l'époque, il y avait deux jours de surveillance policière par mois, et lorsque nous avons apporté des changements pour que des policiers y travaillent à temps plein, je pense que le taux de criminalité a augmenté de 700 p. 100. Auparavant, la communauté s'occupait elle- même des problèmes auxquelles elle faisait face. Dès qu'il y a eu la présence de policiers, ils sont devenus des problèmes pour les services de police. Rien n'a changé dans la communauté mis à part le fait que deux ou trois Blancs venant du sud vivaient là-bas dorénavant. Sinon, rien n'avait changé. Je vous remercie de votre observation, car je pense que le lieu importe peu. On s'attend à ce que la communauté ne règle pas ses problèmes, ce qui est malsain. Je pense que le modèle de centre de services fera une différence, et je suis heureux que vous l'appuyiez.

Je n'avais pas de question à poser. Je suis aussi coupable que le sénateur Sibbeston.

La sénatrice Raine : Vous avez tous les deux parlé du modèle de centre de services, mais je ne sais pas de quoi il s'agit. Pourriez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet? Certains d'entre nous ne connaissent peut-être pas le concept. De quoi s'agit-il exactement?

M. Bird : C'est essentiellement une démarche interorganismes. Une communauté compte différents services, comme ceux de l'éducation, de la GRC, des commerçants locaux, de divers intervenants de la communauté, qui se réunissent une fois par mois pour discuter. Lors de ces rencontres, la GRC dira peut-être le nombre d'accusations de conduites avec facultés affaiblies qui ont été portées et de cambriolages; ou les services de santé diront que l'abus de solvant augmente en flèche. Les représentants des services d'éducation diront combien il y a de nouveaux élèves dans la communauté. C'est vraiment une pierre de touche, si l'on veut, ou un regroupement d'organismes communautaires qui discutent non seulement des problèmes, mais également de solutions et de certaines des bonnes choses qui se passent. C'est peut-être la meilleure façon pour moi de décrire le centre de services. Il regroupe encore plus de gens dans les plus grandes communautés. Il y a non seulement des bénévoles, mais également des membres d'autres organismes, et on fait en sorte qu'ils puissent donner de leur temps au moins deux ou trois fois par mois. C'est un système un peu plus structuré par rapport à celui d'une collectivité qui doit dépendre des ressources qu'elle reçoit.

La sénatrice Raine : L'établissement d'un tel système mènerait-il à un meilleur engagement communautaire quant à ce qui cause les crimes?

M. Bird : Il ne s'agit pas seulement des causes. Ce sont plutôt les membres de la communauté qui sont touchés par les crimes et qui ont des intérêts en cause. En tant que représentant d'une école, il est dans mon intérêt de jouer un rôle au centre de services simplement pour connaître les activités de la GRC et la situation des dirigeants. Ainsi, si un enfant est entré par effraction dans un magasin, je peux écouter la version du propriétaire et m'occuper du dossier en ayant une meilleure perspective. Si je parle des problèmes de l'enfant aux membres des services sociaux, en tant que représentant de l'école, je peux utiliser cette information, plutôt que de sortir l'enfant de l'école pour mauvaise conduite en ignorant que je viens de l'amener à reprendre ses habitudes.

La sénatrice Raine : Merci. C'était très bien expliqué.

Le président : J'ai un DVD du sous-ministre Dale McFee, qui a déjà été chef de police de Prince Albert. Je le prêterai aux sénateurs qui aimeraient voir ce que représente le modèle de centre de services. Il est en anglais seulement. Il a été fait en Saskatchewan, mais je le prêterai aux sénateurs qui souhaitent le visionner. Je vous remercie de cette excellente explication.

Le sénateur Demers : Bonjour, monsieur Bird. Je vous remercie de votre excellent exposé.

J'ai deux questions. Premièrement, les jeunes femmes des Premières Nations en particulier sont surreprésentées dans le système correctionnel. Pourquoi est-ce le cas, selon vous? Quelles mesures préventives les collectivités des Premières Nations prennent-elles pour éviter que des jeunes femmes entrent dans le système, et quels sont les principaux obstacles auxquels les collectivités font face à cet égard? D'après ce que nous avons entendu lors de la dernière séance, il semble qu'il y ait plus de femmes que d'hommes en prison.

M. Bird : Je vous remercie de la question, sénateur. Comme je l'ai dit, c'est un nouveau dossier pour moi. Lors des quelques réunions que j'ai tenues, on ne m'a pas donné ce renseignement, et on ne l'a pas fait en prévision de ma comparution devant votre comité. Je ne peux donc pas vous expliquer exactement pourquoi autant de femmes membres des Premières Nations sont incarcérées ou quelles mesures de prévention sont prises à cet égard.

Je peux toutefois vous dire que j'ai eu l'occasion de visiter un pavillon de ressourcement. Lors de cette visite, de même qu'en parlant à l'enquêteur correctionnel, j'ai appris que c'est un moyen efficace. Il s'agit de sortir une membre des Premières Nations d'un milieu hostile ou d'une situation tendue et de lui donner la possibilité de s'outiller, à défaut d'un meilleur terme. J'ai vu que les pavillons de ressourcement comprennent des salles de cérémonie et qu'ils donnent la possibilité aux détenues de s'engager au sein de la communauté.

En parlant aux dirigeants, j'ai appris que malgré les excellentes possibilités offertes aux détenues d'entrer en contact avec les collectivités, c'était même encore plus vrai avec l'administration de l'établissement précédente. C'est quelque chose qui leur manque. Ils considèrent que c'est une façon très novatrice et productive de ressourcement pour les femmes membres des Premières Nations qui sont dans cet établissement, et ils aimeraient que cette possibilité revienne. Malheureusement, pour une raison ou une autre, l'administration de l'époque a retiré la capacité et la possibilité pour les femmes de participer dans la communauté. Je me rappelle que nos dirigeants des Premières Nations parlaient des danses du soleil et de la pluie et des fêtes de la communauté auxquelles les personnes avaient l'habitude de participer.

Le sénateur Demers : Au début de votre exposé, vous avez dit quelque chose qui m'a vraiment frappé. Soit dit en passant, vous avez dit beaucoup de bonnes choses, monsieur Bird. Il s'est écoulé 20 ans, et le taux d'incarcération a tellement augmenté et l'on construit d'autres prisons. Est-ce en raison d'un manque de structure? À mon sens, puisque cela a débuté il y a 20 ans, on aurait dû voir d'importantes améliorations et il ne serait pas nécessaire de construire autant de prisons. On en construit d'autres 20 ans plus tard. Pour réussir, il faut avoir un plan, une structure. On peut blâmer n'importe qui, mais il y a quelqu'un qui ne fait pas ce qu'il faut pour améliorer le sort des jeunes, de sorte qu'ils deviennent de bons citoyens. Nous construisons d'autres prisons. Quelle sera la situation en 2023?

M. Bird : Si j'ai bien compris, vous posez la question suivante : cela fait 20 ans que nous savons que nous avons un problème et nous continuons à construire des prisons, mais quelles mesures sont prises? Qui agira?

Le sénateur Demers : Oui.

M. Bird : Je vérifie dans mes notes pour savoir exactement à quel moment j'ai dit cela et de quelle façon je l'ai dit. Je m'en excuse; il y a beaucoup de griffonnages.

Le sénateur Demers : C'est à la page 9.

M. Bird : Merci beaucoup.

Le sénateur Demers : C'est vers la fin, quelques paragraphes avant la fin.

M. Bird : Merci. Pour une raison que j'ignore, c'est à la page 5 dans mes notes, mais j'ai trouvé le passage. Service correctionnel du Canada « a eu 20 ans pour régler les questions de relations, de confiance et de gestion du risque dans la mise en œuvre de l'article 81 ». Les articles 81 et 84 portent sur la participation des Autochtones. Ils font référence à la mise en œuvre du rapport Gladue. Je crois que c'était en 1995. Tout ce dont il est question, si je ne fais pas erreur, c'est qu'on n'a pas agi. Comme je l'ai dit, j'ai eu l'occasion de discuter avec l'enquêteur correctionnel du rapport, qui a été rendu public il y a deux mois — très récemment — et il convient que le système fédéral a failli à la tâche de s'assurer que le rapport Gladue est utilisé et qu'on prend toutes les mesures pour comprendre la situation du délinquant autochtone avant qu'il soit envoyé en prison. Après avoir lu un article au sujet du rapport Gladue, j'ai demandé à l'enquêteur correctionnel s'il est vrai que, comme le révèle l'article, l'Ontario et l'Alberta sont les seules provinces désireuses de suivre la recommandation. Il m'a répondu que c'était vrai. En fait, ce sont les deux seules provinces qui investissent du temps pour suivre les recommandations.

C'est tout ce que je peux dire concernant les raisons pour lesquelles nous construisons d'autres prisons. Je suppose que c'est ce qui résulte de la mission du gouvernement fédéral qui consiste à sévir contre la criminalité. En tant que membres des Premières Nations, nous avons toujours dit que les mesures de prévention sont préférables aux sanctions.

La sénatrice Seth : Je vous remercie beaucoup de votre présence. C'est très intéressant. Je constate qu'en Saskatchewan, « statistiquement, les Premières Nations représentent 59,99 p. 100 de la population carcérale de la province ». On dit ici que « d'après Statistique Canada, le taux d'incarcération des membres des Premières Nations augmentera encore d'ici 2017 en raison des modifications apportées au Code criminel et des dispositions obligatoires de détermination de la peine imposées par le gouvernement fédéral; les prisons jouent un rôle de plus en plus important dans la vie des membres des Premières Nations, [ce qui] ne fera que s'intensifier compte tenu de la Loi sur la sécurité des rues et des communautés adoptées l'an dernier ».

Pourriez-vous en dire un peu plus à ce sujet?

M. Bird : Pouvez-vous répéter la dernière partie de votre question, s'il vous plaît?

La sénatrice Seth : « D'après Statistique Canada, le taux d'incarcération des membres des Premières Nations augmentera encore d'ici 2017 en raison des modifications apportées au Code criminel et des dispositions obligatoires de détermination de la peine imposées par le gouvernement fédéral; les prisons jouent un rôle de plus en plus important dans la vie des membres des Premières Nations, [ce qui] ne fera que s'intensifier compte tenu de la Loi sur la sécurité des rues et des communautés adoptées l'an dernier ».

J'aimerais seulement mieux comprendre.

M. Bird : Merci beaucoup. Je suis heureux que vous souleviez la question. Les modifications au Code criminel et les peines obligatoires imposées par la Loi sur la sécurité des rues et des communautés, qui a été adoptée l'an dernier, renvoient à ce que j'ai dit précédemment. La mission visant à sévir contre la criminalité est de punir davantage. À ma connaissance, c'est la meilleure façon de la résumer. Cela renvoie également à ce que bon nombre de nos dirigeants ont dit dans le passé. L'une des raisons pour laquelle il y a autant de membres des Premières Nations dans nos prisons au départ, c'est qu'ils n'ont pas les moyens de recourir aux services d'un avocat, et nous avons — je ne sais pas comment on les appelle — l'aide juridique, les gens qui sont censés donner des conseils sur les lois. Essentiellement, ils disent à leurs clients que s'ils plaident coupables, ils n'auront pas à subir de procès. Ils leur disent que ce sera beaucoup plus facile, qu'ils retourneront dans leur communauté en moitié moins de temps s'ils sont déclarés coupables par le juge, le tribunal ou le jury.

C'est un traitement accéléré qui fait en sorte que les gens pauvres et défavorisés vont tout droit en prison. Si une personne connaît le système et est en mesure de payer un avocat, elle n'ira pas en prison. À mon avis, c'est ce que cela signifie. Si on a la mission de sévir contre la criminalité, ce sont uniquement les gens qui n'ont pas les moyens de payer un avocat et qui vont déjà directement en prison qui en subiront les conséquences. Selon moi, c'est ce que cela signifie.

La sénatrice Seth : Cela ne nuit-il pas aux gens qui sont incarcérés? Plus ils restent en prison longtemps, pire sera la situation.

M. Bird : Oui, il y a certainement des effets négatifs. Les membres de notre personnel et nos dirigeants disent que lorsqu'on a un système encore plus fignolé pour s'assurer qu'on attrape les méchants — je suis enseignant de profession et je tends à parler de cette façon —, alors on a vraiment un problème. On ajoute des règles pour une partie importante des gens qui, d'un point de vue statistique, iront en prison et ne connaissent pas le système juridique qui les y envoie.

La sénatrice Seth : Que contenait la Loi sur la sécurité des rues et des communautés, qui a été adoptée l'an dernier?

M. Bird : Je ne pourrais pas l'expliquer en détail, désolé. Selon l'information que j'ai eue, essentiellement, plus il y a de règles, plus cela cause des problèmes aux personnes qui sont touchées le plus par cette mesure, c'est-à-dire les Autochtones.

Le sénateur Patterson : Merci pour votre présentation. Elle fut très intéressante et détaillée.

J'aimerais mettre l'accent sur les thèmes que vous avez abordés dans votre présentation concernant les questions juridiques, de même que sur l'éducation. Je m'en remets à votre expérience en tant qu'éducateur, et aussi comme participant au groupe de travail conjoint sur l'éducation et l'emploi, si je ne me trompe pas.

C'est en quelque sorte le point de vue d'Ottawa, mais deux rapports importants sur l'éducation ont été produits l'an dernier : un de ce comité, et un autre d'un comité d'experts spécial créé par le ministre des Affaires autochtones et du développement du Nord canadien. Les recommandations contenues dans ces rapports auraient permis de remédier à la disparité du financement per capita dont vous avez parlé concernant les enfants autochtones par rapport aux systèmes d'éducation provinciaux.

Depuis que ces rapports ont été publiés, nous avons entendu que le gouvernement fédéral, AADNC et le ministre allaient donner la priorité à la réforme de l'éducation. Nous savons que le grand chef de l'APN a, comme vous, une vaste expérience dans le domaine de l'éducation, et il a indiqué vouloir faire de l'éducation une priorité. Il s'agit d'élaborer une loi sur l'éducation des Premières Nations qui permettrait de cibler les fonds fédéraux versés aux écoles, de veiller à ce que l'argent soit investi dans l'éducation et d'établir une formule qui serait plus efficace ou plus juste que les façons actuelles d'allouer du financement.

Vous qui êtes actif au sein des Affaires autochtones de la Saskatchewan et qui participez au groupe de travail conjoint sur l'éducation et l'emploi, pensez-vous qu'une loi sur l'éducation des Premières Nations pourrait nous aider à réaliser les objectifs d'apprentissage continu dont vous avez parlé, qui, on le sait, contribuent à réduire la criminalité? Je crois qu'AADNC consulte les Premières Nations actuellement à ce sujet. Avez-vous bon espoir que nous pourrons faire des progrès en ce sens et nous entendre sur les priorités?

M. Bird : Je suis heureux que vous ayez abordé la question de l'éducation. Il ne fait aucun doute que les mesures préventives ont une valeur inestimable quand il est question de criminalité.

Je tiens aussi à préciser, tout d'abord, qu'il n'est pas nécessaire d'adopter une loi sur l'éducation pour veiller à assurer un financement équivalent à celui que reçoit le système d'éducation provincial. C'est uniquement une question de priorité de l'administration responsable de l'éducation, c'est-à-dire le gouvernement fédéral. Pour ce qui est des consultations entre le ministère des Affaires autochtones et les Premières Nations, je crois qu'un comité sur l'éducation a fait le tour du pays en moins d'un an. On ne peut pas parler de consultations lorsque les membres du comité essaient de vous convaincre que la solution réside dans cette loi. À mon avis, qui est peut-être biaisé, il ne s'agit que d'une formalité.

Ai-je espoir que l'élaboration d'une loi sur l'éducation sera bénéfique pour les Premières Nations? D'après ce que j'ai entendu à notre dernière assemblée, il semble évident que bien des Premières Nations acceptent le fait que l'existence d'une loi sur l'éducation deviendra une nouvelle réalité au moment de son entrée en vigueur, en 2014. Elles croient qu'il est inutile de s'y opposer plus longtemps, car elle leur est en partie imposée. Toutefois, certaines Premières Nations estiment que puisqu'elles devront vivre avec de toute façon, aussi bien tenter de l'influencer un tant soit peu.

Ce n'est pas ce que j'appelle des consultations. Quand on respecte une personne, il convient d'établir une relation avec elle. Il ne suffit pas de lui dire : « Nous allons tenir des consultations; nous allons faire le tour du pays; nous allons être dans votre province, alors c'est à vous d'y être ou non; et nous allons vous parler de la loi peut-être deux fois au cours de la tournée du comité sur l'éducation. »

Le 8 février à Saskatoon, la majorité des Premières Nations ont conclu que ce n'était pas une façon acceptable de mener des consultations, et que l'obligation de consulter les Premières Nations n'était pas respectée lorsque seules quelques-unes étaient invitées à prendre part à une rencontre un après-midi. Le matin de cette prétendue consultation, on recevait les techniciens des Premières Nations, et en après-midi, les dirigeants. J'ai entendu plusieurs représentants des Premières Nations dire que si cette mesure devait avoir des répercussions sur les enfants, les 74 Premières Nations devraient pouvoir prendre part à un processus de consultation opportun. C'est tout ce qui manque.

Je suis tout à fait d'accord pour dire que nous devons travailler ensemble — les Premières Nations, le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial — afin d'atteindre le but ultime : une meilleure éducation pour nos enfants. Il ne faut pas brûler des étapes. Nous devons collaborer de façon productive. Je suis d'accord. J'espère que cela répond à votre question.

Le président : D'autres intervenants sont prévus pour le deuxième tour, alors je vous prierais respectueusement de garder les questions et les réponses brèves.

Le sénateur Patterson : Notre comité, qui a étudié la question, a recommandé l'adoption d'une loi sur l'éducation des Premières Nations, alors nous avons peut-être contribué au problème. Je ne sais pas.

L'éducation est pointée du doigt quand quelqu'un a des démêlés avec la justice. La préoccupation que nous avions, et dont nous ont fait part des dirigeants des Premières Nations actifs dans le secteur de l'éducation, c'est que l'argent alloué à l'éducation par le ministère des Affaires autochtones va aux conseils de bande à l'heure actuelle, et il peut être affecté à d'autres priorités. L'idée derrière la loi sur l'éducation était de faire en sorte que les fonds alloués à l'éducation aillent bel et bien aux écoles et aux élèves. Je vais seulement vous demander si vous croyez que c'est une solution sensée.

M. Bird : Je crois que vous voulez parler de la responsabilisation financière, sénateur, un sujet brûlant ces temps-ci, surtout dans notre situation actuelle. J'en ai justement entendu parler de la part d'un chef qui a à cœur le bien de sa collectivité et qui la défend avec ardeur. Il a déclaré que des gouvernements non autochtones ne respectaient pas les principes de responsabilisation financière, et pourtant, ce sont les Premières Nations qui sont touchées par de nouvelles lois à cet égard. Pourquoi y a-t-il deux poids deux mesures? Nous pensons que la responsabilisation financière devrait être l'affaire de tout le monde.

Je ne nie pas que certaines Premières Nations en profitent pour contrebalancer les coûts de l'habitation, par exemple, ou d'autres secteurs de leur collectivité qui sont sous-financés. Pendant ma courte carrière dans le domaine de l'éducation, j'ai été à même de constater que les enseignants sont sous-payés simplement parce que le système est sous- financé. Les écoles sont négligées tout simplement parce que l'éducation est sous-financée. Si les écoles, les enseignants et l'ensemble du système d'éducation sont floués parce que des conseils de bande siphonnent tout l'argent, je n'en ai jamais entendu parler.

Je suis ici pour servir les gouvernements des Premières Nations, mais les enfants demeurent ma priorité. Si je suis témoin d'une injustice, je le fais savoir, peu importe qui se trouve devant moi.

Le sénateur Tannas : Merci d'être ici, chef. Nous avons apprécié votre présentation. J'ai une question à vous poser très rapidement. Même si je vais essayer de faire un parallèle avec la justice, c'est malheureusement encore une question sur l'éducation. Pouvez-vous nous donner votre point de vue brièvement sur l'absentéisme et nous parler de votre expérience dans les collectivités où vous avez enseigné et de leur réaction face à l'absence des enfants à l'école?

M. Bird : C'est toujours un bon investissement de prévoir un point de liaison supplémentaire entre la maison et l'école pour les jeunes enfants ou les élèves qui en ont besoin. J'ai eu l'occasion de travailler comme agent de liaison communautaire à Saskatoon. Les parents qui n'ont pas les moyens de se rendre à l'école sont très heureux de savoir qu'une personne sincère et respectueuse s'informe des raisons de l'absence de leurs enfants. Dans les grandes villes et les grandes écoles, il est impossible de garder le fil avec tous les élèves. Il est très difficile d'avoir des préjugés et de se dire, par exemple, qu'un élève est absent parce qu'il habite dans tel ou tel quartier. Il doit peut-être garder des enfants ou peu importe. C'est un bon investissement d'aller plus loin.

Il faut d'abord et avant tout du financement — les investissements doivent être faits dans les écoles —, mais aussi des mesures de soutien pour veiller à ce qu'il y ait un lien étroit entre les écoles et les foyers. J'espère que cela répond à votre question.

Le sénateur Tannas : Merci.

Le sénateur Watt : Merci de votre présentation. Certains d'entre nous vivent dans un contexte semblable au vôtre. Vous habitez dans une réserve. Je n'habite pas dans une réserve, mais dans un certain sens, nos situations se ressemblent beaucoup. Je suis dans la région subarctique. Je comprends les points que vous avez soulevés.

J'aimerais souligner ce que nous a dit, il y a environ deux semaines et demie, la professeure Jane Dickson-Gilmore. Dans son exposé, elle nous a dit essentiellement que nous n'avions pas la bonne approche dans nos relations avec l'ensemble des Autochtones, qu'on parle des Premières Nations, des Métis ou des Inuits.

Lors de son témoignage devant le comité, Jane Dickson-Gilmore, professeure associée à la faculté de droit et d'études juridiques de l'Université Carleton, nous a indiqué que ses recherches auprès des collectivités autochtones lui ont permis de constater que les initiatives axées sur la justice communautaire et la justice réparatrice, de même que les réformes des peines d'emprisonnement, ne sont pas efficaces pour remédier efficacement à la criminalité et aux conflits au sein des collectivités autochtones, pas plus qu'elles ne fournissent de solutions au problème de la surreprésentation des Autochtones dans le système de justice pénale.

Que pensez-vous de cette affirmation, soit que les initiatives de justice communautaire et de justice réparatrice ne constituent pas une solution efficace pour remédier à la surreprésentation des Autochtones dans le système de justice pénale?

M. Bird : Merci de le signaler, sénateur. J'ai les notes concernant votre dernière réunion, et j'ai effectivement pris connaissance de ce témoignage. Je ne dirais pas que les initiatives de justice réparatrice ne fonctionnent pas. Je pense qu'elles n'ont pas été mises en œuvre adéquatement et qu'elles n'ont pas eu — je ne dirais pas le temps, mais l'occasion de faire leurs preuves. Je crois que la justice réparatrice est tributaire de ce que j'ai toujours soutenu, et je maintiens ce que j'ai dit : les Premières Nations connaissent leurs problèmes et connaissent les solutions. Pour revenir au point soulevé par le président, aux Territoires du Nord-Ouest, avant l'arrivée de la GRC, tout le système reposait sur la justice réparatrice. L'arrivée de la GRC et la hausse soudaine du nombre d'incarcérations, qui a grimpé de 700 p. 100, prouvent que les propos de la professeure sont invalides, à mon avis.

Le sénateur Watt : Dans un sens, elle faisait valoir que cela pourrait fonctionner. Mais je suis d'accord avec vous, il faut pour cela que les conditions économiques de la collectivité s'améliorent, car cela ne sert à rien si les choses demeurent comme elles le sont. Vous avez parlé d'investir dans les écoles, et je crois qu'il ne suffit pas d'investir dans les écoles pour combler ce fossé et permettre aux gens de rattraper ce fameux retard. Nous ne pourrons jamais combler ce fossé si la collectivité n'a pas l'impression de faire partie du système, qu'elle a les mêmes droits que le reste de la population canadienne et qu'elle peut en tirer les mêmes avantages. Ce n'est pas le cas en ce moment.

Je sais très bien que les membres des Premières Nations ne paient pas de taxes s'ils vivent sur une réserve. Les Inuits, eux, en paient, même s'ils habitent leurs propres terres de catégorie I, soit l'équivalent exact des terres de réserve. Il faut rectifier ce problème, car le pouvoir d'achat varie d'un endroit à l'autre. Vous êtes sans doute au courant, même si vous ne payez pas de taxes. C'est une réalité qui empêche peut-être l'économie de prendre de l'essor dans la collectivité, alors le fait que vous ne payez pas de taxes ne change pas vraiment votre style de vie.

D'une certaine façon, si le comité doit formuler des recommandations responsables, il ne doit pas que recommander d'investir dans les écoles, mais aussi d'investir dans le logement et de donner accès à de l'eau potable et à tout ce qui est accessible aux Canadiens. Nous sommes très loin de cela.

Ne pensez-vous pas que la justice réparatrice ne pourra être efficace que s'il y a un sentiment d'appartenance dans la collectivité? Quand il faut se conformer à un système qui n'est pas le nôtre, cela crée de l'animosité dans la collectivité. Il faut changer cela.

Si rien ne change, je n'entrevois pas un avenir positif pour notre peuple. Êtes-vous aussi de cet avis?

M. Bird : Vous voulez savoir ce que je pense à propos des taxes?

Le sénateur Watt : Non, ce n'est qu'un aspect de la question. Il ne s'agit pas que de cela.

M. Bird : Je vais tenter de reformuler toutes les opinions que vous venez d'exprimer. Vous dites que les Premières Nations ne paient pas de taxes, mais les Inuits, oui. Il faut remédier au problème pour que les Premières Nations puissent gagner un pouvoir d'achat.

J'habite à Saskatoon et je suis propriétaire d'une maison sur laquelle il y a une hypothèque, et je suis censé ne pas payer de taxes.

Le sénateur Watt : Si vous habitez à l'extérieur de la réserve, vous êtes censé en payer.

M. Bird : C'est exact. C'est ce que je dis.

Le sénateur Watt : C'est ce que vous payez.

M. Bird : C'est ce que je veux dire.

C'est à la collectivité de voir si ce sentiment d'appartenance doit faire partie de la solution. Je crois que les Premières Nations sont souveraines. Je ne peux pas parler au nom de toutes les Premières Nations. Ayant été responsable dans le passé des portefeuilles de la justice et de l'éducation, je n'ai pas eu l'occasion de parler des taxes.

Les nombreuses Premières Nations ayant signé la convention avec la fédération sont signataires d'un traité. Le gouvernement fédéral a des obligations à remplir en vertu de ces traités, et certaines n'ont jamais été remplies, c'est-à- dire celles liées à l'éducation, de même qu'à la justice et à la GRC. Je vous ai donné l'exemple de la nation Beardy's et Okemasis.

La solution que vous évoquez pour régler le problème pourrait fonctionner dans certaines parties du monde. Cependant, quand il est question d'une Première Nation signataire d'un traité ou d'une convention, la gestion de ses affaires et de ses collectivités lui revient à elle. À la fédération, je pense que ces Premières Nations sont souveraines. Je peux vous dire que certaines d'entre elles font un travail formidable pour protéger la petite parcelle de terres ancestrales qu'elles possèdent. La majeure partie leur a été dérobée.

Collectivement, ces terres font partie intégrante de l'identité des Premières Nations. Il a maintes fois été avancé que diviser ces terres en vue de gagner un pouvoir d'achat finit par miner le sentiment d'identité collective.

J'hésiterais beaucoup à dire qu'on règlerait le problème en obligeant les Premières Nations à payer des taxes. Cela remonte avant 1905, lors de l'établissement de la province de la Saskatchewan; avant les années 1870, avec la signature des traités; et avant 1492, à l'arrivée de Christophe Colomb.

C'est une question à laquelle seule une collectivité peut répondre, et c'est pourquoi l'obligation de consulter les Premières Nations est si importante. Quand des liens sont établis avec une Première Nation, il est possible d'avoir un dialogue, mais la décision revient à la Première Nation.

Le sénateur Watt : Vous avez parlé de la nécessité d'investir en éducation.

Nous croyons, vous et moi, que le gouvernement devrait investir davantage dans la collectivité, non seulement en éducation, mais aussi en infrastructure. Ce n'est qu'à ce moment que je pourrai dire que la justice réparatrice aura commencé à suivre son cours, mais tout dépend de la réaction de la collectivité.

C'est ce que j'essaie de dire. Je ne suis pas en désaccord avec vous au sujet des impôts. J'ai soulevé la question pour souligner que, même si les gens qui habitent dans les réserves ne paient pas d'impôts, leur pouvoir d'achat est limité.

Nous avons un problème similaire dans l'Arctique. Les citoyens qui vivent dans les réserves là-bas ne paient pas d'impôts, car il n'y a pas d'argent à faire dans les réserves.

M. Bird : J'ai visité l'Arctique; j'y ai des amis.

Concernant un investissement accru de la part du gouvernement fédéral, je ne crois pas que nous en demandons davantage. Les Premières Nations veulent ce qui devrait leur revenir de droit. C'est une dette qui doit être remboursée adéquatement.

De nos jours, il n'y a aucune raison pour que les écoles des Premières Nations soient moins financées que les écoles du réseau scolaire des provinces.

Le sénateur Watt : Dans une certaine mesure, plutôt que de parler d'un cadeau du gouvernement fédéral, vous dites que cela devrait faire partie des redevances auxquelles vous avez droit. C'est bien cela?

M. Bird : J'hésite à parler de « redevances » pour le moment, car j'ignore si c'est le terme approprié. Pour cette raison, je préfère ne pas répondre.

Le sénateur Watt : Disons cela différemment : vous voulez que les Premières Nations aient accès à des ressources.

M. Bird : J'ai souvent dit que les Premières Nations doivent avoir accès à des ressources. On entend parler de l'économie traditionnelle. Il doit y avoir un équilibre entre la propriété des terres et la capacité de les utiliser de façon juste, équitable et durable pour profiter des nouvelles économies qui frappent à nos portes.

La sénatrice Dyck : J'aimerais revenir au système de justice pénale. Vous avez parlé, dans votre exposé, de la prévention du crime. En réponse à une question, vous avez donné l'exemple d'un jeune qui avait dû réintégrer la collectivité après avoir été libéré d'un établissement quelconque. Existe-t-il des programmes autochtones qui traitent précisément de la réintégration des jeunes qui ont eu des démêlés avec la justice?

M. Bird : Pas à ma connaissance.

La sénatrice Dyck : Dans le même ordre d'idée, la réintégration des jeunes, comme des adultes, dans la collectivité a probablement un impact considérable sur la baisse du taux de récidive. Ce qui m'inquiète, c'est que, comme nous le savons, la majorité de la population autochtone est âgée de moins de 25 ans. Donc, selon vous, devrait-on mener une étude sur les jeunes Autochtones afin de trouver des façons de corriger le tir, d'éviter qu'ils commettent des méfaits et de les réintégrer si jamais ils s'éloignent du droit chemin? L'éducation sera également utile à ce chapitre, notamment dans les collectivités où les jeunes sont plus susceptibles de commettre des méfaits. Selon vous, une telle étude serait-elle importante et utile?

M. Bird : Absolument. Il est clair que chaque fois qu'une étude est menée avec la participation du Sénat, qui a le pouvoir de commander de telles études, nous appuyons l'initiative.

La sénatrice Dyck : Je vais m'éloigner du sujet, comme bon nombre d'autres ont fait avant moi, et revenir sur l'école buissonnière. Je n'ai jamais fait l'école buissonnière, malgré toutes mes années études. Mais, je me souviens que mon frère aîné, alors en première ou deuxième année, à North Battleford, et un ami à lui dont le père était un agent de la GRC, se sont fait surprendre à faire l'école buissonnière. Ce fut l'expérience de mon frère.

Le président : Je suis convaincu qu'il sera heureux d'apprendre que vous en avez informé tout le pays. Il vous en sera reconnaissant et nous nous assurerons qu'il est au courant.

La sénatrice Raine : J'aimerais revenir au protocole signé en 2012 avec la GRC. Selon les Premières Nations de la Saskatchewan, à quoi ressemblerait le service de police dans les réserves? Serait-il assuré par la GRC, le service de police de la réserve, comme chez nous, en Colombie-Britannique, ou les gardiens de la paix? Vous dites que pour assurer la paix et la sécurité dans les réserves, le service doit être interne. Comment voyez-vous cela et quelles seraient les étapes à suivre?

M. Bird : Selon la FSIN, dont le mandat est fixé par l'Assemblée générale des chefs des 74 Premières Nations, la solution idéale est que les Premières Nations puissent jouer un rôle direct sur le plan de la justice réparatrice ou, dans ce cas, du service de police, chaque fois que c'est possible. Concernant le service de police de la réserve, certaines Premières Nations ont décidé d'adopter leur propre système de sécurité, ce qui cadre avec la vision globale des Premières Nations. Si le service de police de la réserve n'est pas une option, alors un service adéquat, avec suffisamment de ressources, assuré par la GRC serait acceptable.

La sénatrice Raine : Vous dites qu'une bonne gouvernance dans les réserves est essentielle à la réussite de ce genre d'initiative. À mon avis, le modèle de centres de service est partie intégrante de cette structure de gouvernance. De nombreuses choses doivent être mises en place. C'est l'œuf ou la poule, en quelque sorte. Sur le plan de la gouvernance, quel est le rôle des Premières Nations en ce qui a trait à la justice réparatrice et aux services de police?

M. Bird : Cela doit venir de la collectivité. La gouvernance des Premières Nations est dictée par les membres de la collectivité autochtone. Il n'y a pas meilleure ressource pour représenter les intérêts de la collectivité au sujet des services de police que des membres des Premières Nations ayant la capacité et le pouvoir de mettre de la pression sur le gouvernement des Premières Nations. De nombreuses collectivités des Premières Nations ont un conseil de gestion des services de police composé de membres de la collectivité. Souvent, le leadership — la gouvernance — constitue une mesure de soutien. Plusieurs Premières Nations ont adopté une approche de l'intérieur vers l'extérieur. D'autres collectivités devraient suivre leur exemple.

Le président : La façon dont les choses progressent en Saskatchewan me rassure beaucoup. Je connais le sous- ministre là-bas et je crois qu'il appuie fortement la réussite des collectivités. Je sais aussi que vous aurez le soutien du commandant de la GRC.

J'ai beaucoup aimé vos commentaires ainsi que la franchise dont vous avez fait preuve dans vos échanges avec les membres du comité qui, parfois, s'éloignaient du sujet. Vous avez fait du bon travail pour les ramener à l'ordre. Merci beaucoup. La séance est levée.

(La séance est levée.)


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